3.3.1. L'émergence du développement durable
dans la pêche
L'exploitation des ressources halieutiques de la
planète est inquiétante. Car aujourd'hui, la plupart des
principaux stocks de poissons des océans du monde ont été
exploités de manière irresponsable de sorte que plusieurs
populations sont maintenant en déclin et d'autres ont été
décimées. Cette situation de crise des pêcheries mondiales
a favorisé l'émergence du concept de pêche durable.
En effet, du fait de nombreux problèmes10,
la nécessité d'une pêche durable a été
reconnue par la FAO lors de sa conférence de 1995 à Rome
où elle a adopté le « Code de conduite pour une
pêche responsable ». Ce code s'appuie sur les principes du
développement durable. Déjà, le Chapitre 17 de l'agenda 21
issu du Sommet de la Terre de Rio de Janeiro en 1992 était
consacré aux ressources vivantes marines. Un des rares textes
signés à la Conférence de Johannesburg en 2002 a
été un accord sur la pêche en vue de lutter contre la
surexploitation. Ces textes attestent de la volonté d'une gestion
conventionnelle des ressources qui va donner corps à plusieurs
systèmes.
10Déséquilibre entre l'offre et la
demande, surexploitation généralisée des ressources,
gaspillages, difficultés économiques et sociales
14
3.3.2. Les systèmes de gestion durable des
ressources halieutiques
? La gestion conventionnelle des ressources halieutiques
à travers le Monde
Gordon, (1954) a longuement travaillé sur la
question. Il explique que les approches conventionnelles en gestion des
pêches se focalisent essentiellement sur les espèces
d'intérêt commercial, en considérant chaque stock de
manière indépendante. Ces approches monospécifiques se
sont très tôt intéressées à la dimension
économique de la pêche, et ont permis de mettre en évidence
certains processus économiques responsables de
surexploitation.
En particulier, Munro et Sumaila (2002)
indexent : le libre accès à la ressource, les subventions
des gouvernements au secteur des pêches, ainsi que la vision
à court terme des pêcheurs au regard des bénéfices
escomptés. Mais, les limites de telles approches n'ont pas tardé
à apparaitre.
? L'approche écosystémique des pêches
(AEP)
Depuis une dizaine d'années, un nombre croissant
d'articles (Botsford et al., 1997 ; Pitcher, 2000 ; Pauly et al., 2002 ;
Pikitch et al., 2004), d'ouvrages (Hall, 1999) et de
conférences (Hollingworth, 2000 ; Sinclair et Valdimarsson, 2003 ;
Daan et al., 2005) revendiquent la mise en place d'une gestion
écosystémique des pêches en réponse à
l'échec des approches conventionnelles, dont les interventions
n'intégraient pas les caractéristiques des systèmes
naturels (Freemuth et Mc Greggor Cawley, 1998 ; Kennedy et Quigley, 1998;
Knight, 1998; Szaro et al., 1998).
L'approche Écosystémique des Pêches (AEP)
englobe donc un vaste ensemble de principes et d'objectifs conceptuels, dont la
prise en compte doit permettre d'agrandir notre perception des relations entre
le bien-être de l'Homme et la santé des écosystèmes
(Sinclair et al., 2002 ; Garcia et al., 2003). Cette approche a
été critiquée par l'approche communautaire du fait du
monopole de l'État dans sa mise en application qui crée plusieurs
scénarios :
Cordell (1984), faisait observer donc que si la
responsabilité collective de la surpêche dans certaines eaux
côtières incombe conjointement à deux groupes de
pêcheurs (pêcheurs professionnels et petits groupes artisans), les
répercussions humaines les plus préjudiciables ont d'ordinaire
été observées au sein des communautés de petits
pêcheurs.
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Mais, grâce aux travaux de Clark (1991) et
Karnjanakesom (1992), on sait désormais que ce système est
à l'origine des conflits à l'issue desquels les
communautés de petits pêcheurs sont souvent perdantes et la
dégradation des ressources toujours prospère. C'est ce
qui justifia la mise en place d'approches contemporaines modernes.
? La cogestion des ressources halieutiques : une
approche moderne
Selon Jentoft (2006), la cogestion pourrait
être initiée, et appliquée à court terme, alors que
la transformation des droits de propriété pourrait être un
projet à plus long terme. Elle offre à en croire Konan
et Zantou (2005), des opportunités pour une exploitation
durable des ressources aquatiques et l'amélioration des moyens
d'existence des communautés de pêche en Afrique.
Béné et al, (2007)
étayaient que cette approche semble la mieux adaptée aux
défis actuels de l'aménagement des pêcheries. Cependant,
elle nécessite non seulement la présence d'acteurs sérieux
au niveau local, mais aussi des arrangements préalables sur le pan
juridique et pratique, auxquels sont associées les communautés,
à l'appui de la gestion décentralisée et participative.
Les auteurs susmentionnés, de spécialités
variées, ont abordé le sujet de la gestion des ressources
halieutiques chacun à sa façon, en évoquant surtout les
retombées socio-économiques de leur exploitation sur
l'économie mondiale. Mais, peu d'entre eux ont pu l'étudier
à fond dans des circonstances actuelles où les questions
environnementales et démographiques, la faim en particulier, occupent le
devant de la scène à quelque échelle que ce soit.
Pourtant, comme l'indiquait Rodary E., (2001), la
géographie paraît bien placée pour intégrer dans son
corpus scientifique, cette problématique de protection des ressources
halieutiques, compte tenu de son histoire basée sur l'analyse des
rapports homme-nature. Il a fallu attendre les années 1990-2000, pour
voir émerger des études en géographie,
intéressées à de tels questionnements.
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