Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
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MÉMOIRE
présenté en vue d'obtenir
une certification de l'Ecole de Management de Lyon (EM
Lyon)
Formation Top Managers - groupe Macif (promotion 4,
2013-2014)
Le bien-être des salariés comme
levier
de performance dans une entreprise
mutualiste (Macif)
Grégory Blanchard
Sous la direction de : Madame Tessa Melkonian
Rendu le 23 janvier 2014
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Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
« La valeur d'une structure est celle des hommes qui
la composent. »
Rapport « Bien-être et efficacité au travail
» - février 2010
d'après les travaux de :
Henri LACHMANN Président du conseil surveillance de
Schneider Electric;
Christian LAROSE Vice-président du Conseil
économique, social;
Muriel PENICAUD Directrice générale des
ressources humaines et environnementales de Danone
et avec le support de Marguerite MOLEUX, membre de
l'Inspection générale des affaires sociales.
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Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
Table des matières
Table des matières 3
Introduction 6
1 Approche du bien-être au travail et corrélation
avec la performance de l'entreprise 9
1.1 Constats généraux et contexte de la Macif 9
1.1.1 Données générales et quelques
indicateurs 9
1.1.1.1 Eléments de contexte 9
1.1.1.2 Quelques chiffres parlants 11
1.1.2 Regard sur la situation de la Macif 12
1.2 Proposition de définition du bien-être au
travail 15
1.2.1 Comment circonscrire la notion de bien-être au
travail ? 15
1.2.2 Le bien-être au travail : un corollaire aux facteurs
de motivation ? 18
1.2.3 Regard sur d'autres notions : qualité de vie au
travail, bonheur au travail 20
1.3 Quelle corrélation avec la performance d'une
entreprise ? 21
1.3.1 Chiffres et études d'impacts du lien entre le
bien-être et la
performance/l'efficacité productive de l'entreprise 21
1.3.2 Cas et approches pratiques du lien entre le bien-être
et l'efficacité productive 23
2 Limites et freins à la prise en compte du
bien-être au travail comme vecteur de
performance économique 27
2.1 Les limites du paradigme selon lequel le bien-être
des collaborateurs influe sur la
performance de l'organisation 27
2.1.1 Le degré de bien-être « marginal »
27
2.1.2 Le bien-être du collaborateur ne dépend que
partiellement de l'organisation 28
2.1.3 Et si finalement la performance humaine était
nocive pour la performance
économique ? 29
2.2 Les freins à une meilleure prise en compte du
bien-être au travail: approches
générale et contextualisée à la Macif
29
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Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
2.2.1 Des éléments contextuels peu propices 29
2.2.2 Un frein culturel français 31
2.2.3 Un niveau de persuasion insuffisant des dirigeants 32
2.2.4 Le contexte académique et de la recherche 34
2.2.5 Une approche des dirigeants et managériale qui
reste très focalisée sur la
réduction des coûts et l'optimisation des processus
organisationnels 35
3 Pour une stratégie sociale d'une entreprise mutualiste
axée sur le bien-être au travail 38
3.1 De la nécessité d'une véritable
démarche pour favoriser l'intégration du bien-être au
travail 38
3.1.1 Une impulsion à donner par les dirigeants du Groupe
38
3.1.2 Etablir un état des lieux, un diagnostic initial
39
3.1.3 Définir des objectifs, élaborer un plan
d'actions et définir les moyens associés 41
3.1.4 Déployer et accompagner la transformation pour
favoriser le changement culturel 43
3.1.5 Intégrer dans la politique managériale des
critères d'évaluation 43
3.1.6 Mettre en place des indicateurs pertinents de mesure
et d'évaluation du bien-être
au travail 44
3.2 Des pistes pour développer le bien-être au
travail 45
3.2.1 Redonner du sens au projet de l'entreprise et à la
place des collaborateurs 45
3.2.2 Repenser l'organisation du travail et la communication
interne 46
3.2.3 Privilégier une meilleure prise en compte des
impacts humains dans la vie de
l'entreprise 47
3.2.4 Revisiter l'écoute et le management de
proximité 49
3.2.5 Améliorer l'autonomie, favoriser l'innovation 50
Conclusion 53
Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
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INTRODUCTION
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Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
Introduction
Une entreprise a besoin de la force de production humaine,
intellectuelle et/ou manuelle pour produire des biens et services. Les
ressources humaines constituent donc un des moyens pour atteindre les objectifs
et résultats attendus par l'entreprise.
Comment faire en sorte que cette ressource humaine soit la
plus adaptée et optimisée en termes de capacité de
production, de motivation, d'adhésion au projet de l'entreprise?
Les années 2000 ont vu apparaître de façon
croissante des phénomènes nouveaux, importants, qui
témoignent du mal être des salariés (stress, risques
psychosociaux, burn-out, invalidité, etc) et obèrent dans une
certaine mesure les ressources de l'entreprise, ont un coût pour
l'entreprise, voire plus largement pour la société et
l'économie d'un pays via ses impacts sur la prise en charge de la
protection sociale par exemple.
Ces phénomènes, s'ils sont alarmants, doivent
être pris en considération notamment par l'entreprise
elle-même, bien qu'elle ne catalyse sûrement pas les causes de ces
problèmes. Leur prise en compte par l'entreprise est l'occasion de
chercher à comprendre les perceptions du travail aujourd'hui, le rapport
au travail et la place du bien-être des salariés au travail.
De plus, les évolutions récentes de
l'environnement des entreprises, de plus en plus complexe et mouvant (crise
financière-sociale, développement de nouvelles technologies,
adaptation permanente au marché, nouvelles obligations
réglementaires, évolution sociale, problématiques
liées à l'innovation, au modèle managérial, ...),
contraignent leur performance économique.
La Macif, entreprise mutualiste se revendiquant du secteur de
l'économie sociale, n'échappe pas à ces mutations et doit
opérer des transformations internes pour assurer sa
pérennité et retrouver une dynamique de progrès et de
croissance afin de continuer à apporter à ses sociétaires
des réponses toujours plus adaptées à leurs attentes.
Dans un tel environnement incertain, il paraît
indispensable de ne pas se limiter aux traditionnels leviers économiques
(quantitatifs) pour redresser l'entreprise mais de s'attacher à
régénérer qualitativement la force que constituent les
ressources humaines de l'entreprise.
Une entreprise mutualiste comme la Macif, qui place l'humain
au coeur de ses préoccupations et fait de la performance
économique un moyen au service d'un dessein social, a-t-elle un
intérêt à développer le bien-être au travail
comme facteur de performance de
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Le bien être des salariés comme levier de
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l'entreprise (au bénéfice de ses
sociétaires) ? Comment intégrer cette approche dans la
performance globale de l'entreprise?
Le management inspiré de l'époque industrielle
semble avoir atteint ses limites, au moins dans le secteur des services et une
entreprise mutualiste a naturellement une véritable
légitimité à investir cette voie du bien-être pour
régénérer la pertinence de son modèle et
démontrer aux pouvoirs publics son utilité sociale,
au-delà de ses contributions économiques.
Au coeur du débat sociétal actuel, la
qualité de vie au travail est un levier pouvant jouer un rôle
moteur au profit du développement économique et de la croissance
de nos entreprises. L'amélioration des conditions de travail ne doit
plus être seulement appréhendée sous l'angle de la gestion
des risques, mais comme créatrice de valeur, de sens, d'engagement fort
et de développement personnel et professionnel pour les
salariés.
Ainsi, comment intégrer la recherche de bien-être
au travail (ou pour une nouvelle stratégie sociale d'une entreprise
mutualiste comme la Macif) pour faire face aux enjeux de l'entreprise et en
faire un véritable levier de performance?
S'il convient de démontrer la pertinence de cette
approche du bien-être et son impact sur la performance de l'entreprise
(Partie 1), sa prise en compte dans les faits n'est pas dénuée
d'obstacles et de freins qu'il convient d'identifier pour mieux les
dépasser (Partie 2). Cette approche permettra ainsi de plaider pour une
véritable stratégie sociale, axée sur le
développement du bien-être au travail, propre à l'ADN d'une
entreprise mutualiste comme la Macif (Partie 3).
