1- La marginalisation des travailleurs autochtones dans
l'Afrique-Équatoriale Française (AEF).
La naissance de l'Afrique-Équatoriale
Française date du 15 janvier 1910 au moment où les travailleurs
autochtones restent marginalisés et privés de leurs
libertés parmi lesquelles le droit de bénéficier d'une
part du fruit de leur récolte de caoutchouc en vertu des dispositions
d'un décret de l'autorité coloniale. La colonisation est en effet
caractérisée par le régime de l'arbitraire et les grandes
sociétés privées continuent de surexploiter les
populations locales135. Après l'échec de l'Allemagne
au cours de la Première Conflagration Mondiale, le Kamerun (Cameroun)
qui jouit d'un statut particulier car n'ayant jamais été une
colonie mais un protectorat franco-britannique placé sous la tutelle de
la Société des Nations (SDN) dès 1919, se retrouve
assimilée à l'Afrique-Équatoriale française et
administré comme les autres colonies de l'AEF alors qu'il dispose en
fait d'un commissariat autonome qui le distingue de la fédération
proprement dite. Suite aux abus des colons français au sein de l'AEF, le
Congolais André MATSWA fonde en 1926 à Paris l'« Amicale des
originaires de l'Afrique-Équatoriale française », qui passe
très vite de la simple association d'entraide quelle était, pour
se muer en véritable syndicat pour la défense des
intérêts des ressortissants africains de l'AEF. À son
retour à Brazzaville, le révolutionnaire MATSWA réclame la
fin de l'idéologie raciste136 et du régime de
l'indigénat, ainsi que le droit à la citoyenneté
française pleine et entière pour les Africains. Ses manoeuvres
subversives envers l'autorité coloniale vont conduire à sa
condamnation à trois ans de prison, d'où il s'évade, et
tente d'entrer en clandestinité mais est finalement repris et
condamné à la prison à vie, avant de décéder
en 1942 au Tchad en héros parmi ses partisans. L'histoire des martyrs
d'Afrique s'est perpétué à travers la vie au Tchad du
gouverneur Félix Éboué, qui se rallie aux Forces
françaises libres en août 1940137, en opposition au
régime de Vichy qui le relève de ses fonctions et le condamne
à mort. À la suite du Tchad, l'Oubangui-Chari, le Congo
français, le Gabon (ces quatre pays constituent
l'Afrique-Équatoriale française) qui forment l'Afrique
française libre avec le Cameroun français, rejoignent la France
libre. Brazzaville devient dès lors la capitale de l'AEF pour assurer
à la France libre une solide assise politique, territoriale, humaine et
financière. Après le référendum constitutionnel du
28 septembre 1958, les cinq entités constituant la
fédération acquiert une autonomie (République congolaise
ou Congo-Brazzaville, République centrafricaine, République
gabonaise, république du Tchad et
135 André Gide lors de son voyage au Congo
français entre 1925 et 1926, illustre la violence physique et
structurelle des colons vis-à-vis des Africains de l'ère
géographique de l'AEF en passant par des meurtres, des scènes de
flagellations publiques et emprisonnements de manière arbitraires, dont
il en parle dans son ouvrage Voyage au Congo.
136 Voir : Samir (AMIN), L'eurocentrisme, critique
d'une idéologie, op cit.
137 Son soutien envers le général de
Gaulle lui vaudra des félicitations et sa nomination comme gouverneur
général de l'Afrique-Équatoriale française au mois
de novembre1940.
31
république du Cameroun) au sein d'une
éphémère Communauté française. En 1959, les
nouvelles républiques se groupent en une association baptisée
Union Douanière Equatoriale (UDE), avant d'accéder à la
pleine indépendance en 1960.
|