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Cadre institutionnel, aide publique au développement et développement socioéconomique et politique en Haïti de 2000 à  2011.


par Smith Paul
Université d'état d'Haïti - Licence en Administration Publique  2019
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE D'ETAT D'HAITI

(UEH)

INSTITUT NATIONAL D'ADMINISTRATION, DE GESTION ET DES
HAUTES ETUDES INTERNATIONALES

(INAGHEI)

DEPARTEMENT DES SCIENCES ADMINISTRATIVES

DIRECTION DE LA RECHERCHE

CADRE INSTITUTIONNEL, AIDE PUBLIQUE AU
DEVELOPPEMENT ET DEVELOPPEMENT SOCIOECONOMIQUE
ET POLITIQUE EN HAÏTI AU COURS DE LA PERIODE 2000-2011.

Par

Smith PAUL

En vue de l'obtention du grade de : Licencié en Sciences Administratives

Option : Administration Publique

Port-au-Prince, Janvier 2020

II

Remerciements

Qu'il me soit permis de présenter ici mes remerciements à tous ceux et à toutes celles qui ont rendu possible la présente réflexion et qui m'ont soutenu durant son élaboration. D'abord et avant tout, Dieu qui est le point de départ de toute chose.

Je tiens aussi à exprimer ma profonde gratitude et reconnaissance aux Professeurs Smith E. Metellus, Ersnt A. Bernadin, Maurepas V. Jeudi et Venise D. Guitteau qui, malgré les immenses charges qui sont les leurs, ont accepté, et cela sans aucune réserve, de patronner, de guider et de critiquer ce mémoire.

Je veux aussi profiter du temps et de cette circonstance pour remercier ma famille : ma mère, Marie-Rose SAINT-HILAIRE, qui s'est sacrifiée à maintes reprises pour faire de moi un homme ; et aussi à mon courageux père, Orius PAUL, qui ne se laisse pas briser par les circonstances et les situations difficiles pour rêver et oeuvrer pour un meilleur avenir pour moi ; merci aussi à mes frères et soeurs, spécialement Evens.

Remerciement spécial mes chers cousines et cousins et cousins : Clarke B. Ritcheld (celui avec qui j'ai passé le plus de temps), E. Rousseau, Jeremie M., Pedros A., Emmanuela SH (de tout coeur), Virginie SH, Marthe SH (ma marraine), Isabelle H, Jean-Raynold SH, MC Elie, Jocelyne H. (sincèrement), Jolina P. et mon oncle Melius P.

A tous les camarades de l'INAGHEI de la promotion 2014-2018, très spécialement à mes amis, lesquels ont partagé avec moi des heureux moments, comme ceux des plus périlleux, dans lesquels nous nous sommes soutenus réciproquement : à Z. THERMO, O. LABOCHE, R. CHERY, H. EXUMÉ, E. BODEAU et aussi à Rénette PIERRE.

Enfin, je veux exprimer un profond et sincère remerciement a ceux qui ont contribué de près ou de loin dans mon parcours académique : allant des professeurs de primaire, les oncles, tantes, amis, directeurs, et même ceux que j'ignore encore leur existence.

A tous les frères et soeurs que la nature a mis sur mon chemin, spécialement Junior BAPTISTE. Merci et merci encore !

III

A Didine,

Plus que jamais, tu m'as soutenu par tes encouragements moraux et matériels. A mon tour, j'écris pour toi ce petit mot, ce n'est pas que la reconnaissance soit lourde à mon coeur, mais bien par impuissance à trouver un vocable qui puisse traduire mon appréciation a ton support. Voudrais-tu, tendre amie, te contenter de ce petit mot banal, le seul que possède le français, hélas ! pour exprimer la reconnaissance, mais sincère : MERCI1 ?

A ma grand-mère Estamise Petit-Jean Une deuxième maman pour moi !

1 Inspiré de Jean-Baptiste Cineas in La vengeance de la terre, Editions Fardin, Port-au-Prince, 2012.

iv

PRESENTATION DES HYPOTHESES

Constatation empirique. - Le cadre institutionnel mis en place dans l'administration, à cause de sa faiblesse, du phénomène de la corruption, de la non transparence et de la mauvaise gouvernance n'assure pas une gestion saine et efficace de l'aide publique au développement en vue de favoriser le développement socioéconomique en Haïti.

Hypothèse générale. - Le cadre institutionnel mis en place par la Constitution de 1987 pour la bonne marche de l'administration publique, à cause de sa faiblesse, du phénomène de la corruption, de la non transparence et de la mauvaise gouvernance n'a pas assuré une gestion saine et efficace de l'aide publique au développement appelée à favoriser le progrès socioéconomique et politique en Haïti au cours de la période 2000-2011.

Hypothèse principale. - Le cadre institutionnel mis en place par la Constitution de 1987 pour la bonne marche de l'administration publique, à cause de sa faiblesse, du phénomène de la corruption, de la non transparence et de la mauvaise gouvernance n'a pas assuré une gestion saine et efficace de l'aide publique au développement en Haïti au cours de la période 20002011.

Hypothèse secondaire. - Le cadre institutionnel mis en place par la constitution de 1987 pour la bonne marche de l'administration publique, à cause de sa faiblesse, du phénomène de la corruption, de la non transparence et de la mauvaise gouvernance n'a pas favorisé le progrès socioéconomique et politique d'Haïti au cours de la période 2000-2011.

V

TABLE DES MATIERES

Remerciements ii

PRESENTATION DES HYPOTHESES iv

TABLE DES MATIERES v

LISTE DES SIGLES ET ACRONYMES x

Liste des tableaux xiv

Liste des figures xvi

SOMMAIRE xvii

Problématique xvii

INTRODUCTION 1

Hypothèses 4

CHAPITRE I 6

CADRE D'ANALYSE 6

1.1.- CADRE THÉORIQUE 6

1.1.1.- De la gouvernabilité à la bonne gouvernance 6

1.1.2.- L'école de Virginie et la théorie des choix publics 9

1.1.3.- La théorie de la dépendance et les apports de la CEPAL 10

1.2.- CADRE CONCEPTUEL 12

Aide publique au le développement : 13

Coopération internationale : 13

Cadre institutionnel : 13

Situation socioéconomique et politique en Haïti : 14

Faiblesse de l'administration publique : 14

1.3.- MÉTHODOLOGIE 14

vi

1.3.1.- L'observation directe 15

1.3.2.- Recherche documentaire 15

1.3.3.- Méthode historico - comparative 15

1.4.- LES LIMITES DU TRAVAIL 16

1.4.1.- Obstacles /Difficultés rencontrées 16

1.4.2.- Limite spatiale 16

1.4.3.- Limite temporelle 16

CHAPITRE II 17

CADRE INSTITUTIONNEL, GESTION DE L'APD ET DEVELOPPEMENT

SOCIOECONOMIQUE ET POLITIQUE : CONSIDERATIONS GENERALES 17

2.1.- La question du développement 17

2.2.1.- Du développement à l'assistance moderne 17

2.1.2- Le tiers-monde et ses caractéristiques 18

2.2.- Coopération internationale et APD 20

2.2.1.- Origine de la coopération internationale 20

2.2.2- L'aide publique au développement à partir de 1960 20

2.2.3- La dette des pays du tiers-monde 21

2.2.4.- Le Programme d'ajustement structurel 23

2.2.5.- L'initiative des PPTE et les Programmes ajustement structurel renforcé 24

2.2.6.- Les Institutions financières internationales et Cadre de Lutte contre la

Pauvreté 24

2.3.- Les nouvelles conditionnalités de l'APD 25

L'expression et la responsabilisation 26

La stabilité politique et la violence 26

L'efficacité du gouvernement 26

La qualité de la règlementation 26

La primauté du droit 26

VII

3.1.- Présentation d'Haïti 50

La lutte contre la corruption 26

2.4.- Les Documents de Reduction ou Stratégie de Croissance et Lutte contre la Pauvreté

(SCLP) 27

2.5 Gouvernance et corruption dans les PED 29

2.5.1 Un Etat de droit fragile 30

2.5.2 L'instabilité politique et la démocratie en difficulté 31

2.5.3 La problématique de la corruption 32

2.6 La situation socioéconomique et politique dans le monde pauvre 34

Evolution de la pauvreté monétaire dans le monde Résumé 36

2.6.1 la question démographique 36

2.6.2 un taux de chômage à la hausse 37

2.6.3.- Epidémie et pandémie en vogue 38

2.6.4.- Une urbanisation galopante 38

2.6.5.- Une sous-alimentation sévère 39

2.7 Le cas du Mali 39

2.7.1.- Profil socioéconomique du Mali 40

2.7.2.- Le Mali et l'aide internationale 42

2.8 Le cas du Rwanda 44

2.8.1.- Présentation du Rwanda 44

2.8.1.1.- Présentation géographique 44

2.8.1.2.- Situation socioéconomique et politique 45

2.8.2.- Etat de la gouvernance au Rwanda 46

2.8.3.- Le Rwanda et l'aide Publique au développement 47

CHAPITRE III 50

HISTORIQUE DU SOUS-DEVELOPPMENT ET DU CADRE INSTITUTIONNEL EN

HAITI 50

VIII

3.2.- Les antécédents à la situation 52

3.2.1.- La période coloniale 52

3.2.2.- De la naissance du jeune Etat à l'Occupation américaine (1804-1915) 53

3.2.3.- L'occupation américaine 55

3.2.4.- De la désoccupation américaine à 1986 56

3.2.3.1 la situation sociale et l'environnement économique de la période 56

3.2.3.3.- 1946 : une révolution sociale 57

3.3.- Un éventail de la situation politique haïtienne post 86 61

3.4.- La situation socioéconomique du pays 1986-2000 63

3.4.1.- L'alimentation 64

3.4.2.- le système sanitaire 65

3.4.3.- L'éducation 65

3.5 L'héritage institutionnel haïtien 67

3.5.1 Les institutions politiques 67

3.5.2 La justice, l'armée et la sécurité 68

3.5.3 L'appareil administratif 68

CHAPITRE IV 70

CADRE INSTITUTIONNEL ET GESTION DE L'APD 70

4.1 Le MPCE : compétences, responsabilités et faiblesses 71

4.1.1. Les compétences du MPCE dans le domaine de l'APD 71

4.1.2 Responsabilités et Mécanismes dans la coordination de l'APD 72

4.1.3 Faiblesses et lacunes du MPCE dans le processus de l'APD 73

4.2 Gestion de l'APD 74

Interprétation des données du tableau 76

4.2.1 Assistance internationale et gestion d'ordre interne 76

4.2.2 Gestion d'ordre externe : les bailleurs de fonds 78

4.3 Autres facteurs intervenant dans la gestion de l'APD 80

ix

4.3.1 Les institutions politiques et l'environnement politique 80

4.3.2 Les institutions du système judiciaire 81

4.3.3 L'appareil administratif et la fonction publique 83

4.4 Le CIRH et la faiblesse du cadre institutionnel haïtien 88

CHAPITRE V 90

GOUVERNANCE ET DEVELOPPEMENT SOCIOECONOMIQUE ET POLITIQUE

EN HAÏTI DE 2000 à 2011 90

5.1 Le développement social 90

5.1.1 Situation sanitaire et Esperance de vie 91

5.1.2 le niveau d'instruction 93

5.1.3. Le logement social 96

5.2 Le développement économique 97

5.2.1 Le PIB et le PPA 97

5.2.2 La santé financière du pays 105

5.3 Le développement politique 106

5.3.1 Violence et insécurité en Haïti 106

5.3.2 Institutions politiques 111

5.3.3 Elections et partis politiques 112

5.3.4 Femmes et politique 116

CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS 119

BIBLIOGRAPHIE 125

X

LISTE DES SIGLES ET ACRONYMES

ACDI : Agence Canadienne de Développement International

AFD : Agence Française de Développement

AGD : Administration Générale des Douanes

AMP : Aire Métropolitaine de Port-au-Prince

APD : Aide Publique au Développement

BAD : Banque Africaine de Développement

BM : Banque Mondiale

BMPAD : Bureau de Monétisation des Programme d'Aide au Développement

BRE : Banque de la République d'Haïti

CAD : Comité d'Aide au Développement

CAED : Cadre de Coordination de l'Aide Externe au Développement

CAMEP Centrale Autonome Métropolitaine d'Eau Potable

CCI : Cadre de Coopération Intérimaire

CEP : Conseil Electoral Provisoire

CEPAL : Commission Economique pour l'Amérique Latine

CIRE Commission intérimaire pour la Reconstruction d'Haïti

CNRA : Commission Nationale de la Réforme Administrative

CNUCED Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement

CREFAS Centre de Recherche, de Réflexion, de Formation et d'Action Sociale

CSLP Cadre Stratégique de lutte contre la Pauvreté

CT : Collectivités Territoriales

xi

DDC : Direction de Coopération Suisse

DGI : Direction Générale des Impôts

DSNCRP : Document de Stratégie Nationale de Croissance et de Reduction de la

Pauvreté

EDH : Electricité d'Haïti

EMMUS : Enquête Mortalité, Morbidité et Utilisation de Services

FAd'H : Forces Armées d'Haïti

FAO : Food and Agriculture Organization

FAS : Facilité d'Ajustement Structurel

FASR Facilité d'Ajustement Structurel Renforcé

FMI : Fonds Monétaire International

FRH Fonds pour la Reconstruction Haïtienne

HCR : Haute Cour des Refugiés

IDA : Association de la Banque Mondiale pour le Développement

IDE : Investissement Direct Etrangers

IDEA Institut International pour la démocratie et l'assistance électorale

IDH : Indice de Développement Humain

IFI : Institution Financière Internationale

IHSI : Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique

ILP : Indice de Liberté Politique

IPC : Indice de Perception de la Corruption

IPF : Indice de Participation de la Femme

IPH : Indice de la Pauvreté Humaine

MEF : Ministère de l'Ecnome et des Finances

MENFP : Ministère de l'Education Nationale et de la Formation Professionnelle

XII

MINUSTAH : Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti

MPCE : Ministère de la Planification et de la Coopération Externe

MSPP : Ministère de la Santé Publique et de la Population

OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Economique

OEA : Organisation des Etats Américains

OMD : Objectifs du Millénaire pour le Développement

ONG : Organisation non Gouvernementale

ONU : Organisation des Nations Unies

PAS : Programme d'Ajustement Structurel

PIB : Produit Intérieur Brut

PMA : Pays Moins Avancés

PNH : Police Nationale d'Haïti

PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement

PPA : Parité du Pouvoir d'Achat

PPTE Pays Pauvres Très Endettés

RDC : République Démocratique du Congo

RNB : Revenu National Brut

RNDDH : Réseau National de Défense des Droits Humains

SCLP : Stratégie de Croissance et de Lutte contre la Pauvreté

PED : Pays en Développement

SCLP Documents de Reduction ou Stratégie de Croissance et Lutte contre la

Pauvreté

SDN : Société des Nations

SHADA : Société Haïtien-Américaine de Développement Agricole

SIDA : Syndrome Immunodéficience Acquis

XIII

SNEP Service National d'Eau Potable

TELECO : Télécommunications d'Haïti

TI : Transparency International

UCREF : Unité Centrale Renseignements Financiers

UE : Union Européenne

UEH : Université d'Etat d'Haïti

ULCC : Unité de Lutte contre la Corruption

UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture

UNICEF : Organisation des Nations Unies pour l'Enfance

UPR : Universités Publiques en Région

USA : United State of America

USAID : United States Agency International Development

USD : United States Dollar

VIH : Virus de l'immunodéficience Humaine

xiv

Liste des tableaux

Tableau 1 : Evolution de la pauvreté monétaire dans les pays en développement 39

Tableau 2 : Fréquentation scolaire de la population de 7 ans et plus 45

Tableau 3 : Répartition de la situation épidémiologique du VIH-Sida par région, sexe et milieu

de résidence .45

Tableau 4 : Recettes totales nettes d'APD au Mali en millions de dollars US de 2002 à

2006

. 47

Tableau 5 : Croissance du PIB (moyenne annuelle), 1995-2010

....48

Tableau 6 : les performances économiques du Rwanda de 2003 à 2011

52

Tableau 7 : Performances économiques du Rwanda de 2003 à 2011

63

Tableau 8 : Taux de croissance du PIB (2001-2010)

66

Tableau 9 : Pauvreté et pauvreté extrême en Haïti

68

Tableau 10 : Répartition des écoles selon qu'elles soient ou non public

70

Tableau 11 : Classement des institutions les plus corrompues : (Utilisateurs) ménages,

entreprises privées et ONG

81

Tableau 12 : Les grands principes adoptés lors de la conférence de Paris sur l'efficacité de l'aide

au développement (2005)

87

Tableau 13 : Taux de prévalence du SIDA en Haïti de 2000 à 2011

90

Tableau 14 : Espérance de Vie en Haïti de 2000 à 2011

92

Tableau 15 : Analphabétisme/ Accès à l'école/ Niveau d'étude

.94

Tableau 16 : Croissance économique en Haïti exprimée en pourcentage de 2000 à 2011

.97

Tableau 17 : PIB par habitant en Haïti de 2000 à 2011 98

Tableau 18 : Indice de la pauvreté humaine croisée a l'IDH comparée à quelques pays de la

région 102

xv

Tableau 19 : Indice de l'espérance de vie, de scolarisation, du PPA et de l'IDH en Haïti et

d'autres pays voisins 102

Tableau 20 : Evolution du taux de change en Haïti de 2000 à 2011 104

Tableau 21 : Typologie d'actes de violence armée commis en Haïti . 105

Tableau 22 : Peacekeeping expenditure, 2000-2008 (USD millions) 107

Tableau 23 : Répartition des partis politiques nés selon la période électorale et leur effectif

cumulatif 112

Tableau 24 : situation politique et démocratie en Haïti au cours de la période 2000 à 2011 113

Tableau 25 : Classement des candidats vainqueurs/ partis politiques et % des votants .114

Tableau 26 : Niveau de participation politique en Haïti de 2006 à 2010 114

Tableau 27 : Proportion de femme au parlement depuis 2001 115

xvi

Liste des figures

Figure 1: Evolution de l'aide internationale au Burkina Faso ..33

Figure 2: Evolution de la pauvreté monétaire dans le monde ....40

Figure 3 : Répartition du PIB en 2002 du Rwanda selon les secteurs d'activités 50

Figure 4: Evolution de population urbaine par la migration .64

Figure 5 : Evolution du taux de croissance du PIB de 2001 à 2010 .67

Figure 6: Evolution de l'APD offerte à Haïti selon le secteur de 2000 à 2008 84

Figure 7: évolution de l'économie haïtienne de 2000 à 2011 98

Figure 8: évolution comparée de la participation politique des femmes par rapport aux hommes

116

xvii

SOMMAIRE

Depuis plus d'une trentaine d'années, Haïti reçoit de la communauté internationale des fonds d'Aide Publique au Développement pour son développement. Pourtant, loin de favoriser ce dit développement, on assiste plutôt à une situation de misère grandissante, de pauvreté généralisée, d'insécurité alimentaire, d'insécurité sociale, bref une situation qui traduit littéralement la pauvreté et donc le sous-développement. Les rapports publiés sur le développement humain par le PNUD nous confirment que la situation va de mal en pis. Si les principes de l'accord de Paris en 2005 ont mis l'accent sur le renforcement des institutions nationales et locales en vue de l'efficacité de l'aide, le cadre institutionnel de l'administration publique haïtienne est caractérisé, pour sa part, par une faiblesse institutionnelle, la corruption, les gabegies administratives qui sont des facteurs qui influent négativement sur le développement du pays. Lorsqu'on tient compte que la bonne gouvernance était devenue depuis après la crise de l'endettement comme étant l'une des conditionnalités de l'APD, en Haïti, non seulement elle n'était pas rendez-vous, mais aussi les bailleurs n'ont pas oeuvré à sa mise en oeuvre, et l'aide, malgré cette situation de mauvaise gouvernance, n'a fait qu'accroitre. Bien que la littérature et les études faites sur l'APD ne confirment pas qu'elle favorise le développement, mais certains pays l'ont utilisée une façon qui leur permettent de faire certaines avancées significatives sur le plan socio-économique et politique comme par exemple le Rwanda, en Afrique. Alors que Kigali a conscience que les bailleurs ne veulent que la dépendance du Rwanda par rapport à l'APD, il a profité en mettant en place un cadre institutionnel appréciable le permettant de l'utiliser efficacement. Ce que Port-au-Prince, comme Bamako, n'a pas su faire. Nos dirigeants n'ont pas pu faire, au cours de la période 2000 à 2011, de choix publics pouvant répondre aux besoins de la population.

Problématique

Ces dernières décennies sont caractérisées par la naissance d'un ensemble d'organismes, de tout un ensemble de plans aussi bien que des programmes venant des pays développés visant à renforcer ou à promouvoir le développement et ses corollaires dans les pays pauvres ou en développement.

Le montant d'aide alloués à l'endroit de ces derniers croît à un rythme galopant surtout en destination les pays de l'Afrique sub-saharienne, les pays de l'Asie du sud-est de l'océan indien

xviii

ou de l'Amérique latine (et caraïbes). L'OCDE (2005) souligne qu'en 2003, les pays membres du CAD ont consacré quelques 69 milliards USD d'APD nette au pays en développement, soit l'équivalent de 0.25 pour cent de leur RNB cumulé. En 2002, le montant des dettes effacées représentait en effet 11 pour cent contre 7 pour cent en 2001 et 6 pour cent en 2000. Une projection a été même faite par OCDE qu'en 2006, si les engagements pris à l'occasion de la conférence internationale des Nations Unies sur le financement pour le développement sont honorés. Si le moment de ces aides croît ainsi, le niveau de vie et les conditions socioéconomiques et politiques dans lesquelles ces pays évoluent demeurent toutefois inchangées. Ainsi, les problèmes migratoires, dont l'objectif primordial des ressortissants est la recherche de meilleures conditions de vie, sont de plus en plus accrues. Nous tachons de rappeler qu'il existe aujourd'hui 42 millions de réfugiés dans le monde, déplacés notamment en raison de situations de conflits ou de facteurs politiques et ethniques. Les inégalités entre genre, les problèmes sociaux chroniques, la faim, les conflits armés internes, l'inaccessibilité ou l'accès difficile à l'éducation, les difficiles situations environnementales écologiques, sanitaires provoquées par le changement climatique, qui facilitent un terrain fertile à la propagation de maladies (AFD, 2010), ... sont entre autres des paramètres fondamentaux expliquant l'environnement général des pays pauvres reparties dans l'Asie du Sud 'Est, de l'Afrique Subsaharienne et des Caraïbes.

De part de son statut en tant que Pays pauvres et seul PMA de l'Amérique, Haïti, étant voisin des pays de l'Asie du Sud Est et de l'Afrique sub-saharienne, n'est pas exempté des alarmantes situations dans lesquelles ils s'évoluent ; peut-être même si la situation ne s'est pas plus à la hausse. D'ailleurs, ils ne sont pas singuliers ceux qui pensent que la situation actuelle d'Haïti dans tous les aspects considérés est critique. En fait, selon Fred Doura (2003), Haïti était classée à partir de 1981 par l'ONU au rang du seul PMA dans l'Amérique et des Caraïbes. Cet appauvrissement, poursuit-il, n'est pas le fruit du hasard mais d'un processus [...].

Du point de vue économique, presque tout s'unit la voix pour admettre que la situation de l'économie haïtienne va mal. Les problèmes de la dégradation de l'environnement deviennent de plus en plus immenses. De 2000-2011, les problèmes environnementaux n'ont connu aucun essor, bien au contraire, ils persistent. En effet, jusqu'en 2014, comme le souligne Jean-Richard Lahens (2014), le portrait de la problématique environnementale en Haïti se résume ainsi :

- Déforestation et ses conséquences sur la biodiversité ; - Désertification des terres arabes due à l'érosion ;

xix

- Gestion des risques qui s'articule autour de la vulnérabilité des catastrophes naturelles ; - Insalubrité et pollution, etc.

A dire vrai, depuis bien des années Haïti a connu de profondes modifications dans certains paramètres dans le secteur agricole, due principalement à la baisse de la pluviosité. L'état de l'environnement écologique du pays favorise l'érosion et le climat prospère pour la terre infertile. A cela s'ajoute aussi le phénomène du taux de croissance élevé, induisant une forte réduction des superficies des terres cultivables et actives dans le milieu rural par faute d'une politique d'aménagement du territoire bien définie. Comme conséquence, pour une population qui enregistre un taux de croissance annuel d'environ 2 %, seulement 50 % des besoins alimentaires sont couvert par la production nationale (Banque Mondiale, 2000), ce qui engendre une inflation importée due même aux besoins de satisfaction de masse ou de première nécessité. En terme macroéconomique, le pays n'a pas vraiment connu un taux de croissance pouvant améliorer ou relever le défi de l'économie : 0.88 % en 2000, -5.5 en 2010, 5.52 en 2011, selon MEF-IHSI (2014).

Faute à cette incapacité de production, la monnaie locale connait de jour en jour une chute libre. Le pouvoir d'achat de la population se trouve donc diminuer, d'où la cherté de la vie. La valeur de la monnaie nationale a dégringolé en passant de 5 gourdes en 1990 à plus de 45 gourdes en 2014 pour un dollar, soit une augmentation de plus de 900%. Cette situation s'explique par le fait qu'on enregistre toujours un déficit de la balance des paiements car le pays dépend à plus de 50% de l'extérieur pour assurer sa consommation journalière (MEF-IHSI, 2014). Le PIB par habitant est de 450 $ et 70 à 80 % des habitants sont en dessous du seuil de pauvreté : 60 % des haïtiens vivent avec moins de 0,70 € par jour. En terme général, le pays se trouve toujours au dernier plan dans tous les classements dans la zone Amérique Latine et Caraïbes.

Le rythme d'accroissement de la population urbaine par rapport à la population rurale illustre la spectaculaire croissance des grandes villes traduisant un système primatial qui ne cesse de s'accuser avec l'augmentation continuelle du poids urbain de l'AMP et des chefs-lieux de département depuis 1950 (Joseph Duval C., 2013). Durant les derniers recensements, le nombre de migrants pour l'ensemble du pays a presque triplé (2.64) tandis que ceux de l'AMP et des villes chefs-lieux de département ont été multipliés par 18. Ces derniers qui représentaient 10.99% en 1950 sont passés à 77.07% en 2003. Si la littérature sur l'urbanisation et l'armature urbaine a montré que les agglomérations sont étroitement liées aux activités économiques, nous

xx

pouvons dire que ce flux de migrants orientant surtout vers l'AMP a pour principal objectif un mieux-être économique. Ce que ne confirment pas les chiffres puisque IHSI (2003) enregistre un taux effrayant de chômage allant jusqu'à 60 %. L'espérance de vie est de 56 ans pour les hommes et 60 ans pour les femmes. La mortalité infantile (71 pour mille) est la plus élevée du continent américain.

L'éducation est un autre des paramètres les plus fragrants démontrant l'incapacité de l'Etat de répondre aux besoins de la population. Les écarts entre genre, les disparités villes-campagnes dans la disponibilité du nombre d'école, le phénomène d'école illégales et borlettes sont la problématique dominante du système éducatif haïtien. Selon l'UNICEF2, le système éducatif haïtien accueille environ 2 700 000 élèves dans près de 17 000 écoles. Le taux net de scolarisation se situe à environ 60 %. Environ 380 000 enfants âgés de 6 à 11 ans ne fréquentent pas l'école. L'échec scolaire répété devient une plaque tournante : chaque année on enregistre des taux d'abandon et de redoublement scolaire (14.5% pour le 1e et 2e cycle en 2010). Dans l'ensemble, selon MENFP (2010-2011), le secteur non-public totalise 88% des écoles du pays contre 12 % pour le secteur public. En ce qui concerne l'enseignement supérieur, l'Université d'Etat d'Haïti, qui demeure le premier choix des bacheliers, ne peut satisfaire que 6 à 10 % de la totale de demande.

Ajouter à ces problèmes tant d'ordre structurel qu'institutionnel la question de la corruption sous toutes ses formes qui ronge l'administration publique. La corruption reste l'un des fléaux les plus aigus de l'administration publique. RNDDH (mars 2015), dans un rapport publié a écrit: « Depuis plusieurs décennies, Haïti croule sous le poids de la corruption. Toutes les institutions étatiques sont indexées3 » [...]. Dans un document daté de 2009, l'un des organismes indépendants créé justement dans la mouvance d'une quête de modernisation de l'Etat, à savoir l'Unité de lutte contre la corruption (ULCC), fait un décompte assez caractéristique des maux minant l'administration publique. Elle cite ainsi, entre autres : les mauvaises conditions de travail au sein de la fonction publique, la centralisation excessive de l'administration publique et la lenteur enregistrée dans les prestations de services publics à fournir aux usagers, la non-reconnaissance du mérite et la pratique du népotisme, la faiblesse et la dépendance du système judiciaire, l'inapplication des dispositions légales de répression

2 Evelyne, TROUILLOT MENARD, « L'éducation en Haïti : inégalités économiques et sociales et question de genre. La femme dans l'enseignement supérieur », article paru dans la revue Haïti Perspectives, vol. 2
· no 3
· Automne 2013.

3 RNDDH, CSC/CS-Corruption : le RNDDH exige la démission et la mise en examen de l'ex-président Monie Matthieu, Port-au-Prince, 18 mars 2015, p3.

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de la corruption, l'impunité, l'absence de transparence dans la gestion des affaires de l'Etat, l'absence de reddition des comptes de la part des gestionnaires des deniers publics et la non réglementation de l'accès aux informations publiques4 [...]. Et, avec un IDH de 0.50, Haïti est classé 146e pays sur 177, et ne laisse derrière que des pays pauvres de l'Asie du Sud-Est et des pays africains ayant battu des records en matière de corruption, ravagés par la guerre civile ou encore en situation de post-conflit. Haïti cumule toutes ces tragédies y compris la guerre civile5 surtout dans la période allant de 2000 à 2004.

Force de considérations de tous ces problèmes énumérés, et tenant compte que le pays bénéficie depuis plusieurs décennies de l'APD (B. Paul, 2012), et que l'aide ne saurait octroyée à Haïti en particulier et aux PED en général, sans la mise en place des institutions fortes pour combattre la corruption, l'on est en situation et en droit de se demander qu'est ce qui freiner le développement d'Haïti au cours de la période 2000 à 2011 ? Est-ce que la bonne gouvernance a été le pilier central de la mise en oeuvre des fonds de l'APD ou du moins, les donateurs, s'efforcent-ils vraiment à la création ou à l'instauration d'un climat d'une bonne gouvernance institutionnelle pouvant sortir le pays du marasme auquel se trouve-t-il depuis des décennies ?

Afin de répondre à ces questionnements, nous avons formulé l'hypothèse suivante : Le cadre institutionnel mis en place [par la constitution de 1987] pour la bonne de l'administration publique, à cause de sa faiblesse, du phénomène de la corruption, de la non transparence et de la mauvaise gouvernance n'a pas assuré une gestion saine et efficace de l'aide publique au développement appelée à favoriser le progrès socioéconomique et politique en Haïti au cours de la période 2000-2011, divisée en deux sous-hypothèse qui sont l'hypothèse secondaire 1 intitulé : Le cadre institutionnel mis en place par la Constitution de 1987 pour la bonne marche de l'administration publique, à cause de sa faiblesse, du phénomène de la corruption, de la non transparence et de la mauvaise gouvernance n'a pas assuré une gestion saine et efficace de l'aide publique au développement en Haïti au cours de la période 2000-2011, et l'hypothèse secondaire 2 : Le cadre institutionnel mis en place par la constitution de 1987 pour la bonne marche de l'administration publique, à cause de sa faiblesse, du phénomène de la corruption,

4 MEF/ULCC, 2009, cité par Jean-Abel PIERRE dans «Sociologie Économique de la corruption. Vers une étude de l'implémentation des politiques publiques de lutte contre la corruption en Haïti», thèse de doctorat, Université Paris-Sorbonne.

5 Nadine, BAGGIONI-LOPEZ, Saint-Domingue/Haïti : histoire, géographie, enseignement (collèges, lycée professionnel, slnd, p63.

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de la non transparence et de la mauvaise gouvernance n'a pas favorisé le progrès socioéconomique et politique d'Haïti au cours de la période 2000-2011.

Cadre théorico-conceptuel. - Comme toute recherche digne de ce nom, notre travail de recherche est circonscrit autour d'une cadre d'analyse qui favorise la démarche objective de la recherche. Nous avons d'abord un cadre théorique, ensuite un cadre conceptuel, et enfin le cadre méthodologique.

Le cadre théorique est composé de trois (3) théories. D'abord la théorie de la bonne gouvernance qui se veut d'abord et avant une théorie normative, dans le sens qu'elle émette des principes, des marches à suivre, des règles pour la bonne marche des institutions tant publiques que privées. Ensuite nous avons la théorie des choix publics qui voient les hommes politiques comme des entrepreneurs, dans le sens que ceux-ci ne veulent que satisfaire leur ego. Au lieu de travailler pour le peuple comme ils le prétendent, ces derniers n'ont fait qu'oeuvrer pour accumuler du pouvoir, et ainsi, de la richesse. Enfin, nous avons choisi de travailler avec la théorie de la dépendance pour comprendre la relation entre l'aide et le développement. Cette théorie montre que les pays capitalistes développés, appelé aussi pays du Centre sont des pays impérialistes et que le développement ne saurait pas possible avec l'impérialisme. Si donc ils maintiennent une relation d'aide avec des pays pauvre, ce n'est que pour les maintenir dans la périphérie et nom le développement. Le développement suppose l'autonomie. Comme dans le cadre de notre travail il s'agit d'institutions publiques, la théorie de la bonne gouvernance est la théorie référentielle.

En ce qui concerne le cadre conceptuel, nous avons tenté de définir les concepts-clés de la recherche comme APD qui est un transfert de ressources des pays développés aux PED ; le cadre institutionnel comme étant l'ensemble des institutions et des normes qui gouvernent l'Etat et les CT ; la coopération internationale comme étant l'activité qui vise explicitement à soutenir les priorités de développement nationales ou internationales et aussi la faiblesse de l'administration publique qui signifie donc l'incapacité de celle-ci à diriger et exercer son autorité, et in extenso, l'incapacité tout court de l'Etat. Pour les démarches d'ordre méthodologiques, nous avons adopté l'observation directe, la méthode documentaire et la méthode historico-comparative.

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INTRODUCTION

L'aide étrangère pour le développement fait partie des peu de sujets qui occupent une place tellement intéressante et volumineuse dans la littérature économique ces dernières décennies (I. Sachs, 1977). Présente sous diverses formes (dons, IDE, crédits en céréales, crédits financiers), elle a une corrélation très forte avec les économies nationales tant du point de vue de l'assistance sociale que du point de vue de l'économie politique. Surtout avec les caractéristiques alarmantes des pays en développement (PED), on a vite remarqué que l'aide internationale pour le développement connait au fil du temps une allure grandissante.

Depuis la crise de l'endettement en 1982 au Mexique (Éric Berr, 2000 ; Valérie Grivel, 2008) lorsqu'il suspendait le paiement des intérêts qu'il devait au titre du service de sa dette, la question de l'aide internationale est vue d'une autre manière : le développement des pays bénéficiaires par eux-mêmes, l'auto-développement ou le développement autocentré. Ce, pour corriger le laxisme existant d'une part chez les bailleurs et d'autres part chez les receveurs, y compris leur impuissance. Ainsi, on a remarqué de nouvelles modifications mises en place par les institutions de Brettons Woods (FMI, BM) et les organismes d'aide (OCDE, USAID, AFD et autres agences nationales) pour l'allocation de l'aide. Pourtant, la situation des pays pauvres n'a cessé, depuis 1982, de se dégrader. D'après la Banque mondiale, la dette des PED s'élève en 2001 à environ 2450 milliards de dollars tandis qu'elle était d'environ 560 milliards de dollars en 1980. Dans le même temps, les PED ont remboursé 3400 milliards de dollars (à titre d'intérêt ou d'amortissement)6. Ce qui nous a permis de constater que les remèdes n'ont pas été efficace. Il est aussi possible de constater que le tournant politico-économique du monde occidental marqué par le libéralisme vers 1980 a augmenté la question de l'aide au développement qui est surtout dû à la faiblesse des pays de la périphérie sur le marché international. La littérature de l'économie du développement renouvelle cette fois les expressions coopération internationale (Jean-Charles E., 2007) et partenariat (O. Navvaro-Florres, 2009). L'étude accrue des spécialistes sur la question de l'aide internationale, le partenariat et la coopération internationale nous permet d'assister à un débat sur cette question de la coopération internationale : pour les

6 Éric BERR, la dette des pays en développement. Bilan et perspectives, Paris, 2000, p2.

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uns, la coopération internationale véhicule les modèles de développement des pays nord-occidentaux, perpétuant ainsi la dépendance économique et l'inégalité des rapports de pouvoir qui caractérisent les relations Nord-Sud depuis le colonialisme. Pour les autres, la coopération internationale fait la promotion d'une voie alternative de développement qui prône la prise en charge des populations locales et l'ancrage du développement économique dans le développement social7 ».

Il existe, en fait, une multitude d'études existant sur la question de la coopération internationale pour le développement: d'aucuns continuent de penser que la coopération pour le développement est quasiment synonyme d'aide financière ou, plus concrètement, d'APD (« aide publique au développement »). À l'inverse, d'autres penchent pour une définition plus large qui inclut, par exemple, les flux sur les marchés (à savoir, les investissements directs étrangers ou les transferts de fonds) (José Antonio A. & J. Glennie, 2016). Mais ce qui est important, quel que soit la considération théorique faite à partir de la coopération internationale, elle inclut inévitablement la question de l'aide publique pour le développement (APD), et peut-être même que c'est le centre de toute coopération entre pays ou organismes internationaux.

