FACULTE DE DROIT ET DES SCIENCES POLITIQUES
Année universitaire 2012-2013 Master II Droit
Privé Général
Les litiges entre parents à propos
de la circoncision de leur enfant
Mémoire présenté et soutenu par
Ismahène CHAMKHI
Sous la direction de Monsieur le Professeur Rafael
ENCINAS DE MUNAGORRI
Membres du Jury :
Monsieur Rafael ENCINAS DE MUNAGORRI, Professeur à
l'Université de Nantes Monsieur Xavier GODIN,
Professeur à l'Université de Nantes
A Julien.
2
3
Je remercie le Professeur Rafael Encinas de Munagorri, pour son
soutien,
sa disponibilité et ses précieux conseils.
Je remercie aussi le Professeur Xavier Godin, le Professeur
Dominique Gaurier
et Monsieur Sayyed Hesamoddin Sayyed Esfahani, pour l'aide
qu'ils ont apporté
à l'élaboration de ce
mémoire.
Je remercie enfin Madame Françoise Le Fichant, Monsieur
Derek Wilson, Madame
Marie-Christine Briand et Monsieur Lionel Andreu, pour
leurs encouragements au
cours de ces cinq dernières années
d'études.
4
Sommaire
INTRODUCTION
PARTIE I - LA STRUCTURE DES CONFLITS
CHAPITRE I - L'ACCORD DES PARENTS LEGALEMENT EXIGE POUR LA
CIRCONCISION RITUELLE DE L'ENFANT
Section I - Une prérogative parentale
exclusive
Section II - Une prérogative parentale appartenant aux
deux parents
CHAPITRE II - LE DESACCORD A PROPOS DE LA CIRCONCISION DE
L'ENFANT OBSERVE CHEZ CERTAINS COUPLES MIXTES
Section I - Les difficultés de certains couples
mixtes
Section II - Des difficultés aggravées par le
symbolisme de la circoncision
PARTIE II - LA RESOLUTION JUDICIAIRE DES LITIGES
CHAPITRE I - LA RESOLUTION DES LITIGES PREVENTIFS
Section I - Les contentieux de l'autorisation et de
l'interdiction de faire circoncire l'enfant
Section II - Le contentieux de l'exercice de
l'autorité parentale CHAPITRE II - LA RESOLUTION DES LITIGES
RETROSPECTIFS
Section I - Le contentieux du divorce : l'absence de faute
au sens de l'article 242 du Code civil
Section II - Le contentieux de la responsabilité
délictuelle Section III - Le contentieux de l'autorité
parentale
CONCLUSION ANNEXE N° 1 ANNEXE N° 2
BIBLIOGRAPHIE
INDEX ALPHABETIQUE
TABLE DES MATIERES
5
Introduction
1. Le terme « parent » vient du latin «
parens », du verbe « parere », qui signifie
« enfanter ». Dans la langue arabe, le parent est appelé
« el walidou », qui signifie « celui qui met au monde
». Ces cultures s'accordent à définir le parent par sa
fonction. Il est celui qui enfante, celui qui crée un enfant. Cette
« création » passe par la conception et par la gestation, mais
pas uniquement. Car l'enfant c'est bien cette oeuvre, cet être en
devenir, innocent et inconscient, qui se construit autour de ses parents puis
de son environnement.
2. La psychologie du développement nous enseigne que
l'enfance est dans son ensemble un moment clé dans la construction de
l'être, mais aussi dans ses diverses phases. La psychanalyse de Sigmund
Freud a organisé sa théorie de la psychologie de l'enfant autour
de conflits affectifs et sexuels1.
Carl Gustav Jung percevait la construction de l'être
sous un angle plus dynamique. Cette construction passe par son «
individualisation », c'est-à-dire par sa capacité à
devenir un individu, synonyme de développement tant mental que physique.
Jung ajoute que la croissance de la personnalité se fait aussi à
partir de l'inconscient. L'individualisation est selon lui un processus de
différenciation psychologique, destiné à harmoniser les
rapports du conscient avec l'inconscient, et ayant pour but le
développement de la personnalité de l'individu2.
Jung ne réduit pas le processus d'individualisation au
simple stade de l'enfance, et l'élargit à toute la vie de
l'être humain. Il admet tout de même le particularisme de l'enfance
: « (...)les premières impressions de l'enfance accompagnent
l'homme dans toute sa vie et certaines influences éducatrices ont le
pouvoir de le maintenir toute sa vie aussi, dans certaines limites.
»3 . Il met également l'accent sur la difficulté
de la
1Freud distingue ainsi cinq stades de
développement définis en fonction du déplacement de la
zone érogène chez l'enfant. Au cours du premier stade, dit «
oral » (de 0 à 1 an), l'enfant prend son plaisir par l'acte de
manger. C'est le moment où l'enfant absorbe le monde extérieur,
que ce soit de la nourriture ou des informations sensorielles. Lors du
deuxième stade, dit « anal » (1 à 3 ans), l'enfant
prend conscience de sa puissance sur le monde. Lors du stade « phallique
prégénital» ou « oedipien » (3 à 6 ans),
l'enfant découvre son corps et prend conscience de sa sexualité.
C'est un stade où sont observées les prémices de
l'affirmation de soi et de la mise en place de l'identité sexuée.
La période de « latence » (6 à 12 ans) est une
période de socialisation de l'enfant. Son intérêt devient
intellectuel et son attention est davantage dirigée vers
l'apprentissage. La transmission par les parents de leurs valeurs et de leur(s)
culture(s) sera particulièrement influente durant cette période.
Enfin, durant le stade « génital » (adolescence),
l'identité, notamment sexuelle, se forme.
2Voir notamment C.G.Young, Types psychologiques
(1921), éditions Georg, 1977.
3Carl Gustav Jung, L'âme et la vie,
trad. Roland Cahen et Yves Le Lay, Paris, Buchet/Chastel, 1963, p 400.
6
mission éducative :« Qui veut éduquer doit
lui-même être éduqué. (...) On dit continuellement
qu'il faut développer la personnalité de l'enfant. J'admire bien
entendu ce haut idéal d'éducation. Mais qui éduque en vue
de la personnalité ? La première place, la plus importante, est
occupée par des parents d'ordinaire incompétents qui, bien
souvent, restent toute leur vie à moitié, sinon tout à
fait, des enfants »4.
Mais pour Alfred Adler, les aspirations humaines sont avant
tout tournées vers l'avenir, et ne se limitent pas aux fruits de moteurs
inconscients ou d'expériences infantiles. Il voit l'enfance, et plus
précisément le stade de nourrisson, comme la première
situation d'infériorité que connaît l'individu (impuissant,
le nourrisson dépend absolument de l'aide des personnes de son
entourage) et de la manière dont l'individu va surmonter cette
première situation d'infériorité, va dépendre la
façon dont il sera en mesure d'affronter plus tard les défis de
la vie.
Adler va même plus loin, en s'intéressant
à la « corrélation précoce » entre la
mère et l'enfant. Celle-ci va crée chez l'enfant un sentiment,
qu'il nomme « esprit communautaire », qui devient une part
inconsciente de sa personnalité. L'esprit communautaire serait la mesure
de la santé psychique de l'individu. Or, le corps et la psyché
sont primordiaux pour lui. Car, toute au long de sa vie, ils auront tendance
à compenser ses problèmes de santé et, plus
généralement, les difficultés de la vie 5.
3. Parmi ces différentes analyses, ce que le juriste
doit surtout retenir, c'est que l'enfance, tant dans son ensemble que dans ses
différentes étapes, est fondamentale dans la construction (tant
physique que psychique) de l'être. C'est dans ce caractère
fondamental qu'apparaît l'importance, et la difficulté, de toute
décision prise (ou à prendre) par les parents sur l'enfant. Parmi
elles, il existe des choix plus difficiles que d'autres, des choix plus intimes
que d'autres, qui concernent à la fois la culture, la moralité et
le corps de l'enfant, voir aussi sa sexualité. La difficulté de
ces choix peut être source de tensions entre les parents.
4. C'est dans ce contexte que la circoncision de l'enfant
apparaît comme l'une des décisions les plus difficiles à
prendre pour le couple. La circoncision, du verbe circoncire, vient du latin
« circumcidere », qui signifier « couper autour
». Elle est appelée en Hébreu, « berit milah
» et en Arabe « tahara », ou encore «
khitan ». Dans
4Carl Gustav Jung, Problèmes de
l'âme moderne, trad. Yves Le Lay,. Paris, buchet/Chastel, 1991.op.
Cit., p 246-247.
5« L'enfant, s'il n'est pas trop anormal, comme l'est par
exemple l'enfant idiot, se trouve déjà sous la contrainte de ce
développement ascendant qui incite son corps et son âme à
la croissance. La lutte pour le succès lui est déjà
tracée par la nature. Sa petitesse, sa faiblesse, son incapacité
de satisfaire ses propres besoins, les négligences plus ou moins grandes
sont des stimulants déterminantes pour le développement de sa
force. Sous la contrainte de son existence imparfaite, il crée des
formes de vie nou - velles et parfois originales. Ses jeux, toujours
orientés vers un but futur, sont des signes de sa force
créatrice, qu'on ne peut nullement expliquer par des réflexes
conditionnés. Il bâtit constamment dans le néant de
l'avenir, poussé par la nécessité de vaincre.
Envoûté par le « Tu dois » de la vie, il est
entraîné, avec toutes les exigences inéluctables qui
s'attachent à elle, par l'envie sans cesse croissante d'atteindre un
objectif final, supérieur au sort terrestre qui lui était
assigné. Et ce but qui l'attire s'anime et prend des couleurs dans
l'entourage restreint où l'enfant lutte pour triompher». Alfred
Adler, Le sens de la vie, Étude de psychologie individuelle
(1933), Page 58.
7
son sens le plus strict, la circoncision désigne
l'ablation du prépuce6. En ce sens, il s'agit plus d'une
posthectomie que d'une circoncision. Il serait en effet réducteur de
définir la circoncision en s'arrêtant à sa simple technique
opératoire, parce qu'elle est avant tout un rite, une coutume.
5. L'anthropologue et psychanalyste Malek Chebel rapporte que
le rite en lui-même se compose de plusieurs parties : la
préparation, l'ablation, la cure et la postcure. La préparation
connaît pour sa part une variation infinie de modèles. Chaque
culture, chaque civilisation, parfois chaque région a sa propre
façon de conditionner, tant psychologiquement, que physiquement, le
jeune garçon avant l'opération. Le même constat s'impose
à la lecture des différentes façons de pratiquer
l'ablation.
Les intentions dans lesquelles on circoncit le jeune
émule étant différentes, les outils employés sont
divers et les façons de faire varient sensiblement. Un
cérémonial haut en couleur accompagne la circoncision juive et
arabe, sans pour autant égaler celui des Africains qui en font une
affaire de la plus haute importance. Tout le village y participe, la
cérémonie réunissant souvent une
confédération de villages dont les membres sont
apparentés. Dans la plupart des cas, l'ablation du prépuce du
garçonnet offre la possibilité à sa famille d'exprimer sa
joie, la circoncision étant entendue comme une fête. L'âge
du circoncis varie lui aussi selon les cultures, les époques et la
fortune des familles. Si le rite est rigoureusement établi au
septième jour (huitième si l'on compte le jour de la naissance)
par la loi hébraïque, tous les cas de figure se retrouvent dans le
monde. Aujourd'hui, elle est à peu près pratiquée entre 3
et 7 ans dans les pays arabes et entre 7 et 10 ans en Afrique
noire7.
6. Ces variations dans la conception du rite s'expliquent par
l'ancienneté de la circoncision, dont l'origine se perd dans la nuit des
temps. Au fil des siècles, cette coutume s'est propagée dans
différentes civilisations, sous des formes sensiblement diverses.
Toutefois, nul chercheur - jusqu'à aujourd'hui - n'a pu valablement
avancer de date précise quant à son institution, moins encore
établir la raison qui, au départ, la justifia.
6Dans l'anatomie masculine, le prépuce est
une partie de peau à la pointe de la verge, qui recouvre le gland.
L'opération d'ablation du prépuce est notamment décrite
par le docteur Alphandéry, auteur de la partie chirurgicale de la
circoncision consacrée par La Grande Encyclopédie de Berthelot :
« Le procédé le plus simple est celui qui se fait sans
instruments spéciaux, à l'aide d'une simple pince, de ciseaux et
d'une sonde crénelée. Le chirurgien attirant en avant la peau du
prépuce met une pince en arrière du point où il veut
inciser (pour éviter d'endommager le gland), et coupe en avant de
celle-ci toute la portion excédante du prépuce. La muqueuse est
sectionnée dans un deuxième temps avec les ciseaux à
l'aide d'une sonde crénelée introduite entre le gland et cette
muqueuse. Il est nécessaire de bien relever ensuite le prépuce
jusqu'au niveau de la rainure du gland, ce qui offre parfois quelque
difficulté par suite de la présence des adhérences ».
L'anthropologue et psychanalyste Malek Chebel reprend ces lignes dans son
ouvrage, puis les commente : « Voilà un siècle que ces
lignes ont été écrites et rien n'a vraiment changé
quant à la technique du circonciseur. Certes, les progrès de
l'aseptie ayant sensiblement avancé, l'opération est
entourée aujourd'hui de toutes les précautions qui s'imposent
surtout lorsqu'elle est menée dans le cadre d'un établissement
spécialisé. Mais, au fond, le prépuce de l'enfant continue
à être dégagé du gland, le bistouri ou la lame
électrique ayant remplacé la paire de ciseaux, et l'ablation est
toujours la même. Une fois sectionnée, la peau qui recouvre le
pénis et qui a été tirée lors de l'opération
retrouve sa place naturelle en se rétractant en amont du gland. La
circoncision a atteint sa phase finale ; il ne reste plus qu'à soigner
la blessure en lui appliquant les produits hémostatiques habituels.
» M. Che-bel, Histoire de la circoncision -des origines à nos
jours-, Le Nadir Balland, 1997, page 19.
7Malek Chebel, Histoire de la circoncision -des
origines à nos jours-, Le Nadir Balland, 1997, p. 15 à 17.
8
Au 5ème siècle avant notre ère,
Hérodote, père de l'histoire événementielle en
Occident, admettait la difficulté de la question : « les
Colchidiens8, les Égyptiens et les Éthiopiens sont les
seuls hommes qui se fassent circoncire de temps immémorial. (...) Comme
la circoncision paraît, chez les Égyptiens et les
Éthiopiens , remonter à la plus haute antiquité, je ne
saurais dire lequel de ces deux peuples la tient de l'autre
».9
7. L'ouvrage de Malek Chebel est le premier à
présenter une histoire complète de la circoncision. Il rapporte
qu'une circoncision juvénile existait déjà au début
du 15ème siècle avant notre ère, chez les anciens
Égyptiens ! Les fouilles archéologiques dans un temple de
Ramsès III à Medinet-Habou, faisant partie de la nécropole
thébaine (Nouvel Empire, autour de 1350 av. J.-C.), ont permis de
retrouver des représentations phalliques gravées, figurant sur
des bas-reliefs, célébrant les victoires de Pharaon contre les
peuples asiatiques. Un agrandissement de photos prises sur le site montre que
la circoncision était non seulement courante, mais qu'elle participait
au don que les artistes offraient au pharaon-dieu. Une multitude de phallus
circoncis favoriseraient la voûte, comme si le temple était
consacré à quelque divinité de fertilité. De
même, dans le temple de Karnak (Moyen Empire, entre 1400 et 1200 av.
J.-C.), le dieu Min est représenté sur les traits d'un personnage
ithyphallique10, clairement circoncis11.
8. M. Chebel explique que la circoncision des
Égyptiens et autres peuplades anciennes (notamment des Mayas et des
Phéniciens) est différente de celle que nous connaissons
aujourd'hui. Il la décrit comme étant une circoncision «
profane », c'est-à-dire qui n'est ni rituelle, ni laïque, tout
en se prévalant d'un lien assez sommaire avec le sacré. La forme
actuelle qui s'en rapprocherait le plus serait la circoncision initiatique
animiste des ethnies africaines traditionnelles. Celle-ci est pratiquée
de manière cyclique, sur une promotion d'individus d'une certaine
tranche d'âge et d'un même clan ou d'une même
tribu12.
8Les Colchidiens sont les habitants de la côte
orientale de la mer Noire.
9 Pour le récit au complet :« les Colchidiens,
les Égyptiens et les Éthiopiens sont les seuls hommes qui se
fassent circoncire de temps immémorial. Les Phéniciens et les
Syriens de la Palestine conviennent eux-mêmes qu'ils ont appris la
circoncision des Égyptiens ; mais les Syriens qui habitent sur les bords
du Thermodon et du Parthénios, et les Macrons, leurs voisins, avouent
qu'ils la tiennent depuis peu des Colchidiens. Or, ce sont là les seuls
peuples qui pratiquent la circoncision, et encore parait-il qu'en cela ils ne
font qu'imiter les Égyptiens. Comme la circoncision paraît, chez
les Égyptiens et les Éthiopiens , remonter à la plus haute
antiquité, je ne saurais dire lequel de ces deux peuples la tient de
l'autre. A l'égard des autres peuples, ils l'ont prise des
Égyptiens, par le commerce qu'ils ont en cause avec eux. Je me fonde sur
ce que tous les Phéniciens qui fréquentent les Grecs ont perdu la
coutume, qu'ils te - naient des Égyptiens, de circoncire les enfants
nouveau-nés ». Hérodote (484-425 av. J.-C.) II, §
104. Enquête, Tome I (Livres I à IV), Editions paleo, les
sources de l'histoire européenne.
10On dit d'une représentation qu'elle est
ithyphallique, lorsque le phallus est surdimensionné par rapport au
corps.
11Malek chebel, préc., page 39. Un
répertoire des principales circoncisions conservées dans les
musées figure à la fin de l'ouvrage de Malek Chebel.
12 Malek Chebel, préc., pages 145 à 147.
9.
9
Moins ancienne est la circoncision qualifiée par
l'auteur de « monothéiste », qui réfère,
notamment, à la circoncision juive ou musulmane13. Celle-ci
est caractérisée par son ritualisme et ses symboles religieux
visant un double objectif : identification au dieu créateur et
conformité aux aspirations profondes de la communauté
d'appartenance. Cette deuxième catégorie est de loin la plus
dominante et vise à inscrire le sujet dans un cycle de rites collectifs
préétablis, lesquels le dépassent à la fois en
intention et en fonctionnement14.
10. Quid du christianisme ? Quels rapports la religion
chrétienne a-t-elle entretenu avec la circoncision? La question
mérite qu'on s'y attarde, d'autant plus que les chrétiens ont
beaucoup peint la circoncision de l'Enfant Jésus15. Nous
savons que la circoncision juive a été remplacée par le
baptême et l'imposition du nom. Toutefois, les recherches de M. Chebel
nous apprennent qu'avant d'en arriver à cet équilibre, une
violente polémique avait opposé juifs et chrétiens aux
premiers temps de l'évangélisation. Le conflit était
passé du niveau du rite à celui de la doctrine. Pour la doctrine
chrétienne, la circoncision induisait une étrange opposition
entre la perfection native de l'homme et le culte dû à Dieu. Les
débats furent longs et nombreux. L'opinion de l'Apôtre Paul a
finalement prévalu au plan de la doctrine. La circoncision
intérieure (celle du coeur) l'a emportée sur la circoncision
physique (celle du prépuce). Très vite, des lois
impériales vinrent réglementer cette zone de l'interdit tout le
temps que juifs et chrétiens se côtoyèrent sous la
bannière de Rome.
Mais le débat a tout de même continué
à prendre de l'ampleur, le prosélytisme juif ayant élargit
la circoncision au cercle de leurs esclaves de race étrangère et
des citoyens de Rome, qui le désiraient. L'autorité de Rome y vit
« un danger pour l'intégrité du caractère national
». L'empereur Hadrien pris alors une mesure radicale en interdisant
définitivement la circoncision pour tous les esclaves placés au
service des juifs. Les lois de Rome assimilaient la circoncision à la
castration, laquelle était pénalement considérée
comme un homicide (homicidium) 16. Notons que la
comparaison de la circoncision à la castration fait encore débat
aujourd'hui, au sein de la doctrine psychanalytique17.
13 La circoncision telle qu'on la retrouve dans la mythologie
bambara ou dogon relèverait aussi, par
certains aspects, de la circoncision « monothéiste
». Celle-ci est en effet caractérisée par une «
unicité de l'Inspirateur suprême, (une) soumission
inconditionnelle des sujets, (et une) uniformité des pratiques dans
l'espace et dans le temps. Mais la comparaison ne peut être
poussée plus loin». M. Chebel, préc., page 148.
14 M. Chebel, préc., pages 147 et 148.
15On compte une cinquantaine d'oeuvres importantes
sur la Circoncision du Christ, chez les peintres du Moyen âge et de la
Renaissance. Citons par exemple les oeuvres de Benvenuto Tisi (1481-1559),
conservées au Louvre et celle de Andrea Mantegna (1431-1506),
conservée à la Galerie des Offices, à Florence. (M.
Chebel, préc., pages 138 et 139).
16M. Chebel, préc., pages 77 à 86.
11.
10
Au XIXème siècle, Pierre Larousse a posé
la question de la place de la circoncision dans les moeurs chrétiennes
de son temps. Il souligne à cette occasion que « les avantages de
cette petite opération sont cependant incontestables » et dresse
une listes d'avantages médicaux procurés par
l'intervention18. M. Chebel explique que ces thèmes
médicaux sont ceux que nous retrouverons dans la majeure partie des
ouvrages scientifiques et parascientifiques qui paraîtront en France
pendant le premier quart du XXème siècle19. La
circoncision est ainsi détournée de sa visée initiale. On
en extrait les dimensions rituelles, pour n'en retenir que les dimensions
médicales. On retrouve ici une acception stricte de l'intervention, qui
est désormais perçue comme une simple posthectomie. Cette
approche moderne de l'intervention explique la récente apparition d'une
troisième catégorie de circoncision, qualifiée par M.
Chebel de « laïque ». Elle regroupe toute circoncision
volontaire, d'enfant ou d'adulte, pratiquée dans des zones
géographiques où le critère religieux n'intervient pas.
12. La circoncision « laïque » peut être
pratiquée à des fins hygiéniques ou
médicales.
Elle est perçue sous un angle « fonctionnel ». L'intervention
est alors soit « thérapeutique » (remède curatif, que
les juristes français préfèrent appeler «
circoncision médicalement nécessaire »), soit «
prophylactique » (remède préventif, ignoré par le
droit français), le but étant de guérir ou de
prévenir (par exemple) une balanite20 ou
17 Dans la doctrine psychanalytique, la circoncision est
parfois rapprochée de la castration, mais en tant que structure
psychique (et non en tant qu'intervention chirurgicale). L'idée d'un
complexe de castration ressenti par le petit de l'homme en réponse
à la différence sexuelle est née au début du
XXème siècle. Selon Freud, son inventeur, il s'agit d'un
phénomène « normal » qui a pour fonction de structurer
la psyché de l'enfant mâle en la dotant en quelque sorte d'un
obstacle à franchir. Craignant d'être châtré par un
père perçu comme un rival (complexe d'oedipe), l'enfant sera
amené à développer,dans la douleur, un certain nombre de
mécanismes d'identifications qui lui permettront de dépasser la
crise. Pour M. Chebel, « le seul lien qui puisse exister entre le
complexe de castration, concept freudien, et la circoncision, ablation relevant
autant du culturel universel que de l'organique, est un lien fantasmatique,
celui de l'ablation totale du pénis. Les psychanalystes estiment en
effet que la circoncision est une sorte de « castration a minima »,
quelque chose qui permet à la structure paternelle de se déployer
sans beaucoup de frais, dans la mesure où le garçon se contente
de perdre son prépuce au lieu de disparaître lui-même dans
sa totalité ou de se voir châtrer par le père, au sens
psychanalytique du terme (...) Pour le père de la psychanalyse, la
circoncision est une sorte de tribut d'entrée à la sphère
culturelle : seuls les circoncis accèdent en quelque sorte à la
reconnaissance du père symbolique, pour devenir pères
réels à leur tour, c'est-à-dire des pères
doués d'une autorité reconnue par les tiers et faisant sens pour
les fils à la génération suivante (...) ». M.
Chebel, préc., pages 121 à 124.
18Pierre Larousse développe son propos en
disant que la circoncision « empêche l'accumulation, sous le
prépuce, de la matière subacée
sécrétée à la base du gland ; elle préserve
des banalités et des balanoposthites ; elle permet en cas de maladies
accidentelles, une action plus immédiate et plus efficace ; elle
préserve même, jusqu'à un certain point, de ces maladies en
rendant la muqueuse du gland plus résistante et, pour ainsi dire, plus
rustique ; elle provoque une développement plus précoce des
organes génitaux ; enfin, suivant quelques auteurs, elle ne serait pas
sans influence sur la fécondité masculine. Ce dernier point,
très contestable cependant, puise sa principale raison dans la
fécondité remarquable des mariages israélites ».
Grand Dictionnaire du XIXe siècle, IV, réimpr.,1982.
19M. Chebel, préc., page 85.
20Balanite : (du grec balanos, qui
signifie « gland ») est une inflammation de la muqueuse du gland
coïncidant souvent avec celle du prépuce (balanoposthite), laquelle
se caractérise par la formation d'oedèmes, de rougeurs et de
dysurie (état de celui qui n'arrive pas à uriner ou dont le
passage de l'urine est brûlant). (Malek Chebel, préc., pages 19 et
219).
11
un phimosis21.
On retrouve la circoncision prophylactique surtout aux
États-Unis, au Canada et en Suisse (cela est dû à la
récente vague hygiéniste qui sévit ces pays). Elle peut y
être perçue comme une intervention aussi banale que la suppression
précoce de l'appendice, d'une dent mal plantée ou d'une dent de
« sagesse ». Mais la circoncision « laïque » peut
aussi être pratiquée pour d'autres raisons, qui peuvent être
par exemple esthétiques ou encore érotologiques22.
13. On évalue aujourd'hui à plus d'un milliard
le nombre de circoncis dans le monde. L'Afrique semble être de loin le
continent le plus concerné, mais le Moyen et Proche Orient ne le sont
pas moins. Elle est en augmentation progressive aux États-Unis et au
Canada23.