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Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
PARTIE 1 :
APPROCHE DU BIEN-ETRE AU TRAVAIL ET CORRELATION AVEC LA
PERFORMANCE DE L'ENTREPRISE
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Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
1 APPROCHE DU BIEN-ETRE AU TRAVAIL ET CORRELATION AVEC
LA
PERFORMANCE DE L'ENTREPRISE
1.1 Constats généraux et contexte de la Macif
1.1.1 Données générales et quelques indicateurs
1.1.1.1 Eléments de contexte
La crise économique et financière mondiale que
nous connaissons est la plus importante des six dernières
décennies. Elle impacte largement de nombreux secteurs d'activité
de l'économie et n'est pas sans conséquence sur les
salariés qui en subissent directement ou indirectement bon nombre
d'effets:
- des réorganisations fréquentes,
restructurations et changements qui impactent tout ou partie de l'organisation
d'une entreprise et modifient parfois brutalement les conditions dans
lesquelles les salariés exercent leur activité,
- la peur du chômage et l'incertitude sur l'avenir, qui
génèrent chez les salariés un sentiment
d'insécurité et les rendent plus démunis face aux
difficultés rencontrées sur le lieu de travail,
- plus largement une sorte de crise du travail ou de la valeur
travail, qui se manifeste essentiellement depuis le début des
années 2000 et que la crise financière n'a fait qu'accentuer.
Une étude assez récente de l'Agence
européenne pour la sécurité et la santé au travail
met en exergue notamment les effets directs et indirects de la crise
financière et économique. Il y est révélé
que la majorité des citoyens européens interrogés sur
l'impact de la crise se sont déclaré convaincus que la crise
entraînerait une dégradation de leurs conditions de travail.
En la matière, l'étude « What'sworking
»1 révèle que, en septembre 2011, 30% des
salariés français songent sérieusement à quitter
leur emploi, soit 57% de plus qu'en 2007, avant la crise. Par ailleurs, 50% des
salariés français seulement, soit 11% de moins qu'en 2007, «
ressentent encore un fort attachement à leur entreprise ». Outre la
crise économique,
1 Enquête menée par Mercer auprès de 30.000
salariés d'entreprises dans seize pays, dont 2.000 en France,
publiée en septembre 2011.
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Le bien être des salariés comme levier de
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la chute de la satisfaction au travail explique aussi en
partie ce phénomène, selon l'enquête, le taux de
salariés se déclarant « satisfaits » passant de 72%
à 57% entre 2007 et 2011.
Indépendamment de la crise, on peut également
relever plusieurs facteurs 2 qui impactent tout autant le travail et
sa perception par les salariés:
- l'accélération et l'augmentation des exigences
des clients dans une économie fortement tertiarisée depuis trente
ans, marquée par de nouveaux modes de services (call centers, guichets,
caissières...);
- l'utilisation parfois à mauvais escient des nouvelles
technologies, qui modifie la frontière entre vie privée et vie
professionnelle, dépersonnalise la relation de travail au profit
d'échanges virtuels et accélère le rapport au temps de
travail. En une génération, on est passé d'un collectif de
travail physiquement réuni à une communauté d'individus
connectés mais isolés et éloignés les uns des
autres;
- le développement de nouvelles formes de taylorisme
dans le domaine tertiaire. Caractérisées par la standardisation
et la parcellisation des tâches et des relations, elles peuvent faire
perdre le sens du travail;
- l'intériorisation par le management de la
financiarisation accrue de l'économie. Elle fait de la performance
financière la seule échelle de valeur dans les comportements
managériaux et dans la mesure de la performance, sans prise en compte
suffisante de la performance sociale;
- la mondialisation, conjuguée avec une centralisation
des organisations, qui éloigne les salariés des centres de
décision, décrédibilise le management de proximité
et crée un sentiment d'impuissance collective et individuelle;
- le développement des organisations matricielles et du
reporting permanent, ainsi que certains comportements managériaux, qui
contribuent au sentiment de perte d'autonomie, d'efficacité et
d'utilité des équipes;
- les difficultés dans les relations de travail, au
sein d'une équipe ou avec le supérieur hiérarchique,
notamment lorsque l'isolement réduit les occasions d'échange ou
d'écoute.
2 Bien-être et efficacité au travail - 10
propositions pour améliorer la santé psychologique au travail.
Rapport LACHMANN-LAROSE-PENICAUD, février 2010
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Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
1.1.1.2 Quelques chiffres parlants
En termes de données chiffrées, on peut relever
un certain nombre de phénomènes traduisant un malaise des
salariés, du travail, qui ont de quoi interpeller l'ensemble des parties
prenantes : pouvoirs publics, chefs d'entreprise, organisations syndicales,
salariés, etc.
Selon les résultats d'une enquête de
l'INSEE3 réalisée en 2007 et publiée en 2010
par la Direction de l'animation de la recherche, des études et des
statistiques (DARES), 68% des actifs déclaraient connaître un ou
plusieurs problèmes de santé chronique. Et un sur deux estimait
que ce problème est « causé ou aggravé par le travail
». Les plus souvent cités sont les « problèmes de
stress, d'anxiété» (30%) puis les problèmes de dos
(26%) et les maux de tête ou migraines (24%).
Toujours selon cette étude, parmi les pathologies
recensées, les affections lombaires et musculo-squelettiques ainsi que
les problèmes psychologiques sont les problèmes de santé
les plus souvent associés au travail. Les risques psychosociaux (stress,
harcèlement, épuisement professionnel, incivilités) sont
la première source de consultation pour pathologie professionnelle en
France4.
Les répercussions des risques psychosociaux sur la
santé des collaborateurs peuvent être très graves et le
climat social de l'entreprise est également affecté. En outre,
ces mauvaises conditions de travail provoquent par exemple de
l'absentéisme, des accidents, une mauvaise réputation, ainsi
qu'une baisse de la productivité, selon l'INRS.
Depuis 2009, le groupe de protection sociale
complémentaire Malakoff Médéric5 mène,
avec la société d'études Sociovision, des enquêtes
annuelles dont l'objectif est de mieux identifier les risques auxquels sont
exposés les salariés et d'aider les entreprises à
améliorer le bien-être et la santé de leurs collaborateurs.
Parmi les principaux enseignements de l'enquête menée en 2012, on
relèvera notamment que près d'un quart des salariés a peur
d'être dépassé par les nouveaux outils et les changements
technologiques. Dans ce contexte, les salariés ont l'impression que leur
travail est de plus en plus haché. Ils ont par ailleurs de plus en plus
de difficultés à gérer leurs priorités, et ont le
sentiment de perdre en autonomie et en pouvoir de décision. Les petites
structures tirent mieux leur épingle du jeu. Les salariés y ont
le sentiment
3 Enquête « santé, handicap et travail»
4 D'après le Réseau National de Vigilance et de
Prévention des Pathologies Professionnelles
5 L'enquête a été conduite au moyen d'un
questionnaire anonyme entre février et mars 2012 auprès d'un
échantillon de 3 500 salariés du secteur privé.
L'échantillon est représentatif des salariés
français du secteur privé sur 5 grands critères :
homme/femme, âge, statut, secteur d'activité et taille
d'entreprise.
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de mieux savoir ce que l'on attend d'eux et d'avoir davantage
le temps de faire un travail de qualité.
48 % des salariés disent ressentir une fatigue physique
au travail, soit six points de moins qu'en 2009. A noter cependant : chez les
femmes, la pénibilité perçue a fortement augmenté
en 2012 (44 %, soit cinq points de plus qu'en 2011). La nature de certains
emplois occupés par les femmes (horaires décalés plus
fréquents, travail répétitif avec des postures
contraignantes...) peut expliquer cette dégradation. Côté
pénibilité psychologique, les chiffres évoluent peu et
restent à un niveau élevé : 69 % des salariés
estiment que leur travail est nerveusement fatigant.
Un salarié sur trois (32 %) a du mal à concilier
sa vie professionnelle avec sa vie personnelle. C'est 5 points de plus qu'en
2009. Ces difficultés touchent plus particulièrement les cadres
(37 %) et les trentenaires (36 %). En cause, des horaires de travail peu
compatibles avec une vie familiale, la charge de travail, une distance
importante entre travail et domicile... L'engagement vis-à-vis de
l'entreprise fléchit légèrement; en effet, les
salariés sont plus nombreux à déclarer vouloir prendre un
arrêt maladie même s'ils ne sont pas malades (21 %, soit 4 points
de plus qu'en 2010) et à confier faire de la présence pour la
présence au travail (13 %, soit 5 points de plus qu'en 2010).
Enfin, selon la 8èmeédition du
baromètre Edenred-Ipsos 6 sur le bien-être et la
motivation des salariés européens, en France, seuls 23% des
salariés attribuent une note de 8 à 10 à leur
qualité de vie au travail (vs. 42% des salariés allemands, 40%
des britanniques, 39% des belges, 31% des espagnols et 29% des italiens) et 38%
affirment même que leur motivation diminue... Pour enfoncer le clou, 55%
des salariés français jugent insuffisante l'action de leur
employeur dans le domaine du bien-être au travail (vs. 31% en Allemagne,
28% en Belgique, 28% au Royaume-Uni, 31% en Espagne et 34% en Italie).