L'aide publique pour le développement désigne, en effet, le transfert de ressources des pays donateurs vers les pays en développement à des conditions préférentielles afin de promouvoir leur développement socioéconomique et politique. Historiquement, et plus proche de nous, la question de l'aide publique pour le développement est apparue suite à la fin de la seconde guerre mondiale, disons mieux l'application du « Plan Marshall ». Ce plan visait la lutte contre la faim, la pauvreté et le désarroi de la population européenne (O. Navvaro-Florres, 2009 :15) avec l'idée du développement économique. Au-delà de l'aide humanitaire, le plan Marshall visait le renforcement économique des pays d'Europe jadis industrialisés, afin qu'ils puissent s'insérer promptement dans un système économique mondial. Et c'est jusque dans les années 1960 marquées surtout la décolonisation des pays de l'Afrique, que le développement et l'aide au développement deviennent aussi une préoccupation des pays développés pour les pays sous-développement. Bernard Billaudot (2004) fait même remarquer que :

« Pendant tout un temps, le terme de développement en science économique a été l'oriflamme d'une nouvelle discipline - l'économie du développement - qui voit le jour après la seconde guerre mondiale et qui se construit dans les années cinquante et soixante en ayant comme

7 Navarro-Flores, OLGA, Le partenariat en coopération international : Paradoxe ou compromis ? 2009, p1.

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champ d'investigation les pays f...] sous-développés et f..] plus judicieux d'appeler les pays en voie de développement ou encore, les pays du Sud8 ».

Ainsi, la relation entre coopération internationale à travers l'APD et les pays en développement est très étroite. C'est une corrélation qui se veut parfaitement fructueuse de par son objectif : soutenir d'abord le développement national. Ce qui implique un cadre macroéconomique sain, où les inégalités sociales seront réduites. Un tel objectif doit nécessairement être concrétisé par la mise en place d'un cadre institutionnel répondant aux exigences sociales. D'où la nécessité d'une gouvernance adéquate. A lorsque le montant de l'aide se multiplie chaque année suivant la mission9 de la coopération pour le développement, les pays du sud en général, surtout Haïti tout en étant un des receveurs par excellence de l'APD, n'est pas sorti du marasme socioéconomique, politique et institutionnel auquel il fait face des décennies durant. Bien au contraire, nous ne pouvons que constater, dans le cas d'Haïti, une corrélation fortement négative existant entre l'aide publique au développement et le sous-développement ; c'est ce constat qui nous amène à pencher sur ce sujet d'étude : Cadre institutionnel, aide publique au développement et développement socioéconomique et politique en Haïti au cours de la période 2000-2011.

Ainsi, ce mémoire de fin d'études se fixe pour objectif d'analyser l'efficacité (ou l'inefficacité) de l'aide publique au développement allouée à Haïti au cours de la décennie allant de 20002011 pour le renforcement institutionnel [la gouvernance] ou son inverse). Nous voulons aussi mettre un accent emphatique sur les effets de l'APD sur l'administration publique haïtienne. Pour ce faire, nous avons jugé nécessaire de structurer notre travail autour de cinq (5) chapitres.

Dans le premier, nous tacherons de présenter les grands courants de pensée qui feront l'objet de notre analyse tout au long du travail, nous exposerons aussi notre cadre méthodologique et conceptuel. Dans le deuxième chapitre, nous ferons une vue globale sur la situation socioéconomique et politique du tiers-monde, en particulier le berceau du monde pauvre : l'Afrique subsaharienne et aussi l'Asie du sud-est. Nous étudierons l'impact de l'APD sur leur

8 Bernard Billaudot, Développement et croissance : Les enjeux conceptuels des débats actuels, France, 6 octobre 2004, p5.

9 La coopération pour le développement satisfait aux quatre critères suivants : 10) Elle vise de manière explicite à soutenir les priorités de développement nationales ou internationales ; 20) Elle ne recherche pas le profit ; 30) Elle prône la discrimination positive en faveur des pays en développement ; et 40) Elle est basée sur des relations de coopération visant à améliorer l'appropriation par les pays en développement. Source : Qu'est-ce que la coopération pour le développement ? Par José Antonio Alonso et Jonathan Glennie, 2016.

Hypothèse générale : Le cadre institutionnel mis en place dans l'administration, à cause de sa faiblesse, du phénomène de la corruption, de la non transparence et de la mauvaise gouvernance

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situation avant de rentrer d'emblée dans notre cas précis en prenant deux cas en faisant une analyse comparative.

Le troisième chapitre est consacré à un exposé qui fera état de la situation socioéconomique, politique et institutionnel d'Haïti ainsi que sa genèse dans la vague de la coopération internationale. Nous analyserons aussi dans ce chapitre, conjointement avec notre cadre théorique, la politique internationale en vogue et l'ampleur des aides publiques pour le développement (APD) dans le cas d'Haïti.

Le quatrième chapitre est destiné à la vérification de notre hypothèse secondaire 1 : « Le cadre institutionnel mis en place dans l'administration publique, à cause de sa faiblesse, du phénomène de la corruption, de la non transparence et de la mauvaise gouvernance n'a pas assuré une gestion saine et efficace de l'aide publique au développement en Haïti au cours de la période 2000-2011 ». Pour ce faire, nous ferons une lecture analytique et critique autour du cadre institutionnel public haïtien et sa relation, si elle existe, avec la mauvaise gouvernance qui fait rage sur la Res Publica. En fait, nous voulons étudier s'il y a une relation entre la faiblesse administrative et l'importance considérable des fonds alloués ainsi que sa mauvaise gestion.

Enfin le cinquième chapitre sera réservé à la vérification de notre hypothèse secondaire 2 : « Le cadre institutionnel mis en place dans l'administration, à cause de sa faiblesse, du phénomène de la corruption, de la non transparence et de la mauvaise gouvernance n'a pas favorisé le développement socioéconomique et politique d'Haïti au cours de la période 2000-2011 ». Un bilan de la situation socioéconomique et politique sera fait pour voir si le cadre institutionnel en place a favorisé ou non le développement.

Hypothèses

Si nous répétons Aktouf (1987) pour dire que l'hypothèse est la formulation pro-forma des conclusions que l'on compte tirer et que l'on va s'efforcer de justifier et de démontrer méthodiquement et systématiquement, et comme une tentative de réponse à la problématique de recherche, en considérations de ladite problématique, et dans la perspective d'orienter notre recherche, nous avons formulé ces hypothèses suivantes :

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n'a pas assuré une gestion saine et efficace de l'aide publique au développement en vue de favoriser le développement socioéconomique en Haïti au cours de la période 2000-2011.

Hypothèse principale : Le cadre institutionnel mis en place par la constitution de 1987 pour la bonne marche de l'administration publique, à cause de sa faiblesse, du phénomène de la corruption, de la non transparence et de la mauvaise gouvernance n'a pas assuré une gestion saine et efficace de l'aide publique au développement en Haïti au cours de la période 20002011.

Hypothèse secondaire : Le cadre institutionnel mis en place dans l'administration, à cause de sa faiblesse, du phénomène de la corruption, de la non transparence et de la mauvaise gouvernance n'a pas favorisé le développement socioéconomique et politique d'Haïti au cours de la période 2000-2011.

10 Selon expression de Samuel HUNTINGTON, The Third Wave of democrazisation (1992), cité par Renée Fregosi dans Gouvernabilité et gouvernance globale : défis théoriques et politiques, 12 octobre 2010, p3.

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CHAPITRE I

CADRE D'ANALYSE

L'objectif de ce chapitre est de présenter d'abord le cadre théorique c'est-à-dire les diverses théories auxquelles circonscrit et oriente notre recherche à savoir la théorie de la bonne gouvernance, la théorie des choix publics ainsi que la théorie de la dépendance. Ensuite nous présenterons le cadre conceptuel de la recherche en nous efforçant de définir les concepts dominants selon le cadre d'analyse. Enfin nous tacherons de présenter la manière de faire pour parvenir aux données nous aidant d'atteindre notre objectif et la vérification de nos hypothèses, c'est-à-dire notre cadre méthodologique.

1.1.- CADRE THÉORIQUE

Ce présent travail de recherche est contourné par trois théories nous permettant de comprendre la problématique de l'aide publique et ses répercussions sur Haïti à travers les institutions publiques ou régaliennes. Nous tacherons d'exposer l'essentiel.

1.1.1.- De la gouvernabilité à la bonne gouvernance

Les années 80-90 avaient vu déferler la « troisième vague de démocratisation10 », sous la forme d'une succession de processus de changements de régimes que l'on avait appelés transitions à la démocratie (Isabelle Lacroix et Pier-Olivier St-Arnaud, 2010). A. Venise Dubique, dans Les élections dans la transition démocratique en Haïti, a fait ressortir que cette vague de transitions de l'autoritarisme à la démocratie, qui a touché successivement les nouveaux pays industriels d'Europe du sud (1973-1978), d'Amérique latine et d'Asie de l'Est (1980-1988), les Etats communistes de l'Europe centrale et orientale et les pays en développement de l'Afrique (19891995), a provoqué la chute de nombre de gouvernements dictatoriaux, qui sont remplacés par des gouvernements de facto. Dans cette circonstance, les sociétés connaissent, pour reprendre l'expression de F. Renée (2010), des crises polymorphes. Ces crises ont provoqué de profondes mutations dans l'univers sociopolitique aussi bien qu'académique. Ainsi apparait alors un nouveau concept : la gouvernabilité qui a été remis en vogue dans les années 70, appelle le concept opposé d'ingouvernabilité : il fait référence au pouvoir ou non pouvoir, à capacité quasi

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physique de gouverner c'est-à-dire d'imposer des actions politiques à l'ensemble de la société. S'il y a un manque de consensus ou remise en cause de la légitimité du pouvoir aux yeux d'une fraction estimée décisive de la société (soit parce qu'elle représente la majorité soit par elle est considérée comme dangereuse), le spectre de l'ingouvernabilité apparaît ; autrement dit, cette gouvernabilité correspond en miroir à la capacité du peuple à accepter d'être gouverné. Cette définition de la gouvernabilité enclenche automatiquement soit la problématique de la prétendue faiblesse de la démocratie politique et justifie le coup d'État, soit la problématique de la persuasion, de la capacité à convaincre et à séduire les masses, voire à les tromper de la part des politiques et rejoint d'une certaine façon la deuxième acception du terme.

Le deuxième sens, d'usage plus récent, se réfère en effet à la capacité à gouverner non plus du point de vue du pouvoir de la force et/ou de la persuasion, mais quant au savoir gouverner et au vouloir gouverner. Bartoli (1999)11 définit la gouvernabilité dans ce même sens, c'est-à-dire comme la capacité d'un Etat à maîtriser la gestion des politiques nationales et internationales dans un souci de cohésion sociale et d'intérêt général. Cette définition fait glisser l'idée de gouvernabilité vers celui de gouvernance : savoir-faire et faire savoir afin, à la fois de mettre en oeuvre les bonnes politiques, et de les faire accepter par la population. De là, on passe aisément du concept de gouvernabilité à celui de [bonne] gouvernance.

L'utilisation d'une pluralité de discipline du concept de la gouvernance ainsi que sa présentation dans « toutes les sauces », pour reprendre l'expression de Isabelle Lacroix et Pier-Olivier St Arnaud, fait d'elle un concept multiforme (D. Brunelle, 2010) et toute tentative de définition présente un défi certain. D'ailleurs c'est une question à laquelle se sont intéressés les chercheurs de différents domaines allant des sciences sociales aux sciences politiques en passant par les législateurs et les institutions internationales comme la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International (D. Bakkour, 2013).

La Banque mondiale offre une définition large de ce concept : « Nous définissons la gouvernance comme étant l'ensemble des traditions et institutions par lesquelles le pouvoir s'exerce dans un pays avec pour objectif le bien de tous12 ». Pour la Commission Européenne, la « La notion de "gouvernance" désigne les règles, les processus et les comportements qui

11 Cité par A. Beaulière, B. Paul, S. Ouedraogo, L'inefficacité de l'Aide Publique au Développement à Haïti de 1980 à 2010 : une analyse en termes de gouvernabilité, p10.

12 Banque Mondiale. « La gouvernance collaborative », Site de la Banque mondiale, [En ligne], http://www.worldbank.org/wbi/governance/fra/about-f.html#approach (Page consultée le 22 juillet 2014) 12 Par Isabelle Lacroix et Pier-Olivier St-Arnaud, « La gouvernance : tenter une définition », Cahiers de recherche en politique appliquée, Vol. IV, Numéro 3, Automne 2012, Université de Sherbrooke.

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influent sur l'exercice des pouvoirs, particulièrement du point de vue de l'ouverture, de la participation, de la responsabilité, de l'efficacité et de la cohérence.

Pour plusieurs organisations telles que l'Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE), s'ajoute la notion de « bonne gouvernance » qui renvoie plutôt à une prescription normative. Les organisations internationales utilisent celle-ci pour adopter des mesures d'intervention et de financement auprès des pays en développement se conformant aux critères s'y référant12. La « bonne gouvernance » inclut souvent les critères suivants : présence d'un État de droit, absence de corruption, équité, responsabilité, imputabilité, efficacité, transparence, participation. L'introduction de la gouvernance démocratique dans l'agenda des bailleurs de fonds bilatéraux n'est pas fortuite. Elle est étroitement liée aux phénomènes politiques qui marquent le début de la décennie 1990.

La bonne gouvernance nous enseigne de mettre en oeuvre un processus de décision collectif qui n'implique pas une situation d'autorité de la part d'un des acteurs. Les mécanismes de gouvernance reviennent, de fait, à prescrire la formalisation des institutions et à leur application universelle. Elle n'est pas une fin en soi, mais plutôt une approche déontologique, voire un ensemble de pratiques qui permettent à une organisation d'atteindre ses objectifs dans un contexte de risque grandissant (D. Bakkour, 2013, p.36).

Et pour accomplir son objectif ou sa vocation théorique, la gouvernance nécessite comme instrument des institutions fortes, une administration capable de répondre aux exigences sociales. Le caractère institutionnel de la gouvernance induit un ensemble de paramètres selon lesquels on évalue la gouvernance d'un pays. Ces paramètres sont issus de la synthèse des notions de participation, de gouvernance démocratique et enfin, d'efficacité économique et institutionnelle, la `bonne' gouvernance s'impose comme un nouveau modèle et prend, de ce fait, un sens particulier en économie du développement. Pour Bakkour (2013) les traits d'une bonne gouvernance se présentent dans l'existence d'un Etat de droit, la démocratie, l'exigence de la transparence ou la lutte contre la corruption qui occupe une place importante, la responsabilité des acteurs privés publics ainsi que la gestion participative ou la décentralisation.

Précisent-ils dans cette perspective, Landell-Mills et Serageldin dès 199113 « Il est important de noter que la gouvernance consiste en deux dimensions distinctes mais finalement étroitement

13 Landell-Mills, P. Serageldin, I. 1992. « Governance and the External Factor. », Proceedings of the World Bank Annual Conférence on Development Economics 1991, Washington D.C., Banque mondiale, pp 303320 in POUILLAUDE, Agnès La `bonne' gouvernance, dernier né des modèles de développement. Aperçu de la Mauritanie, Centre d'économie du développement Université Montesquieu-Bordeaux IV - France.

14 Economiste américain, Buchanan a reçu le prix Nobel d'économie en 1986 pour sa contribution majeure dans l'élaboration de la théorie des choix publics.

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liées : l'une est politique (et a trait à l'engagement dans la bonne gouvernance), et l'autre est technique -- et a trait aux problèmes d'efficience et de management public. Sans l'engagement politique peu de choses peuvent être réalisées, même avec une administration publique efficace. Et sans une administration publique efficace, aucun gouvernement ne peut être effectif, si bienveillant qu'il soit ».

1.1.2.- L'école de Virginie et la théorie des choix publics

La théorie des choix publics constitue présentement un des meilleurs traités mettant en relation directe la science économique et la science politique. C'est vers la deuxième moitié du 20e siècle que les professeurs Buchanan14 et Tullock, observant la défaillance de l'Etat dans certaines parties du globe, ont commencé leurs travaux à l'Université de Virginie, d'où le nom d'Ecole de Virginie donné également à l'école des choix publics ou `Public Choice'. Leur ouvrage fondateur, Le Calcul du Consentement publié en 1962, marque la naissance véritable de cette école qui applique les outils de l'analyse économique aux phénomènes politiques, ce qui constitue une véritable révolution conceptuelle dans la vision de l'Etat.

Si les économistes du bien-être comme Pigou au début du 20e siècle qui posent les premières bases à l'économie publique voient l'Etat comme un despote bienveillant ; en opposition avec l'école du bien-être, les économistes du Public Choice soutiennent que l'Etat n'est pas un despote bienveillant, les dirigeants politiques agissent non pas en fonction d'un quelconque « intérêt général », notion floue et indéfinissable, mais de ses intérêts particuliers, légitimes ou non (Joël Hermet, 2011). Ces économistes montrent que, comme dans leur vie courante les individus poursuivent leur intérêt personnel et réagissent en fonction des contraintes qui pèsent sur eux, il en est de même pour les Hommes d'Etat (Dennis C. Mueller et al., 2003)

Gordon Tullock a ainsi défini le Public Choice en 1976 par son objectif : « c'est de comprendre comment fonctionnent les processus de décision qui gouvernent la production et l'allocation de biens publics (au sens de tout ce qui est produit par l'Etat et les Administrations) : défense, justice, solidarité, redistribution, réglementation..., en tenant compte des motivations et des intérêts particuliers des différents acteurs (citoyens, fonctionnaires, représentants politiques, hommes de gouvernement), de leurs systèmes de contrainte, de sanction ou de récompense qui

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influencent leur action individuelle et de voir comment leurs actions influent sur le « bien-être » de la société15. »

Le coeur de l'explication de la théorie des choix publics est non seulement de savoir si l'homo politicus est un homo oeconomicus, mais de préciser les conséquences des stratégies de négociation politique qui conduisent aux décisions publiques. D'ailleurs l'économie des choix publics répond clairement [...] à cette question, et argue que l'homme politique (l'homo politicus) et l'homme économique (l'homo oeconomicus) sont une seule et même personne, et ce, indépendamment des hypothèses explicatives proposées. Il n'y a pas deux types d'humains : des humains qui agiraient dans la sphère politique ou publique et des humains qui agiraient sur les marchés16.

Anthony Downs17 a montré que l'homme politique est un individu rationnel, ni plus ni moins altruiste que ses concitoyens. Il agit pour obtenir les revenus, le prestige et le pouvoir qui accompagnent les fonctions électives ; c'est un entrepreneur qui cherche à maximiser le nombre de ses électeurs en adaptant l'offre de biens publics à la demande des citoyens. A la différence d'un entrepreneur qui travaille dans un marché (offre et demande de biens ou services), l'homme politique travaille dans un marché électoral. Le Public Choice fournit sa propre réponse concernant la croissance de l'Etat (l'explication par les crises, les guerres, ou l'urbanisation est superficielle) : la logique du système électoral aboutit à la croissance de l'Etat au bénéfice d'une catégorie privilégiée de citoyens, la bureaucratie. Une telle mise à nu du paysage de l'institution ou le système politique nous permet parfaitement de conclure à la manière de Buchanan (1975, cité par J. Hermet, 2011) : « Le défi de notre époque n'est pas économique mais d'ordre institutionnel et politique ».

1.1.3.- La théorie de la dépendance et les apports de la CEPAL

La littérature dépendantise a reçu la contribution de pas mal d'auteurs (S. Amin, G. Franck, P. Jallée, E. Falleto, Cardoso, R. Prebisch, ...) issus de divers horizons spatiaux mais au statut d'origine des PED. Contextuellement, cette théorie de la dépendance apparait à une époque en plein débat d'économie du développement où la théorie du décollage de Rostow a nourri pas mal d'espoirs et d'illusions (S. Tremblay, 1999). En fait, cette théorie est née d'une part d'une réponse à d'autres théories du développement mettant emphase la responsabilité des nations

15 Joël Hermet, l'Ecole du Public Choice, Octobre 201, p2.

16 Dennis C. Mueller (dir.), Choix Publics, Edition de Boeck, Belgique, 2003, p8.

17 Considéré comme étant le fondateur de la théorie des choix publics.

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vers la course pour le développement et d'autre part d'une analyse historique de l'économie de l'Amérique Latine et d'autres économies en développement.

Dénommée aussi théorie du centre et de la périphérie, la théorie de la dépendance mis en lumière les phénomènes d'accumulation des pays développés aux dépens des pays en développement. Pour expliquer le cycle de la dépendance économique des pays en voie de développement par rapport aux pays dits développés, les dépendantises ont proposé les concepts d'échange inégal et de la division internationale (S. Tremblay, 1999).

Plusieurs courants sont donc présents dans l'apport à la théorie du développement. Généralement, on a un modèle dépendantise modéré avec la CEPAL qui visait comme objectif des réformes structurelles, ensuite on a une vision radicale de la théorie de la dépendance avec surtout Cardoso, Faletto et G. Franck qui pense que la «dépendance» ne peut être surmontée dans le cadre du capitalisme ; la lutte contre la dépendance ne peut donc être dissociée de la lutte pour le socialisme18. Malgré la floraison d'approches très diversifiées, on peut cependant considérer qu'il existe un noyau commun que l'on pourrait résumer par cette définition de la dépendance, due à Dos Santos : « Par dépendance nous entendons une situation dans laquelle l'économie de certains pays est conditionnée par le développement et l'expansion d'une autre économie à laquelle elle est subordonnée. La relation d'interdépendance entre deux économies ou plus, entre celles-ci et le commerce mondial, prend la forme de la dépendance quand certains pays (les pays dominants) connaissent l'expansion et l'auto-suffisance, tandis que d'autres (les pays dépendants) ne peuvent espérer y parvenir que comme sous-produit de cette expansion (...) Nous voyons que les relations mises en place par ce marché mondial sont inégales et combinées19 »

L'inégale répartition de la richesse, qui engendre aussi l'inégalité dans le développement, maintient les pays en développement dans la dépendance aux pays développés. Pour Rollinat, c'est un processus qui engendre mécaniquement la dépendance vis-à-vis de l'extérieur. Ainsi, le développement devient une question centrale des pays du centre, qui eux-seuls peut combattre le sous-développement dans le monde par tous les moyens possibles, y compris l'allocation [périodique] de l'Aide publique au développement. Or, des études historiques très riches sont alors proposées sur la genèse de ce sous-développement pour montrer comment la

18 Robert Rollinat, «Analyses du Développement et Théories de la Dépendance en Amérique Latine. L'actualité d'un débat», Cadernos PROLAM/USP (ano 4 - vol. 1 - 2005), p. 97-118

19 « The structure of dependence », American Economic Review, USA, mai 1970, reprend par Michel Husson, « Impérialisme : une brève histoire des théories », slnd p3.

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pénétration capitaliste a détruit les structures sociales préexistantes et imprimé une forme de développement désarticulé, tronqué, complètement déterminé par les besoins des pays du centre (voir Michel Husson, « Impérialisme : une brève histoire des théories », p6).

L'utilisation de cette triangulation pour analyser les effets de l'APD sur la situation socioéconomique et politique en Haïti et sur la situation d'efficacité et d'efficience de son administration publique au cours de la période allant de 2000 à 2011 ne présente pas un cadre d'analyse indéfectible. Ces théories auxquelles nous nous recourrons présente dans une certaine mesure des lacunes, qui induisent critiques à leur endroit. D'abord la théorie de la dépendance a fait l'objet de plusieurs critiques, notamment parce qu'elle ne remettait pas fondamentalement en cause l'économisme du système capitaliste20 fondé sur la croissance ininterrompue de l'économie. De plus, le concept de dépendance d'une société par rapport à une autre est de plus en plus difficile à prouver, dans une économie mondiale comme celle qui s'est développée à l'échelle planétaire, où l'ensemble des sociétés sont dépendantes sinon l'une de l'autre, à tout le moins du système global des échanges.

1.2.- CADRE CONCEPTUEL

Les concepts manipulés au cours de cette recherche et qui constituent la toile de fond dans notre tentative d'explication des conséquences de l'APD sur le développement socioéconomique et politique ainsi que l'administration publique haïtienne sont ceux d'Aide au développement, de coopération internationale, de cadre institutionnel et de situation socioéconomique et politique en Haïti. Nous voulons établir la relation existant d'une part entre les APD et le développement socioéconomique d'Haïti, tout en tenant compte de la bonne gouvernance. Pour établir une telle relation, il est évident que l'utilisation des concepts nous rend l'accès difficile. Dans une telle situation, au lieu d'avoir des concepts, nous avons des variables. Ce, pour permettre l'efficace manipulation, sortir du stade abstrait (concept) au stade concret. L'Aide Publique au développement devient alors une variable indépendante, le développement socioéconomique et politique d'Haïti comme variable indépendante, et comme variable intermédiaire, nous avons la bonne gouvernance qui peut-être mieux s'expliquer dans cette recherche dans ce qu'on

20 Toutes les actions du système capitalisme, qu'elles soient politiques ou sociales sont orientées vers la sphère économique. Or, le capitalisme recherche en tout temps la croissance économique, ce qui signifie que la dépendance économique des pays de la périphérie, aussi de nature politique que sociale, mais avant tout doit-être expliquée par la recherche de la maximisation de profit pour favoriser une croissance économique continue.

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appelle « cadre institutionnel ». La place qu'elles (variables) occupent nous contraint de les éclaircir à la lumière théories utilisées.

Aide publique au le développement :

Au sens large, l'« aide » représente le transfert de ressources des pays donateurs vers les pays en développement à des conditions préférentielles afin de promouvoir leur développement économique et social (Riddell, 2007 cité par Glennie & Allonso, 2016). Cependant, dans de nombreux domaines, le terme est depuis longtemps interchangeable avec les ressources publiques mobilisées par les membres du Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE, à savoir l'APD. Dans tous les cas, il est certain que l'aide est une notion bien plus étroite que celle de la coopération pour le développement, autrement dit, elle ne peut être comprise qu'étant un paramètre de la coopération internationale. De manière générale, l'aide publique au développement (APD) est un transfert de ressources de pays industrialisés vers des pays pauvres dans un but de développement (V. Grivel, 2008).

Coopération internationale :

Pour José Antonio Alonso et Jonathan Glennie (2016) c'est l'activité qui vise explicitement à soutenir les priorités de développement nationales ou internationales. Sans but lucratif, elle applique une discrimination positive en faveur des pays en développement et est basée sur des relations de coopération ciblant l'amélioration de l'appropriation par les pays en développement. L'objectif de toute coopération internationale est donc de participer à l'instauration de meilleure condition de vie.

Cadre institutionnel :

Par cadre institutionnel, nous entendons l'ensemble des institutions qui dirigent l'Etat, les Collectivités territoriales et les citoyens. Il représente l'environnement mis en place par les institutions dans lequel évoluent acteurs de décisions publics comme privés. « Comme son nom l'indique, le cadre institutionnel est constitué par des institutions comme par exemple l'Etat, les Banques Centrales, les administrations, les collectivités, etc. » Dans le cadre de notre travail, nous abordons le concept « cadre institutionnel » dans un angle public. Il signifie donc l'ensemble des institutions de l'Etat (classiquement les institutions qui composent les trois

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pouvoir décisionnel) chargés de fournir des services publics, la sécurité, la santé, garantir la souveraineté du pays. Bref, tout services à caractère régalien.

Situation socioéconomique et politique en Haïti :

Pour reprendre l'idée de Decastro21, la situation socio économie et politique peut être expliquée en mettant en relation les variables socioéconomiques d'une part comme le logement, la santé, l'éducation, l'emploi, bref l'IDH ainsi que le PIB et le PNB dans un expression macro et d'autres part les variables expliquant la situation politique comme les crises, les élections et les décisions des dirigeants à l'égard des dirigés.

Faiblesse de l'administration publique :

La faiblesse institutionnelle est l'incapacité pour une institution à répondre à une mission pourquoi elle a été créée. La faiblesse de l'administration haïtienne signifie donc l'incapacité de celle-ci à diriger et exercer son autorité, c'est donc l'incapacité tout court de l'Etat.

Développement :

Mot polysémique, qui évoque tant de discussions tant à la fois théoriques qu'idéologiques, le développement est une notion centrale dans l'organisation des sociétés occidentales (Tremblay, 1999). Telle que la propose la conception occidentale, le développement est un idéal à atteindre, une recette à appliquer. Les théories du développement, poursuit S. Tremblay, s'appuient sur des principes que nous permet d'analyser le développement sous un angle économique. Ainsi, les termes de circulation d'échange, de production, d'emploi généralisé, de la division du travail sont très présents. A cela s'ajoute aussi l'idée de changement, de progrès et l'innovation qui s'inscrivent dans un processus ininterrompu de croissance et qui en sont les moteurs.

1.3.- MÉTHODOLOGIE

La méthodologie peut se définir comme étant l'étude du bon usage des méthodes et techniques (O. Aktouf, 1987). C'est aussi les manières, les procédés afin d'aboutir au résultat. Dans le cadre de ce travail, nous prioriserons hypothético-déductif de Leibniz qui consiste à partir d'une (ou plusieurs) hypothèses, on applique un raisonnement déductif, c'est-à-dire des dispositions générales, connues d'avance, à une situation particulière traitée. Etant dit, nous partons de

21 DECASTRO, Marc Aurel Evrard, La situation socio-économique au regard des politiques de développement conçues dans le cadre de la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement en Haïti de 2000-2009, Mémoire de fin d'études, INAGHEI, Université d'Etat d'Haïti, 2009, 135p.

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l'hypothèse que l'aide au développement doit renforcer le cadre institutionnel en Haïti afin de favoriser le développement ou que le cadre institutionnel en place doit être fort afin d'assurer une bonne gestion de l'APD en vue de faciliter le développement socioéconomique et politique en Haïti.

Nous utilisons des données tant quantitatives que qualitatives pour aboutir d'où se situe le vrai problème de gouvernance d'Etat en Haïti ainsi que sa situation de sous-développement. Comme outils que nous avons utilisé afin de vérifier nos hypothèses de recherche, nous nous recourrons d'abord à l'observation et ensuite à la documentation afin de procéder à l'analyse des données.

1.3.1.- L'observation directe

La situation socioéconomique et politique d'Haïti ainsi que sa faiblesse institutionnelle n'a pas besoin de grandes études pour comprendre que les choses ne vont pas bien. Toutefois, puisqu'il est ici question de science, il faut d'abord qu'on accorde priorité à l'objectivité. Ainsi, les données les plus populaires sur l'emploi, l'accès à l'éducation, et une petite observation même à travers les rues peut nous montrer que la situation socioéconomique est faible y compris des crises politiques intenses dans la période de 2000 allant à 2011.

1.3.2.- Recherche documentaire

Dans le cadre de ce travail, en vue de nous doter des informations fiables et pertinentes, nous aurons à consulter les données provenant de l'IHSI, des rapports sur situation sanitaire d'EMMUS, des revues spécialisées traitant la question de l'aide publique au développement, les données du Ministère de la Planification et de la Coopération Externe, des données Provenant des institutions de coopération internationale comme l'ACDI, l'UE, l'OCDE ou l'USAID. On n'aura pas négligé les rapports produits par la BRH et du MEF. Données quantifiées ou qualifiées seront utiles dans cette perspective.

1.3.3.- Méthode historico - comparative

L'initiateur de la méthode comparative est sans nul doute Emile DURKHEIM. Pour lui « Nous n'avons qu'un moyen pour démontrer qu'un phénomène est cause d'un autre, c'est comparer les cas où ils sont simultanément présents ou absents et de chercher si les variations qu'ils présentent dans les différentes combinaisons témoignent que l'un dépend de l'autre. » (DURKHEIM ,2002 : 75) Jointe à la méthode historique elle nous a permis d'appréhender les réalités en faisant une comparaison des faits historiques. C'est pourquoi afin de mieux comprendre la situation du sous-développement d'Haïti et l'utilisation des fonds de l'APD pour

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le développement socioéconomique et politique, nous avons pris quelques cas d'étude tout en retraçant l'histoire du sous-développement et du cadre institutionnel haïtien.

1.4.- LES LIMITES DU TRAVAIL

Réaliser ce travail de recherche n'a pas été une entreprise facile. Nous avons trouvé des obstacles tant sociaux que méthodologiques.

1.4.1.- Obstacles /Difficultés rencontrées

Le dénominateur commun d'obstacles que rencontre tout chercheur et étudiant haïtien est l'inaccessibilité ou l'accès difficile aux informations. L'inaccessibilité ou l'accès difficile aux données, aux documents de référence pouvant enrichir le travail nous a été un défi. Les nuits blanches, la faiblesse physique sont tous des découragements qui nous ont arrivé, espérant nous faillir à notre objectif. Pourtant, l'importance que nous avons donnée à notre recherche n'a pour conséquence que nous motiver davantage.

1.4.2.- Limite spatiale

Travailler avec des données agrégées dans cette étude ne fait que nous donner une vue d'ensemble sur la situation, mais ne nous facilite pas de la comprendre aisément et de mettre en évidence la situation dans un point donné, c'est-à-dire d'orienter spécifiquement notre recherche. Mais ceci est expliqué en raison de la non disponibilité des données spécifiques.

1.4.3.- Limite temporelle

Prendre en considérations la période de 2000 à 2011 nous présente méthodologiquement une certaine lacune vue qu'il est difficile d'avoir avec exactitude tous les paramètres pris en compte dans le cadre de cette étude. Le temps a évolué ; plus de six d'intervalle peut vouloir expliquer quelque chose que nous ignorons dans le cadre de cette recherche.

Il a été l'objet dans ce chapitre de préciser et d'expliquer sommairement notre cadre d'analyse c'est-à-dire notre cadre théorique, conceptuel et méthodologue afin de mener à bien notre travail de recherche ; ainsi achevé, nous allons passer maintenant au chapitre deux.

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CHAPITRE II

CADRE INSTITUTIONNEL, GESTION DE L'APD ET DEVELOPPEMENT
SOCIOECONOMIQUE ET POLITIQUE : CONSIDERATIONS GENERALES

Le développement est, croit-on à l'unanimité, un enfant de l'après-guerre de 1945. L'idée de contribution entre Etats est née aux Etats-Unis, suite au discours du Président Truman, accent mis spécifiquement sur le « Point IV » de son discours. Prônée dans un contexte purement politique, l'aide est d'abord une question socioéconomique. Et ce n'est que vers les années 1960 que l'aide au développement va devenir effectivement une question d'intérêt général pour les tenants du bloc occidental. Dans cette perspective, ce chapitre se donne pour objectif de faire ressortir la corrélation existante entre la situation de précarité socioéconomique et politique des pays en développement et la double gestion d'une part de la coopération internationale et d'autre les administrations publiques nationales se font de l'aide. Pour finir, on étudiera le cas du Mali et du Rwanda.

2.1.- La question du développement

2.1.1.- Du développement à l'assistance moderne

En janvier 1949, le président américain Harry Truman, dans son discours tenu à Harvard, projette de lancer un nouveau programme qui soit audacieux et qui mette les avantages de notre avancée scientifique et de notre progrès industriel au service de l'amélioration et de la croissance des régions sous-développées22 ». Ce discours constitue en effet un éveil à la conscience sur l'état des sociétés où les conditions de vie de la population est très fragile ; cette question de développement devient alors le plus important problème de notre temps. Dans les pays du sud, avant 1960, les réseaux de mission catholique et protestant constituaient la structure la plus organisée de réception de l'aide extérieure, sur le plan alimentaire et humanitaire (Centre Tricontinental, 1998). Ce qui constituait effectivement qu'au début, ce sont les groupe chrétiens qui étaient privilégiés ; par exemple « une partie de la population allemande éprouvait des sentiments de remords vis-à-vis des événements passés et cela joua dans la mise en oeuvre, par les Églises de ce pays, d'organismes d'aide aux pays sous-développés, d'ailleurs rapidement complétés par des fonds d'État.23 » Jusqu'à la décolonisation de l'Afrique et la montée galopante de guerre froide, l'aide au développement était principalement une question

22 Tremblay, Suzanne, Du concept développement à l'après- développement, 1999, p8.

23 Centre Tricontinental, Les ONG : instruments du néo-libéralisme ou alternatives populaires ? 1998, p10.

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d'aide humanitaire et donc une mission sociale des religieux, principalement des chrétiens.

Ainsi et par la suite nait une pléiade d'institutions non gouvernementale, les ONG, au service du développement dans les pays du sud.