14. L'ampleur de la pratique de la circoncision rend
difficilement acceptable la confusion, encore constatée aujourd'hui,
avec celle de l' « excision ». L'excision est une ablation du
clitoris et des petites lèvres, imposée à la fillette ou
à la femme. Elle est extrêmement répandue en Afrique
subsaharienne, au Mali, au Soudan et dans la Haute-Egypte24. La
confusion est aujourd'hui entretenue par l'emploi de l'expression «
circoncision féminine », pour désigner l'excision. Cette
terminologie a été dénoncée par une grande partie
de la doctrine, notamment par Mme Nga Beyeme, dans sa thèse sur les
mutilations génitales féminines. Cette dernière ajoute qu'
« il est démontré médicalement que (la
circoncision), contrairement aux opérations pratiquées sur le
sexe féminin, n'entraînait pas une altération de l'organe
sexuel masculin. La circoncision masculine aurait au contraire des
conséquences positives, ce qui justifierait la non application du droit
international en l'espèce ». Afin de désigner
l'excision par une appellation révélatrice de ses
conséquences pour la santé des fillettes et des femmes, ainsi que
de son « caractère aliénant et dégradant
»25, Mme Nga Beyeme propose l'emploi de la terminologie
« mutilation génitale féminine ». En effet, l'excision
est bien une mutilation, tant dans sa technique opératoire, que dans
l'intention dans laquelle elle est pratiquée (soumission de la femme et
diminution de son plaisir sexuel). C'est pourquoi l'excision et la circoncision
sont deux pratiques qui ne peuvent être rapprochées l'une de
l'autre. Les textes internationaux condamnant les mutilations
21 Phimosis : (du grec phimôsis, qui signifie
« resserrement ») est une affection caractérisée par
l'étroitesse anormale de l'anneau du prépuce, lequel
empêche le gland de paraître, ce qui rend difficile le fait
d'uriner ou de coïter. Il est admis que la circoncision est aujourd'hui
l'unique réponse adaptée en cas de phimosis « lourds ».
(Malek Chebel, préc., pages 19 et 230).
22M. Chebel. Préc., page 148. 23M.
Chebel, préc., page 37.
24M. Chebel, préc., page 225 ; Crescence Nga
Beyeme, Le Droit International de la Femme et son application dans le contexte
Africain, Le cas des Mutilations Génitales Féminines, Peter Lang,
Publications Universitaires Européennes, 2007, page 33.
25 Crescence Nga Beyeme, préc.,page 29.
12
génitales ne peuvent donc être appliqués
au cas de la circoncision. Par ailleurs, aucun autre texte, qu'il soit de
source internationale ou nationale, ne prohibe cette dernière pratique.
Le législateur français est lui aussi muet sur la question.
Aucune loi française n'interdit, n'autorise, ni n'encadre la pratique de
la circoncision.
15. Récemment, en Allemagne, on s'est posé des
questions sur la licéité de la circoncision. Tout a
commencé par une décision rendue le 7 mai 2012 par le Tribunal de
grande instance de Cologne. En l'espèce, des parents, de confession
musulmane, avaient demandé à un médecin de circoncire leur
enfant, alors âgé de quatre ans. Malgré une intervention
effectuée « dans les règles de l'art », une
complication a entraîné l'hospitalisation de l'enfant. Le parquet
de Cologne a engagé des poursuites contre le médecin. Statuant en
appel, le Tribunal de Cologne juge que les blessures physiques infligées
par la circoncision constituent l'élément matériel d'une
infraction pénale (celle d'atteinte à l'intégrité
physique de l'enfant), après avoir constaté successivement que ni
l'exercice de l'autorité parentale, ni la liberté des parents
quant à l'éducation de leur enfant ne peut conférer
à leur volonté un tel pouvoir. Mais l'arrêt prononce la
relaxe du médecin poursuivi en l'espèce pour avoir
pratiqué la circoncision rituelle du jeune garçon, en raison de
l'erreur commise par ce dernier quant à la licéité de son
acte, erreur dont les juges retiennent qu'elle était inévitable
en raison des incertitudes juridiques qui existaient jusqu'à
présent sur la question, au regard de la doctrine et en l'absence de
décision de justice tranchant la question. L'erreur qui fonde la relaxe
prononcée en l'espèce peut être rapprochée de la
notion d'erreur sur le droit, cause d'impunité prévue par
l'article 122-3 du Code pénal français.
16. Bien que cette décision n'ait pas eu a priori
vocation à s'appliquer à l'ensemble du territoire, ses
conséquences furent graves : en l'absence de législation
nationale sur le sujet, les risques de poursuite ont poussé les
hôpitaux, de Berlin à Zurich, y compris l'Hôpital juif de
Berlin, à arrêter leurs circoncisions non médicalement
indiquées. C'est dans ce climat de tensions politiques que des
manifestations ont éclaté en Allemagne, divisant le pays entre
« partisans » et « opposants » à la circoncision des
mineurs.
17. Le législateur allemand a dû intervenir
assez rapidement afin de trancher le débat. Le 12 décembre 2012,
la Chambre Basse du Parlement allemand, le Bundestag, a adopté par 434
voix contre 100 et 46 abstentions, une loi autorisant les parents à
faire effectuer une circoncision sur leurs enfants. L'accord des deux parents
est nécessaire pour que l'intervention soit faite. Ils n'ont pas
à donner de raison, religieuse ou autre, pour demander à faire
circoncire leur fils. En dehors des cas où la circoncision s'impose pour
des raisons médicales, elle ne devra pas être
impérativement effectuée par des médecins ou dans un
hôpital, mais «en accord avec la pratique médicale». Des
circonciseurs qualifiés pourront pratiquer l'acte pendant les six
premiers mois de la vie.
18. La décision de circoncire l'enfant apparaît,
dans un tel contexte, encore plus difficile à prendre pour le couple.
Cette pratique a, ces dernières années, quitté la
sphère intime du couple pour devenir une question publique, une opinion
politique.
13
Quand le prépuce devient une affaire de Justice, «
couper ou ne pas couper ? », telle sera la grande question à
laquelle seront confrontés certains couples, de cultures ou de
confessions différentes (par exemple le couple unissant une personne de
confession chrétienne et une autre de confession musulmane). Leurs
divergences culturelles et/ou confessionnelles, rendront laborieux le dialogue
autour de la circoncision de leur garçon. De cette complexité va
naître des conflits.
19. C'est donc au juge qu'est revenue la délicate
mission de résoudre les conflits entre parents à propos de la
circoncision de leur enfant. La jurisprudence a dû construire le statut
et le régime juridiques de la circoncision des mineurs, dans le silence
du législateur. Cette mission est ardue, tant cette coutume fait
débat. Agrémenté de politique, de médecine, de
psychologie et de religion, le débat autour de la circoncision fait
bouillonner notre droit dans un mélange brumeux, que le juge devra
clarifier en répondant aux critères de la neutralité et de
l'objectivité.
20. Notre étude se fonde sur une typologie du
contentieux. Le contentieux de la circoncision commence en 1973. Le choix a
été fait de limiter l'étude aux décisions rendues
jusqu'à la fin de l'année 2012. Ce contentieux regroupe un total
de 82 décisions de justice, dont 62 concernent plus
spécifiquement les litiges entre parents a propos de la circoncision de
leur enfant. Comme la circoncision est avant tout une coutume et une marque
culturelle, la recherche a été davantage concentrée sur la
circoncision non médicalement nécessaire, qui représente
la majorité écrasante du contentieux (l'intervention
médicalement nécessaire, que nous préférons appeler
« posthectomie », ne sera citée qu'en marge dans notre
étude)* 26.
21. L'étude de ce contentieux nous a permis de mieux
comprendre la structure des conflits entre parents à propos de la
circoncision de leur enfant (Partie I), ainsi que les réponses
apportées par les juges dans la résolution de ces conflits
(Partie II).
26 Les décisions tirées de ce contentieux seront
suivies d'une astérisque (*). Celles-ci sont
référencées à la fin du mémoire, dans
l'Annexe n°1, accompagnées des références
nécessaires.
Notre étude porte uniquement sur les litiges opposant
les deux parents et ayant pour objet (exclusif ou pas) la circoncision de leur
enfant. Sont donc exclus les litiges opposant parents et médecin (ou
parents et circonciseur), ainsi que ceux portant sur la circoncision des
majeurs.
14
Partie I - La structure des conflits
22. La structure des conflits entre parents à propos
de la circoncision de leur enfant, est composée de données
juridiques et sociales, qu'il convient de présenter successivement. La
jurisprudence a en effet imposé aux parents l'obligation de prendre
conjointement la décision de faire ou de ne pas faire circoncire
l'enfant (chapitre I). Cependant, les parents ne parviennent pas toujours
à se mettre d'accord sur la question de la circoncision de leur enfant,
à plus forte raison lorsqu'ils ont des cultures et des religions
différentes (chapitre II). Structurellement, les conflits paraissent
difficilement évitables.
Chapitre I - L'accord des parents légalement
exigé pour la circoncision rituelle de l'enfant
23. L'impératif de concertation trouve son origine
dans le cumul de deux autres règles dégagées
simultanément par la jurisprudence. Bien qu'il ne soit pas possible de
séparer chronologiquement la naissance de ces principes, il convient de
les distinguer intellectuellement. En effet, le premier concerne le contenu de
l'autorité parentale : celui-ci recouvre le droit et la liberté
pour les parents de faire circoncire leur enfant (section I). Le second
principe concerne l'exercice de l'autorité parentale : le droit de
circoncire l'enfant doit être conjointement exercé par les deux
parents (section II).
Section I - Une prérogative parentale
exclusive
24. Le droit de circoncire l'enfant est un attribut de
l'autorité parentale (I). En principe, ce droit s'exerce librement
(II).
I - Une prérogative parentale
25. Plus qu'un simple attribut de l'autorité
parentale, la circoncision de l'enfant, non justifiée
médicalement, est perçue comme une forme d'éducation
religieuse (B). Un tel raisonnement ne peut être admis que si l'on part
du postulat selon lequel la circoncision est un acte religieux, ce qui n'est
pas sans susciter quelques objections (A).
A - Un acte religieux
26. Le contentieux, dans sa totalité, montre que les
juges ne distinguent qu'entre deux types de circoncisions. Cette distinction
repose sur le seul critère de la nécessité
médicale. Ainsi, l'intervention médicalement justifiée est
qualifiée par les juges de « circoncision médicalement
nécessaire », parfois encore de « circoncision
thérapeu-
15
tique ». A défaut, elle sera qualifiée de
« circoncision rituelle » (ou « religieuse
»)27.
27. Or la circoncision peut être motivée par des
raisons bien plus nombreuses : religieuses, culturelles,
esthétiques...mais aussi dans un souci de prévention de certaines
affections (circoncision prophylactique). Il semble donc réducteur
d'affirmer que toute circoncision qui ne serait pas médicalement
justifiée, doit être automatiquement classée dans la
catégorie des actes rituels ou religieux28.
28. Pour les juges, la circoncision rituelle va englober
toutes les autres qui ne seraient pas médicalement justifiées.
Ainsi, les juges ne distinguent pas le motif religieux du motif coutumier. Par
exemple, en 2009, une mère a justifié sa volonté de faire
procéder à la circoncision de l'enfant « plus par tradition
familiale que par conviction religieuse ». Elle a par ailleurs
attesté être athée et ne pratiquer aucune religion. La Cour
d'appel de Nancy a répondu que « néanmoins ladite tradition
repose sur la religion » 29.
29. La confusion du motif religieux avec le motif
traditionnel, conduisant à les classer indistinctement dans la
catégorie des motivations « rituelles », peut trouver une
explication dans la définition même de l'adjectif « rituel
». Celui-ci peut regrouper diverses acceptions, notamment celle d'un
ensemble de comportements codifiés, fondés sur la croyance en
l'efficacité constamment accrue de leurs effets, grâce à
leur répétition30. Ce qui ne justifie pas pour autant
le raisonnement jurisprudentiel conduisant à la dissolution de la
circoncision prophylactique dans le groupe des circoncision rituelles. En
effet, en tant que remède préventif, l'intervention
prophylactique (contrairement à la circoncision thérapeutique qui
est un remède curatif) ne peut être justifiée par la
nécessité médicale. Si la preuve de cette
nécessité n'est pas rapportée, les juges rejetteront le
motif médical31. Certains auteurs proposent la qualification
d' « acte de confort » par opposition à l'acte
médicalement justifié32.
30. Il ne serait pas pour autant utile de distinguer en
jurisprudence toutes les
27 La distinction entre circoncision thérapeutique et
circoncision rituelle se retrouve aussi en droit de la Sécurité
sociale. La jurisprudence a ainsi considéré que la circoncision
rituelle, dépourvue de toute visée thérapeutique, ne
saurait faire l'objet d'un remboursement par la Sécurité sociale
(CA, Grenoble, 22 septembre 1988, Mutuelles d'assurances du corps sanitaire
français). Par ailleurs, le Ministre de la Santé a
récemment eu l'occasion de rappeler que « la circoncision pour
motif religieux n'entrait pas dans le cadre de soins nécessaires au
maintient ou au rétablissement de l'état de santé des
personnes », couverts par l'assurance maladie (Rép.min.
n°30856 : JOAN Q, 30 juin 2009,p. 6716).
28 La qualification de l'acte de circoncision pose aussi
problème en droit de la responsabilité médicale (par
exemple sur la question de savoir s'il s'agit d'une intervention chirurgicale
simple ou nécessitant d'avantage de précautions) et en
matière de garantie due au médecin au titre de son contrat
d'assu-rance responsabilité civile, lorsque l'activité de
circoncision rituelle n'a pas été déclarée.
29CA Nancy 5 octobre 2009*.
30 Définition tirée du Dictionnaire « Le Petit
Larousse », édition 2007.
31 CA Grenoble 23 octobre 2012*.
32S. Alloiteau, « l'extension de la
jurisprudence Bianchi aux anesthésies dépourvues de fin
thérapeutique », Petites affiches, 1998, n°4, p. 20.
16
catégories sociologiques de la circoncision
(prophylactique, thérapeutique, coutumière, religieuse,
esthétique...). Il est simplement recommandé d'admettre une
troisième catégorie, qui serait « coutumière »,
ou « culturelle ». Celle-ci correspondrait davantage à la
réalité d'une majeure partie des familles en France
concernées par la circoncision (d'origine Maghrébine pour la
plupart). Celle-ci se distinguerait de la circoncision religieuse, en ce
qu'elle marque la volonté d'intégrer l'enfant dans une culture,
sans signifier son adhésion à une quelconque communauté
religieuse. Les circoncisions prophylactiques et thérapeutiques
seraient, quant à elles, fusionnées dans l'ensemble des actes
« médicaux ». En l'absence de preuve suffisante, le juge
pourra appliquer le régime qui lui paraîtra le plus
sévère et le plus protecteur des différents consentements
requis.
31. Malgré les objections qu'elle suscite, la
classification, en jurisprudence, de toute circoncision non
thérapeutique dans la catégorie des actes religieux, a le
mérite d'en simplifier le régime juridique. En ce sens, cette
classification paraît admissible. Tous les développements à
suivre partiront donc du postulat selon lequel la circoncision rituelle (ou la
circoncision non médicalement nécessaire) est un acte
religieux.
B - Une éducation religieuse de l'enfant
32. Fidèle à une conception romaine de la
famille, la religion de l'enfant est soumise aux règles applicables en
droit commun de l'autorité parentale. L'article 371-133 du
Code civil dispose que père et mère doivent assurer
l'éducation de l'enfant et, traditionnellement, la religion est
englobée dans la fonction morale de l'éducation34 .
33. En conséquence, les parents peuvent choisir de
donner ou de ne pas donner de religion à l'enfant, faire procéder
au rite déterminant de l'appartenance (baptême ou circoncision
notamment), lui donner ou faire donner une éducation religieuse,
l'inscrire dans un établissement d'enseignement public ou privé,
en fonction de leurs convictions, de leurs croyances 35.
34. L'application du droit commun de l'autorité
parentale à la religion suscite beaucoup de réserves doctrinales.
Certains auteurs ont proposé l'application d'un statut particulier. Le
Doyen Carbonnier avait proposé de rattacher la religion à
l'état des personnes36. M. Bredin proposa de distinguer entre
le choix de la religion et l'éducation religieuse, la première
relevant de l'état des personnes, alors que la seconde entrait dans le
champ de la puissance paternelle et pouvait être critiqué par
l'autre parent37. Mais ces théories n'ont pas
reçu d'écho en jurisprudence.
33 L'article 371-1 du Code civil, dans sa dernière
rédaction issue de la loi du 4 mars 2002, dispose que «
l'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour
finalité l'intérêt de l'enfant. Elle appartient aux
père et mère pour le protéger dans sa
sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son
éducation et permettre son développement, dans le respect
dû à sa personne. Les parents associent l'enfant aux
décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de
maturité ».
34A titre d'illustration : Nîmes 20 juin 2012* rappelle,
en se fondant sur l'article 371-1 du code civil, que « parmi les
décisions importantes concernant la vie des enfants, figure au
troisième rang la religion ».
35Dictionnaire du Droit des Religions, sous la
direction de Francis Messner, CNRS Editions (sous « Droit de la famille
» pages 207 et s.).
35.
17
Faire circoncire l'enfant c'est donc lui apporter (imposer?)
une éducation religieuse. Cette interprétation n'a d'ailleurs
fait l'objet d'aucune hésitation en jurisprudence. Le contentieux dans
son intégralité, dès 1973, prend cette théorie pour
acquise. Certaines décisions se contentent d'appliquer les articles
371-1 et suivants aux litiges (ce qui est implicitement un rattachement de la
circoncision de l'enfant à l'autorité parentale). D'autres
prennent le soin d'exposer la règle. Par exemple, dans une
décision du 13 septembre 2000*, la Cour d'appel de Paris énonce
que « la décision de circoncire l'enfant naturel relève
de l'exercice de l'autorité parentale ».
II - Une prérogative parentale exclusive
36. Notre société reconnaît à
chaque parent le droit de former moralement l'enfant en fonction de sa propre
expérience, de ses convictions, de ses croyances personnelles. Les
parents ont, en principe le pouvoir et la liberté d'orienter moralement
l'enfant en procédant à sa circoncision. Il s'agit d'un droit
parental exclusif. Cette exclusivité de principe signifie que les
parents n'ont pas à recueillir le consentement préalable de
l'enfant en bas âge (A) et qu'ils n'ont pas à craindre une
immixtion émanant des tiers (B). Mais le juge peut indirectement
contrôler ce choix, prérogative parentale ne signifiant pas
pouvoir discrétionnaire (C).
A - Indifférence du consentement de l'enfant
37. Les attributs de l'autorité parentale se
manifestent sous la forme d'un rapport d'autorité : les père et
mère ont un pouvoir de commandement, l'enfant un devoir
d'obéissance (art 371). Ce devoir d'obéissance est le pendant de
l'autorité parentale. En tant que manifestation de l'autorité
parentale, la circoncision n'est pas, en principe, subordonnée au
consentement de l'enfant qui en est l'objet.
38. Toutefois, les textes internationaux38 ont
imprimé leur marque sur la réforme de l'autorité parentale
dont la finalité est ouvertement, depuis 2002, l'intérêt de
l'enfant. Par ailleurs, le nouvel article 371-1 du Code civil, dans son
troisième alinéa, dispose que « les parents associent
l'enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son
degré de maturité ». L'autorité parentale est
perçue par le législateur de 2002 comme une mission
évolutive.
39. La question qui se pose est donc celle de savoir si, par
exception, le grand enfant (d'un certain âge et d'un certain degré
de maturité) peut prétendre à une certaine autonomie en
matière religieuse, à l'égard des opinions
professées par ses parents?
36 Carbonnier estimait que la religion de l'enfant
était plus une question de jus sanguinis que de puissance
paternelle Sa théorie visait à préserver, pendant la
minorité de l'enfant, l'immutabilité du lien religieux. Ceci afin
d'éviter les fluctuations abusives en cas de dissentiment parental et le
risque pour le juge d'avoir à apprécier le choix selon
l'intérêt de l'enfant. Mais cette théorie n'a pas
reçu d'écho en jurisprudence. L'affaire de la mineur de
Versailles y a mis définitivement un terme. (TGI Versailles du 24
septembre 1962, note Carbonnier, Recueil Dalloz 1963, page 52).
37 Traité de droit français des religions, sous
la direction de Francis Messner, Pierre-Henri Prélot, Jean-Marie
Woehrling, Litec groupe LexisNexis, page 608.
38CESDH et ses protocoles additionnels ; convention
ONU relatives aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989 ; art 24§1 de la
charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne.
Plus précisément encore, son consentement
à sa propre circoncision est-il, dans ces conditions, requis ?
40. L'évolution du droit positif consacre une timide
tendance à reconnaître une autonomie religieuse de l'enfant vis
à vis de ses parents. La liberté religieuse de l'enfant est
reconnue par l'article 14 de la convention de New-York39. Mais la
portée de cette notion est assez floue et son application encore
hasardeuse. La France ne reconnaît pas de véritable
majorité religieuse. Celle-ci existe pourtant en droit comparé :
14 ans en Alle-magne40 et 16 ans en Suisse41 .
41. Quant à l'audition de l'enfant, elle est
prévue par le Code civil pour les mineurs de plus de 13 ans (articles
373-2-11, 388-1 et décret n° 2009-572 du 20 mai 2009). Mais en
pratique, les enfants de plus de 13 ans ne sont entendus que si l'un des
parents au moins le demande et le procès-verbal d'audition n'est pas
toujours établi42 .
42. Cette prise en compte embryonnaire du consentement de
l'adolescent à son éducation religieuse, combinée à
certaines dispositions du Code de la Santé publique (prévues
notamment aux articles L. 1111-443), font penser que la circoncision
doit être soumise au consentement du grand enfant. Mais cette
éventualité reçoit peu d'échos en jurisprudence.
Elle n'a été rencontrée que dans deux décisions de
justice. Dans une première espèce l'enfant est alors
âgé de 11 ans (CA Lyon 25 juillet 2007*) et dans une seconde ils
est âgé de 7 ans (CA Rennes 3 juillet 2008*)44. Cette
rareté des cas dans lesquels le consentement de l'enfant à sa
circoncision est pris en compte, s'explique par le jeune âge auquel les
enfants sont circoncis. L'enfant circoncis (ou à circoncire) aura, en
règle générale, moins de 7 ans. Un abaissement sensible
mais progressif de cet âge est par ailleurs constaté par les
sociologues45.
39La Convention de New-York, ratifiée par la
France en juillet 1990, affirme dans son article 14 le droit de l'enfant
à « la liberté de pensée, de conscience et de
religion ».
40Loi allemande sur l'éducation religieuse des
enfants du 15 juin 1921.
41Article 277 alinéa 3 du Code civil suisse
: « L'enfant âgé de seize ans révolus a le droit de
choisir lui-même sa confession ».
42V. CA Toulouse, 2 févr. 1988 : D. c/ Dame E.,
obs., Rubellin-Devichi, RTD civ. 1990,p. 735.
43 Article L. 1111-4 C. Santé publique, alinéa 1
: « Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte
tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les
décisions concernant sa santé ». Alinéa 6 : « Le
consentement du mineur ou du majeur sous tutelle doit être
systématiquement recherché s'il est apte à exprimer sa
volonté et à participer à la décision (...).
»
44 CA Rennes 3 juillet 2008* : La Cour accueille la demande de
la mère et fait interdiction au père de circoncire l'enfant
« sans son accord » et celui de la mère. Aucune motivation
n'est donnée. En l'espèce, l'enfant avait intégré
les craintes de sa mère notamment du chef de la circoncision et vit mal
l'opposition qui règne entre ses parents dont il se sait
déjà l'enjeu.
CA Lyon 25 juillet 2007* :
nécessité de l'accord de l'enfant, alors âgé de 11
ans. Le juge, en se prononçant, prend soin de rappeler l'âge de
l'enfant.
18
45M. Chebel, préc., page 15.
43.
19
La loi allemande votée le 12 décembre 2012 n'a
pas jugé nécessaire de subordonner la circoncision de l'enfant
à son consentement préalable.
B - Exclusivité à l'égard des
tiers
44. Le pouvoir d'orienter moralement l'enfant ne peut faire
l'objet d'immixtion de la part de tiers. Toute personne qui se substitue aux
parents pour une décision à coloration religieuse (baptême,
communion, engagement dans un groupement religieux) engage sa
responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du Code civil.
45. Un seul cas d'immixtion a été
rencontré dans le contentieux : celui de la famille de la mère,
résidant au Maroc (CA Toulouse 5 mars 2009*).
46. Il est vrai que, compte tenu de leur rôle au sein
de la famille, les ascendants ne sont pas des tiers comme les autres. La loi du
4 mars 2002 étend à tous les
ascendants la possibilité d'entretenir des relations
personnelles avec leurs
petits-enfants ou arrière petits-enfants, qui
devront être organisées en fonction de l'intérêt de
l'enfant. Les ascendants n'ont pas à proprement parler d'autorité
parentale à l'égard de leurs petits-enfants46.
Néanmoins, la loi leur attribue parfois un rôle, subsidiaire, qui
se rapproche de l'autorité parentale. La formule légale de
"relations personnelles" doit notamment se traduire par une certaine
participation à l'éducation de l'enfant (par leur influence
intellectuelle, morale ou religieuse), à laquelle les parents ne
pourraient s'opposer qu'en établissant leur caractère nuisible
pour l'enfant.
47. En l'espèce, le père, appelant, s'est
plaint de ne pas avoir été associé à la
décision de circoncision. La mère soutient que c'est la famille
au Maroc qui, conformément à la coutume, a fait procéder
à cette intervention et qu'elle-même n'avait pas été
préalablement informée. La Cour d'appel ignore totalement ce
conflit et refuse de réduire les droits parentaux de la mère, ou
même ceux des grands-parents. Ce silence des juges fait penser que cette
immixtion n'est pas considérée comme suffisamment grave.
C - Le contrôle indirect du juge
48. Le principe de neutralité religieuse implique que
le juge respecte toutes les croyances. Non seulement le juge ne doit pas
intervenir dans le choix d'une religion ou d'une croyance, mais il doit aussi
s'interdire de porter un jugement de valeur sur la religion ou la croyance en
cause.
49. Une limite à cette non-ingérence doit
toutefois être relevée. L'enfant sera soumis à la religion
de ses parents (notamment par le biais de sa circoncision) lorsque ceux-ci sont
en accord. S'ils s'opposent et saisissent le juge, celui-ci devra trancher le
litige en recherchant l'intérêt de l'enfant. Le juge aux affaires
familiales aura compétence pour déterminer la religion de
l'enfant, modifier l'attribution de l'exercice de l'autorité parentale
ou même retirer l'autorité parentale, ou prononcer des sanctions
pénales.
46V. T. Garé, note sous T. enfants Toulouse, 13
sept. 1988 et 2 févr. 1989 : D. 1990, juris. p. 395.
50.
20
L'article 375 alinéa premier du Code civil
prévoit que le juge des enfants peut intervenir lorsque « la
santé, la sécurité, ou la moralité d'un mineur non
émancipé sont en danger, ou si les conditions de son
éducation ou de son développement physique, affectif,
intellectuel et social sont gravement compromises ». L'imprécision
délibérée de ces conditions assouplit l'intervention du
juge. Mais ces larges pouvoirs peuvent entraîner des abus et susciter
l'impérialisme du juge : avoir la faculté de dessaisir des
parents parce qu'une « éducation est compromise » est avoir la
possibilité d'imposer une orthodoxie officielle de l'éducation,
morale, religieuse, politique etc... Sans aller jusque-là, l'affaire
de Versailles avait montré les dangers des bonnes intentions
judiciaires47.
51. Quelque soit la mesures prise par le juge, ce dernier se
doit de rechercher et de respecter l'intérêt supérieur de
l'enfant. Il disposera par ailleurs d'un pouvoir souverain
d'appréciation48.
52. La règle de principe étant posée, il
sera démontré plus loin49 que celle-ci n'est pas
respectée lorsque le litige parental porte sur la circoncision de
l'enfant.