1.1.2 Regard sur la situation de la Macif
La Macif n'échappe pas à la plupart de ces
phénomènes; il est intéressant de relever un certain
nombre de données et indicateurs utiles pour apprécier le
contexte social interne actuel.
Ancrée dans l'économie sociale, la Macif porte
depuis toujours une attention toute particulière à sa politique
de ressources humaines. Après une longue période au cours de
laquelle l'entreprise a notamment été pionnière en
matière de réduction du temps de travail
6 BaromètreEdenred-Ipsos 2013 auprès de
6 pays : Allemagne, Belgique, Espagne, France, Italie et Royaume-Uni & 7
200 salariés sondés.
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Le bien être des salariés comme levier
de performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
(dès 1985, les salariés ont vu leur temps de
travail passer à 35h hebdomadaires puis à 31h30 hebdomadaires en
1999), le statut social, reconnu comme étant de qualité, a
dû être adapté en 2007 compte tenu de la stratégie de
diversification de l'offre engagée au début des années
2000 pour assurer la pérennité de l'entreprise.
Le nouveau statut social de 2007, qui a maintenu la
durée du temps de travail à 31h30 hebdomadaires, le niveau de
rémunération et le niveau de contribution de l'entreprise aux
dispositifs de couverture sociale, se veut moins égalitaire et plus
équitable de manière à mieux répondre aux attentes
exprimées par les salariés.
Les investissements de cette politique sociale sont
conséquents ; pour preuve, en 2011, le salaire brut moyen est
supérieur de plus de 25% à la Macif, comparé à la
moyenne française7. Ce même salaire brut moyen à
la Macif a ainsi progressé de +2,48% en 2011 et +3,9% en 2012, quand
parallèlement l'inflation a augmenté respectivement de +2,5% et
+1,3%. Autre donnée traduisant l'investissement de la Macif dans la
formation; le pourcentage de la masse salariale consacrée à la
formation a sensiblement augmenté entre 2009 et 2011, passant de 4,52%
en 2009, à 5,50% en 2010, puis 6,55% en 2011, avant de connaître
un léger recul en 2012 à 5,78%8. Alors que le minimum
imposé au niveau de la branche assurances est de 2,2%.
Pour autant, qu'en est-il aujourd'hui dans l'entreprise en
termes de perception et de climat social?
Un 1erbaromètre interne a été
réalisé en 2011, au terme duquel 85% d'opinions sont positives
à la question « globalement, je suis satisfait(e) de travailler au
sein du groupe Macif ».
Cependant:
? concernant la motivation au travail : 44% se
déclarent peu motivés ; 78% trouvent le système de
rémunération [mis en place en 2007] peu motivant,
? sur l'ambiance de travail : 49% constatent une
dégradation depuis 3 ans,
? sur le développement de la coopération : 67%
déplorent le manque de coopération entre les entités et
les directions,
7 Sources : bilan social 2012-UES Macif et site internet :
http://www.insee.fr
8 Sources : bilans sociaux 2011 et 2012-UES Macif
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Le bien être des salariés comme levier de
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? 65% jugent les opportunités d'évolution
professionnelle peu présentes alors que 74% sont prêts à
changer de métier pour évoluer,
? 62% jugent le dialogue social peu constructif.
Le management est également questionné puisque 1
salarié sur 3, voire plus pour certaines questions, donne une
appréciation négative sur les managers pour leurs
capacités à donner une vision de la stratégie et des
orientations du groupe Macif (36%), à montrer l'exemple dans
l'application des valeurs du groupe Macif (35%), à fixer des objectifs
et des orientations claires (33%), à organiser le travail de
l'équipe (42%), à développer les compétences (46%),
à traiter équitablement l'ensemble des collaborateurs (38%),
à favoriser les initiatives au sein de l'équipe (32%).
Autre donnée, l'absentéisme. Une étude du
cabinet Alma Consulting Group9 (réalisée entre mars et
mai 2013 auprès de 323 entreprises privées regroupant 315.801
salariés) montre par exemple que le BTP (2,81 % d'absentéisme) et
l'industrie (3,77 %), métiers pénibles s'il en est, ont un
absentéisme paradoxalement bien moins élevé que la banque
(5,56 %). A la Macif, le bilan social 2012 fait état d'un taux global
d'absentéisme de 6,40%, avec 21,4 jours d'absence en moyenne par
salarié. De manière plus détaillée, le taux
d'absence pour cause de maladie reste en progression régulière
entre 2009 et 201210 (3,96% en 2009, 4,33% en 2010, 4,35% en 2011 et
4,43% en 2012). Les écarts sont donc significatifs pour une entreprise
mutualiste qui défend une vision et un modèle social interne,
avec des moyens financiers conséquents.
Il sera intéressant d'étudier ces données
relatives à l'exercice 2013, premier exercice de mise en oeuvre d'un
vaste plan de redressement de l'entreprise, baptisé « Plan Moyen
Terme », pour une durée de 3 ans, engagé sous l'impulsion du
nouveau Directeur Général nommé en avril 2012. L'objectif
principal de cette étape est de restaurer un certain nombre de
fondamentaux techniques, économiques et organisationnels indispensables
si le Groupe veut retrouver un niveau de performance économique
acceptable pour assurer sa pérennité. Compte tenu des impacts de
ce plan sur un certain nombre d'organisations et de métiers
appelés à évoluer, il conviendra de rester vigilant et
d'apprécier les impacts sur la performance sociale et le bien-être
au travail des salariés.
9 Les Echos du 6 septembre 2013 « L'absentéisme des
salariés du privé repart à la hausse»
10 Sources : bilans sociaux 2011 et 2012-UES Macif
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Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
1.2 Proposition de définition du bien-être au
travail
1.2.1 Comment circonscrire la notion de bien-être au
travail?
Si l'idée n'est pas d'aujourd'hui, le concept
émergent depuis un certain temps tend à se globaliser en termes
d'approche, en attendant une véritable prise de conscience
générale, en particulier des dirigeants d'entreprise.
D'un point de vue macro, il apparaît qu'à travers
des études d'institutions nationales et internationales, une
corrélation étroite a été initialement
établie entre santé et bien-être au travail, au point de
favoriser le développement progressif depuis les années 2000 de
la prévention d'un certain nombre de maux ou de troubles (risques
psychosociaux, suicide, etc). A commencer par l'Organisation mondiale de la
santé pour qui, dans son préambule en 1946 : « La
santé est un état de complet bien-être physique, mental et
social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou
d'infirmité ». Ainsi, la santé constitue le socle du
bien-être au travail, dans son acception la plus large, telle que
définie par l'OMS.
En France, de plus en plus de rapports et études sur la
santé au travail mentionnent désormais le terme de «
bien-être au travail ». Le rapport Lachmann11, remis au
gouvernement en 2010, a émis des propositions de mesures ayant «
pour objectif de développer davantage de bien-être et
d'efficacité au travail, par une meilleure prise en compte des sujets de
santé au sein de l'entreprise... C'est en comprenant bien et en agissant
le plus possible en amont que l'on préviendra au mieux les risques
psychosociaux et que l'on développera dans un même mouvement
bien-être au travail et efficacité.»
D'autres travaux et études nous amènent à
penser que l'approche semble aujourd'hui bien plus globale. En ce sens,
l'approche défendue par l'Organisation internationale du travail
considère que le bien-être au travail regroupe les notions de
sécurité au travail, de protection de la santé du
travailleur, de charge psychosociale occasionnée par le travail
(stress), d'hygiène du lieu de travail, d'ergonomie, d'embellissement
des lieux du travail, de mesures prises par l'entreprise en matière
d'environnement...
Le bien-être au travail recouvre de multiples
acceptions; sans pour autant chercher ici à donner une définition
acceptable, plusieurs dimensions nous paraissent utilement pouvoir être
retenues au niveau d'une entreprise, pour à la fois traduire et
également apprécier le bien-être au travail:
11 Rapport sur le bien-être et l'efficacité au
travail-Henri Lachmann, Muriel Pénicaud et Christian
Larose-février 2010
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Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
? le bien-être vital ou être en bonne santé
physique et mentale/psychologique12. L'entreprise constitue un cadre
qui impacte la santé des personnes et doit donc prendre en compte la
nécessité pour le moins de la préserver, voire de la
favoriser.