2.1.2- Le tiers-monde et ses caractéristiques

L'économie va s'intéresser autour de la question du développement du reste de la planète suite à la vulgarisation de l'expression tiers-monde, pour caractériser les pays qui ne s'alignaient sur aucun des 2 blocs (capitaliste et communiste), disons pour qualifier les pays considérés sous-développés (Marc-Aurel. E. D, 2016). A ce propos, Iulia Nechifor (sd) a écrit :

« L'expression «tiers monde» qui apparaît en France à l'époque de la conférence de Bandoeng (1955), sous la plume de G. Balandier et A. Sauvy, désignant les trois quarts de l'humanité qui se trouvaient étrangers au monde occidental du développement, illustrait l'idée que le théâtre international ne se réduisait plus aux «super-grands», et qu'il faudrait prendre en compte désormais la masse énorme des colonisés, jusque-là simples figurants sur la scène internationale. De ce point de vue, l'expression «tiers monde« préfigure celle de «Sud» et renvoie à d'autres clivages que celui, horizontal, entre l'Est et l'ouest24. »

Dans cette même optique, Sauveur Pierre-Etienne, dans Haïti : l'invasion des ONG (1997 :30), a écrit :

« Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, avec la division de la planète en deux blocs, le concept «Tiers monde» convenait parfaitement pour désigner les pays sous-développés. II fut utilisé pour la première fois par le démographe français Alfred Sauvy, dans un article publié dans le N°118 du journal L'Observateur, en France, le 14 aout 1952, et qui s'intitulait « Tiers monde, une planète ». Ce concept désignait donc l'époque le troisième groupe de nations qui n'appartenaient ni au monde riche occidental, ni au monde socialiste. Et Sauvy écrivait en effet dans cet article : « Nous parlons volontiers des deux mondes en présence de leur guerre possible, de leur coexistence, etc., oubliant trop souvent qu'il en existe un troisième, le plus important et, en somme, le premier dans la chronologie. C'est l'ensemble de ceux que l'on appelle, en style Nations Unies, les pays sous-développés f...] Ce Tiers monde ignoré, exploité, méprisé comme le Tiers-Etat, veut, lui aussi, être quelque chose. »

Ce tournant théorique marque le début des réflexions et attentions portées sur le tiers-monde, sur les pays les plus pauvres de la planète. Nombre de théories se sont alors adonnées à l'analyse

24 Iulia Nechifor, Culture, développement économique et tiers monde, p.47.

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et a l'explication du phénomène sous-développement, citons entre autres : la théorie des climats qui, selon elle, postule l'absence de climats stimulants, particulièrement de l'hiver, serait à l'origine du sous-développement, en constatant que la majorité des pays développés se trouve dans des climats tempérés ; la théorie des races postulant que le sous-développement est congénital et donc monopole de la race blanche ; la théorie de la causalité circulaire avec l'économiste suédois Myrdal qui pense que le sous-développement est un cercle vicieux par le fait que les gens n'ont pas un revenu leur permettant d'épargner et d'investir ; la théorie démographique avec les malthusiens et les néo-malthusiens qui sous-tendent que la démographie est la cause fondamentale du sous-développement ; la théorie des systèmes des valeurs qui fondent leur thèse sur l'irrationalité économique des pays pauvres en se livrant à des biens luxueux importes au lieu d'investir dans les activités productives ; la théorie de la croissance linéaire de Rostow postulant que le développement es un processus stratifiés que chaque pays, pour se développer doit suivre, et la théorie de la dépendance qui argumente que le sous-développement est la résultante de l'accumulation de richesse des pays riches au détriment des pays pauvres depuis l'époque coloniale,...

Ainsi, différents auteurs issus de discipline assez divers consacrent leurs réflexions sur le sujet développement/sous-développement. Une multitude des définitions est alors évident d'être apparues. Pour l'économiste et sociologue haïtien Gerard Pierre Charles « le sous-développement est un concept qui se refaire à la condition structurelle ainsi qu'aux caractéristiques de la production, de la distribution, de l'échange et de la consommation de centaines sociétés... Le sous-développement est un produit de la dépendance, et est accompagné de grandes déformations sociales ainsi que de déséquilibres typiques (ville I campagne, modernité I archaïsme)25. »

Si la définition du concept sous-développement est fortement variée entre théories et auteurs, il existe cependant en ensemble d'indicateurs qui soient communs à toutes et tous :

- 1° insuffisances alimentaires

- 2° grave déficience des populations, forte proportion d'analphabètes, maladies des

masses, forte mortalité infantile ;

- 3° ressources négligées ou gaspillées ;

- 4° forte proportion d'agriculteurs à basse productivité ;

- 5° faible proportion de citadins, faiblesse des -classes moyennes » ;

- 6° industrialisation restreinte et incomplète ;

- 7° hypertrophie et parasitisme du secteur tertiaire ;

25 Cité par Sauveur Pierre, Etienne, Haïti : l'invasion des ONG, p.30.

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- 8° faiblesse du produit national par habitant ;

- 9° ampleur du chômage et du sous-emploi, travail des enfants ;

- 10° situation de subordination économique ;

- 11° très violentes inégalités sociales

- 12° dislocation des structures économiques et sociales ;

- 13° ampleur de la croissance démographique ;

- 14° prise de conscience et situation en pleine évolution

Ces quatorze caractères fondamentaux du sous-développement qu'a élaborés Yves Lacoste ont certes quelques variations relatives dans le temps puisque l'ouvrage de référence Géographie du sous-développement est datée de 1965. Toutefois, l'ensemble constitue des caractéristiques intrinsèques au phénomène du sous-développement, qui est pour toutes les théories tentant de l'expliquer, un problème, un labyrinthe, qui attend nécessairement un développement.

2.2.- Coopération internationale et APD

2.2.1.- Origine de la coopération internationale

Etablir la genèse de la coopération internationale est un projet fort ambitieux, et nous n'avons pas cette prétention dans le cadre de cette recherche. Nous voulons simplement présenter la coopération internationale dans son profil historique simple. Nous pouvons remonter à plusieurs penseurs tant européens qu'américains pour parler de l'origine de la coopération internationale. L'Abbé du Saint-Pierre, avec son Projet de paix perpétuelle en Europe, serait considéré comme le précurseur.

Vraisemblablement, dans son sens moderne, la coopération internationale s'est débutée au lendemain de la création de la SDN, suite au traité de Versailles, en 191926. Elle prend tout son élan de manière significative après la seconde guerre mondiale, lors de la création de l'ONU, en 1945. Concrètement, la coopération internationale s'est apparue d'une part dans le cadre du plan Marshall de reconstruction de l'Europe et d'autre part dans des plans d'assistance mutuelle des pays socialistes de l'Europe de l'Est dans le cadre de solidarité des Etats Prolétaires.

2.2.2- L'aide publique au développement à partir de 1960

C'est en 1969 que le terme d'aide publique au développement a été défini officiellement par le Comité d'aide au développement (CAD). De manière générale, l'aide publique au développement (APD) est un transfert de ressources de pays industrialisés vers des pays

26 PAPE ENGAMBA, Martin, Action de la coopération internationale en faveur des états d'Afrique, des caraïbes et du Pacifique : Cas de la République du Congo, mémoire de Licence en droit international public et relation internationales, Université de Kinshasa, 2008.

Dans ce contexte, afin de rémunérer ces importantes liquidités, elles les placent aux pays du Sud a des intérêts très faibles, voire négatifs en terme réel (Dette du Tiers Monde, 2001).

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pauvres dans un but de développement. Plus concrètement, il s'agit d'une notion statistique précise créée dans le but de mesurer le coût supporté par les donateurs et non les ressources réellement transférées vers les pays en développement (Valérie Grivel, 2008). Pour N. F. Olga (2009 :8), l'aide publique développement représente un engagement des pays du Nord à contribuer au développement économique des pays du Sud. Pour Mahamane (2010), le concept aide au développement désigne un système international de transferts de ressources publiques qui met en contact des pays « donateurs » et des pays « bénéficiaires ». En ce sens, l'aide au développement est constituée par l'aide publique au développement (APD) et de l'aide privée. Certains voit l'aide comme un devoir et même une question de moralité (Jérémie COHEN-SETTON et al., 2006). L'aide publique au développement est, pour V. Grivel, l'instrument privilégié des pays du Nord pour atteindre les objectifs fixés en matière de réduction de la pauvreté. Si les pays du Sud ne sortaient pas de la guerre, ils sortaient néanmoins de plusieurs siècles de colonisation, particulièrement dans le cas de l'Afrique et de l'Asie. Continents pauvres, ils se hasardaient entre deux systèmes sociopolitiques : le système hérité de la colonie et le système traditionnel. De plus, le communisme, le maoïsme et la socialdémocratie étaient des solutions plausibles, voire désirables pour bâtir leurs nouvelles nations.

Dans cette perspective, le CAD, créé en 1961, se fait souvent l'écho de la vision de ses États membres du bloc occidental en matière de coopération au développement [..] Dans ce contexte, l'aide au développement, qu'elle soit dons, prêts, IDE ou autres des pays du Nord visait à assurer le démarrage des économies naissantes, la croissance économique grâce à l'effet de la percolation de la richesse et l'éventuelle insertion des pays du Sud dans le système de marché mondial.

2.2.3- La dette des pays du tiers-monde

Dans les années 1960 et surtout en 1970, la plupart des pays du Sud, les produits d'exportation (dont ils sont spécialisés) laissaient entrevoir des perspectives de forte croissance. Les emprunts sont facilités et à de faibles taux d'intérêt, à l'incitation de banques occidentales qui ne savaient plus que faire de leurs liquidités provenant des pays exportateurs du pétrole (les pétrodollars) et la masse de dollar accumulés dans les banques européennes (les eurodollars). La masse de fonds prêtables s'accroît à l'échelle mondiale, au même moment les opportunités de placement se réduisent du fait de la récession.

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L'hypothèse des banques du Nord était fondée sur l'accroissement de la production des emprunteurs pour être sûr du remboursement. Tel n'a pas été le cas puisque, primo les crédits obtenus n'ont guère été utilisés rationnellement. Au lieu de financer des investissements productifs, seuls susceptibles de renforcer la capacité exportatrice du débiteur et de générer les flux de devises nécessaires au remboursement de la dette, les gouvernements des pays endettés se sont lancés dans des programmes d'investissement à la rentabilité plus que douteuse et trop souvent inadaptés aux besoins locaux. De plus, certains dirigeants du Sud ont détourné à leur profit, bien souvent avec la complicité des créanciers, des sommes considérables si bien qu'aujourd'hui de nombreux pays doivent rembourser les dettes contractées par d'anciens dictateurs tandis que ceux-ci profitent en toute impunité de fortunes illégalement acquises. Segundo, les politiques anti-inflationnistes menées par les pays industrialisés au début des années 1980 se sont traduites par une poussée des taux d'intérêt [qui] est passé d'environ 11% début 1979 à près de 20% à la mi 1981, car le prix des matières premières, principale source de devises est conjuguée à une hausse vertigineuse, (Mahamane YAHAYA, 2010) ce qui très préjudiciable aux pays endettés. En effet, leur dette étant contractée presque exclusivement à taux variable, ces pays se sont vus étouffés par le fardeau que constituait désormais la charge de la dette. Le problème est que la moitié des 42 pays dits pauvres et très endettés dépensent plus pour rembourser leur dette que dans le domaine social. A cause du service de la dette, ces pays n'arrivent plus à investir dans des projets de développement visant à améliorer la qualité de vie de leur population (Grivel, 2008 :11).

Le Groupe Dette du Tiers-Monde, dans une approche explicative a la crise de la dette a écrit :

« Les prêts étaient libellés en dollars et indexés en fonction du marché des taux d'intérêt américains et de celui de la City (Londres). Par voie de conséquence, ces taux d'intérêt explosent (exemple : l'Amérique Latine : le taux d'intérêt réel passe de -3,4% dans les années 70-80 à +27% en 1982). La situation s'aggrave en outre du fait de la baisse des revenus d'exportations des pays du Tiers Monde : l'offre accrue des produits exportés par ces pays dans un contexte d'essoufflement du rythme de croissance des pays industrialisés, fait chuter leur prix sur le marché international, d'où une baisse des revenus en devises permettant de rembourser les dettes. »

Il revient au Mexique de lancer le coup d'envoi de cet essoufflement de crise d'endettement en août 1982 lorsqu'il suspendait le paiement des intérêts qu'il devait au titre du service de sa dette.

C'est ainsi que durant la décennie 1980, face au cycle infernal de l'endettement, les prêteurs internationaux perdent brusquement confiance et refusent désormais d'alimenter le flux de capitaux vers les pays endettés (Sylvie BÉLANGER, 1992). Si cette situation a des retombées plutôt négatives sur l'économie mondiale en général et en aval, caractérisée par une baisse des

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matières premières, et les structures économiques locales en amont, pour se remédier à la situation, il s'est évolué comme solution venant des institutions financières internationales un nouveau paradigme dans le dialogue Nord-Sud : l'ajustement structurel (Sylvie BÉLANGER, 1992).

2.2.4.- Le Programme d'ajustement structurel

S'inquiétant des risques de faillite des banques privées engagées dans le Sud, le FMI et la BM interviennent en 1982 pour que le Nord soit bien remboursé. On n'annule ni ne réduit les créances : le FMI accorde de nouveaux prêts pour permettre aux pays du Sud de rembourser leurs dettes mais en imposant, en contrepartie, des conditions socio-économiques strictes : ces prêts sont limités, les dettes sont rééchelonnées dans le temps, mais les états doivent adopter des "Plans d'Ajustement Structurel", les PAS (Dette du Tiers Monde, février 2001). Les définir avec exhaustivité représente une tâche ardue pour nombre d'auteurs, étant donné l'ampleur du terme. On admet une définition que conventionnelle, outre que celle que fournissent les acteurs. A ce sujet, Belanger (1992) a écrit :

« La Banque Mondiale donne une définition élargie et, jusqu'à un certain point, plus "élastique", de l'ajustement, à savoir les politiques visant à apporter des changements dans les balances internes et externes, des changements dans la structure des incitateurs et des institutions, ou des changements dans les deux : il s'agit de stabilisation lorsque l'accent est mis sur les premiers, d'ajustement structurel lorsque l'accent est mis sur les seconds. Cette définition laisse entendre que les deux notions se côtoient même s'il est stipulé que le FMI appuie les programmes de stabilisation tandis que la Banque appuie l'ajustement structurel. D'ailleurs, les programmes d'ajustement structurel (PAS) comprennent effectivement deux facettes : une première, essentiellement macroéconomique, qui devrait avoir un impact rapide sur la balance des paiements dans le contexte des programmes de stabilisation du FMI ; la seconde, essentiellement microéconomique, vise à ajuster la structure à l'économie pour en accroître l'efficience. Les prêts à l'ajustement de la Banque réfèrent quant à eux aux prêts à l'ajustement structurel et aux prêts à l'ajustement sectoriel. »

Malgré cette initiative, il est toujours difficile pour les pays endettés de rembourser leur dette.

Une évaluation a été faite dans les pays subissant des programmes d'ajustement montre que le pourcentage d'une cohorte d'enfants admis à l'école qui terminent l'enseignement primaire a baissé, et cette baisse a été plus importante chez les filles que chez les garçons (UNESCO, 1995).

24

Les conséquences sociales sont bien plus qu'énormes. Et si on met de l'avant la croissance économique mise dans le cadre des PAS, elle n'a rien à voir avec le développement. [...] Les PAS ne tiennent pas compte des situations sociales et politiques spécifiques des pays ; ils proposent une croissance économique axée sur les importations, souvent au détriment des besoins internes du pays. En somme, les PAS ont au bout du compte des effets sociaux largement négatifs et accroissent la pauvreté. (S. Berlanger, 1992). Comme le fait remarquer le groupe Dette du Tiers Monde (2001), des souffrances ont été imposées aux personnes les plus vulnérables par les PAS : suppression des subventions gouvernementales à la consommation, coupes dans les budgets sociaux, détérioration des services publics, manque d'investissements, enrichissement des élites grâce aux privatisations, creusement des écarts entre les classes sociales, instabilité politique. Face à ces situations, il parait assez évident que le remboursement de la dette soit de plus en plus difficile.

2.2.5.- L'initiative des PPTE et les Programmes ajustement structurel renforcé

En vue d'être sûr du remboursement du montant alloué par l'accumulation des impayés, le FMI et la BM lancent, en septembre 1996, l'initiative PPTE (Pays Pauvres Très Endettés - Highly Indebted Poor Countries). A ces pays, on accorde des facilités de crédit baptisées "Facilités d'Ajustement Structurel Renforcé" (Prêts à 0,5% remboursables sur 10 ans) pour que la dette soit remboursée et soient accélérées les réformes prônées par le FMI. En septembre 1999 ces prêts ont été rebaptisés "Facilités de Croissance et de Réduction de la Pauvreté". Désormais, la réduction de la pauvreté devient avant tout une préoccupation centrale de l'aide publique au développement.

2.2.6.- Les Institutions financières internationales et Cadre de Lutte contre la Pauvreté

La dénomination change mais c'est toujours la même logique de productivité (produire plus, pour exporter plus, pour récolter plus de devises pour payer sa dette) qui est en réalité contre-productive. L'Afrique produit plus, accentue la surproduction, ce qui entraîne la chute des prix des produits exportés et donc la baisse des revenus pour payer sa dette. En 1999 ces plans ont été couplés à un Cadre Stratégique de Lutte Contre la Pauvreté (document devant être élaboré en concertation avec la société civile du pays concerné pour que les ressources libérées soient affectées à des dépenses sociales et de lutte contre la pauvreté). Concept louable pour répondre aux critiques selon lesquelles les décisions ne seraient pas prises de façon démocratique, mais qui peut, dans certains cas d'urgence (exemple au moment des inondations au Mozambique) être un obstacle supplémentaire à l'allègement.

25

Si les prêts d'ajustements structurels étaient accordés aux économies en développement pour remonter leur économie aux fins de remboursements de la dette aux pays du Nord, après la crise de l'endettement, ces bailleurs de fonds, multilatéraux ou bilatéraux, ont opté pour une nouvelle conditionnalité d'octroi de l'aide : la bonne gouvernance.

2.3.- Les nouvelles conditionnalités de l'APD

Depuis la crise de l'endettement en 1982, les bailleurs de fonds internationaux et les IFI perdent confiance dans les PED. Ainsi, l'octroi de l'APD est assujetti à des conditionnalités prédéterminées par les bailleurs de fonds depuis son institution (Mahamane, 2010). Dans l'octroi de l'APD plusieurs conditionnalités ont été imposées, les unes après les autres d'une période à une autre. Du Programme d'ajustement structurel (PAS), les différents « ajustements » que le « PAS » lui-même a fait l'objet : Facilité d'Ajustement Structurel (FAS), Facilité d'Ajustement Structurel Renforcé (FASR). Ensuite, la Stratégie de Réduction de la Pauvreté : Document de stratégie contre la Pauvreté (DSPR) et Cadre Stratégique de lutte contre la Pauvreté (CSLP), qui va de pair avec l'Initiative Pays Pauvres Très Endettés (PPTE) en rapport avec les OMD et la « sélectivité » de l'aide. Ainsi, l'aide ne fait pas toujours l'unanimité quant à son efficacité, surtout en ce qui concerne l'endettement insupportable qu'elle a généré. Dans une vision simpliste, l'aide ne peut être qu'utile pour des pays « insolvables27 ». Ces conditionnalités se sont imposées en vue s'assurer en vue du remboursement effectif de la dette. Le plus important de ces conditions imposées est sans doute la gouvernance, concept pluridimensionnel qui voit le jour dans le monde occidental et son application dans les années 1980 avec Margaret Thatcher. Il s'est imposé aux pays en développement dans un contexte de crise intense de la faiblesse des gouvernements face aux différentes tentatives développées et conçues par les IFI. C'est en réponse à cette crise et pour renforcer le gouvernement qu'a évolué les dogmes de la bonne gouvernance. Darine Bakkour (2013 :29) cite six indicateurs émis par la Banque Mondiale pour évaluer la [bonne] gouvernance qui sont cités ci-dessous intégralement :

27 YAHAYA, Mahamane, Impact de l'aide publique au développement sur les politiques publiques des pays de l'Afrique de l'Ouest : le cas du Niger et du Mali. Réflexion sur l'analyse des politiques des bailleurs de fonds dans les domaines de la santé et de l'éducation, These de Docotorat, France, 2010, p35.

26

L'expression et la responsabilisation

Cet indicateur inclut la liberté individuelle et la liberté de la presse. Il mesure la liberté des citoyens dans le choix de leur gouvernement, et la liberté d'exprimer et de se relier, ainsi que le degré de la transparence.

La stabilité politique et la violence

Cet indicateur mesure la possibilité d'un gouvernement d'être endommagé par la violence. Il embrasse des critères différents mis par la Banque mondiale telle que les protestations violentes, les conflits armes, les troubles sociaux, et les tensions internationales.

L'efficacité du gouvernement

Cette dimension englobe la qualité des processus d'élaboration des politiques et de leur application. Aussi elle évalue la qualité des services publics offerts aux citoyens et la liberté de l'administration à faire des interventions politiques.

La qualité de la règlementation

Elle évalue l'ampleur de la relation entre le développement du secteur privé et les politiques gouvernementales. D'après la Banque Mondiale, c'est la capacité du gouvernement à formuler et rendre effectif des politiques saines et des règlements qui permet et encourage le développement du secteur privé.

La primauté du droit

Aussi appelé Etat de droit, elle mesure le degré de la confiance donné aux tribunaux et aux autorités de surveillance et de protection, aussi bien que le degré de mise en application des règlements. La primauté au droit signifie que toutes les personnes sont au-dessous du droit, et elle organise les relations entre les citoyens, entre les citoyens et l'Etat entre les institutions gouvernementales.

La lutte contre la corruption

Cet indicateur mesure l'ampleur à laquelle les fonctionnaires publics sont impliqués dans des actions corrompus et malhonnêtes comme les pots-de-vin. Il mesure aussi le degré d'intervention et d'influence du secteur privé sur l'administration publique.

Dans une telle perspective, la bonne gouvernance est devenue une question strictement institutionnelle.

27

2.4.- Les Documents de Reduction ou Stratégie de Croissance et Lutte contre la Pauvreté (SCLP)

Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FRPC) : elle a remplacé la FASR en novembre 1999. Elle devait représenter une amélioration par rapport à la FASR en mettant davantage l'accent sur des politiques plus clairement centrées sur la croissance et la réduction de la pauvreté ; une forte internalisation par le pays -- les programmes appuyés par la FRPC devant être alignés sur un document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP) d'initiative nationale (Bureau indépendant d'évaluation, 2005). La Banque mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI) dévoilent, à travers la Stratégie de Réduction de la Pauvreté, leur nouvelle conception des programmes de prêts aux pays pauvres. Cette approche stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP) constitue une réponse à l'appel lancé par les pays créanciers du G728 afin de déterminer une méthode liant l'allègement de la dette à la réduction de la pauvreté29. C'est après avoir mis sur pied différents programmes dans les pays en développement outre que les PAS, comme FAS, les FASR et même les initiatives des PPTE qui, des fois allègent même certaines dettes et que la situation n'a pas vraiment amélioré dans ces pays du sud, la question de la réduction devient le pilier de l'APD.

Les Cadre Stratégique de la Lutte contre la Pauvreté (CSLP) ont, entre autres, pour fonction d'améliorer l'efficacité et l'efficience de l'assistance des donateurs en déterminant le montant des concours extérieurs nécessaires pour mettre en oeuvre la stratégie. Les IFI estiment indispensable d'avoir une idée précise de ces concours. De ce fait, il peut être utile de dresser l'inventaire des concours extérieurs en place et leurs modalités d'acheminement. Le financement global de la stratégie devrait aussi tenir compte des apports financiers et de l'allègement de la dette. Par ailleurs, elles attendent des CSLP une évaluation de l'impact potentiel de tout surplus ou déficit de l'aide financière extérieure sur les objectifs programmés. Ils devraient tenir compte de la capacité d'absorption d'afflux plus importants de concours extérieurs30. Ces documents sont préparés entre l'Etat et les acteurs civils des pays concernés.

Pour les pays ne bénéficiant pas de l'initiative PPTE, les cadres pourraient énoncer les principes généraux de la stratégie d'emprunts extérieurs et le degré de confessionnalité dont ces emprunts doivent être assortis. Cette nouvelle approche des IFI trouve son fondement la reconnaissance

28 Le G7 ou Groupe des 7, constituait le groupe des 7 pays les plus riches et industrialisés de la planète. Il s'agissait de la France, des USA, du Canada, de l'Allemagne, du Japon, du Royaume Unie et de l'Italie.

29 Carine LALMANT, les cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté, septembre 2001, p.1.

30 Idem, p6.

28

mutuelle, la responsabilité commune entre pays partenaires (aidant et aides) concernant l'efficacité de l'aide (DSNCRP, 2007).

Malgré ces différents efforts, tentatives et programmes de développement, ressources mobilisées par les pays riches, ceux du Centre vers ceux de la périphérie comme l'Aide Publique pour le développement, la situation socioéconomique et politique n'a pas changé. Certains paramètres ont une faible tendance à la hausse, quelques-uns stagnent et d'autres tend plutôt à la baisse. L'aide publique au développement étant conçue comme un outil pour développer le secteur public (Mahamane, 2010 :27) n'a pas atteint son objectif. C'est ce qui explique de période après période un changement de plan de la part des IFI.

« Ce nouveau millénaire s'est ouvert sur la Déclaration du Millénaire pour le développement, une déclaration de solidarité qui affirme, une fois de plus, la volonté de débarrasser la planète de la pauvreté. Le développement humain avance trop lentement et pour nombreux pays, la dernière décennie du XXe siècle a été désespérante : quelques 154 pays sont aujourd'hui plus pauvres qu'en 1990, l'indicateur du sous-développement humain est en déclin dans 21 pays et au total, plus de 1,2 milliard de personnes - soit un habitant sur 5--survivent avec moins d'un dollar par jour31. »

Si le PNUD a utilisé l'indice de développement humain (IDH), basé sur l'espérance de vie à la naissance, les taux de scolarisation, le taux d'alphabétisation des adultes et le produit intérieur brut (PIB) par habitant pour catégoriser les pays selon leur développement humain, celui de 2007, place est la Sierra Leone en 177e position sur 177 pays. [...], les pays les plus aidés, les receveurs de l'APD qui se trouvent en Afrique subsaharienne, quant à eux, ont un IDH en dessous de 0.5 (V. Grivel, 2008 :8, 9). Ce qui induit un niveau de vie, au lieu de s'améliorer, semble à se détériorer.

Pourtant, ils sont toujours en tête de lice en ce qui a trait à l'octroi de l'APD. Le graphe suivant, qui concerne la Burkina Faso, montre l'évolution de l'octroi de l'aide.

31 BLAISE Séverine, efficacité de l'aide et développement : le cas de l'Asie du sud-est, 17 décembre 2004, université de la méditerranée, p1.

29

Graphe 1 : Evolution de l'APD au Burkina Faso de 2001 à 2010 (en million de dollars US)

Graphe 1: Evolution de l'APD au Burkina

1400 1200 1000 800 600 400 200

0

 
 
 
 

2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011

2.5 Gouvernance et corruption dans les PED

La littérature concernant l'inefficacité de l'aide publique octroyée au PED pour favoriser le développement et les conduire sur la voie du développement ne manque pas (Catherine Korachais32, 2010 ; Miriam Cue Rio33, 2013 ; Eckhard Deutscher et Sara Fyson34, 2008 ; Marc-Antoine Perrouse de Montclos35, 2005 ; Gérard Azoulay36, 2011). Le débat sur cette inefficacité de l'aide remonte au monde de gestion et de gouvernance pratiquée par ces pays (Gérard Azoulay, 2011 ; Eckhard Deutscher et Sara Fyson, 2008). Malgré la constante augmentation des fonds alloues dans les pays au développement, la situation de précarité, de pauvreté, et de croissance économique sont restées presqu'inchangées, surtout dans les pays les plus aides. A ce propos G. Azoulay37 écrit : « Les préoccupations quant à l'efficacité de l'aide en matière de croissance et de réduction de la pauvreté se sont accrues du fait de son échec dans les pays les

32 Catherine Korachais. Contribution de l'aide publique au développement à l'amélioration de la santé dans les pays en développement. Sciences de l'Homme et Société. Université d'Auvergne - Clermont- Ferrand I, 2010, 257p.

33 Miriam Cue Rio. UNE APPROCHE DE L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT PAR LE BIAIS DE SES OBJECTIFS CHIFFRÉS : examen de la définition des objectifs comme facteur explicatif de leur non réalisation. Economies et finances. Université de Versailles-Saint Quentin en Yvelines, 2013, 386p.

34 Eckhard Deutscher et Sara Fyson, » Améliorer l'efficacité de l'aide », septembre 2008, 5p.

35 Marc-Antoine Perousse de Montclos, « la face cachée de l'aide internationale » in Politique internationale, no 107, Printemps 2005, 10p.

36 Gérard Azoulay, « Les nouvelles formes de l'aide publique au développement et l'éventuel "retour de l'État" dans les pays d'Afrique subsaharienne », Mondes en développement 2011/1 (n°153), p. 57-70.

37 Gérard Azoulay, « Les nouvelles formes de l'aide publique au développement et l'éventuel "retour de l'État" dans les pays d'Afrique subsaharienne », Mondes en développement 2011/1 (n°153), p. 59.

30

plus aidés, particulièrement ceux d'Afrique subsaharienne. » Pour Certains auteurs, épousant notamment l'approche classique et officielle de l'inefficacité de l'aide après examen des principes directeurs des IFI et des principaux bailleurs de fonds, l'inefficacité de l' aide est due à un déficit de gouvernance, selon l'idée émise dans la déclaration de Doha en décembre 2008 : « f...] la prise en main et la maîtrise des stratégies de développement par les pays et la bonne gouvernance sont des facteurs importants pour la mobilisation efficace des ressources financières nationales et pour la promotion d'une croissance économique soutenue et d'un développement durable38». Voilà pourquoi dans cette partie nous allons traiter la question de gouvernance dans le monde en développement et nous mettrons emphase principalement sur la corruption. Car il serait incomplet d'étudier les impacts de non développement de l'aide à générer le développement socioéconomique et politique des pays aidés tout ignorant leur situation de gouvernance, étant pour les bailleurs de fonds, la condition première.

2.5.1 Un Etat de droit fragile

L'état de droit trouve ses racines historiques dans la pensée libérale qui répondait au pouvoir absolu détenu par le roi ; depuis lors, il a été appliqué de maintes manières, dans les systèmes juridiques ainsi que dans les contextes économiques et politiques les plus divers (DDC, 2008). Depuis les années 90, avec la vulgarisation du concept de bonne gouvernance, le concept Etat de droit fait l'objet d'une très vaste littérature. Pourtant, aucune définition lui est attribuée qui soit internationalement acceptée. De leur coté, les Nations Unies ont tenté de le définir ainsi :

« Il désigne un principe de gouvernance en vertu duquel l'ensemble des individus, des institutions et des entités publiques et privées, y compris l'Etat lui-même, ont répondu a l'observation de lois promulguées publiquement, appliquées de façon identique pour tous et administrés de manière indépendante, et compatibles avec les règles et normes internationales en matière de droits de l'homme. Il implique, d'autre part, des mesures propres à assurer le respect des principes de la primauté du droit, de l'égalité devant la loi, de la responsabilité au regard de la loi, de l'équité dans l'application de la loi, de la séparation des pouvoirs, de la participation à la prise de décisions, de la sécurité juridique, du refus de l'arbitraire et de la transparence des procédures et des processus législatifs39. »

38 Déclaration de Doha : Conférence internationale de suivi sur le financement du développement, chargée d'examiner la mise en oeuvre du Consensus de Monterrey, Doha (Qatar) 29 novembre-2 décembre 2008.

39 Rapport du Secrétaire général sur l'état de droit et la justice transitionnelle dans les sociétés en proie à un conflit ou sortant d'un conflit (S/2004/616), par. 6, cité et reproduit par Nations Unies, Indicateurs de l'Etat de droit des Nations Unies, Juin 2012, New York, p. vii.

31

Cette définition de l'Etat de droit par les NU contient un ensemble d'indicateurs considérés pour parler d'état de droit. Et à partir de cette définition, nous pouvons donc conclure qu'un Etat de droit est un Etat qui respect les lois et qui les fait respecter. Ce qui fait que l'Etat de droit est un des indicateurs clés de la Bonne gouvernance (DDC, 2008, p.5), qui met emphase tant sur les acteurs que les institutions qui tous les Etats du monde sont censés adoptés afin d'enrôler dans le plein du processus démocratique. Pourtant, dans les pays de l'Afrique de l'ouest, comme l'a fait remarquer Losseni Cisse (2009, p34), les questions liées aux droits de l'homme qui constituent une composante essentielle de l'Etat de droit, sont souvent bafouées. Dans plusieurs pays en développement (tel Afghanistan, Irak etc) on parle désormais d'Etat fragile, Etat en faillite ou même d'Entité chaotique ingouvernable. Pour l'ODCE, « un Etat est fragile lorsque son gouvernement et ses structures étatiques n'ont pas la capacité ou dans un certains cas la volonté politique d'assurer la sureté et la sécurité du public, la bonne gouvernance et la réduction de la pauvreté de ses citoyens40. » Ces Etats se trouvent géographiquement en lieu et place des Etats en développement : Afrique, Asie [Moyen-Orient], Amérique Latine et Haïti.

Dans un article paru en avril 1999 dans Le monde diplomatique41, il est écrit : « dans beaucoup de pays pauvres, [le monde en développement], le nombre de territoire gagnés par la violence ne cesse d'augmenter. En Afrique, en Amérique Latine, en Asie, des conflits s'éternisent... l'Etat s'effondre partout, abandonnant les populations à l'hyperviolence. Ainsi prolifèrent les entités chaotiques ingouvernables. »

2.5.2 L'instabilité politique et la démocratie en difficulté

Le rapport de l'IDEA International titré L'état de la démocratie dans le monde 1975-2015, paru en 2017, laisse ainsi comprendre le vieux concept : « La démocratie doit donc être comprise dans un sens plus large que la simple organisation d'élections libres. Il s'agit plutôt d'un concept multidimensionnel, qui englobe droits civils et politiques, droits sociaux et économiques, gouvernance démocratique et État de droit ». Dans cet ordre d'idées, la démocratie dans les pays en développement fait face à des problèmes et difficultés multiples.

L'IDEA International note : « La démocratie est de plus en plus remise en cause de l'intérieur, par exemple par les dirigeants politiques qui refusent de reconnaître les résultats des élections

40 Voir l'Institut Nord-Sud, Etat fragiles ou développement défaillant. Rapport canadien sur le développement 2008, 2008, p.34, 176p.

41 Oswaldo de Rivero, « Les Entités chaotiques ingouvernables », Le monde diplomatique, Avril 1999.

32

ou de transmettre pacifiquement le pouvoir à leurs successeurs. Tout ceci peut avoir pour conséquence un recul démocratique. L'indifférence des électeurs et le manque de confiance envers les institutions politiques traditionnelles - les partis et responsables politiques, principalement - ont poussé les citoyens à rechercher des moyens alternatifs de dialogue et de mobilisation politiques, grâce notamment aux nouvelles technologies. »

Partout dans le monde, les problèmes de gouvernance démocratique se posent et s'éclatent avec des crises ferventes. Les institutions de l'Etat n'ont pas le monopole du contrôle, et tout semble bien cohérent d'accoucher des Etats fragiles, ou la luttes pour le pouvoir s'accélère. [..] Depuis 2005, 24 démocraties ont été renversées, dans des pays comme le Mali, le Niger ou la Thaïlande, ce qui prouve que certaines démocraties naissantes manquent de résilience. Les crises qui éclatent partout dans le monde continuent de remettre en cause la notion de résilience de la démocratie, laissant penser que les systèmes démocratiques sont fragiles et menacés42.

Les pays accusant le plus fort déclin en matière de représentativité du gouvernement depuis 2005 sont le Bangladesh, le Burundi, la Syrie, la Thaïlande et la Turquie. Les améliorations les plus importantes ont été observées en Angola, en Guinée, en Haïti, au Kirghizistan, au Myanmar, au Népal, au Nigéria, en République démocratique du Congo (RDC), au Soudan et en Tunisie43. Tous ces pays sont ceux ou la gouvernance démocratique est difficile et se positionne dans le rang des pays a plus faible revenu, vérifiant ainsi l'hypothèse de Deniz AKAGÜL (nov. 2005) selon laquelle la démocratie et la stabilité politique (ou la bonne gouvernance démocratique) est en corrélation fortement positive avec le développement.

2.5.3 La problématique de la corruption

Yves Mény44 fait signaler que la question de la corruption n'est pas nouvelle en soi et depuis le moment même où s'est constituée une société politique, c'est-à-dire un espace qui ne s'identifie ni aux individus en tant que tels ni à la sphère privée des groupes ou des communautés, la corruption a constitué un problème potentiel. Si elle était présente depuis l'antiquité, il faut comprendre qu'elle n'a jamais connu une allure dans le passé que celle de nos jours. Présente actuellement dans toutes les sociétés, elle a des incidences graves sur la vie socioéconomique

42 IDEA International, État de la démocratie dans le monde en 2017. Étude de la résilience démocratique, 2017, p ix & 1.

43 Ibid.

44 Yves Mény, « Corruption, politique et démocratie », in Confluences, N° 15 Eté 1995, pp11-21.

33

et politique de ces sociétés, et son envergure et sa menace est d'autant plus sérieuses dans les PED qui manquent de dispositifs nécessaires pour la combattre que les pays industrialises-riches. Elle enfreigne leur croissance économique et compromet sérieusement le processus de leur développement. Catégoriquement pour eux, pour reprendre Yves Mény, elle est considérée comme une pathologie.

Il existe actuellement une très vaste étendue de littérature sur la corruption. Pas mal d'auteurs et d'organismes tant nationaux qu'internationaux se sont versés dans l'étude de la corruption. Par définition, la corruption peut s'entendre comme « l'abus du pouvoir qui vous a été confié, pour un gain personnel aux dépens des autres ou de la société dans son ensemble » ou encore « l'abus d'un pouvoir reçu en délégation à des fins privées ». Cette dernière définition de Transparency International est celle la plus couramment admise. Pourtant, Thompson nous invite à prendre un peu de distance par rapport au sens courant de cette définition. Dans cette optique, la corruption renvoie à un ensemble de pratiques bien connues : dessous-de-table, pots-de-vin, népotisme, échanges de faveurs, favoritisme, etc. Il s'agit évidemment selon Thompson d'exemples tout à fait pertinents de corruption. Mais celle-ci renvoie à un ensemble plus vaste de phénomènes dont les pratiques énoncées ci-dessus ne constituent qu'une partie. L'entraineur qui incite ses athlètes à prendre des substances interdites (améliorant la performance) participe à la subversion des règles définissant la saine compétition au sein de son sport; le chercheur qui plagie les résultats de ses collègues ne verse pas de pots-de-vin aux éditeurs de revues scientifiques mais mine l'intégrité de la recherche académique; le candidat aux élections qui consacre une grande partie de ses ressources a des publicités négatives à l'égard de son adversaire sape la qualité de la délibération démocratique, etc. (Miller, 2011 cité dans Pierre-Yves Néron, 2014). Donc ce vide existé dans la définition traditionnelle de la corruption, qui la fait passer comme étant un acte individuel (corruption individuelle) est compensée par une nouvelle approche : la corruption institutionnelle.