Section II - Une prérogative parentale
appartenant aux deux parents
53. Les parents disposent donc, en principe, du droit et de
la liberté de circoncire leur enfant, cette décision faisant
partie des attributs de leur autorité parentale.
Reste encore à rechercher comment ce droit doit-il
s'exercer. Le contentieux, depuis 1973, fait état de nombreux
balbutiements jurisprudentiels sur la question. Mais progressivement la
règle a finit par se clarifier et l'on peut aujourd'hui affirmer que la
circoncision de l'enfant est un choix éducatif qui doit être pris
par les deux parents. Ce principe de la nécessité du double
accord (II) découle du classement de la circoncision rituelle dans la
catégorie des actes non usuels de l'autorité parentale (I).
I - Origine du principe : la circoncision rituelle
qualifiée d'acte non usuel de l'autorité parentale
54. La classification de la circoncision rituelle dans la
catégorie des actes non usuels de l'autorité parentale, ne
transparaît pas toujours dans le raisonnement des juges. Ils se
contentent parfois de dire que l'accord des deux parents est nécessaire,
sans en expliquer la raison. Parfois les juges ne laissent transparaître
qu'une partie de leur raisonnement, n'en marquant pas les différentes
étapes. Par exemple, ils vont s'attardent sur la preuve du
caractère rituel de la circoncision mais ne prendront pas le
47 Philippe Malaurie et de Hugues Fulchiron, La Famille,
Défrénois, 4ème édition, page 648.
48 Dans un arrêt Cass Civ 1ere 11 juin 1991, la Cour de
cassation a reconnu au juge du fond un pouvoir souverain d'appréciation
de « l'opportunité » de la conversion d'une adolescente
catholique à la secte des Témoins de Jéhovah. (TGI
Versailles du 24 septembre 1962, note Carbonnier, Recueil Dalloz 1963, page
52).
49 Voir en ce sens, §136 et suivants.
21
soin d'en conclure que c'est un acte non usuel de
l'autorité parentale.
55. Ce n'est qu'en 2012 pour que la
règle a été clairement posée50 . Il
s'agit d'un arrêt rendu par la Cour d'appel de Grenoble le 23 octobre
2012* : « Attendu qu'il n'est nullement soutenu que la circoncision
serait médicalement nécessaire ; que dès lors, elle ne
constitue pas un acte usuel au sens de l'article 372-2 du Code civil et
requiert l'accord des deux parents ; Or, attendu que Mme s'oppose à ce
qu'elle soit pratiquée sur son fils ; qu'il convient par
conséquent de débouter M. de sa demande de ce chef
».
56. Le raisonnement des juges se fait donc en deux temps. Ils
recherchent d'abord si la circoncision litigieuse était ou non
médicalement nécessaire. En l'absence de nécessité
médicale, l'acte sera qualifié de « circoncision rituelle
» (A). Ensuite, cette circoncision rituelle sera classée dans la
catégorie des actes non usuels de l'autorité parentale,
nécessitant par conséquent l'accord des deux parents
(B).
57. Notons en marge qu'une tentative a été
faite par la Cour d'appel de Versailles de faire abstraction du motif de la
circoncision (apparemment rituel en l'espèce) et de se concentrer
uniquement sur le critère d'intervention chirurgicale : «la
circoncision constitue un acte chirurgical qui relève des deux parents
» 51. En effet, qu'importe le motif ayant conduit les
parents à faire circoncire leur enfant (thérapeutique ou rituel),
cette intervention constitue objectivement une intervention chirurgicale
d'ablation du prépuce (à plus forte raison lorsque l'intervention
est pratiquée par un médecin chirurgien). Une telle
définition, fondée exclusivement sur la technique
opératoire, est séduisante. Les faits sont purgés de toute
coloration religieuse ou coutumière. Le juge français retrouve
ainsi ses repères dans l'application d'un droit cartésien loin de
la complexité de notre réalité sociale52. Mais
cette solution reste un cas isolé. La règle en ressort
renforcée : il faut chercher le motif rituel (ou l'absence de
nécessité médicale) pour conclure à l'acte non
usuel de l'autorité parentale.
50Avant 2012, deux décisions
particulièrement bien motivées ont été rendues.
Mais celles-ci ne marquent pas chaque étape du raisonnement des juges :
CA Rennes 4 avril 2005* : « L'exercice en commun de autorité
parentale permettra à la mère de refuser qu'une telle
intervention soit pratiquée, dès lors que la circoncision n'est
pas un acte usuel au sens de l'article 372-2 du Code Civil, mais un acte
important et unique dans la vie de l'enfant nécessitant l'accord des
deux parents. » ; et CA Nancy 5 octobre 2009* : « La protection et
l'éducation de l'enfant, qui doit aussi s'entendre comme
l'éducation religieuse, sont les raisons d'être de
l'autorité parentale. Compte tenu de l'importance que revêt toute
décision en matière de pratique religieuse, il n'est pas
envisageable que cette décision soit prise sans l'accord des deux
parents qui exercent en commun l'autorité parentale. Il convient par
conséquent d'interdire que la circoncision de l'enfant, envisagée
par la mère, soit pratiquée, sans l'accord du père
».
Dans les deux arrêts il manque la recherche du
caractère religieux ou médical de la circoncision. Dans le
deuxième, il manque aussi l'emploi exprès du terme « acte
usuel », celui-ci est implicite lorsque la Cour qualifie l'acte d'
important.
51CA Versailles 15 mars 2007*.
52 La technique n'est pas nouvelle. Il existe en effet une
tendance judiciaire marquée à fermer les yeux sur la coloration
religieuse du litige. Et cette négation est parfois même expresse
(CA Paris, 4 février 1959, JCP 1960, II, n°11632, note L. de
Narois, considérant que la délivrance du guet ou « lettre de
répudiation » par l'époux juif à son épouse
divorcée afin que celle-ci puisse se remarier religieusement est un acte
« entièrement dépourvu de signification et de portée
religieuse »).
22
A - L'absence de nécessité médicale
ou la présence d'une circoncision rituelle
58. La jurisprudence ne connaît que deux
catégories de circoncisions : « thérapeutique » et
« rituelle ». On observe qu'en cas de désaccord entre les
parties sur les motifs de la circoncision, la seule déclaration du
parent ayant ordonné l'opération ne suffit pas53.
59. Dans la recherche de la preuve du caractère
médical ou rituel de la circoncision, une première distinction,
fonction de la qualité du circonciseur, s'impose :
(1)Lorsque le circonciseur est religieux ou coutumier (par
exemple un
Rabbin Mohel non médecin) la classification sera
aisée et ne fera pas
l'objet d'un débat : il s'agira d'une circoncision
rituelle54.
(2)Lorsque la circoncision a été faite
par un médecin ou un chirurgien en cabinet ou en milieu hospitalier, la
qualification sera alors plus difficile. Le seul fait qu'une circoncision ait
été effectuée en milieu hospitalier, ne permet pas de
retenir le motif thérapeutique55. Le juge pourra se
référer à un ou plusieurs certificats
médicaux56, fournis par les parties ou ordonnés par
lui.
60. Les juges sont-ils plus méfiants en
présence d'un certificat médical étranger ? La question ne
s'est pas encore posée dans le contentieux. Selon une réponse
Ministérielle, il existerait certaines fraudes à la
Sécurité sociale. Des parents feraient passer, avec la
complicité du chirurgien, une circoncision rituelle pour une
opération thérapeutique et de telles fraudes seraient
fréquentes par l'usage de certificats médicaux étrangers.
On peut donc imaginer que le juge civil se montre lui aussi prudent à
l'égard de tels modes de preuve.
61. En l'absence de certificat ou de rapport
d'expert/médecin, les juges auront recours à un faisceau
d'indices permettant de rechercher le motif ayant poussé le (ou les)
parent(s) à faire circoncire l'enfant. Il se référeront
par exemple à la date et le lieu de la circoncision. Ainsi, une Cour
d'appel a pu juger que « si (le père) soutient que cette
circoncision a été pratiquée avec l'accord de la
mère et pour des raisons médicales, on comprend mal qu'elle eut
été pratiquée en Tunisie pendant les vacances des enfants
et en l'absence de la maman »57.
62. Citons aussi une décision d'une autre Cour d'appel
: «S'agissant de la circoncision, c'est en vain que le père
soutient que des raisons médicales l'ont contraint à
faire
53Par exemple : CA Aix 9 janvier 2007* ; CA Nancy 5
octobre 2009* ; CA Poitiers 11 mai 2011*; CA Grenoble 23 octobre 2012*.
54Par exemple Cass. Crim. 8 novembre 1976* ; Cass
1ère Civ. 18 mai 1989*. 55 CE 3 novembre1997*.
56CA Paris 29 septembre 2000* (la Cour qualifie
l'acte de circoncision « à des fins rituelles », en expliquant
que « cet acte chirurgical ne s'imposait pas d'après les
certificats médicaux versés au débat »).
57CA Aix-en-Provence 9 janvier 2007*.
23
effectuer cette opération durant les vacances en
Algérie, les motifs indiqués (eczéma, mycoses)
n'étant pas urgents et étant plus utilement pris en charge dans
la durée en France par un traitement et des soins réguliers
»58.
63. La plupart du temps, les juges se contenteront d'une
définition négative de la circoncision rituelle. Le silence des
parties, ou l'absence de preuve de la nécessité médicale
de l'opération, suffiront à qualifier l'acte de rituel.
B - La circoncision rituelle qualifiée d'acte non
usuel
64. La jurisprudence, après une difficile construction
jurisprudentielle, a finit par dégager le principe selon lequel la
circoncision rituelle est un acte non usuel de l'autorité
parentale59 (2). Ces hésitations jurisprudentielles
s'expliquent (et sont excusées) par la difficulté de la question
(1).
1. La difficulté de la question
65. La notion même d'acte usuel est équivoque et
fait débat. Il est impossible d'établir une nomenclature des
actes de l'autorité parentale en y discernant les « actes usuels
». En l'absence de définition légale , il revient aux juges
la mission de dessiner les frontières entre les actes usuels et les
actes non usuels de l'autorité parentale.
66. La circoncision est à la fois un acte religieux et
un acte médical (même si les juges concentrent leur raisonnement
sur l'aspect religieux de la circoncision, celle-ci n'en reste pas moins
doublée d'un caractère chirurgical). Or, en ces deux
matières, les frontières entre actes usuels et non usuels
laissent subsister quelques zones d'ombre. En l'absence d'une jurisprudence
fournie sur ces questions, les théories doctrinales méritent
elles aussi d'être soulevées.
67. En matière d'actes médicaux sur la
personne de l'enfant, la plupart des auteurs considèrent qu'un grand
nombre entrent dans la catégorie des actes usuels60. Pour
certaines catégories d'actes médicaux, la thèse est moins
certaine. La présomption de l'article 372-2 s'applique certainement s'il
s'agit d'interventions obligatoires (comme les vaccinations) ou de routine. On
peut l'admettre ainsi pour les demandes d'interventions plus exceptionnelles
dans le domaine chirurgical notamment, dès lors que les risques
paraissent très limités (réduction d'une fracture,
appendice sans complication). Mais le praticien semble devoir exiger l'accord
des deux parents pour une opération de quelque
gravité61.
68. La question qui se pose est donc celle de savoir si la
circoncision, d'un point de vue strictement médical, est une
intervention chirurgicale comportant des risques limités ?
58 CA Poitiers 11 mais 2011*
59 Un doute subsiste par ailleurs s'agissant de la
circoncision thérapeutique. Le contentieux n'est pas encore assez fourni
pour savoir si celle-ci entre ou non dans la catégrorie des actes non
usuels de l'autorité parentale.
60 G. Cornu ; L. Leveneur, La famille, Montchretien, 1995,
n° 1150. 61Raymond Legeais, L'autorité parentale, 1973,
Defrenois, page 87.
69.
24
L'auteur Malek Chebel consacre toute un chapitre de son
ouvrage aux « risques liés à la circoncision
»62. Il explique que cette opération est «
bénigne au plan technique et sans conséquences notables au plan
traumatologique ». Mais des risques, notamment d'hémorragie,
existent. Tout dépendra de « la technique même du
circonciseur qui est en cause, du nombre d'enfants à circoncire et des
précautions médicales et hygiéniques ». Par exemple,
les risques d'hémorragie peuvent être évitées par le
contrôle des facteurs coagulants de l'enfant et, si nécessaire,
par l'injection d'antihémophiliques63.
70. La position des juges sur le sujet est difficile à
cerner. Le TGI de Paris le 6 novembre 1973* parle d' « intervention
relativement bénigne ». Dans le même sens, le Tribunal
administratif de Marseille le 25 avril 1991* parle d' « opération
bénigne que constitue une circoncision rituelle sous anesthésie
générale ». Mais ces positions concernent des circoncisions
pratiquée par un médecin. La solution jurisprudentielle aurait
peut-être été différente face à un
circonciseur coutumier (non médecin).
71. En matière d'éducation religieuse,
la qualification d'acte usuel ou d'acte non usuel est débattue en
doctrine64. Un auteur a pu écrire qu 'en ce qui concerne les
démarches religieuse, le double consentement paraît indispensable
quand il s'agit de prendre parti sur un principe (demande de baptême ou
de circoncision). Mais par la suite la présomption de l'article 372-2
recouvrera les actes et demandes qui ne sont que la mise en oeuvre d'une
orientation déjà arrêtée65.
2. La solution jurisprudentielle
72. Rares sont les décisions dans lesquelles les juges
emploient expressément les termes d'« acte non usuel » de
l'autorité parentale. La notion est implicite lorsque les juges
énoncent que la circoncision est un acte relevant des deux
parents66.
62 Malek Chebel, préc., page 26.
63 En effet, une ablation maladroite peut déchirer les
petites veines du prépuce de manière à les rendre
difficiles à soigner. Ce risque est sensiblement augmenté dans le
cas des enfants hémophiles, lesquels sont souvent circoncis dans des
services spécialisés. Après avoir contrôler les
facteurs de coagulation de l'enfant et si ce dernier s'avère être
hémophile, le médecin sera contraint de lui administrer
préalablement des injections antihémophilliques, seule
façon d'éliminer les dangers encourus par l'absence
d'agglutinines.
64 Par exemple , Philippe Malaurie, qui se base sur une
typologie du contentieux, affirme que la pratique religieuse est
généralement considérée par la jurisprudence comme
un acte usuel, bénéficiant de la présomption d'accord
prévue par l'article 373-2 ». (Recueil Dalloz Sirey 1991,
jurisprudence, page 521, note sous Cass 1ère civ, 11 juin 1991).
Dans un sens contraire, Jacqueline Flauss-Diem affirme que
l'éducation religieuse de l'enfant n'est pas un acte usuel (Dictionnaire
du Droit des Religions, sous la direction de Francis Messner, CNRS Editions
(sous Droit de la famille, pages 207 et s.).
65Raymond Legeais, L'autorité parentale, 1973,
defrenois, page 87.
66Civ 26 janvier 1994* ; CA Toulouse 30 mars 1994*
; CA Paris 29 septembre 2000* ; CA Versailles 15 mars 2007* ; CA Rennes 18 mars
2008* ; CA Nancy 5 octobre 2009* ; CA Versailles 10 juin 2010* ; CA Lyon 10
janvier 2011* ; CA Bordeaux 27 mars 2012* ; CA Grenoble 23 octobre 2012*.
25
73. C'est en 2005 que les juges ont
qualifié expressément la circoncision rituelle d'acte non
usuel67. Cette solution a été confirmée en 2012
: « Attendu qu'il n'est nullement soutenu que la circoncision serait
médicalement nécessaire ; que dès lors, elle ne constitue
pas un acte usuel au sens de l'article 372-2 du Code civil
»68.
3. Justifications de la solution
74. La solution, protectrice du consensualisme, est à
saluer. Mais une réserve doit être émise quant aux
justifications ayant mené à une telle solution. En effet, pour
justifier la qualification d'acte non usuel, les juges ont employé
plusieurs qualificatifs décrivant la circoncision, notamment celui
d'acte « important »69. Mais certains juges ont
préféré employer le qualificatif d'acte « grave
»70, ou encore d '« atteinte directe au corps de l'enfant
petit »71. En l'absence de justification objective (par exemple
une expertise médicale qui s'emploierait à démontrer
scientifiquement la « gravité » de l'intervention), l'emploi
de ces derniers qualificatifs est critiquable. Il est contraire au principe de
neutralité qui exige du juge une auto-interdiction de porter un jugement
de valeur sur la religion ou sur la croyance en cause.
75. Nous rejoignons (sur ce point) le commentaire de Cyrille
Duvert, selon lequel « Le choix d'un engagement religieux ou sa
confirmation, et plus encore sa traduction par un signe corporel, constituent
sans nul doute des actes importants mais ils ne sont pas pour autant
nécessairement des actes graves. On rejoindrait ainsi le critère
proposé par un auteur (H. Fulchiron) engageant l'avenir de l'enfant et
nécessitant, à ce titre, l'accord des deux parents, tout en
évitant les discussions sur les habitudes culturelles en vigueur dans
tel ou tel milieu confessionnel : pour les juifs comme pour les musulmans
pratiquants, la circoncision n'est pas un acte grave ; elle est en revanche
certainement un acte important » 72.
76. Le contentieux de la circoncision fait ainsi
transparaitre un débat encore plus large qui sont est celui de la
recherche de critères objectifs d'identification des actes usuels et non
usuels de l'autorité parentale73.
II - Portée du principe
67 CA Rennes 4 avril 2005* : « la circoncision n'est pas
un acte usuel au sens de l'article 372-2 du Code
civil ».
68 Cour d'appel de Grenoble le 23 octobre 2012*.
69« Acte important et unique dans la vie de l'enfant
» (CA Rennes 4 avril 2005*) ; « une pratique aussi dangereuse pour sa
santé que la circoncision effectuée hors de toute
précaution médicale, selon des méthodes non
autorisées en France » (CA Grenoble 23 avril 2008*, pour une
circoncision en Algérie) ; « importance que revêt toute
décision en matière de pratique religieuse » (CA Nancy 5
octobre 2009*) ; et « décision importante relative à la
santé et à l'éducation de l'enfant » (CA Poitiers 11
mai 2011*).
70Par exemple CA Paris 29 septembre 2000*.
71CA Poitiers 11 mai 2011*.
72 Cyrille Duvert, note sous CA Paris 29 septembre 2000*.
77.
26
La circoncision rituelle est un acte non usuel de
l'autorité parentale. Cela signifie qu'elle ne jouit pas de la
présomption d'accord posée à l'article 372-2 du Code
civil. Le consentement exprès des deux parents doit être recueilli
pour procéder à la circoncision de l'enfant. Ce principe du
double accord est évident lorsque les parents exercent conjointement
l'autorité parentale. Ce cas de figure est d'ailleurs majoritaire. La
Loi du 4 mars 2002 fait de la coparentalité la règle, le
père et la mère exerçant en commun l'autorité
parentale, et transforme l'exercice unilatérale de la fonction parentale
en situation exceptionnelle. Cela explique pourquoi le contentieux de la
circoncision ne connaît que les cas d'exercice conjoint de
l'autorité parentale.
78. Des hésitations demeurent donc lorsque
l'autorité parentale est exercée unilatéralement par l'un
des deux parents : L'exigence du double accord est-elle toujours valable ? le
consentement du parent privé de l'exercice de l'autorité
parentale, néanmoins titulaire de cette autorité, est-il
nécessaire à la circoncision de l'enfant ? (A). La question se
pose à plus forte raison dans certains cas plus spécifiques
où l'enfant fait l'objet d'une mesure d'assistance éducative ou
d'une mesure d'adoption. Quels consentements doivent être recueillis pour
procéder à sa circoncision ? (B).
A - En cas d'exercice unilatéral de
l'autorité parentale
79. On pourrait déduire d'une lecture a contrario des
décisions de justice, qu'en cas d'exercice exclusif de l'autorité
parentale, seul le parent détenteur de cet exercice peut prendre la
décision de faire circoncire l'enfant. Le consentement de l'autre parent
ne serait donc pas nécessaire. Il a par exemple été
jugé qu' « une telle intervention ne (peut) être
pratiquée qu'avec l'accord des deux parents exerçant
conjointement l'autorité parentale » (CA Riom 17 avril 2007*),
ou qu' « il n'est pas envisageable que cette décision soit
prise sans l'accord des deux parents qui exercent en commun l'autorité
parentale » (CA Nancy 5 octobre 2009*). A contrario, le
parent qui exercerait unilatéralement l'autorité parentale
pourrait faire circoncire l'enfant sans l'accord de l'autre parent.
80. Cependant, le parent privé de l'exercice de
l'autorité parentale en reste attributaire. Il conserve notamment le
droit et le devoir de surveiller l'entretient et l'éducation de
l'enfant. Afin d'en renforcer l'efficacité, l'article 373-2-1
alinéa 3 du Code civil exige que ce parent soit suffisamment
informé des choix relatifs à la vie de l'enfant. Il paraît
alors difficilement concevable que la circoncision rituelle de l'enfant puisse
échapper au droit de regard du parent privé de l'exercice de
l'autorité parentale. Il s'agit en effet d'un choix « important
» dans la vie de l'enfant, pour reprendre le terme employé par
certains juges.
73 Plusieurs propositions existent en doctrine. Des auteurs
proposent de considérer comme « acte usuel » celui « qui
n'est pas grave » (P. Malaurie, La famille 5e ed, Cujas 1995/1996, n°
768) ou « la kyrielle d'actes qui sont dans le tissu de la vie quotidienne
des familles » (G. Cornu, La famille 5e éd, Mont-chrestien, 1996,
n°83.). Un autre propose un approche négative en faisant du
changement le critère de l'acte non usuel écartant la
présomption d'accord : l'acte ne pourrait plus être
considéré comme usuel « s'il romp avec le passé ou,
surtout, s'il engage l'avenir de l'enfant » (H. Fulchiron, Rép civ
Dalloz, v° Autorité parentale, n° 146). ». Raymond
Legeais souligne quant à lui la nécessité de prendre en
compte les moeurs, pour qualifier l'acte d'usuel ou non ; «
conformément à l'esprit éminemment sociologique de cette
législation » Raymond Legeais, L'autorité parentale, 1973,
Defrenois, page 87.
81.
27
La doctrine souligne par ailleurs que le titulaire du droit de
surveillance conserve un pouvoir en matière de choix de la religion de
l'enfant par le biais de la notion d'abus, et plus généralement
celle de l'intérêt de l'enfant74.
B - Cas de l'enfant placé, confié ou
adopté 1. L'enfant placé
82. L'article 375-7 alinéa 1 du Code civil dispose que
« les père et mère de l'enfant bénéficiant
d'une mesure d'assistance éducative continuent à exercer
tous les attributs de l'autorité parentale qui ne sont pas
inconciliables avec cette mesure ». Les parents semblent être
en mesure de pouvoir demander au juge des enfants l'autorisation de faire
circoncire leur enfant. Ce cas de figure est apparu dans deux décisions
du contentieux (CA Lyon 31 mai 2011* et CA Douai 6 mars 2012*). Dans la
première affaire, la Cour d'appel de Lyon a accueilli les demandes des
parents, ordonnant au service gardien de mettre en place un enseignement
musulman pour l'enfant, mais soumettant sa circoncision à un bilan
médical.
La seconde affaire de 2012 ne permet pas de savoir si la
position de 2011 a été confirmée, puisque l'appel a
été déclaré irrecevable pour vice de
procédure.
83. Quid en cas de désaccord des parents? Leur double
consentement est-il toujours requis à la circoncision de l'enfant ? Ce
cas de figure est absent du contentieux. Tout porte à penser que le juge
des enfants rejettera la demande, ne voulant pas complexifier la situation
familiale et surtout, celle de l'enfant.
2. L'enfant confié à un tiers
84. La question de la circoncision de l'enfant confié
à un tiers ne s'est jamais présentée en jurisprudence.
Mais « lorsque l'enfant a été confié à un
tiers, l'autorité parentale continue d'être exercée par les
père et mère ; toutefois, la personne à qui l'enfant a
été confié accomplit tous les actes usuels relatifs
à la surveillance et à son éducation » (article
373-4 du Code civil alinéa 1). Ainsi les parents restent a priori libres
de faire circoncire leur enfant. En cas de conflit entre les parents ou entre
les parents et le tiers, le juge aux affaires familiales devra être
saisi.
3. L'enfant adopté
85. La question de la circoncision de l'enfant adopté
ne s'est, elle non plus, jamais présentée en jurisprudence. En
cas d'adoption plénière, les textes ne disent rien de
l'autorité parentale. Mais la solution s'impose d'elle même :
l'enfant adopté n'a plus d'autres parents que ses parents adoptifs
(articles 356 alinéa 1 et 358 du Code civil). Les parents par le sang
n'auront plus aucun droit sur l'enfant. Une demande de circoncision sera
évidemment inenvisageable pour eux.
86. En cas d'adoption simple, l'enfant conserve des liens
avec sa famille par le sang, mais l'autorité parentale appartient
désormais aux parents adoptifs. L'article 365 du Code civil, dans son
premier alinéa, dispose que « l'adoptant est seul investi
à l'égard de l'adopté de tous les droits
d'autorité parentale, inclus celui de consentir au mariage
74 « Justice et religions », champs libres
études interdisciplinaires, L.BOURDIER, page 318.
28
de l'adopté ». Par conséquent, les
parents par le sang ne pourront aucunement exiger que l'enfant soit
circoncis.
87. En cas d'adoption de l'enfant du
conjoint, l'article 365 pose une règle toute différente :
l'adoptant devient titulaire de l'autorité parentale (parent par le
sang) concurremment avec son conjoint, mais seul ce dernier en aura l'exercice.
Par conséquent, pour savoir si le consentement de l'adoptant à la
circoncision de l'enfant doit être recueilli, il faudra se
référer aux solutions dégagées pour les cas
d'exercice unilatéral de l'autorité parentale.
29
Chapitre II - Le désaccord à propos de la
circoncision de l'enfant observé chez certains couples
mixtes
88. L'obligation légale faite aux parents de
s'accorder sur la circoncision de leur enfant, et de manière
générale sur toute décision importante concernant son
éducation, est à saluer. En encourageant le consensualisme, cette
règle garantie une certaine cohérence dans l'éducation de
l'enfant.
89. Cependant, cette obligation est souvent difficile
à respecter. L'idéal de la coparen-talité se heurte en
effet à une réalité sociale complexe : le choc de cultures
constaté chez certains couples mixtes.
90. En fonction de l'auteur qui l'emploi, l'expression «
couple mixte » peut désigner des réalités
différentes. Ici la « mixité » n'est pas prise dans son
sens juridique (nationalités différentes). La «
mixité » doit être comprise dans son sens sociologique. Elle
renvoi avant tout à une mixité culturelle et, à certains
égards, religieuse.
91. Une typologie des couples mixtes en conflit sur la
circoncision de l'enfant a pu être dégagée du contentieux.
Cette typologie se base sur les critères de la confession et des
origines des sujets. Ces informations figurent parfois explicitement dans le
contentieux. En l'absence d'indications, il sera recouru à plusieurs
indices, tels que le pays où l'enfant est emmené
régulièrement en vacances et les prénoms des parents.
