DES COMPLÉTIVES NON-VERBALES À LA
COMPLÉTIVE DE L'ADJECTIF
Le sujet de recherche du présent travail laisse
entrevoir trois items majeurs : l'adjectif, la complétive et la
complétive de l'adjectif. Cela suppose que pour mieux être compris
et déblayé, ce thème exige que l'on table sur ces trois
notions. Dans la partie précédente, une vue de l'adjectif a
été donnée. Il convient à présent de
s'intéresser non seulement à la notion de complétive, mais
aussi à la complétive de l'adjectif.
En réalité, la complétive la plus connue
est celle du verbe. La tradition grammaticale et le discours pédagogique
ont concouru à la vulgariser. Or, l'adverbe, le nom et l'adjectif
introduisent aussi des complétives. Celles-là non pas encore
été suffisamment explorées. Nous les avons
baptisées complétives non-verbales. Elles peuvent en effet
révéler des faits grammaticaux dignes d'intérêt pour
la compréhension de la subordination en général et la
saisie des complétives en particulier.
Par ailleurs, les complétives non verbales sont un
tremplin menant à la complétive adjectivale. En effet,
contrairement au verbe, le nom, l'adverbe et l'adjectif qualificatif sont des
mots non conjugables. Ils peuvent avoir des propriétés communes
en ce concerne la complétive. Il apparait donc intéressant de
saisir globalement leur fonctionnement afin de vérifier si la
complétive de l'adjectif présente les mêmes traits.
Dès lors, les deux chapitres qui suivent interroge leur
dynamique fonctionnelle et les contraintes diverses qu'elles entraînent.
La notion de complétive est revisitée. La complétive du
nom et ses problématiques sont posées et évaluées.
La complétive de l'adverbe et son aporie sont esquissées. Enfin,
la partie met en lumière, en les éprouvant, les
complétives adjectivales. Autrement dit, l'analyse traite des
différentes structures qui s'y trouvent, leurs possibilités de
reformulation et le fonctionnement syntaxique auquel elles se prêtent.
![](Lexique-grammaire-et-compltive-de-l-adjectif-qualificatif18.png)
LES COMPLÉTIVES NON-VERBALES : ESSAI DE
SYNTAXE
CHAPITRE TROISIÈME
Selon ses régissants, la complétive se distingue
en deux catégories : la complétive verbale et la
complétive non verbale. La complétive verbale dépend d'un
verbe. La complétive non-verbale est soumise à d'autres parties
du discours. On y retrouve l'adjectif qualificatif, le nom et l'adverbe. Selon
Bonard (2001 :203-204), le verbe est
une partie du discours qui exprime le temps. Cette
propriété a pour corrélatif l'aptitude à exprimer
non pas l'immuable et le permanent comme le font les noms et les adjectifs,
mais tout ce qui surgit et disparait dans le temps [...]
signifiés divers que les grammairiens modernes ont convenu de
réunir sous le terme unique de procès
[...]
Alors que les autres classes syntaxiques présentent
généralement le statique, le verbe
déploie le dynamique, des procès. Il se
conjugue, propriété qui le distingue fondamentalement des
autres classes syntaxiques. Pour Kanté Issa (2016 : 2),
la typologie des complétives est fondée sur
la relation de prédication à l'oeuvre entre
l'élément recteur et la complétive qu'elle gouverne. Les
complétives peuvent donc être classées en cinq groupes : la
complétive du verbe, la complétive du nom, la complétive
de l'adjectif, la complétive de l'adverbe, et la complétive de la
préposition.
La complétive du verbe a reçu plus
d'intérêt en français et a été la plus
vulgarisée. De ce fait, quand on parle de complétive,
d'emblée c'est la structure V +Que P qui émerge à
l'esprit. Parce que largement connue, cette structure n'intéressera pas
la présente analyse ainsi que la complétive de la
préposition de Kanté (2016) qui, elle aussi, rentre dans le grand
ensemble des subordonnées circonstancielles.
Les complétives régies par d'autres mots sont
peu connues. Si des études s'y consacrent, on est désireux de
savoir à quelle systématique elles aboutissent.
Or, les complétives non-verbales présentent,
elles aussi, de l'intérêt en tant que phénomènes
grammaticaux dignes d'être analysés. Tel est le premier enjeu de
ce chapitre. Par ailleurs, afin de mieux aborder la complétive de
l'adjectif et les classes d'adjectifs opérateurs, il est
nécessaire de saisir le fonctionnement des autres structures et des
autres mots opérateurs non-verbaux. Les propriétés des uns
ne pourraient-elles alors être corrélées
à celles des autres ? Mais, avant de traiter des
complétives non-verbales tel que l'indique le titre du chapitre, il
apparait intéressant de s'interroger sur la notion de complétive
en elle-même.