Dans le pays en développement, Amérique du Sud et Caraïbes, Asie du Sud-est et Afrique, la corruption est très présente dans l'administration publique.

La question de la capacité d'absorption se pose avec plus d'acuité encore lorsque l'aide est destinée à des pays mal gouvernés, où la corruption est très présente et les institutions sont faibles. Dans un tel contexte, une partie de la littérature soulève le risque de gaspillage, voire d'une aide qui pourrait encourager la corruption. Bien qu'ici nous ne souhaitons approfondir

34

cette argumentation, mais il est certain que le phénomène de la corruption est très présente dans les pays en développement et compromet pur un large part le développement de ces derniers.

2.6 La situation socioéconomique et politique dans le monde pauvre

Si on veut bien comprendre la portée de l'aide publique au développement qui a pour objectif de contribuer à la réduction de la pauvreté, donc créer une véritable dynamique de croissance économique, contribuant au développent des pays bénéficiaires (Mahamane YAHAYA, 2010 :95), donc des Pays en développement, il nécessairement audacieux d'essayer de passer en revue leur situation, sans négliger ceux faisant partie spécifiquement du groupe des PMA.

Le caractère-type des pays en voie de développement, autrefois les pays du tiers-monde, est sans doute aucun la question de la pauvreté (voir Tableau 1). Or, ce phénomène social est présent enrage le monde est le porte-drapeau des pays de l'Amérique Centrale et les caraïbes, de l'Asie du sud Est et de l'Afrique sub-saharienne. C'est ce qui nous permettre de situer géographiquement les pays pauvres, y compris les PMA, dans cette zone tricontinentale réunissant Asie (sud-est) -Afrique (sub-saharienne) et Amérique (Latine et Caraïbes) (Jean-Luc DUBOIS, 2001 ; UNESCO, 2012).

Depuis 1993, on recense environ 1,3 milliards de pauvres sur la planète, c'est-à-dire ceux qui ont un revenu inférieur ou égal de 1 dollar par jour en terme monétaire, ce qui représentait environ 30% de la population mondiale. En 2004, 18 pour cent de la population mondiale vivaient avec moins de 1 dollars par jour contre 40 pour cent en 1981. Par contre, un peu moins de la moitié (47 pour cent) des personnes vivant sur terre consommait pour moins de 2 dollars par jour en 2004 contre 66 pour cent en 1981. Cette baisse est surtout due à la Chine. Si on enlève ce pays, le nombre de pauvres a augmenté tant au seuil de 1 dollars qu'à celui de 2 dollars. Alors que le nombre de pauvres a été divisé de moitié en Chine (de 375 à 212 millions), il s'est accru en Afrique subsaharienne et dans les pays d'Europe et d'Asie centrale, tandis qu'il a stagné en Amérique latine, que le seuil de pauvreté retenu soit de 1 ou 2 dollars. On remarque, de plus, une situation fortement inégalitaire, certains continents et régions étant plus touchés que d'autres. Si, en termes absolus, les pauvres sont surtout en Asie du Sud et de l'Est, en termes relatifs, ils se trouvent en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne. On dénote une tendance à la baisse dans toute l'Asie et à la hausse en Europe, en Amérique latine et en Afrique subsaharienne (DUBOIS, 2001). Il s'est légèrement réduit en Asie du Sud au seuil de 1 dollar mais a augmenté au seuil de 2 dollars (Chen et Ravallion, 2007). De manière générale la

35

pauvreté a diminué ces dernières années. Mais les inégalités entre les pays ont augmenté tout comme la concentration de la pauvreté dans certaines régions (Heshmati, 2004).

Tableau 1

Evolution de la pauvreté monétaire dans les pays en développement
(Population vivant avec moins de 1 dollar par jour)

Régions

1987

1993

Millions

Pourcentage

Millions

Pourcentage

Asie de l'Est et

Pacifique

464,0

28,8

445,8

26,0

Europe et Asie centrale

2,2

0,6

14,5

3,5

Moyen-Orient et

Afrique du Nord

91,2

22,0

109,6

23,5

Amérique latine et

Caraïbe

10,3

4,7

10,7

4,1

Asie du Sud

479,9

45,4

514,7

43,1

Afrique subsaharienne

179,6

38,5

218,6

39,1

Total

1227,1

30,1

1313,9

24,9

Source : Jean-Luc DUBOIS, « Pauvreté et inégalités : situation et politiques de réduction » in Population et développement : les principaux enjeux, p128.

Le graphe suivant nous donne une compréhension plus claire et aisée de la situation en schématisant l'ampleur du phénomène.

45

40

35

30

25

20

15

10

5

0

Asie de l'Est et Pacifique

Afrique
subsaharienne

Europe et Asie Centrale

Moyen Orien et Afrique du Nord

Amerique Latine et Caraibes

Asie du Sud

36

Graphe 2

Evolution de la pauvreté monétaire dans le monde

50

1987 1993

Source : Réalisé par l'auteur a partir des données du tableau 1

Les pays en développement se trouvent confronter à un ensemble de problèmes qui soient inhérents à leur situation de sous-développement, d'ailleurs ce sont des pays qui sont perpétuellement en crise, sous toutes ses formes. PATRICK GUBRY ET JACQUES VERON (1990) énumère : « Crise du Tiers-Monde. Crise politique. Crise économique. Crise sociale. » Citons entre autres problèmes courants :

La question démographique ; Un taux du chômage a la hausse ; Epidémie et pandémie en vogue ; Une urbanisation galopante ; Une sous-alimentation sévère ; etc.

2.6.1 la question démographique

Il n'est sans doute pas étonnant qu'une démographie galopante et incontrôlée porte en son sein même le fléau du sous-développement (Jérémie Cohen-Setton, 2006). Les pays les plus pauvres sont souvent ceux qui ont un taux de croissance démographique plus important. Nous assistons (...) à un bouleversement de la structure de la population mondiale : le poids des pays

37

industrialisés se réduit face à des pays plus pauvres en forte croissance démographique (Elisa Valentin, 2005).

C'est peut-être en ce sens que PATRICK GUBRY et JACQUES VERON (1990) écrivent : Continent ou Ia croissance démographique est la plus rapide, l'Afrique est aujourd'hui confrontée à des problèmes de nutrition et notamment de dépendance alimentaire, de santé publique, d'éducation, d'emploi mais aussi de migrations internationales. » La population de l'Afrique s'accroît aujourd'hui à un rythme annuel de plus de 3 %. C'est en Afrique de l'Ouest [la partie la plus pauvre] que la croissance est la plus rapide (3,2 %) et en Afrique australe qu'elle est la plus lente (2,6 %). Agnès Chevallier et Maëlan Le Goff (2014) écrivent : « Les pays africains, comme ceux du Moyen-Orient, ont connu une croissance démographique constamment supérieure à la moyenne mondiale depuis plus de soixante ans [...] les deux régions marquent ainsi une divergence nette en termes de croissance de la population par rapport au reste du monde ; avec un taux de croissance annuel moyen de 2,7% pour l'Afrique sub-saharienne, 2,5% Moyen Orient et 1,5% pour l'Afrique du Nord sur la décennie 2000. » Incontestablement, auteurs et organismes s'adonnant à la littérature économique de la question démographique confirme que la croissance peut-être effectivement un frein. « Une croissance rapide de la population a de sérieux effets négatifs sur le plan économique. Dans les pays en voie de développement, elle limite la croissance du produit par habitant, perpétue les inégalités de revenu, maintient à un niveau faible l'épargne et l'investissement, accroît le chômage et le sous-emploi, ralentit l'industrialisation, freine le changement technologique, réduit la demande pour les produits manufacturés, .... 45» ou encore : « La croissance de la population à des taux de plus de 2 % par an agit comme un frein au développement46. »

2.6.2 un taux de chômage à la hausse

La création d'emplois décents pour tous représente l'un des défis majeurs auxquels sont confrontés les PMA. En plein processus de transition démographique, ils comptent des populations jeunes et croissantes (en moyenne, près de 70 pour cent de la population a moins de 30 ans) nécessitant un emploi productif et décent. Par exemple, pour le Mali, on estime que la population active a augmenté de 171 800 personnes en 2005 [...] Relever le défi ardu de

45 National Académie of Sciences Studies Comittee, 1971, repris par J.-M. DECROLY in Démographie et pays en voie de développement [document PowerPoint], diapositive 2.

46 Banque mondiale, Rapport sur le développement, 1998. Repris par J.-M. DECROLY in DEMOGRAPHIE ET PAYS EN VOIE DE DEVELOPPEMENT [document PowerPoint], diapositive 2.

En l'an 2000, selon les perspectives des Nations Unies (1995), près d'un homme ou d'une femme sur deux vivra en ville. Pour bien prendre la mesure du phénomène, rappelons qu'en

38

l'emploi est crucial pour la croissance économique et la réduction de la pauvreté dans les PMA. (CNUCED, 2011).

Dans ces pays en développement, étant donné que le secteur public soit dans l'impossibilité d'absorber la masse de main d'oeuvre et que le secteur privé est très faible, c'est le secteur informel qui génère le gros de l'emploi. Composé de «microentreprises» couvrant tous les domaines d'activité (commerce alimentaire, fabrication d'objets de consommation, réparation, transport, etc.), ce secteur emploierait plus de la moitié de la population urbaine en Afrique subsaharienne et parfois même près de 80% (Iulia Nechifor, sd, p47).

2.6.3.- Epidémie et pandémie en vogue

Si l'épidémie menace désormais les pays de l'Est (Russie) et d'Asie (Inde, Chine, Thaïlande), c'est en Afrique qu'elle est devenue un véritable fléau puisqu'un tiers des décès dû au sida sur la planète se produisent dans dix pays d'Afrique subsaharienne (Olivier Nay, 2005). En effet, le continent africain, icone du monde sous-développé, devient l'espace par excellence où « prospèrent » les endémies tropicales, virus, bactéries et parasites dans un milieu non maîtrisé caractérisé généralement par de mauvaises conditions d'hygiène. Selon les statistiques des institutions spécialisées de l'ONU, l'Afrique subsaharienne comparée aux autres régions du monde occupe la dernière place en matière de couverture sanitaire. Le PNUD dans son rapport sur le développement humain classe 35 pays dans la catégorie « à faible développement humain » ; parmi eux, 29 sont africains, dont les 22 derniers de la liste. L'Afrique subsaharienne détient le triste record de la mortalité infantile et infanto-juvénile (mortalité des enfants de moins de 5 ans), avec des taux respectifs de 105 et 169 pour 1000, 6 et 7 pour 1000 pour les pays industrialisés. Quant à l'espérance de la vie, elle n'atteint pas les 50 ans, les dépenses publiques de la santé s'élevaient en pourcentage du PIB, que de 1,7% contre 6 à 10% dans les pays à revenus élevés (Mahamane, 2010). Les taux de séroprévalence du virus du SIDA sont les plus élevés du monde dans certains pays d'Afrique. Certaines études montrent que 5 % des habitants de la Cote d'Ivoire, 8 % de ceux de la ville de Bangui (6) et jusqu'à 27 % des habitants de Kigali (Rwanda) seraient infectés par le VIII (PATRICK GUBRY et JACQUES VERON, 1990).

2.6.4.- Une urbanisation galopante

39

1950, moins d'un tiers seulement de la population mondiale était urbaine, soit 740 millions de citadins pour environ 1,8 milliard de ruraux. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, la population urbaine était surtout concentrée dans les pays développés. Aujourd'hui, la répartition de la population a bien changé, l'urbanisation concerne au premier chef les pays en développement. En 1996, sur les deux milliards et demi de citadins, 1,5 milliard vivent dans les villes de ces pays. L'urbanisation rapide est donc une des caractéristiques majeures des pays du tiers monde. Actuellement, 38 pour cent de la population des pays en développement réside dans les villes contre seulement 17 pour cent en 1950. L'Amérique latine est aussi urbanisée que l'Europe (74 pour cent d'urbains), et déjà un tiers de la population africaine demeure en ville (34 pour cent), soit la même proportion qu'en Asie (35 pour cent)47.

2.6.5.- Une sous-alimentation sévère

Les disparités de revenus restent un problème majeur dans la région de l'Asie du sud-est, et elles se sont accentuées dans certains pays (Cambodge, Bangladesh, Népal, Kazakhstan, Sri Lanka et Ouzbékistan par exemple). La faim et la malnutrition sont encore très répandues. Environ une personne sur six souffre de malnutrition et un enfant sur trois est en déficit pondéral (UNESCO, 2012). L'agriculture est importante car, dans de nombreux PMA, elle représente 19 pour cent, le secteur qui emploie le plus de personnes. Ignoré au cours des trois dernières décennies, ce secteur mérite désormais toutes les attentions. La crise alimentaire qui frappe les PMA de manière disproportionnée a remis la sécurité alimentaire à l'ordre du jour des décideurs politiques (CNUCED, 2011).

2.7 Le cas du Mali

Les pays en voie de développement (PED) occupent 85% de l'humanité et environ un cinquième de la production mondiale. Leur revenu par habitant est à peine le vingtième de celui des pays industriels. C'est cet ensemble qu'on a appelé le Tiers-monde, composé par la majorité des pays du globe situés sous les tropiques, les pays de l'Europe Centrale et de l'Est après la chute du mur de Berlin (...). Les PED n'ont pas connu le même cheminement dans leur développement (Yahaya Mahamane, 2010). D'entre eux, les pays africains surtout ceux de l'Afrique subsaharienne (Niger, Mali, Burkina Faso, Sénégal) confrontent des situations de plus en plus graves. Ainsi, afin d'avoir une idée brève et sommative de la question dans les PED,

47 Philippe Antoine, L'urbanisation en Afrique et ses perspectives, 1997, p1.

40

deux d'entre eux, situées en Afrique ont été analysés dans le cadre de ce travail, de manière très brève.

2.7.1.- Profil socioéconomique du Mali

Vaste pays enclavé, le Mali est un pays sahélien avec une population estimée à 14,5 millions d'habitants qui croît à un rythme de 3 % par an, dont plus des 80% sont concentrés sur 40% du territoire au Sud du pays (Mali, 2008 ; Yahaya Mahamane, 2010). Classé 175e sur 177 pays selon l'indice 2006 de développement humain du PNUD, le Mali connaît un accroissement lent, mais continu, de son IDH depuis quinze ans de 0,283 en 1990 à 0,338 en 2004 (Mali-Communauté Européenne, 2008 :). Situé au coeur d'une sous-région bouleversée par de nombreux conflits, le Mali a renoué avec la démocratie depuis quinze ans. Le PIB par habitant du Mali est de 371 $ en 2003. L'économie du Mali repose essentiellement sur le secteur agro-pastoral (qui occupe près de 80% de la population et intervient pour plus de 40% dans le PIB et 3/4 des exportations). Ce secteur continuera à jouer un rôle moteur dans le développement économique du pays malgré les faibles productivités agricoles et animales (MDSSPA, Profil de pauvreté du Mali, 2001).

La croissance démographique et la pauvreté contribuent à la dégradation accélérée des ressources naturelles, à travers la déforestation, les pratiques agricoles inappropriées, le surpâturage, la pollution de l'air et de l'eau (Mali, 2008). L'environnement social du pays est caractérisé par une forte émigration, taux d'urbanisation et l'exode rural qui tend à la hausse (MASSPAODHD/LCPM, 2001).

Les indicateurs du système éducatif malien sont parmi les moins performants du monde. Pres de 70% de la population active n'a pas accès l'instruction. Le taux brut de scolarisation pour le premier cycle de l'enseignement fondamental est de 55,6% en 1999 dont 46% pour les filles. Il est plus faible en milieu rural qu'en milieu urbain et les Ecarts entre les régions sont considérables (CSLP Mali, 2002 :17). Sur l'ensemble de la population âgée de 7 ans, un peu plus d'un quart seulement (25,7 %) a fréquenté une école (voir tableau 2). Les moins pauvres fréquentent moins que les pauvres et ces derniers moins que les moins pauvres. En effet, près de deux cinquièmes de la population moins pauvre (39,2 %) ont fréquenté une école contre environ un quart (25,2 %) de la population pauvre et seulement 17,5 % de la population très pauvre (ODHD/LCPM, 2006 :34).

41

Tableau 2 : Fréquentation scolaire de la population de 7 ans et plus

 

Moins pauvres

Pauvres

Très pauvres

Total

Oui

39,2

25,2

17,5

25,7

Non

60,8

74,8

82,5

74,3

Total

100,0

100,0

100,0

100,0

Source : ODHD/LCPM, Profil de Pauvreté Mali 2001, Bamako 2006, p34.

Le Mali connait une forte croissance démographique qui se traduit par une augmentation rapide de la population active. La majeure partie des actifs travaille dans le secteur primaire et le secteur tertiaire, 63% et 25% respectivement. Le secteur formel, privé et public, n'emploie que 6% des actifs occupés (Croissance, emploi et politiques pour emploi au Mali, 2012)

Les indicateurs de santé restent préoccupants au regard de l'Afrique subsaharienne et d'importantes disparités existent entre milieu urbain et rural, régions et groupes socioéconomiques. Au Mali, La performance des services de santé est insuffisante dans les régions et en milieu rural du fait d'une accessibilité géographique très limité dans les régions pauvres. L'accessibilité géographique un centre de santé communautaire, aux services de vaccination et aux services de chirurgie essentielle est très limité dans les régions pauvres comparativement à Bamako. La surmortalité des groupes les plus pauvres restes malgré tout largement due à des affections Evitables. La situation épidémiologique du VIH/SIDA est caractérisé par un taux de séroprévalence national estimé 1,7 % (CSLP, 2002). Par région la situation se présente comme suit :

42

Tableau 3 : Répartition de la situation épidémiologique du VIH-Sida par région, sexe et milieu de résidence

Région

Taux de séroprévalence

Bamako

2,5

Ségou

2,0

Kayes

1,9

Koulikoro

1,9

Tombouctou

0,8

Goa

0,6

Par genre Et milieu de résidence

Femme

Homme

Urbain

Rural

Total

2,0

1,3

2,2

1,5

1,7

Source : réalisé à partir des données du Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté, adopte le 29

mai 2002, p17.

Avec un tel tableau, le Mali n'attire pas d'autres conclusion que l'affection au sens strict de la pauvreté à son égard. La pauvreté qui se manifeste en termes d'absence de capacités dans les domaines majeurs du bien-être : analphabétisme, malnutrition, longévité réduite, mauvaise santé, habitat insalubre, participation réduite la vie économique et sociale est devenue un phénomène généralisé au Mali : 63,8 % et 21 % de la population totale vivent respectivement dans la pauvreté et dans l'extrême pauvreté. Si la pauvreté est essentiellement rurale, elle touche aussi de plus en plus les grandes villes en raison de la dégradation du marché du travail et des migrations. Les trois facteurs de risque les plus cites par les populations elles-mêmes portent sur l'alimentation, la maladie et l'absence de travail. (CSLP MALI, 2002 voir tableau page 20).

2.7.2.- Le Mali et l'aide internationale

A partir de 1982, le gouvernement malien tend à abandonner sa politique d'interventionnisme économique. Cette période connut une économie socialisée et excessivement réglementée par le premier Président du Mali. Selon Azam et Morrisson, la politique économique est alors inspirée du Marxisme-Léninisme. L'Etat nationalise massivement, crée des entreprises publiques avec un personnel pléthorique et le contrôle des prix est instauré dans de nombreux domaines. L'échec est sans commune mesure, le manque de cadres compétents, l'absence de facteurs stimulateurs de l'économie, d'importants déficits budgétaires. Le gouvernement met

43

alors un programme d'ajustement structurel, ensuite un Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté en 1999 (Yahaya Mahamane, 2010, p147). C'est ainsi que le Mali se voit accumulé un flux d'aide publique au développement. Il existe actuellement, selon Banque Mondiale vingt-six (26) donateurs au Mali (18 donateurs bilatéraux et 8 multilatéraux).

Comme nous venons de le voir plus, la pauvreté est un phénomène général au Mali. Pour répondre à cette problématique, comme tous les autres pays africains, le Mali a inscrit la lutte contre la pauvreté dans les politiques de développement économique et social. En effet, le gouvernement du Mali a élaboré en juillet 1998, sous l'initiative des IFI, la Stratégie Nationale de Lutte contre la Pauvreté (SNLP). La SNLP avait pour objectif principal d'améliorer les conditions de vie des maliens, en particulier les plus démunis. Deux ans après l'adoption de la SNLP, le gouvernement a élaboré, encore sur recommandation des institutions financières internationales, le Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté (CSLP), qui fut adopté le 29 mai 200248.

Etant fait l'objet d'une préoccupation, tant d'acteurs bilatéraux et multilatéraux se sont lancés dans la lutte contre la pauvreté au Mali. Ainsi, d'après les chiffres du CAD (2004, cité par A. Keita, 2009), le Mali a reçu 567 millions de dollars d'aide publique au développement en 2005. Cette aide ne cesse d'augmenter depuis 2001. Elle a presque doublé entre 2001 et 2005. En ce qui a trait à l'aide bilatérale, l'ancien métropole du pays reste le bailleur le plus important (voir tableau).

Tableau 4

Recettes totales nettes d'APD au Mali en millions de dollars US de 2002 à 2006

Année

2002

2003

2004

2005

2006

Aide totale

466

543

568

699

825

Aide de la France

64

70

82

90

82

Pourcentage dans

l'aide totale

14

13

14

13

10

Source : Aboubacar Keita, Etudes de l'aide publique au développement de la France au Mali :

Cas de l'Education, 2009, chap. 2.

Malgré ce flux important d'aide étrangère, la situation socioéconomique du pays reste très médiocre, faible voire même se détériorer. Classé 175e sur 177 pays selon l'indice 2006 de

48 Analyse de la pauvreté monétaire et non monétaire au Mali de 2001 à 2013 : Tendances et profils, p10.

44

développement humain du PNUD (Mali-Communauté Européenne, 2008), la situation du pays reste encore préoccupante. On s'interroge mem sur l'efficacité de l'aide puisque le pays est le plus aidés de la communauté sahélienne le pus aide. La corruption demeure un handicap majeur qui entrave l'exercice réel de la démocratie tout comme l'efficacité de l'action publique (YAHAYA M., 2010 :11). La situation sociale est dominée par un sous-emploi chronique : la plupart du faible taux des emplois est dominée par le secteur informel : plus de 90 % des actifs occupés travaillent dans le secteur des ménages et dans les unités informelles, le secteur public et le formel n'absorbe qu'environ 6%. Suite à l'adoption et la mise en application du premier CSLP en 2002, la pauvreté a diminué sensiblement et la croissance économique a été soutenue (Voir tableau 2), environ 5% en moyenne annuelle. La première question qu'on se pose concerne le rôle de cette croissance dans la diminution de la pauvreté (BIT, 2012).

Tableau 5 : Croissance du PIB (moyenne annuelle), 1995-2010

Secteur période

1995-2001

2001-2006

2006-2010

2001-2010

Agriculture

3,3

4,3

8,2

5,6

Industrie

10,0

4,2

0,1

2,4

Services

4,5

5,9

5,7

5,9

Ensemble

6,3

5,0

4,9

5,0

Source : BIT, Croissance, emploi et politiques pour l'emploi au Mali, 2012, p10.

L'on est maintenant en droit de se demander quelle est non seulement l'efficacité de l'APD dans les PED notamment les PMA mais aussi quelles sont les conséquences sur leur vie publique nationale. Cette vue générale nous été importante dans la mesure où elle nous aidera à comprendre mieux la réalité de l'APD dans le contexte haïtien que nous allons étudier plus loin. Bien avant, il est primordial de faire connaissance a la situation socioéconomique et politique en Haïti.

2.8 Le cas du Rwanda

2.8.1.- Présentation du Rwanda

2.8.1.1.- Présentation géographique

Le Rwanda est situé à l'Ouest du Lac Victoria, entre l'Ouganda au Nord, le Burundi au Sud, la Tanzanie à l'Est et la République Démocratique du Congo à l'Ouest. Il est éloigné de plus de 1 000 km par rapport au littoral indien et est par conséquent un pays enclavé au coeur du

45

continent africain. Avec une superficie de 26 379 km2, le Rwanda nourri une population d'environ 9 000 000 d'habitants.

2.8.1.2.- Situation socioéconomique et politique

Estimé comme nous venons de le dire tout haut, à près de 9 millions d'habitants, la population rwandaise selon la commission nationale de recensement (2002,2007) était 17% urbain contre 83% des ruraux. La même commission (ibidem) affirmait que la densité moyenne de la population était 321 ha/ km2. Le Rwanda était un pays à population jeune car selon le même recensement 6,750,000 n'avait pas fêté 25 printemps. C'est également et surtout un pays à majorité féminine car les femmes étaient recensées à 4,249,105 contre 3,603,673 des hommes (52.27%). Parmi ces hommes et femmes 44.2% était célibataire 41% marié 1.3% divorcé et 8% veufs et veuves. Il est à remarquer tout en observant les chiffres du même ouvrage que la population rwandaise et dominée par les chrétiens au niveau de la religion car ils atteignent une proportion de 93% de la population dont 49% catholique de rite romaine (HILAIRE YANKULIJE, 2010). Paul Kagame est le président de la république rwandaise, réélu en 2010 avec un pourcentage de 93,1% avec un taux de participation électoral de plus de 90%.

L'économie du Rwanda a connu une croissance rapide du PIB et une certaine stabilité au cours des décennies 60 et 70, avec une croissance réelle du PIB de 6,5% par an entre 1973 et 1980. Cependant, entre 1980 et 1985, la croissance réelle du PIB a baissé jusqu'à une moyenne de 2,9% pour atteindre ensuite - 0,3% entre 1986 et 1990. Dans ce contexte de stagnation de l'économie rwandaise, le PNB per capita, qui avait enregistré une forte croissance de 70 dollars américains en 1973 et 390 dollars américains en 1989, a baissé jusqu'à 250 dollars américains en 1993, malgré les afflux substantiels d'aide internationale. [...] L'agriculture est le secteur primordial de l'économie qui représente plus de 40% du PIB, 91% des emplois et 80% des exportations (Ministère de la Sante, Janvier 2003). En 2003, 64 % des ménages rwandais vit en dessous du seuil de pauvreté.

Selon des données plus récentes provenant de MINITERRE (2005,36 cité par Hilaire, 2010), « Le Rwanda est classé parmi les pays les plus pauvres du monde. Environ 50% de la population est âgée de moins de 16 ans et 90%7 vivent dans les milieux ruraux. En 2002, le produit intérieur brut (PIB) du Rwanda par tête aux prix constants était de 77.870Frw. Le PIB est dominé par le secteur agricole.

46

Figure X : Répartition du PIB en 2002 du Rwanda selon les secteurs d'activités

Le Rwanda est confronté à un faible niveau d'instruction. Au primaire, le taux brut de scolarisation était de 88% en 1998 et le taux net de scolarisation ne dépassait pas 65%. Le taux de transition du primaire au secondaire était de 21% dans les écoles publiques et libres subsidiées et autour de 10% dans les écoles privées. Quant au supérieur, moins de 30% des lauréats du secondaire sont admis à l'université et dans les instituts supérieurs. Les écoles techniques et professionnelles sont très insuffisantes. Ceci est compliqué par le fait que l'Etat à lui seul n'est plus capable de financer l'éducation et que la pauvreté de la population entraîne une faible contribution financière des parents à l'éducation de leurs enfants. Et la forte demande scolaire entraine le phénomène de la surpopulation des salles de classe.

En 1994, le territoire rwandais a été le théâtre d'un conflit interne très intense entre les groupes humains Hutu, Tutsi et Twa du Rwanda. Le génocide de 1994 a tué plus d'un million de Tutsis et de Hutus modérés rwandais sur une période de 100 jours. Après la fin de cette sinistre guerre civile et du génocide, des Tutsis, le Rwanda est reparti de zéro. Quatre années de guerre civile entre le FPR et le gouvernement du Président Juvenal Habyarimana avaient détruit tous les secteurs de la vie nationale, et entraîné des déplacés de guerre, des massacres de populations civiles, une crise économique et politique. Le génocide a détruit la base économique fragile du pays ainsi qu'une grande partie de son capital humain et a anéanti sa capacité à attirer l'investissement privé. Le Rwanda est donc un pays a post-conflit, un Etat fragile.

2.8.2.- Etat de la gouvernance au Rwanda

Depuis le génocide de 1994 et la période d'instabilité qui a suivi, le Rwanda a progressé dans le rétablissement de la paix et de la sécurité. En grande majorité, les réfugiés qui ont fui le pays en 1994 sont revenus depuis lors. Le Rwanda apparaît désormais comme l'un des pays pacifiques et stables de la région (Rwanda-BM, 2008). Le Rwanda a accompli d'importants

49 Gouvernement Rwandais-Banque Mondiale, « Rwanda : Evaluation conjointe de la Gouvernance », Rapport sur l'évaluation conjointe de la gouvernance adoptée par le Cabinet le 12/09/08, p58.

47

progrès dans la promotion d'une gouvernance inclusive. L'un des éléments déterminants de ce changement a été le choix fait par le pays de rejeter toute forme d'étiquetage, de discrimination et de représentation ethnique au niveau politique et gouvernemental.

Compte tenu du passé récent du Rwanda, les progrès réalisés en matière de renforcement de l'état de droit ont été impressionnants. Le Rwanda a révisé et modernisé le cadre de ses lois, a entrepris des réformes en profondeur pour augmenter l'efficacité et l'indépendance du judiciaire, a renforcé les services de police et presque terminé un processus de procès communautaires pour certaines catégories de crimes génocidaires (juridictions gacaca).

Comme résultat, Le World Peace Index 2008 publié récemment sur la base de 24 indicateurs, donne le Rwanda au deuxième rang dans l'ordre des pays les plus pacifiques de la Communauté d'Afrique de l'Est, derrière la Tanzanie (ibid., p23).

Quant à la lutte contre la corruption, avant 1994, l'administration rwandaise avait la réputation d'être profondément corrompue. A l'heure actuelle, tous les éléments indiquent que le degré de corruption est bien inférieur à celui des pays voisins et le Rwanda compte parmi les pays les moins corrompus d'Afrique. Cette amélioration reflète la vigueur avec laquelle le Président a mené la lutte contre la corruption et la fermeté avec laquelle la politique de tolérance zéro est appliquée. Les fonctionnaires du gouvernement jugés coupables de corruption ont été renvoyés et ce principe s'applique à tous les niveaux de la fonction publique. En 2007, par exemple, 62 fonctionnaires de police ont été renvoyés pour avoir sollicité des pots-de-vin49.

2.8.3.- Le Rwanda et l'aide Publique au développement

Le Rwanda comme d'autres pays du Tiers monde dépend économiquement du financement extérieur. Pourtant, comparativement à d'autres pays ayant bénéficiée des flux importants d'aide, le Rwanda s'est différencié, et ce, par le cadre de la gouvernance qu'il s'est mis en place.

Le gouvernement rwandais oeuvre de son mieux afin de procéder à une gestion adéquate de l'APD. Selon Hilaire (2010), l'aide internationale accordée au Rwanda est 90% appropriée.

48

Parmi les recherches faites sur la gestion et la coordination de l'aide au Rwanda celle faite par Nick HIGHTON (rapporté par Hilaire) s'avère comme la plus récente et la plus pertinente. Le chercheur se montre satisfait de la politique du Rwanda en matière gestion transparente de l'aide au développement que lui qualifie-t-il de « Mutual accountability ». Ses satisfactions s'expriment par l'admiration envers la constitution rwandaise, de la politique des stratégies économique et de réduction de la pauvreté et du programme économique dit vision 2020. Voici comment le dit-il: «The economic development and poverty reduction strategy (E.D.P.R.S) adopted in 2007 together with Rwanda's vision 2020 and constitution provides a clear statement of the government's high-level priorities and consistent set of principles».

Et les résultats sont un des plus intéressants. En terme économique, au cours de la période 20002011, le Rwanda a une croissance soutenue et constante, comme le présente le tableau X et parallèlement, les investissements étrangers augmentent pour atteindre son paroxysme en 2011 (comme le montre le graphe). Le Rwanda est considéré par beaucoup comme l'endroit idéal pour développer son entreprise. Stable politiquement, le pays bénéficie surtout de ses réformes macro-économiques.

Tableau 6 : les performances économiques du Rwanda de 2003 à 2011

 

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

PIB %

2,1

7,4

9,4

8,9

7,7

11,1

6,2

7,2

8,5

Inflation

7,4

12

9,1

12,5

9

15,4

10

1,8

5,7

%

 
 
 
 
 
 
 
 
 

IDE($M)

3

11

14

31

82

103

119

42

106

Source : Jeremy Révillon, Le Rwanda, un modèle économique ? note numéro 3-2013, Juillet 2013, p6.

L'Etat de droit mis en place qui favorise la paix et la stabilité politique, une croissance élevée et soutenue du PIB, ainsi qu'une saine gestion macroéconomique ont contribué à une réduction sensible de la pauvreté, à des progrès aux niveaux de l'égalité de revenu, à l'amélioration des indicateurs sociaux et à des progrès vers la réalisation des OMD. Le Rwanda est sur la bonne trajectoire pour réaliser cinq OMD. La pauvreté a baissé sensiblement de 56,7 % en 2005- 06 à 44,9 % en 2010-11, ce qui a permis à un million de Rwandais de se hisser au-dessus du seuil de pauvreté (BAD, 2014).

Dans cette perspective, le Rwanda est considéré par les bailleurs de fonds internationaux comme l'un des meilleurs élèves d'Afrique en matière économique. Les statistiques économiques confirment l'amélioration des conditions de vie des habitants. Le pourcentage de

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la population vivant sous le seuil de pauvreté national était de 60,4% en 2000. Il est passé à 56,9% en 2006 puis à 44,9% en 2011. L'aide au développement a donc été gérée, coordonnée et harmonisée dans le cas du Rwanda qui a aussi bénéficié de l'aide de la BAD en la matière (BAD, 2014). Avant tout, c'est grâce à un ensemble de réformes entreprises au cours des années qui ont suivi le génocide et le renforcement des institutions, bref la mise en place d'un cadre institutionnel capable de répondre aux besoins de la population que le pays doit tous ses progrès.

Pourtant, il reste au Rwanda encore d'efforts à faire, car malgré l'allégement de la dette dans le cadre de l'Initiative PPTE et de l'Initiative pour l'allégement de la dette multilatérale, il est toujours exposé à un risque de surendettement, principalement parce qu'il reste très dépendant du financement extérieur et que sa base d'exportation est étroite. L'analyse de la soutenabilité de la dette indique aussi que le Rwanda reste très vulnérable aux chocs extérieurs (Banque Mondiale, 2009)

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CHAPITRE III

HISTORIQUE DU SOUS-DEVELOPPMENT ET DU CADRE INSTITUTIONNEL EN

HAITI

L'objet de ce chapitre est de passer en revue les différents stades historiques du développement d'Haïti et sa situation sociale et économique tout en tenant compte des mécanismes politiques influençant des différentes périodes et aussi en mettant emphase sur le cadre institutionnel de l'administration publique nationale. Dans un premier temps, nous faisons état de la présentation générale d'Haïti, ensuite nous faisons une récapitulation historique et enfin nous présentons les différentes tentatives qui ont été prises pour amener la République au développement comme promu par le monde occidental pour aboutir à la coopération internationale, notamment l'APD comme une solution finale.

3.1.- Présentation d'Haïti

La République d'Haïti est située dans la caraïbes insulaire, elle fait partie d'un des grandes Antilles ; l'ile d'Haïti (République d'Haïti et République Dominicaine) vient immédiatement en deuxième position après Cuba en termes de superficie.

Située dans la partie ouest de l'île d'Haïti, la République d'Haïti s'étend sur une superficie de 27 750 km2. L'ensemble du territoire est marqué par un relief accidenté comportant des massifs montagneux. 60 % des terres présentent des pentes supérieures à 20 %, qui se terminent en bordure de mer, par de rares plaines offrant parfois par de belles plages qui constituent une base pour l'industrie touristique. Avec un climat tropical, le pays connaît une saison pluvieuse s'étendant de mai à novembre, caractérisée par des pluies torrentielles et parfois d'ouragans cycloniques, mais favorable à la pratique des cultures vivrières et maraîchères et des cultures de rente, principalement le café, le cacao et la canne à sucre. On assiste cependant, depuis plusieurs décennies, à une grave dégradation de l'environnement causée par une coupe anarchique du bois dans les zones jadis luxuriantes. On estime la couverture forestière à moins de 2% actuellement, et chaque année quelque 40 millions de tonnes de terre arable s'en vont irréversiblement à la mer du fait de l'érosion des sols50.