? le bien-être existentiel qui renvoie à la
pyramide des besoins de Maslow13. On retiendra en particulier
l'estime de soi et la réalisation de soi (ou accomplissement de soi). En
effet, s'agissant de l'estime, on peut considérer qu'il s'agit
d'être reconnu, de gagner en indépendance, de développer
son autonomie. Nous avons besoin de faire un travail utile,
apprécié, qui exprime nos compétences. C'est participer
à la définition de ses objectifs. Quant au besoin de
réalisation de soi, c'est le besoin de s'épanouir, d'approfondir
sa culture, de méditer, se former, mais aussi être
consulté, pouvoir décider ensemble. Se réaliser, c'est
aussi aller vers l'excellence, réussir ses objectifs. Ici, nous trouvons
le sens de nos actions et même de notre vie.
? le bien-être social et relationnel14, ou le
« bien vivre ensemble », la qualité des relations
interpersonnelles entre collègues, la reconnaissance du manager sur le
travail des salariés, etc. Cette dimension inclut aussi le soutien et le
partage social avec les moments de réunion pour annoncer des bonnes ou
des mauvaises nouvelles.
? le bien-être matériel15, c'est la
dimension ergonomique du poste de travail. Aujourd'hui, le travail consiste
moins à exercer une force physique pour transformer des matières
premières, on fait de plus en plus appel à son intelligence.
Néanmoins, il y a des maladies nouvelles qui émergent, de la
pénibilité liée à l'utilisation des technologies de
l'information notamment. C'est pourquoi le confort physique, comme l'ambiance,
a son importance.
12 INRS - Le bien-être au travail : un objectif pour la
prévention? - Vincent GROSJEAN, 2005
13 Les différents niveaux de la pyramide de Maslow, en
commençant par le niveau inférieur sont: 1. Besoins
physiologiques et matériels (faim, soif, besoin de se vêtir,
désir sexuel, sommeil, ...) ; 2. Besoins de sécurité
(survie, confort, tranquillité, ...) ; 3. Besoins d'appartenance et de
relations (fraternité, solidarité, convivialité, amour,
...) ; 4. Besoins de reconnaissance (estime de soi et des autres, pouvoirs,
bonheur, ...) ; 5. Besoin de réalisation de soi (trouver sa voie,
créer, se développer le plus possible, ...).
La théorie « ERG » regroupe en trois niveaux
seulement les cinq précédents: 1. Existence (besoins
physiologiques et sécurité physique) ; 2. Relation
(sécurité interpersonnelle, besoins sociaux, estime des autres);
3. Growth (estime de soi, réalisation personnelle).
14 Premier baromètre du « bien-être
au travail » réalisé en 2010 par Bernard Julhiet Group,
Ipsos en partenariat avec La Tribune
15
http://greenworking.fr/actu/bien-etre-au-travail/
- 18 novembre 2010.
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Le bien être des salariés comme levier
de performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
? enfin, il y a le bien-être organisationnel 16
, qui recouvre la situation de l'entreprise sur son marché, mais
également la situation de l'individu dans sa carrière avec des
outils qui lui permettent de savoir où il en est: fiche de poste,
entretien d'évaluation, ses missions, ses horaires...
Il nous semble à ce stade intéressant de relayer
des travaux de l'INRS17, opérant une distinction
intéressante entre le bien-être de la personne au travail et le
bien-être du travailleur au travail.
Ainsi, en mettant en avant la santé, la
sécurité, l'hygiène, voire l'embellissement des lieux de
travail, on s'attache davantage au bien-être de la personne au travail,
sans prendre en compte la spécificité de sa tâche. Il faut
voir ici l'importance d'une distinction supplémentaire entre les
facteurs essentiels au respect de l'intégrité physique et morale
de la personne (santé, sécurité, etc) et les facteurs plus
périphériques visant à faciliter et rendre plus
confortables, voire plus agréables, les conditions de la personne au
travail (embellissement des lieux, etc).
Favoriser en tant que tel le bien-être du travailleur au
travail consisterait à faire en sorte que le travailleur, dans
l'exercice spécifique de ses tâches, puisse tirer toute la
satisfaction possible qu'il est en droit d'attendre de l'exercice
spécifique de ses fonctions.
Cela implique que trois conditions soient respectées :
la première tient à la nécessité qu'il ne soit pas
empêché de faire les tâches qui lui sont propres; la
deuxième repose sur le fait qu'il dispose des moyens et conditions
adéquats à l'exercice de ses tâches; enfin, la
troisième tient à la nécessité qu'il n'entre pas en
contradiction avec le sens idéal qu'il donne à son travail.
Il est intéressant de s'inspirer des travaux d'Herzberg
(1959) qui, établissant un lien clair entre satisfaction et motivation
au travail, distingue les facteurs motivationnels (intrinsèques), tels
que la réussite, la considération, le travail en lui-même,
etc, des facteurs d'hygiène (extrinsèques) tels que la politique
de l'entreprise, les conditions de travail, le salaire, ...En suivant la
théorie d'Herzberg, nous serions amenés à ranger ce que
nous avons appelé les facteurs essentiels parmi les facteurs
motivationnels et les facteurs périphériques parmi les facteurs
d'hygiène. Car on pourrait dire que ce qui distingue facteurs
motivationnels et facteurs d'hygiène est que les premiers
relèvent de ce que l'employé fait, et les seconds, de
16Bien-être émotionnel au travail et
changement organisationnel - Catherine Remoussenard et David Ansiau,
Perspectives interdisciplinaires sur le travail et la santé 2013.
17 Bien-être au travail: une approche
centrée sur la cohérence de rôle - Institut national de
recherche et de sécurité (France), Nadja Robert - Edition INRS,
2007
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Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
la situation dans laquelle la tâche a lieu. Un des
enseignements de ces travaux est de dire que le bien-être au travail ne
peut commencer que dès lors que les facteurs essentiels à sa
réalisation sont réunis.
1.2.2 Le bien-être au travail: un corollaire aux
facteurs de motivation?
Lors du siècle dernier, les entreprises, pour augmenter
la productivité de leurs salariés, pouvaient se permettre un mode
de management qui utilisait des leviers de motivation générateur
de stress, basé sur un système de sanctions et de
récompenses financières (primes..). Mais lorsque les individus
sont motivés par des carottes et des coups de bâtons, diverses
expériences scientifiques montrent qu'ils deviennent moins
créatifs, moins ingénieux et de manière
générale : moins performants intellectuellement18.
Aujourd'hui, dans le monde occidental, le travail - avec la
montée en puissance du secteur tertiaire, l'automatisation des
tâches simples et les délocalisations - comprend des tâches
radicalement différentes. Elles sont plus complexes, davantage de
l'ordre du relationnel et du service client (où il s'agit de se montrer
souriant quel que soit son état intérieur !). L'environnement
économique et le futur se révèlent incertains. Les
nouveaux moyens de communication exigent une disponibilité et une
réactivité de tous les instants. Pour la majorité des
salariés, le travail d'aujourd'hui n'est plus physique mais
essentiellement intellectuel, et comprend essentiellement des actions
complexes.
Or, les salariés qui gèrent des fonctions
complexes ont avant tout besoin d'anticiper, d'imaginer; en un mot de penser...
si bien que les leviers de motivation simples ne sont plus efficaces. En
quelque sorte, quand la tâche est simple, une incitation
financière s'avère efficace mais, quand une mission est complexe,
une telle incitation est contre-productive car elle génère une
pression d'enjeu qui agit en « paralysant» la pensée. Dans le
contexte actuel, les leviers de motivation qui s'avèrent efficaces
s'appuient sur les qualités profondes de l'être humain, c'est ce
qui fait dire à Daniel H. Pink qu'il s'agit de leviers de «
motivation intrinsèque ». Daniel H. Pink présente, dans son
ouvrage19, trois clés destinées à
améliorer la motivation dans le contexte actuel : l'autonomie, la
maîtrise et la finalité.
Daniel Pink cite plusieurs exemples d'entreprise où des
expériences d'autonomie ont été menées. Si les
exemples20 qu'il cite démontrent qu'autonomie est synonyme de
liberté et de performance, elle a un autre avantage, c'est d'être
source de... bien-être ! En matière de
18 « La vérité sur ce qui nous motive » -
Daniel H. Pink, 2011
19 Journaliste et auteur américain. Assistant de Robert
Reich, il est scripteur de discours pour le vice-président des
États-Unis Al Gore de 1995 à 1997. Ouvrage: « Drive »
ou « La vérité sur ce qui nous motive », 2011
20 Au sein des entreprises Atlassian et Google
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Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
santé, on est plus habitué à mesurer les
dégâts causés par le manque d'autonomie, de liberté
d'action, que les bienfaits inhérents à l'autonomie. La
liberté d'action apparaît d'autant plus accessoire qu'elle ne
manque pas. Lorsque l'on voit ce qui se passe sur certains plateaux
d'assistance téléphonique, on prend conscience de la souffrance
consécutive à l'absence de liberté d'action. Quand on voit
des personnes obligées de recourir à une grille de questions et
de réponses, on mesure le malaise que cela représente. Pour
améliorer le bien-être, chaque fois que cela est possible, il faut
laisser de la liberté d'action.
Dans l'approche de Daniel Pink, la maîtrise correspond
au fort désir de progresser de plus en plus afin de maîtriser
quelque chose de nouveau. Il lie la notion de maîtrise au concept de
« flow» de Csikszentmihalyi21. Un certain nombre
d'entreprises telles, que Microsoft et Patagonia, s'attachent à
favoriser l'état de flow car elles perçoivent en lui à la
fois une source de productivité et de plaisir au travail. Si la
maîtrise est synonyme de performance et de réussite, elle a un
autre mérite, c'est d'être source de... bien-être. Elle
correspond au fort désir de progresser de plus en plus afin de
maîtriser quelque chose de nouveau et d'important. Et il y a, là,
une véritable source de plaisir, le plaisir que l'on éprouve
quand on sent que l'on est en train de progresser, de réussir. Or, il
est actuellement admis, notamment grâce aux travaux de Philippe
Davezies22, que le fait de prendre conscience de l'utilité de
son travail pour autrui est protecteur, singulièrement du stress. Quant
au plaisir, il est lui également protecteur vis-à-vis du stress.
La maîtrise est donc source d'excellence et de bien-être. Les
personnes disposant d'une part suffisante d'autonomie et ayant des objectifs en
adéquation avec leurs compétences se montrent très
performantes.
La chercheuse Sylvia Hewlett23 a constaté
que les deux générations - Baby boomer et
génération Y - sont en train de redéfinir le succès
et souhaitent un changement radical du type des récompenses. Aucune de
ces générations ne considère l'argent comme la forme la
plus importante de récompense. Au lieu de cela, elles choisissent une
gamme de facteurs non-monétaires qui vont « d'une équipe
géniale » à « la possibilité de servir, par leur
travail, la communauté ». Et, si elles ne peuvent pas obtenir un
ensemble de récompenses satisfaisantes dans les organisations
existantes, elles créent leurs propres entreprises. Selon le Boston
21 Psychologue d'origine hongroise connu pour ses travaux sur la
notion de « flow ». Le flow est un état de concentration
optimale obtenu d'autant plus facilement que le niveau de défi est en
harmonie avec les capacités de la personne.
22 Enseignant-chercheur en médecine et santé au
travail. Université Claude Bernard Lyon1.
23 Sylvia Ann Hewlett, Laura Sherbin et Karen Sumberg, How Gen
Y & Boomers Will Reshape Your Agenda, Harvard Business Review,
juillet-août 2009.
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Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
Globe24, les entreprises peuvent améliorer
le bien-être de leurs employés en déplaçant une
partie de leur budget vers les dons consacrés aux organismes de
bienfaisance.
Ce sont les employés qui gèrent les dons et les
organismes qui en bénéficient. En d'autres termes, la prise de
contrôle des employés sur la façon dont l'entreprise donne
à la communauté pourrait davantage améliorer leur
satisfaction globale qu'une incitation financière classique. Ainsi,
lorsque le but de l'entreprise associe à l'intérêt
économique, une part d'intérêt général, la
motivation des salariés sera plus forte.
1.2.3 Regard sur d'autres notions: qualité de vie au
travail, bonheur au travail
On relève aisément plusieurs notions qui
semblent intuitivement assez proches de celle de bien-être au travail :
qualité de vie au travail, bonheur au travail.
Il nous semble que la notion de bien-être au travail,
que nous traitons dans le présent document, se rapproche
étroitement de celle de qualité de vie au travail. Pour autant,
ces deux notions se confondent-elles?
En effet, comme l'indiquait l'ANACT dans un document
préparatoire 25 à la négociation sur ce
thème avec les partenaires sociaux, « la qualité de vie au
travail désigne et regroupe les dispositions récurrentes abordant
notamment les organisations du travail permettant de concilier les
modalités de l'amélioration des conditions de travail et de vie
pour les salariés et la performance collective de l'entreprise. Elle est
un des éléments constitutifs d'une responsabilité sociale
d'entreprise assumée. Sa définition, sa conduite et son
évaluation sont des enjeux qui doivent être placés au coeur
d'une logique de dialogue social ».
La notion de qualité de vie au travail renvoie à
des éléments multiples, relatifs en partie à chacun des
salariés mais également étroitement liés à
des éléments objectifs qui structurent l'entreprise. Elle peut se
concevoir comme un sentiment de bien-être au travail perçu
individuellement et collectivement qui englobe l'ambiance, la culture de
l'entreprise, l'intérêt du travail, le sentiment d'implication et
de responsabilisation, l'équité, un droit à l'erreur
accordé à chacun, une reconnaissance et une valorisation du
travail effectué.
Ces éléments rappellent clairement les
dimensions développées précédemment pour traduire
et également apprécier le bien-être au travail. Les 2
enjeux principaux paraissent être
24 Les nouveaux leviers de motivation Et si les voies
de l'excellence et du bien-être étaient proches ? Par Philippe
Rodet, médecin et consultant et Romain Bourdu, fondateur du blog
Bien-être et Performance-octobre 2010
25 « Préparation de la Négociation Sociale
Qualité de Vie au Travail ; Points de convergence », 21 septembre
2012.
Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
les mêmes à savoir réconcilier les
salariés avec le travail d'une part et permettre aux entreprises de
réconcilier compétitivité, performance globale et
modèle social d'autre part.
Pour autant, il nous semble en revanche nécessaire de
souligner que l'approche par la qualité de vie, tout comme celle de
bonheur au travail, peut parfois être fortement corrélée
à une approche humaniste, voire hédoniste. Si celle-ci n'est pas
condamnable en tant que telle, elle doit en revanche s'inscrire
également dans une vision pragmatique des besoins de l'entreprise
d'aujourd'hui et du contexte économique et social actuel. C'est une des
conditions essentielles pour permettre une meilleure prise de conscience des
chefs d'entreprise et faciliter une évolution culturelle dont on verra
plus loin qu'elle constitue un des freins au développement du
bien-être au travail.
1.3 Quelle corrélation avec la performance d'une
entreprise? 1.3.1 Chiffres et études d'impacts du lien entre le
bien-être et la
performance/l'efficacité productive de
l'entreprise
Il est acquis, grâce à plusieurs études,
que le bien-être a un réel impact sur la créativité,
la productivité du salarié, sur son engagement au travail et au
sein de l'entreprise ainsi que sur sa propension à travailler en
équipe ; en un mot sur ses compétences de travail donc sur sa
performance.
Un courant de recherche, en France et à l'international
(Europe, Canada, Etats-Unis), mène des études sur ce lien entre
bien-être et performance. Jeroen Derwall, professeur assistant en finance
au département d'économie et de gestion de l'université de
Maastricht, a démontré dans sa thèse26 que
« l'apport d'une gestion sociale et environnementale à la
création de valeur peut être financièrement
évalué ». Il rappelle notamment que de bonnes relations
sociales améliorent la rentabilité de l'entreprise grâce
à une meilleure productivité des employés.
Inversement, le baromètre d'IPSOS 2010
révèle que 42% des salariés estiment que leur
mal-être affecte leur performance. Ainsi, les entreprises devraient
accorder plus d'importance et d'attention au bien-être au travail.
Quelques initiatives permettent d'en évaluer les
bénéfices.
En prenant en compte les indicateurs RH, santé,
conditions de travail, productivité et innovation, l'entreprise peut
réaliser une simulation chiffrée et avoir un aperçu des
gains qu'elle pourrait atteindre en améliorant simplement le
bien-être de ses salariés. Ainsi, en
21 / 55
26 Thèse qui a reçu en 2008 le Prix
européen de la recherche « Finance et développement
durable»
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Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
améliorant les conditions de travail des
salariés, une entreprise peut faire baisser son taux de turn-over de 7%
et voir ses accidents du travail divisés par deux.
Le taux d'absentéisme peut également baisser
à 3,4% contre 7% de moyenne nationale (ANACT). Outre une meilleure image
de l'employeur, ces améliorations se répercutent directement sur
les performances de l'entreprise au niveau de sa productivité, sa
qualité, sa rentabilité et peuvent se chiffrer très
concrètement.
