3.2.1. Le dysfonctionnement de l'écosystème
interne de la retenue
Les écosystèmes aquatiques sont très
fragiles et leur fonctionnement moins étudié. La moindre
agression extérieure à l'instar de l'accumulation des engins dans
la retenue ou la dégradation de la végétation et à
l'origine de sérieux dommages parfois irréversibles. Il peut
s'agir le plus souvent d'une pollution aquatique ou d'une destruction
floristique qui met à rude épreuve l'habitat benthique.
3.2.1.1. La pollution aquatique
L'augmentation substantielle du nombre d'engins de pêche
s'accompagne d'une saturation de la pêcherie par les engins
abandonnés, oubliés, perdus ou rejetés. Ceux-ci
peuvent pendant longtemps, continuer de capturer des poissons sans que personne
ne les ramasse surtout si l'EAPR était encore efficace lors de son
abandon. Ces captures, Corlay les appelle « captures fantômes
» (photo 19). Selon la cogestion, la principale contrainte en ce qui
concerne ces techniques de pêche est en effet l'utilisation des filets
mono filaments. Ces filets sont souvent perdus dans l'eau, et continuent de
pêcher (pêche fantôme), entraînant la
putréfaction des poissons. Cette odeur pestilentielle
pollue les zones de pêche, et fait fuir les poissons vers des zones plus
propices à leur reproduction et développement. De ce fait, les
zones de pêche autour ne sont plus fonctionnelles.
|
|
Capture fantôme de Tilapia Aurea
|
|
125
Coordonnées de prise de vue : x= 10° 46' 50»
- y= 14° 55' 56»
Photo 19 : Activité d'Engin
Abandonné Perdu ou Rejeté dans le lac vers Pidimier
À ce jour, jamais une opération visant
à limiter ou extraire ces engins de la retenue n'a eu lieu. Pour la
CBLT, il y aurait plus de 20 engins du genre dans le lac par km2. Ce
qui pourrait réaliser près de 10% des captures actuelles. Ces
captures pourrissent dans la retenue est putréfient les zones de
pêche concernées. D'où, la migration des poissons vers
d'autres lieux indemnes, sains, propres et vivifiants.
Malheureusement, ces endroits sains deviennent de moins en
moins rares à l'échelle du lac. Car, l'usage de certains produits
chimiques à l'instar du tramadol, ou d'autres pesticides,
génère des situations encore plus complexes. Ils paralysent
pendant de longues heures les poissons et toutes autres espèces qui se
noient puis meurent dans la zone d'impact
126
du produit. Les pêcheurs font recours de plus en plus
à ces polluants associables aux engins actifs.
3.2.2.2. La destruction de la flore lacustre et de
l'habitat benthique
Le danger dont il est question ici concerne d'abord la
végétation lacustre. En fait, afin de protéger leurs
captures pendant les longues durées d'activités contre un soleil
particulièrement agressif sinon caniculaire à compter du mois de
mars jusqu'en mai, les pêcheurs artisans cueillent ou arrachent les
plantes aquatiques dans l'eau, et recouvrent leurs captures avant
débarquement (photo 20).
Feuilles d'Aponogeton subconjugatus
Coordonnées de prise de vue : x=10° 49' 57»-
y=14° 57'09»
Photo 20 : Feuilles d'Aponogeton
subconjugatus protégeant les captures
Cette opération qu'ils jugent moins couteuse est une
tradition aussi vieille que la pratique de la pêche. Elle évolue
à l'aune des activités de pêche et croit aussi vite que le
nombre de pêcheurs. On estime que la quasi-totalité des
pêcheurs dans le lac ont recours à ces plantes pour conserver leur
butin. Sur les 100 pêcheurs interrogés, 90 sont mêlés
à cette pratique. Les plantes qui souffrent le plus sont malheureusement
les espèces d'Aponogeton subconjugatus et Hygrophila
sp. dont, l'importance est connue (conf. Chapitre 01). Ces
deux
127
espèces subissent à elles seules 98 % des
actions néfastes et les Aponogetons sont de loin les plus
utilisées à 71 % des cas (figure 31).
Hygrophila Sp.
16%
Autres
10%
RAS
10%
Aponogeton subconjugatus
64%
Source : Enquête de terrain,
Mars 2015.
Figure 31 : Proportion des plantes aquatiques
utilisées pour couvrir les captures
D'autre part, à côté des plantes
aquatiques qui se dégradent sous l'effet de la pression des
pêcheurs, figurent aussi les zones de pêche. D'après la
position des lieux de pêche, les pêcheurs opèrent au centre
du lac. Ils fréquentent en général les mêmes
endroits, ce qui peut endommager le fond du lac et mettre en péril la
vie des poissons phytoplanctophages. Une telle situation rompt carrément
l'équilibre écosystémique du lac et introduit de
sérieux déséquilibres dans la chaîne alimentaire
lacustre en général. Le passage répétitif de filets
éperviers aux bords desquels sont accrochées des plombs de 10
à 200 g (photo 21) gratte le fond de la retenue et arrache
algues et planctons dont l'importance est avérée.
128
Coordonnées de prise de vue : x= 10° 49'
58» - y= 14° 57' 10»
Photo 21: Extrémités
inférieures d'un filet épervier utilisé dans le lac de
Maga
Une réglementation sur les lieux de pêche
s'avère nécessaire pour réduire les dommages
écosystémiques de cette pratique.
|