Ø III.2. Discussion
Les résultats montrent que les enquêtés de
Ntuiprincipalementl'agriculture, le petit élevage et la cueillette
sontles principales activités par ordre d'importance alors quela chasse
et la pêche sont des activités des groupes t réduites
àleur plus simple expression. La cueillette est plus l'oeuvre des
femmes. En effet, l'agriculture représente 63,7 % et le petit
élevage 16,7 %.Guianeng (2009), a montré que les activités
sont effectuées à des fréquences différentes par
les populations de Tagawa 1, 2 et 3 (au Cameroun) et que la cueillette est
essentiellement l'oeuvre des femmes. Le vieillissement des chasseurs, le manque
de gibier et l'envahissement des savanes par les plantes invasives dont
Chromolaena odorata, Mimosa pudica et Indigofera sp. (ces
espèces végétales empêchent les chiens et leurs
maîtres de mieux appréhender leur proie), expliqueraient ces
constats sur les activités.
Les enquêtés dans cette localité
n'utilisent pas seulement la main d'oeuvre familiale pour mener leurs
activités et faire face aux variations du climat car, 36,7 % font
recours à la main d'oeuvre externe (20 % font recours à la main
d'oeuvre salariale et 16,7 % aux associations). Ce même constat a
été fait par Manga (2013) etNgono (2013). L'absence des
infrastructures d'enseignement secondaire (seulement 20 % de la
totalité des établissements dans les trois localités)
influenceraitprobablement la connaissance des notions de changement et
perturbation climatiques. Les observations de Guianeng (2009), faites à
Tagawa 1, 2 et 3 épousent les précédents propos et ont
montré que l'absence de lycée et collège pourrait impacter
sur la connaissance des notions de changement et perturbation environnementaux.
Les perceptions des variations et changements climatiques et
environnementaux chez les paysans diffèrent d'un paysan à un
autre selon certains facteurs. Pour permettre d'avoir une vision claire de la
situation pluvieuse passée et celle en cours, les producteurs emploient
un certainnombre deconcepts clés attribués aux manifestations
saisonnières vécues dans leur milieu. Ces remarques se
rapprochent des faits observées par Agossou et al. (2012) au
Bénin. Ceci peut s'expliquer par le fait d'un certain «
déréglage » quant au déroulement normal tel que connu
autrefois, des manifestations et évènements environnementaux qui
sont de moins en moins perceptibles.
Les causes attribuées aux changements climatiques par
les enquêtéssont plus liées aux normes et croyances
locales.L'émission des gaz à effet de serre qui demeure la
principale cause scientifiquement prouvée des changements climatiques
n'a pas du tout été évoquée ; constat fait
aussi par Agossou et al. (2012)travaillant dans lesCommunes d'Adjohoun
et de Dangbo au Sud-Est du Bénin.Cesnormes et croyances locales peuvent
être expliquées par le fait que les producteurs de cette zone ne
se sont pas familiarisés à cette réalité des gaz
à effet de serre, et il n'y a jamais eu d'actions de sensibilisation
à leur encontre pour attirer leur attention sur le fait ; le niveau
éducationnel posant déjà au préalable un blocage
La pluviométrie, la température et le vent ont
été cités comme étant les indicateurs et
manifestations du changement changeants les plus déterminants et
perceptibles. Ils paraissent plusmémorables et visibles par les
producteursque les autres paramètres climatiques tels que :
l'insolation, humidité relative, etc. Ce constat est conforme à
celui de Wakponou etal.(2008)qui ont relevé des perceptions
paysannes similaires en zone l'Extrême-Nord Cameroun. Ces trois variables
climatiques ont une influence directe sur la production agricole et
déterminent la bonne ou mauvaise saison agricole ce qui expliqueraitleur
choix par les enquêtés.
Le changement dans la distribution des précipitations
est perçu par la majorité des paysans (95 %) à travers la
disparition ou la perturbation de certaines manifestations pluvieuses qui
rythmaient le déroulement des travaux champêtres dans les temps
anciens tels que l'«Onguémé » (rosée),
l'«Ossobolo'o» (dès les premières pluies)
et le «Ondimbili » (période de semis proprement
dite). Ce changement connait une haussecesdix dernières années
les populations locales (homme comme femme) étant quasi-unanimes quant
à la baisse de la quantité des précipitations. Cela va de
même pour les changementsces dix dernières années des
températures (changement estimé par 83,3% en saison sèche
et 77,3 % en saison pluvieuse)et des vents(71,7 %) pendant toutes les saisons
(sèche et pluvieuse). Ces perceptions sont similaires à ceux de
Doukpolo (2007) en République Centrafricaine, Kouassi et al.
(2015) en Côte d'Ivoire et Mbow et al. (2008) au
Sénégal. Les perceptions de ces indicateurs de changements
pluviométriques peuvent néanmoins être faibles et cela
étant dus au fait que les producteurs ne se souviennent essentiellement
que des indicateurs impactant sensiblement leur vie quotidienne au point
d'entrer dans la mémoire et de devenir une
référence(Dellile, 2011 ; Bambara et al, 2013). En
effet, les producteurs se souviennent des phénomènes climatiques
tels que la hausse de température et la violence du vent qui
entraînent des dégâts matériels.
