2.1.2.1. La suite V-SN + Que P
La structure V-SN + Que P est une forme complexe
intégrant une complétive. V est un verbe, SN un
groupe nominal intimement lié à ce verbe et Que P
désigne complétive. Cette dernière dépend du
prédicat complexe constitué par V-SN comme dans les
énoncés suivants :
5.a. J'ai le sentiment que ni nos
dirigeants politiques ni la plupart des PDG de nos grandes entreprises n'ont
pris la mesure par la faute (LP :58)
5.b. J'ai la conviction que l'homme
politique agira avec la force (LP11/10/02 :34)
5.c. Nous sommes en effet partis
du postulat que une bonne école était celle qui formait
des individus ouverts (LP03/01/03 :68)
La dépendance de Que P à V-SN
est prouvée par le test de l'effacement. En effet, la suppression
des prédicats complexes ai le sentiment, ai la conviction et
sommes partis du postulat donne lieu à des
énoncés agrammaticaux.
5. a'. J'ai le sentiment
que ni nos dirigeants politiques ni la plupart des PDG de nos grandes
entreprises n'ont pris la mesure par la faute
5.b'. J'ai la conviction
que l'homme politique agira avec la force
5.c'. Nous sommes en effet
partis du postulat qu' une bonne école
était celle qui formait des individus ouverts
Le fait que la complétive Que P ne puisse
fonctionner indépendamment montre qu'elle dépend de ces formes
complexes. À quoi réfère donc la notion de verbe support
?
Selon Riegel et al. (2014 :415-416),
on appelle verbes supports des verbes comme faire, donner,
mettre, etc. qui, à côté de leurs emplois ordinaires, se
combinent avec un syntagme prédicatif, nom, adjectif ou GP, pour
construire une forme complexe fonctionnellement équivalente à un
verbe [...]
Riegel et al. veulent dire que le verbe support et la forme
prédicative forment un prédicat unique. Autrement dit, les verbes
supports sont associés à une autre partie du discours. Par
exemple, avoir est associé au SN le sentiment pour
donner la forme avoir le sentiment de même que partir
est associé à postulat pour avoir partir du
postulat. Les deux forment une expression qui peut être
paraphrasable et leur glose correspond souvent à un verbe plein.
Avoir le sentiment peut ainsi se réécrire sentir,
partir du postulat correspond à postuler. Mais toutes les
expressions à verbe support ne donnent pas toujours lieu à un
verbe plein. Si avoir le désir, être désireux,
équivalent à désirer, avoir du courage
et être courageux n'équivalent à aucun
verbe.
Le verbe support ne possède aucune
propriété d'un prédicat, notamment il n'a pas de
schéma d'arguments. Autrement dit, au contraire d'un verbe plein, le
verbe support ne sélectionne ni son sujet ni ses compléments.
Dans des unités telles que faire le résumé de, faire
l'éloge de, faire don, ce sont les substantifs
résumé, éloge, don, et non le
verbe support faire, qui déterminent le nombre de
compléments dans les schémas « X fait le
résumé de Y », « X fait l'éloge/don de Y
à Z », et qui sélectionnent quels substantifs peuvent
apparaitre dans les positions X, Y et Z.
La complétive dépend des verbes supports dans
beaucoup de cas comme le montrent les énoncés ci-dessous :
5.a. J'ai le sentiment que ni nos
dirigeants politiques ni la plupart des PDG de nos grandes entreprises n'ont
pris la mesure par la faute
5.b. J'ai la conviction que l'homme
politique agira avec la force
5.c. Nous sommes en effet partis du
postulat qu'une bonne école était celle qui formait des
individus ouverts
5.d. l'ancien premier ministre a exprimé le
souhait que le dialogue soit maintenu
Ai le sentiment, ai la conviction, sommes partis du
postulat et a exprimé le souhait représentent les
suites V-SN. La complétive correspond au segment postposé
à cette forme complexe. Les suites V-SN peuvent se paraphraser
en un V parent au plan sémantique en dépit des
différences sémantiques qui naissent du passage de V-SN à
V On aurait donc les dérivés suivants :
5.a'. Je sens que ni nos dirigeants
politiques ni la plupart des PDG de nos grandes entreprises n'ont pris la
mesure par la faute
5.b'. Je suis convaincu que l'homme
politique agira avec la force
5.c'. Nous postulons qu'une bonne
école était celle qui formait des individus ouverts
5.d'. l'ancien premier ministre a souhaité
que le dialogue soit maintenu
En restituant le verbe de sémantisme voisin quand il
existe, on obtient une complétive du verbe. Selon Kanté (op
cit : 4), la structure constitue un prédicat complexe dans lequel le
verbe et le nom forment une unité sémantique dont la
complétive n'est que l'argument. C'est une construction argumentale.
Autrement dit, V-SN forme un couple. Kanté a raison, mais
cela n'empêche pas que pour certaines opérations syntaxiques comme
le passif, la complétive fasse partie du groupe nominal. C'est le cas
dans la phrase suivante : Le ministère a fait le postulat que
l'école doit apprendre à penser / Le postulat que l'école
doit apprendre à penser a été fait par le
ministère. Contrairement à Kanté qui classe cette
construction dans les complétives du nom, nous la considérons
comme une complétive du verbe même si, parfois, la paraphrase par
un verbe est impossible.
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