CONCLUSION DE LA DEUXIÈME PARTIE
Pour conclure et au regard de ce qui
précède, il ressort que la coopération entre l'Union
Européenne et la CEMAC repose sur un ensemble de déterminants
majeurs à savoir : les principes et les mécanismes de financement
des programmes de développement. Parmi ces mécanismes, existent
des freins à la coopération entre ces deux
méta-entités au regard de la contestation des APE dont le
démantèlement douanier sur lequel ils reposent, entraine des
pertes financières considérables pour les pays de la CEMAC, sans
compter la concurrence des pays du BRICS et d'autres puissances telles que les
États-Unis, le Canada et le Japon. L'attrait de ces pays tend à
détourner de manière progressive le regard loin de l'Union
Européenne, tant il est vrai qu'ils se sont distingués ces
dernières années par un taux de croissance avéré.
Sous le prisme d'une matrice SWOT, la radiographie des échanges entre
l'Union Européenne et la CEMAC dans le cadre du renforcement du
processus d'intégration de cette dernière, présente
effectivement des forces, des faiblesses, des opportunités et des
menaces. Parmi les qualités de la coopération Union
Européenne - CEMAC, figurent en bonne place : l'abondance des ressources
financières, politiques et techniques, soit plus de 500 millions d'euros
entre 2008 et 2020 couvrant les périodes des 10e et
11e FED. Cependant, force est constater les insuffisances d'un tel
mariage eu égard au déficit de réédition des
comptes de la part des élites africaines compradores
imprégnées par « une conscience de classe pour soi
344». Et pourtant, à l'ère de la
mondialisation, le respect des libertés des minorités (comme
celles des femmes, des autochtones, de même que la liberté
d'expression ...) tend de plus en plus à être une priorité
dans le cadre des relations internationales. Pour améliorer ladite
coopération, les trois facteurs : de l'endiguement des menaces à
la paix et à la stabilité communautaires ; de la
transvalorisation des secteurs de l'énergie pour le déploiement
de l'industrie et le bon fonctionnement des administrations tant privées
que publiques ; ainsi que du développement technologique, recouvrent un
caractère apodictique. Ceci étant, les voies d'optimisation de la
coopération Union Européenne - CEMAC vers « la
démarginalisation », devraient se manifester par une nouvelle
architecture économique, reposant sur le développement local et
communautaire où l'éducation et la multiplication des projets
intégrateurs ainsi que l'optimisation du transfert de technologie par la
délocalisation sont des priorités. Au demeurant, le processus
d'intégration de la CEMAC, et partant son développement, devrait
reposer d'une part sur la nécessité d'assainir le climat des
affaires et la balance de paiement de ses pays membres, et d'autre part, sur la
libéralisation des échanges et le rôle de la finance
à travers : l'accès aux marchés internationaux et
l'importance de l'accroissement des IDE en zone CEMAC.
344 Jean (ZIEGLER), Main basse sur l'Afrique,
... op cit, p 56.
CONCLUSION GÉNÉRALE
102
Dans ses échanges avec l'Occident, la
région de l'Afrique centrale a continuellement été sous
l'influence de l'hégémonie structurelle, aussi bien sur le plan
culturel345 que dans l'exécution des programmes de
développement. À la question de savoir si la gestion de l'aide
européenne garantie-t-elle la consolidation de l'intégration des
pays membres de la CEMAC au regard de la multiplicité des programmes de
financement dans la perspective du développement politique,
économique et social, deux piliers peuvent se révéler.
Cela dit, qu'est-ce qui justifie l'inefficacité des programmes de
l'Union Européenne en dépit du volume des moyens techniques et
financiers mobilisés dans la cadre de la consolidation de
l'intégration de la CEMAC sur les plans : politique, économique
et social ? Et comment la CEMAC peut-elle tirer meilleure parti de la
contribution européenne pour intensifier son processus
d'intégration ? Répondre à ces différentes
questions nécessite d'effectuer un saut dans le temps pour observer la
longévité du phénomène de la colonisation de
l'Afrique Équatoriale Française dont la création remonte
au 15 janvier 1910. De ces relations de domination, est né le Fonds
Européen de Développement, au moment de l'avènement de la
CEE, pour endiguer l'expansion du communisme et garder les anciennes colonies
dans le giron métropolitain. Grâce au pacte colonial, les
territoires de l'Afrique centrale - UDE (29 juin 1959), UDEAC (8
décembre 1964), CEMAC (16 mars 1994) - ont pu servir de réserves
de matières premières et de débouchés pour les
produits manufacturés d'Europe. Ceci dit, l'histoire de la construction
européenne - allant de la création de la CECA (18 avril 1951)
à la signature des Traités instituant l'UE (Maastricht 1992,
Amsterdam 1997, Nice 2001, Lisbonne 2007) en passant par la création du
CED (27 mai 1952), l'UEO (23 octobre 1954) et la CEE (25 mars 1957) - montre
que l'Afrique centrale est un de ses maillons déterminants de
développement, d'où la pérennisation des liens qui les
unissent par les Accords de Partenariat Économiques (APE)
régionaux.