Au recensement général de la population et de l'habitat de 2003, Haïti comptait une population de 8 373 750 habitants. Près de soixante pour cent de la population de l'ensemble du pays (59,2

50 Rapport national de la République d'Haïti, Port-au-Prince, avril 2008, p3.

51 Rose NESMY SAINT-LOUIS, Le vertige haïtien. Réflexions sur un pays en crise permanente, l'Harmatan, 2009 p25.

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%) vivent en milieu rural. La population haïtienne présente une structure jeune. Plus de la moitié de la population ont moins de vingt et un (21) ans. Les personnes âgées de moins de quinze (15) ans représentent 36,5 % de la population, celles de 15 à 64 ans 58,3 %, tandis que la population âgée de 65 ans et plus est de 5,1 % d'après les chiffres publiés par l'Institut haïtien de statistique et d'informatique (IHSI, 2003 cité par CNHCU, 2008). La moitié de la population est constituée de femmes. Une légère différence s'observe aux âges actifs particulièrement entre dix (10) et trente-neuf (39) ans. Au niveau des milieux de résidence, cet excédent est beaucoup plus prononcé avec 86 hommes pour 100 femmes en milieu urbain et 98 hommes pour 100 femmes en milieu rural. Cent pour cent de la population haïtienne parlent le créole qui est, à côté du français, langue officielle du pays. Même si la majorité des activités officielles ainsi que la scolarisation utilisent le français plus que le créole

Du point de vue historique, Haïti est marquée une colonisation d'environ trois siècles d'abord espagnole puis française. Elle a été occupée de 1915-1934 par les Etats-Unis. Socialement, le climat d'Haïti présente de sérieuse lacunes surtout en ce qui a trait aux conditions de vie de sa population : santé, logement, loisir, emploi,...Le paysage économique est lamentable : les crises politiques intenses auxquelles le pays a dû faire face tout au long de son existence, faisant symbiose avec son passé coloniale et ses contraintes environnementales, l'élaboration et l'inexistence véritable des plans de réformes économiques tant des gouvernements successifs haïtiens que de ses partenaires, sa non compétitivité dans le commerce international traduisent grosso modo, l'état actuel de l'économie nationale. La politique haïtienne est aussi en état très médiocre : le pays n'a pas survécu sans crises, luttes ardentes pour le pouvoir, l'ambivalence entre gouvernements et gouvernés, ... La situation va mal. Elle est décrite plus brièvement par R. Nesmy Saint-Louis :

« Chacun le sait : Haïti est en panne. Ce serait un péché contre le bon sens de dire le contraire. Son Etat est décomposé. Son président est décrié. Son peuple est désorienté. Son économie est délabrée. Son environnement est dévasté. Sa politique est désavouée. Sa société est déchirée. Sa nation est démembrée. Sa corruption est démesurée51. »

Compte tenu de la situation, la conclusion est donc facile à en déduire : le sous-développement.

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3.2.- Les antécédents à la situation

3.2.1.- La période coloniale

Avant de s'appeler Haïti, ce pays s'appelait Saint-Domingue. C'est l'histoire d'une colonisation de l'ile d'Haïti, conquis en 1492 par C. Colomb. C'est le tiers occidental de l'île d'Hispaniola qui est la deuxième île des Grandes Antilles par sa superficie. L'île d'Hispaniola a été l'un des points de départ de la conquête européenne des Amériques. Les puissances européennes du XVe siècle - le Portugal, l'Espagne, l'Angleterre, la France etc. - se livraient une guerre d'hégémonie et partaient à la conquête de nouvelles richesses (l'or, l'argent, les trésors etc.) en vue d'étendre leur suprématie commerciale, économique et militaire (Rogoziñski, 1999 cité par Pierre, 2014 :25).

En 1697, sous la pression, entre autres, des activités des squatteurs illégaux français sur la côte Nord-Ouest, l'Espagne, par le traité de Ryswick, a concédé la partie occidentale de l'île à la France (le futur Haïti) et gardé la partie orientale (la République Dominicaine). S'établit ainsi la société coloniale et esclavagiste de Saint-Domingue sous la domination des colons blancs français. Comme les autres îles des Caraïbes elle connaît les cycles de la colonisation entre le XVème et le XVIIIème siècle : à Saint-Domingue, cette première colonisation connaît sa forme la plus aboutie et la plus oppressive (N. Baggioni-Lopez, slnd). Le contexte auquel s'inscrit l'exploitation coloniale du Métropole justifie cette assertion. Colonie riche et prospère pour son métropole, Saint-Domingue était considéré comme l'emblème de l'économisme métropolitain de la France : l'exploitation agricole et industrielle dans les habitations se fait de manière rationnelle : irrigation, amélioration de la production dans ses rendements et dans sa qualité. En 1790, Saint-Domingue est le plus gros producteur mondial de sucre et celui-ci à la réputation d'être le meilleur du monde car, à partir de 1730, les planteurs sont passés d'une production en brut à une production en blanc ou terré, du sucre raffiné de meilleure qualité. Cette production est devenue majoritaire à partir des années 1750 au prix d'un fort investissement financier et technologique.

L'importance de l'économie de Saint-Domingue était telle qu'elle...

« ...mérite bien à la fin du XVIIIème siècle de s'appeler la Perle des Antilles : ses 793 sucreries en font de lui le premier producteur mondial de sucre. La colonie se place aussi première pour d'autres productions tropicales : l'indigo (3 150 indigoteries), le coton (789 cotonneries) et le café (2 117

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caféteries, cent millions de plants). Saint-Domingue a une grande importance économique pour la France puisqu'un Français sur vingt-cinq dépend directement du marché colonial et qu'un sur huit en vit. La colonie rapporte à sa métropole plus que toute l'Amérique espagnole à l'Espagne »52.

« D'un point de vue comparatif, la colonie française de Saint Domingue a été plus rentable à la France que les treize (13) colonies de l'Amérique du Nord l'ont été à l'Angleterre. Elle rapportait à elle seule à la métropole française « plus que tous ses autres territoires d'Outre Mer réunis53 »

Présentant une main d'oeuvre aussi efficace et efficiente, le nègre de Saint-Domingue était traité, selon l'expression de B. Lopez, de manière rationnelle. Par exemple la population servile de Saint-Domingue a été massivement vaccinée contre la variole dès les années 1780, avant la France, et si leur mortalité est massive, c'est qu'elle est rentable. Il est moins cher de remplacer un esclave que de l'entretenir. On peut aisément comprendre que, dans une telle situation, et utilisé comme biens meubles54, le nègre de Saint-Domingue ne vit pas : il survécut. Si cette situation présentait toute cette inhumanité d'un côté, elle favorisait dans l'autre la conscience à la liberté, d'ailleurs, comme le note Pierre (2014) le problème est que la prospérité et le développement de Saint Domingue se faisaient au prix du sang des esclaves noirs. En voie de conséquence, l'opulence de la colonie portait en elle-même les germes de sa destruction. C'est ce qui a produit, suite à une longue période de lutte (1791-1803), l'indépendance d'Haïti et sa proclamation le 1er janvier 1804.

3.2.2.- De la naissance du jeune Etat à l'Occupation américaine (1804-1915)

La République d'Haïti, l'Empire haïtien d'abord, devient la seconde plus vieille république de l'hémisphère occidental après les Etats-Unis d'Amérique55. L'année 2004 marque les 200 ans d'anniversaire de son indépendance. C'est aussi la seule société d'esclaves qui a conquis son indépendance en renversant par la révolte armée son colonisateur (J. A. Pierre, 2014). Mais très tôt après son indépendance, la jeune Etat va faire a des difficultés grandioses. L'un des premiers grands défis auxquels se confrontait le jeune Etat au lendemain de l'indépendance est celui de l'organisation socio-politique de la société post coloniale et esclavagiste.

52 Baggioni-Lopez, Nadine, Saint-Domingue/Haïti : Histoire, géographie et enseignement, p19.

53 Pierre J. A., Sociologie Economique de la Corruption. Vers une étude..., p26

54 L'article 44 du code noir se lit ainsi : « l'esclave est un bien meuble ».

55 Baggioni-Lopez, op. Cit.

54

Après le départ des Français, les pères fondateurs d'Haïti désirent créer un pays neuf débarrassé des préjugés hérités de l'esclavage. Il n'empêche que le pays hérite d'une culture sociale, économique et politique prenant ses racines dans la colonisation et la Révolution. Les luttes pour le pouvoir apparaissent tôt l'apanage de ce nouvel Etat. La mort de l'empereur est une tragédie ; la scission du pays entre Pétion et Christophe en est une autre. En effet, la période qui va de 1804 à 1915 est caractérisée par une instabilité politique créée par une série de conflits occasionnés par la structure socioéconomique héritée de la colonisation française (J.R. Lahens, 2014). Jusqu'à 1825, le peuple haïtien vit une psychose du retour des Français et par conséquent le rétablissement a du système esclavagiste. C'est dans ce sens que les premiers dirigeants haïtiens (Dessalines, Christophe, Pétion, Boyer), « virocrates », distingués dans les rangs militaires et parmi les généraux par leur vigueur et leur prouesse, étaient particulièrement préoccupés par la question de la sécurité du territoire qu'ils avaient libéré et acquis par la force des armes (Lundahl, 2002 cité par Pierre, 2014). Jusqu'au débarquement des troupes américaines, Haïti a été le théâtre d'instabilité politique, sociale et économique chronique particulièrement en raison de la lourdeur des taxes qui pèsent sur la production du café, le seul moyen de financer la dette. Le soulèvement des mouvements paysans, qu'il s'agisse des piquets dans le sud ou des cacos dans le Nord, s'inscrit dans une même logique. Analysant la période, Jean-Abel Pierre voit les gouvernements de la période comme étant « prédateurs ou corrompus ». La faiblesse économique qui pousse les gouvernements à contracter des emprunts des gouvernements étrangers. Les emprunts suivants, 37 millions en 1896, 64 millions en 1916, ont des taux d'intérêts entre 15 et 30 % annuels ! Le service de la dette draine 40 % des recettes publiques. Ce qui entraines des conditions difficiles de vie pour la population. Au début du XXe siècle, le régime s'avéra incapable d'atteindre un minimum de stabilité politique. Les guerres civiles revêtirent un caractère permanent. Le malaise économique et social se transforma en une vie politique de plus en plus agitée (Castor, 1997). « Les paysans défendent les terres qu'ils occupent illégalement avec machette et fusil. Parallèlement, la pression démographique rurale très forte engendre un exode rural vers les villes ». Le rythme des émeutes rurales ou urbaines ne cesse d'augmenter tout au long de la période. Le pays acquiert sur la scène internationale une réputation calamiteuse de pays pauvre, instable et dangereux. Tous ces évènements vont favoriser l'invasion américaine le 28 juillet 1915.

55

3.2.3.- L'occupation américaine

L'évènement politique le plus important du début du 20e siècle haïtien est sans doute le débarquement des marines américains dans le pays, soit le 28 juillet 1915 (R. Nesmy SAINT LOUIS, 2010). Cette occupation américaine marque la première participation directe des étrangers à la répression des masses depuis l'indépendance. Si elle a été due par l'absence totale de résistance de l'armée, les mouvements populaires n'ont pas cédé sans résistance. « Le désarmement des principaux chefs Cacos dure plus de trois ans. La répression fait plusieurs milliers de morts. [Selon les propres estimations officielles du Département d'Etat aux Etats-Unis, a couté la vie à environ 3000 haïtiens]. La pacification n'est effective qu'à partir de 1920 lorsque sont réduits les derniers maquis dans le Nord, tenus par Charlemagne Péralte56. »

Cette occupation se donne des apparences de légalité puisque les institutions fonctionnent avec un président élu et une chambre. Le pays a simplement passé une convention avec la puissance occupante. Mais la réalité du pouvoir est dans d'autres mains, celles du haut-commissaire, du receveur général et du conseiller financier, des militaires recevant leurs ordres de Washington. Ces nouvelles autorités se donnent comme tâche de reconstruire l'autorité publique et de redonner à l'Etat qu'elles contrôlent une administration publique efficace sur deux domaines prioritaires : l'ordre public et la fiscalité. Elles créent en 1917 un appareil répressif efficace, agissant sur l'ensemble du territoire et centralisé, la Gendarmerie. Si les troupes sont haïtiennes, les officiers viennent des Etats-Unis. Pour établir un Etat efficace à leur service, moderniser l'administration publique et financer les infrastructures, elles créent en 1924 l'Administration générale des Contributions qui devient par la suite la Direction Générale des Impôts (DGI).

Si les américains ont tout essayé pour cacher véritablement l'objet de leur occupation, l'analyse des faits nous donne une idée de la situation socioéconomique de la population dû à l'avènement des marines américains. Suzy Castor fait remarquer « La paysannerie devint victime des expropriations, forme première de l'exploitation capitaliste dans une colonie ou pays occupé. A. partir de juillet 1915, plusieurs hommes d'affaires s'intéressent à l'établissement de plantations agricoles. Plusieurs commissions voyagent pour étudier les possibilités offertes par Haïti à cette fin, et les résultats des études, envoyées au Département d'Etat, semblent favorables. M. Check, de la Goodrich Co., recommande confidentiellement Haïti comme la seule zone des Caraïbes pouvant assurer pleinement la culture du caoutchouc57 ». Comme

56 Baggionni-Lopez, N., op cit, p51.

57 CASTOR, S., L'occupation américaine d'Haïti, 1997, p90.

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conséquence, l'exploitation prédatrice du bois continue à grande échelle fait passer le couvert forestier de 60 % à 21 %. La petite paysannerie se trouve prolétarisée sur les grandes plantations, dans les villes, ou obligée d'émigrer vers les autres pays de la Caraïbe ou vers l'Amérique du Nord. Cette émigration, véritable soupape de sécurité des crises agraires suscitées par les expulsions, est encouragée et organisée par les autorités

(Lahens, 2014). En résumé, pendant les 19 ans de l'occupation, l'élévation du niveau de vie des couches sociales majoritaires ne s'est pas produite. [...] Seule l'Elite minoritaire privilégiée a tiré pleinement parti de l'occupation, en collaborant étroitement avec l'impérialisme, ce qui lui a permis de réaliser de plantureuses affaires. (E. Bernardin, 2006 :171). Une telle situation a pour corollaire le massacre en République Dominicaine par Trujillo du 2 au 4 octobre 1937 de plus d'environ 25 000 haïtiens.

3.2.4.- De la désoccupation américaine à 1986

Les Américains ont laissé le territoire haïtien le 21 aout 1934 au terme de 19 an accompli d'occupation. Protestation populaire, lutte intellectuelle dans le mouvement indigéniste, accord légal, ...ont tous contribué à cette désoccupation militaire.

Peu après le départ des américains, la fragilité politique confirme sa persistance : en 1935, le président S. Vincent fait voter un nouveau constituant qui permettait au président de garder le pouvoir cinq ans de plus, chez qui suscite des sévères mécontentements chez l'opposition parlementaire ; la pratique d'une politique sociopolitique sectarisme, qui favorisera le retour à l'instabilité, et l'instauration d'une dictature anachronique ; les tentatives anticonstitutionnelles de Magloire afin de garder le pouvoir, la pratique d'une dictature macoute des Duvalier sont autant d'éléments qui expliquent la fragilité politique des gouvernements du pays de la désoccupation a 1986. Sans parler de l'environnement économique et social qui n'était pas vraiment favorable, les gouvernements de la période se sont hérités sur le développement du pays.

3.2.3.1 la situation sociale et l'environnement économique de la période

La misère provoquée par l'occupation a eu comme conséquence la migration massive des paysans haïtiens vers d'autres pays de la caraïbe. Environ 25 000 haïtiens ont perdu la vie en République Dominicaine. Incapable de tout faire, le gouvernement de la période n'a eu que, sous négociation à Washington, 2 dollars par tête d'haïtiens. L'avènement au pouvoir de Lescot qui privilégiait une « nuance épidermique de la minorité mulâtresse qui constituait que l'un des

« La situation, en 1946, eu égard au sectarisme et à la politique anti-démocratique du gouvernement de Lescot, était semblable à celle de Saint-Domingue, avant la Révolution.

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critères d'accession à la fonction publique alors que l'écrasante majorité, soit 95 % de la population était noir », ajouter avec les catastrophes de la création de la SHADA qui conduisait plus que 130 000 hectares au déboisement en vue de la culture du sisal et de l'hévéa aggravaient de plus en plus la situation de vie de la population de l'ère. Le désenchantement social de la société haïtienne a contribué à l'émergence d'une nouvelle Elite intellectuelle, réunie autour de la revue Les Griots, dans l'objectif de poser les positions d'une réconciliation socioculturelle nationale. Car depuis après la désoccupation, la bourgeoisie mulâtresse reprend les rênes du pouvoir laissées par l'occupant et maintient une la société dans l'inégalité et la misère criante. Face à une telle circonstance, le noirisme, plus politique, plus radical, et surtout raciste, affirme la radicale altérité de l'homme noir, celle d'une essence nègre. Ainsi, Noirisme et Indigénisme ont contribué [...] l'instrumentalisation des masses noires, ce qui a provoqué ce que quelques historiens appellent la crise de 1946.

L'émergence du syndicalisme en Haïti et formation des partis politique, ainsi que l'accession d'un noir à la présidence, Dumarsais Estimé, a favorisé même une amélioration des conditions de vie de la population. D. Estimé, contrairement à son prédécesseur, l'administration publique haïtienne, est ouverte aux jeunes intellectuels noirs de la classe moyenne. Et si sous Magloire il y avait un mieux-être économique, qui est due à la seconde guerre mondiale, son véritable objectif était gardé le pouvoir. Malheureusement, en 1957, dans un contexte d'agitation sociale et d'instabilité politique, c'est l'armée qui porte au pouvoir François Duvalier dans un bain de sang lors d'une parodie de démocratie.

3.2.3.3.- 1946 : une révolution sociale

La victoire successive sur l'Allemagne nazie et sur le Japon militariste en mai et en aout 1945 met fin à la deuxième grande guerre du siècle et fait souffler sur le monde d'alors un vent libérateur. Dans ce contexte international, notre pays, dès les premiers jours de l'année suivante, est fortement secoué par une poussée revendicative pour la conquête des libertés démocratiques et la promotion des droits sociaux en faveur des majorités historiquement marginalisées (Michel Hector, 2006, p235). Ainsi conduit, sous le gouvernement de Lescot, dans une situation socioéconomique et politique critique, la révolution, ou pour certains, le mouvement de 1946.

Ernst Bernardin écrit :

58 Ernst A. Bernardin, Histoire Economique et Sociale d'Haïti de 1804 à nos jours : l'Etat complice et la faillite d'un système, Imprimerie Le Natal, P-au-P, 1998, p177.

58

C'était un baril de poudre que la moindre étincelle pouvait faire éclater. L'occasion fournie par la fermeture du journal La Ruche. Un groupe d'étudiants hostiles au régime de Lescot rallia d'autres secteurs d'opposition et lança un mot d'ordre de grève le 7 janvier 1946. (...) le 10 janvier, la grève fut générale. [...] Le mouvement se mua rapidement en insurrection et déchoucage contre le gouvernement58. »

Pourtant, de portée nationaliste et socialiste, cette crise de 1946 amène au pouvoir la nouvelle bourgeoisie noire portée par la toute nouvelle idéologie noiriste alors en plein zénith. Ce n'est pourtant que le remplacement d'une bourgeoisie par une autre et le sort des paysans et des ouvriers n'en est pas amélioré pour autant (N. Baggioni-Lopez, 2009, p55).

3.2.3.3. La période duvaliériste

Le pouvoir duvaliériste apparait aujourd'hui dans l'histoire d'Haïti, comme celui qui aura connu la plus longue durée et plus fortement marquée les consciences. Par sa nature particulière, il constitue l'un des phénomènes politiques les plus effroyables de l'époque contemporaine (E. Charles, 1994). Il est sans doute le personnage le plus emblématique de l'histoire d'Haïti du XXe siècle. Incarnant la malice politique, la politique raciale, le choc noir-mulâtre, la soif de pouvoir, la violence démesurée et le messianisme politique, Duvalier est le résumé de l'histoire d'Haïti. (R. Saint Louis, 2009, p111). Issu d'un milieu modeste, est le produit de l'élévation de la petite bourgeoisie noire, il entre en politique au début des années 1950. En 1957, il se porte candidat, et son accession au pouvoir est dû aux différentes crises qu'a confrontées le pays (M. R. Trouillot, 1986).

Mettant en place une administration de l'espace qui lui est propre et un système répressif singulier, François Duvalier érige un système propre qui lui a permis d'assurer la mainmise et de contrôler son pouvoir, a lui seul. Les Tontons macoutes, ou Volontaires de la Sécurité Nationale, dévoués au service de leur chef, sont prêts à tout faire pour lui garder le pouvoir, faisant de violence un devoir et la répression l'ordre du système. Et pendant ce temps, l'économie agricole du pays se tend à se détériorer. Les systèmes de production et de cultures mis en place allaient miner l'écosystème sous la double influence de la structure agraire et la migration. Il faut aussi ajouter que, si les paysans sont très attachés à la terre, ils ne sont toutefois pas propriétaires. Contraint à survivre, la population rurale accorde peu de temps aux écosystèmes pour se régénérer, conséquemment, dès que la terre ne leur permettait pas de

59

satisfaire leur besoin, les exploitants migraient vers les villes ou dans les zones peu dégradées. Parallèlement, le duvaliérisme a aussi contribué à la rapide dévastation de la couverture forestière, la proportion de la couverture végétale sur l'ensemble du territoire continuait à se régresser : 30 % en 1940, 21,6 % en 1945, 10 % en 1970 et 4 % en 1986 (Lahens, 2014).

L'économie sans croissance ne pouvait pas créer des emplois comme mesure d'accompagnement de la croissance démographique. Elle ne pouvait pas sauver les masses paysannes et urbaines en péril et conduire au rééquilibrage socioéconomique. L'ensemble de la production agricole a connu une baisse annuelle de - 0,6 % alors que la population a augmenté de 2 %. Les tentatives d'industrialisation et de modernisation de l'économie des années 1970 se sont soldées par des échecs. Dans son livre L'Économie haïtienne et sa voie de développement, Pierre-Charles montre comment les « bases structurelles » de l'économie haïtienne ont été dans l'incapacité de provoquer un cycle continu de développement (Pierre-Charles, 1993 ; Joachim, 1979, cites par Pierre, 2014). Suivant ses propos, « ces bases sont constituées par une agriculture stationnaire et primitive, par l'absence d'oeuvres d'infrastructure, par une industrie débutante incapable de se développer. Voilà pourquoi l'on assiste, mis à part la répression politique caractéristique, à la migration (interne ou externe) excessive (Hurbon, 1987 ; Paul, 2008 ; Noel, 2012 ; J. Duval, 2013) de cette période, du phénomène de boat people, fuite des cerveaux vers l'extérieur, l'Amérique du Nord surtout.

Tableau 7

La population haïtienne selon la résidence suivants les recensements respectifs

Secteur de

résidence

 

1950

1971

1982

2003

 

Effectif

%

Effectif

%

Effectif

%

Effectif

%

Urbain

 

377.355

12,2

880.551

20,3

1.042.102

20.6

3.204.965

40,42

Rural

 

2.719.265

87.8

3.449.440

79,7

4.011.089

79,4

4.724.083

59,58

Total

 

3.097.220

100

4.329.991

100

5.053.191

100

7.929.048

100

Source : IHSI, Recueil se statistiques sociales, vol. 1 :19 et recensements de 2002, Résultats préliminaires in MPCE, Carte de Pauvreté d'Haïti, Port-au-Prince, 2004, p8.

60

Graphe 3

Evolution de population urbaine par la migration

100

90

80

70

60

50

40

30

20

10

0

1950 1971 1982 2003

ville campagne

L'analyse des données du tableau et la courbe du graphe nous permet de constater une migration rapide, qui a tendance à être doublée à chaque période. Ainsi, nous pouvons observer la progression de la population urbaine au détriment de la population rurale.

Si le gouvernement a tenté quelques reformes, les statistiques nous montrent clairement que la réforme économique engagée par le régime s'est soldée par un échec. La production a chuté. La pauvreté rurale s'est aggravée. La paupérisation urbaine s'est accélérée ; selon la Banque mondiale (...) le salaire minimal des ouvriers en 1984 était inférieur de 21% à ce qu'il était en 197159. Cependant, l 'une des grandes leçons à retenir, en dehors du désastre économique, c'est que les charges de corruption contre le duvaliérisme sont exagérées et sans fondement statistique. François Duvalier a laissé le pays avec des réserves nationales brutes de $4 millions, une balance des paiements de $11 millions et une relativement légère dette extérieure (publique) de $40 millions (13 % du P11B de 1970). Remarquons, à titre de comparaison, que la dette extérieure du pays représentait 24 % du P11B en 2006 et 21 %en 2008 (R. Saint-Louis, 2006, p.125)

Dans une telle situation (problèmes structurels, crises politiques, déficit en capital humain, déficit en investissement, ...) d'une économie aussi fragile, il est plus qu'évident que sous-développement surgit et se développe rapidement.

59 HURBON, L., Comprendre Haïti. Essai sur l'État, la nation, la culture, 1987, p26.

61

3.3.- Un éventail de la situation politique haïtienne post 86

« Au matin du 7 février, un immense cri de joie est entendu aux quatre coins du pays. À Port-au-Prince, 500 000 personnes environ, toutes catégories sociales confondues, hommes et femmes, déferlent autour du palais présidentiel. La presse étrangère est surprise par la rage avec laquelle le peuple traque les macoutes. Certains sont lapidés, d'autres brûlés vifs. Leurs maisons sont pillées et incendiées. La rapidité avec laquelle des macoutes sont repérés démontre jusqu'à quel point la colère populaire se contenait auparavant60. » Si tel a été le sort les tontons macoutes et les fidèles serviteurs du régime, l'objectif ou le rêve qu'avait vraiment nourri le peuple, c'était un régime soulageant. En effet, au lendemain du départ, le pays, en pleine effervescence, et dans toutes les couches sociales avaient cru que la démocratie est pour demain ; et cette idée semble dominer les esprits. L'adoption un an plus tard d'un nouveau contrat social semble vraiment marquer le début de l'ère démocratique, avec la constitution de 1987.

Une vague de mouvements de démocratisation dans le monde tant en Europe qu'en Amérique avait été prônée par l'adoption des droits de l'homme par l'ONU en 1945. Il s'est accompagné à ce mouvement dans les pays du tiers-monde la montée en puissance de la théologie de la libération prônée par l'Eglise catholique qui « s'implique dans les réformes sociales, économiques et politiques, en opposition à l'autoritarisme politique dans beaucoup de pays, en Amérique latine particulièrement. Les prêtres de la théologie de la libération -- les ti-legliz -- animent des communautés ecclésiales de base, ferments d'agitation sociale et politique. Ils entament au moyen de centres de formation et d'éducation un processus de dézombification de la société »61. La théologie de l'Église des pauvres pour les pauvres devenait hégémonique ; la visite du Pape en 1984 et son appelle au Toutes les ressources de l'imaginaire populaire ont été ainsi mises à contribution pour qu'une ligne de démarcation soit nettement tracée entre le peuple et le camp de la dictature (L. Hurbon, 1987). Meneur de ce mouvement en Haïti, Jean-Bertrand Aristide va être le principal bénéficiaire a son accession le 16 décembre 1991 à la magistrature suprême. Très tôt, la jeune démocratie va faire a des problèmes intenses, justifiant même ce constat de V. Dubique dans les élections dans la transition démocratique haïtienne : « L'histoire d'Haïti, au cours de la période post-Duvalier, est marquée particulièrement par une méconnaissance des règles du jeu démocratique. Certains faits sociaux et politiques traduisent

60 L. Hurbon, « le fantasme du maitre », in Comprendre Haïti. Essai sur l'État, la nation, la culture, p17.

61 N. Baggioni-Lopez, Saint-Domingue/Haïti : histoire, géographie, enseignement (collèges, lycée professionnel), sld, p56.

62

dans leurs effets une situation chaotique qui va à l'encontre même de toute perception primaire de la démocratie. » lorsqu'il fut victime le 29 septembre 1991, après seulement sept mois à la tête de l`Etat, du coup d'Etat le plus sanglant de l'histoire du pays, chaleureusement accueilli par l'Elite économique (R. Nesmy Saint-Louis, 2010, p.144). Bref, l'histoire apparente d'Haïti durant les années 1986 à 2004 donne l'impression d'un immense chaos politique (N. Baggioni-Lopez, lsd, p.59) qui est devenu de jour en jour plus instable : le retour du président en 1994 avec le support américain au gré d'une intervention militaire baptisée « Appui à la démocratie » (S. Pierre Etienne, 2011) ; la période 2000-2004 a été très bouleversée ; élimination physique d'opposants politiques, les crises intenses électorales, ... Le processus de démocratie encadrée s'essouffle dans ce climat de violence qui s'accroît : les élections de 1996, puis celles de 2000, qui voient le retour d'Aristide à la présidence sont entachées de violences et de tricheries sous les yeux des observateurs internationaux impuissants. Cependant que l'anarcho-populisme d'Aristide se voit de plus en plus contesté, la crise politique s'amplifie, les manifestations se multiplier jusqu'à ce qu'une insurrection partie des Gonaïves menace de marcher sur le palais présidentiel. Lâché par ceux qui l'avaient amené au pouvoir, le président choisit la voie de l'exil le 29 février 2004 tandis que l'ONU déploie, par la résolution 1529 adoptée le 29 février 2004 (S. Pierre Etienne, 2011) une force internationale pour le rétablissement d'un processus démocratique en Haïti, la MINUSTAH (Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti)62.

Une telle situation a sans doute des effets désastreux l'environnement économique qui affiche dans cette période des taux de croissance lamentable. Le tableau 3.1 ci-dessous nous présente une synthèse :

Tableau 8 : Taux de croissance du PIB (2001-2010)

Année

2001

2002

2003

2004

 

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Taux de
croissance

-1,00

-0,26

0,36

-3.51

 

1,80

2,25

3,34

0,84

2,88

-5,10

Source : Fritz Jean-Jacques, l'économie haïtienne, p11.

La progression et la régression peuvent être mieux comprises à la lecture du graphe.

62 Nadine Baggioni-Lopez, p60-61

63

Graphe 4: Evolution du taux de croissance du PIB de 2001 a 2010 rn

4

-6

2010

2001 2002 2003 2004

2005 2006 2007 2008 2009

3

2

1

0

-1

-2

-3

-4

-5

Série 1

L'augmentation de la production n'a pas suivi l'accroissement naturel de la population. La production agricole déjà faible, qui subit les effets du déboisement, de l'appauvrissement des terres et ne connaît aucun investissement sérieux ne peut plus du tout nourrir la population. Haïti doit importer 51 % de sa nourriture et devient soumis aux fluctuations du marché. L'embargo qui frappe le pays de 1991 à 1994 n'a guère affaibli les plus riches, mais durement frappé les plus pauvres : envolée des prix des produits de base, pénurie des produits pétroliers, fuite des entreprises de montage installées du temps des Duvalier. Les Programmes d'ajustements structurels de la BM et du FMI demandent la libéralisation du marché dans une ou économie qui ne produit presque rien.

Somme toute la situation économique présente une situation de marasme énorme.

3.4.- La situation socioéconomique du pays 1986-2000

Le Professeur Sauveur Pierre Etienne, dans L'invasion des ONG en Haïti, a fait savoir que « n'importe quel étranger arrivant en Haïti peut, dès ses premiers pas et au premier coup d'oeil, se rendre compte qu'il s'agit d'un pays dont les structures sont dramatiquement arriérées. Les statistiques officielles disponibles sont - volontairement ou involontairement - faussées pour masquer la gravité de la situation. Elles lui permettront, malgré tout, de comprendre qu'une distance astronomique sépare déjà Haïti de ses voisins les plus proches de la Caraïbe, de l'Amérique centrale, des pays du Cône Sud et surtout de L'Amérique du Nord. Le pays souffre en effet d'un sous-développement chronique ; c'est d'ailleurs l'unique PMA du continent américain, et ses structures reflètent tous les symptômes, tous les critères, les caractéristiques

64

ou caractères fondamentaux du sous-développement63». Suite à une funeste histoire marquée par le néocolonialisme et l'exploitation indirecte, par une extension de l'économie de traite, après avoir épuisé les ressources naturelles et agricoles du pays, par l'exploitation de sa main-d'oeuvre, Haïti est un pays pionnier dans les processus de sous-développement, et celui-ci est étroitement lié à la problématique de la domination (N. Baggioni-Lopez, sd, 63).

Pour mieux cerner et comprendre la situation socioéconomique de la période, et la question de la pauvreté chronique (voir tableau 1), nous allons nous référer aux variables suivantes : sous-alimentation, éducation, santé, migration et emploi, ....

Tableau 9 : Pauvreté et pauvreté extrême en Haïti

Indice en nombre d'habitants

Nombre d'habitants

Extrêmement pauvres

(Moins de $1 dollar PPA / jour)

Pauvres

(Moins de $2 dollars PPA/jr)

Extrêmement pauvres

Pauvres

56%

76 %

4 450 000

6 200 000

Source : Document de Stratégie Nationale pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté (2008-2010), p.32.

3.4.1.- L'alimentation

Le PIB par habitant est de 450 $ et 70 à 80 % des habitants sont en dessous du seuil de pauvreté : 60 % des Haïtiens vivent avec moins de 0,70 € par jour. La fréquence du rationnement face au manque d'argent ou de nourriture ou l'insuffisance pondérale des adultes montrent que la pauvreté touche d'abord l'essentiel : manger, survivre. Ceci peut être expliqué en dépit du fait que l'agriculture, base sur laquelle l'économie du pays a été fondée, est en chute libre et constante. Au cours des années 1800, le secteur primaire, dominé par l'agriculture, représentait environ 95% du PIB ; pourtant, de manière surprenante, ce secteur compte pour moins de 25% du PIB en 2009 (IHSI, 2009). Ainsi, le peut ne peut plus produire pour satisfaire même la demande interne puisqu''Haïti doit importer 51 % de sa nourriture. Selon les statistiques officielles et internationales, le déficit alimentaire chez le Haïtien est exceptionnellement grave. En effet, sa consommation moyenne journalière est de 1 900 calories et de 13 grammes de proteines3, contrairement aux recommandations de la FAO qui sont de l'ordre de 2 200 calories et 55 grammes de protéines pour une diète équilibrée. Sur la base de ces données, le déficit alimentaire journalier chez Le Haïtien est de 300 calories et 42 grammes de protéines (S. P. Etienne, 2010). L'insécurité alimentaire se traduit par des taux de malnutrition élevée,

63 Sauveur Pierre, Etienne, L'invasion des ONG en Haïti, p114.

65

notamment chez les enfants de moins de cinq ans : 23 % de ces enfants souffrent de malnutrition chronique ; 5% de malnutrition aigüe et 17 % d'insuffisance pondérale (CCI, 2004).

3.4.2.- le système sanitaire

Le système sanitaire est fortement déficient [...] en Haïti. Il ne permet pas d'offrir à la population les services de bases qu'elle est en droit d'attendre. L'Esperance de vie des haïtiens a régressé de 55 à 53 ans ces dernières années. La mortalité infantile et juvénile demeure très élevée. La prévalence de la malnutrition chronique, sévère ou modérée, des enfants de moins de cinq ans est de 22%. La mortalité maternelle est très élevée (523 pour 100 000 naissances vivantes). Les médicaments essentiels ne sont pas accessibles aux patients. La réforme du système de soin en périphérie, les Unités Communales de Santé, ne sont pas efficaces (CCI, 2004 :35).

3.4.3.- L'éducation

L'administration coloniale avait fait de l'éducation un choix ; et on est en droit de passer de penser que ce choix a des répercussions en matière d'éducation dans le pays aujourd'hui, car au lendemain de l'indépendance, le pays fonctionne avec une population environ 100 % d'analphabètes. Aujourd'hui, le pays figure en très mauvaise position en matière de niveau d'éducation et d'alphabétisation. Il fait partie des pays ciblés par l'UNESCO comme ayant un taux extrêmement élevé d'analphabétisme. Tout effort dans le sens du développement intégral du pays est relativement paralysé, à cause notamment de ce taux d'analphabétisme qui est estimé, en 2003, par l'Institut Haïtien de Statistiques à environ 49% (RNRH, 2008). D'ailleurs, [...] la forte prévalence de l'analphabétisme a constitué un des indicateurs majeurs du sous-développement d'Haïti (IHSI, 2001).

Si la grande demande scolaire a éclaté véritablement vers les années 1970, suite à différents facteurs tel que l'intensification de l'exode rural et l'immigration à l'étranger, l'Etat haïtien n'est pas en mesure d'abord de répondre suffisamment à cette demande en construisant suffisamment d'écoles pour faire face à cette demande, et ensuite, les écoles disponibles n'avaient pas suffisamment de places et se trouvaient isolées sans un véritable contrôle. Les maîtres n'étant pas adéquatement préparés à leurs tâches, il s'en est suivi soit un massif abandon scolaire après 2 ou 3 années de classes, soit une éducation au rabais (RNRH, 2008 :6). Selon les données officielles, l'Etat se présente comme un acteur quasi-absent dans le secteur éducatif haïtien. Le tableau suivant nous présente une vue globale de la situation.

66

Tableau 10: Répartition des écoles selon qu'elles soient ou non public

Catégorie
d'école

Ecole à
niveau unique

Ecole à double
niveau

Ecole
complète

Total

Pourcentage

Public

 
 
 

1 688

12 %

Non public

 
 
 

11 911

88 %

Total

4 494

7 851

1 254

13 599

100 %

Source : Réalisé selon les données de MENFP/DPCE Recensement scolaire 2010-2011, P-au-P, 2011

p13.

Généralement, les indicateurs sociaux sont alarmants : Haïti est le seul pays du continent figurant sur la liste des pays les moins avancés et se classe 146e rang pour l'IDH, peuplé d'environ 10 millions et 60 % vit en milieu rural ; et dans ce pourcentage près de la moitié ont moins que 18 ans.