Dès lors, qu'est-ce qu'une proposition
subordonnée complétive et par quoi se caractérise-t-elle ?
Qu'est-ce qui définit les complétives non-verbales au plan
formel, distributionnel et transformationnel ? D'autre part, peut-on leur
trouver un dénominateur commun ou des constantes ? Pour y
répondre, nous suivrons une progression en trois parties. La
première clarifiera la notion de complétive d'une part. D'autre
part, elle en fournit un essai de diachronie. La deuxième partie du
chapitre étudiera la complétive du nom dans ses structures en
identifiant quelques problèmes qu'elle pose. La troisième sera
consacrée à l'analyse de la complétive de l'adverbe.
L'étude de la complétive adjectivale est renvoyée au
chapitre 3. En réalité, sa présentation dans le
présent chapitre aurait donné lieu à une
répétition préjudiciable ; d'où le choix de
surseoir son étude.
1. ESSAI DE DIACHRONIE DE L'ÉTUDE DE LA
COMPLÉTIVE
La complétive, en tant que constituant de la phrase, a
suivi un développement corolaire à celui de la phrase et son
analyse a été influencée par les options prises en
grammaire au gré du temps. L'évolution chronologique de la notion
de complétive est envisagée sur deux ères grammaticales :
en grammaire traditionnelle et en grammaire structurale. Il question de scruter
comment chacune des périodes ainsi indiquée appréhende et
analyse la complétive (la phrase complexe plus
généralement).
1.1. Grammaire classique et analyse logique de la
complétive
En rappel, telle que présentée au chapitre 1, la
grammaire classique a concomitamment une essence philosophique et logique. Elle
a également une plus-value pédagogique. De ce fait, son mode
opératoire est influencé par ces courants et l'analyse de la
phrase complexe subséquente le reflète. Nous présentons
ci-dessous la démarche de la grammaire classique : l'analyse logique
(AL) et son incidence sur la perception de la complétive.
1.1.1. Le protocole de l'AL
L'AL domine la sphère de la grammaire depuis plus de
trois siècles. Elle est une méthodologie d'analyse de la phrase
en propositions. Selon Onguene (2017 : 241), l'AL s'effectuait en cinq
étapes. Il s'agit :
1. de repérer les verbes conjugués (et
identifier le verbe principal comme indicateurs du nombre de
propositions),
2. d'isoler la proposition principale et les propositions
subordonnées
3. de définir chaque proposition en indiquant : sa
nature (proposition subordonnée relative, ou complétive, ou
circonstancielle),
4. de dégager le mot qui l'introduit (pronom
relatif, conjonction de subordination, etc.),
5. de cerner sa fonction (complément de
l'antécédent, COD, COI, complément
circonstanciel.)
Pour les pédagogues d'antan et jusqu'à ces
jours, cette procédure est destinée à « faciliter
» aux apprenants la compréhension de la pensée. Le
découpage est alors mécanique. Les propositions sont prises comme
des membres de phrases indépendants de la dynamique phrastique. Soient
les énoncés suivants :
1.a. K. lui expliqua que le procureur était en effet
de ses amis (LP :286)
1.b. Il récita scrupuleusement les sourates qui
éloignent les esprits dans la nuit (SDI : 119)
1.c. Quand il était enfin réapparu,
Elisabeth [...] avait envoyé paître le vieux
(TSTA
: 174
En respectant les cinq étapes (E) ci-dessus
indiquées à l'énoncé (1.a.), l'on aurait
l'analyse suivante :
E1 : 2 verbes conjugués : expliqua (verbe principal)
et était ;
E2 : K. lui expliqua / que le procureur était en effet
de ses amis ;
E3 : K. lui expliqua (Prop. princ.) / que le procureur
était en effet de ses amis (Prop. sub. Complétive) ;
E4 : introduite par que, conjonction de subordination
:
E5 : COD de expliqua.
Le principe fondamental est qu'autant de verbes
conjugués, autant de propositions. La proposition semble
fonctionner comme un constituant doté d'une autonomie. La plupart des
grammaires scolaires d'obédience classique vont adopter ce schème
d'analyse. Elles l'appliquent à la phrase complexe, et partant à
la complétive. Le parcours de quelques-unes permet de le constater.
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