En raison de leurs répercussions immédiates sur
le milieu naturel et ses composantes, les questions de changement et de
variabilité pluviométriques apparaissent comme des
préoccupations majeures au sein de toutes les communautés
humaines - scientifiques, politiques, population. A Ntui, de manière
générale, le calendrier cultural classique a connu des
modifications pour 78,82 % des paysans. Il est de plus en plus abandonné
du fait de la forte variabilité spatio-temporelle de la
pluviométrie car 76,65 % des paysans enquêtés affirment
avoir accusé un retard dansla mise en place des cultures ces cinq
dernières années ; ce retard impacte de façon plus ou
moins significative les rendements agricoles. Ce changement de calendrier
trouverait plus la source dans les changements climatiques que dans les
croyances locales. Le décalage de la date de semis de la culture des
arachides, du maïs est l'oeuvre des paysans qui essayent de définir
une période de semis qui réponde mieux aux nouvelles situations
vécues. Au regard du démarrage tardif des deux saisons pluvieuses
de l'année et du raccourcissement de leurs durées, les paysans
producteurs optentdonc pour cette stratégie. Des résultats
similaires ont été évoqués par Amadou (2005) qui a
montré qu'au Niger les producteurs ont adopté en réponse
aux changements climatiques la stratégie« de semis dès la
première pluie dans le souci de profiter au mieux des premières
pluies utiles et pour le labour précoce ».Ainsi donc, le
décalage de la date de semis rend possible les semis.
Des perceptions de variations climatiques liées de
façon indirecte à l'apparition ou disparition de certaines
espèces végétalesont été constatées.
Raréfaction du sapelli depuis environ cinq ans (40 %), acajou, pachi et
padouk depuis dix ans (33,33 % d'enquêtés)et depuis plus de dix
ans le bété, l'iroko, le bossé et le lotofa (33,33 %).Ces
espèces végétales sont les indices qui permettent aux
paysans de mieux percevoir certains changements comme l'intensité des
vents, la fertilité des sols, la température, etc, dans leur
environnement. L'apparition des nouvelles espèces dontChromolaena
odorata, Mimosa invisa et Indigofera sp. dans la localité
date des années 80. Elle est moyenne durant les dix dernières
années d'après 69,04 % d'hommes et 66,67 % de femmes,la
disparition du couvert forestier étant la principale explication
à cette apparition. Ces résultats corroborent avec ceux obtenus
par Mala et al.(2012) ont déclaré que, les
paysansdéroulent leurs savoirs traditionnels et empiriques pour
s'adapter à la variabilité climatique de leur
écosystème en appliquant des mesures d'adaptation variées
en réponse aux changements climatiques vécus dans leur
milieu ; cette adaptation expliquerait l'absence de déplacement de
ces populations vers d'autres localités. Ce qui épouse les
travaux de Bambara et al. (2013)qui ont montré que
l'adhésion des populations aux actions locales d'adaptation aux
changements climatiques est effective si ces actions intègrent leurs
savoirs endogènes y relatifs.
Une observation de l'abandon des variétés
classiques de maïs (21,7 %) au profit de nouvelles variétés
(73,3 %) à rendement élevé et à cycle court a
été faite. Ces stratégies d'adaptation paysanne trouverait
une cause à la variation climatique et leur permettrait de pallier
à l'irrégularité de la pluie, des périodes de
culture devenant soit plus long, soit plus court et d'être plus
prévoyants. Toutefois, 26,7 % restent figés aux
variétés léguées par leurs ancêtres. Les
résultats similaires obtenus par Codjia (2009) et Doukpolo (2014), ont
montré que les agriculteurs disposent en général de
plusieurs variétés de la même espèce. Ceci
s'explique par le fait que certaines mesures individuelles
développées par les paysans en réponse aux
péjorations climatiques sont des résultats des échecs
connus par les producteurs dans l'exercice de leurs activités agricoles,
et la capitalisation de nouveaux savoirs au regard de l'évolution du
climat.
L'association culturale est actuellement monnaie courante dans
la région. 81,7 % des enquêtés la justifient par le souci
de sécurité alimentaire et nutritionnelle du ménage, et
les opportunités économiques qu'elle offre.Pratique
quasi-inexistante dans la région il y a plus de 10 ans, l'association et
la rotation de plusieurs cultures sur une même parcelle au cours d'une
même année se généralise progressivement passant
d'environ 4 paysans sur 10 depuis un peu plus de 10 ans à environ 8
paysans sur 10 plus récemment. Ces pratiques sont similaires à
ceux des travaux de Kouassi et al. (2015). Les types d'adaptation mis
en oeuvre seraient sujets à des contraintes matérielles,
financières et techniques et surtout d'accès à
l'information, cas de beaucoup d'agriculteurs dans la région
d'étude qui ne disposent pas assez de moyens financiers, ni de
technologies pour entretenir leurs terres comme ils le souhaitent.Ces
résultats corroborent ceux deDoukpolo (2014).
Au vue des diagrammes ombrothermiques, les perceptions
paysannes notées étant essentiellement liées au
déroulement de la saison pluvieuse, les modifications du facteur
pluviométrie révèlent bien que ces années (2013 et
2014) se succèdent, elles ont une évolution différente. De
ce fait, les perceptions des paysans sont confirmées. D'après les
ACM, La variable sexe n'influence sur les perceptions. Par contre les variables
niveau d'instruction et tranche d'âge ont une influence. Le sexe n'a pas
une influence sur les perceptions. Le sexe au même titre que l'âge
n'influence pas sur les pratiques d'adaptation alors que le niveau
d'instruction et le capital foncier influencent pour leur part ce dernier.
C'est dire que le niveau d'instruction et le capital foncier ont des impacts
sur les pratiques d'adaptation.
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