Les indicateurs de santé publiques sont les pires de la région : l'Esperance de vit est de 53 ans; la mortalité infantile est de 80 pour 1000 ; la mortalité maternelle est de 523 pour 100 000 naissances vivantes ; 28 % seulement de la population utilisé des équipements sanitaires appropriés ; un quart de naissance seulement est assisté par un personnel médical ; la moitié de la population n'a pas accès à l'eau potable ; la prévalence du VIH-Sida atteint 5% environ de la population ; le taux net de scolarisation primaire est de 68% avec une qualité de l'offre très faible et près de la moitié de la population est analphabète ; 65% de la population vit sous un seuil de pauvreté monétaire,... Voilà, en gros, une vue de la présentation globale de la situation socioéconomique d'Haïti au cours de la période allant de 2000 à 2011.

Au regard d'une telle situation marquée par le chaos, de l'instabilité sous toutes ses formes : crises politiques intenses, économie délabrée, violence, insécurité, misère, des graves problèmes sanitaires, bref une situation sociale énorme au cours de la période 1991 à 2004 désastreuse, le développement sous toutes ses formes est bien plus qu'un rêve, et non une réalité. Si l'année 2000 a été prometteuse avec surtout le sommet ayant débouché sur les OMD, Haïti voit sans doute dans les programmes d'aide de développement de la coopération internationale un atout, de même que la communauté internationale voit Haïti comme un terrain favorable. Et le pays ne voit pas d'autre sortie que l'assistance internationale pour son développement : qu'elle soit financière, économique ou politique. Ceci, depuis la fin de la dictature des Duvalier, comme l'a écrit le professeur James Boyard : « l'aide internationale à

67

Haïti a connu un essor fulgurant au point que le pays s'est hissé, et a peine en plus de deux décennies, au premier rang des pays les plus assistés au monde. Pourtant, le paradoxe est que, à mesure que l'aide publique au développement afflue vers Haïti, la dégradation sociale, politique et institutionnelle du pays semble s'accélérer64. » afin de mieux comprendre cette assertion, et surtout comment s'articule la gestion de l'aide, une étude plus approfondie sera faite au chapitre suivant.

3.5 L'héritage institutionnel haïtien

Historiquement, la lutte pour le pouvoir, la lutte entre les classes sociales, les conflits terriens et les conflits pour l'accaparement des postes lucratifs ont contribué au délabrement de l'ancienne « Perle des Antilles ». [...] En effet, sur le plan politique, ce pays a connu des périodes d'instabilité. Depuis la fin du régime dictatorial des Duvalier (1957-1986), Haïti fait face à une interminable transition démocratique. De 1986 à 2000, il y a eu 7 coups d'État ou démissions forcées des chefs de l'exécutif. Il s'ensuit également la répression politique et la terreur qui maintient le peuple, déjà sous l'emprise de la misère, dans la peur.

3.5.1 Les institutions politiques

« Le coup d'état de septembre 1991 ayant constitué un frein au processus démocratique, il a fallu atteindre le retour de l'ordre constitutionnel, en 1994, pour espérer voir se réaliser enfin de bonnes élections en Haïti. Plus que jamais, s'était présentée le moment de faire le bon choix : la création d'une nouvelle institution électorale pouvant assurer une certaine neutralité entre les postulants aux postes électifs du pays65. Pourtant, « [...] loin de suivre la voie tracée par la constitution pour la formation du CE Provisoire, ou, à défaut, de faire appel à tous les partis politique pour trouver des compromis acceptables a la majorité, une approche arbitraire a été adoptée par le pouvoir exécutif66. Il n'est pas différent pour le parlement, qui veut de temps à autres confirmer leur soumission à l'exécutif dans leurs choix politiques.

64 James BOYARD, « La mauvaise gestion de l'aide internationale à Haïti : les mécanismes et facteurs en cause, première partie, Le nouvelliste, 25 aout 2017.

65 Avril PROSPERE, Le livre noir de l'insécurité, Page 71

66 Idem.

68

3.5.2 La justice, l'armée et la sécurité

La première élection post-duvaliériste en novembre 1987 a été baignée par le sang. L'armée met en selle Leslie Manigat, en janvier 1988 ». Tel fut le bilan d'une première élection réalisée suite à une dictature constatée et constable. Avec une armée omniprésente, aucune institution n'est censée autonome, même pour la rotation du pouvoir. Or, les élections sont le baromètre de la démocratie contemporaine.

L'armée, loin d'être une institution professionnelle assurant la sécurité du territoire et la population, elle est une institution au service, maintes fois, des hommes politiques, des présidents. Ce qui justifie bien souvent les coups d'état perpétrés au cours de l'histoire politique haïtienne. Et la justice, de son côté s'est fait montre d'un laxisme sans pareille. Comme preuve, malgré les crimes commis par les partisans de Duvalier, au jugement n'a été rendu ; il en est de même pour les autres gouvernements ayant commis de graves crimes contre la population

3.5.3 L'appareil administratif

La défaillance des pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) illustre le mode de gouvernance mis en place. L'administration publique est incapable de faire face aux menaces auxquelles est exposée la population haïtienne67. Pour leur part, Hector et Hurbon ont souligné que l'une des principales caractéristiques de l'État haïtien est son impuissance à répondre à des revendications (eau potable, électricité pour tous, scolarisation universelle, voies de communication, sécurité des citoyens et de la propriété, protection de l'environnement) qui lui sont adressées directement depuis 198668.Dans ce même ordre d'idées, le professeur Holly a utilisé les termes « État fantôme69 », « État inexistant70 » pour montrer le niveau de faiblesse et d'irresponsabilité de l'État haïtien. Ce qui est à la baisse de la misère, de la pauvreté et surtout de l'exclusion sociale.

Cette société d'exclusion a donné naissance à un État particulier qui est couramment appelé « État prédateur ». Dans cet État, les gouvernants monopolisent le pouvoir au service de leurs propres intérêts au lieu de l'exercer en faveur de l'ensemble des citoyens. Selon la littérature, la politique de l'État haïtien a, tout au cours de son histoire, favorisé l'appauvrissement de la

67 Pierre Ezer Pélissier, Le rôle des ONG dans les pays en développement, le cas d'Haïti, Mémoire, Université d'Ottawa, Canada 22 juillet 2013, p39

68 Hector, Michel et Laënnec Hurbon, « Introduction : Les fondations », dans Hector, Michel et Laënnec Hurbon (dir.), op. cit., p. 14

6969Holly, Daniel, « Un État fantôme », Relations, no. 746, février 2011, p. 13-15.

70 Holy, Daniel, De l'Etat en Haïti

69

paysannerie et l'enrichissement des élites comme le témoigne le schéma traditionnel dichotomique pays en dehors / république élitaire.

Nous avons tenté de montrer au cours de ce chapitre, la genèse du sous-développement d'Haïti en partant avec les considérations sur l'administration publique haïtienne. Nous avons opté pour une approche à la fois historique et comparative et nous avons vu que l'Etat n'a pas su se doter d'institutions fortes pour assurer son autorité et son autonomie et ce, pour mieux répondre aux besoins de la population.

71 TONY Cantave, « Haïti aujourd'hui : Réforme administrative ou réforme de l'État et décentralisation des pouvoirs de décision », Haïti Perspectives, vol. 1
· no 2
· Été 2012, p68.

70

CHAPITRE IV

CADRE INSTITUTIONNEL ET GESTION DE L'APD

Si dans le chapitre précédent il était question de peindre un tableau sur la situation socioéconomique et politique ainsi que de présenter le cadre institutionnel pour mettre à nu le phénomène du sous-développement en Haïti, ce chapitre sera consacré sur le cadre institutionnel et la gestion qu'il a fait de l'APD. Ce, pour vérifier notre hypothèse secondaire I intitulé : « Le cadre institutionnel de l'administration publique, à cause de sa faiblesse, du phénomène de la corruption, de la non transparence et de la mauvaise gouvernance n'a pas assuré une gestion saine et efficace de l'aide publique au développement en Haïti au cours de la période 2000-2011. » Nous avons vu que le sous-développement d'Haïti a une histoire parallèle avec les fléaux qui ravagent la sphère institutionnelle de l'administration publique, comme par exemple une force policière non professionnelle, un système d'éducation et sanitaire en dépravation, l'insécurité qui planait, la corruption et les faiblesses institutionnelles qui sévit et un climat politique marqué par l'instabilité. Et la situation est telle que le pays ne voit d'autres issus que l'aide publique au développement de la communauté internationale pour son développement tant du point de vue socioéconomique que politique. Dans ce chapitre nous allons essayer d'étudier en profondeur le cadre institutionnel de l'APD et la gestion qu'elle a faite de l'aide publique au développement au cours de la période 2000 à 2011.

Héritier de l'histoire douloureuse d'Haïti, alimenté surtout par des régimes dictatoriaux successifs, le système administratif haïtien se caractérise par les traits suivants71:

- Absence de coordination de l'action gouvernementale ;

- Fonctionnement des institutions administratives à l'encontre des missions fondamentales fixées dans le cadre légal en vigueur ;

- Services publics généralement inadéquats, insuffisants et de mauvaise qualité, tandis que certains besoins de la population, particulièrement en milieu rural et dans les bidonvilles, ne sont pas pris en compte ;

- Politique de décentralisation dans l'impasse : elle n'a jamais constitué une priorité gouvernementale et depuis 25 ans n'a connu aucune avancée significative ;

71

- Processus de déconcentration des services publics tronqué, inégal, parce que dépendant de visions étroitement sectorielles d'entités publiques isolées.

C'est dans ce même d'évolution fragile de 2000-2011 que l'administration publique haïtienne procède à la gestion et la coordination de l'aide publique au développement. Dans cette condition, il est évident de penser qu'une bonne gestion, une gestion rationnelle et efficace de l'aide soit difficile. Le problème est encore plus grave lorsque, pour répéter le professeur J. Boyard, à mesure que l'aide publique au développement afflue vers Haïti, la dégradation sociale, politique et institutionnelle du pays semble s'accélérer. Comment ? quels sont donc les mécanismes qui expliquent cette dégradation ? Voilà pourquoi nous allons étudier dans ce chapitre le cadre institutionnel haïtien et la gestion qu'il s'y a fait de l'aide publique au développement. Nous allons essayer de dégager les facteurs qui ont contribué à paralyser la gestion saine et efficace de l'aide publique au développement en Haïti au cours de la période 2000-2011. Pour ce faire, nous allons, dans un premier temps, essayer de présenter le cadre institutionnel de l'APD, l'accès sera mis sur le MPCE comme étant la première institution responsable en la matière ainsi que le BMPAD, nous présenterons aussi le flux de l'APD destiné à Haïti aux cous de la période d'étude. Pour finir, nous allons étudier un cas précis : la gestion de l'APD faite par la CIRH en 2010 pour prouver l'inefficacité du cadre institutionnel de l'APD. Nous privilégions le modèle de la dépendance latino-américaine.

4.1 Le MPCE : compétences, responsabilités et faiblesses

Le Ministère de la Planification et de la Coopération Externe est le premier partenaire et la première institution qui oeuvre dans la question de l'aide publique au développement en Haïti. Dans le cadre de l'APD, le rôle du MPCE s'exerce dans la direction de coopération externe dont le rôle est d'établir les politiques gouvernementales en matière de coopération externe. Cette section se donne pour objectif de dégager les compétences et responsabilités mais aussi et surtout les faiblesses de cette situation dans la coordination de l'APD.

4.1.1. Les compétences du MPCE dans le domaine de l'APD

Du point de vue de la Coopération Externe, le MPCE assure la coordination et la cohérence des flux externes et des efforts nationaux de financement des investissements publics pour une meilleure efficacité de l'Appui Externe au Développement national. En ce sens, le MPCE s'assure de fournir au gouvernement les mécanismes nécessaires de coordination avec ses

72

partenaires externes bilatéraux, multilatéraux y compris avec les Organisations Non Gouvernementales.

Il est le principal acteur de l'APD en Haïti. De concert avec les ministères concernés, il administre, gère, planifie, coordonne et assure le suivi des programmes de financement d'aide publique par le biais de la Direction de la Coopération Externe qui est, selon le décret du 6 Avril 1989, la responsable des taches de politique de la coopération externe tant financière que technique, de l'identification des opportunités de coopération avec les agences de coopération et de développement international, de coordination des programmes de coopération, du suivi et de promotion des mécanismes de concertation.

4.1.2 Responsabilités et Mécanismes dans la coordination de l'APD

Dans la première section, nous avons mis l'accent sur les compétences du MPCE dans le processus de l'APD. Nous avons vu qu'il est, par le biais de la DCE, l'acteur clé de l'aide. Et en tant que tel, il est responsable de piloter l'aide publique.

Decastro et al. (Sd) pense qu'« avant 2004 on ne semblait pas trop accorder de l'importance au MPCE » mais depuis, la situation a un peu changé. Les données sur l'APD disponibles nous ont confirmé une telle opinion puisque l'aide publique a évolué de plus de 70% entre 2004 à 2005 (voir tableau 11, page 75). D'autres en plus, pas mal d'acteurs multilatéraux et bilatéraux ont pris part à ce mouvement d'aide publique. Cette multiplicité d'acteurs techniques et financiers ont fait bouleverser l'environnement de coordination de l'aide. Dans une telle situation, le MPCE se trouve dans l'obligation de mettre à sa disposition de nouveaux outils pour assurer l'efficience et l'efficacité de l'aide dans l'idée de la déclaration de Paris (2005). Ainsi de 2004 à nos jours le pays a vu la naissance et l'émergence de divers types de mécanismes dont la composition variait certainement mais très peu (Decastro et al., sd). A titre d'exemples on peut citer : le CCI, le CCCS, et la CIRH qui seront brièvement vu ci-dessous.

a. Le CCI (avril 2004- septembre 2006)

A la suite du renversement du président Jean Bertrand Aristide, le gouvernement provisoire qui lui a succédé durant la période 2004-2006 est entré en partenariat avec la communauté internationale pour l'élaboration du Cadre de coopération intérimaire qui a permis de

73

mobiliser environ 250 experts nationaux et internationaux repartis en 10 groupes thématiques72.

b. Le CCCS (2007-2009)

Selon les modalités de fonctionnements décrits dans un document du MPCE, le Comité Conjoint de Coordination Stratégique est un mécanisme mis sur pied par le gouvernement haïtien en partenariat avec les Etats et organismes de la communauté internationale. Il devait remplacer le CCI à l'expiration. Ce comité devait présenter trois niveaux de coordination :

Ø Coordination sectorielle pour faciliter la cohérence au niveau des secteurs ;

Ø Coordination géographique pour favoriser la coordination sur le terrain des collectivités territoriales ;

Ø Coordination stratégique qui selon le document doit assurer la jonction entre l'impératif du développement global et la mise à disposition des ressources.

c. La CIRH (Avril 2010 à 2011)

Selon l'Arrêté présidentiel du 21 avril 2010, la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d'Haïti (CIRH) est une entité juridique séparée conformément aux lois de la République d'Haïti, ayant une vocation particulière et considérée sui generis. Elle a pour mission d'assurer la coordination des initiatives de reconstruction, le déploiement efficace des ressources afin de maximiser les appuis fournis par les bailleurs de fonds internationaux, tout en faisant la promotion de mécanisme de transparence et de reddition de compte.

4.1.3 Faiblesses et lacunes du MPCE dans le processus de l'APD

Comme bien d'autres institutions, le MPCE souffre d'un problème d'influence politique qui influe également sur sa structure administrative.

72 Les dix groupes thématiques dont il est question dans le CCI sont : 1) gouvernance politique et dialogue national avec deux sous-groupes : a) sécurité, police et DDR et b) justice, institutions pénitentiaires et droits humains; 2) gouvernance économique et développement institutionnel; 3) création rapide d'emplois et filets de sécurité et protection sociale; 4) protection et réhabilitation de l'environnement; 5) aménagement du territoire, développement local et décentralisation; 6) santé et nutrition; 7) éducation et culture, avec deux sous-groupes : a) éducation, jeunesse et sports et b) culture, média et communication; 8) agriculture et sécurité alimentaire; 9) infrastructures avec quatre sous-groupes : a) routes et transports, b) électricité, c) eau et assainissement, d) réhabilitation des bidonvilles et déchets solides; 10) développement du secteur privé et des PME/PMI

74

Les documents et les faits du CCI, le CCCS et la CIRH laisse transparaitre un certain affaiblissement du MPCE via l'affaiblissement de l'Etat et sa prise de contrôle indirecte par les bailleurs de fonds. Ces partenaires techniques et financiers tablent sur le soi-disant renforcement des capacités institutionnelles du MPCE puisqu'ils le jugent incompétent et inefficace pour gérer une aide qu'ils rechignent à augmenter et à confier à l'Etat haïtien.

Au cours de la période 2000-2011, deux premiers ministres haïtiens sont en même temps titulaire de ce ministère. Ce qui peut bien expliquer que les voeux dudit ministres sont des voeux d'excellence puisque c'est le titulaire de l'administration publique lui-même. Pourtant, on peut bien penser que c'est peut-être la cause de l'affaiblissement du ministère. Le professeur James Boyard, dans son article publié dans le quotidien « le Nouvelliste », note qu' « une commission d'enquête du gouvernement haïtien instituée en mars 2011 a du recommander la suspension pour cause d'irrégularités graves de 41 contrats passés entre l'ancien PM haïtien Jean-Max Bellerive et des firmes locales et dominicaines.» S'il est attribué au MPCE une responsabilité de gestion et de contrôle de l'APD, il est aussi une réalité que lui-même n'assure pas une gestion adéquate des ressources de l'APD. Et que déduire dans ce cas des autres institutions ? La mauvaise gestion de l'aide publique semble être une évidence. C'est peut-être pourquoi les « partenaires techniques et financiers tablent sur le [...] renforcement des capacités institutionnelles du MPCE puisqu'ils le jugent incompétent et inefficace pour gérer l'aide [...]

4.2 Gestion de l'APD

En Haïti, l'aide au développement et les stratégies de lutte contre la pauvreté commencent à affluer réellement dans les années 60-70. Bien que soumis à des fluctuations du fait d'évènements politiques et de catastrophes naturelles, le soutien international n'a pas cessé depuis (CREFAS, Janvier 2013). Dans ce tableau ci-dessous, on présente de 2000 à 2011 le flux de l'aide publique au développement.

208010 170330 155770 212520 298800 425810 581480 716920

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011

Flux d'APD (en milliers de $US)

flux d'APD ()

927310

1129700

3073470

1691760

75

Tableau 11: évolution de l'APD nette offerte à Haïti 2000 à 2011
En milliers de dollars US courants

Année

2000

2001

2002

2003

2004

2005

Montant d'APD

208 010,00

170 330,00

155 770,00

212 520,00

298 800,00

425 810,00

 

(Suite)

Année

2006

2007

2008

2009

2010

2011

Montant d'APD

581 480,00

716 920,00

927 310,00

1 129 700,00

3 073 470

1 691 760

Source : Banque Mondiale, https://donnees.banquemondiale.org , 9 avril 2019

Essayons de représenter à l'aide d'un graphe, la courbe tendancielle de l'APD destinée à Haïti au cours de la période d'étude.

76

Interprétation des données du tableau

De 2000 à 2003, l'APD allouée à Haïti n'a presque pas changé de tendance. De hauts et des bas non significatifs. A partir de 2004, on commence timidement à constater des changements : une tendance à la hausse. Ceci peut clairement s'expliquer par les catastrophes naturelles de l'année 200473. En 2005, la hausse tendancielle continue de faire son chemin. Peut-être à cause des cyclones et inondations74. De 2005 à 2008, l'APD a doublé (avec un pourcentage 217%). Cette même année, quatre cyclones ont frappé le territoire national. Peut-être l'aide était-elle destinée à une fin humanitaire et de reconstruction d'infrastructure. L'année 2010 allait être l'année de l'aide publique par excellence. Cette année, elle a presque triplée l'année d'avant (2009). De toute évidence, cela est expliqué par le séisme de cette même année qui a secouée tout le pays. Et c'est pourquoi en 2011, l'aide a considérablement diminuée passant de 3 milliards a 1,6 milliard. En somme, au cours de la période d'étude, c'est-à-dire de 2000 à 2011, l'aide à augmenter de 813%, une augmentation réelle de 1 483 750 000$ US.

Si le Gouvernement fait savoir qu'il « a [...] un pouvoir et un devoir [...] d'affirmer sa volonté politique de diminuer progressivement sa dépendance par rapport à l'aide75 ». Dans la section suivante, nous présenterons quelques autres institutions intervenant dans la gestion interne de l'APD.

4.2.1 Assistance internationale et gestion d'ordre interne

Dans la section précédente, nous avons vu que le cadre institutionnel haïtien de l'APD l'accent étant mis sur le MPCE. S'il est vrai que le MPCE fait beaucoup d'effort dans le souci non seulement d'appliquer les voeux de l'internationale mais aussi de rendre l'APD au service du développement national, il faut aussi comprendre qu'il fait face à un ensemble de menace tant internes qu'externe : des influences politiques ainsi que des lacunes administratives. Ce qui peut le rendre faible ainsi que bien d'autres. Et comment des institutions faibles peuvent jouer efficacement leur rôle ? et ces institutions sont dirigées par des fonctionnaires ou des hommes politiques qui sont, selon l'approche du Public Choice, des homo economicus, c'est-à-dire des êtres rationnels qui voient l'Etat, surtout dans le cas d'Haïti, comme étant une source de revenu.

73 En 2005, trois cyclones : Denis, Wilma et Alpha sont déversées sur Haïti et ont touché respectivement la côte Sud, l'Ouest et le Nippes. On avait enregistré plus d'une vingtaine de morts et environ 500 sans-abris.

74 En 2008, quatre cyclones : Fay, Gustave, Anna et Ike sont déversées sur Haïti. Le bilan était de plus de 140 morts, plus de 3 000 maisons détruites et environ 11 500 endommagées.

75 MPCE, Cadre de Coordination de l'Aide Externe au Développement d'Haïti, Port-au-Prince, Septembre 2012, p11.

76 TROUILLOT, Lyonel, « Impérialisme : il faut des formes de déconnexion et de résistance », in Le Nouvelliste cité dans SEINTENFUS, Ricardo, L'échec de l'aide internationale à Haïti, Editions de l'UEH, 2015, p324, 330.

77

Si le cadre institutionnel public haïtien en général est malade, il est clair et évident qu'il ne peut faire une gestion saine et efficace de l'aide publique.

A titre d'exemple, nous pouvons prendre les élections de 2010 et le tremblement de terre comme des faits marquants. En effet, la communauté internationale souhaitait faire table rase du système politique haïtien aux élections présidentielles de 2010 pour permettre l'avènement d'une nouvelle classe politique. Pour ce faire, elle [la communauté internationale en la personne de Edmond Mullet] a choisi de soutenir un prétendu néophyte en politique : Michel Martelly. Voilà pourquoi Lyonel Trouillot a écrit : « Le représentant de l'Union Européenne et l'ambassadeur des USA ont un énorme pouvoir de décision sur ce qui est fait en Haïti. Ce sont eux qui disent s'il y aura ou non d'élections. Ce sont eux qui les valident, dans les faits, qui décident que, fraude ou pas fraude, quelque soit le taux de participation, le résultat est acceptable76 (Voir Ricardo Seitenfus, 2015). Dans ce sens, l'aide, en général pose problème, et est un défi pour l'administration publique haïtienne et la société en général.

Outre le MPCE, la gestion interne de l'aide publique au développement en Haïti est assurée par un ensemble d'institutions dont :

Le Bureau de Monétisation des Programme d'Aide au Développement (BMPAD)

Le BMPAD a remplacé en 2007 le Programme d'Alimentation et pour développement dont la mission était de gérée exclusivement l'aide américaine depuis 1985 ; le BMPAD est sous la tutelle du MPCE. Fort de son dynamisme et sa bonne performance, cinq autres bailleurs lui confiée la gestion de leurs aides : Le Canada, l'Italie, l'Espagne, la France et le Japon. Actuellement il est chargé d'exécuter les projets de la BM ainsi que les fonds provenant de l'accord provenant de l'accord Petro Caribe (J. R. Lahens, 2014). Dans le cadre de sa mission de monétisation des dons en espèce ou en nature de la communauté internationale, le BMPAD commercialise sur le marché local, des denrées ou des produits reçus dans le cadre des accords de dons ou de prêts intervenus entre le gouvernement haïtien et les donateurs/bailleurs de fonds.

Le Fonds pour la Reconstruction Haïtienne (FRH)

Mis sur pied en octobre 2011 pour une durée de sept ans, le FRH était créée dans le même objectif avec le CIRH, mais la disparition de celle-ci après 18 mois de son mandat sans être renouvelé par le Parlement comme c'était de voeu du président d'alors (R. Seitenfus, 2015), le

78

FRH devenait in opérationnel. Et le MPCE devenait son partenaire immédiat au niveau local (Lahens, 2014).

4.2.2 Gestion d'ordre externe : les bailleurs de fonds

Traditionnellement, la majorité des fonds décaissés en tant qu'aide au développement a été canalisée à travers des projets de développement qui se sont caractérisés par des budgets, des objectifs et des calendriers spécifiques en dehors des systèmes de gestion du pays bénéficiaire (CREFAS, 2013). Ce qui explique bien des fois pourquoi de fortes sommes sont dépensées sans pourtant atteindre un objectif de développement pour les bénéficiaires. C'est pour répondre à cette problématique qu'un grand nombre d'États et d'agences multilatérales se sont entendus sur le besoin d'une meilleure harmonisation des interventions afin que l'aide au développement puisse générer des résultats positifs et sur le long terme. Dans la Déclaration de Paris sur l'efficacité de l'aide en 2005, les pays donneurs se sont donc engagés à simplifier leurs procédures et à utiliser des dispositifs communs, notamment en fournissant 66% de leur aide à travers des programmes jusqu'en 2010.

La déclaration de Paris le cadre de référence en ce qui concerne la gestion de l'aide tant de la part des bailleurs que des bénéficiaires. Ces principes sont :

79

Tableau 12 : Les grands principes adoptés lors de la conférence de Paris sur l'efficacité de l'aide au développement (2005)

Principes Titre

Principe 1 Prendre le contexte comme point de départ

Principe 2 Ne pas nuire

Principe 3 Faire du renforcement de l'État l'objectif fondamental

Principe 4 Accorder la priorité à la prévention

Principe 5 Reconnaître qu'il existe des liens entre les objectifs politiques, sécuritaires

et de développement

Principe 6 Promouvoir la non-discrimination comme fondement de sociétés stables et
sans exclus

Principe 7 S'aligner sur les priorités locales d'une manière différente selon le contexte

Principe 8 S'accorder sur des mécanismes concrets de coordination de l'action des

acteurs internationaux

Principe 9 Agir vite ... mais rester engagé assez longtemps pour avoir des chances de
réussite

Principe 10 Éviter de créer des poches d'exclusion

Source : voir DAC OCDE, Aide aux Etats Fragiles : Focus sur Haïti (Paris, 2009)

Alors que beaucoup d'organismes continuent à privilégier des procédures plus rapides, la construction d'institutions solides ainsi que de programmes durables et indépendants de l'aide semble souvent être remise au second plan (CREFAS, 2013). Ainsi, au lieu de créer un climat de bonne gouvernance, fortifiant le cadre institutionnel du pays, les bailleurs de fonds ont transgressé les principes de l'accord de Paris surtout en ce qui concerne le principe 3 (Faire du renforcement de l'État l'objectif fondamental) et le principe 7 : l'alignement, et ils plutôt agi en lieu et place des autorités haïtiennes, transgressant ainsi les principes de la souveraineté politique du pays. L'exemple de la CIRH illustre bien cet état de fait : tous les postes décisionnels ont été assurés par la communauté internationale, même le président de la République n'est pas au courant de certaines décisions. Contextuellement, la CIRH, comme l'a écrit R. Seitenfus (2015), a été créée pour remplacer définitivement un Etat inexistant avec pour

80

fonction principale de veiller à une administration transparente, efficace et cohérente des ressources envoyées par la communauté internationale dans un Etat haïtien fraichement ravagé par un tremblement de terre a causé la perte de 120 % du PIB. Au lieu d'utiliser l'aide pour la reconstruction et le développement du pays, la CIRH avait plutôt utilisée l'aide à sa guise, selon sa volonté. L'aide n'était donc pas alignée sur les priorités nationales.

4.3 Autres facteurs intervenant dans la gestion de l'APD

4.3.1 Les institutions politiques et l'environnement politique

« La communauté politique haïtienne est constamment menacée d'effondrement [...] Toujours hésitant quant à l'adoption d'un système de normes et valeurs apte à garantir l'intégration de tout un chacun, l'Etat haïtien pourrait être défini à partir de trois caractéristiques fondamentales : inachèvement, défaillance, extraversion77. » Ce constat du sociologue Thélot nous donne une vue claire et précise de l'environnement politique du pays, tant du côté des acteurs que celui des institutions. Les règles du jeu politiques sont toujours bafouées, et les institutions sont d'autant plus incompétentes qu'illégitimes.

Depuis la chute des Duvalier, le nouveau contrat adopté par les citoyens de la cité s'inscrit dans l'approche démocratique. Or, qui dit démocratie dit du coup élections, car on ne saurait pas parler de démocratie sans parler d'élection. Ce qui nous amène à considérés les paramètres électifs dans le climat du jeu politique haïtien, qui nous offre non seulement un aspect institutionnel, mais aussi du point de vue des acteurs, des postulant.

En 2000, Jean-Bertrand Aristide est réélu lors d'élections dont le taux d'abstention est estimé à 90% par l'ONU. Cette faible légitimité du président a rapidement donné lieu à un conflit social qui a atteint son paroxysme en 2004, lorsque Jean-Bertrand Aristide fut contraint de quitter le pays sous l'escorte des forces spéciales états-uniennes. Depuis, la santé démocratique du pays continue de se détériorer, en dépit de la réélection de René Préval, en 2006, et de l'élection de Michel Martelly en 201178. »

Commentant la situation politique-démocratique du pays, Suzy Castor (2013), relève quatre paradoxes dans le jeu politique haïtien en ce qui a trait à la rotation du pouvoir :

» Premier paradoxe : État faible mais gouvernement omniprésent.

77 Ely Thélot, L'hégémonie du provisoire en Haïti. Aux origines de nos turbulences, Editions de l'Université d'Etat d'Haïti, Port-au-Prince, 2e éditions, 2017, p142.

78 Nicolás Pedro Falomir Lochakrt, Haïti : une démocratie sans élections ni institutions ? Centre d'études interaméricaines, Institut québécois des hautes études internationales, Université Laval Québec (Québec), CANADA, G1V 0A6, Février 2015.

81

» Deuxième paradoxe : une société fragilisée et des élections de plus en plus coûteuses. Le coût des élections soulève des interrogations. Est-il en effet légitime que des sommes colossales soient dépensées dans un contexte général de pauvreté et de rareté des ressources, pour élire un candidat alors que les demandes sociales adressées à l'État ne cessent d'accroître ? [...] En 2010, l'international a voté $ 29 millions US pour le fonctionnement de l'appareil électoral. » Troisième paradoxe : Élections nationales et tutelle internationale : c'est la logique du qui finance, commande.

» Quatrième paradoxe : Officiellement élections satisfaisantes mais toujours contestées. Elle rejoint dans cette perspective Leslie Péan car, pour lui : « Les élections, au lieu d'être une manière légitime de désigner les gouvernants, deviennent plutôt une source de conflits et de crises politiques. »

A emprunter le commentaire de Castor, l'on dirait que tous ces paradoxes concourent d'abord, à affaiblir d'abord nos institutions de sauvegarde de la démocratie et ensuite à piétiner notre démocratie même comme régime politique. En effet, les institutions ne cessent d'être démontrée non à la hauteur de leur tâche, et la population ne cesse d'afficher son mécontentement devant un Etat faible, instable et discontinue. Contrairement aux principes de la démocratie, les élections ne concourent pas vraiment au bien de la démocratie en Haïti. Et tous ces problèmes d'ordre politique ne concourent qu'affaiblir l'Etat, de son point de vue politique. Ely Thélot (2017) a écrit : « Haïti représente le seul pays du continent américain à figurer sur la liste des vingt Etats les plus défaillant du monde contemporain. [..] l'Etat haïtien est un Etat défaillant dans la mesure où l'Etat contemporain est défini comme une entreprise politique de caractère institutionnel lorsque, et en tant que sa direction administrative revendique avec succès, dans l'application des règlements, le monopole de la contrainte physique légitime. »

4.3.2 Les institutions du système judiciaire

Le système judiciaire nous renvoie à un ensemble de maillons, tels que les justiciables, la police, les autorités judiciaires, les tribunaux. Le dysfonctionnement d'un des maillons met tout le système en déséquilibre79. Mais dans la période de 2000-2011, tout le système judiciaire, comme celui de la politique, est malade. BOURGEOT Gina, dans son mémoire de sortie, a écrit : « Depuis déjà plus d'une vingtaine d'années, l'institution judiciaire haïtienne est sur la

79 Emerson JEAN BAPTISTE, Violence et rapport social dans le milieu urbain haïtien : les cas de Cité Soleil et de Martissant, 2004-2012, UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL, Thèse pour le Grade de Docteur en Sociologie, p133.

82

sellette. Les causes généralement invoquées de son mauvais fonctionnement semblent provenir de diverses sources, à savoir : lenteur des procédures de jugement, corruption des juges, obsolescence des codes, inadaptation des lois, délabrement des infrastructures physiques y relatives, rémunération dérisoire des dispensateurs de justice. Pour ne mentionner que les plus saillantes. Bref, l'institution judiciaire haïtienne est défaillante aussi bien dans son organisation, dans sa structure que dans son fonctionnement. En outre, ce système est sévèrement critiqué en raison de sa subordination au pouvoir exécutif, de son outrancière politisation et surtout de la corruption qui gangrène le système80 ».

Si l'appareil judiciaire haïtien se relève de plus en plus défaillant, notamment dans la période de 2000 à 2011, nous pouvons aborder la question sur l'angle de l'action et de la réaction : « Diabolisation, Violence et insécurité ».

Par diabolisation, on entend le fait de transformer, au sens propre ou au sens figuré, des acteurs de la société en forces du mal personnifiées par un être avec lequel toute conciliation est, par essence, impossible et condamnable. [...] la passion de détruire va se déployer sur le terrain des querelles politiques. Elle va transformer ces querelles en rapports entre ennemis (A. Corten, 2001, cité dans Ely Thélot, 2017, p156). De ce point de vue, nous dit Thélot, le politicien haïtien n'a pas d'adversaires. Il a des ennemis diaboliques qu'il met tout en oeuvre pour détruire.

La destruction de l'autre dans le jeu politique n'est pas une question simpliste. Elle peut revêtir de plusieurs casquettes : manifestations violentes suites aux décisions officielles, l'insécurité, et le phénomène des quartiers de non-droit. A la fin du 2e millénaire, cinq après le retour de l'ordre constitutionnel, l'haïtien se retrouve en butte à un climat d'insécurité qui enlève le sommeil. Paniqués, nos intellectuels et chercheurs pensent en vain les racines, les causes de ce mal profond. Il en arrive même à parler de terrorisme d'Etat81. Les violentes manifestations de l'année 2001, 2003, 2004, l'émeute de 2008 et la manifestions violentes des Cayes en faveur de M. Martelly en sont des cruciaux témoignages.

Dans les colonnes du plus ancien quotidien haïtien, nous pouvons lire : « L'insécurité grandit. Elle82 frappe dans toutes les classes sociales, ici, à Port-au-Prince. Des personnes connues se

80 BOURGEOT Gina, Le système judiciaire en Haïti et les obstacles qui paralysent son développement, Université d'Etat Haïti (Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Port-au-Prince) - Licence en Droit 2001, Disponible sur Mémoire Online.

81 PROSPER Avril, Le livre noir de l'insecurite, Page 79

82 OFRA, « Haïti : la situation sécuritaire », 29 aout 2016.

83

font exécutées suite à leur enlèvement et une rançon versée83. » Les raisons de l'insécurité évoquées par OFRA sont d'abord le contexte économique désastreux (le coté social), et ensuite le contexte de l'instabilité politique.

4.3.3 L'appareil administratif et la fonction publique

En ce qui a trait à l'appareil administratif et surtout la fonction publique, la déficience administrative apparait plus dangereuse pour le pays lorsqu'on sait qu'« aucune politique publique ne peut être exécutée, voire a priori élaborée, en l'absence des connaissances, des savoir-faire et savoir-être d'un corps bien rodé de techniciens capables de la porter84 ». Tant du point de vue leur performance que du point de vue de leur répartition, la fonction publique est loin de répondre à sa vocation. L'effectif de la fonction publique peut être considéré pléthorique lorsque l'on prend en compte la taille du personnel d'appui et la pénurie des compétences techniques, leurs allocations spatiales et la non disponibilité des ressources matérielles indispensables au bon fonctionnement des administrations85. C'est l'un des plus grands maux de l'administration publique haïtienne. Mais il s'ajoute aussi la question des services publics qui font défaut particulièrement en dehors de la capitale.

En dépit des principes et instruments de gestion prévus par la loi en la matière, le recrutement des fonctionnaires se fait essentiellement sur recommandation et non par concours86. Dans cette condition, il est impossible de procéder à une bonne répartition des ressources humaines car on ne sait pas les compétences du personnel.

Les faiblesses de l'administration publique est d'autant plus grave lorsqu'on tient compte de la concentration du services publics, et la gestion des collectivités territoriales.

« Rien d'étonnant donc que les élections du 21 mai 2000 aient abouti à un fiasco. Le climat pré-électoral, dominée par un esprit d'intolérance exacerbée, avaient été des plus violents87.

