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La détention préventive et protection des droits de l'homme au Togo.


par Lar KOMBATE
Université de Nantes (France) - Master 2 droit international et européen des droits fondamentaux 2016
  

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III. CONDUITE DE L'ETUDE

La conduite de l'étude repose sur la revue de littérature (A) et sur la méthodologie choisie (B) qui aboutissent à l'articulation et à la justification du plan (C).

A. REVUE DE LITTERATURE

Très peu d'auteurs togolais se sont penchés sur la question de la protection des droits de l'homme dans le contexte de la détention préventive. Cette revue de littérature s'appuie donc sur les documents d'auteurs étrangers, de standards internationaux et des rapports d'activités en la matière.

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Pour le juge togolais Kodjo Woayi, la détention préventive-t-elle que réglementée par la loi n° 83-1 du 2 mars 1983, portant Code de procédure pénale est conforme aux standards internationaux et régionaux en matière de respect de la dignité humaine30. Elle reflète « les réalités togolaises », bien que reprenant à certains endroits les dispositions françaises. L'auteur estime qu'afin d'éviter qu'il n'y ait trop d'abus dans la détention, il faudrait rendre plus efficace les contrôles des juridictions d'instruction ; outre ce contrôle juridictionnel, des efforts doivent également être consentis sur le plan d'investissement humain.

Selon Yves Cartuyvels31, historiquement, les droits de l'homme ont principalement servi de « bouclier » contre les excès potentiels du droit pénal, en limitant son intervention à un triple point de vue : normatif - en excluant ou en restreignant toute forme d'incrimination portant atteinte aux droits de l'homme ; sanctionnateur - en interdisant toute forme de peine inhumaine et dégradante incompatible avec le respect fondamental de la dignité humaine ; procédural enfin - en exigeant un ensemble de garanties liées au droit de l'inculpé à un procès équitable.32

Cette assertion est d'autant plus vérifiée que pratiquement tous les pays du monde abandonnent progressivement la procédure de type inquisitoire au profit de la procédure de type accusatoire qui est fille du principe du contradictoire. Ainsi, paraphrasant le célèbre dictum de l'arrêt Campbell et Fell contre Royaume- Uni, rendu en 1984-« La justice ne saurait s'arrêter à la porte des prisons », Professeur Frédéric Sudre a pu affirmer sans crainte que « la Convention européenne des droits de l'homme ne s'arrête pas à la porte des prisons ».33Pour lui, une lecture superficielle de la jurisprudence de la Cour EDH montre en premier lieu que cette dernière cherche de manière constante à trouver un juste équilibre entre le respect de la personne humaine du détenu et de ses droits fondamentaux d'une part, et la protection de la société et de l'ordre public d'autre part. Il estime que contrairement à d'autres traités internationaux de protection des droits fondamentaux, la Convention européenne des droits de l'homme protège les personnes privées de liberté exclusivement contre les détentions arbitraires (article 5). Nonobstant cette lacune textuelle, les personnes privées de

30Kodjo Woayi, La règlementation de la détention préventive dans le Code de procédure pénale de la loi n°83 - 1 du 2 mars 1983, Mémoire présenté en vue de l'obtention du Diplôme du Cycle III, Ecole Nationale d'Administration du Togo, section magistrature, 1989, p. 45-47.

31Juriste, criminologue, philosophe et Professeur ordinaire à la Faculté de Droit de l'Université Saint-Louis - Bruxelles (USL-B).

32 Yves Cartuyvels, « Droits de l'homme, bouclier ou épée du droit pénal », éd. Facultés Universitaires Saint-Louis Bruxelles - F.U.S.L., Bruylant, 2007, p.23.

33Frédéric Sudre, op. Cité dans la préface de l'oeuvre de Béatrice Belda : Les droits de l'homme des personnes privées de liberté, Contribution à l'étude du pouvoir normatif de la Cour européenne des droits de l'homme, Prix de thèse de la Faculté de droit de Montpellier I, p. 2.

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liberté jouissent au sein du système conventionnel d'une protection effective de leurs droits fondamentaux. Béatrice Belda34 relève en ce sens que« la problématique relative à la pertinence de la pénétration des droits de l'homme dans les lieux privatifs de liberté est, par conséquent, largement dépassé. Elle laisse à présent place, logiquement, à la question plus précise de l'effectivité et de l'efficacité de la protection des droits des détenus»35.

Certaines études, relatives à la détention provisoire ont relevé que les conditions de détention demeurent, presque partout en Afrique, déplorables. Me Jean-Marie Dado Tossou36 précisait ainsi justement que «l'état sanitaire des détenus dans les lieux de détention au Bénin très préoccupant reflète les conditions abominables dans lesquelles végètent la population carcérale béninoise». Pour lui, c'est ce qui explique l'existence des infections qui sont des infections de manque d'hygiène essentiellement dermatologiques comme la gale37. De même, il estime que c'est dans ces conditions déplorables de détention, que les justiciables constatent un recours excessif à la détention préventive.