Une récente étude de la Harvard Business
Review27 confirme que « Les employés heureux sont 30%
plus productifs, leurs ventes sont supérieures de 37% et leur
créativité est multipliée par 3 ». Le
bénéfice est multiplié par deux et, selon le Career
Journal, « les entreprises qui améliorent la satisfaction des
employés de 20%, peuvent améliorer leurs performances
financières de 42% ». De plus, les entreprises soucieuses du
bien-être de leurs employés ont un chiffre d'affaires qui augmente
en moyenne de 15% par an sur une période de 9 ans. En comparaison, le
chiffre d'affaires des entreprises où les conditions de travail sont
médiocres n'augmente en moyenne que de 0,1% (Denison Consulting). On
note encore un gain sur le plan boursier. Les entreprises soucieuses du
bien-être ont enregistré une performance annualisée de 14%,
soit le double de la performance du marché, sur une période de 7
ans entre 1998 et 200528. Enfin, autre bénéfice non
négligeable, le gain économique réalisé par
l'entreprise lorsque, grâce à l'amélioration des conditions
de travail, elle fait baisser le coût financier de l'absentéisme,
la partie des dépenses de santé qui restent à la charge de
l'employeur, les pénalités financières...
Chaque année, le désengagement des
salariés représente un coût significatif pour les
entreprises. En 2011, il représentait 12% du PIB français, soit
250 milliards d'euros29. 13 500 euros par salariés et par an
sont ainsi perdus par la non qualité de l'organisation du travail.
Pour le pilotage de la performance, les Directions et les
managers utilisent fréquemment des indicateurs de tableaux de bord,
construits uniquement sur les coûts directs. Mais qu'en est-il des
coûts cachés socioéconomiques indirects, impactant
fortement la performance? L'absentéisme, les journées non
travaillées pour accidents du travail/maladies professionnelles/Trajet
et la rotation du personnel entraînent des pertes très
significatives de valeur ajoutée. Les mauvaises organisations du travail
sont ainsi la première cause de
27 Voir sur
http://hbr.org/archive-toc/BR1201
- janv/février 2012
28Etude de la Wharton School et University of
Pennsylvania, 2009
29Source : Mozart Consulting, étude sectorielle
de l'IBET (Indice de Bien-Être au travail)
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Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
dégradation de la compétitivité des
entreprises du secteur privé (18,5 millions de salariés), bien
avant les coûts salariaux.
En effet, la non disponibilité d'un collaborateur peut
se traduire par des sursalaires (salaire payé à la personne
absente par l'entreprise avant la prise en charge par un organisme d'assurance
complémentaire), des surtemps (temps supplémentaire passé
par le remplaçant pour prendre en charge le travail de la personne
absente), des surconsommations (recours à des intérimaires),des
non productions (le travail est laissé en suspens dans l'attente du
retour de la personne absente).
Dans ces conditions, la performance sociale devient un
objectif légitime pour rétablir la confiance dans l'entreprise,
car elle engage le niveau de santé globale et par la même, la
construction d'un collectif de performance pour l'organisation. Attirer,
intégrer et fidéliser les talents par une image de performance
économique, éthique et sociale, contribue à
améliorer le climat social. Dans le même temps, cela conduit
à réduire les coûts cachés du désordre
socio-organisationnel et à libérer la confiance.
1.3.2 Cas et approches pratiques du lien entre le
bien-être et l'efficacité productive
Améliorer le bien-être des collaborateurs au
travail, c'est se donner les moyens de développer la performance
à tous les niveaux de l'entreprise et à long terme. Cette
conviction des ressources humaines de la Française des Jeux (FDJ) a
donné lieu à un dispositif innovant: un observatoire du
bien-être au travail, animé par des collaborateurs, au service des
collaborateurs.
FDJ a toujours veillé au bien-être au travail, en
collaboration avec les partenaires sociaux. L'entreprise s'est mobilisée
avec eux dès 2009 sur le thème du « bien-être au
travail », dans le cadre de la réflexion engagée par le
gouvernement. Un Observatoire du bien-être au travail (Obet) a ainsi
été mis en place. Composé de collaborateurs volontaires,
représentatifs des 12 familles professionnelles de FDJ, l'observatoire a
réalisé un diagnostic qualitatif, basé sur des entretiens
approfondis avec 120 collaborateurs. Ce questionnaire a notamment permis de
définir des indicateurs de bien-être qui sont suivi dans le temps,
et d'identifier des axes d'amélioration de l'organisation et des modes
de management. Parmi les projets lancés par l'Obet : le
réaménagement des espaces de travail, la mise à
disposition de nouveaux lieux de convivialité et d'échange, ou
encore une chorale et des séances de sport collectives.
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Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
Pour détecter des situations dans lesquelles des
salariés ou des candidats s'estimeraient discriminés, ou
harcelés, l'entreprise a mis en place un « Relais d'écoute
» qui complète le dispositif. Une collaboratrice et un
collaborateur incarnent ce relais d'écoute FDJ dans chacun des trois
sites de l'entreprise (Boulogne-Billancourt, Moussy et Vitrolles). Les
animateurs du relais sont tenus à la confidentialité des
informations qui leur sont confiées. Ils ont suivi une formation
spécifique pour assurer ce rôle. Tous les salariés ou
candidats peuvent saisir le Relais d'écoute en le contactant par
courrier ou par adresse mail dédiée.
En 2008, 2010 puis fin 2011, le « FDJ'Scope »,
baromètre social interne, a permis de mesurer le taux de progression des
indicateurs de satisfaction des collaborateurs. Le taux de participation a
progressé de 55 % en 2008 à 76 % en 2010. De plus, 90 % des
répondants notent très positivement leur environnement de
travail. Les collaborateurs valorisent l'information qui leur est donnée
sur la stratégie de l'entreprise, et considèrent majoritairement
qu'elle est armée pour affronter une concurrence croissante. Autre
indicateur-clé : 80 % d'entre eux recommanderaient à un proche de
venir travailler à la Française des Jeux.
Atos Origin a pour sa part affiché son objectif de
supprimer les courriels dans la communication interne au profit d'autres
outils, notamment collaboratifs. Si le email permet de gagner beaucoup de temps
par rapport à un appel téléphonique, il peut aboutir
à de « l'infobésité »30 dans le monde
de l'immédiateté. Par ailleurs, la réception incessante de
mails freinerait la productivité : un salarié français ne
passerait que 12 minutes, en moyenne, concentré sur son travail sans
être interrompu par un courriel ou un SMS, selon une enquête
menée par Sciforma31. 75 % d'entre eux avouent même
arrêter une tâche en cours pour découvrir le contenu d'un
mail.
Ainsi, à l'époque des smartphones, les
frontières entre la vie privée et la vie professionnelle tendent
à s'effacer. Thierry Breton, PDG d'Atos Origin32,
décrivait les emails internes comme des « données massives
» qui « polluent notre environnement de travail » et «
empiètent sur nos vies privées », état d'esprit
intéressant de la part d'un ancien locataire de Bercy et dirigeant de
grande entreprise ...
30 La surcharge informationnelle ou surinformation
(ou infobésité, selon l'Office de la langue française),
est un concept couvrant le trop plein d'informations reçues
31 Les Echos du 12 avril 2011, Laurance N'Kaoua
32 Président du directoire du groupe Atos depuis le 17
novembre 2008 et PDG depuis février 2009. En 2012, il est élu
« Stratège de l'Année » pour sa gestion d'Atos.
L'année suivante, l'entreprise est classée au second rang du
Palmarès des employeurs français, qui prend notamment en compte
les conditions de travail, les perspectives de carrière et la
pérennité de l'entreprise - Palmarès des employeurs 2013:
Retour aux valeurs sûres, L'Express.fr, 2 octobre 2013
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Le bien être des salariés comme levier
de performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
C'est donc notamment face à cette tendance que Canon
France a décidé d'organiser la « Journée sans mails
», afin d'améliorer le bien-être de ses 1.800 salariés
(qui échangent quelques 30.000 courriels au quotidien).Cette «
Journée sans mail » vise à lutter contre
l'infobésité mais, aussi et surtout, à préserver le
lien social dans l'entreprise. Des études sociologiques33 ont
en effet démontré que rien ne remplaçait la communication
« physique» (les gestes, le regard, l'intonation de la voix).
Au bout du compte, les collaborateurs de Canon
plébiscitent une « quiétude », « une communication
plus simple », et ce bien-être se traduit par le faible turn-over
auquel l'entreprise est confrontée. Forte d'une expertise menée
sur le bien-être des salariés, la direction de Canon a
établi une Charte du « Mieux travailler ensemble »34
afin d'assurer à ses collaborateurs des conditions de travail
optimales. Journées sans mail, lignes d'écoute pour les
salariés et mise en avant de la philosophie Kyosei35 font
partie des mesures mises en place dans cette optique.
Force est de constater que les dirigeants d'entreprises qui
ont fait le choix d'intégrer une véritable politique du
bien-être au travail ont pu obtenir parallèlement des
résultats internes intéressants concernant le bien-être au
travail; on notera que d'un point de vue de la performance économique de
ces 3 entreprises, leurs résultats ont également progressé
ces dernières années :
? FDJ affiche une progression de son résultat net
consolidé fin 2012 de 39 % par rapport à 2011, et de 6,5 % en
2011 par rapport à 2010.