Les problèmes de l'administration publique

Les faiblesses structurelles constituent les causes majeures des problèmes économiques et sociaux du pays. Etant par nature une problématique transversale, la gouvernance recoupe en

83 Jean Robert Simonise, « Aux origines de l'insécurité en Haïti », Le Nouvelliste, 03-11-2011.

84 Jean-Abel PIERRE, Sociologie Economique de la Corruption. Vers une étude emblématique

85 CCI, p19-20.

86 Jean Abel Pierre, op. cit.

87 PROSPER Avril, op cit, Page 75

84

long et en large toutes les entités de la société88. Et elle est constitué le cadre de références de la sphère publique. De la façon dont l'administration publique fonctionne aujourd'hui, elle est le domaine privilégié du népotisme, de la prévarication et de l'enrichissement rapide.

Le phénomène de la corruption

Dans les premières années du 3e millénaire, la déficience de l'administration publique, tant du point de vue des cadre (la fonction publique) que du fonctionnement de l'appareil administratif, et l'ampleur était telle que le gouvernement en place a dû mettre sur pied une cellule de réflexion sur l'administration publique baptisée CNRA. Les résultats ont révélé une administration inefficace et ne peut répondre aux besoins de la population conformément avec sa mission. La question de la mauvaise gouvernance et surtout de la corruption est l'un des problèmes qui caractérisent ladite administration. L'ULCC (2007a) a écrit :

« Des mesures concrètes, permettant de ralentir la tendance évolutive de la corruption au sein des institutions publiques, furent décidées et appliquées. En effet, à la diligence du Ministère des Affaires étrangères, Haïti a déposé le 7 juin 2004 à l'Organisation des États américains (OEA) ses instruments de ratification de la convention contre la corruption. L'Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) a été officiellement créée en septembre 2004. Plus récemment, une Commission Gouvernementale d'Enquêtes Administratives sur la corruption a été constituée et a remis un rapport volumineux sur la corruption dans l'Administration Publique au cours de la période 2002- 2004. »

Tous les rapports ont fait ressortir ce fléau qui paralysent le secteur public. Jean Abel Pierre (2014) a écrit :

« Haïti est l'un des pays dont le niveau de corruption est le plus élevé au monde. Telle est, en général, la conclusion des études réalisées tant par des organismes nationaux qu'internationaux durant les deux dernières décennies. Dans un rapport publié en 2004 par l'organisation Transparency International (TI) sous le thème spécifique de « corruption politique », Haïti figure parmi les trois pays perçus comme les plus corrompus du monde avec le Nigeria et le Bangladesh. Selon les données agrégées des rapports annuels de TI, dont une vue panoramique est présentée dans le tableau I (ci-après), de 2002 à 2013 Haïti accuse une note moyenne de 1,8

88 Mémoire du Gouvernement d'Haïti, p15.

85

dans l'Indice de Perception de la Corruption (IPC), le situant dans la catégorie des pays perçus comme les plus corrompus au monde89. »

Si les acteurs de la communauté internationale, les bailleurs de fonds notamment la BM ont toujours fait de la lutte contre la corruption une de leurs préoccupations majeures en ce sens que celle-ci est une entrave pour le développement économique, social et politique (Magaly Brodeur, 2012 et Tearfund 2012), en Haïti, la corruption et la bonne gouvernance semble ne pas être une mesure de l'allocation de l'aide. Car, au fur et à mesure que l'allocation de l'aide augmente, la corruption augmente d'ampleur. On se demande alors ou est le renforcement institutionnel comme facteur de la bonne gouvernance ? (Darine Bakkour, 2013). Dans cette perspective, certains critiquent vont même dire que l'aide internationale favorise la corruption, comme M. Cue Rio (2013) : « La question de la capacité d'absorption se pose avec plus d'acuité encore lorsque l'aide est destinée à des pays mal gouvernés, où la corruption est très présente et les institutions sont faibles. Dans un tel contexte, une partie de la littérature soulève le risque de gaspillage, voire d'une aide qui pourrait encourager la corruption ».

Les études menées sur la corruption et la mauvaise gouvernance dans l'administration publique ont révélé que le secteur public haïtien est très malade. Dans son rapport publié en mai 2007, le BRIDES, pour le compte de l'ULCC nous a laissé ce tableau :

% ONG %

Tableau 11 : Classement des institutions les plus corrompues : (Utilisateurs) ménages, entreprises privées et ONG

Rang Ménages % Entreprises

privées

1 Justice 81 DGI 68 DGI 74

2 AGD 78 Partis Politiques 66 AGD 71

3 DGI 73 Maires 63 Juges et

Magistrats

66

4 Collectivités 70 AGD 61 Partis politiques 64

territoires

89 Jean Abel Pierre, op cit., page 99

86

5 TELECO 69 Parlementaires 58 Tribunaux 1e

63

instance

6 Min. Justice 68 Tribunaux 55 EDH 61

7 Travaux publics 68 Min. Justice 51 Coopératives 59

8 CAMEP et SNEP 66 Serv. Circulation

véhicules

51 PNH 58

9 Circulation des

véhicules

66 Tribunaux 1ere instance

47 Autorités locales 58

10 PNH 64 PNH 45 Gouvernement 56

Source : BRIDES-ULCC, Gouvernance et corruption en Haïti, mai 2007, p27.

Les insuffisances dans les pratiques du secteur public créent des points d'entrée pour la corruption et sont un facteur clé du manque d'intégrité des agences publiques (BRIDES, 2007) et créent donc, comme le montre le tableau ci-dessus, un manque de confiance de la part de la population à leur égard. Quant aux formes de manifestation de la corruption, Jean-Abel P. (2014) énumère dont : Favoritisme90, Concussionnaire91, Evasion fiscale92, Pots-de-vin93 Prévarication94, Délit d'initié95 et le Trafic d'influence96. Bien que nous ne tentions pas dans le cadre de ce travail faire l'état sur chacun de ces formes ou pratiques corruptives, nous allons toutefois présenter quelques-unes :

Le clientélisme et le favoritisme

Les données fournies par BRIDES dans son étude recommandée par l'ULCC composent un tableau relativement favorable du recrutement du personnel. [...] Néanmoins, plus d'un tiers des employés du service public interrogés (41,5%) répondent que les recommandations d'un ami personnel ou d'une relation du responsable du service ont joué un rôle dans l'obtention de

90 Le favoritisme est une tendance selon laquelle on accorde des avantages par faveur au mépris de la règle ou du mérite.

91 Personne ayant commis un délit consistant à recevoir ou à exiger des sommes non dues, dans l'exercice d'une fonction publique.

92 L'évasion fiscale : ensemble de subterfuges employés par le contribuable pour payer moins d'impôts au gouvernement avec la contribution d'un agent du fisc.

93 Somme d'argent ou toute autre faveur offerte à une personne occupant une position de pouvoir pour accélérer les formalités administratives.

94 Détournement de fonds publics.

95 Consistant, dans les affaires, à se servir d'informations confidentielles pour en tirer un profit personnel.

96 Infraction qui consiste à obtenir de l'autorité publique des avantages en échange d'une récompense.

87

leur poste, et moins de la moitié (45,8%) confirment avoir été soumis à la période d'essai recommandée de 3 mois. L'accès à l'information sur l'emploi dans la fonction publique dépend également des relations personnelles : 36% des fonctionnaires ont dit avoir entendu parler de leur poste par notification personnelle (BRIDES, 2007a et 2007b)

Toutefois, CNRA arrivait à une conclusion que de graves problèmes liés à la déficience des ressources humaines et à la carence managériale qui perturbent le fonctionnement de cet appareil administratives, conclusion que Naud (2008) reprend dix ans plus tard. L'accointance politique et le favoritisme constituent des caractéristiques typiques de cette déficience.

La lourdeur administrative

L'administration publique haïtienne ne donne presque pas de résultats, elle est quasi-incapable de le faire avec de faibles moyens et l'administré se plaint quotidiennement [...]. En outre, c'est aussi une cause du désarroi des acteurs internationaux intervenant dans le renforcement des capacités nationales en Haïti qui se plaignent de la lourdeur de l'Administration (Destin JEAN, 2011). L'administration public haïtienne est en proie à ce phénomène de lourdeur surplombante qui est responsable majoritairement de son mauvais fonctionnement (J. Abel Pierre, 2014 :122). La conséquence directe et immédiate de cette lourdeur administrative est la fuite des services par les usagers.

L'inefficacité et l'inefficience

Le pourcentage des ménages répondants à l'étude de BRIDES montre un secteur public ou la mauvaise gouvernance jailli : ils ont classé les services fournis comme mauvais ou très mauvais, en se basant sur la qualité des services et leur efficacité. Cette piètre qualité de service constitue un obstacle important à l'accès aux services publics, décourageant complètement certains utilisateurs. Par exemple, 24,3% des utilisateurs qui avaient besoin des services de la Direction Générale des Impôts ont décidé de recourir à de tiers, et 31,9% de ceux-ci ont dit qu'ils perdraient trop de temps à utiliser ce service en particulier. Ce problème d'inefficacité fait partie des principales raisons invoquées par les répondants pour ne pas essayer d'accéder à un service public. L'une des raisons qui expliquent cette inefficience et cette inefficacité est que le budget des institutions publiques est quasi de fonctionnement (dans la rémunération du personnel seulement), et le volet d'investissement représente un très faible pourcentage.

88

4.4 Le CIRH et la faiblesse du cadre institutionnel haïtien

Après le fameux tremblement de terre du 12 janvier 2010, la partie la plus importante (économiquement et financièrement) du pays a été dévasté. Une reconstruction du pays s'imposait alors. Or, il était impossible, avec les maigres ressources nationales, de procéder à une telle reconstruction ou refondation (Jean-Renol Elie, 2014) ; ainsi l'aide publique de la communauté internationale s'imposait comme seul atout.

Pour ce faire, un organisme a été mise sur pied pour centraliser les fonds et coordonner les projets financés par les bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux, les ONG et le secteur privé. C'est la Commission intérimaire pour la reconstruction d'Haïti (CIRH). Cette instance est codirigée par l'ancien président états-unien Bill Clinton et par le premier ministre haïtien Jean-Marc Bellerive. Des 20 membres qui composent la CIRH, 17 ont un pouvoir de vote, et de ces 17, 12 sont des représentants de la communauté des bailleurs (Juan Lopez, Mars 2015). Même si cette composition largement disproportionnée est revue par la suite, 27 personnes avec droit de vote, dont 14 sont des fonctionnaires haïtiens97,les faits témoignent du poids décisionnel des bailleurs de fonds sur la reconstruction du pays. Les membres avec droit de vote de la communauté internationale c'est bien parce qu'ils ont participé à hauteur de 100 millions de dollars pour la reconstruction ou ont procédé à un allégement de dette d'au moins 200 millions de dollars. On y retrouve un représentant des Etats-Unis, de la BID, de la Banque mondiale, de la France, du Brésil, du Venezuela ou encore de la CARICOM. La CIRH a un mandat temporaire de 18 mois et doit ensuite normalement être dissoute et laisser place à un autre organisme.

Théoriquement, un travail qui était censé coordonné par le MPCE, le BMPAD, le MEF ainsi que la Loi d'Urgence devient sous la responsabilité et la tutelle de la communauté internationale. Comme résultat, les fonds alloués à la reconstruction nationale, avoisinant plus de 1,5 milliard de dollars n'ont pas infléchi aux attentes de la population pour produire des résultats d'amélioration des conditions de vie.

La communauté internationale a transgressé les principes de la déclaration de Paris (2005) en ce qui a trait à la gestion de l'aide, et donc le renforcement institutionnel n'était pas pris en

97 Sophie Perchellet, « Construire ou reconstruire Haïti ? », slnd

89

compte, comme le mentionne très clairement le principe 3. De la part de l'administration publique haïtienne, se dotant d'institutions faibles et inefficaces, ou la mauvaise gouvernance est au rendez-vous, accompagnée du phénomène de la corruption, de la non-transparence et donc n'a pas la capacité de répondre à sa mission, elle n'a pas pu assurer une gestion saine et efficace de l'aide publique au développement en Haïti au cours de la période 2000-2011. Ce qui vient à vérifier notre hypothèse principe stipulant : Le cadre institutionnel mis en place dans l'administration, à cause de sa faiblesse, du phénomène de la corruption, de la non transparence et de la mauvaise gouvernance n'a pas favorisé le développement socioéconomique et politique d'Haïti au cours de la période 2000-2011. »

90

CHAPITRE V

GOUVERNANCE ET DEVELOPPEMENT SOCIOECONOMIQUE ET POLITIQUE
EN HAÏTI DE 2000 à 2011

Comme nous l'avons mentionné dans notre introduction (voir page), le développement qui se définit pour B. Billaudot (2004) comme étant l'ensemble des changements économiques, sociaux, techniques, et institutionnels liés à l'augmentation du niveau de vie résultant des mutations techniques et organisationnelles issues de la révolution industrielle du 18ème siècle est le cheval de Troie du monde occidental. Toutes les activités de progrès socio-économiques, technologiques, culturels et scientifiques s'inscrivent dans ce paradigme développementiste. Si dans les années d'après la guerre (de 1945) le développement était corrélé directement avec la croissance économique, après 1980, la gouvernance se range au coeur du processus, si bien que la communauté internationale a fait d'elle une condition sine qua non avec l'octroi de l'aide car pour eux, « une bonne gouvernance et des institutions solides et responsables sont des conditions essentielles pour réduire la pauvreté et influer sur le développement » (Banque Mondiale, Juin 2016).

C'est dans ce même sens que nous allons analyser le développement d'Haïti au cours de la période 2000 à 2011, après avoir vu dans le chapitre précèdent que l'aide publique au développement allouée à Haïti au cours de la période 2000 à 2011 a été l'objet d'une mauvaise gestion. Comme l'aide est accordée pour favoriser le développement, nous allons analyser dans quelle mesure ce développement a-t-il été réalisé. Pour ce faire, nous allons utiliser les six (6) indicateurs émis par la BM (voir D. Bakkour, 2013) pour tester la bonne gouvernance ainsi que les indicateurs de développement (émis par les institutions de développement des Nations Unies) comme le PIB, le PNB, l'IDH, ISDH et l' indicateur de la participation des femmes (IPF), l'Indice de Pauvreté Humaine (IPH), L' indicateur synthétique des libertés politiques (ILP). Nous allons regrouper ces indicateurs autour de trois catégories : d'abord social, ensuite économique et enfin politique. Nous aimerions aussi passer à pied joint sur l'environnement.

5.1 Le développement social

Afin d'analyser le dé2veloppement social en Haïti au cours de la période 2000 à 2011, nous allons tenir compte des facteurs de l'IDH ainsi que l'IPF, la santé et le logement social. L'Indicateur de développement humain (IDH), bien que rudimentaire, est certainement le plus célèbre. Il est constitué de la moyenne de trois indicateurs permettant chacun de classer les pays sur une échelle de 0 à 1 : l'indice du PIB par habitant (exprimé en parités de pouvoir d'achat), l'indice de l'espérance de vie à la naissance, et l'indice du niveau d'instruction (mesuré par un

Source : Perspective monde [online], université de Sherbrooke, consultée le 2 décembre 2018.

91

indicateur alliant pour deux tiers le taux d'alphabétisation des adultes et pour un tiers le taux de scolarisation)

5.1.1 Situation sanitaire et Esperance de vie

Les données disponibles pour la situation de la santé en Haïti au cours de la période étudiée ne nous permettent pas de peindre un tableau intéressant. En effet, si on considère les paramètres tels nutrition, la santé de la mère pendant la grossesse, les épidémies, le paludisme ou encore une endémie comme le Sida, nous constatons que la situation est lamentable. L'accès aux services sanitaires améliorés est réservé à une très faible portion de la population haïtienne, soit 16% en milieu rural et 50% en milieu urbain alors qu'en Amérique Centrale et dans la Caraïbe ces pourcentages s'élèvent en moyenne à 49% et 86% respectivement (CCI, 2004). Si l'on compare même le taux de prévalence du pays à celui de la République dominicaine, ou la Trinidad on constaterait une énorme différence.

Tableau 13 : Taux de prévalence du SIDA en Haïti de 2000 à 2011

 

Haïti

Rep Dominicaine

Trinidad

Années

Valeur

2000

2,90

2,30

1,00

2001

2,80

2,30

1,00

2002

2,60

2,20

1,00

2003

2,50

2,00

1,10

2004

2.40

1,90

1,10

2005

2,40

1,80

1,10

2006

2,30

1,70

1,20

2007

2,30

1,50

1,20

2008

2,30

1,40

1,20

2009

2,30

1,40

1,20

2010

2,20

1,30

1,20

2011

2,20

1,20

1,20

92

Haïti est certes, comme on peut le lire dans le Cadre du développement durable (2017), le pays le plus touché par l'épidémie du VIH dans les Caraïbes, avec une prévalence de 2,2 % chez les adultes de 15-49 ans.

Toujours selon le document de la stratégie intérimaire (2004), la mortalité des enfants infantile est de 76 pour 1000 ; la mortalité maternelle, de 523 pour 100,000 ; seulement 28% de la population ont accès aux installations sanitaires. Moins de la moitié de la population a accès aux services de santé et la qualité est généralement mauvaise. Trente pour cent seulement des institutions de santé sont publiques et la majorité de ces institutions se trouvent en milieu urbain. Les ONG fournissent 70% des soins de santé en milieu rural et la capacité de supervision et de coordination du MSPP est faible.

La prestation de services est souvent entravée par la rareté des médicaments et des équipements essentiels. Cette situation traduit l'état de dénuement du système de santé assuré à la fois par les secteurs public et privé. Globalement, les établissements du secteur public assurent 30% des services ; le secteur privé à but non lucratif (ONG), 30% ; les institutions à but lucratif ,10%. Les autres 30% sont fournis par un secteur hybride (exploité par le secteur privé, mais partiellement financé par des fonds publics).

Ces insuffisances en matière de santé et de nutrition font gravement obstacles aux efforts de développement et de croissance. Or, seule une population saine et bien nourrie peut se montrer à la hauteur des défis du développement économique et social d'Haïti. Une bonne santé exige une bonne nutrition et un régime alimentaire approprié a des effets positifs directs sur la capacité intellectuelle.

En en corollaire, l'Esperance de vie est loin de révéler satisfaisante compte tenu des autres pays voisins, comme le montre le tableau suivant :

93

Tableau 14 : espérance de Vie en Haïti de 2000 à 2011

Années

Valeurs

2000

57,72

2001

57,97

2002

58,24

2003

58,53

2004

58,86

2005

59,22

2006

59,61

2007

60,02

2008

60,45

2009

60,88

2010

61,30

2011

61,70

Source : Perspective Monde/ http : www.perspective.usherbrooke.ca , consultée le 2-12-18. 5.1.2 le niveau d'instruction

Dans la constitution de 1987, il est écrit très clairement que l'enseignement primaire est gratuit et obligatoire98. D'autre part l'engagement de l'Etat Haïtien à la prise en Charge éducative des enfants d'Age scolarisable fait partie d'un ensemble de mesures relatives aux OMD, élaborée en 1990 et ratifie en 2000 par l'assemblée générale des Nations Unies (François P. E., 2010). Pourtant dans les faits, ils sont nombreux les enfants qui atteignent l'âge d'aller à l'école et n'ont pas d'accès. Et le taux d'analphabétisme s'accroit : 49 %, en 2003, selon IHSI. « La situation de l'éducation en Haïti, confrontée à de nombreux problèmes sociaux, politiques, économiques et techniques, est dominée par un taux élevé d'analphabétisme et un nombre

98 En effet, les Article 32.1 et 32 se lisent respectivement : « L'éducation est une charge de l'Etat et des collectivités territoriales. Ils doivent mettre l'école gratuitement à la portée de tous, veiller au niveau de formation des Enseignements des secteurs public et privé. » « Article 32.3 L'enseignement primaire est obligatoire sous peine de sanctions à déterminer par la loi. Les fournitures classiques et le matériel didactique seront mis gratuitement par l'Etat à la disposition des élèves au niveau de l'enseignement primaire. »

94

important de déperdition scolaire. Il est de bon ton d'imputer cette situation non seulement à la pauvreté économique et au rachitisme des conditions matérielles et physiques de l'école haïtienne, mais aussi à un ensemble d'autres facteurs internes au système99 ».

Si depuis l'adoption de l'éducation pour tous comme base de l'égalité des chances et pour combattre la pauvreté est une politique mondiale, en Haïti, cette politique n'est pas atterrie. Dans les faits, le système d'éducation haïtien souffre d'une double carence : plus de 40% des enfants ne sont pas scolarisés et la qualité de l'enseignement est médiocre. En outre, plus de 75% des enfants scolarisés le sont dans le privé (ibid., p.31)

Dans l'absence ou la faiblesse de l'Etat en matière de politique éducative, la population qui n'a pas de moyens se conformément dans le privé. Et on assiste à une multiplication d'écoles dites « borlettes » dans le système. Le MENFP a écrit : « L'enseignement fondamental 1er et 2eme cycles compte 2, 210,221 élèves dont 1, 090,027 filles et 1, 120,193 garçons. Le secteur public accueille 22.02% de ces élèves (soit 486,620 élèves) contre 77.98% (soit 1, 723,601)100 » pour le secteur non public. Pour d'autres auteurs comme A. Joint (2008), 83% des écoles du pays sont privées et seulement 17% sont publiques. Et ces écoles répondent notamment à la réalité socio-économique de la population. Et une distinction s'est alors vite fait remarquée entre les types d'écoles et la qualité de formation donnée tenant compte des ressources disponibles.

Une autre lacune socioéducative que le système confronte c'est l'inégalité en matière d'éducation selon le sexe et le milieu de résidence. L'instruction de la population et surtout celle des femmes est un élément important pour l'amélioration des conditions de vie des ménages (EMMUS IV, 2006) et aussi un élément important pour la croissance d'une économie en démarrage (HAMZAOUI Besma et KERTOUS Macila, 2014), l'inégalité en matière d'instruction peut nous expliquer pourquoi la croissance tend plutôt à se stagner ou à se décroitre. Les résultats selon le niveau d'instruction montrent que 20 % des femmes et 16 % des hommes n'ont aucune instruction. (EMMUS III). On constate des écarts importants entre le milieu urbain et le milieu rural aussi bien pour les femmes que pour les hommes. En effet, parmi les femmes du milieu rural, 34 % n'ont aucune instruction contre 14 % en milieu urbain ; chez les hommes, ces proportions sont respectivement de 26 % et de 8 %. En outre, en urbain, les proportions de femmes ayant atteint un niveau secondaire ou plus sont de 46 % et de 54 % pour les hommes contre respectivement 20 % et 21 % en milieu rural. (EMMUS IV).

99 Voir Haïti et l'après Duvalier : continuités et ruptures, page 319, Hector et Jadote, 1991

100 Tiré dans : MENFP, DPCE, recensement scolaire 2010-2011

95

L'offre scolaire est inadéquate à tous les niveaux d'enseignement. Mais la situation est particulièrement critique en milieu rural. On compte 23 sections communales qui n'ont aucune écoles et 145 qui n'ont pas d'écoles publiques. Etant 570 sections à l'époque, 425 sections communales n'ont que d'écoles privées. D'où la privatisation de l'enseignement en Haïti.

Pour Joint, Les inégalités socio-éducatives se manifestent surtout dans les différents types d'écoles publiques et privées, dans la séparation des populations scolarisées et non scolarisées. Essayons de comprendre davantage ces inégalités101.

Tableau 15 : Analphabétisme/ Accès à l'école/ Niveau d'étude

 

Port-au-Prince

Autres villes

Milieu rural

Ensemble

Analphabétisme

18 %

28,2 %

61,8 %

45,9 %

Population de plus de 6 ans n'étant jamais allée à l'école

11 %

17,6 %

42,2 %

31,5 %

Raisons de la non-fréquentation de l'école

Prix trop élevé

24,4 %

13,3 %

21,6 %

21,2 %

Manque de motivation

9,2 %

11,3 %

11,2 %

11 %

Niveau d'étude de 6-24 ans

Aucun niveau

4,4 %

4,6 %

9,7 %

7,4 %

Primaire

47,6 %

53,5 %

70,7 %

61,1 %

Secondaire

46,4 %

40,9 %

19,5 %

30,9 %

Supérieur

1,6 %

1 %

0,1 %

0,6 %

Source : BAGGIONI-LOPEZ, Nadine, Haïti : Histoire, géographie et enseignement, p109.

En ce qui a trait à la formation supérieure, l'Etat se s'impose presque pas. Officiellement, jusqu'en juillet 2006, il n'y a eu aucune autre institution publique que l'UEH que ne pouvait même pas accueillir 10 pour cent du flux d'élevés ayant achevé leur bac. Le 30 juillet 2006, le ministre d'éducation nationale, Gabriel B.-A. fait sortir un circulaire dans lequel le ministère

101 JOINT Auguste, Système éducatif et inégalités sociales en Haïti, Recherches, 17 décembre 2008, p20.

96

créé les UPR102. Et, de 2006 à 2011, trois universités publiques ont pris naissance.103 Il faut que ces UPR qui font face à de sérieux problèmes sont loin de répondre aux besoins de la population. Non seulement en termes de financement leurs bourses sont légères, et avec un maigre financement les défis d'acquisition d'espace ainsi que de matériels sont difficile mais aussi avec ce flux d'élèves qui augment graduellement, « cette situation dramatique est en train de se transformer en duel104 ». Et comme retombées, elles enregistrent de temps à autres des moments de crises, de grèves qui ont même perduré tout au long d'une session.

5.1.3. Le logement social

Les résultats sur les caractéristiques des logements montrent que 66 % des ménages ne disposent pas d'électricité. Dans 57 % des cas, les sols des logements sont en ciment/béton ou en maçonnerie. Deux ménages sur cinq disposent d'une pièce pour dormir (40 %) ou de deux (42 %) (EMMUS IV, 2005). Les résultats sur la disponibilité de l'électricité dans les logements présentés montrent que seul 38 % de l'ensemble des ménages enquêtés avaient l'électricité. Ce service est près de cinq fois plus rare dans les zones rurales qu'en milieu urbain. (EMMUS IV)

Déjà avant le séisme, la carence pour les masses populaires urbaines du logement et l'incapacité des pouvoir publics d'y faire face étaient des plus criantes, ce malgré les diverses prescriptions constitutionnelles s'y référant105, après le séisme du 12 janvier, la situation devient pire. Le professeur Chenet JEAN-BAPTISTE a fait constater « le contexte post-séisme a fait apparaitre le degré extrême de la misère du logement en Haïti. Les campus qui se sont constitués ou établis s'imposent de nouvelles «unités d'habitation», donnant lieu à la coexistence de groupes ou de sous-groupes sociaux d'une hétérogénéité assez complexe. En fait, la crise du logement trouve une triple expression : spéculation sur le foncier, spéculation sur les matériaux et fixation incontrôlée des prix de loyers. [...] Pour sa part, l'Etat n'a jamais pu définir et mettre en oeuvre une véritable politique de logement.

102 Les universités publiques en région sont des structures universitaires créées dans le but de délocaliser l'enseignement supérieur et fournir une formation adaptée aux besoins de la population dont elles sont proches. Elles sont reparties non pas en région, mais dans les départements. Le qualificatif régional pose dans ce cas problème. Les départements sont-ils des régions ?

103 Il s'agit de l'UPSAC [Université publique du Sud aux Cayes] créée en septembre 2006, l'UPAG [Université Publique de l'Artibonite aux Gonaïves] créée en janvier 2007 et de l'UPNCH [Université publique du Nord au Cap-Haitien] créée en septembre 2007.

104 VOLTAIRE, Yves, « Le réseau des universités régionales et la refondation du système universitaire haïtien en vue du développement durable d'Haïti », Haïti Perspectives, Volume 5, numéro 2, Eté 2016.

105 DOMINIQUE Didier, Logement et terre en Haïti : actualité d'une lutte de longue durée, Cahiers du CEPODE, numéro 4, 4e année, janvier 2014.

97

Après le séisme du 12 janvier 2010, l'Etat haïtien a déclaré la zone Cannan/Jérusalem d'utilité publique106. Mais les conditions dans lesquels les gens vivent sont des plus précaires malgré l'assistance étrangère déversée en fonds de construction dans ces deux zones. Les tentes provisoires restent et demeurent. Pour Joseph (2014) « l'existence du logement précaire et de la détérioration de la qualité de vie de la population qui l'occupe est le résultat de la difficulté qu'a la grande majorité pour accéder à une marchandise107 de si haut prix que constitue le logement sans oublier les limitations que présente l'Etat pour assumer, en quantité et qualité nécessaires, l'offre de logement d'intérêt social pour les secteurs à faible revenus ».

5.2 Le développement économique

La situation politique et sociale du pays durant ces dernières années a fragilisé l'économie haïtienne. Les nombreux coups d'État, les catastrophes naturelles et le puissant séisme du 12 janvier 2010 ont renforcé l'extrême pauvreté dans laquelle « croupit » la population. La croissance économique ne suit malheureusement pas cette explosion démographique (Amicy, 2013)

5.2.1 Le PIB et le PPA

Au sens strict, la croissance économique (mesurée par le PIB) décrit un processus d'accroissement de la seule production économique. Elle ne renvoie pas directement au développement économique qui, selon François Perroux, est la combinaison des changements mentaux et sociaux d'une population qui la rend apte à faire croitre, cumulativement et durablement son produit réel, globale. Bien que la croissance économique ne mesure pas le niveau de bien-être de la population, mais il donne un aperçu de l'évolution ou son l'inverse de la richesse créée à l'intérieur de l'économie en question.

En Haïti, nous écrit Lahens (2014), la croissance économique obéit aux mutations sociopolitiques et n'est pas constante. En effet, l'exorde rural qui sévit depuis plusieurs années combinées à l'érection des tentes pour abriter les 1 500 000 sans-abris, suite au séisme de 2010, ont fait grimper la population port-au-princienne alors que la croissance était positive avant le

106 JOSEPH Fritz-Pierre, La problématique de l'auto-construction non assistée et ses conséquences sur l'habitat et le niveau de vie de la population : le cas de Canaan, Cahiers du CEPODE, numéro 4, 4e année, janvier 2014.

107 Le logement est considéré, pour Chenet Jean-Baptiste qui cite Christian TOPALOV dans Le logement en France : Histoire d'une marchandise impossible, comme étant une marchandise compte tenu de la situation de la classe moyenne. La logique marchande, écrit-il, est prédominante dans la question du logement social.

98

séisme. Mais pourtant cette croissance ne signifie pas une amélioration des conditions de vie car, elle n'est pas soutenue, c'est-à-dire s'étend sur le long terme même s'il atteint un record en 2011 du probablement des flux de l'aide extérieur comme le démontre le tableau et le graphe ci-dessous. Dans le cas d'Haïti, c'était plutôt une période d'expansion économique.

Tableau 16 : Croissance économique en Haïti exprimée en pourcentage de 2000 à 2011

Années Valeur

2000

0.87

2001

-1.04

2002

-0.25

2003

0.36

2004

-3.52

2005

1.81

2006

2.25

2007

3.34

2008

0.84

2009

3.08

2010

-5.50

2011

5.52

Source : http://perspective.usherbrooke.ca , croissance du PIB en Haïti, consultée le 2

décembre 2018.

Schématiquement, les données du précèdent tableau présente ainsi la croissance économique sur la période considérée.

99

Graphe: Graphe de l'évolution de l'économie haïtienne de 2000 à 2011

8

6

4

2

0

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011

-2

-4

-6

-8

valeur du PIB

La croissance moyenne de l'économie haïtienne de 2000 à 2011 a été de 0.64. Ce qui veut bien dire que l'économie n'a pas produit de richesse suffisante pour sa population et tant donnée que la croissance tend plutôt vers zéro et que la croissance démographique tend à la hausse. Ce qui explique une accumulation constante des fonds de la diaspora haïtienne. ST-MARTIN (2018) a écrit : « De 1980 à 2011 l'économie haïtienne fut caractérisée par un accroissement régulier et rapide des transferts provenant des haïtiens de l'extérieur. Suivant les données relayées [Montas], les transferts ont été respectivement de : 772 millions en 2000 ; 1 100 millions en 2006 et 1 400 millions sur la période 2007- 2011 »

Le PIB par habitant, aussi appelé parité du pouvoir d'achat, bien que complexe, est l'un des mesures plus adéquates pour comparer des économies entre elles met elle permet d'avoir une image très juste de la richesse d'un pays. Ce tableau présente de 2000 à 2011 le PPA de l'économie haïtienne :

100

Tableau 17 : PIB par habitant en Haïti de 2000 à 2011

Années Valeur

2000 1 379

2001 1 372

2002 1 368

2003 1 378

2004 1 344

2005 1 391

2006 1 443

2007 1 507

2008 1 526

2009 1 561

2010 1 472

2011 1 562

Source : Perspective Monde [online], date de consultation : 2 décembre 2018 et Banque Mondiale

La moyenne du PPA au cours de la période 2000 à 2011 a été de 1 441 dollars US alors qu'en 2005 celui de Saint-Marin était de 19 300, d'Aruba de 25 300 en 2011. Celui d'Haïti était le plus faible de la région.

Selon les données de la Banque Mondiale, « plus de la moitié de la population dispose d'un revenu de moins d'un dollar par jour alors que 78 % de la population vivent avec moins de 2 dollars par jour ». Cette situation de précarité permet de classer le pays comme étant le plus pauvre des Amériques et un des plus pauvres pays du monde avec un P11B de 725 dollars américains en 2011108.

La situation économique du pays déjà fragile s'est aggravée suite aux nombreux désastres naturels qui ont frappé le pays, en particulier le tremblement de terre du 12 janvier 2010 qui a détruit de nombreuses vies humaines ainsi que des infrastructures. Toujours selon la Banque Mondiale, les dommages et pertes occasionnés par ce tremblement sont estimés à environ 8 milliards de dollars, ou 120 % du P11B. Le pays a été également ravagé par de nombreuses

108 Voir www.banquemondiale.org/fr/country/haiti/overview

101

tempêtes tropicales et ouragans au cours des dernières années qui ont causé des pertes estimées à 900 millions de dollars (soit 15 % du PIB) et qui ont mis à nu sa très grande vulnérabilité. Ces catastrophes naturelles ont fragilisé la production agricole rendant ainsi le pays de plus en plus dépendant de l'aide externe et de l'importation des produits de première nécessité. (EMMUS V, 2012)

Au tournant des années 2000, la situation politique du pays était chaotique, et ce chaos politique avait de grandes incidences sur la structure de l'économie nationale. En effet, ce fiasco politique s'accompagne d'une dégradation des conditions économiques et d'une aggravation de la pauvreté. L'augmentation de la production n'a pas suivi l'accroissement naturel de la population. La production agricole déjà faible, qui subit les effets du déboisement, de l'appauvrissement des terres et ne connaît aucun investissement sérieux ne peut plus du tout nourrir la population. Haïti doit importer 51 % de sa nourriture et devient soumis aux fluctuations du marché (Haïti : Cadre de développement durable, 2017).

La migration, lit-on dans Haïti : cadre de développement durable, fait partie intégrante de l'histoire d'Haïti et joue un rôle majeur dans la croissance économique du pays notamment du fait des envois de fonds. Les flux de migration interne sont également très importants en Haïti. En raison de ses caractéristiques économiques, politiques et socioculturelles, le département de l'Ouest est la destination principale des migrants internes, attirant 90 % d'entre eux (cité dans PNUD et République d'Haïti, 2014). Port-au-Prince, la capitale, reste et demeure la ville la plus peuplée de toute Haïti, elle fait partie de l'AMP109 et se trouve dans le département de l'Ouest. Selon toutes les études concernant les migrations internes, ce département est toujours le premier département de destination des migrants grâce à l'apport de l'AMP (IHSI 1981, Gardiner R. 1996, Duval Joseph C. 2006, 2011).

Le secteur agricole représente environ la moitié des emplois en Haïti et compte pour 25 % du PIB (Gouvernement d'Haïti, 2010a ; Courrier international, 2010a, Cité par Dufour (2011).

La pauvreté extrême répandue dans le milieu rural haïtien met la population paysanne dans l'impasse économique d'assurer leur quotidien dans la coupe des bois. Ainsi, « l'usage intensif du bois entraine de nos jours de graves problèmes de dégradation de sols, lesquels ont perdu leur couche arabe et leur éléments nutritifs par l'érosion. Conséquemment, dans les zones de fortes pénuries, en ressources ligneuses, la surexploitation se traduit par une désertification

109 L'AMP est composé de six villes : Port-au-Prince, Pétion -ville, Delmas, Carrefour, Cité -soleil, et Gabarre. Notons qu'en 1982 Delmas et Carrefour ont été créé alors que Cité -Soleil et Tabarre sont apparues en 2003. (Référence : Le MONITEUR, No 14 - Jeudi 2 février 2006 DECRET : Élévation de Cité Soleil et de Tabarre au rang de commune.

102

irréversible dont les conséquences dépassent largement le problème de l'approvisionnement en bois ». Ce phénomène débouche indubitablement sur l'érosion. Or, l'érosion est le pire ennemi de l'agriculture : c'est ce phénomène que rencontre-le plus l'agriculture d'Haïti.

L'agriculture est l'un des principaux piliers d'un programme de lutte contre la pauvreté. L'amélioration du niveau et de la qualité de vie des groupes à faibles revenus en général et des communautés paysannes en particulier dépend dans une large mesure de la disponibilité de produits agricoles, en vue d'assurer la sécurité alimentaire et d'augmenter les revenus.

En 2009, le secteur primaire dans son ensemble, c'est-à-dire incluant l'agriculture, la sylviculture, l'élevage et pêche, représentait seulement 24% du PIB (IHSI).

Tous ceux qui se proposent de rendre compte de la situation économique d'Haïti ne manquent pas d'être frappés par la précarité chronique qui caractérise la société. La population haïtienne, à l'entame de la deuxième décennie du 21e siècle, accuse « l'incidence de pauvreté » la plus élevée de l'hémisphère occidentale comparativement à d'autres pays de la région en calculant l'indice de la pauvreté humaine (IPH) (voir le tableau ci-dessous).

