1.2.2. L'adjectifs au sein des noms à
Port-Royal
Dans la grammaire raisonnée, l'adjectif est
étudié dans la classe du nom. En effet, selon Arnaud et Lancelot,
la classe du nom est un vaste ensemble. Il faut y distinguer les noms
substantifs et les noms adjectifs.
Pour Arnaud et Lancelot (1660 : 119-126), les noms substantifs
comprennent des noms communs et des noms propres. Ces mots portent sur des
objets de nos pensées et sur leurs caractéristiques. Les objets
représentent des substances. Elles peuvent subsister,
c'est-à-dire exister seules. Exemple : table, chaise,
terre.
Pour ces auteurs, au contraire,
un nom adjectif ne représente qu'une
caractéristique (un accident, selon la terminologie de l'époque).
Un tel mot ne peut exister seul dans le discours ; il doit s'adjoindre à
un autre mot, d'où la dénomination de nom adjectif. En effet, des
mots comme gentil ou intéressant ne
trouvent leur sens que lorsqu'ils accompagnent un nom substantif, qu'ils
permettent de préciser.
L'adjectif se définit par rapport au substantif. Il
aide à lui donner un contenu référentiel clair. Même
si la grammaire raisonnée aborde l'adjectif, la configuration de cette
classe et ses propriétés paraissent flous. Une question moderne
comme celle du participe s'y trouve néanmoins soulevée.
En tant que catégorie de la langue, le participe se
trouve au confluent de plusieurs problèmes grammaticaux. Il pose la
question de sa définition catégorielle, c'est-à-dire de sa
classe syntaxique, celui de l'accord et des fonctions. Cette forme partage les
traits du verbe, du nom et de l'adjectif. Arnaud et Lancelot en font une partie
du discours à part entière. Parlant de l'accord du participe,
Arnaud et Lancelot (1660 : 126) estiment que ce dernier s'accorde avec le
relatif ou le nom substantif auquel il est lié.
accord du participe, et par extension des adjectifs, sur le
modèle du nom substantif. Que peut-on retenir de Port-Royal au plan
théorique et de l'analyse de l'adjectif ?
Pour Piron (2008 : 9)
L'apport majeur de la grammaire d'Arnauld et Lancelot
réside dans la transposition de concepts philosophiques et logiques
à la réflexion linguistique. Les mots, d'une part, sont
scindés en deux supracatégories : dans l'une, ils renvoient aux
« objets des pensées » (nom, article, pronom, participe,
préposition et adverbe) ; dans l'autre, ils renvoient à « la
forme & la manière de nos pensées » (verbe, conjonction
et interjection) (Arnauld et Lancelot, 1660, p. 30). D'autre part, les auteurs
posent comme postulat d'analyse linguistique les trois opérations de
l'esprit que sont le fait de concevoir, de juger et de raisonner. Parmi elles,
l'opération centrale est celle du jugement, exprimée au moyen du
verbe. Juger consiste à « affirmer qu'une chose que nous concevons
est telle ou n'est pas telle » (Arnauld et Lancelot, 1660, p.
28.).
En d'autres termes, la grammaire raisonnée augure
l'analyse grammaticale et l'analyse logique. Elle préfigure
déjà la plupart des fonctions des mots au sein de la phrase. Elle
a corrélé la pensée à la langue et estime que
parler une langue c'est émettre des jugements. Les jugements en question
sont sous-tendus par des verbes. Or, les verbes véhiculent des
propositions, dont chaque phrase correspond à une proposition.
L'adjectif est intriqué au nom. La distinction entre
adjectif qualificatif et adjectif déterminatif n'est pas encore
esquissée. Les propriétés de la classe et ses
différentes ramifications ne sont pas encore connues.
Or, Selon WIGGERS (1997 : 263)
l'histoire de la pensée linguistique est faite non
d'une accumulation longitudinale de savoirs exploités en
continuité, mais d'une combinaison d'apports latéraux et de
superpositions, qui ne se recouvrent jamais parfaitement, et qui
véhiculent des contenus doctrinaux souvent disparates. Mais la
pensée linguistique retrouve une unité dans la mémoire
qu'elle s'est constituée de ces méandres et de ces interstices :
mémoire sélective, et dont certaines parties ne sont guère
activées à telle ou telle époque, mais une mémoire
qui a modelé notre conception du langage, et notre idée de la
façon/des façons dont on peut l'étudier.
Les développements de Port-Royal auront un rayonnement
séculaire. Ils vont influencer toute la grammaire classique et les
ouvrages scolaires. La perception de l'adjectif n'est pas en reste.
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