g) La diaspora haïtienne au Chili, deuxième
plus grand fournisseur de transferts après celle des
États-Unis
Selon économiste Ezer Émile l'année 2017,
les migrants haïtiens vivant au Chili ont envoyé à leurs
proches en Haïti des transferts de l'ordre de 7,5 millions de dollars
américains. Ce qui fait du Chili désormais la deuxième
principale source d'envois de fonds vers Haïti en mai 2017, après
les États-Unis qui, eux, ont atteint 126 millions de dollars. En
troisième et quatrième position, on retrouve le Canada et la
France qui ont tous deux contribué à hauteur de 7,42 millions,
suivis de la République dominicaine et du Brésil qui ont
contribué respectivement à hauteur de 5,5 millions et 4,8
millions de dollars sur la même période. Y a-t-il lieu de dire que
les Haïtiens au Chili, moins nombreux d'ailleurs, sont plus
généreux que ceux qui vivent au Canada, en France ou en
République dominicaine ?
Peut-être faut-il chercher la cause ailleurs. À
noter que le flux de 7,5 millions de dollars de transferts en provenance du
Chili enregistré uniquement pour le mois de mai 2017 est
supérieur au total des envois de fonds en provenance de ce pays sur les
douze mois de l'année 2015. 2016 a été une année
exceptionnelle marquant le début d'une nouvelle configuration au niveau
du marché des transferts d'argent en Haïti.
Au total, les immigrants haïtiens au Chili ont
envoyé 36 millions de dollars en 2016, soit une augmentation de 386,48%
par rapport aux 7,4 millions de l'année précédente. En ce
qui a trait aux sorties de fonds, le Chili est le troisième pays
récepteur des transferts en provenance d'Haïti avec 2,04 millions
de dollars en mai 2017 après les États-Unis (12.46 millions) et
la République dominicaine (3.75 millions). Bref ! En si peu de temps,
Haïti est donc devenue la cinquième plus importante destination du
monde des envois de fonds partant du Chili avec une part de 5,9%, devant des
pays comme la République dominicaine
213 Marjolein C. Groot et Patt Gibbons, «Diasporas as
`agents of development': Transforming brain drain into brain gain? The Dutch
example», Development in Practice, vol. 17, n° 3, 2007.
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ROODLY RICHARD
8/2/19
Plaidoyer pour un cadre juridique de la protection des
travailleurs migrants et migrantes haïtiens et haïtiennes: le cas de
la République Dominicaine, des États-Unis et du Chili de 2008
à 2018.
(4,9%), États-Unis (4,5%) et l'Équateur (4,2%).
À rappeler qu'en 2015, Haïti n'a été que
dixième dans ce classement. Les données ont complètement
changé depuis le déplacement massif des Haïtiens vers le
Chili214.
La banque centrale chilienne estime en effet qu'environ 300
Haïtiens débarquent au Chili chaque jour, ce qui donnerait un total
de près de 110 000 seulement en 2016. À noter qu'en 2006, selon
les statistiques migratoires du Departamento de Extranjería y
Migración du Chili, le nombre d'entrées d'Haïtiens au Chili
était seulement de 56. Ce chiffre est passé de 113 en 2007
à 304 en 2009 et 917 en 2011. Jusqu'en 2013, le nombre d'Haïtiens
arrivés au Chili était de 2577. Aujourd'hui, la croissance est
exponentielle. À ce rythme de 300 arrivées par jour, on risque
d'avoir un total supérieur à 200 000 migrants haïtiens au
Chili à la fin de l'année. On se rappelle qu'entre 2011 et 2014,
la destination de choix était le Brésil pour les Haïtiens en
quête de mieux-être. À cette époque, les
préparatifs pour la Coupe du monde de football en termes de construction
d'infrastructures offraient d'énormes opportunités d'emploi. En
plus, l'économie brésilienne était plutôt stable.
Depuis plus de deux ans, la crise politique, sociale et économique qui
ravage ce géant latino-américain pousse nos compatriotes à
revoir leurs plans215.
Le Chili, l'une des économies les plus stables en
Amérique latine, ayant l'un des meilleurs niveaux de vie de la zone est
sans contexte la meilleure option pour les Haïtiens. Ici, nous parlons du
Chili comme étant la 38e économie mondiale avec un PIB
supérieur à 400 milliards de dollars américains pour un
revenu par habitant en PPA supérieur à 23 000 dollars
américains et un taux de chômage autour de 6%. En attendant la
relance économique en Haïti, une gouvernance plus intelligente et
des emplois massifs que nous attendons tous, l'option pour ces Haïtiens
d'aller s'établir là-bas est tout à fait logique. Ces
milliers de personnes non seulement s'assurent de leur survie au Chili mais
aussi prennent soin de leurs proches restés en Haïti avec ces flux
de transferts d'argent qui ont été multipliés presque par
cinq en seulement un an.
214
https://www.latercera.com/pulso/noticia/remesas-al-exterior-alcanzan-record-2017-envios-haiti-crecen-mas-1-100-dos-anos/239876/
215 SEN A. (2000) Un nouveau modèle économique.
Développement, Justice, Liberté, Paris, Ed. Odile Jacob, pp-
57-68
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ROODLY RICHARD
8/2/19
Plaidoyer pour un cadre juridique de la protection des
travailleurs migrants et migrantes haïtiens et haïtiennes: le cas de
la République Dominicaine, des États-Unis et du Chili de 2008
à 2018.
Si l'économie du Chili devenait en crise ou
saturée par rapport à la demande de main-d'oeuvre de migrants, il
faudrait encore trouver un autre endroit pour accueillir nos frères et
soeurs qui n'ont plus d'espoir qu'Haïti pourra être différent
un jour. Aux autorités de prouver le contraire et de rendre Haïti
un pays accueillant, attractif et vivable pour ses propres fils et
filles216.
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