103

TABLEAU 18 : INDICE DE LA PAUVRETE HUMAINE CROISEE A L'IDH COMPAREE A QUELQUES PAYS DE LA REGION

PAYS

Rang IPH-1

 

IPH-1 Différence entre classement IPH-1

et seuil de pauvreté

Rang IDH

Classe IDH

CUBA

4

4.1

 

55

Moyen

TRINIDAD

6

7.9

 

50

Élevé

REPUBLIQUE DOMINICAINE

22

14.0

+6

94

Moyen

JAMAÏQUE

20

13.2

+5

86

Moyen

HONDURAS

36

20.5

-7

116

Moyen

HAÏTI

71

42.3

 

146

Faible

Source : Wikipédia, Classement des pays par Indicateur de pauvreté en 2000, 2-12-2018, format PDF

Tableau 19 : Indice de l'espérance de vie, de scolarisation, du PPA et de l'IDH en Haïti et d'autres pays voisins

Pays/Groupe

Esperance de vie à la naissance

Durée attendue de scolarisation

Durée moyenne de scolarisation

RNB par Habitant

(PPA en 2005)

Valeur de l'IDH en 2005

Position par

rapport au

monde

Haïti

61.2

7.6

4.9

1,123

0.455

158

Honduras

73.1

11.4

6.5

3,443

0.625

121

104

Guatemala

71.2

10.6

4.1

4,167

0.574

131

République dominicaine

73.4

11.9

7.2

8,087

0,689

98

Amérique

latine et
Caraïbe

74.4

13.6

7.8

10,119

0,731

 

Source : PNUD, Human développement Report 2011, cité dans Jean-Abel PIERRE, p64

105

Près de trois quarts de la population vivent avec un revenu de moins de deux dollars par jour. Selon une estimation de l'Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique (IHSI) en 2003, 55% de la population soit 4.4 millions de personnes vivent à partir d'un revenu de moins d'un dollar américain ($1US) par personne/jour. Pour les haïtiens pris dans ce carcan, cela signifie de vivre, par exemple, sur la base du revenu d'un paquet de cigarettes (ou d'une petite marmite de pistaches grillés) achetées et vendues une à une dans la journée pour gagner $1 US/jour. Selon un rapport du BID en 2007, dans certaines régions du pays le niveau de pauvreté atteindrait un taux de 93%. (P. J. Abel, p.62)

D'après les résultats de l'enquête sur les conditions de vies des ménages, menée par l'IHSI en 2001, 56% de la population, soit 4,4 millions de personnes, vivent avec moins de 1 dollars par jour. On peut mieux voir la gravite de la situation de précarité socioéconomique d'Haïti en comparant les données nationales avec d'autres pays de la région, comme nous le démontre ce tableau 20.

5.2.2 La santé financière du pays

Lors de l'occupation américaine, une convention a été signée sous le gouvernement de Sudre Dartiguenave (la convention du 13 avril 1919) pour fixer la parité de la gourde par rapport au dollar. D'après cette convention, on avait besoin de 5 gourdes pour l'acquisition d'un dollar américain. Ce taux resta en vigueur jusqu'au début des années 80. Le coup de grâce fut donné en 1989 quand 56 millions de la devise américaine furent expatriés. Depuis lors, la monnaie haïtienne s'est considérablement dévaluée par rapport au dollar américain. Le marché se libéralisa et le taux de change devient très fluctuant (voir le tableau 20). La situation est d'autant plus compliquée lorsqu'on tient compte de l'exportation du pays, avec une balance commerciale souvent négative. De fait, de 2000 à 2011, le dollar américain a évolué de 88.87

%110.

Tableau 20 : Evolution du taux de change en Haïti de 2000 à 2011

Année

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

Valeurs111

21.48

24.58

29.69

42.23

38.30

40.67

40.23

36.84

39.33

41.28

39.65

40.57

Source : BRH

110 Si l'on tient compte de 2000 comme année de base, avec une valeur pour un dollar=21.48 gourdes.

111 Taux de change de la gourde haïtienne par rapport à 1 dollar US.

106

5.3 Le développement politique

5.3.1 Violence et insécurité en Haïti

En 2000, Jean-Bertrand Aristide est réélu lors d'élections dont le taux d'abstention est estimé à 90% par l'ONU112. Cette faible légitimité du président a rapidement donné lieu à un conflit social qui a atteint son paroxysme en 2004, lorsque Jean-Bertrand Aristide fut contraint de quitter le pays sous l'escorte des forces spéciales états-uniennes. Depuis, la santé démocratique du pays continue de se détériorer, en dépit de la réélection de René Préval, en 2006, et de l'élection de Michel Martelly en 2011. Donc dans l'intervalle 2000 à 2011, la gouvernance politique du pays atteint un sommet critique aux yeux des acteurs tant nationaux qu'internationaux.

Au départ du président, la situation était d'autant plus chaotique. On observation la présence d'un ensemble de groupe armés pour des raisons diverses (anciens policiers, bandits, anciens membres du FAd'H, etc.) qui sèment la terreur et latwoublay113 au sein de la population par divers actes de violence. Car depuis [...] février 2004, des quantités importantes d'armes à feu ont été distribuées à différents groupes y compris des enfants (insurgés, groupes pro-Lavalas). Et ces armes constituent à mettre la population dans la peur, la terreur et la pression.

Tableau 21 : Typologie d'actes de violence armée commis en Haïti

Catégorie Période 2000 - 2004 Période post-février 2004

d'actes

Politique

Répression politique

Affrontement / résistance armée

 

Kidnapping

Intimidation / pression

 

Assassinat

Chantage / diffamation

 

Destruction des biens

« Dechoukaj » (représailles)

 

Intimidation / agression

 
 

Agression sexuelle (répression des femmes)

 
 

Supplice du collier

 
 

Arrestation / détention arbitraire

 
 

Torture

 

112 Ce fort de taux d'abstention qu'émet l'ONU va à l'encontre de ce que les acteurs nationaux émettent. Ainsi, pour Franklin Midy dans Hurbon (dir.), le taux de participation est estimé à environ 40.27.

113 Mot Créole traduisant «trouble».

114 GROUPE THEMATIQUE SECURITE ET GOUVERNANCE POLITIQUE, sécurité : désarmement / police, p, 2.

107

Économique

Vol à main armée

Vol à main armée

 

Kidnapping

Kidnapping

 

Expropriation des biens

Expropriation des biens

 

Extorsion

Extorsion

 

Trafic illicite (drogues, armes à feu, etc.)

 

Sociale

Agression sexuelle des femmes

Règlement de comptes

 

Violence domestique

Conflits sociaux

 

Conflits sociaux

Violence domestique

 

Criminalisation des enfants et des

Destruction des structures

 

jeunes

communautaires

 

Destruction des structures

communautaires

 

Source :

La présence de ces groupes constitue un facteur d'insécurité important. Entre 2000 et 2004, beaucoup de ces formations armées entretenaient des liens très étroits avec les autorités politiques, ayant pour fonction de favoriser l'émergence d'un climat de violence, d'intimidation et d'impunité. L'installation de ce système par les autorités avait pour but de maintenir le pouvoir. Agissant au nom de l'État, ces groupes armés ont contribué à la détérioration du respect des droits humains, entraînant à son tour la détérioration du tissu social et l'instabilité sociopolitique114. Et principalement aux Gonaïves, un important conflit armé a éclaté, a perduré et plonge la ville dans le chaos. Dans cette situation, le pays est vu de la communauté internationale comme Etat fragile, si bien que l'aide internationale allouée de 2003 à 2008 est qualifiée d'aide pour la paix, ou aide aux Etats fragiles, qui augmente davantage en ampleur. On peut alors se poser la question : où est passée la gouvernance en tant de modalités de l'aide ?

108

Tableau 22: Peacekeeping expenditure, 2000-2008 (USD

millions)115

 

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

As % of ODA

2008

Burundi

-

-

-

40

304

239

118

-

32

7%

Côte d'Ivoire

-

-

-

83

337

382

450

471

475

83%

Congo, Dem. Rep.

246

389

480

636

901

1 055

1 085

1 116

1 191

78%

Cyprus

-

-

-

-

-

-

-

48

56

-

Darfur

-

-

-

-

-

-

-

1 276

1 500

-

Eritrea

164

185

210

184

180

156

126

113

100

74%

Georgia

24

25

29

30

31

31

32

35

35

4%

Haïti

-

-

-

35

377

480

484

535

575

66%

Kosovo

361

360

330

316

294

234

210

220

198

 

Liberia

-

-

-

548

741

707

676

688

604

93%

Lebanon

46

50

-

-

56

-

-

714

689

68%

Sierra Leone

521

618

603

449

265

86

-

-

24

7%

Sudan

-

-

-

-

219

801

990

846

821

101%1

Timor- Leste

528

454

288

196

82

2

147

153

173

66%

115 Source : center on International coopération, 2009

109

Western Sahara

46

41

41

42

45 46 44

48

48

Total

 

1

971

2

156

2

020

2

599

3

832

4 259

4 402

6

485

6

868

6%

%

fragile states

to

 

74%

 

76%

 

78%

 

84%

 

89%

92%

93%

 

83%

 

84%

 

116 Andréane Giguère, La situation actuelle en Haïti dans le cadre de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti (MINUSTAH), Mise au point.

110

C'est dans ce contexte que les Nations Unies, selon la résolution 1529 prise par le conseil de sécurité de l'ONU, a autorisé le déploiement d'une force multinationale intérimaire et a annoncé son intention de mettre sur pied une mission multidimensionnelle de stabilisation en Haïti. Le 30 avril 2004, la MINUSTAH a été promulguée par la résolution 1542 (2004) du Conseil de sécurité dont le mandat consiste à appuyer le dialogue politique et la tenue des élections, à renforcer les capacités de l'État en lui fournissant un appui institutionnel de même qu'une aide à la gestion des frontières, à maintenir la sécurité publique par une stratégie de diminution de la violence communautaire, à appuyer la réforme de l'État de droit et à encourager les droits de l'Homme. Environ 7 060 soldats et 2 091 policiers ont fait partie de cette force multinationale116.

Parallèlement à cette situation que réclamerait la force régalienne de l'Etat, la Police Nationale d'Haïti fait montre de son incapacité tant technique, institutionnel qu'opérationnel. Une situation qui profite bien à semer la panique. On peut lire dans la Rapport Sécurité : désarmement, Police du Groupe Thématique sécurité et gouvernance politique : « Depuis la démobilisation des Forces Armées d'Haïti (FAd'H) à la fin de 1994, la Police Nationale Haïtienne est la seule force investie de l'Autorité Publique. Au fil des ans et en particulier depuis février 2001, au lieu de se professionnaliser et de se renforcer en moyens humains et matériels, la PNH s'est au contraire littéralement liquéfiée sous l'action conjointe de la corruption, de la politisation et d'un laisser-aller général.

» La PNH, qui comptait environ 6300 policiers de tous grades en 2003, se trouve aujourd'hui vidée de sa substance et ne comporte plus que la moitié de ses effectifs (environ 3000) en raison du nombre de personnels encore en fuite et de l'épuration des cadres supérieurs et subalternes ordonnancée par le nouveau Directeur Général peu après sa prise de fonction. Avant la crise, elle comptabilisait 189 commissariats et sous-commissariats mais était absente des zones reculées et couvrait mal l'agglomération de Port-au-Prince. »

En 2006, le gouvernement haïtien, soutenu par les Nations Unies, a adopté un plan de réforme de la Police nationale d'Haïti (PNH) afin de restaurer sa crédibilité qui est minée par le clientélisme et l'ingérence politique. Prévu pour une durée de cinq ans (échéancier 2011), ce projet de réforme vise la professionnalisation des ressources humaines de la Police nationale d'Haïti et le renforcement de ses capacités opérationnelles et institutionnelles.

111

5.3.2 Institutions politiques

Depuis les événements de 2000 et de 2004, la santé démocratique du pays continue de se détériorer, en dépit de la réélection de René Préval, en 2006, et de l'élection de Michel Martelly en 2011. Point besoin de parler de la légitimité et de l'efficacité des institutions politiques puisque la stabilité politiques dépend non seulement d'es acteurs politiques (Éric Sauray, 2015), mais aussi d'elles.

Le conseil électoral provisoire a été, depuis au début du siècle, on ne peut plus décrié, et n'inspirant pas confiance. En effet, la crédibilité du processus électoral a été affectée le 5 février 2000 lorsque le Conseil électoral provisoire a décidé de mettre à l'écart 40 des 105 candidats se présentant aux élections sénatoriales. Aucun candidat issu des factions adverses de Fanmi Lavalas (le parti de l'ancien président Jean-Bertrand Aristide) n'a été accepté. Plusieurs acteurs nationaux et internationaux ont manifesté leur inquiétude devant cette décision controversée. Le Conseil électoral provisoire a finalement accepté certains candidats initialement rejetés, mais les personnes associées au parti Fanmi Lavalas n'ont définitivement pas été retenues. La MINUSTAH affirme que la non-participation d'un parti politique doit être évitée. Comme conséquence, on a l'impression que la population ne remplit pas son devoir civique pour légitimer le politique. Au premier tour des élections sénatoriales visant à renouveler le tiers du Sénat, le taux de participation au sein des électeurs haïtiens n'a été que de 11 %.

L'exemple le plus flagrant dans l'histoire des élections frauduleuses en Haïti est donné en 2010 et rapporté par Cherubin G. qui écrit : « Dans les faits, la CI (Communauté Internationale) a le dernier mot dans les disputes soulevées par des irrégularités observées dans certaines élections ; disputes concernant la validité de ces élections et la reconnaissance de leurs résultats. [...] Parfois, comme en 2010, c'est la communauté internationale elle-même qui commande la conduite à suivre dans le jeu électoral et dicte les « bons résultats » attendus du CEP (Chérubin, 2014 : 258-260). Non seulement cet exemple décrit l'ingérence de la communauté internationale en Haïti, mais aussi que la souveraineté du peuple est mise en jeu, que le peuple n'est pas libre et donc pas souverain s'il n'a même la capacité de choisir son destin. Peut-être que ça confirme très clairement ce vieux proverbe « Qui finance commande ».

112

5.3.3 Elections et partis politiques

Etudiant les partis politiques, Midy fait ressortir trois principaux types de Partis Politiques : les d'abord les Partis-Entreprises Personnels, ensuite les Partis-Entreprises Familiales et enfin les partis entrepris de société anonyme. Il compare donc l'initiative des partis politiques en Haïti comme la formation d'une entreprise jouissant d'un statut juridique propre qui s'engage sur le marché de la politique pour gagner ou pour faire du profit. Dans cette perspective, il voit ces Partis présents sur la scène politique dans une approche de Pubic Choice ou la politique ne recherche qu'à satisfaire ses besoins économiques une fois accaparé du pouvoir (voir Buchanan, 1962).

Il fournit un jugement intéressant en ce qui a trait aux partis d'initiative personnelle qui nous reproduisons exactement : « Les « chefs-leaders » de ce type de partis les considèrent comme leur affaire ou leur entreprise personnelle. Le capital investi dans l'entreprise -capital politique plutôt qu'économique- leur appartient en propre. Ce type de parti disparaît de la scène politique et tombe en état comateux, avec la disparition du chef -disparition physique définitive ou disparition politique momentanée. ». C'est donc, dans l'espace politique haïtien, il est rare de trouver un parti avec une vision de progrès public. On dirait que le terrain du jeu politique est un gagne-pain, comme il l'a si bien exprimé lui-même :

« [...] On peut «faire de la politique» à titre de profession secondaire ou principale, et qu'il y a deux manières de faire de la politique sa profession : vivre « pour » la politique comme profession secondaire, ou bien vivre de la politique comme profession principale.

Vit de la politique, qui cherche à en faire une source permanente de revenus. Seuls peuvent se permettre de vivre « pour » la politique, ceux qui sont indépendants de fortune ou les idéalistes rêveurs d'un monde nouveau. En Haïti, et ailleurs, dans les pays aux horizons fermés, du point de vue politique comme sur le plan économique, la politique est plutôt vue par beaucoup comme une porte d'entrée dans le présent et vers l'avenir. Profession secondaire ou principale, on la pratique ici et là, en général, pour « en » vivre, non pas pour vivre «pour» elle. »

C'est peut-être pourquoi comme le démontre le tableau ci-contre, que le taux de natalité des partis politique, de 2000 à 2010 est très élevé :

113

Tableau 23 : Répartition des partis politiques nés selon la période électorale et leur
effectif cumulatif

Période

Nombre de partis fondés

Total

cumulatif

Après les élections de 2000

5

5

2001-2003

1

6

2004-2006

32

38

2007-2010

42

80

Source : Franklin Midy, « Partis politiques aux élections en Haïti : représentation, légitimité et métier politique », IDEA, p

Dans cette conditions, l'acteur politique n'accepte pas d'être vaincu. Et une telle posture met à mal l'institution de régulation politique et la santé démocratique du pays comme le montre le tableau 23, et l'acteur politique prêt à tout faire pour saper le bon fonctionnement de la course du jeu politique, même la violence ; il ne craint même la non-légitimité du peuple. Éric Sauray va plus loin pour dire que ce ne sont las les institutions le problème, mais ce sont plutôt les acteurs politique. Nous citons : « Chaque fois qu'il s'agit de s'interroger sur les difficultés à installer la démocratie en Haïti, il existe un risque de faire le procès des institutions. Mais le procès des institutions est une fausse piste. Il cache en réalité la défaillance des hommes, à savoir les acteurs politiques chargés de faire vivre les institutions, donc d'animer la démocratie. En d'autres termes, c'est le comportement des acteurs politiques qui constitue un obstacle à la

démocratie. Les institutions n'y sont pour rien. Elles sont les victimes des difficultés qu'éprouvent les acteurs politiques à assumer leur rôle d'intermédiation, de structuration et de canalisation des revendications populaires117

117 Éric Sauray, « L'instabilité des institutions démocratiques post-1986 : triomphe du pactisme et oubli de l'esprit des lois », Haïti Perspectives, vol. 4
· no 3
· Automne 2015

114

Tableau 24 : situation politique et démocratie en Haïti au cours de la période 2000 à 2011

Début période

Fin période

Indice global

Indice de

démocratie

Indice

d'autocratie

Niveau d'ouverture

Niveau de

compétition

Niveau de limitation

Niveau de

restriction

de la
participation

 

26 nov. 2000

8 mars

2004

-2

1

3

4

1

3

2

3

8 mars 2004

14 mai

2006

Situation transitoire

 

14 mai 2006

12 janv.

2010

5

6

1

4

2

6

3

3

12 janvier

2006

31 déc.

2011

 
 
 
 
 
 
 
 

Source : Perspective Monde, Université de Sherbrooke, en ligne sur www.perspectivemonde.usherbrooke.ca , consultée le 2 décembre 2018

115

Dans de telles situations, les élections en Haïti, de 2000 à 2011, sont souvent une question de manoeuvre. En 2000, de son coté, Grâce à une manoeuvre de calcul peu sophistiquée (Morrell, 2000 cité par Midy), Fanmi Lavalas réussit à faire main basse sur le butin électoral : d'un côté, en raflant tous les postes en jeu au Sénat et, de l'autre, en affichant un score de parti unique à la présidentielle (91,7%), un score absolument impensable en régime démocratique.

Tableau 25 : Classement des candidats vainqueurs/ partis politiques et % des votants

Périodes électorales

Partis politiques

Score du vainqueur

Taux des votants

 
 

(%)

 

26 novembre 2000

Fanmi lavalas

91.67

40.27

2006

Lespwa

51.21

43.7

2011

Repons Peyizan

67.57

22.5

Source : l'auteur, d'après les données fournies par Midy

A la lecture du tableau ci-dessous, on peut aisément voir que jamais, au cours de la période 2000 à 2011, la moitié de la population avait participé aux urnes. Et le pays a obtenu ce score :

Tableau 26: Niveau de participation politique en Haïti de 2006 à 2010

Années

2006

2008

2010

Valeurs

2,78

2,78

2,78

Source : Source : Perspective Monde, Université de Sherbrooke, en ligne sur www.perspectivemonde.usherbrooke.ca , consultée le 2 décembre 2018

Et en ce qui a trait à l'institution électorale, si la constitution prévoit la mise en place d'une structure provisoire118 pour réaliser les élections dans un délai relativement court post-87, celle qui est constitution, de droit n'a jamais vu lu jours. Et l'arbitrage du jeu politique a été assuré par les conseils électoraux provisoires. Ainsi, de 2000 à 2011, 5 conseils électoraux ont vu le jour119. Et les élections organisées sont toujours contestées, critiquées de fraude ou d'irrégularités.

118 L'article 289 de la constitution de 1987 se lit comme suit : En attendant l'établissement du Conseil Electoral Permanent prévu dans la Présente Constitution, le Conseil Electoral Provisoire de neuf (9) Membres, chargé de l'exécution et de l'élaboration de la Loi Electorale devant régir les prochaines élections et désigné de la façon suivante :

119 https://www.cephaiti.ht/historique/Print.html consulté le 2 décembre 2018.

116

5.3.4 Femmes et politique

Dans la culture politique haïtienne, on accueille une très mince quantité de femme dans le pouvoir décisionnel, notamment les postes électifs. La domination des hommes dans le domaine politique ralentie considérablement l'engagement politique des femmes. De par leurs mentalités, leurs comportements, ces hommes s'accaparent le pouvoir politique et font en sorte de contrôler la prise de décision. Dès lors, on peut comprendre que le pourcentage des femmes haïtiennes qui investissent la scène politique soit vraiment bas (Guerline TOUSSAINT, 2011).

Pour les postes de Délégué(e)s Départementaux-les (représentant(e)s du Pouvoir Exécutif dans les Départements (soit 9 au total), l'inégalité moins criante en août 2001 est accentuée en avril 2004. Si, en 2001, 44,0% des délégué(e)s étaient des femmes, en 2004 elles ne représentaient que 10,0%. Comme nous l'avons dit dessus, peu de femmes ont occupé de sièges dans ces structures de décision. En effet, le Sénat haïtien comptait, en 2003, 32% de femmes (soit 6 sur 19) alors que la Chambre des Députés 4% (3 sur 80). Pour les deux Chambres, les femmes ne représentaient qu'environ 9,1% (voir le tableau 27).

Tableau 27 : Proportion de femme au parlement depuis 2001

Années

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

Pourcentage

3,6

3,6

3,6

3,6

3,6

2,0

4,1

4,1

4,1

11,2

4,2

Source : http://perspective.usherbrooke.ca , 3 décembre 2018

Cette courbe nous fournit une vue plus critique de la participation des femmes versus hommes dans politique active en Haïti au cours de la période 2000-2011.

117

Graphe X : évolution comparée de la participation politique des femmes par rapport

aux hommes

120

100

40

80

60

20

0

2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010

femme Homme Colonne1

Concernant les fonctions de Premier Ministre, Haïti a connu 15 premier ministres dont deux femmes femme Madame Claudette Werleigh (de Novembre 1995 au 7 Février 1996) et Madame Duvivier Pierre-Louis. Pourtant, les femmes représentent la plus grande proportion dans la population haïtienne, et contribue pour une assez large part, dans l'économie et la famille.

Il a été question d'étudier dans ce chapitre le développement en Haïti dans son triple point de vue social, économique et politique. Nous avons pu constater que la situation socioéconomique et politique du pays, au cours de période étudiée, était loin de favoriser une situation de bien-être pour la population. L'année 2000, a débuté avec une crise politique intense, mettait en branle la vie sociale dans le pays. L'insécurité était à son comble, et il régnait donc l'insécurité (CCI, 2004). Alors que le refus de l'impunité a toujours été l'une des principales revendications de ces dernières années. Les assassinats, crimes et délits liés au banditisme, au vol, à la délinquance et au trafic des stupéfiants sont très rarement punis. Là encore, on retrouve bien souvent des gangs organisés et des officiers de police ou de justice corrompus et qui se laissent circonvenir par des avocats véreux (ibid.).

La violence et l'insécurité en Haïti continuent d'avoir un impact négatif sur les droits humains et la sécurité des individus et de leur communauté, en plus d'un effet de déstabilisation sur les plans social et politique. Les femmes constituent un groupe particulièrement touché par la

118

violence, notamment par l'agression sexuelle et la plupart sont doublement victimes à cause du fait que les agresseurs ne sont jamais poursuivis et font pression sur les victimes pour ne pas qu'elles intentent de procédures judiciaires. Toute analyse de pareille situation permet aux penseurs de conclure que l'Etat de droit en Haïti a failli. Certaines zones, avec le phénomene de la violence, des groupes armées et du kidnapping, sont classe de zone rouge, c'est-à-dire quartiers de non-droit. Le pays est ainsi classé, selon les institutions de développement des NU comme Etat failli, Etat faible, Entité chaotique ingouvernable. Un tel climat n'est du tout pas propice pour favoriser les investissements économiques, et le pays s'accumule davantage de misère.

Dans la même foulée, le pays enregistre une inégalité socioéconomique de plus criantes de la région de 2001 à 2011 variée de 59 à 60. Tous ces paramètres qui influent sur les développements étudiés ne montrent parfaitement que le développement n'avait pas été au rendez-vous. La gouvernance n'était donc pas au rendez-vous, étant une époque de crise politique, d'insécurité, ou l'éducation, la santé, l'éducation, etc., comme une bonne gouvernance et des institutions solides et responsables sont des conditions essentielles pour réduire la pauvreté et influer sur le développement120, la situation qui sévit nous permet de confirmer que la bonne gouvernance n'était pas au rendez-vous et comme conséquence le pays est plongée dans l'abime du sous-développement tant du point de vue social, économique que politique vérifiant ainsi notre hypothèse secondaire stipulant : « Le cadre institutionnel mis en place dans l'administration, à cause de sa faiblesse, du phénomène de la corruption, de la non transparence et de la mauvaise gouvernance n'a pas favorisé le développement socioéconomique et politique d'Haïti au cours de la période 2000-2011 ».

120 Banque Mondiale, l'ABC de l'IDA : le renforcement institutionnel, Juin 2016.

119

CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

Au terme de cette recherche, nous avons vu que le cadre institutionnel public haïtien ne favorisait pas la bonne gouvernance pour faire une gestion efficace de l'aide publique au développement et conduire le pays la voie du progrès, du développement, dans son triple point de vue social économique et politique au cours de la période étudiée, c'est-à-dire de 2000 à 2011. C'est, en effet une relation de cause à effet, entre la bonne gouvernance, c'est-à-dire l'efficacité et la pertinence des instances régaliennes (publiques) qui gouvernent (Gilles Paquet, 2011) le pays et le développement socioéconomique et politique d'un pays (BM, 2016).

D'une part, la gouvernance du pays était belle et bien une illusion au cours de cette pays. Nous avons, afin de mieux comprendre l'atterrissement de cette politique en vogue depuis plus de trois décennies dans le monde en développement surtout, utiliser les six indicateurs (voir page 26) émis par la Banque Mondiale rapporter par D. Bakkour (2013) afin de mesurer la gouvernance.

L'expression et la responsabilisation qui incluent la liberté des citoyens dans le choix de leur gouvernement, et la liberté d'exprimer et de se relier, ainsi que le degré de la transparence n'a pas été atterri. Comme nous l'avons mentionné plus haut, les élections nationales au cours de la période étudiée sont souvent entachées de fraude avec un CEP qui ne peut pas remplir son mandat comme il faut. Il s'ajoute aussi l'ingérence de la communauté internationale (Pierre Therme, 2014) dans le choix des dirigeants du pays. Ginette Cheribun121, ancienne conseillère électorale, nous fournit un exemple assez clair.

Assassinats, viols, vols et braquages entrepris dans la plus grande impunité, marquent le quotidien, notamment dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince. [...] Une enquête de l'USAID122 montre que « le problème le plus sérieux auquel le pays fait face » est celui de la délinquance, du crime et de la violence (F. Midy, 2014). Ce, pour nous montrer que la violence et l'insécurité a été au rendez. Et malgré l'achèvement du mandat de deux gouvernements au cours de la période étudiée, on est loin de penser un environnement politique vraiment stable. Des conflits armés peuvent surgir de temps à autre.

A en croire Vernet Larose (2012), les services offerts par l'administration publiques aux usagers ne correspondent même de loin à l'attente de la population. Education, santé, logement social décent, ... tous ces secteurs d'activité n'ont pas bénéficié de l'appui de l'Etat quant à leur

121 Voir CHERIBUN, Ginette, Le ventre pourri de la bête, Editions de l'UEH, Port-au-Prince, 2015

122 Rapport d'enquête publié en 2006.

120

amélioration au cours de la période étudiée. Ce qui prouve que le gouvernement n'a pas été efficace.

La situation dans laquelle le pays s'était trouvé n'ont pas favorisé la naissance de nouvelles entreprises capable de stimuler la croissance et génératrice d'emploi. L'Etat n'a donc pas pu faire valoir sa mission régalienne de favoriser, étant incapable de faire, l'investissement afin de réduire le taux chômage croissant et combattre la misère.

Si la justice ne peut pas s'imposer, si l'insécurité fait rage, et que la population n'a guère confiance aux tribunaux, les étant considérés comme des plus corrompus en Haïti, on ne peut pas, et a juste titre, parler d'Etat de droit en Haïti. L'impunité qui se perpétue fait même que certaines personnes semblent être aux dessus des lois communes.

Au cours du deuxième mandat du président Rene Préval, il a procédé à la création de deux instances affirment sa volonté de lutte contre le phénomène de la création : l'UCREF et l'ULCC, sans oubliant quelques textes de lois adoptés par les parlementaires. Pourtant, le phénomène ne fait que persister et croitre en ampleur. En somme la bonne gouvernance n'a pas été, une fois de plus, au rendez-vous dans l'administration publique nationale. Ce qui justifie, pour une assez large part, la mauvaise gestion de l'APD allouée au pays au cours de la période 2000 à 2011. Confirmant ainsi notre hypothèse principale ainsi intitulée : « Le cadre institutionnel mis en place dans l'administration, à cause de sa faiblesse, du phénomène de la corruption, de la non transparence et de la mauvaise gouvernance n'a pas assuré une gestion saine et efficace de l'aide publique au développement en Haïti au cours de la période 20002011. »

Mais il s'ajoute aussi que le fait que la communauté des bailleurs de fonds n'ont pas soumis leurs fonds aux principe adoptés lors de la déclaration de Paris123.

123 Du 28 au 2 mars 2005, les ministres de pays développés et de pays en développement chargés de la promotion du développement, et responsables d'organismes bilatéraux et multilatéraux d'aide au développement, se sont réunis à Paris et ont pris la résolution de mener des actions ambitieuses, se prêtant à un suivi, afin de réformer les modalités d'acheminement et de gestion de l'aide.

121

Tableau 28 : les grands principes adoptés lors de la déclaration de Paris en 2005

Principes Objectifs

Appropriation

Alignement

Les pays partenaires exercent une réelle maîtrise sur leurs politiques et stratégies de développement et assurent la coordination de l'action à l'appui du développement

Les donneurs font reposer l'ensemble de leur soutien sur les stratégies nationales de développement, les institutions et les procédures des pays partenaires

Harmonisation Les actions des donneurs sont mieux harmonisées et plus

transparentes, et permettent une plus grande efficacité collective

Gestion axée sur les Gérer les ressources et améliorer le processus de décision en

résultats vue d'obtenir des résultats

Responsabilité Mutuelle Les donneurs et les pays partenaires sont responsables des

résultats obtenus en matière de développement

Source : construit par l'auteur

D'autre part, pour mieux comprendre la situation du développement, nous avons utilisé certains indicateurs utilisés par les organismes de l'ONU. Et nous avons vu que le développement en tant processus a été compromis au cours de la période étudiée. Comme on peut lire le résumé de la situation socioéconomique d'Haïti sur la page de l'UNICEF : « Haïti reste le pays le moins développé de l'hémisphère occidental (classement selon l'Indice de Développement Humain (IDH) : 149eme sur 179 pays). 78% de la population vit sous le seuil de pauvreté absolue et 56% dans une pauvreté extrême. La disparité économique est élevée : 63% de la richesse du pays est entre les mains des plus riches 20% de la population, tandis que les plus pauvres, 40% de la population, ont accès à seulement 9% de la richesse. 40% de la population souffre d'insécurité alimentaire. Haïti a le plus fort indice de risque de catastrophes naturelles dans le monde. Haïti a la plus forte densité de population dans la région (soit 353 personnes au km2). La déforestation a atteint près de 98% du territoire et une érosion importante des sols

122

s'en est suivi. En 2008, les catastrophes naturelles en saison cyclonique ont causé des dommages évalués à près d'un milliard de Dollars US, ce qui équivaut à 15% du PIB124. »

Si donc le développement est une situation de bien-être socioéconomique et politique, comme pour P. Bairoch [1990] cité par Bernard Billaudot (2004) l'ensemble des changements économiques, sociaux, techniques, et institutionnels liés à l'augmentation du niveau de vie résultant des mutations techniques et organisationnelles issues de la révolution industrielle du 18ème siècle, le processus du développement en Haïti a été échoué, ce qui vérifie ainsi notre hypothèse secondaire : « Le cadre institutionnel mis en place dans l'administration, à cause de sa faiblesse, du phénomène de la corruption, de la non transparence et de la mauvaise gouvernance n'a pas favorisé le développement socioéconomique et politique d'Haïti au cours de la période 2000-2011. »

Nos deux hypothèses, étant vérifiées, notre hypothèse générale stipulant « Le cadre institutionnel mis en place dans l'administration, à cause de sa faiblesse, du phénomène de la corruption, de la non transparence et de la mauvaise gouvernance n'a pas assuré une gestion saine et efficace de l'aide publique au développement en vue de favoriser le développement socioéconomique en Haïti au cours de la période 2000-2011 » s'est donc révélée juste : les fonds de l'aide publique au développement n'a pas favorisé le développement d'Haïti au cours de la période 2000-2011 à cause de la situation de mauvaise gouvernance qui se perpétue dans le Res Publica.

Au terme de ce travail, nous sommes donc amenés à faire quelques recommandations notamment en ce qui concerne la gestion du secteur public :

La réforme du personnel et de l'administration du secteur public

Nombreux services de l'administration publique sont concentrés avec un effectif trop lourd. L'Etat a l'impérieuse obligation de procéder à la réduction de ce personnel qui est une source de corruption et d'inefficacité pour l'administration publique. Les recrutements doivent être effectués sous base de concours.

Doter les institutions publiques indépendantes et autonomes de moyens pour répondre à leurs attributions

Nombreux sont ceux parmi les citoyens ou les usagers qui se plaignent de la mauvaise condition dans laquelle certaines institutions publiques, autonomes ou indépendantes se trouvent en ce

124 Haïti en Chiffre, voir www.unifec.org, consultée le 4 décembre 2018.

123

qui a trait aux moyens matériels et fonds de fonctionnement. Certaines d'entre elles font même face à une crise de pouvoir, ce qui compromet leurs missions.

La privatisation

La privatisation consiste en la vente du secteur public au secteur privé des entreprises publiques non efficientes, non efficaces et « gaspillent » des ressources publiques. L'Etat doit identifier les entreprises publiques les moins performantes afin de procéder à leur privatisation. Toutefois, il doit garder les services qu'il a comme charge régalienne (sécurité, éducation, santé, ...).

Favoriser des concessions

Par ce que la privatisation et la réforme du personnel conduit certaines personnes tout droit au chômage, l'Etat doit entreprendre certains grands travaux par concessions afin de faire face au problème de chômage.

Favoriser la décentralisation

Plus de trois quarts de servies publics et de de l'économie nationale sont concentrés à Port-au-Prince. Une telle situation rend la surpopulation de la capitale, et a provoqué, pour répéter le professeur Bernardin E., le phénomène de la macrocéphalie urbaine de Port-au-Prince. L'administration centrale de l'Etat doit donc inscrire dans ses politiques la question de la décentralisation, c'est-à-dire doter les régions périphériques par rapport à Port-au-Prince de moyens, pouvoir et compétence afin de mieux desservir la population de proximité. Ainsi, l'Etat sera près de sa population.

Rendre effectif le fonctionnement des collectivités territoriales

La politique administrative de développement local mise en place par la constitution de 1987 à échoué et on le voit. L'Etat central traite les CT en parent pauvre, or, de nos jours en ce qui a trait à la coopération internationale, on ne peut pas nier les CT. C'est pourquoi on parle de nos jours de coopération internationale décentralisée. S'il est vrai qu'on accorde une petite part du budget de la République aux communes, en plus du marchandage qui se fait autour, rien n'est dit ou décidé pour les sections communales. Ces dernières, leurs cas sont plus que lamentables. Etant l'Etat local, bon nombre d'assesseurs ou de président de CASEC n'ont même pas un bureau, et ils jouent tout rôle dans la section : juge, policier, autorité compétente en toute matière régalienne. Leurs responsabilités concrète, outre leur responsabilité de droit, sont donc multiples (Paul S., 2018).

124

Mais par-dessus de tout, l'Etat doit essayer, en dialoguant avec ses partenaires d'APD vis le MPCE, de respecter les principes de la déclaration de Paris sur l'appropriation, l'alignement et l'harmonisation de fons d'APD car, si la responsabilité mutuelle signifie que « Les donneurs et les pays partenaires sont responsables des résultats obtenus en matière de développement », les bailleurs de l'APD ont échoué dans le cadre d'Haïti comme l'a si bien dit Ricardo Seitenfus (2015). Aussi doit-il travailler pour la mise en oeuvre d'un climat prospère a la stabilité politique pour diminuer le phénomène de l'insécurité. Et à cette heure de halo sur le développement durable, l'Etat haïtien doit s'efforcer avec ses partenaires d'orienter l'APD sur les politiques de développement durable.

125

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe