3-2- DISCUSSION
Les résultats de l'analyse biochimique permettent
d'observer que les sous-produits (son de riz, son de blé, son de
maïs et farine basse de riz) utilisés par les pisciculteurs pour
nourrir les poissons d'élevage sont généralement pauvres
en protéines (9,45 - 16,20%) et en calcium (0,89 - 3,41 mg/g), mais
riche en fibres (25,17 - 51,54 %) et en phosphore (2,92 - 15,07 mg/g). Ces
sous-produits proviennent de produits céréaliers
généralement pauvres en protéines et calcium en raison de
leur origine végétale (Sauvant et al., 2004, Guillaume
et al., 1999). Les faibles teneurs de protéines et de calcium
d'une part et les taux élevés en fibres d'autres part pourraient
être dus au fait que ces sous-produits sont généralement
constitués de fragments d'amidon, de faibles proportions de germes mais
en grande partie de péricarpes issus des opérations de
décorticage et de blutage des graines (Guillaume et al., 1999).
Cependant les compositions biochimiques de ces sous-produits varient en
général d'un auteur à l'autre. A ce propos, Guillaume
et al. (1999) rapportent des teneurs de 12,8%, 0,07% de calcium et
1,4% de phosphore dans le son de riz. Des teneurs de 15,6% de protéines,
de 0,15% de calcium et 0,93% de phosphore dans le son de blé ont
été rapportées par ce même auteur. Sauvant et
al. (2004) rapportent les taux de 10,8% de protéines, 4,7 mg/g de
calcium, 2,9 mg/g de phosphore dans le son de maïs. Des teneurs de 14,8%
de protéines, 1,4 mg/g de calcium et 9,7 mg/g de phosphore dans le son
de blé ont été rapportés par les mêmes
auteurs. De même, 13,8% de protéines, 0,8 mg/g de calcium et 16,1
mg/g de phosphore ont été rapportés dans le son de riz.
Abariké et al. (2012) rapportent des teneurs de 6,68% de
protéines, 31,47% de fibres dans le son de riz. Ces différences
de compositions des sous-produits d'un auteur à l'autre d'une part et
entre nos résultats et ceux rapportés par ces différents
auteurs pourraient être du aux différences de composition de ces
sous-produits (taux de fragment de germe, de balles et de péricarpe) qui
peuvent être influencés par le matériel et le
procédé de production.
L'utilisation de sous-produits dans l'alimentation des
poissons pourrait s'expliquer par leur production locale, leur forte
disponibilité et leurs coûts faibles dus au fait que certaines
céréales telles que le riz et le maïs sont produits
localement, donc disponibles presque toute l'année dans la
sous-région de l'Afrique de l'Ouest (PRESAO 2011, Mendel et Bauer,
2013). De plus, l'utilisation de sous-produits agricoles à
été vulgarisée dans les projets de développement
de
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l'aquaculture initiés en Côte d'Ivoire depuis les
années coloniales. Ce qui expliquerait leur fréquence
élevée sur les fermes piscicoles. Selon Brechbühl (2009) et
Crentsil et Ukpong (2014), ces pisciculteurs sont en général des
planteurs de café, de cacao, d'huile de palme, et d'autres cultures pour
qui la pisciculture est une seconde activité. De ce fait, ils
s'investissent peu dans la pisciculture et donc dans l'alimentation des
poissons d'élevage. Nos travaux ont montré qu'une forte
proportion de pisciculteurs agriculteurs ivoiriens (Autochtone et allochtone)
utilise les sous-produits pour nourrir les poissons d'élevage en
système extensif dans les zones rurales. Les pisciculteurs sont
localisés en majorité dans les régions du Goh, de la Nawa,
de la Marahoué, et du Haut Sassandra. Ces régions ont
été les zones de projets d'appui au développement de
l'aquaculture orientés vers les systèmes extensif
d'élevage. A l'inverse, le système d'élevage semi-intensif
à été promu par les projets d'appui à la
professionnalisation piscicole dans les régions du sud (Sud
Comoé) et de l'Est (Indénié Djuablin) (MIPARH, 2008).
La faible valeur nutritionnelle des sous-produits par rapport
aux besoins des espèces élevées variant entre 25-55%
(protéines), 4-10% (lipides), 25-40% (glucides), 15-25 kJ/g
d'énergie, 1622 mg/kJ (protéines/énergie) et 0,7-1
(calcium/phosphore) avec des taux de fibres et de cendres inférieurs
à 10% (Jaucey et Ross, 1982, New, 1987, Guillaume et al., 1999,
Lazard et al., 2007, Edwin Robisson et Li, 2008) justifieraient les
longues durées de production, les faibles poids marchands tilapia et les
gains moyens quotidiens inférieurs à 1,5g/j. En effet, les
protéines fournissent les acides aminés essentiels et
l'énergie nécessaire aux fonctions vitales, à l'entretien,
à la croissance et à la reproduction des poissons (Guillaume
et al., 1999). Les aliments pauvres en protéines entrainent
donc des retards de croissance. De plus, les fibres ne sont pas
digérées par les poissons quelque soit l'espèce
élevée (Burel et Medal, 2014). En effet, les fibres lors de la
digestion de l'aliment peuvent se lier aux nutriments tel que les lipides, les
protéines et les minéraux et réduire leur
biodisponibilité (Shah et al., 1982 ; Ward et Reichert, 1986).
A l'inverse, les teneurs en fibres de l'aliment en proportion
recommandée (moins de 10%) peuvent améliorer la croissance des
poissons car elles constituent un lest dans le bol alimentaire qui
régule la vitesse du transit intestinal (NRC, 2011). Aussi, les
résultats permettent t'ils de constater que les sons de maïs et de
blé les plus riches en fibres sont utilisés sous forme de poudre
grossière (taille moyenne du grain variant entre 0,81 et 1,01), ce qui
pourraient augmenter les difficultés de
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digestion (ballonnement), réduire
l'accessibilité des nutriments et causer des retards de croissance et
des mortalités chez les poissons.
Toutefois, l'amélioration des paramètres de
croissance de production et d'économie avec une intensité de
nourrissage soutenue en système semi-intensif laisse penser que les
sous-produits peuvent améliorer la productivité des étangs
piscicoles. Cette intensité de nourrissage soutenue, contribue à
la mise en place d'une alimentation naturelle composée de zooplancton,
de phytoplancton, d'insectes, de mollusques et de tous les organismes
benthiques de petites tailles disponibles comme alimentation d'appoint pour les
poissons (Dabbadié, 1996). Par ailleurs, l'abondance d'aliment naturel
dans les étangs en rizi pisciculture due à l'association riz
poissons associée à la distribution régulière de
sous-produits pourrait expliquer l'amélioration des paramètres de
croissance dans ce système par rapport au système extensif (Avit
et al., 2012). De plus, le nombre élevé de
salariés et d'opérateurs économiques en système
semi-intensif qui respectent un minimum de bonnes pratiques de production a
positivement influencé la croissance des poissons.
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