D'autres études menées par le système des Nations Unies et d'autres ONG telles que Amnesty International, Prisonniers Sans Frontières ont démontré que les longues détentions provisoires violant le principe de délai raisonnable, sont souvent sources de surpopulation carcérale. Selon ces mêmes études, l'usage excessif de mandat de dépôt dans les phases de procédures sommaire et d'information porte atteinte au principe de la présomption d'innocence38. Pour Me Gilbert Collard39, quand la justice va mal, c'est la société dans son ensemble qui va très mal. Me Guy Danet40 renchérit en disant que la justice pénale française devient indigne de son pays, terre présumée de liberté et de respect des droits de l'homme; les motifs prévus et les conditions de mise en oeuvre de la détention provisoire ne sont plus acceptables, la présomption d'innocence est devenue une notion creuse, vide de toute réalité et de toute signification; quant au secret percé de l'instruction, il ne sert plus qu'à nuire à ceux qu'il est censé protéger.

34 Maître de Conférences de Droit public à l'Institut de Droit Européen des Droits de l'Homme.

35 Béatrice Belda : Les droits de l'homme des personnes privées de liberté, Contribution à l'étude du pouvoir normatif de la Cour européenne des droits de l'homme, Prix de thèse de la Faculté de droit de Montpellier I, p.24.

36Greffier au Tribunal de Parakou (R/Bénin).

37 Jean-Marie Dado Tossou : La garantie du droit à la santé des détenus préventifs dans les prisons du Bénin », Mémoire de recherche, Université de Nantes, 2012 - 2013, p.56.

38Haut-commissariat des droits de l'homme au Togo, Rapport sur le respect et la mise en oeuvre des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans l'administration de la justice au Togo, décembre 2013, p. 26 ; 39 Gilbert Collard, Les dérives judiciaires ; et si ça vous arrivait ? Eyrolles, 2011, p.193.

40Me Guy Danet, Président du Conseil national des barreaux, Gazette du Palais, 30 juillet 1996.

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Dans un article, Jean-Manuel Larralde41, disait à juste titre que « les droits des personnes incarcérées présentent de nombreuses particularités théoriques, mais leur exercice concret doit également attirer l'attention.»42Des réformes, urgentes et radicales, sont indispensables.

On peut à présent se demander quelles sont les meilleures garanties substantielles et procédurales en matière de protection des droits de l'homme au cours d'une détention préventive ?

Aujourd'hui, le système universel et les systèmes régionaux de protection des droits de l'homme privilégient les mesures alternatives à la détention préventive. En effet, la Commission Européenne des Droits de l'Homme avait déjà souligné dans sa décision B. contre la France de 1988, que « l'Etat est tenu de contrôler en permanence les conditions de détention de manière à garantir la santé et le bien être des prisonniers, compte tenu des exigences habituelles et raisonnables de l'emprisonnement »43. Ainsi pour la Communauté internationale, les Etats ont des obligations de garantir les droits fondamentaux des détenus préventifs qui sont entre autres : le droit à la vie, le droit à un logement carcéral, le droit au respect de son intégrité physique, le droit à l'information, le droit à la santé, le droit à une alimentation saine et équilibrée, le droit d'être jugé dans un délai raisonnable et le droit au respect de la présomption d'innocence.

En somme, les auteurs suscités ainsi que les instruments juridiques internationaux44 et régionaux45 préconisent que toute législation doit viser l'intérêt supérieur de l'être humain voire la dignité du détenu préventif dans une procédure pénale, gage d'un procès équitable

41Maître de conférence en droit public à l'Université de Caen Basse-Normandie.

42Jean-Manuel Larralde, Les droits des personnes incarcérées : entre punition et réhabilitation, CRDF, n°2, 2003, p. 73.

43 CEDH, 10 mars 1988, décision B. c/RFA, DR 55. p 271, p. 290.

44 Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) (adhéré le 24 mai 1984) ; le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) (adhéré le 24 mai 1984), la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (signé le 25 mars 1987 et ratifié le 18 novembre 1987) et son protocole facultatif (signé le 15 septembre 2005 et ratifié le 20 juillet 2010), la convention relative aux droits de l'enfant (signé le 26 janvier 1990 et ratifié le 1er août 1990) et les conventions de Genève de 1949 et les Règles minima des Nations Unies pour l'élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo) adoptées par l'Assemblée générale dans sa résolution 45/110 du 14 décembre 1990.

45 Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, Convention européenne des droits de l'homme, La Déclaration américaine des droits et des devoirs de l'homme, La Convention américaine relative aux droits de l'homme, la Charte Africaine des droits de l'Homme et des peuples ; l'Acte constitutif de l'Union africaine, la Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l'enfant, le protocole à la charte africaine des droits de l'homme et des peuples, relatif aux droits de la femme, le protocole relatif à la charte africaine des droits de l'homme et des peuples, relatif à la cour africaine des droits de l'homme et des peuples.

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respectueux des droits de l'homme. C'était déjà l'avis d'un grand juriste, Faustin Hélie, qui écrivait : « en Angleterre, la liberté provisoire n'est pas seulement dans les lois, elle est dans la «Common law», elle est dans les moeurs, elle est dans l'état d'esprit du juge ». Qu'en est-il au Togo? Les juges togolais ont- ils ce souci des libertés individuelles à l'instar des juges anglais?

L'originalité de notre étude réside dans l'évaluation du degré de protection des droits de l'homme au cours de la détention préventive dans un pays où les institutions de la République sont en pleine modernisation. Notre travail consiste à étudier l'impact potentiel des instruments et mécanismes internationaux relatifs aux droits fondamentaux des détenus préventifs sur la réglementation de la détention préventive afin de déceler les forces et faiblesses. Cela nous permettra d'envisager les perspectives pour une bonne administration de la justice pénale respectueuse des droits fondamentaux des détenus préventifs.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus