CONCLUSION GÉNÉRALE
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L'objectif de ce mémoire était de faire le point
sur l'avenir de l'activité de pêche dans la retenue d'eau de Maga.
L'hypothèse émise au départ était que la croissance
démographique ces dernières années a un impact très
important sur l'organisation et la gestion des ressources halieutiques dans ce
plan d'eau. La première partie du travail a montré que cette
pêcherie dispose d'énormes atouts susceptibles de contribuer au
développement durable des communautés de Maga et
Kaï-kaï. Cependant, ce haut lieu de pêche est soumis à
une pression extrême.
Car, pour une retenue de 220 km2, 4000 pirogues
à bord embarquées par plus de 6500 pêcheurs
équipés disposant 60000 engins performants avec une production
annuelle d'au moins 2000 tonnes/an est désastreux pour une
pêcherie dont le RMD est de 15000 T/an. La pression monte sur la retenue.
Elle a été lue à travers les paramètres de
l'exploitation halieutique et les aspects socio-économiques de cette
activité qui indiquent un nombre de pêcheurs au km2 (64
pêcheurs/km2) supérieur à la normale, des zones
de captures intempestivement fréquentées par de nombreuses
pirogues (plus de 27 pirogues au km2) allant parfois à 12 m
de long et a fortiori, une saturation de celle-ci par des engins de pêche
(156 engins/km2) devenus non seulement très efficaces, mais
hautement performants au point de tout balayer après leur passage.
Justifiant ainsi, l'augmentation régulière de la quantité
des débarquements observés pendant les 36 années
étudiées.
D'autre part, les différentes formes d'incitations
économiques dont font montre l'État et les ONG à
l'égard des acteurs de ce secteur, l'accroissement de la demande en
produits halieutiques sur les marchés, à quoi s'ajoutent la
pauvreté ambiante des acteurs et la taille des ménages en milieu
pêcheur, sont autant des paramètres qui amplifient ce
problème d'où, sa chronicité.
Les pêcheurs qui ont activé avec la
complicité des mareyeurs un arsenal de captures illégales, mais
aussi et surtout à même d'effectuer des prises juvéniles
sont les principaux responsables des menaces qui planent sur l'avenir de la
pêche. Malgré l'interdiction des engins actifs, les pêcheurs
artisans ne s'en débarrassent pas toujours. Ils ont beau se justifier
que c'est pour satisfaire la demande sans cesse croissante de leur alimentation
quotidienne, celle des marchés locaux et extérieurs en produits
frais ou transformés. Mais, une chose est claire : les effets pervers
abondent.
L'État est certes conscient du danger, mais son
intervention via les services de pêche s'avère vaine. Les pouvoirs
publics font face à une double exigence : concilier les objectifs de
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développement économique et financier à
court terme et exploiter de façon durable les ressources halieutiques.
Mais, il faut reconnaître que c'est comme pour tous les aspects en
développement durable, une tâche difficile de concilier ces deux
impératifs.
Il est regrettable que l'aménagement d'une
pêcherie soit axée sur le renforcement de l'arsenal
réglementaire et le raffermissement des interdictions - au point de
penser que les pêcheurs au sens strict du terme pourraient occasionner la
perte de la retenue - alors même que l'inventaire des ressources
halieutiques est encore partiel et partial, et l'effort de pêche
médiocrement connu. Car, là n'est pas le problème. Au
contraire, de telles façons sont conflictogènes et heurtent la
sensibilité d'aucuns. Le vrai problème se trouve dans la
poussée démographique, et le pêcheur toujours indexé
n'est que la partie visible de l'iceberg. Il est tout autant soucieux de la
pérennité de son activité que quiconque.
Tant qu'on n'aura pas pris en compte cet aspect dans la
gouvernance des pêches, la dégradation va continuer d'ailleurs en
s'accélérant. Une urgence s'impose, celle d'un repositionnement
stratégique des marques d'une pêche scientifique. La preuve, si
pour Seignobos il y a plus de 30 ans, le lac n'était pas encore
entré dans une gestion rationnelle de ses stocks ichtyologiques,
jusqu'à l'heure actuelle, il subsiste encore les relents d'une telle
mésaventure. Les portes d'une pêche responsable resteront
fermées autant que la politique de gestion ciblera plutôt les faux
problèmes de la dégradation qui s'ignorent. L'ampleur des
dommages est telle que les menaces qui planent sur l'avenir de la pêche
artisanale sont tangibles et si l'on néglige de séparer le bon
grain de l'ivraie pour attribuer les responsabilités à assumer,
alors on peut commencer à compter les jours de cette activité
très précieuse dont l'avenir est sujet à caution.
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