La contribution de l'Union Européenne dans la
consolidation de l'intégration de la CEMAC se traduit
concrètement à travers des programmes de développement
financés essentiellement par le FED. De ces programmes, plusieurs enjeux
émergent allant de la promotion de la démocratie au respect de
l'État de droit en passant par la bonne gouvernance et le dialogue
politique. Pour illustrer ce propos, des programmes tels que : le PACIE, le
PRMN, l'ICSP et le FCT V ont eu pour clé de voûte de favoriser
l'intégration des économies des pays de la CEMAC dans la
configuration actuelle du système international des échanges,
où la périphérie reste une source de matières
premières au profit du centre, en dépit des efforts de
délocalisation des segments d'entreprise 346. De
manière concrète, le PACIE a eu pour principales objectifs de :
promouvoir les principes de performance, de transparence et de
redevabilité dans l'exécution des politiques publiques, afin de
lutter contre la fraude fiscale et de limiter les pertes de recettes
douanières liées à l'ouverture commerciale en accroissant
les ressources des États par l'optimisation du régime des
exonérations fiscales. Le PRMN quant à lui reposait sur plusieurs
composantes liées au renforcement des capacités commerciales et
de la compétitivité des PMEs et PMIs pour accroître le PIB
des pays bénéficiaires, notamment : le renforcement des
capacités institutionnelles régionales en matière de mise
à niveau et d'appui au secteur privé ; le renforcement des
compétences des institutions d'appui et
345 Lire à ce propos, Samuel (HUNTINGTON), Le
choc des civilisations, ... op cit.
346 Charlemagne Pascal (MESSANGA NYAMNDING), « La
faillite du développement en Afrique »... op cit, p 94.
103
d'encadrement du secteur privé ; l'appui aux
structures nationales du programme et amélioration de l'environnement du
climat des affaires et la programmation pilote de mise à niveau et
d'appui à la compétitivité des entreprises. Dans le cadre
du 11e FED, les axes d'intervention de l'ICSP tournaient autour de
la promotion de la paix et de la sécurité en Afrique centrale en
passant par la lutte contre le terrorisme, la criminalité
organisée et les menaces à la santé publique. Enfin, le
FCT V a mis au coeur de ses activités la bonne gouvernance,
l'égalité hommes-femmes et l'environnement. À partir de
l'analyse de ces différents programmes et au regard du rapport de
l'Union Européenne sur l' « évaluation de la
coopération UE-Afrique centrale (2008-2016) »347, force
est de constater l'abondance des moyens financiers et techniques
mobilisés en faveur de la CEMAC, bien que le domaine de
l'industrialisation occupe encore la part congrue desdits programmes. Comment
dès lors optimiser le processus d'intégration et partant le
développement de la CEMAC sans les infrastructures nécessaires
?
En effet, la région de l'Afrique centrale est
minée par un ensemble de difficultés liées à la
corruption, au déficit de réédition des comptes de la part
de ses élites, à une déliquescence infrastructurelle et
politico-administrative, qui ont amenés les autorités de la CEMAC
à prévoir à l'horizon 2025 une vision à la faveur
d'« un espace économique intégré émergent,
où règnent la sécurité, la solidarité et la
bonne gouvernance, au service du développement humain ». Dans
un esprit de « démarginalisation » liée aux
mécanismes de financement (TCI, FODEC, PPP), cette vision a pour
déclinaisons les trois phases du Programme Économique
Régional (PER-CEMAC) ainsi que des Réformes Économiques et
Financières (PREF-CEMAC), où les projets intégrateurs
déterminent l'inclusion des économies des pays de la CEMAC au
sein du système mondial. En revenant sur les maux dont est victime la
CEMAC, la contribution de l'Union Européenne pourrait être
renforcée par la coopération avec d'autres puissances à
l'instar des pays du BRICS, le Japon, le Canada et les États-Unis avec
lesquelles plusieurs plateformes ont été organisées pour
le financement des projets de développement en faveur des pays de la
région de l'Afrique centrale à l'instar des Sommets
Russie-Afrique, Chine-Afrique, TICAD, ACDI. Répondre à la
préoccupation de la consolidation de l'intégration de la CEMAC
passe dès lors par : la promotion de l'industrialisation comme substitut
aux rapports de dépendance par l'acquisition des savoirs-faire
étrangers en valorisant les capacités endogènes ; la
multiplication des infrastructures ; l'optimisation de la délocalisation
; l'assainissement du climat des affaires ; le calibrage nécessaire de
la balance de paiement et de la situation monétaire «
cémacoise » ; la reconsidération des normes du SPG
européen ; le recours à l'expertise technique dans la
mobilisation des capitaux et la réalisation des projets communautaires
pour un accroissement des IDE.
347 Union Européenne, Évaluation de la
coopération UE-Afrique centrale (2008-2016) ... op cit.
ANNEXES
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