B. La surpopulation carcérale
La lenteur de la procédure judiciaire et le recours
excessif à la détention préventive sont les causes
immédiates de la surpopulation
carcérale85. Selon les statistiques de
l'administration pénitentiaire en date du 05 mai 2016, le nombre de
détenus s'élevait à quatre mille quatre cent quatre pour
une capacité d'accueil de deux mille sept cent vingt places soit un taux
d'accueil de 162 %.Pour la même période, le nombre total des
prévenus et des inculpés était de trois mille (3.000) et
celui des condamnés est de mille quatre cent quatre (1.404). Il est
à noter que le taux d'occupation national durant le premier semestre de
l'année de 2016 est de : 164 % en janvier, 166 % en février, 165
% en mars, 164 % en avril 2016.
L'une des causes de surpeuplement des prisons et des retards
constatés dans le procès pénal, est, sans aucun doute, le
nombre élevé des personnes en attente de jugement. Le nombre
élevé de détenus préventifs s'explique en partie
par la lenteur dans la procédure
judiciaire86. Ceci
84 Ensemble des règles minimales pour le
traitement des détenus adoptées par le premier Congrès des
Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des
délinquants, tenu à Genève en 1955 et approuvées
par le Conseil économique et social dans les résolutions 663 C
(XXIV) du 31 juillet 1957 et 2076 (LXII) du 13 mai 1977.
85Les prisons civiles les plus surpeuplées
dans la période janvier- mai 2016 sont : Dapaong (le taux d'occupation
varie entre 202 % et 222 %) ; Bassar (152 % et 187 %) ; Atakpamé (152 %
et 295 %) ; Notsè (264 % et 311 %) ; Tsévié (329 % et 421
%) ; Aného (196 % et 221 %) et Lomé (le taux d'occupation varie
entre 310 % et 324 %).Source : Direction de l'administration
pénitentiaire.
86CNDH : Rapport d'activités exercice
2014, p. 39.
est une violation du droit des détenus d'être
jugés dans un délai raisonnable reconnu par l'article 19 de la
constitution togolaise.
Le phénomène et il convient de le rappeler,
n'est pas propre au Togo. Il est commun à tous les Etats, y compris les
Etats développés. Il faut relever que le NCPT a fait allusion aux
mesures alternatives laissant ainsi la place au futur code de procédure
pénale de définir les différentes mesures et leurs
conditions d'application. En raison des lacunes juridiques en la
matière, les juges togolais sont souvent contraints de recourir à
un mandat de dépôt violant ainsi le caractère exceptionnel
de la détention préventive87. Il
découle du NCPT que le respect de la liberté individuelle doit
être une préoccupation permanente du juge qui doit en faire une
règle sacro-sainte.
Il est courant de constater que le juge d'instruction
lorsqu'il n'a pas l'intention d'inculper, ou le magistrat du parquet qui se
retranche derrière le défaut de temps nécessaire au
traitement du dossier, ont recours à la « note de service
» pour placer en détention l'individu qui leur est
conduit88. Il s'agit en fait d'un
procédé illégal, attentatoire à la liberté
individuelle et aux droits de l'inculpé ou du prévenu.
Les abus en la matière sont d'autant plus importants
que le magistrat qui ordonne la détention provisoire se prévaut
de son pouvoir souverain d'appréciation des faits. Aujourd'hui, tout
porte à croire contrairement au principe posé par l'article 112
du CPPT précité, qu'en cas d'infraction grave la détention
devient la règle et la liberté l'exception.
Il y a lieu de signaler que les mécanismes de
contrôle de la légalité de placement en détention
préventive sont défaillants. Pire, l'inexistence des juges de
l'application des peines et des libertés complique la situation des
détenus togolais.
Cependant il faut relever qu'avec la surpopulation
carcérale, il est impossible de contrôler des actes ou des
mouvements de violence déclenchés à partir de
l'intérieur de la prison. Il est très difficile d'identifier et
localiser les provocateurs et de les maîtriser. Interrogé sur les
atteintes à la dignité humaine, un détenu
déclarait: «Chaque détenu, s'il n'est pas innocent,
accepte plus ou moins une punition. Mais si la somme de souffrances et des
atteintes à la dignité dépasse le supportable, il ne se
sent plus coupable mais
victime89.»Cette
87 Art.112 « La détention
préventive est une mesure exceptionnelle. Lorsqu'elle est
ordonnée, les règles ci-après doivent être
observées » du CPPT.
88 Ibid., p.43.
89GAMATHO (P.), « le respect des droits de
l'homme dans l'administration de la justice Togolaise », Ateliers
régionaux de renforcement des capacités des magistrats et des
officiers de police judiciaire sur le respect des droits de l'homme dans
l'administration de la justice, 2012, p.32.
47
citation interpelle tout le monde et témoigne des
défaillances des mécanismes de contrôle existants.
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