92. Il est alors apparu que le conflit oppose un ou une
(souvent une) français(e) de parents français, à une
personne que l'on qualifiera d' « étrangère » (au sens
sociologique, et non juridique). Cet « étranger » a une
origine (par exemple origine Africaine), une culture ou une confession
(confession Juive ou Musulmane) favorables à la circoncision.
93. Plus spécifiquement, (mis à part quelques
cas isolés75) cette étude fait apparaître un
couple-type en conflit. Il s'agit du couple
Franco-Maghrébin76.
75Ces cas isolés seront de deux ordres :
1/Le conflit des couple Franco-étrangers :
Franco-Togolais (CA Poitiers 17 décembre 2008*) ; Franco-Nigérien
(CA Paris 24 février 2000*) ; Franco-Camerounais (CA Amiens 20 mai
2009*) ; Franco-Libanais (CA Bourges 12 mars 2009* , le père
étant de nationalité Franco-Libanaise, de confession chiite et
ayant vécu son enfance en Arabie Saoudite) ; Franco-Albanais ( CA Nancy
5 octobre 2009*) ; Franco-Américain (CA Paris 3 décembre 2008*)
;
2/Le conflit du couple Maghrébin-Maghrébin (CA
Rennes 18 mars 2008* ; CA Grenoble 16 décembre 2008* ; CA Grenoble 13
janvier 2009* ; CA Nancy 29 juin 2009* ; CA Versailles 17 septembre 2009*). Les
pays du Maghreb connaissent en effet divers niveaux de pratique de la religion
musulmane, ce qui est susceptible de donner lieu à des divergences
d'opinions au sujet de la circoncision.
Décisions où les origines et les confessions des
parents n'ont pas pu être dégagées : CA Besançon 14
novembre 2008* (conflit entre Virginie et Oladé) ; CA Montpellier 24
avril 2007* (Jacques et Béatrice) ; CA Lyon 28 septembre 2009* (Ipek et
Richard).
94.
30
Rappel doit être fait que ces solutions ne tiennent
aucunement compte du critère de la nationalité. Le Couple
Franco-Maghrébin désigne l'union d'une personne d'origine et de
culture Française avec une personne d'origine et de culture
Maghrébine. Peu importe donc que ces personnes soient toutes deux de
nationalité française.
95. Malgré l'impossibilité de s'appuyer sur des
statistiques officielles77, on peut affirmer, sans trop de risques,
que les couples Franco-Maghrébins (comme la plupart des couples mixtes)
sont un fait social en évolution quantitative. Cela est dû,
d'abord, à l'ampleur progressive que prennent les échanges
interculturels. Mais surtout, cela est dû à l'augmentation de
l'immigration. Beaucoup d'auteurs se sont appliqués à
démonter le rapport entre immigration et mariages mixtes. Le nombre de
ces mariages a suivi pour l'essentiel celui des grandes vagues
migratoires78. Même si ces études ne
s'intéressent qu'à la mixité juridique, il est possible de
s'aider de leurs résultats dans notre étude sur les couples
Franco-Maghrébins. Par ailleurs, le constat d'augmentation des unions
mixtes a peut être un lien avec celui de l'augmentation (certes
légère) du contentieux de la circoncision ces dernières
années.
96. Le couple mixte, et surtout le couple
Franco-Maghrébin, aura beaucoup de difficultés à
s'accorder sur la circoncision de l'enfant. Ce désaccord sera source de
conflits, s'inscrivant au milieu d'autres désaccords existant entre les
partenaires, d'ordres culturels, religieux ou encore identitaires (section I).
La circoncision de l'enfant, riche en symboles et lourde de
conséquences, viendra aggraver la situation de crise conjugale (section
II).
76La solution (le couple Franco-Maghrébin)
est dégagée sur le fondement de plusieurs critères.
Illustrations :
- Critère des prénoms des parents :
Lucie et Rachid (CA Orléans 11/12/2012*) ; Véronique et H'ssain
(CA Versailles 06/12/2012*) ; Sylvie et Djafar (CA Grenoble 23/10/2012*) ;
Laurence et Mourad (CA Nancy 30/03/2012*); Françoise et Saîd (CA
Bordeaux 27/03/2012*) ; Paulette et Mohamed (CA Douai 06/03/2012*); Isabelle et
Nabil (CA Agen 06/10/2011*) ; Nathalie et Abdallah (CA Poitiers 11/05/2011*);
Dominique et Hicham (CA Versailles 10/02/2011*) ; Alain et Fatiha (CA Nancy
03/09/2010*) ; Béatrice et Nassim (CA Versailles 15/03/2007*)
- Critère du lieu de naissance de l'un des parents
: Algérie (CA Montpellier 23/05/2007*), Maroc (CA Toulouse 5 mars
2009*)
- Critère du lieu où l'enfant est
amené pendant les vacances scolaires (pays d'origine de l'un des
parents) : Algérie (CA Grenoble 23/10/2012*, CA Poitiers
11/05/2011*, CA Besançon 17/10/2008*), Tunisie (CA Aix-en-Provence
09/01/2007*).
77 En effet, il n'existe pas de statistiques officielles sur
les couples mixtes, au sens (sociologique) où nous l'entendons. Les
chiffres publiés par l'INSEE serviront d'indices, avec tout de
même deux réserves. Première réserve : ces chiffres
ne concernent que les couples mariés (ou pacsés). Les «
unions libres » ne peuvent en effet faire l'objet d'études (respect
de la vie privée). Seconde réserve : ces mêmes chiffres
officiels traitent uniquement de la mixité juridique, fonction de la
nationalité.
L'INSEE a ainsi estimé à 19,9% les mariages
célébrés entre français et étrangers en
2003, les plus fréquents étant les mariages
Franco-Maghrébins.
78 Citons par exemple G. Neyrand et M. M'Sili dans leur
ouvrage « mariages mixtes et nationalité française »
(L'Harmatthan Logiques sociales, 1995), qui expliquent l'augmentation des
mariages mixtes par l'augmentation du flux migratoire.
31
Section I - Les difficultés de certains couples
mixtes
97. Les couples mixtes en général (et
Franco-Maghrébins en particulier) cristallisent autour d'eux un certain
nombre de problèmes, réels ou supposés. La plupart du
temps, le couple mixte n'a pas su gérer sa mixité. Il s'est
construit sur un château de cartes, dont l'équilibre se trouvera
d'autant plus fragilisé par l'arrivée du premier enfant. Le
couple devra alors se poser des questions nouvelles, qui creuseront encore plus
les frontières entre leurs deux cultures. Afin d'insister sur cette
gradation des problèmes, une première distinction d'ordre
chronologique a été choisie. Seront ainsi traités les
conflits antérieurs à la naissance de l'enfant (I), puis ceux qui
lui sont postérieurs et inhérents (II).
98. Dans chacun de ces deux grands paragraphes, a
été tenté un classement des difficultés par
thèmes de désaccord (choix de la langue, choix des vacances
etc...). Il aurait été en effet réducteur de diviser ces
désaccords en fonction leurs origines, en distinguant les
désaccords liés à la différence de cultures, et
ceux liés à la différence de religion. Culture et Religion
sont, dans le passé, indissociables l'un de l'autre et, dans le
présent, en constante interaction.
I - Difficultés antérieures à la
naissance de l'enfant
99. Les principales difficultés renvoient tout autant
au fonctionnement du couple lui-même (A), qu'à son environnement
(B).
A - Difficultés renvoyant au fonctionnement du
couple lui-même
100. L'appropriation de certaines coutumes, règles,
moeurs de la culture de l'autre ne se fait pas automatiquement. Elle implique
des niveaux d'affrontement culturels. Le sociologue A. Barbara relève
que le couple mixte réunissant deux intellectuels va peut-être
trouver un mode de vie harmonieux par la maîtrise - quelquefois plus
facile - de certaines situations. Tous les couples mixtes n'ont pas toujours ce
recul et cette compréhension intellectuelle qui leur seraient
nécessaires. « Ce partage culturel équitable, cet
affrontement dans un échange qualifié peuvent être un luxe
difficile d'accès pour certains ménages mixtes ».
« L'adhésion, voire la conversion inconditionnelle à la
culture de l'autre ne pourront souvent intervenir qu'après plusieurs
étapes, dans un système subtil et complexe de concessions, de
nécessités et d'adaptations constantes
»79.
« Nous vivons sous le même toit, mais dans deux
pays différents »80
101. Ce constat est valable même pour les choix les plus
quotidiens et les plus
79A. Barbara, « Les couples mixtes », Bayard
éditions, page 152.
80Témoignage d'une Française de 40
ans, mariée depuis quinze ans à un étranger. A Barbara,
préc. page 322.
32
secondaires : choix de la musique, de la cuisine et de la
décoration de la maison. Ce même sociologue donne l'exemple du
couple Franco-Africain qui sort acheter des meubles pour la maison. Il est
alors observé que le partenaire Africain essayera constamment de
reconstituer un environnement, lui donnant l'impression de vivre toujours en
Afrique et de « récupérer » son identité
africaine (tentures et pagnes seront accrochés à coté d'un
xylophone en bois).
102. Dans le même ordre d'idées, une
Française ayant épousé un étranger raconte que son
conjoint est beaucoup plus intéressé par la lecture des journaux
de son pays. Elle se plaint que, lorsqu'il s'y passe des
événements importants tels que des élections, ceux-ci vont
absorber une grande partie de ses loisirs81.
103. Le sociologue B. Laffort parle plus
généralement de « nostalgie » relative au pays
d'origine. Il y intègre en plus le choix des vacances et le désir
éventuel de s'y faire enterrer. Précisément, les choix des
vacances, loin d'une escapade romantique au café des délices,
peuvent devenir source de tensions entre les partenaires :«
Souhaitées comme des périodes de repos et de ressourcement,
les vacances représentent parfois un enjeu annuel de discussion : d'un
côté, lassitude de devoir retourner chaque année au
même endroit, de l'autre, frustration de ne voir sa famille qu'une fois
par an »
82
.
104. La langue est elle aussi un obstacle majeur à
l'harmonie du couple. Les auteurs ont observé que c'est souvent le
conjoint étranger qui doit fournir des efforts pour s'exprimer dans la
langue du pays de résidence (dans notre étude, la langue
Française). L'un d'entre eux témoigne : « Faire toujours
le pas linguistique vers l'autre peut devenir frustrant et fatigant, surtout
quand on n'a pas la maîtrise parfaite de la langue : on garde un accent,
on prononce mal certains sons, on se trompe d'expression... et chaque remarque
sur ces erreurs rappelle à l'étranger son étrangeté
».
105. Plus rarement, le conjoint français va tenter
d'apprendre la langue de son partenaire. « Ce choix est (...) assez
simple à assumer pour ceux qui ont épousé un italien. Mais
ceux qui ont épousé un marocain se trouvent, eux, devant des
obstacles linguistiques bien plus importants, qui peuvent décourager les
meilleurs volontés polyglottes »83.
« Même quand nous avons la même langue,
nous ne parlons pas le même langage »84
81Témoignages récoltés par A.
Barbara, préc., pages 149 et 150.
82Bruno Laffort, « Les couples mixtes chez les
enfants de l'immigration algérienne », L'Harmattan, page 18.
83B. Laffort, préc., pages 18 et 19
84 Témoignage d'une française mariée a un
étranger, A Barbara, préc., page 128.
106.
33
Par ailleurs, si l'on en croit les auteurs de Double
Mixte85, l'exil dans un pays où l'on se retrouve en
minorité renforce le sentiment religieux, celui de l'appartenance
à une communauté religieuse. Ce serait notamment le cas pour le
conjoint Maghrébin, à travers la communauté musulmane.
« La mixité religieuse , qu'elle recouvre une différence
de foi ou une différence de pratiques, semble être la plus dure
des pierres d'achoppement sur lesquelles se brisent concessions et
compréhensions. Accentué par l'exil, le sentiment religieux prend
une autre dimension, s'identifiant aux traditions qu'il faudra garder comme
signes intérieurs et extérieurs de l'identité : la
religion devant être sauvegardée dans son intégrité
rend tout « mélange » indésirable et suspect
».
B - Difficultés renvoyant à l'environnement
du couple
107. Au delà des croyances religieuses propres, c'est
à travers la religion que le groupe a trouvé le moyen de
manifester sa désapprobation, si ce n'est davantage. B. Laffort parle de
« prégnance du groupe social ». Cette prégnance est
d'autant plus forte que le conjoint étranger, affaibli par la distance
qui le sépare de sa famille, sentira constamment le besoin de recueillir
leur approbation. Les conjoints sont (ou pensent être) prisonniers du
« qu'en dira-t-on » de la famille élargie qui est
restée au pays .
108. Les sociologues insistent sur l'importance du groupe
social aux yeux du conjoint Maghrébin. J. Streiff-Fénart souligne
qu' : « en immigration, le mariage mixte signale un tout autre danger
: celui de la perte d'identité ou d'intégrité du groupe
par assimilation culturelle à la société d'accueil. Cette
menace passe cette fois beaucoup plus par les femmes que par les hommes ; d'une
part parce qu'elles jouent, à travers la fonction éducative, un
rôle central dans la transmission des valeurs ; d'autre part parce
qu'elles sont, comme Andrée Michel l'a montré, les plus promptes
à adopter les valeurs familiales de la société
française »86. Pour les épouses
maghrébines, le mariage mixte est de façon quasi
systématique la cause des ruptures familiales, parfois
irréversibles. Plus encore que cela, il est, vu par la
société d'origine, comme le signe de la trahison sociale et du
reniement religieux. Cette interdiction, au delà de la (faussement
démontrée) interdiction religieuse, serait un moyen pour le
groupe d'assurer et de conserver sa cohésion menacée. Certaines
réactions émanant de l'entourage peuvent être tellement
opposées qu'elles entraînent des attitudes extrémistes. Le
film de Gérard Blain, « Pierre et Djamila », raconte
ce drame de la rencontre amoureuse interculturelle qui s'oppose aux
règles de chaque groupe.
109. La religion n'est ainsi qu'un prétexte pour
traduire un malaise plus profond, lié à des sentiments où
se mêlent la « perte d'identité » à des rejets
plus intériorisés. Ces sentiments intériorisés sont
évidemment rattachés à la période coloniale et plus
généralement, aux tensions politiques existant entre les deux
groupes Orient/Occident.
110. Les tensions viennent donc non seulement de
l'environnement proche (la famille), mais aussi de l'environnement le plus
lointain (la société globale). Comme le souligne B. Laffort, les
premiers couples mixtes Franco-Maghrébins auront à porter un
héritage
85 Études publiées à la Revue « Double
Mixte », citées par B. Laffort, préc., page 22.
86J. Streiff-Fénart, cité par B. Laffort,
préc., page 30.
34
lourd d'histoire, où se mêle le passé
colonial de la France et la guerre d'Algérie dans toute sa
complexité. Mais ceux d'aujourd'hui (de la deuxième
génération) ne seront pas épargnés pour autant : le
conflit au Proche-Orient, la montée du communautarisme en France, la
discrimination de la religion musulmane qui a franchi un pas
supplémentaire avec les événements du 11 septembre 2001
aux États-Unis, sont autant de sujets susceptibles de rejaillir un jour
ou l'autre sur leur couple.
111. Nous ajouterons à ce constat le rôle
joué par les médias dans l'exagération des tensions entre
l'Orient et l'Occident.
II - Difficultés après la naissance de
l'enfant
112. La vie des couples mixtes est continuellement
jalonnée de décisions quelque fois difficiles à prendre.
« Celles-ci marquent souvent les limites d'un partage entre les
partenaires, qui vont alors s'exprimer dans leurs domaines
privilégiés. Mais aussi, ils pourront se concurrencer
inconsciemment »87.
113. L'arrivée du premier enfant, à travers la
problématique de son éducation, sera un facteur
d'accélération des conflits. Ceux-ci peuvent, tout de même,
être surmontés par certains couples. « N'est-ce pas en
effet quand les partenaires font peu de cas de leurs convictions religieuses
respectives que le mariage a le plus de chances objectives de durer? Le
degré de non-pratique religieuse serait la garantie permanente du
couple. Mais le groupe est là qui rappelle, ravive cette identité
religieuse de façon périodique et profonde
»88.
114. L'enjeu de l'éducation de l'enfant prend de
l'ampleur pour devenir, avant tout, un enjeu social. Pour ne citer que les
difficultés les plus fréquentes, seront présentées
la problématique du prénom de l'enfant (intimement liée
à celle de sa langue) (A) puis celle de sa religion (B).
A - Le prénom et la langue
115. Ces choix se font surtout en fonction des projets plus
ou moins inconscients d'insertion ou de réinsertion du couple dans l'un
ou l'autre pays. Derrière ce simple prénom et la langue de
l'enfant se profilent les choix de vie que les époux vont être
amenés à préciser et qui les engageront plus encore.
116. Le choix du prénom revêt une certaine
complexité et engage un certain dialogue entre les conjoints.
Derrière la recherche du prénom, c'est bien l'identité de
l'enfant à naître qui commence à devenir une
préoccupation pour les parents, les grands parents et tout l'entourage
familial. C'est pourquoi ce choix n'en sera pas réellement un. L'enfant
ne portera pas véritablement le prénom que ses parents auraient
trouvé à leur goût. Afin de prévenir les
éventuels désaccords des familles respectives, le couple mixte
choisira des prénoms « passe partout ». Pour le couple
Franco-Maghrébin, ce sera « Hana » (ou « Anna »),
« Heddi » (ou « Eddy ») ou encore « Mariem » (ou
« My-
87A. Barbara, préc., page 188. 88 A. Barbara,
préc., page 258.
35
riam »).
117. G. Varro, dans son ouvrage sur les couples mixtes en
France et en Allemagne, pointe du doigts les difficultés liées
à la langue de l'enfant : « Pour le choix des langues, les
couples disposaient d'une solution théoriquement évidente : le
bilinguisme. Mais dans la pratique, il apparaît que l'application de la
politique familiale nécessaire pour qu'il se réalise n'est pas si
aisée : les différences des pratiques linguistiques
attestées tiennent à des raisons aussi bien matérielles
(absence ou présence des langues dans les écoles secondant
l'apprentissage de la langue étrangère en famille), que
personnelles (attitudes envers les langues, qui ont leurs racines dans
l'histoire de chaque individu ) »89.
118. Cette difficulté de transmission de la langue
à l'enfant peut rapidement devenir vexatoire pour le parent
étranger, qui en connaît tout l'enjeu. Les parents savent bien que
l'enfant appartiendra à la culture de la langue qu'il parlera
couramment. En effet, la langue n'est pas seulement un code social de
communication, mais tout un ensemble complexe affectif, conceptuel, politique,
qui engage l'individu qui parle. Comme l'écrivait Sartre, l'enfant est
« agi par les mots » qu'il prononce, en ce sens, par les mots, il
établit des rapports aux choses, aux événements et aux
situations90.
B - La religion
119. Quelle sera la religion de l'enfant ? Faut-il l'inscrire
au Catéchisme ou l'emmener à la Mosquée ? En
matière d'éducation religieuse, la négociation
s'avérera très difficile. D'autant plus que, du point de vue du
conjoint Maghrébin, l'éducation musulmane de l'enfant est
ressentie comme une obligation, imposée par le Coran. Les concessions
seront difficiles à faire et il n'est pas rare que l'éducation
religieuse de l'enfant soit source de rupture. Quand bien même les
parents trouveront un terrain d'entente en optant pour la théorie du
choix différé (le transfert sur le choix responsable que l'enfant
fera lui-même), l'arrivée de l'enfant à un certain
âge interviendra comme un révélateur de l'état
actuel des convictions de chacun des parents. Ce sera notamment le cas à
l'âge de quatre ou cinq ans, quand la question de sa circoncision
commencera à être posée par la famille du conjoint
étranger.
120. L'enfant semble bien être un double enjeu : enjeu
entre les parents et enjeu entre les sociétés. Il est en effet le
lien objectif des marques éducatives de chacun des conjoints et des
milieux sociaux. Quelle marque éducative plus parlante que la
circoncision ?
Section II - Des difficultés aggravées
par le symbolisme de la circon-
cision
121. Malgré la prééminence du couple
Franco-Maghrébin dans le contentieux, il convient de s'intéresser
aussi à l'importance de la circoncision dans la communauté juive,
le contentieux pouvant évoluer. La circoncision est, pour les deux
communautés,
89Cité par B. Laffort, préc., page
19.
90Conception de la langue selon Jean-Paul Sartre,
reprise par A. Barbara,préc., page 207.
36
perçue comme un facteur d'appartenance religieuse (I)
mais aussi, de manière plus profonde, comme un facteur
d'intégration sociale (II).
I - Facteur d'appartenance religieuse
122. Sera exposée d'abord la valeur de la circoncision
dans la confession juive (A), puis dans la culture arabo-musulmane (B).
A - La circoncision juive
123. Malek Chebel rapporte que dans le judaïsme, la
circoncision, signe de l' « Alliance avec Yahvé » est un
leitmotiv depuis déjà plus de trois mille ans. L'Exode (XII, 44,
48) précise très clairement que les étrangers qu'ils
fussent esclaves ou non, sont exclus de la célébration d'un
certain nombre de pratiques, à moins qu'ils ne se fassent circoncire. La
circoncision est d'entrée de jeu un passeport rituel, un sacrement
hébraïque dont la signification et l'impact sont socialement et
spirituellement déterminés. Aussi, la circoncision est-elle
devenue au fil du temps l'un des pôles de symbolisation de l'être
juif, le critère de sa « perfection »91.
124. Il s'agira en effet d'inscrire dans la chair de l'enfant
la mémoire d'une histoire et le projet de sa pérennisation par la
transmission d'un nom. Il n'est pas indifférent de noter que que le mot
pour dire « masculin » en hébreu, zakhar, a la
même racine que « se souvenir »,
zakhor92.
B - La circoncision arabo-musulmane
125. Le choix de l'adjectif « arabo-musulman » (au
lieu de « musulman ») n'est pas anodin. Il met l'accent sur
l'antériorité de la pratique de la circoncision à la
religion musulmane. Antériorité fortement soulignée par M.
Chebel. Mais, très vite, les musulmans se sont approprié cette
pratique, la considérant comme un rite de passage religieux. Si, pour
les écoles théologiques, la circoncision n'est finalement qu'une
pratique plus ou moins recommandée, il en va différemment pour
les familles arabes ou berbères, qui la considèrent comme
obligatoire. M. Chebel rapporte que cette pratique est aujourd'hui tenue par
les musulmans comme un acte de conformité à l'esprit du croyant
et à la lettre du texte sacré, le Coran. « En
vérité, même si la dimension hygiénique est
exaltée, la circoncision est, pour un musulman, une pratique qui
commande son intégration à la communauté des croyants. Le
vendredi est le jour idoine pour mener à bien cette opération.
Mieux, la valeur symbolique de ce jour est multipliée durant le
jeûne rituel qui correspond, dans le calendrier musulman, à tout
le mois de Ramâdhân »93.
II - Facteur d'intégration sociale
126. Le couple mixte, et surtout Franco-Maghrébin, doit,
nous l'avons dit, prendre avec
91Malek Chebel, préc., page 43
92 Jean-Marc Chouraqui. Dictionnaire du Droit des Religions,
préc., page 148.
93 Malek Chebel, préc., pages 57 et 58.
précaution toute décision qui concerne
l'éducation de l'enfant. Le but étant de se laisser le choix (et
surtout de laisser à l'enfant le choix) de pouvoir vivre indistinctement
dans l'un ou l'autre des pays.
127. A coté du prénom, du nom et de la langue,
la circoncision constituera un des facteurs les plus marquants de
l'intégration de l'enfant dans la culture du parent Maghrébin.
C'est pourquoi, toujours dans cette idée d'ouverture aux deux pays,
quelques couples mixtes optent pour la circoncision de l'enfant. Mais la
plupart du temps, cette « option » n'en sera pas vraiment une ; le
conjoint Français s'étant simplement résigné
à ne pas s'opposer à cette coutume qui l'échappe, et qui
échappe à la famille toute entière. La circoncision est
surtout une affaire de société.
128. Au Maghreb, la circoncision a aussi des effets de
promotion sociale et d'intégration dans la classe d'âge des
enfants. « Il est très courant dans certains
établissements scolaires que l'enfant subisse une sorte de
vérification de la part de ses camarades, par exemple lors de
séances de gymnastique. Une mère racontait que son fils avait
ressenti cela comme une sorte de brimade. Elle ne dramatisait pas
l'événement. Auparavant, ses camarades appelaient parfois
l'enfant « le fils de la Française », avec une certaine
taquinerie. Mais du moment où ils se sont rendus compte « qu'il
était comme eux », qu'il faisait partie des leurs, cela n'a plus
posé de problème ». La mère en conclue qu'
« il vaut mieux que tous ces enfants soient circoncis si l'on vit au
Maghreb. Même si le père acceptait que l'enfant soit
chrétien, il ne pouvait guère échapper à la
circoncision »94.
129. Soulignons enfin que le divorce dans le couple
interculturel mettra l'enfant au centre d'enjeux très importants. Lors
de sa naissance et de son éducation, les parents tentent de concilier
les exigences de chacun en tenant compte des exigences de leurs groupes. Dans
le divorce, nous verrons chaque société se manifester à
travers ses institutions. Le couple déborde son conflit sur la
sphère sociale, car il ne peut plus le contenir dans la sphère
conjugale et familiale.
C'est dans ce climat de guérilla entre les
deux conjoints divorçants (voire même entre les deux cultures
divorçantes) que la justice est saisie, afin de statuer - entre autres
choses - sur la question de la circoncision de l'enfant.
37
94Témoignage récolté par A.
Barbara, préc., page 202
38
Partie II- La résolution judiciaire des
litiges
130. De la confrontation entre la difficulté pratique
à s'accorder sur la circoncision de l'enfant et l'obligation
légale de trouver un terrain d'entente, vont naître des conflits.
Une typologie du contentieux permet de dégager les différentes
manifestations de ces conflits.
131. Le choix a été fait de diviser le
contentieux en deux grandes catégories , fonction de la
réalisation ou non de l'événement litigieux (la
circoncision de l'enfant). Les actions engagées avant la circoncision de
l'enfant seront qualifiées d'actions « préventives ».
On parlera aussi de conflits ou de litiges préventifs. Les actions
engagées après la circoncision de l'enfant seront
qualifiées d'actions « rétrospectives ». On parlera
aussi de conflits ou de litiges rétrospectifs.
132. Force est de constater que les solutions
apportées par les juges depuis plus de 40 ans sont, à certains
égards, insuffisantes, parfois même inadéquates, que ce
soit en réponse aux litiges préventifs (chapitre I), ou
rétrospectifs (chapitre II).
Chapitre I - La résolution des litiges
préventifs
133. Ces décisions représentent environ 45% du
contentieux. Elles attestent de l'angoisse que peut engendrer le choc culturel
entre les parents. L'analyse de ce contentieux est d'autant plus enrichissante
qu'elle renseigne sur les actions ouvertes au parent opposé à la
circoncision de l'enfant, mais subissant des pressions ou des menaces de la
part de l'autre parent favorable à la circoncision ; ou encore sur
l'impact que peut avoir une simple crainte exprimée par un parent, sur
les droits de l'autre.
134. Les demandes visées peuvent être
regroupées en deux catégories : 1/ Demande d'autorisation ou
d'interdiction de faire pratiquer la circoncision. Il est alors demandé
au juge de prendre directement position sur la question de la circoncision. 2/
Demande de modification des modalités d'exercice de l'autorisation
parentale, afin d'empêcher indirectement une circoncision de l'enfant non
voulue par l'un des parents.
135. En réponse à la première
série de demandes, les juges paraissent mal à l'aise et
s'abstiennent de trancher le litige (section I). La réponse à la
seconde série trahit, quant à elle, une grande
imprévisibilité de la règle de droit (section II).
Section I - Les contentieux de l'autorisation et de
l'interdiction de faire circoncire l'enfant
136. Un époux saisi le juge, en vue soit de faire
interdire à l'autre parent de faire circoncire l'enfant, soit d'obtenir
l'autorisation de prendre seul la décision de le faire
39
circoncire. Le juge devra alors trancher le litige afin de
sortir la famille de l'impasse dans laquelle elle se trouve, tout en respectant
l'autonomie familiale et la liberté de culte (c'est-à-dire sans
porter de jugement sur les convictions religieuses des parents).
137. Les solutions jurisprudentielles sont rendues en
interprétation de l'article 371-1 du Code civil. Cet article,
combiné aux conventions internationales, impose aux parents comme au
juge de rechercher l'intérêt de l'enfant dans toute
décision le concernant. Mais les juges se contentent de rappeler les
règles de l'autorité parentale (I), sans s'interroger sur ce
qu'exige réellement l'intérêt de l'enfant . Cette carence,
en contradiction avec les textes législatifs, est critiquable (II).
I - Une jurisprudence exclusivement fondée sur les
règles de l'autorité
parentale
138. Les juges du fond, en réponse aux demandes
préventives, se bornent à énoncer que l'enfant ne pourra
être circoncis sans l'accord de ses deux parents. En se réfugiant
ainsi derrière les règles de l'autorité parentale (A), ils
ne tranchent pas le litige qui leur est soumis (B).
A - Le renvoi constant aux règles de
l'autorité parentale
139.La jurisprudence a qualifié la
circoncision rituelle de l'enfant d'acte non usuel de l'autorité
parentale. Il s'agit en conséquence d'une décision devant
être prise conjointement par les deux parents. Certains parents, ne
parviennent pas à se mettre d'accord sur la nécessité de
circoncire ou non l'enfant. Un conflit naît, faisant de l'enfant l'otage
des divergences culturelles de ses parents. Si le juge est saisi, c'est dans
l'espoir qu'il sorte la famille de l'impasse dans laquelle elle se trouve, en
interdisant ou en autorisant l'intervention.
140. Mais c'est à une justice évasive,
peut-être parce que mal à l'aise, à laquelle le couple
mixte est confronté. En effet, le juge refuse d'examiner la demande (CA
Aix 26 mai 1998*95, en l'espèce le refus est exprès ;
CA Grenoble 19 juin 2007*), ou parfois encore la rejette. Ce rejet est
motivé par le rappel des règles de l'autorité parentale
(CA Versailles 15 mars 2007* ; CA Paris 2 avril 2007*; CA Lyon 25 juillet 2007*
; CA Rennes 3 juillet 2008* ; CA Besançon 17 octobre 2008* ; CA
Besançon 14 novembre 2008* ; CA Nancy 5 octobre 2009* ; CA Bordeaux 27
mars 2012* ; CA Grenoble 23 octobre 2012*).
141. Ainsi, par exemple, dans un arrêt rendu le 14
novembre 2008*, la Cour d'appel de Besançon énonce que : «
Dans la mesure où les deux parents exercent en commun l'autorité
parentale, il convient de rappeler au père qu'il ne pourra faire
procéder à la circoncision de l'enfant sans l'accord
préalable de la mère ». Deux cours d'appel sont même
allées jusqu'à considérer la requête comme
étant « dépourvue de valeur juridique » (CA Paris 13
septembre 2000*96), ou « sans objet »
95 CA Aix 26 mai 1998* : le père demande notamment
l'autorisation de faire procéder à la circoncision de son fils.
La Cour d'appel rejette sa demande et refuse expressément de se
prononcer sur la question de la circoncision : « sans même qu'il y
ait lieu d'examiner le problème de la circoncision souhaitée par
le père pour son fils, qui n'est que l'un des nombreux points sur
lesquels les parents sont en conflit ».
40
(CA Riom 17 avril 2007*97).
142. En se bornent à rappeler que la circoncision est
un acte non usuel nécessitant l'accord des deux parents, le juge renvoie
le conflit entre les mains des parents ( à charge pour eux de trouver un
accord). Tel un dessin d'Ouroboros98 , il est renvoyé
à l'accord des parents, alors que c'est précisément parce
qu'il sont en désaccord que le juge a été saisi ! Ce
comportement des juges équivaut à une absence de décision
: le conflit n'étant toujours pas tranché. Tout porte d'ailleurs
à croire en la pérennité de ce conflit, surtout pour des
parents mixtes divorçants ou divorcés.
B - Une abstention judiciaire fondée sur la
neutralité religieuse
143. Cette démission judiciaire serait fondée
sur le principe de neutralité religieuse. Ne voulant pas trancher entre
deux parents aux désirs contradictoires et préférant
s'abstenir de se prononcer sur des questions douloureuses, les juges du fond se
replient sur une laïcité intransigeante : en cas de
désaccord, pas de circoncision.
144. Cette réticence face aux litiges à
coloration religieuse n'est pas nouvelle. Il est habituel pour les juges de
refuser explicitement de trancher la question soumise. C'est d'ailleurs ce que
dénonce un auteur , illustrant son propos par un arrêt rendu par
la Cour d'appel de Paris en 1967. Dans cette affaire, la Cour refuse d'arbitrer
un conflit d'après divorce entre un père orthodoxe et une
mère catholique en précisant que le juge « n'a aucune
qualité pour statuer dans un domaine qui relève purement et
simplement de la liberté de chacun des parents »99.
145. Pourtant, les juges se sont déjà
substitués à l'un des parents, en autorisant l'autre à
accomplir un acte religieux. Par exemple, la même Cour d'appel de Paris,
autorise en 1978 une mère à faire baptiser ses enfants et
à les éduquer dans la religion catholique, malgré la
réticence du père100.
146. Il convient par conséquent de s'interroger sur
les vraies raisons de cette absten-
tion judiciaire en matière de circoncision.
Existerait-il une mouvance hostile (et dis-
cutable) à cette coutume ? Cette hostilité
apparaît clairement dans certaines déci -
sions. Par exemple, en rejetant la demande d'un père
tendant à obtenir l'autorisation
96 CA Paris 13 septembre 2000* : Il est demandé
à la Cour de donner acte de l'accord ou du refus de la mère pour
la circoncision de l'enfant . La demande est rejetée : « La
décision de circoncire l'enfant naturel relève de l'exercice de
l'autorité parentale et nécessite l'accord des deux parents.
Faute d'accord sur ce point, il leur appartiendra de saisir à nouveau le
juge lorsque l'enfant aura atteint l'âge requis. Un donné acte de
l'accord ou du refus de la mère est dans ce cas dépourvu de
valeur juridique. »
97 CA Riom 17 avril 2007* : le père Demande à la
Cour d'imposer à la mère de donner son accord pour la
circoncision de l'enfant. Le juge rejette sa demande : « La demande
formulée par un père tendant à obtenir une décision
judiciaire imposant à la mère de soumettre à son
autorisation l'intervention chirurgicale pour la circoncision de l'enfant
commun est sans objet, une telle intervention ne pouvant être
pratiquée qu'avec l'accord des deux parents exerçant
conjointement l'autorité parentale. »
98Dessin du serpent qui se mord la queue.
99CA Paris 6 avril 1968, JCP 1967, II, n° 15100,
concl. Nepveu. 100 CA Paris 14 décembre 1978, cité par Ch. ATIAS,
note 55.
41
de faire circoncire l'enfant, la Cour d'appel de Lyon qualifie
le rite d' « atteinte à l'intégrité physique de
l'enfant » et de « décision grave » (CA Lyon 25 juillet
2007*).
147. En cas de désaccord, pas de circoncision. Cette
abstention judiciaire confortée dans une apparente neutralité
religieuse, semble bien au contraire fondée sur une absence de
neutralité (une hostilité à la circoncision). Or, la
justice ne peut condamner une pratique religieuse qu'en se fondant sur des
critères objectifs.
II - La nécessaire recherche de
l'intérêt supérieur de l'enfant
148. Quel fondement plus approprié que
l'intérêt supérieur de l'enfant pour juger de
l'opportunité d'une pratique religieuse? L'intérêt de
l'enfant devrait être systématiquement recherché dans les
décisions le concernant, à plus forte raison en matière de
circoncision. En laissant ainsi le conflit parental en suspens, le juge
condamne l'enfant à rester dans le terrain neutre de l'a-religion, mais
surtout dans celui de l'inintégration. L'enfant ne sera ni
élevé dans la culture de sa mère, ni élevé
dans celle de son père. L'enfant, victime du désaccord de ses
parents et de l'abstention du juge, sera suspendu dans une neutralité
sans identité. Pour reprendre une expression de Jean Jaurès :
« seul le néant est neutre ».
149. L'absence de référence dans le contentieux
à l'intérêt de l'enfant est étonnante, voire
contradictoire à deux égards. D'abord, les juges se contredisent
eux-mêmes. D'un coté, ils considèrent que la circoncision
est une décision trop importante dans la vie de l'enfant pour entrer la
catégories des actes usuels de l'autorité parentale. Et de
l'autre, cette décision n'est pas assez importante pour faire l'objet
d'un contrôle judiciaire sous le prisme de l'intérêt de
l'enfant. Mais surtout, c'est en contrariété avec les
dispositions du Code civil que le juge passe outre l'étape
nécessaire de la recherche de l'intérêt de l'enfant. Cette
étape n'a été respectée que dans deux
décisions particulières (A), qu'il convient de
généraliser (B).
A - Une recherche rencontrée en matière
d'assistance éducative
150. C'est uniquement lorsque l'enfant fait l'objet d'une
mesure d'assistance éducative que sa circoncision sera soumise à
la recherche de son intérêt supérieur. C'est ce qui
apparaît à la lecture de deux arrêts rendus récemment
par les cours d'appel de Lyon et de Douai.
151. Dans la première affaire, il s'agissait d'un enfant
placé auprès d'un service tiers. En appel, les parents ont
déclaré vouloir élever leurs enfants dans la religion
musulmane et s'interroger sur leur éventuelle circoncision. Dans un
arrêt rendu le 31 mai 2011*, la Cour d'appel de Lyon a jugé que
que le service gardien devra mettre en place un enseignement au profit des deux
garçons de façon à leur permettre de connaître la
religion et la culture musulmanes. Sur la question de la circoncision, la Cour
juge qu' « un bilan devra être sollicité par le service
gardien auprès de tout établissement hospitalier permettant
d'apprécier la compatibilité d'une éventuelle circoncision
avec l'état de santé actuel de chacun des garçons, leur
degré de discernement de cet acte et de ses conséquences ainsi
que du retentissement psychologique prévisible ».
152.
42
Dans la seconde affaire (CA Douai 6 mars 2012*), Le juge des
enfants avait prononcé le placement de l'enfant au service
départemental de l'aide sociale à l'enfance. Le père
sollicite auprès du juge des enfants l'autorisation de faire circoncire
l'enfant. L'avis de la mère sur cette question ne transparait pas dans
la décision. Tout porte à penser quelle y était soit
insensible, soit hostile. Le juge des enfants prononce la
délégation de leur autorité parentale au conseil
général pour réglementer la question de la circoncision.
Le conseil général interjette appel. L'appel est
expressément limité à la délégation de
l'autorité parentale relative à la circoncision. L'appelant
expose que « Mohamed O. est absent de la vie de son fils depuis janvier
2011, qu'il n'a honoré aucun droit de visite médiatisé ;
Jordi ne connaît pratiquement pas son père et n'a aucune
connaissance ni sensibilisation sur la religion musulmane. Le juge des enfants
auquel la question du baptême a été posée à
plusieurs reprises a toujours indiqué que ce serait contraire à
l'intérêt de l'enfant ». Mais la demande n'a pas
été traitée au fond, l'appel ayant été
rejeté pour vice de procédure.
153. Rappelons que le placement de l'enfant « à
un service départemental de l'aide sociale à l'enfance » est
prévu à l'article 375-3 § 3 du Code civil et est notamment
règlementé par l'article 375-7 du même code. Ce dernier
article, dans ses deux premiers alinéas, dispose que : « Les
père et mère de l'enfant bénéficiant d'une mesure
d'assistance éducative continuent à exercer tous les attributs de
l'autorité parentale qui ne sont pas inconciliables avec cette mesure.
(...) le juge des enfants peut exceptionnellement, dans tous les cas où
l'intérêt de l'enfant le justifie, autoriser la personne, le
service ou l'établissement à qui est confié l'enfant
à exercer un acte relevant de l'autorité parentale en cas de
refus abusif ou injustifié ou en cas de négligence des
détenteurs de l'autorité parentale, à charge pour le
demandeur de rapporter la preuve de la nécessité de cette mesure
».
154. Il semble que la notion d'intérêt
supérieur de l'enfant ne soit reprise par le juge que pour refuser, ou
émettre une réserve à la volonté parentale de faire
circoncire leur enfant.
B - Une solution à généraliser
155. Dans l'hypothèse d'un placement de l'enfant, les
juges émettent une réserve sur la volonté parentale de
circoncire l'enfant, en recherchant ce qu'exige son intérêt
supérieur. Cette solution doit être
généralisée à toutes les demandes d'autorisation ou
d'interdiction de faire circoncire l'enfant. Ce qui aurait plusieurs avantages
: le juge trancherait alors le litige, en se fondant sur l'intérêt
de l'enfant, c'est-à-dire sans porter de jugement sur les croyances
religieuses des parents. Mais surtout, un tel raisonnement permettrait de
réouvrir le débat (assez médiatisé) de la
circoncision, sur des bases saines. Le juge sera alors libre d'autoriser ou
d'interdire la circoncision de l'enfant en cas de désaccord des parents
sur ce point. Toute décision sera acceptable, à condition
d'être motivée par la recherche objective de
l'intérêt de l'enfant. Ce qui, par ailleurs, harmoniserait le
contentieux de la circoncision avec celui des autres formes d'éducation
religieuse de l'enfant.
Le juge contrôle indirectement cette éducation
à travers le prisme de l'intérêt de l'en-
43
fant101. Il ne semble y a avoir aucune raison
justifiant qu'il ne le fasse pas en matière de circoncision.
156. Le Professeur Hauser a très justement
souligné, en commentant une décision rendue par la Cour EDH,
l'importance d'une recherche in concreto de l'intérêt
supérieur de l'enfant. La Cour EDH a en effet exigé le respect du
principe d'appréciation in concreto en fonction de
l'intérêt de l'enfant, à travers la diligence
d'opérations concrètes de constatation102.
157. Mais dire qu'il faut rechercher in concreto
l'intérêt supérieur de l'enfant n'est pas suffisant.
Encore faut-il mettre en place, comme le remarque M. Petr Muzny, une
authentique méthode d'appréciation in concreto de cet
intérêt supérieur103.
Il est ici question d'expertises médicales et
psychologiques, en plus de l'enquête sociale. Plusieurs critères
pourront ainsi être pris en compte par le juge : l'équilibre
psychologique et social de l'enfant (en considérant notamment le facteur
d'intégration de l'enfant dans les deux cultures de ses parents, sa
sensibilité à la religion en cause et l'étroitesse de son
lien affectif avec ses parents) et, évidemment, l'évaluation des
effets éventuels d'une circoncision sur sa santé.
Section II - Le contentieux de l'exercice de
l'autorité parentale
158. Toujours dans la catégorie des actions
préventives, une seconde série de demandes consiste pour le
requérant à faire interdire indirectement la circoncision de
l'enfant, en exigeant une modification des modalités d'exercice de
l'autorité parentale. Si le parent défendeur voit ses
prérogatives sur l'enfant diminuer (perte de la titularité de
l'autorité parentale, ou de celle de son exercice, perte ou diminution
du droit de visite et d'hébergement, interdiction de sortie du
territoire avec l'enfant sans l'accord préalable de l'autre parent...),
la probabilité qu'il prenne seul la décision de circoncire
l'enfant s'en trouvera paralysée, ou du moins réduite.
159. En cette matière, les décisions des juges
sont relativement cohérentes. Ils refuseront en effet de modifier les
modalités d'exercice de l'autorité parentale, ne voulant pas
donner une quelconque valeur à une simple « crainte de circoncision
» (I). Mais cette crainte, lorsque corroborée par d'autres
éléments, aura une certaine influence sur la décision du
juge en matière de sortie du territoire (II).
I - Le refus de répondre à une simple
crainte de circoncision
160. Les cours d'appel rejettent toutes les demandes en
modification des modalités d'exercice de l'autorité parentale,
lorsque fondées sur la crainte d'une circoncision (peut-être)
à venir. Pour ce faire, les juges ignorent l'argument tiré de la
crainte et rejettent la demande (CA Nancy dans deux arrêts du 3 septembre
2010* et du 30 mars 2012*).
101 V. § 48 à 52.
102 CEDH 16 décembre 2003; D. 1994.326, note Hauser.
103 Petr Muzny, « pour que garde des enfants et pratique
religieuse fassent bon ménage », in Mélanges en l'honneur du
Professeur Jean Hauser, Dalloz LexisNexis, 2011, page 427.
161.
44
Parfois aussi, les juges prennent le soin d'étudier la
demande avant de la rejeter. Ainsi, la Cour d'appel d'Aix énonce que :
« Dès lors, et sans même qu'il y ait lieu d'examiner le
problème de la circoncision souhaitée par le père pour son
fils, qui n'est que l'un des nombreux points sur lesquels les parents sont en
conflit » (CA Aix-en-Provence 26 mai 1998*). De même, la Cour
d'appel de Poitiers juge que : « S'il est de confession musulmane,
fait connu de l'épouse au moment du mariage, il a simplement émit
le souhait que son fils ne mange pas de viande de porc. La question de la
circoncision a été évoquée entre les parents, mais
n'est plus d'actualité, compte tenu de la réticence de la
mère » (CA Poitiers 28 janvier 2009*).
162. Cette position est à saluer en ce qu'elle refuse de
donner effet à une simple crainte de circoncision, fondée sur les
convictions religieuses de l'autre parent. Cette position a plus
généralement le mérite de mettre à l'écart
les griefs fondés uniquement sur les convictions religieuses de l'autre
époux, qui ne correspondraient pas aux canons de la normalité,
arguments bien trop tentants pour que l'avocat se retienne de les exploiter
dans le but de sensibiliser le juge. Il est nécessaire pour les juges de
pouvoir « distinguer le bon grain de l'ivraie »104.
II - L'interdiction de sortie du territoire national avec
l'enfant
163. Ici le demandeur, opposé à la
circoncision, craint que l'autre parent n'emmène l'enfant à
l'étranger (dans son pays d'origine) pour le faire circoncire. Il saisit
le juge en vue de faire inscrire sur le passeport de l'enfant une interdiction
de sortie du territoire national sans l'accord exprès des deux parents.
Il est intéressant de voir que les arguments utilisés par les
demandeurs sont souvent les mêmes (notamment celui des « mauvaises
conditions d'hygiène » dans le pays en question).
164. L'article 373-2-6 du Code civil, dans son troisième
alinéa, permet au juge aux affaires familiales de prononcer une mesure
d'interdiction de sortie du territoire d'un mineur sans l'autorisation de ses
deux parents et prévoit l'inscription de cette mesure au fichier des
personnes recherchées105. Cette mesure permet de
prévenir un éventuel enlèvement international d'enfants.
Ainsi, le parent craignant que son enfant soit emmené à
l'étranger par l'autre parent pour le soustraire à son
autorité parentale, peut recourir à une procédure
d'opposition (OST) ou d'interdiction de sortie du territoire (IST). Ces
procédures sont règlementées par l'article 1180-4 du Code
de procédure civile et par la circulaire du 20 novembre 2012 relative
à l'opposition et à l'interdiction de sortie de territoire des
mineurs.
165. A la lecture du contentieux, il apparaît qu'une
crainte de circoncision ne permet pas à elle seule de prononcer une
mesure d'interdiction de sortie du territoire avec l'enfant. Cette crainte doit
être appuyée par d'autres éléments permettant de
conclure à la mauvaise foi du parent subissant la mesure, ou à
son mépris pour les règles de l'autorité parentale.
104 Pour reprendre l'expression de Petr Muzny, préc., page
427.
105D. n° 2010-569, 28 mai 2010 relatif au fichier
des personnes recherchées : Journal Officiel 30 Mai 2010.
166.
45
Ainsi dans plusieurs décisions, les cours d'appel, ont
rejeté de telles demandes (CA Toulouse 16 juillet 2008* ; CA Poitiers 17
décembre 2008* ; CA Amiens 20 mai 2009* ; CA Nancy 5 octobre 2009* ; CA
Versailles 10 février 2011*). Dans le même sens, une Cour d'appel
a prononcé la levée de l'interdiction faite à la
mère, de sortir l'enfant du territoire national, malgré la
crainte de circoncision évoquée par le père en
première instance (CA Paris 12 juin 2008*).
167. Quelques motivations intéressantes
méritent d'être relevées. La Cour d'appel d'Amiens, le 20
mai 2009* a énoncé que « Mme ne rapporte pas la preuve
que le père aurait le projet de s'établir durablement à
l'étranger en emmenant les enfants avec lui au mépris tant des
droits des enfants que de ceux de la mère ». Dans une autre
affaire, une mère s'appuie sur le fait que le père est d'origine
marocaine, et qu'une propriété familiale existe au Maroc. La Cour
d'appel de Versailles, le 10 février 2011*, juge que « le
risque d'enlèvement de l'enfant et par suite, de non
représentation de celui-ci n'est pas avéré.
Considérant par ailleurs, que le prononcé d'une telle mesure ne
peut être ordonné aux motifs que l'un des parents aurait des liens
avec un pays étranger, ce qui, par principe, constitue un
élément connu de l'autre
parent depuis le début de leurs relations (...)
»
168. Cependant, trois autres décisions ont
été rendues en sens contraire. Dans un arrêt rendu en date
du 23 avril 2008*, la Cour d'appel de Grenoble a eu à se prononcer sur
les droits parentaux d'un père alcoolique et drogué,
qualifié d'incapable de s'occuper de son enfant. La requérante
craignait l'enlèvement de l'enfant en Algérie et sa circoncision
là-bas. Elle a par ailleurs apportée la preuve de nombreuses
menaces émanant du père (menaces d'emmener l'enfant en
Algérie pour le faire circoncire). Au vu du comportement
général du père, la décision de la Cour, lui
interdisant de sortir l'enfant du territoire national sans l'accord
préalable de la mère, paraît justifiée.
169. Une réserve doit cependant être
émise quant à la motivation énoncée par la Cour :
« Si l'on peut effectivement admettre qu'un enfant connaisse le pays
d'origine de son père, il n'en est pas en revanche acceptable de le
livrer à une pratique aussi dangereuse pour sa santé que la
circoncision effectuée hors de toute précaution médicale,
selon des méthodes non autorisées en France » . Il
paraît difficilement justifiable qu'un juge puisse qualifier ainsi une
circoncision qui n'a encore jamais eu lieu, en se basant sur le simple fait que
celle-ci aurait été effectuée en Algérie. Comment
le juge peut-il présumer que la technique opératoire d'une
circoncision effectuée en Algérie serait faite selon « des
méthodes non autorisées en France »? Le juge fait-il
référence aux interventions pratiquées par des
circonciseurs coutumiers, qui (parait-il), n'administreraient pas toujours
d'anesthésiants efficaces pour prévenir la douleur de l'enfant
?
170. Dans la deuxième affaire, il s'agissait d'un
père absent du quotidien de son fils. La mère avait une «
peur obsessionnelle » que son fils ne soit circoncis par le père et
enlevé au Soudan. L'enquête a par ailleurs démontré
que « l'enfant a intégré les craintes de la mère
». La Cour d'appel de Rennes, dans un arrêt du 3 juillet 2008*,
accueille la demande de la mère tendant à prononcer
l'interdiction de sortie du territoire. La motiva-
46
tion de cette deuxième décision est plus
nuancée que la précédente : « Monsieur a la
double nationalité (soudanaise et française) (...) mais Madame
n'ignorait pas les origines et la religion de son ex-époux, elle
n'ignorait pas davantage qu'il avait encore de la famille au Soudan et que les
racines de son fils sont pour partie dans ce pays. Et même le conflit qui
l'oppose au père ne peut faire interdire à celui-ci des
rencontres entre ses parents et l'enfant ; enfin et de plus le fait que
Monsieur K. vive en France depuis maintenant 18 ans établit qu'il y a
ses centres d'intérêt majeurs. Par ailleurs et pour d'une part
rassurer la mère, bien que l'objectif premier ne soit pas là, et
pour d'autre part permettre à l'enfant de renouer avec lui des relations
exemptes d'inquiétude, il y a lieu d'organiser précisément
et progressivement les droits de visite de Monsieur (...). Fait interdiction
à Monsieur de sortir du territoire français avec l'enfant sans
l'autorisation préalable et expresse de la mère et en ordonne
l'inscription sur son passeport. »
171. La Troisième décision est un arrêt
rendu par la Cour d'appel de Versailles le 6 décembre 2012*. En
première instance, il avait été fait interdiction à
chacun des parents de sortir les enfants du territoire français et de
faire procéder à la circoncision des enfants sans l'accord de
l'autre. Le père, appelant incidemment, demande la levée de
l'interdiction de sortie des enfants du territoire français sans
l'accord de l'autre. Sa demande est rejetée : «
Considérant qu'en l'état d'un droit de visite à la
journée, il n'y a pas lieu de lever l'interdiction de sortie du
territoire national ; que celle-ci apparaît de plus de nature à
rasséréner les enfants, et à tranquilliser la mère,
qui indique craindre qu'à l'occasion d'un séjour dans son pays,
M. El Y., très religieux, fasse circoncire les enfants sans son accord ;
qu'elle mentionne par ailleurs, sans en apporter la preuve, mais sans
être démentie par le père, que ce dernier a engagé
à son insu des démarches pour l'acquisition de la
nationalité marocaine par ses fils, ce qui rendrait impossible tout
retour forcé sur le territoire national ; »
172. Enfin, même si de telles mesures sont
justifiées, d'une part, par la mauvaise attitude du parent
concerné (tant envers l'enfant qu'envers l'autorité parentale de
l'autre parent) et, d'autre part, par l'appréciation souveraine des
juges du fond, la lourdeur de leurs conséquences ne doit tout de
même pas être perdue de vue. L'inscription sur le passeport de
l'enfant de l'interdiction de sortie du territoire sans l'accord des deux
parents ainsi que l'intensité du conflit parental, auront pour
conséquence l'impossibilité pour l'enfant (jusqu'à ses 18
ans) de connaître son pays d'origine. De même, le juge doit garder
à l'esprit la portée d'une telle rupture: elle arrache l'enfant
à son pays d'origine, à sa famille vivant à
l'étranger, à une part de sa culture, de son éducation...
à une part de lui-même.
47
Chapitre II - La résolution des litiges
rétrospectifs
173. Le conflit est rétrospectif lorsqu'il porte sur
une circoncision déjà intervenue. L'un des parents reproche
à l'autre d'avoir circoncis l'enfant sans recueillir son consentement
préalable. Ce grief sera présenté au juge dans le but de
voir sanctionner le comportement fautif du parent défendeur.
174. Le fait de circoncire l'enfant n'est pas, en soi, une
faute (au sens large c'est-à-dire source de responsabilité
délictuelle ou source d'une suppression ou d'une diminution des
prérogatives parentale). Peut en revanche être
considérée comme une faute au sens large le fait d'agir en
méconnaissance des règles de l'autorité parentale,
c'est-à-dire en violation de l'autorité de l'autre parent, soit
aussi en dépassement de pouvoirs. Ici le raisonnement est
différent de celui du chapitre précédent : il s'agit non
plus de prévenir une éventuelle circoncision non
désirée par un parent, comme c'était le cas dans les
litiges préventifs, mais de voir sanctionner une circoncision
effectuée en dépassement de pouvoirs.
175. S'intéresser à la manière dont les
juges traitent ces litiges rétrospectifs permet de répondre
à la question suivante : la règle dégagée par la
jurisprudence, selon laquelle la circoncision de l'enfant est un attribut de
l'autorité parentale s'exerçant conjointement par les deux
parents, fait-elle l'objet de sanctions ? Encore faut-il évidemment que
la règle soit suffisamment prévisible, et que les sanctions
prononcées soient proportionnelles.
176. Le grief invoqué par le parent demandeur
reprochant à l'autre parent d'avoir fait circoncire l'enfant
unilatéralement, en méconnaissance des règles de
l'autorité parentale, sera désigné par l'expression «
grief de circoncision ».
177. Le grief de circoncision est invoqué dans trois
séries d'actions : actions en divorce, actions en responsabilité
délictuelle et demandes de modification des modalités d'exercice
de l'autorité parentale. En réponse à ces trois
séries de demandes, les juges n'ont pas réussit à
dégager des solutions cohérentes. Il a simplement
été dégagé que le grief de circoncision ne permet
pas, à lui seul, de prononcer un divorce pour faute (section I). Le
contentieux fait en revanche transparaitre un balbutiement jurisprudentiel en
matière de responsabilité délictuelle (section II) et
d'exercice de l'autorité parentale (section III).
Section I - Le contentieux du divorce : l'absence de
faute au sens de l'article 242 du Code civil
178. La circoncision rituelle de l'enfant, ordonnée
par un parent, sans avoir préalablement recueilli le consentement de
l'autre parent, est-elle une faute cause de divorce au sens de l'article 242 du
Code civil ? La construction jurisprudentielle appelle à une
réponse négative. Cette fermeté des juges dans
l'appréciation de la faute cause de divorce en matière de
circoncision (II), s'explique par leur fermeté dans le domaine
48
plus général des pratiques religieuse (I).
I - Fermeté des juges en matière
religieuse
179. Les juges, en application de l'article 242 du Code civil,
exigent que soit rapportée la preuve de la réunion de tous les
éléments constitutifs de la faute (A). Cette exigence est la
même lorsque la faute reprochée à l'autre époux est
fondée sur sa pratique religieuse. Cette question, aussi délicate
soit-elle, ne fait pas exception à la règle (B).
A - Une appréciation stricte de l'article 242 du
Code civil
180. L'article 242 du Code civil dispose que « le
divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque des
faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée
des devoirs et obligations du mariage son imputables à son conjoint
et rendent intolérable le maintient de la vie commune
». Les termes de violation grave et de violation renouvelée
des devoirs et obligations du mariage, ont un caractère
alternatif106.
181. Cette première condition doit être
cumulée avec une deuxième. Il faut en effet que cette faute
(grave ou renouvelée) des devoirs et obligations du mariage, ait rendu
intolérable le maintient de la vie commune107.
182. Il n'existe pas de liste établie des violations
permettant l'application de l'article 242 du Code civil. Les juges du fond
apprécient souverainement l'existence de ces deux conditions. La Cour de
cassation ne contrôle que leur motivation108. Les faits
imputables au conjoint peuvent être non seulement des manquements aux
devoirs imposés par le Code civil (fidélité,
cohabitation...), mais aussi tous manquements à des règles
implicites, non expressément déterminées par la loi
(respect de la dignité et de
l'honneur du conjoint, devoir de loyauté...).
Il
appartient et il incombe aux juges d'apprécier si, compte tenu de toutes
les circonstances, les faits allégués présentent ou non un
caractère injurieux, s'ils sont d'une gravité suffisante pour
entraîner le divorce, s'ils rendent ou non intolérable le maintien
du lien conjugal ou si la répétition des manquements
allégués suffit à faire apparaître
intolérable le maintien de la vie commune. Par ailleurs, le divorce doit
être refusé, lorsque la participation commune des époux
à des faits répréhensibles réduit à
néant le grief identique et réciproque que les époux
s'opposent. Le comportement du conjoint demandeur peut donc être de
nature à ôter aux faits reprochés le caractère d'une
faute
106Civ 2ème, 21 janvier 1970 (JCP 1970. II.
16307.), confirmé en 1995 puis en 1999 (il est de jurisprudence
constante) : « Les juges du fond ne peuvent exiger que les faits
invoqués comme cause de divorce présentent à la fois le
caractère de gravité et celui de répétition, alors
que lesdits caractères sont, aux termes de la loi, alternatifs
».
Jurisprudence constante.
107Civ 2ème 20 avril 1989 (Bull. Civ. II,
n°91- jurisprudence constante) : « Les juges du fond doivent
rechercher si les faits invoqués remplissent la double condition
imposée par l'article 242 du Code civil, qui exige que ces faits
constituent une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations
du mariage et rendent intolérable la vie commune ».
108La Cour de cassation contrôle la
motivation des décisions du fond. Par exemple, Civ. 2Ème, 30
novembre 2000; Civ. 1Ère, 11 janvier 2005 (jurisprudence constante).
49
au sens de l'article 242 (on parle alors d' « excuses
») 109.
B - Une rigueur conservée en matière
religieuse
183. Dans un état laïque, les convictions
religieuses ne sont que l'expression de la liberté de conscience. Elles
ne constituent jamais, à elles seules, une faute cause de divorce. Un
époux divorçant ne peut donc reprocher à l'autre ses
convictions religieuses, qu'à la condition que celles-ci remplissent les
conditions posées à l'article 242 du Code civil. « Si
l'un des époux ne peut, sous peine de porter atteinte à la
liberté de conscience de l'autre, interdire à ce dernier de
pratiquer la religion qu'il avait délibérément choisie,
encore faut-il que ce choix n'ait pas d'incidence grave sur la vie conjugale et
familiale ; les juges du fond peuvent donc retenir contre un époux, pour
prononcer le divorce, le zèle excessif touchant la pratique de la
religion, lorsqu'il est source de perturbation dans la vie familiale
»110. Ainsi, par exemple, l'appartenance à une
secte n'est pas, en soi, une faute cause de divorce 111.
184. Il est important que la preuve de la gravité (ou
du renouvellement) et de la dégradation du lien conjugal soit
apportée : « manque de base légale l'arrêt qui,
pour accueillir la demande en divorce du mari, se borne à énoncer
que l'appartenance de la femme à une secte, a eu un effet néfaste
sur les relations conjugales, sans apporter la moindre précision sur la
détérioration des relations conjugales retenues à la
charge de la femme »112.
II - Fermeté des juges en matière de
circoncision
185. La même rigueur judiciaire est retrouvée
dans le contentieux de la circoncision (A). Celle-ci est, à divers
égards, à saluer (B).
A - La solution jurisprudentielle
186. La question à laquelle les juges ont dû
répondre est la suivante : le fait, pour un parent, de faire circoncire
l'enfant sans recueillir le consentement de l'autre parent qui exerce avec lui
l'autorité parentale, constitue-t-il une violation grave ou
renouvelée des devoirs et obligations du mariage, rendant
intolérable le maintient de la vie commune ?
187. Une majorité écrasante de six
décisions sur sept113 a rejeté la demande en divorce
fondée sur ce grief. La règle est donc la suivante : la
circoncision de l'enfant à l'insu de l'autre parent n'est pas, en soi,
une cause de divorce au sens de l'article 242
109 Cl. Divorce, Fasc. 85 ou Civil Code, Art. 242 à 247-2,
fasc. 20.
110Civ 2ème, 25 janvier 1978 : Gaz
palais 1978.2.505,note Barbier (jurisprudence constante).
111Constat confirmé dans les deux
arrêts rendus par la CA de Montpellier, le 16 mai 1994 (Juris-data
n° 034169), et le 7 novembre 1994 (Juris-data n° 034245). La semaine
juridique édition générale n° 25, 21 juin 1995, I
3855, droit de la famille, étude par Sylvie Bernigaud, par Hubert
Bosse-Platière, par Nicole Deschamp, par Thierry Dupré, par Yann
Favier, par Sylvie Ferré-André, par Hugues Fulchiron, par Thierry
Garé, Olivier Matocq, Jacqueline Rebellin-Devichi.
112Civ 2eme, 8 nov 1995, Bull civ II n°271.
50
du code civil. Citons, en guise d'illustration, un arrêt
rendu par la Cour d'appel de Rennes le 18 mars 2008* : « S'agissant de
la circoncision, dont la réalité n'est pas contestée, rien
ne fonde l'allégation selon laquelle cette intervention a affecté
l'état de santé de l'enfant, et si une telle décision est
susceptible de requérir l'accord des deux parents, il ne peut être
déduit du seul fait qu'un tel accord n'aurait pas été
recherché par Madame, ce que celle-ci conteste d'ailleurs, que cette
décision est la cause du divorce ».
188. Un arrêt rendu par la Cour d'appel de Grenoble, le
13 janvier 2009*, est lui aussi très clair : « Que quoi qu'il
en soit, si cette omission (circoncision de l'enfant sans en aviser l'autre
parent) était avérée, elle ne constituerait pas un
comportement fautif au sens de l'article 242 du code civil ».
189. Un arrêt fait exception à la règle :
celui rendu par la Cour d'appel d'Aix-en-Pro-vence le 9 janvier 2007*, qui
prononce le divorce aux torts exclusif du mari (« ces faits
constituent une faute au sens de l'article 242 du code civil »).
Mais, en l'espèce, le conflit autour de la circoncision est noyé
au milieu d'autres éléments (violences à l'encontre de la
mère, « confinée à la maison pour s'occuper de sa
famille et dans une
dépendance excessive du bon vouloir de
l'époux »).
Il s'agit d'une solution d'espèce. Cette
exception ne préjuge donc pas de l'exactitude du principe
dégagé.
190. Une motivation, un peu à part, mérite
enfin d'être soulevée : « La circoncision d'un enfant,
à l'initiative du père sans l'accord exprès de la
mère, n'est pas constitutif d'une faute au sens de l'article 242 du Code
civil, les deux époux étant de confession musulmane et la femme
ne rapportant pas la preuve d'avoir préalablement fait part à son
conjoint de son désaccord quant à la pratique de ce rite
cultuel »(CA d'Aix-en-Provence du 4 mars 2004*). Nonobstant le
problème de preuve, la Cour a jugé utile de rappeler que les
époux étaient tous deux de confession musulmane. Cette
référence à la confession des époux n'est pas
anodine. Elle paraît renvoyer à une atténuation de la faute
fondée sur des « excuses » (argument fréquent en
matière de divorce). Ainsi, le non respect par l'un des époux des
règles de l'exercice conjoint de l'autorité parentale peut
être excusé ou atténué par l'existence de certaines
circonstances114. Plus précisément, la formule
employée par la Cour d'appel d'Aix fait penser à deux types
d'excuses
:
191. Elle fait d'abord penser aux excuses tirées d'une
acceptation des risques, dont l'émergence est encore embryonnaire en
droit du divorce. Elle signifie qu'un conjoint ne pourrait faire grief
à l'autre d'un comportement ou d'agissements dont il le savait coutumier
lors de la célébration du mariage et dont il a ainsi
accepté le risque115. La formule fait aussi penser,
dans une moindre mesure, à l'excuse tirée du milieu social
113CA Aix-en-Provence du 4 mars 2004* ; CA Aix 30
mai 2006* ; CA Montpellier 23 mai 2007* ; CA Rennes 18 mars 2008* ; CA Paris 3
décembre 2008* ; CA Grenoble 13 janvier 2009*.
114 Rappelons à ce titre que les juges du fond peuvent
et doivent statuer en considérant toutes les circonstances susceptibles
d'exercer une influence sur la solution du litige, en excusant ou en
atténuant les torts du défendeur, soit que ces excuses fassent
disparaître la faute, soit qu'elles atténuent la gravité de
la faute, soit, enfin, qu'elles rendent tolérables la faute et le
maintien du lien conjugal.
51
du ou des époux. En effet, ce dernier arrêt
montre comment les juges du fond, sans doute dans un souci de réalisme,
prennent en compte le milieu social des époux afin d'apprécier la
gravité de la faute au sens de l'article 242 du Code civil. Les deux
parents étant de confession musulmane, la circoncision de l'enfant ne
serait donc pas,
pour eux, une faute d'une particulière
gravité.
Ce ne serait pas la première fois que les juges font
une telle analyse. Dans des contentieux extérieurs à la
circoncision, est observée une prise en compte du milieu social et de
l'éducation, afin d'apprécier la gravité de la faute au
sens de l'article 242 du Code civil116.
B - Appréciation de la solution
jurisprudentielle
192. La violation des devoirs et obligations du mariage est
une notion qui s'apprécie dans un sens très large. Elle peut en
effet être constituée par le non respect de toute obligations
figurant dans le Code civil. En l'espèce, circoncire l'enfant sans en
aviser l'autre parent constitue sans aucun doute une violation des
règles de l'autorité parentale, imposées par le Code
civil. Le non respect de cette règle est donc théoriquement
susceptible de constituer une faute au sens de l'article 242 du même
code. Mais encore faut-il que cette faute soit suffisamment grave et qu'elle
rende impossible le maintient de la vie commune. Les juges du fond ont pu
souverainement apprécier que ces deux dernières conditions
n'étaient pas réunies.
193. Cette solution est acceptable puisqu'il est important de
respecter le pouvoir souverain des juges du fond en la matière, afin
d'obtenir les décisions les plus réalistes possibles. Le droit de
la famille ne doit pas être appliqué comme une science exacte, ses
implications humaines étant nombreuses. Cette position jurisprudentielle
est par ailleurs respectueuse de la volonté du législateur. Ce
dernier a projeté, à travers de nombreuses réformes et
notamment celle de 2004 ouvrant plus de modalités de divorce non
fautifs, de diminuer le contentieux de divorce pour faute, traumatisant tant
pour les époux que pour l'enfant, et encombrant le juge de griefs
basés sur la haine et la vengeance.
115 Une décision a tenté d'introduire dans le
droit du divorce la notion d'acceptation des risques, utilisée en
matière de responsabilité civile. Il a été ainsi
jugé que le mari d'une femme, qui se livrait déjà à
la boisson avant le mariage, qui a négligé de prendre sur la
conduite de sa future femme des renseignements élémentaires ou
qui l'a épousée en connaissant son vice a accepté un
risque dont il est mal fondé à se prévaloir pour justifier
sa demande en divorce (T. civ. Valence, 16 mars 1955 : D. 1955, p. 585,
note Breton). Une position similaire peut se retrouver dans la
jurisprudence contemporaine, lorsque les juges tiennent compte de la
qualité de la vie commune ayant précédé le mariage
(CA Rennes, 6e ch.,
15 mai 2000, n° 99/02515
|
: JurisData n°
|
2000-120026). Critiques : la doctrine a fait
valoir que Cette théorie est en contradiction avec le principe bien
admis en jurisprudence selon lequel les causes de divorce admises par le Code
civil sont toutes constituées par des faits particuliers contraires aux
devoirs du mariage et outrageants pour le conjoint et non pas simplement par un
état de la personne ou de son caractère (note Breton,V. JCl.
Divorce, Fasc. 40 ou Civil
Code, Art. 229 ou Notarial Répertoire, V°
Divorce, fasc. 5).
"On se marie pour le meilleur et pour le pire", il
s'agit là uniquement d'une acceptation des risques normaux du mariage.
(Comp. l'application de l'adage : for better or for worse par les
juridictions anglaises ; dans la plupart des jugements, cet adage signifie en
réalité for better or for worse, but not for much worse. - A.-L.
Goodhart, Cruelty, Desertion and insanity in matrimonial law : The law
quarterly review, 1963, p. 108).
116 Cl. Divorce, Fasc. 85, § 72.
194.
52
Le juriste doit tout de même rester attentif à
l'évolution de cette jurisprudence, en l'absence de décision de
la Cour de cassation. D'autant plus que la deuxième chambre civile de la
Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 14 novembre 2002, que
« les faits engageant La responsabilité civile du conjoint peuvent
aussi constituer une cause de divorce »117.
Section II - Le contentieux de la
responsabilité délictuelle
195. Le recours à l'article 1382 du Code civil en
droit de la famille n'est pas nouveau. Pour sanctionner une carence parentale,
certains juges préfèrent en effet recourir au droit commun de la
responsabilité civile. Une reconfiguration du fonctionnement de
l'autorité parentale paraît souvent être une sanction
disproportionnée. Comme le souligne très justement un
auteur118, la responsabilité civile pour faute permet aussi
de « moraliser » les relations familiales et, notamment, les
relations entre parents. Une telle démarche se veut conforme à
l'objectif de responsabilisation du couple parental, souhaité par le
législateur.
196. Mais cette démarche n'est pas pour autant
systématique. Le juge refuse de recourir à l'article 1382 dans le
cas de la présomption d'accord de l'article 372-2 du Code civil,
c'est-à-dire lorsque l'acte reproché au parent s'avère
être un « acte usuel » de l'autorité parentale. A ce
titre, les juges de Nancy ont considéré qu'un père ne
commet pas une faute en décidant unilatéralement d'emmener son
fils chez le coiffeur119. En présence d'un acte non usuel,
d'un acte important, les tiers de bonne foi doivent obtenir le consentement de
chacun des deux parents. L'aspect contraignant qui en résulte multiplie
les chances de voir apparaître en cas de mécontentement d'un
parent une action en responsabilité civile. Il n'est donc pas
étonnant que la circoncision rituelle de l'enfant, acte non usuel, fasse
l'objet d'une action en responsabilité civile, intentée par un
parent contre l'autre.
197. Les trois décisions rendues (Civ 2ème 17
décembre 1998* ; CA Paris 29 septembre 2000* et CA Lyon 10 janvier
2011*) ont unanimement reconnu la responsabilité civile du parent envers
l'autre parent. Il a ainsi été jugé que le parent qui
prend unilatéralement l'engagement de circoncire son enfant engage sa
responsabilité civile envers l'autre (I).
198. Mais la responsabilité civile ne se cantonne pas
à cette fonction de moralisation de la relation entre parents. Elle
valorise également, d'une seconde façon, l'autorité
parentale en sanctionnant cette fois-ci les devoirs des parents à
l'égard de leurs enfants. La « moralisation des relations des
parents avec leur enfant est fondée sur une substi-
117Bull. Civ. II, n°256; Defrénois 2003.
615, obs. Massip.
118Stephanie Pons, « La réception par
le droit de la famille de l'article 1382 du code civil », Presses
Uni-vesitaires d'Aix-Marseille, 2007, page 200 : « la fonction de
régulation de la responsabilité civile pour faute qui tend
à assoir l'effectivité de la relation parentale se traduit par
une moralisation des comportements parentaux ».
119CA Nancy, 5 oct. 1998 : JD n°056212.
53
tution de motifs : non plus par l'affirmation des droits
des parents mais par l'affirmation des droits de l'enfant
»120. C'est dans ce mouvement de moralisation que
s'inscrit la foudroyante décision de la Cour d'appel de Paris engageant
la responsabilité du parent envers l'enfant (II).
I - Responsabilité envers l'autre parent
199. Pour être qualifiée de fautive, la
circoncision à elle seule ne suffit pas. Elle doit intervenir dans le
cadre d'un dépassement de pouvoirs ou du non respect d'une obligation
(découlant des modalités d'exercice de l'autorité
parentale). En 1998, la Cour de cassation a partiellement cassé
l'arrêt attaqué sur le fondement de l'article 1382 du Code civil,
qui n'avait pas retenu la responsabilité délictuelle du
père, énonçant que la demande de la mère «
n'est assortie d'aucune justification sérieuse ». En
l'espèce la circoncision rituelle a été pratiquée
par un père sur son fils lors d'un séjour au Maroc, sans l'accord
de la mère et au mépris d'une interdiction judiciaire de
sortir du territoire français avec l'enfant.
La Cour condamne « les circonstances dans lesquelles
(le) mari avait emmené leur fils au Maroc et l'avait fait circoncire
».
200. Indépendamment de la violation d'une
décision de justice exécutoire, il faut, comme le fait le
commentateur de l'arrêt121, « se demander si la Cour n'a
pas principalement voulu sanctionner le non-respect par le père des
règles concernant l'exercice en commun de l'autorité parentale,
qui imposent l'accord des deux parents pour l'exécution des actes non
usuels », en y répondant par l'affirmative. Cette affirmation est
confortée par les deux autres décisions qui ont suivi.
201. La Cour d'appel de Paris a engagé, entre-autres,
la responsabilité civile du père vis-à-vis de la
mère. Il fut donc reproché au père d'avoir profité
de l'exercice de son droit d'hébergement pour faire circoncire son
enfant sans l'assentiment de la mère. L'article 1382 est donc venu
sanctionner le devoir du père de respecter les droits de la
mère122. Dans le même sens, la Cour d'appel de Lyon a
engagé la responsabilité civile du père ayant circoncis
l'enfant en Algérie, au mépris du refus de la
mère123.
202. Le préjudice du parent victime du non respect des
règles de l'autorité parentale est, quant à lui, facile
à qualifier. L'octroie de dommages-intérêts à la
mère se justifie, selon le droit commun, par la nécessité
de réparer l'atteinte fautivement portée à ses
120Stéphanie Pons, préc., page 212.
121A.-M. Blanc, note sous Cass. 2 ème civ., 17
décembre 1998* : RJFP avril 1999, p. 125.
122CA Paris 29 septembre 2000* : Le père de
l'enfant avait « profité de l'exercice de son droit de visite et
d'hébergement pour prendre la décision de faire procéder,
à des fins rituelles, à la circoncision de cet enfant, sans avoir
recueilli l'assentiment de sa mère et alors que cet acte chirurgical ne
s'imposait pas d'après les certificats médicaux. Sa
responsabilité doit dès lors être retenue(...)».
123CA Lyon 10 janvier 2011* : « Qu'en effet,
en août 2010, Monsieur F. s'est rendu en Algérie avec les enfants
et a fait procéder à la circoncision du plus jeune, Omrane,
âgé de 3 ans, sans en informer la mère et ce, de
manière délibérée dans la mesure où il
connaissait parfaitement le refus de cette dernière d'élever les
enfants dans la religion musulmane ».
54
prérogatives parentales. Ce préjudice à
caractère moral consiste en une remise en cause de sa qualité de
parent.
II - Responsabilité envers l'enfant
203. La Cour d'appel de Paris, dans l'arrêt du 29
septembre 2000*, a accueilli l'action en responsabilité civile
intentée par l'enfant, représenté par sa mère en
qualité d'administratrice légale, à l'encontre de son
père pour lui avoir fait subir une opération de circoncision
rituelle lors de l'exercice de son droit d'hébergement.
204. Le bien-fondé de la réparation du
préjudice subi par l'enfant n'est pas explicité par la Cour
d'appel. Il faut donc s'interroger et tirer la portée de cette solution.
Les juges ont nécessairement retenu une faute à l'encontre du
père pour faire jouer l'article 1382 du Code civil. Mais en quoi
consiste la faute? quid du préjudice de l'enfant ?
205. Un commentateur explique que « ce qui est ici
sanctionné c'est en quelque sorte le choix éducatif du parent.
(...) Certes, les juges ont statué sous l'empire de la loi du 8 janvier
1993. Néanmoins, les dispositions issues de la loi du 4 mars 2002 sont
imprégnées de l'activité jurisprudentielle novatrice, la
résidence alternée en est un exemple. Et, en l'espèce, il
ne serait pas improbable que ces juges aient prématurément
illustré les devoirs parentaux du nouvel article 371-1 du Code civil :
le devoir de protéger l'enfant dans le respect dû à sa
personne et le devoir d'associer l'enfant aux décisions qui le
concernent, selon son âge et son degré de maturité
»124. Ces nouvelles dispositions revalorisent le statut de
l'enfant en mettant en avant sa qualité de sujet de droit. Parents et
enfants deviennent, à certains égards, débiteurs et
créanciers les uns des autres .
206. C'est précisément contre quoi s'insurge un
autre commentateur : « Parents et enfants ne sont pas débiteurs
et créanciers les uns des autres (...) Mettre, comme en l'espèce,
une réparation civile à la charge de père au
bénéfice de son fils revient alors à affirmer la
possibilité pour les enfants de critiquer devant les juges les choix
éducatifs faits par leurs parents et de demander, sur le seul plan
civil, la réparation des conséquences qu'ils jugeraient
dommageables de ces choix. Le raisonnement est dans l'air du temps (...). Il
est cependant permis de s'interroger sur le bien-fondé de ces solutions
qui envisagent les relations entre parents et enfants de moins en moins comme
des pouvoirs donnés aux premiers et de plus en plus comme une
responsabilité de laquelle ceux-ci devront dorénavant
répondre lorsqu'ils auront causé à leurs enfants des
dommages en ne les élevant pas « bien ». »125
207. En tout état de cause, il faut aussi se demander
pourquoi cette solution (qui porte sur une circoncision non traumatisante et
sans complications) n'a pas été reprise par la décision
suivante de la Cour d'appel de Lyon du 10 janvier 2011*. En effet, il a
été relevé par la Cour d'appel de Lyon que la circoncision
avait été, en l'espèce, « doulou-
124Stéphanie Pons, préc., page 240.
125 C. Duvert, note sous CA Paris, 29 septembre 2000*, D. 2001,
juris. Page 1585.
55
reuse » et « traumatisante » pour
l'enfant126.
208. La condamnation au versement de
dommages-intérêts est lourde de conséquences. Ne perdons
tout de même pas de vue que cette décision du 29 septembre 2000*
reste un cas isolé. Plus courante est la sanction du mésusage par
les parents de leur autorité parentale par la perte ou la
réduction des droits liés à l'autorité
parentale.
Section III - Le contentieux de l'autorité
parentale
209. Ce contentieux est plus vaste que les
précédents. Il regroupe d'une part les demandes d'exercice
exclusif ou conjoint de l'autorité parentale et, d'autre part, les
demandes en modification des modalités d'exercice de l'autorité
parentale (modification du lieu de résidence habituelle de l'enfant ;
retrait ou limitation du droit de visite et d'hébergement ; interdiction
de sortie du territoire national avec l'enfant sans l'accord des deux parents).
Le grief de circoncision sera utilisé par l'un des parents en appuie de
ces demandes.
210. La jurisprudence décide, de manière assez
aléatoire, de donner (ou de ne pas donner) d'importance à ce
grief pour modifier l'attribution de la tituarité de l'autorité
parentale (I). Elle est tout aussi imprévisible dans
l'aménagement des modalités d'exercice de l'autorité
parentale (II).