? Canon France a vu pour sa part son résultat net
augmenter entre 2009 et 2011 comme suit: 8,5 millions d'euros fin 2009,
près de 10,1 millions d'euros fin 2010 et plus de 11,3 millions d'euros
fin 2012 (le chiffre d'affaires étant passé de 630 millions
d'euros fin 2009 à 663 millions d'euros fin 2011).
? Enfin, Atos affiche un résultat net (part du Groupe)
qui est passé de 22,6 millions d'euros fin 2008 à 223,8 millions
d'euros fin 2012.
33
http://www.maieusthesie.com/nouveautes/article/verbe_et_posture.htm
- Thierry TOURNEBISE, mai 2013 34
http://www.canon.fr/About_Us/Press_Centre/Press_Releases/Corporate_News/FR_2010_05_26_Travailler_M
ieux.aspx - mai 2010
35Le Kyosei est la philosophie d'entreprise de Canon. Ce concept
est le fondement de la marque, des activités et de l'orientation des
parrainages. En japonais, Kyosei signifie «vivre et travailler ensemble
pour le bien-être commun», un principe que suivent tous les
entreprises Canon dans le monde. Il oriente sa mission et ses valeurs, sa
manière de traiter ses salariés et de diriger l'entreprise. Canon
appliqua le Kyosei dans sa stratégie en 1987.
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Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
PARTIE 2 :
LIMITES ET FREINS A LA PRISE EN COMPTE DU BIEN-ETRE AU TRAVAIL
COMME VECTEUR DE PERFORMANCE ECONOMIQUE
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Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
2 LIMITES ET FREINS A LA PRISE EN COMPTE DU BIEN-ETRE AU
TRAVAIL COMME VECTEUR DE PERFORMANCE ECONOMIQUE
2.1 Les limites du paradigme selon lequel le
bien-être des collaborateurs
influe sur la performance de l'organisation 2.1.1
Le degré de bien-être « marginal»
Et si la recherche du bien-être au travail comme facteur
d'amélioration de la performance de l'organisation comportait des
limites au-delà desquelles le bien-être ne produit plus d'effet,
voire comporte des conséquences négatives pour l'entreprise?
Menant des recherches fondées sur la différence
entre les modérément heureux et les très heureux,
plusieurs chercheurs36 ont conceptualisé la notion de niveau
optimum de bien-être. A la question de savoir si être plus heureux
est toujours nécessairement mieux, ils constatent tout d'abord que, si
tous recherchent le bonheur, l'absence d'émotion négative est
préjudiciable.
Sans entrer dans les psychopathologies, on constate que les
états déplaisants entraînent une motivation à
l'action susceptible d'améliorer son niveau de satisfaction. Un
très haut niveau de satisfaction empêcherait donc les individus
d'atteindre leur plein potentiel. En outre, un très haut niveau de
bonheur peut également être dommageable s'il produit des
émotions positives dans une situation entraînant des
conséquences inappropriées. Un ratio positif-négatif trop
élevé est également préjudiciable et peut
entraîner une modification du comportement, lequel a tendance à
devenir plus rigide. Ainsi donc, ils conviennent qu'un niveau de bonheur qui
n'est pas trop élevé est plus recommandé en termes de
développement personnel et de compétences analytiques.
Un exemple pour illustrer ces résultats : les individus
qui sont totalement satisfaits dans leur situation professionnelle sont alors
moins disponibles pour l'acquisition de nouvelles compétences, changer
de travail. À l'inverse, les personnes heureuses, mais à un
degré moindre, sont plus flexibles et plus aptes à gérer
de nouvelles situations.
Ainsi, en termes de performance, le niveau de bonheur optimal
n'est pas nécessairement le niveau de bonheur le plus
élevé.
36The Optimum Level of Well Being, Can People Be Too
Happy - Shigehiro Oishi, University of Virginia, Ed Diener, University of
Illinois et Richard E. Lucas de Michigan State University
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Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
L'organisation peut donc en théorie se trouver face
à l'alternative suivante:
- ou bien cultiver le bien-être des collaborateurs
à son degré le plus élevé et ainsi les voir
franchir un point d'inflexion de performance. Dans ce cas, passé ce
seuil, l'organisation pourrait être amenée à substituer de
la performance humaine à de la performance économique;
- ou bien cultiver le bien-être des collaborateurs
jusqu'à ce seuil limite, sans le dépasser, de peur de voir sa
performance économique diminuer ensuite, bien que compensée par
l'augmentation de la performance humaine.
On touche donc ici les limites de l'alignement de la
performance humaine et économique.
Le seuil évoqué ci-dessus est intéressant
car le choix qu'il force est définissant et mettrait en lumière
les organisations qui ne poursuivraient le bien-être des collaborateurs
que comme une voie vers la performance économique, versus celles qui le
voient comme une fin en soi, à concilier toutefois avec des
impératifs économiques.
2.1.2 Le bien-être du collaborateur ne
dépend que partiellement de l'organisation
On a tendance à croire que c'est le succès qui
précède le bonheur, or c'est précisément le
contraire. Selon Shawn Achor, le bonheur est un point de départ et non
la conséquence de la réussite. Les personnes qui cultivent un
esprit positif s'avèrent plus performantes face à un défi.
C'est ce qu'il appelle « the happiness advantage ». En effet, les
recherches ont démontré que quand les gens travaillent avec un
esprit positif, cela fournit des performances plus élevées en
termes de productivité, créativité, engagement.
Ainsi, fort d'une méta étude37,
l'auteur propose des exercices pratiques afin de développer notre
cerveau à devenir plus positif tout en gagnant en
compétitivité.
Toutefois, l'organisation se retrouve face à ce
casse-tête : effectivement la performance résulte bien du
bien-être du collaborateur. Or ce bien-être là, global,
n'est que partiellement (fort heureusement) déterminé par le
bien-être au travail. La limite du paradigme consiste donc en
l'incapacité (théorique et éthique) à favoriser de
manière complète le bien-être de ses collaborateurs. Cette
réflexion interroge néanmoins la question de la porosité
entre vie privée et vie professionnelle.
37The Happiness Advantage, The Seven Principles of
Positive Psychology That Fuel Success and Performance at Work, Shawn Achor.
Etudes autour de 45 pays.
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Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
2.1.3 Et si finalement la performance humaine était
nocive pour la performance économique?
Cela nous semble contestable et peu probable, pour trois
raisons. La première, parce que cette idée est contraire à
l'intuition. La deuxième, parce que le bien-être est avant tout le
signe d'un bon fonctionnement de l'individu. La troisième, parce que les
recherches évoquées dans le présent document sont des
méta études, qui compilent des centaines d'études
déjà réalisées. Elles ne sont donc, par nature, pas
partisanes, ni partiales. Par ailleurs en tant que consolidations de
recherches, elles indiquent une tendance de fond ou un principe
général plutôt qu'un concept spécifique ou
isolé.
Néanmoins, si toutes ces recherches s'étaient
trompées, alors les dirigeants économiques seraient face à
leurs responsabilités et devraient démontrer leur
intérêt pour le bien-être des collaborateurs comme une fin
en soi, et pas uniquement comme un moyen vers une meilleure performance
économique.
A ce titre, l'ouvrage « Compagnie & Liberté
» d'Isaac Getz et Brian M. Carney est porteur d'espoir; on y
dépeint des managers qui y visent le bien-être des collaborateurs,
et qui le font d'abord et avant tout pour ceux-ci. Si cela s'avère
profitable économiquement pour l'entreprise, l'ouvrage le
présente uniquement comme une conséquence, et non pas comme le
but visé prioritairement. On trouve par ailleurs un nombre non
négligeable de témoignages de dirigeants économiques,
notamment des autobiographies, qui ont opéré un changement de
mentalité en profondeur ; or, le point de départ de ces
évolutions personnelles n'était pas la recherche de
rentabilité financière accrue.
2.2 Les freins à une meilleure prise en compte du
bien-être au travail : approches générale et
contextualisée à la Macif
Après avoir tenté d'éclairer la
corrélation entre bien-être et performance, on peut s'interroger
quant au fait que ce paradigme soit aujourd'hui aussi peu pris en
considération dans les entreprises. Cette partie vise à mettre en
exergue quelques obstacles expliquant cette situation actuelle.