I - Le contentieux de la titularité de
l'autorité parentale
211. Tout en rappelant que l'exercice conjoint de
l'autorité parentale, sans être érigé en
modèle, demeure le principe, la loi du 4 mars 2002 maintient la
possibilité, en cas de divorce ou de séparation même de
fait des parents, de l'exercice de l'autorité par un seul d'entre eux
sous le contrôle de l'autre. L'article 373-2-1 (dans sa version
législative de 2002 reprise de celle de 1993) précise que «
si l'intérêt de l'enfant le commande, le juge peut confier
l'exercice de l'autorité parentale à l'un des deux parents
». La loi ne fixe d'autre critère au juge que
l'intérêt de l'enfant, qu'il apprécie souverainement. Il
tient compte des accords passés entre les époux, de
l'enquête sociale et des sentiments personnels manifestés par les
enfants 127.
212. Le contentieux de la titularité de
l'autorité parentale, en tant que manifestation du conflit
rétrospectif à propos de la circoncision de l'enfant, manque de
cohérence. Celui-ci est entièrement composé d'arrêts
de cours d'appel. Les cours d'appel vont parfois considérer que le
conflit rétrospectif est anodin. Elles maintiennent alors, ou
prononcent, un exercice conjoint de l'autorité parentale, malgré
le fait qu'un parent ait fait
126 CA Lyon 10 janvier 2011* : « la circoncision a
été réalisée dans de mauvaises conditions puisque
le médecin qui, à la demande de la mère, a examiné
l'enfant, dès son retour en France, a constaté une plaie
croûteuse sur-infectée (...) . Qu'il ressort de l'attestation
établie par Mme que l'enfant a été traumatisé par
cette intervention pratiquée sans l'accord de la mère et alors
qu'il était trop jeune pour en com - prendre le sens. Attendu que le
manquement de Monsieur aux règles de l'autorité parentale
conjointe est particulièrement grave ».
127Sociologie judiciaire du divorce, sous la
direction de J. Hauser, Economica, 1999, pages 69 et suivants.
56
circoncire l'enfant sans en aviser préalablement
l'autre parent (A). Mais elles vont parfois considérer que ce conflit
est suffisamment grave pour maintenir ou prononcer un exercice
unilatéral de l'autorité parentale (B).
A - Le maintient ou le rétablissement d'un
exercice conjoint de l'autorité parentale malgré la
circoncision
213. Lorsque le conflit rétrospectif sur la
circoncision de l'enfant n'est pas considéré comme suffisamment
grave, les cours d'appel vont favoriser l'exercice conjoint de
l'au-torité parentale. Deux cas de figurent sont alors constatés.
Si le juge aux affaires familiales avait décidé, en
première instance, que l'autorité parentale continuera à
s'exercer conjointement, les cours d'appel se contenteront de confirmer cette
décision (1). Dans le cas où le juge aux affaires familiales
avait prononcé un exercice exclusif, pour sanctionner une circoncision
en dépassement de pouvoirs, les cours d'appel n'hésiteront pas
à infirmer cette décision, pour rétablir l'exercice
conjoint (2).
1. Le maintient de l'exercice conjoint
214. Pour certaines cours d'appel, le reproche fait par un
parent à l'autre d'avoir pris unilatéralement la décision
de faire circoncire l'enfant, ne suffit pas à appuyer sa demande
d'exercice exclusif de l'autorité parentale (CA Paris 28 octobre 2004* ;
CA Rennes 4 avril 2005* ; CA Nancy 29 juin 2009* ; CA Lyon 6 juin 2011*).
215. Ces quatre arrêts aboutissent à la même
solution, mais par des raisonnements différents. Ainsi, la cour d'appel
de Paris reproche à la demanderesse de ne pas avoir rapporté la
preuve de la mauvaise foi du père : « l'intervention a
été faite par un médecin sous anesthésie et le
corps médical n'a pas pris la précaution de s'assurer de l'accord
de la mère, de telle sorte qu'il est difficile de savoir si le
père était de mauvaise foi ou pas ».
216. La cour d'appel de Lyon, quant à elle, excuse la
faute commise par le père en se basant sur sa différence
culturelle et conclue à sa bonne foi « Que l'incident relatif
à la prescription de soins à cet enfant (complications
après l'intervention décidée par le père, le
père s'était adressé à l'Imam, la mère a
fait hospitaliser l'enfant) procède davantage d'une divergence
d'appréciation culturelle des deux parents, mais illustre
néanmoins le souci paternel d'apporter à l'enfant un soulagement
qu'il pensait être efficace, même si de fait celui-ci ne
l'était pas médicalement. »
217. La cour d'appel de Rennes se contente de rejeter le
grief de circoncision : « En l'espèce, la mère est
déboutée de sa demande d'exercice exclusif de l'autorité
parentale au seul motif que le père a fait circoncire
l'aîné des enfants et envisage de procéder de même
avec le plus jeune ».
2. Le rétablissement de l'exercice conjoint
218. Il est arrivé que le juge aux affaires familiales
prononce un exercice unilatéral de l'autorité parentale,
notamment pour sanctionner le parent ayant pris unilatéralement la
décision de circoncire l'enfant. Parfois, ce dépassement de
pouvoirs ne fera pas obstacle au rétablissement, en appel, d'un exercice
conjoint de l'autorité parentale (CA
57
Orléans 28 novembre 2006* ; CA Agen 6 octobre 2011*).
La cour d'appel d'Agen a ainsi jugé que : « Certes, il n'est
pas acceptable que le père ait fait circoncire son fils sans l'accord de
sa mère lorsqu'il était petit. Cependant, à ce jour, le
père n'a pas démérité, payant la pension
alimentaire et exerçant comme il le pouvait et comme ses ressources le
lui permettaient son droit de visite et d'hébergement. »
B - Le maintient ou le prononcé d'un exercice
unilatéral de l'autorité parentale suite à la
circoncision
219. Lorsque le conflit rétrospectif
sur la circoncision de l'enfant est considéré comme suffisamment
grave, les cours d'appel vont favoriser un exercice unilatéral de
l'autorité parentale. La circoncision en dépassement de pouvoirs
sera une faute parmi d'autres permettant aux cours d'appel de motiver le
maintient d'un exercice unilatéral de l'autorité parentale
décidée, en première instance, par le juge aux affaires
familiales(1). Si le JAF n'a pas prononcé cette mesure en
première instance, la Cour d'appel le fera (2).
1. Le maintient de l'exercice unilatéral
220. Le grief de circoncision - entre autres
- peut permettre au juge d'appel de motiver le maintient d'un exercice exclusif
de l'autorité parentale, décidé en première
instance par le juge aux affaires familiales (CA Bourges 12 mars 2009* ; CA
Limoges 16 mars 2009* ; CA Poitiers 11 mai 2011*).
221. La décision de la cour d'appel de
Poitiers, minutieusement motivée, mérite d'être
relevée. Pour ne reprendre que la fin des motifs : « Ainsi le
père n'a pas respecté le principe de l'exercice conjoint de
l'autorité parentale suivant lequel les décisions importantes
relatives à sa santé et à l'éducation de l'enfant
se prennent par accord entre les deux parents ou du moins après
information et discussion . Il n'a pas non plus respecté la personne et
l'intérêt de Yanis qui consiste, à son âge , à
vivre de façon stable dans un environnement connu et
sécurisant. » 128.
2. Le prononcé d'un exercice unilatéral
222. En cas de comportement grave du parent,
celui-ci peut perdre la titularité de l'autorité parentale. Cette
déchéance peut intervenir à tout moment dans le
procès (en première instance comme en appel). A ce titre, les
arrêts rendus par les cours d'appel
128Pour un extrait plus long des motifs de la
décision : « Il n'est pas contesté par Monsieur H. A. qu'il
a à plusieurs reprises emmené Yanis en Algérie sans
l'accord exprès de Madame C. et qu'il y a fait circoncire l'enfant . Il
reconnaît aussi avoir , un été, ramené Yanis en
France le 4 octobre lui faisant manquer la rentrée des classes.
S'agissant de la circoncision, c'est en vain que le père soutient que
des raisons médicales l'ont contraint à faire effectuer cette
opération durant les vacances en ALGERIE , les motifs indiqués (
eczéma, mycoses) n'étant pas urgents et étant plus
utilement pris en charge dans la durée en FRANCE par un traitement et
des soins réguliers. Cette initiative a été traumatisante
pour Yanis ainsi que le déclare son médecin psychologue dans une
attestation détaillée. A supposer exacts ces soucis de
santé, non établis par ailleurs, et à supposer efficace la
circoncision pour y remédier, l'atteinte directe au corps de l'enfant
petit, le caractère définitif et symbolique de cette
opération ne pouvaient pas être décidés par le
père seul sans consultation et accord exprès de la mère.
» (...)« Ainsi le père n'a pas respecté le principe de
l'exercice conjoint de l'autorité parentale suivant lequel les
décisions importantes relatives à sa santé et à
l'éducation de l'enfant se prennent par accord entre les deux parents ou
du moins après information et discussion . Il n'a pas non plus
respecté la personne et l'intérêt de Yanis qui consiste,
à son age , à vivre de façon stable dans un environnement
connu et sécurisant. » (CA Poitiers 11 mai 2011*).
58
semblent être des décisions d'espèce, le
grief de la circoncision étant noyé au milieu de plusieurs
autres. Il n'est donc pas possible d'affirmer que ce grief puisse, à lui
seul, causer une déchéance de l'autorité parentale.
223. Comme le souligne une sociologie judiciaire du divorce,
l'exercice unilatéral de l'autorité parentale s'imposera dans des
situations qui ne laissent guère de choix au juge. Et il a
été observé que le juge prononcera cette mesure dans deux
séries de cas : d'abord, en cas de conflits aigus entre les parents
constituant un danger pour l'enfant (par exemple violences) et, ensuite, en cas
de « démission » du parent (c'est-à-dire lorsque le
parent est entièrement absent de la vie de son enfant). Dans ce dernier
cas, le juge ne fera que retirer à un parent une autorité
parentale à laquelle il a renoncé depuis
longtemps129.
224. Deux décision ont été rendues,
prononçant un exercice exclusif de l'autorité parentale, pour
diverses raisons (notamment celle de la circoncision fautive) (CA
Aix-en-Provence 26 mai 1998* et CA Grenoble 16 décembre 2008*). Ces deux
arrêts confirment les observations de la sociologie judiciaire du divorce
précitée. En effet, dans la première affaire, le
père, qui a pris seul la décision de circoncire l'enfant,
était par ailleurs très violent. Dans la seconde affaire, le
père était « absent de la vie de son fils ».
II - Le contentieux de l'exercice de l'autorité
parentale
225. Le grief de circoncision peut être invoqué
par le demandeur en appui de trois séries de demandes, ayant attrait aux
modalités d'exercice de l'autorité parentale. Il s'agit de
demandes en changement de la résidence habituelle de l'enfant ; en
modification du droit de visite et d'hébergement de l'autre parent et
d'interdiction de sortie du territoire avec l'enfant sans l'accord des deux
parent.
226. En réponse à la demande de changement de
résidence habituelle de l'enfant, les juges donnent peu d'importance au
grief de circoncision et refusent de modifier les mesures prises par le juge
aux affaires familiales (A). La même indifférence est
constatée en matière de sortie du territoire (C). Mais il semble
que ce grief soit très influent sur les droits de visite et
d'hébergement du défendeur (B).
A - La résidence habituelle de l'enfant
227. En application de l'article 373-2-1 du Code civil, la
jurisprudence considère que : « La résidence de l'enfant
est déterminée par le juge aux affaires familiales qui
apprécie souverainement les éléments versés au
débat, les résultats de l'enquête sociale
contradictoirement débattus, au regard de la stabilité de la
situation des parents, de l'équilibre actuel de l'enfant et de la
nécessité de ne pas modifier une nouvelle fois les conditions de
vie de l'enfant »130.
228. Les arguments tirés de la pratique religieuse ne
sont pas toujours considérés
129Sociologie judiciaire du divorce, préc.,
page 73.
130Civ 1ère, 6 février 2008 , AJ fam.
2008. 208, obs. F. C.
59
comme pertinents par le juge. Le contentieux des «
Témoins de Jéhovah » atteste de la fluctuation des
décisions. A ainsi été approuvée « la
modification, par la cour d'appel, de la résidence habituelle de
l'enfant, qu'elle fixe chez le père en raison des convictions
religieuses de la mère, Témoin de
Jéhovah»131. Dans un sens contraire, il a
été jugé que : « l'arrêt de la cour
d'appel, fondé sur une appréciation générale et
abstraite de la situation résultant de l'appartenance de la mère
aux Témoins de Jéhovah, caractérise une différence
de traitement discriminatoire entre les deux parents et constitue une atteinte
au droit de la mère au respect de sa vie familiale
»132.
229. Contrairement à certains griefs portant sur la
pratique religieuse (comme celle des « Témoins de Jéhovah
»), le juge semble peu préoccupé par le grief de
circoncision, lorsqu'il statue sur la résidence habituelle de l'enfant.
Il préfère en effet ignorer ce grief et maintenir les mesures
prises par le juge aux affaires familiales (maintenir le statu quo).
Les totalité des décisions statuant sur la résidence de
l'enfant vont dans ce sens du maintient du statu quo (CA Paris 24
février 2000* ; CA Toulouse 5 mars 2009* ; CA Versailles 10 juin 2010* ;
CA Lyon 28 septembre 2009*). Ainsi, le parent hébergeant continuera a
faire résider l'enfant chez lui, alors même qu'il l'a circoncis
sans en aviser l'autre parent.
230. Mais les motivations judiciaires divergent d'une cour
d'appel à l'autre. Ainsi, la cour d'appel de Paris déboute le
père de sa demande de fixation de la résidence de l'enfant chez
lui, en énonçant qu' « il est établi que
l'opération chirurgicale subie par l'enfant à son insu
était sans gravité (...) et que le père en a
été informé a posteriori » (CA Paris 24
février 2000*).
231. La cour d'appel de Toulouse ignore le grief de circoncision
et juge que « la nécessité de maintenir une
stabilité récemment acquise conduisent à la
nécessité, dans l'intérêt de l'enfant, de maintenir
sa résidence habituelle au domicile de la mère » (CA
Toulouse 5 mars 2009*).
232. La cour d'appel de Versailles prend d'abord le soin de
rappeler que « le lieu de résidence habituelle de l'enfant doit
être apprécié au seul vu de l'intérêt de
l'enfant, âgé de 6 ans et demi ». Elle juge ensuite que
« la circoncision effectuée malgré (le désaccord
du père) ne justifie pas davantage, à elle seule, dans le
contexte précédemment évoqué, de changement de
résidence de l'enfant, étant précisé qu'il incombe
à la mère de ne pas renouveler à l'avenir ce type
d'initiative, constitutive d'une atteinte aux droits de l'autre parent
» (CA Versailles 10 juin 2010*).
233. Enfin, l'arrêt, un peu à part, rendu par la
Cour d'appel de Lyon, confirme la décision du juge de première
instance, alors même que ce dernier s'était fondée sur le
grief de circoncision (la mère a ordonné l'intervention sans
l'accord du père) pour fixer la résidence habituelle de l'enfant
au domicile du père (CA Lyon 28 septembre 2009*).
234. Par conséquent, que la circoncision fautive ait
été prise en compte ou non en pre-
131Civ 2ème, 13 juillet 2000, RJPF 2000,
10/33, note Valory ; RTD civ. 2000. 833, obs. Hauser ; et CEDH 29 novembre
2007, Req. N° 37614/02 D. 2008. 2843, note Muzny.
132CEDH 16 décembre 2003 Req. N° 64927/01
: D. 2004. 1261, note F. Boulanger.
60
mière instance, pour statuer sur la résidence
habituelle de l'enfant, il apparaît que le juge d'appel tient à
respecter, en tout état de cause, l'appréciation souveraine du
juge aux affaires familiales.
B - Le droit de visite et d'hébergement
235. L'article 373-2-1 alinéa 2 du Code civil dispose
que : « L'exercice du droit de visite et d'hébergement ne peut
être refusé à l'autre parent que pour des motifs graves
». Par ailleurs, la gravité des motifs invoqués doit
être souverainement appréciée par les juges. La Cour de
cassation a ainsi confirmé la suspension du droit de visite et
d'hébergement du père « en raison des pressions morales
et psychologiques liées à ses convictions religieuses - exigence
du port du voile islamique -, sans qu'il y ait là atteinte à
l'article 9 Conv EDH »133.
236. Le contentieux de la circoncision et du droit de visite
et d'hébergement regroupe sept décisions de justice (Civ
1ère 26 janvier 1994* ; CA Metz 11 mars 1997* ; CA Paris 13
janvier 2000* ; CA Orléans 14 mars 2006* ; CA Riom 17 avril 2007* ; CA
Lyon 7 mai 2009* ; CA Versailles 17 septembre 2009*).
237. Il convient de citer d'emblée la solution
dégagée par la Cour d'appel de Lyon, le 7 mai 2009*, afin de
l'isoler par la suite : « Le droit de visite et d'hébergement
usuel du père doit être maintenu, aucun élément ne
s'y opposant. Le fait que le père ait pris la décision de faire
circoncire l'enfant cadet révèle certes une difficulté
tenant au respect de l'autorité parentale conjointe, mais il convient de
relever que la mère ne s'était pas opposée à la
circoncision de l'aîné ». La solution est claire : le
fait pour un parent de profiter de son droit de visite et d'hébergement,
pour faire circoncire l'enfant à l'insu de l'autre parent, ne permet pas
à lui seul de réduire lesdits droits.
238. Mais cette solution est isolée dans le
contentieux. Les six autres décisions rendues ne permettent pas de la
confirmer, ou de dégager un principe jurisprudentiel. En effet, une
partie de ces autres décisions semblent être des décisions
d'espèce. Le grief de circoncision est noyé au milieu d'autres
griefs (1). Dans la seconde partie de ces décisions, le grief de
circoncision n'est pas noyé, mais l'intervention ne s'est pas
déroulée dans des conditions « normales », et a
donné lieu à des complications (2).
1. Le contentieux noyé
239. Dans un arrêt rendu en date du 11 mars 1997*, la
Cour d'appel de Metz a jugé qu' « il n'y a pas lieu de priver
d'un droit de visite et d'hébergement, dans des conditions normales, le
père de double nationalité française et marocaine,
enseignant dépendant du ministère de l'éducation
nationale, dès lors que rien ne permet d'affirmer qu'il a l'intention de
résider au Maroc, et d'y emmener définitivement l'enfant et cela
bien qu'il ait violé l'interdiction judiciaire d'emmener l'enfant au
Maroc et de le faire circoncire. Il n'y a en outre pas lieu de le contraindre
à déposer ses passeports ainsi qu'un cautionnement lorsqu'il
exerce le droit de visite et d'hébergement, de telles mesures
étant contraires à la liberté d'aller et de venir. De plus
il est dans l'intérêt de l'enfant d'avoir
133 Civ 1ère 24 octobre 2000, Bull. civ. I, n° 262
; RDSS 2001.151, obs. F. Monéger ; RTD civ. 2001. 126,obs, Hauser.
61
des relations avec ses deux familles et on ne peut
reprocher au père la pratique de sa religion. Il convient dès
lors de supprimer l'interdiction faite au père d'emmener son fils
à l'étranger ». Dans cette affaire, la demande de la
mère tendant à priver le père de son droit de visite et
d'hébergement, en se fondant sur la circoncision non
désirée de l'enfant, est intimement liée à une
crainte d'enlèvement de l'enfant au Maroc.
240. Dans une deuxième affaire, la Cour d'appel de
Paris a accueilli la demande de la mère tendant à maintenir la
limitation du droit de visite et d'hébergement du père. Mais
cette décision semble plus fondée sur la mauvaise situation
financière du père, que sur la circoncision litigieuse : «
Bien que l'enfant ait été heureux de voir son père,
dont le droit d'hébergement a été supprimé en
raison de la circoncision de l'enfant à l'insu de la mère sans
raison médicales, le droit de visite demeure limité à deux
après-midi par mois dans le cadre d'une association compte tenu d'une
situation matérielle des plus incertaines notamment en ce qui concerne
son logement » (CA Paris 13 janvier 2000*).
241. Dans la troisième affaire, la Cour d'appel de
Riom a « refusé pour motifs graves » le droit de
visite et d'hébergement demandé par le père. A nouveau, la
cour ne semble pas s'appuyer sur la conflit autour de la circoncision de
l'enfant. La motivation des juges semble surtout porter sur les poursuites
pénales à l'encontre du père :« Doit être
refusé pour motifs graves le droit de visite et d'hébergement
demandé par un père dès lors qu'il apparaît des
pièces de la procédure que ce dernier, mis en examen du chef de
viol aggravé et d'agressions sexuelles sur mineur, présente des
troubles de la sexualité, à la limite de la pédophilie. Le
respect de la présomption d'innocence ne doit pas faire échec
à l'intérêt supérieur de jeunes enfants qui se
trouveraient seuls avec ce dernier pendant l'exercice des droits
demandés » (CA Riom 17 avril 2007*).
242. Enfin, dans la dernière affaire, la Cour d'appel
de Versailles décide de maintenir en l'état les modalités
d'exercice du droit de visite et d'hébergement du père,
malgré le fait qu'il ait pris unilatéralement la décision
de faire circoncire l'enfant en Algérie. Mais cette solution est surtout
motivée par la volonté de renforcer les rapports existant entre
le père et son fils, en récente amélioration (CA
Versailles 17 septembre 2009*).
2. Le contentieux des interventions ayant donné
lieu à des
complications
243. Dans un arrêt rendu en date du 26 janvier 1994*, la
première chambre civile de la Cour de cassation a confirmé
l'arrêt ayant refusé au père tout droit de visite et
d'hébergement. L'arrêt attaqué avait notamment
reproché au père d'avoir imposé aux enfants
la circoncision « dans des conditions menaçant
leur équilibre ».
Dans le même sens, la cour d'appel
d'Orléans, dans un arrêt rendu le 14 mars 2006*, a limité
le droit de visite et d'hébergement du père : « En
l'espèce (...) après une visite chez le père, l'enfant est
revenu affecté d'une grave blessure du prépuce, blessure ayant
nécessité plusieurs points de suture et une opération sous
anesthésie générale. L'absence d'explication du
père sur l'origine de la blessure, ainsi que l'absence de remède
qu'il aurait employé pour soigner l'enfant, traduisent pour le moins une
négligence grave du père ayant affecté l'enfant tant sur
le plan physique que sur le plan psychique. Cette perturbation de l'enfant
constitue bien un motif grave qui justifie
une limitation du droit de visite du père
».
Dans ces deux affaires, le droit de visite et
d'hébergement du père a été limité, voire
refusé, suite aux torts qu'il a causé à l'enfant et
à sa santé.
244. La solution aurait-elle été
différente si l'intervention avait été «
réussie »? En l'état actuel du contentieux, aucune
réponse ne peut être apportée. Le régime juridique
de la circoncision et du droit de visite et d'hébergement manque
cruellement de prévisibilité.
C - La sortie du territoire national avec l'enfant
245. Le conflit sur la circoncision va enfin être
utilisé par un parent en appuie de sa demande d'interdiction de sortie
du territoire de l'enfant, sans l'accord de ses deux parents. Le conflit
préventif est parfois considéré par le juge comme
suffisamment grave, pour accueillir la demande134. Toutefois, tel ne
sera pas le cas s'agissant du conflit rétrospectif.
246. Dans un arrêt rendu le 29 novembre 2012*, la Cour
d'appel de Versailles a débouté la mère de sa demande :
« Mais, en dehors des faits relatifs à la circoncision de
Lilian, datant de 7 ans, et qui sont contestés par M. et des personnes
attestant en sa faveur, Mme ne produit aucun autre élément
laissant présumer que le père, qui est de nationalité
française et travaille indifféremment au Bénin et en
France où il est propriétaire de plusieurs immeubles dont son
domicile, souhaite « enlever » les enfants pour les faire vivre au
Bénin. Il s'ensuit que la demande d'interdiction de sortie du territoire
national n'est pas justifiée et qu'il convient d'infirmer le jugement de
ce chef, les parties étant enjointes de se mettre d'accord sur
l'éventuel voyage des enfants au Bénin... ».
247. Il semble que les juges considèrent cette mesure
davantage comme une mesure préventive que punitive. Mais il serait
prématuré de prétendre au dégagement d'une
jurisprudence (en l'espèce, l'intervention avait été
pratiquée il y a plus de sept ans). Il convient donc d'attendre les
prochaines décisions pour apprécier la portée de cet
arrêt.
62
134 V. § 163 à 172.
63
Conclusion
248. La jurisprudence a voulu mettre l'accent sur
l'importance que revêt la décision de faire circoncire l'enfant,
en tant que choix marquant de sa religion. Ajoutons que cette importance se
justifie aussi par le fait que la circoncision est un choix qui touche à
la santé de l'enfant, à son corps et à sa
sexualité.
249. Cette importance trouve sa marque dans l'obligation
faite aux titulaires de l'autorité parentale, de prendre conjointement
la décision de faire circoncire l'enfant. Mais la portée d'une
telle obligation reste floue. Il n'est pas, en l'état actuel du
contentieux, possible de savoir si celle-ci s'applique en cas d'exercice
unilatéral de l'autorité parentale, ou encore si elle s'applique
aux circoncision médicalement nécessaires. La question se pose
alors de savoir si les parents pourront bénéficier de l'excuse
tirée de l'erreur sur le droit, afin d'échapper à une
éventuelle condamnation.
250. La règle de droit est d'autant moins
prévisible quant à la sanction de la violation de cette
obligation de concertation. Celle-ci sera parfois sanctionnée sur le
terrain de l'exercice de l'autorité parentale et, parfois, sur celui de
la responsabilité délictuelle. La portée de la sanction,
tout comme sa nature, semblent manquer de cohérence.
251. Cette incohérence de la justice, en
matière de circoncision, finit parfois par rejaillir sur
l'équilibre du couple et sur celui de l'enfant. Les choix concernant
l'éducation de l'enfant sont importants et difficiles à prendre.
Ils peuvent rapidement devenir source de tensions entre les parents, à
plus forte raison pour le couple Franco-Maghrébin, qui ne cesse de
gravir des obstacles, parfois injustement imposés par leur entourage. Si
ce couple « mal-aimé » se trouve en conflit à propos de
la circoncision de l'enfant, il ne pourra pas compter sur le soutien ou sur la
médiation de son entourage, qui en fera une affaire de dignité et
d'identité culturelles, et qui se saisira de l'occasion pour raviver les
tensions entre Orient et Occident, tensions déjà assez
aggravées par les médias. Dans ce contexte, il est regrettable de
constater que ce couple en conflit devra en plus faire face à une
règle de droit incohérente et imprévisible, parfois
même à des juges hostiles.
252. Gardons tout de même à l'esprit que le
contentieux des conflits entre parents à propos de la circoncision de
leur enfant est récent et peu fourni, ce qui pourrait justifier son
manque de cohérence à certains égards.
253. Nous espérons avoir apporté des
éléments de réponse, à la fois quant à la
compréhension de ce conflit et de ses enjeux, et quant au droit qui lui
est applicable.
254. Est-il urgent que le législateur intervienne sur
la question ? Peut-être que oui. Mais ce qui nous paraît le plus
urgent (et peut-être le plus utopique), c'est d'acquérir
l'intelligence de laisser de coté les rivalités entre cultures,
afin de se concentrer sur ce qu'exigent concrètement
l'intérêt et le bien être de l'enfant. Car, ne l'oublions
pas, l'enfant est la preuve vivante d'une entente et d'une affection possibles
entre les personnes (allons plus loin, entre les cultures), même les plus
différentes.
64
Annexe n° 1
Le contentieux de la circoncision, classé par
ordre chronologique (références des décisions de
justice suivies d'un « * »)
Index :
§ : numéro de paragraphe.
Nbp : numéro de note de bas de page.
le symbole 0, figurant dans la colonne
« référence dans le mémoire », signifie que la
décision de justice correspondante n'a pas été reprise
dans le mémoire (soit parce que la décision ne porte pas sur les
litiges entre parents à propos de la circoncision de leur enfant, soit
parce que celle-ci n'a pas semblé
suffisamment pertinente).
Décision
|
Références
|
Année
|
Mois
|
Jour
|
Tribunal
|
Source ;
numéro du pourvoi ; numéro
Jurisdata
|
Référence dans le
mémoire
|
1973
|
Novembre
|
6
|
TGI Paris
|
Gazette du Palais 1974 (1er semestre page 299)
|
§70
|
1976
|
Novembre
|
8
|
Cass crim
|
N ° 75-93.162
|
Nbp 54
|
1983
|
Mars
|
16
|
CE
|
N° 34.007
|
0
|
1985
|
Mars
|
13
|
Cass civ 2eme
|
N ° 83-17.333
|
0
|
1988
|
Septembre
|
22
|
CA Grenoble
|
Numéro jurisdata : 1988-050979
|
0
|
1989
|
Mai
|
18
|
Cass Civ 1ère
|
N° 87-19.600 ;
numéro Jurisdata :1989-002212
|
Nbp 54
|
1991
|
Avril
|
25
|
TA Marseille
|
N° 891331 /
numéro Jurisdata 1991-049280
|
§70
|
Novembre
|
28
|
CA Paris
|
Numéro Jurisdata 1991-024964
|
0
|
1992
|
Février
|
12
|
CA Paris
|
Numéro Jurisdata 1992-021852
|
0
|
Octobre
|
12
|
CAA Lyon
|
N° 91LY00720
|
0
|
Novembre
|
20
|
CA Paris
|
Numéro Jurisdata 1992-024037
|
0
|
65
|
|
|
|
|
|
1993
|
Septembre
|
20
|
CAA Lyon
|
N° 91LY00720
numéro Jurisdata 1993-046845
|
0
|
1994
|
janvier
|
26
|
Cass civ 1ere
|
N° 92-10.838
numéro Jurisdata 1994-000447
|
§236 ; 243
|
|
|
|
|
|
Nbp 66
|
|
mars
|
30
|
CA Toulouse
|
Numéro Jurisdata 1994-046823
|
Nbp 66
|
|
Décembre
|
6
|
Cass civ 1ère
|
La semaine juridique édition générale
n°6, 8 février 1995, 368 ;
|
0
|
|
|
|
|
N° 92-17.767
|
|
1997
|
Mars
|
11
|
CA Metz
|
Numéro Jurisdata 1997-056093
|
§236 ; 239
|
|
novembre
|
3
|
CE
|
Semaine juridique édition générale n°6,
4 février 1998, II 10016 ;
|
Nbp 55
|
|
|
|
|
N° 153686 ;
numéro Jurisdata 1997-850008
|
|
1998
|
janvier
|
8
|
CA Paris
|
N° 4904/97 ;
numéro Jurisdata 1998-020119
|
0
|
|
mai
|
26
|
CA Aix
|
Numéro Jurisdata 1998-043414
|
§ 140 ; 161 ;
|
|
|
|
|
|
224
|
|
décembre
|
17
|
Cass
|
RJFP avril 1999, p. 125., note A.-
|
§197 ; 199
|
|
|
|
2èmeciv
|
M. Blanc ;
|
|
|
|
|
|
N° 97-15-121
|
|
2000
|
Janvier
|
13
|
CA Paris
|
N° 1997/15053 ;
|
§141 ; 236 ;
|
|
|
|
|
numéro Jurisdata 2000-117059
|
240 ;
|
|
|
|
|
|
Nbp 96
|
|
Février
|
24
|
CA Paris
|
N° 1999/10155 ;
numéro Jurisdata 2000-108942
|
§229 ; 230 ;
|
|
|
|
|
|
Nbp 75
|
|
Septembre
|
13
|
CA Paris
|
N° 1999/17308 ;
numéro Jurisdata 2000-125029
|
§ 35 ;
|
|
|
|
|
|
Nbp 96
|
|
|
29
|
CA Paris
|
D. 2001, juris. Page 1585., note
|
§197 ; 201 ;
|
|
|
|
|
C. Duvert ;
|
203 ; 208 ;
|
|
|
|
|
N° 1999/08304 ;
|
|
|
|
|
|
numéro Jurisdata 2000-124030
|
Nbp 56 ; 66 ;
|
|
|
|
|
|
70 ; 72 ; 122
|
2004
|
Mars
|
4
|
CA Aix
|
Numéro Jurisdata 2004-238032
|
§190 ;
|
|
|
|
|
|
Nbp 113
|
|
Mai
|
26
|
Cass Crim
|
N°03-84.778
|
0
|
|
Octobre
|
28
|
CA Paris
|
N° 03/19484 ;
|
§214 ; 215
|
66
|
|
|
|
numéro Jurisdata 2004-261580
|
|
2005
|
Avril
|
4
|
CA Rennes
|
N° 40/04000 ;
numéro Jurisdata 2005-292420
|
§214 ; 217
|
|
|
|
|
|
Nbp 50 ; 67 ; 69
|
2006
|
Mars
|
14
|
CA Orléans
|
N° 05/02328 ;
numéro Jurisdata 2006-310764
|
§236 ; 243
|
|
Mai
|
30
|
CA Aix
|
Numéro Jurisdata 2006-311480
|
Nbp 113
|
|
Novembre
|
28
|
CA Orléans
|
N°05/03349
|
§218
|
2007
|
Janvier
|
9
|
CA Aix
|
N° 06/02444
|
§189
|
|
|
|
|
|
Nbp 53 ; 57 ; 76
|
|
Mars
|
15
|
CA
|
N° 06/06850
|
§140 ;
|
|
|
|
Versailles
|
|
|
|
|
|
|
|
Nbp 51 ; 66 ; 76
|
|
Avril
|
2
|
CA Paris
|
N° 07/05950
|
§140
|
|
|
17
|
CA Riom
|
N° 06/01223 ;
|
§79 ; 141 ; 236 ;
|
|
|
|
|
numéro Jurisdata 2007-336812
|
241
|
|
|
|
|
|
Npb 97
|
|
|
24
|
CA
|
N° 07/2206
|
Nbp 75
|
|
|
|
Montpellier
|
|
|
|
Mai
|
23
|
CA
|
N° 06/4081
|
Nbp 113 ; 76
|
|
|
|
Montpellier
|
|
|
|
Juin
|
19
|
CA Grenoble
|
N° 06/02931
|
§140 ;
|
|
Juillet
|
25
|
CA Lyon
|
RTD civ. 2008, p99, obs. Hauser
|
§42 ; 140 ;146 ;
|
|
|
|
|
J. ;
|
|
|
|
|
|
N° 07/00186 ;
numéro Jurisdata 2007-346158
|
Nbp 44
|
|
|
27
|
CA Paris
|
N° 07/05950
|
0
|
2008
|
Mars
|
18
|
CA Rennes
|
N° 07/00687
|
§187 ;
|
|
|
|
|
|
Nbp 66 ; 75 ;
|
|
|
|
|
|
113
|
|
Avril
|
23
|
CA Grenoble
|
N° 07/03166
|
§168 ;
|
|
|
|
|
|
Nbp 69
|
|
Juin
|
12
|
CA Paris
|
N° 07/05950
numéro Jurisdata 2008-000728
|
§166
|
|
Juillet
|
3
|
CA Rennes
|
N° 07/02863
|
§42 ; 140 ; 170 ;
|
|
|
|
|
|
Nbp 44
|
|
|
16
|
CA Toulouse
|
N° 08/01703,434
|
§166
|
67
|
Octobre
|
17
|
CA
Besançon
|
N° 08/00282
|
§140 ; Nbp 76
|
Novembre
|
14
|
CA
Besançon
|
N° 08/00326
|
§140 ; 141 ;
|
|
|
|
|
|
Nbp 75
|
|
Décembre
|
3
|
CA Paris
|
N° 08/05680
|
Nbp 75 ; 113
|
|
|
|
|
numéro Jurisdata 2008-003975
|
|
|
|
16
|
CA Grenoble
|
N° 07/02344
|
§224 ;
|
|
|
|
|
|
Nbp 75
|
|
|
17
|
CA Poitiers
|
N° 07/03618
|
§166 ;
|
|
|
|
|
|
Nbp 75
|
2009
|
Janvier
|
13
|
CA Grenoble
|
N° 06/04387
|
§188 ;
|
|
|
|
|
|
Nbp 75 ; 113
|
|
|
28
|
CA Poitiers
|
N° 08/02077
|
§161
|
|
Mars
|
5
|
CA Toulouse
|
N° 258, 07/04605
|
§45 ; 229 ;
|
|
|
|
|
|
Nbp 76
|
|
|
12
|
CA Bourges
|
N° 08/01740
|
§220 ;
|
|
|
|
|
|
Nbp 75
|
|
|
16
|
CA Limoges
|
N° 08/00263
|
§220
|
|
Avril
|
14
|
CA Rouen
|
N° 09/00605
|
0
|
|
Mai
|
7
|
CA Lyon
|
N° 07/07825
|
§236 ; 237
|
|
|
|
|
numéro Jurisdata 2009-020508
|
|
|
|
20
|
CA Amiens
|
N° 08/02415
|
§166 ; 167 ;
|
|
|
|
|
|
Nbp 75
|
|
Juin
|
29
|
CA Nancy
|
N°09/02003,07/02310
|
§214
|
|
|
|
|
|
Nbp 75
|
|
Septembre
|
17
|
CA
|
N°08/03693
|
§236 ; 242 ;
|
|
|
|
Versailles
|
|
|
|
|
|
|
|
Nbp 75
|
|
|
28
|
CA Lyon
|
N° 08/05056
|
§229 ; 233 ;
|
|
|
|
|
|
Nbp 75
|
|
Octobre
|
5
|
CA Nancy
|
N° 08/00269
|
§79 ; 140 ; 166
|
|
|
|
|
numéro Jurisdata 2009-023366
|
|
|
|
|
|
|
Nbp 29 ; 50 ;
|
|
|
|
|
|
53 ; 66 ; 69 ; 75
|
|
Décembre
|
15
|
CA
|
N° 09/00666
|
0
|
68
|
|
|
Montpellier
|
|
|
2010
|
Juin
|
10
|
CA
|
N° 09/03721
|
§229 ; 232 ;
|
|
|
|
Versailles
|
numéro Jurisdata 2010-009691
|
|
|
|
|
|
|
Nbp 66
|
|
Septembre
|
3
|
CA Nancy
|
N° 10/02095, 09/00548
|
§160 ;
|
|
|
|
|
|
Nbp 76
|
2011
|
Janvier
|
10
|
CA Lyon
|
N° 09/04954
|
§197 ; 207 ;
|
|
|
|
|
|
Nbp 66 ; 123 ;
|
|
|
|
|
|
126
|
|
Février
|
10
|
CA
|
N° 10/00498
|
§166 ; 167 ;
|
|
|
|
Versailles
|
|
|
|
|
|
|
|
Nbp 76
|
|
Mai
|
11
|
CA Poitiers
|
N° 10/04570
|
§220 ; 221
|
|
|
|
|
|
Nbp 53 ; 69 ;
|
|
|
|
|
|
71 ; 76 ; 128
|
|
|
31
|
CA Lyon
|
N° 10/245, 10/00245
|
§82 ; 151
|
|
Juin
|
6
|
CA Lyon
|
N° 10/05032
|
§214 ; 216
|
|
|
16
|
Cass 1ère civ
|
N° 10-15.818
|
0
|
|
Octobre
|
6
|
CA Agen
|
N° 10/01961, 943/2011
|
§218 ;
|
|
|
|
|
numéro Jurisdata 2011-028113
|
|
|
|
|
|
|
Nbp 76
|
2012
|
Mars
|
6
|
CA Douai
|
N° 63/12, 11/07115
|
§83 ; 152 ;
|
|
|
|
|
|
Nbp 76
|
|
|
27
|
CA
|
N° 11/03064
|
§140 ;
|
|
|
|
Bordeaux
|
|
|
|
|
|
|
|
Nbp 66 ; 76
|
|
|
30
|
CA Nancy
|
N° 12/00937,10/00951
|
§160 ;
|
|
|
|
|
|
Nbp 76
|
|
Juin
|
20
|
CA Nîmes
|
N° 10/02716
|
Nbp 34
|
|
|
27
|
CA Aix
|
N° 2012/297
|
0
|
|
|
|
|
numéro Jurisdata 2012-015629
|
|
|
Octobre
|
23
|
CA Grenoble
|
N° 12/00324
|
§55 ; 140 ;
|
|
|
|
|
|
Nbp 31 ; 53 ;
|
|
|
|
|
|
66 ; 68 ; 76
|
|
Novembre
|
29
|
CA
|
N° 11/08951
|
§246
|
|
|
|
Versailles
|
numéro Jurisdata 2012-028392
|
|
|
Décembre
|
6
|
CA
|
N° 11/04056
|
§171
|
|
|
|
Versailles
|
|
|
69
|
|
|
|
|
Nbp 76
|
11
|
CA Orléans
|
N° 11/02590, 572
numéro Jurisdata 2012-029619
|
Nbp 76
|
12
|
CA Paris
|
N° 2, 11/04622
numéro Jurisdata 2012-030917
|
0
|
70
Annexe n° 2
Photos reprises de l'ouvrage de Malek Chebel
(Histoire de la circoncision, des origines à nos jours Le Nadir
Balland, 1997)
71
72
73
74
75
76
77
78
Bibliographie
Ouvrages généraux
Cornu G. : La Famille, Montchretien, 2003.
Malaurie Philippe et Fulchiron
Hugues : La Famille, Défrénois, 4ème
édition, 2011.
Messner F., Prélot P-H
et Woehrling J-M. : Traité de Droit Français des
Religions, Litec Groupe LexisNexis, 2003.
Ouvrages spéciaux
Fulchiron Hugues : Autorité parentale et
parents désunis. Editions du CNRS, 1985. Hauseur Jean
(sous la direction de) : Sociologie judiciaire du divorce. Economica, 1999.
Lebrun P-B., L'essentiel sur
l'autorité parentale, Ellipses, 1965.
Legeais Raymond : L'autorité parentale ;
étude de la loi n°70-459 du 4 juin 1970 et des textes qui l'ont
complétée. Répertoire du Notariat Defrénois.
1973.
Neyraud G. et M'Sili M. :
Mariages mixtes et nationalité française. L'Harmattan Logiques
sociales. 1995.
Viaux Jean-Luc : L'enfant et le couple en crise
- Du conflit psychologique au contentieux juridique. Dunod, 2e
édition.2002.
Aldeeb Abu-Sahlieh Sami. A. : Circoncision
masculine circoncision féminine : débat religieux,
médical, social et juridique. L'Harmattan. 2001.
Banon Patrick : La circoncision : enquête
sur un rite fondateur. Infolio. 2009.
Barbara Augustin : Les couples mixtes. Bayard
Éditions. 1993.
Chebel Malek : Histoire de la circoncision : des
origines à nos jours. Le Nadir Balland. 1997.
Laffort Bruno : Les couples mixtes chez les
enfants de l'immigration algérienne. L'Harmattan. Creac Politique et
Société. 2004.
Michel Andrée : La sociologie de la
famille. Les textes sociologiques, 1970.
Mélanges
Mélanges en l'honneur du Professeur Jean
Hauser. Dalloz. LexisNexis. 2011.
Thèses et mémoires
Minier Aurélie : Enfants de couples
mixtes : une identité spécifique ?, Mémoire
présenté pour le Master I de Psychologie, sous la direction de
Jeoffrion Christine, 2005.
Nga Beyeme Crescence : Le Droit international de
la femme et son application dans le contexte Africain : les cas des Mutilations
Génitales féminines, Publications Universitaires
Européennes, Peter Lang., 2007.
79
Pons Stéphanie : La réception par
le droit de la famille de l'article 1382 du Code civil. Presses universitaires
d'Aix-Marseille, 2007.
Travaux universitaires
Le droit de la famille à l'épreuve des
migrations transnationales. Colloque du Laboratoire d'études et
de recherches appliquées au droit privé. Université de
Lille II. LGDJ, 1993.
Justice et religions . Centre d'études et
de Recherche sur les Contentieux. Université de Toulon et du du Var,
Champs Libres Etudes interdisciplinaires :.2002.
Dictionnaires
Dictionnaire du Droit des Religions. Sous la
direction de Francis Messner, CNRS Editions, 2011.
Articles et Chroniques
Alloiteau S. (« l'extension de la
jurisprudence Bianchi aux anesthésies dépourvues de fin
thérapeutique », Petites affiches, 1998, n°4, p. 20).
Barbier P. (note sous TGI Paris 6 nov. 1973,
Gaz. Pal. 1974, 1, Jur. p. 299 ; note sous Civ 2ème, 25
janvier 1978 : Gaz palais 1978.2.505).
Bernigaud S., Bosse-Platière H., Deschamp
N., Dupré T., Favier Y., Ferré-André S., Fulchiron H.,
Garé T., Matocq O., Rebellin-Devichi J.(notes sous CA de Montpellier 16
mai 1994 et CA Montepllier 7 novembre 1994, La semaine juridique édition
générale n° 25, 21 juin 1995, I 3855, droit de la
famille).
Blanc A.-M. (note sous Cass. 2 ème civ.,
17 décembre 1998 : RJFP avril 1999, p. 125 ; note sous Cass. 2
ème civ., 17 décembre 1998 : RJFP avril 1999, p. 125).
Bonfils Philippe, Gouttenoire
Adeline ( Recueil Dalloz 2012 page 2267. Droit des mineurs juin 2011-
juin 2012).
Breton (note sous T. civ. Valence, 16 mars 1955
: D. 1955, p. 585 ; JCl. Divorce, Fasc. 40 ou Civil Code, Art. 229 ou Notarial
Répertoire, V° Divorce, fasc. 5).
Carbonnier Irène (Jurisclasseur Civil
Code > Art. 371 à 387. Fascicule 10, Autorité
parentale.-Exercice de l'autorité parentale).
Carbonnier J. ( note sous TGI Versailles du 24
septembre 1962, Recueil Dalloz 1963, page 52).
Dekeuwer-Défossez Françoise
(« Du « statut de beau-parent » aux « droits des tiers
» : réflexions critiques sur un texte controversé
», Revue LAMY Droit Civil -2009 page 60).
De Narois L. (note sous CA Paris, 4
février 1959, JCP 1960, II, n°11632).
Duvert Cyrille (« Autorité
parentale et circoncision rituelle », note sous CA Paris, 1re ch.B 29
sept. 2000, Le Dalloz 2001, n° 20, Jurisprudence Commentaires,
Médecine. Page 1585.).
Eudier Frédérique ( «
Le contrôle du juge sur le choix de la religion de l'enfant »,
La Semaine Juridique Édition Générale n° 23, 7
juin 1995, II 22441.»).
80
Hauseur J. (note sous CEDH 16 décembre
2003; D. 1994.326).
Malaurie Philippe (Recueil Dalloz Sirey 1991,
jurisprudence, page 521, note sous Cass 1ère civ, 11 juin 1991)
Massip (Bull. Civ. II, n°256;
Defrénois 2003. 615).
Nepveu (obs. sous CA Paris 6 avril 1968, JCP
1967, II, n° 15100).
Raynaud. P. (note sous TGI Paris 6 nov. 1973,
RD. Sanit. Soc. 1975, p. 116).
Revue Juridique Personnes et Famille, 1992,
jurisprudence. L'enfant, Autorité parentale. « Des
difficultés de l'exercice de l'autorité parentale conjointe en
cas de divergences religieuses entre les parents », note sous Cass.
2e civ., 17 déc. 1998, n° 97-15.121.
Thierry Jean-Baptiste (« La
circoncision de l'enfant », Revue Juridique personnes & famille,
RJPF septembre-octobre 2012, n°9.10, éditions du J.N.A., page 43
L'enfant, sélection du mois).
Sites web
www.dalloz.fr
www.insee.fr
www.lamyline.com
www.lexisnexis.fr
Index alphabétique
Intérêt de l'enfant § 48 et
s.; § 148 et s.
Islam (v. Religions)
Judaïsme (v. Religions)
Juge (contrôle du) § 28 et s.
Laïcité, neutralité §143
et s.
Majorité/ minorité religieuse
§ 40
Parent (étymologie) §1
Placement (v. Enfant)
Religions § 9, 10, 26 et s.
Résidence habituelle § 227 et s.
Responsabilité (civile) § 195 et s.
Sortie du territoire national (interdiction de)
§163 et s. ; § 245 et s.
Tiers (immixtion des) § 44 et s.
81
Adoption (v. Enfant)
Acte usuel (notion d') § 54 et s. Allemagne § 15, 16,
17, 43. Assistance éducative §150 et s. Audition de l'enfant (v.
Enfant)
Autorité parentale :
- Exercice conjoint/ unilatéral §79 et s., 211,
212
Circoncision :
- Consentement de l'enfant §
37 et s.
- Etymologie § 4
- Interdiction / autorisation de
faire circoncire l'enfant § 136
et s.
- Médecine § 11, 12, 58 et s.
- Origines § 6, 7, 8
- Religions § 9, 10.
- Education religieuse de
l'enfant § 26 et s.
- Rite § 5
Christianisme (v. Religions)
Divorce §178 et s.
Droit de visiteet d'hébergement §235 et s.
Education de l'enfant (v. Enfant)
Enfant :
- Adopté § 85,86,87
- Audition (de) § 41
- Confié à un tiers § 84
- Consentement § 37 et s.
- Placé § 82, 83.
- Psychologie (de) § 2
- Religion de § 119,122, 123,
124, 125
- Religion de (contrôle du juge)
§ 48 et s.
Excision § 14
Grands-parents (v. Tiers)
82
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION 5
PARTIE I - LA STRUCTURE DES CONFLITS 14
CHAPITRE I - L'ACCORD DES PARENTS LÉGALEMENT
EXIGÉ POUR LA CIRCONCISION RITUELLE DE L'ENFANT 14
Section I - Une prérogative parentale exclusive 14
I - Une prérogative parentale 14
A - Un acte religieux 14
B - Une éducation religieuse de l'enfant 16
II - Une prérogative parentale exclusive 17
A - Indifférence du consentement de l'enfant 17
B - Exclusivité à l'égard des tiers
19
C - Le contrôle indirect du juge 19
Section II - Une prérogative parentale appartenant
aux deux parents 20
I - Origine du principe : la circoncision rituelle
qualifiée d'acte non usuel de l'autorité parentale 20
A - L'absence de nécessité médicale ou la
présence d'une circoncision rituelle 22
B - La circoncision rituelle qualifiée d'acte non usuel
23
1. La difficulté de la question 23
2. La solution jurisprudentielle 24
3. Justifications de la solution 25
II - Portée du principe 26
A - En cas d'exercice unilatéral de l'autorité
parentale 26
B - Cas de l'enfant placé, confié ou
adopté 27
1. L'enfant placé 27
2. L'enfant confié à un tiers 27
3. L'enfant adopté 27
CHAPITRE II - LE DÉSACCORD À PROPOS DE LA
CIRCONCISION DE L'ENFANT OBSERVÉ CHEZ CERTAINS COUPLES MIXTES 29
Section I - Les difficultés de certains couples
mixtes 31
I - Difficultés antérieures à la
naissance de l'enfant 31
A - Difficultés renvoyant au fonctionnement du couple
lui-même 31
B - Difficultés renvoyant à l'environnement du
couple 33
II - Difficultés après la naissance de l'enfant
34
A - Le prénom et la langue 34
B - La religion 35
Section II - Des difficultés aggravées par
le symbolisme de la circoncision 35
I - Facteur d'appartenance religieuse 36
A - La circoncision juive 36
B - La circoncision arabo-musulmane 36
II - Facteur d'intégration sociale 36
83
PARTIE II- LA RÉSOLUTION JUDICIAIRE DES LITIGES
38
CHAPITRE I - LA RÉSOLUTION DES LITIGES
PRÉVENTIFS 38
Section I - Les contentieux de l'autorisation et de
l'interdiction de faire circoncire l'enfant 38
I - Une jurisprudence exclusivement fondée sur les
règles de l'autorité parentale 39
A - Le renvoi constant aux règles de l'autorité
parentale 39
B - Une abstention judiciaire fondée sur la
neutralité religieuse 40
II - La nécessaire recherche de l'intérêt
supérieur de l'enfant 41
A - Une recherche rencontrée en matière
d'assistance éducative 41
B - Une solution à généraliser 42
Section II - Le contentieux de l'exercice de
l'autorité parentale 43
I - Le refus de répondre à une simple crainte de
circoncision 44
II - L'interdiction de sortie du territoire national avec
l'enfant 44
CHAPITRE II - LA RÉSOLUTION DES LITIGES
RÉTROSPECTIFS 48
Section I - Le contentieux du divorce : l'absence de faute
au sens de l'article 242 du Code civil 48
I - Fermeté des juges en matière religieuse
49
A - Une appréciation stricte de l'article 242 du Code
civil 49
B - Une rigueur conservée en matière religieuse
50
II - Fermeté des juges en matière de
circoncision 50
A - La solution jurisprudentielle 50
B - Appréciation de la solution jurisprudentielle
52
Section II - Le contentieux de la responsabilité
délictuelle 53
I - Responsabilité envers l'autre parent 54
II - Responsabilité envers l'enfant 55
Section III - Le contentieux de l'autorité
parentale 56
I - Le contentieux de la titularité de
l'autorité parentale 56
A - Le maintient ou le rétablissement d'un exercice
conjoint de l'autorité parentale malgré la circoncision
57
1. Le maintient de l'exercice conjoint 57
2. Le rétablissement de l'exercice conjoint 57
B - Le maintient ou le prononcé d'un exercice
unilatéral de l'autorité parentale suite à la circoncision
58
1. Le maintient de l'exercice unilatéral 58
2. Le prononcé d'un exercice unilatéral
58
II - Le contentieux de l'exercice de l'autorité
parentale 59
A - La résidence habituelle de l'enfant 59
B - Le droit de visite et d'hébergement 61
1. Le contentieux noyé 61
2. Le contentieux des interventions ayant donné lieu
à des complications 62
C - La sortie du territoire national avec l'enfant 63
84
CONCLUSION 64
ANNEXE N° 1 66
ANNEXE N° 2 72
BIBLIOGRAPHIE 80
INDEX ALPHABÉTIQUE 83