2.2.1 Des éléments contextuels peu
propices
Il ressort de publications38 de l'Indice du
Bien-Être au Travail (IBET, de Mozart
Consulting) que le climat est globalement bien meilleur dans les
entreprises industrielles que
38 Etude mise en avant par le groupe Apicil lors de
la présentation de son livre blanc sur la santé au travail, le 20
septembre 2011, et menée par le cabinet de ressources humaines Mozart
Consulting
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Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
dans les sociétés de services et ce
malgré les menaces pour l'emploi pesant sur le secteur manufacturier
(risques de délocalisation, niveaux de salaires plus faibles).
Si le secteur de l'industrie se distingue (IBET de 0.86) dans
un contexte défavorable c'est en raison de trois facteurs : d'une part,
il fixe l'emploi et protège de l'incertitude du lendemain ; d'autre
part, il valorise les métiers ; enfin, « les salariés ont un
rapport direct, voire affectif avec ce qu'ils produisent » (Victor
Waknine, fondateur et associé gérant de Mozart consulting).
Ainsi, l'argument implicite selon lequel le bien-être
des collaborateurs est un levier incohérent en période de crise
ou dans un secteur en crise est invalidé par les taux de satisfaction
élevés dans ces secteurs. La crise ne constitue pas un frein
définitif au bien-être des collaborateurs.
Enfin, la crise est a fortiori l'occasion de chercher de
nouveaux leviers de compétitivité pour les organisations. On
soulignera que les politiques cherchant à favoriser le bien-être
des collaborateurs ne sont en aucun cas synonymes de politiques sociales, et
n'impliquent donc pas nécessairement de dépenses
supplémentaires.
Dans un récent article du journal Les
Echos39, s'interrogeant sur le moyen le plus sûr de relancer
la croissance en France aujourd'hui, les auteurs estiment que «
l'amélioration des conditions de travail - définie au sens le
plus large - pourrait conduire à une amélioration très
sensible de l'efficacité de nos entreprises ». Par le prisme
économique, ils soulignent qu'une première estimation laisse
à penser que le gain de croissance serait ainsi voisin de 1% au niveau
du PIB français.
Ce même article évoque également un aspect
qui nous semble non négligeable et qui a trait à la
nécessité que, pour la majorité des salariés, le
travail ne soit plus assimilé à son origine latine de torture
(« tripalium »40).
Au sein du groupe Macif, la période difficile que
traverse l'entreprise ne semble pas a priori propice à ce virage
culturel qui érigerait le bien-être des collaborateurs en facteur
de dynamisation de la performance. Reste toutefois que le lancement depuis fin
2013 d'une nouvelle démarche de réflexion pour élaborer la
stratégie du Groupe au-delà de 2015
39 Les Echos 9/10/2013. Le bien-être au travail:
1% de croissance en plus - LA CHRONIQUE DU CERCLE DES ÉCONOMISTES, par
Olivier Pastré et Alexandre Jost
40 Étymologie du mot TRAVAIL: tripalium
(latin populaire), qui désignait un instrument d'immobilisation (et
éventuellement de torture) à trois pieux. Le mot "travail"
désignait autrefois l'état d'une personne qui souffre (ce sens
est toujours utilisé en obstétrique). Il a été
étendu ensuite aux occupations nécessitant des efforts
pénibles, celles des "hommes de peine", puis à toutes les
activités de production.
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Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
constitue une opportunité pour remettre à plat
l'existant, s'interroger sur son efficience et permettre une prise de
conscience des dirigeants sur l'intérêt d'un tel changement de
paradigme.
2.2.2 Un frein culturel français
Le raisonnement de Thomas Philippon41, étayé par
des études d'opinions complètes et une approche statistique
rigoureuse du sujet, livre une analyse intéressante :« S'il y a
bien en France une crise de la valeur travail, elle n'est pas celle que l'on
croit. Il n'y a pas de disparition du désir de travailler. Contrairement
aux idées reçues, les Français accordent plutôt plus
d'importance au travail que la plupart des Européens, et ils sont parmi
les premiers à enseigner à leurs enfants à travailler dur.
(...) S'il y a d'un côté un désir de travailler, et de
l'autre une volonté d'entreprendre, comment se fait-il qu'il y ait une
crise du travail ? Que l'on interroge les patrons ou les ouvriers, les managers
ou les employés, on arrive au même constat: la France est le pays
développé où la part des gens satisfaits de leur travail
est la plus faible. »42
La crise du travail en France est « une crise non pas du
désir individuel de travailler, mais de la capacité à
travailler ensemble. En effet, la France est le pays développé
où les relations de travail sont les plus mauvaises à la fois du
point de vue des dirigeants d'entreprises et du point de vue des
employés », la véritable exception française selon
l'auteur.
De la répression des syndicats au
phénomène bureaucratique, en passant par le paternalisme, la
France se distingue des autres pays car la majeure partie de ses entreprises
conservent un « management familial » quand la plupart des pays comme
l'Allemagne et les Etats-Unis voient leurs entrepreneurs partageant « la
direction des entreprises avec les managers qu'ils avaient eux-mêmes
recrutés. »
Par ailleurs, les élites de l'Etat sont
redistribuées aux directions des entreprises (12% des entreprises
cotées à Paris, mais 65% de la capitalisation boursière,
étude CREST 2006) et la promotion interne managériale est faible.
D'où une rupture de la communication entre management et
subordonnés, teintée d'une méfiance mutuelle et d'une
suspicion de favoritisme, et un manque de délégation. A la
question du Global Competition Review « Dans quelles mesures
êtes-vous désireux de déléguer votre autorité
? », la France se retrouve en queue de peloton avec le Portugal, la
Grèce et l'Italie. Or le manque de liberté de décision
est,
41 Thomas Philippon, diplômé de
l'Ecole Polytechnique M.A. in Physics (1994-1997), puis du DELTA-EHESS Master
in Economics (1998) et enfin du MIT Ph.D. in Economics (June 2003) est l'auteur
du livre "Le Capitalisme d'Héritiers ou la crise française du
travail".
42 billet de Pierre Bilger du 19/03/2007
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Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
du point de vue des salariés, LA cause principale
d'insatisfaction en termes d'épanouissement au travail.
Par ailleurs, on peut relever le basculement, en 30 ans, d'une
valeur travail à une valeur exclusivement financière,
phénomène que la crise n'a finalement pas encore réussi
à remettre en cause, malgré l'opportunité qu'elle
présentait à cet égard.
Mais un autre facteur réside dans une forme de
gouvernance à la française très
hiérarchisée, très codifiée, presque monarchique,
qui éloigne toujours plus les responsables, du terrain, de
l'écoute et de la réalité opérationnelle, à
chaque échelon franchi. L'entreprise française (et à
travers elle les managers eux-mêmes), très attachée aux
diplômes et aux titres, confond encore trop souvent une position sur un
organigramme et le métier de manager. Et trop souvent encore se fait
l'amalgame de l'autoritarisme et du management. L'autoritarisme, contre
productif à long terme et parfois même à court terme,
venant toujours tenter de compenser un manque de savoir-faire relationnel. A
voir l'organigramme de la Macif et le nombre de strates hiérarchiques
notamment, il est à craindre que ces éléments soient
transposables et expliquent en partie un certain nombre de
phénomènes évoqués précédemment au
sein de l'entreprise.
D'une façon plus générale, les jeunes
générations de collaborateurs sont beaucoup moins prêtes
à respecter une hiérarchie ayant pour seule justification
l'organigramme. La « loi interne» de l'entreprise ne leur suffit pas
à reconnaître la légitimité d'une hiérarchie
amenée alors à trouver d'autres codes de communication que
l'autorité.
De plus, dans bien des cas, la crise vient renforcer les
mécanismes de crispation, là où l'on aurait au contraire
besoin d'ouverture à davantage de dimension humaine pour rebondir. La
bonne nouvelle est que, si des dysfonctionnements sont partiellement
explicables par des us culturels, l'évolution est possible, comme on a
pu le constater dans un certain nombre d'entreprises évoquées
précédemment.
2.2.3 Un niveau de persuasion insuffisant des
dirigeants
Dans un pays où le taux de chômage avoisine les
10%, avoir un emploi semble être une condition sine qua non du bonheur.
De ce fait, ni les salariés ni les politiques et encore moins les
dirigeants ne remettent en cause les conditions de travail. Avoir un travail
suffirait-il donc à être heureux? En tout cas, c'est ce que pense
la plupart des dirigeants.
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Le bien être des salariés comme levier
de performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
En effet, ces derniers, ne sont que modérément
convaincus que le bien-être des salariés est un vecteur de
performance économique. En effet, 32% des DRH jugent que leurs
dirigeants ne sont pas vraiment convaincus selon l'éditorial du Mieux
vivre en entreprise.
Par ailleurs, selon le rapport Lachmann « Bien-être
et efficacité au travail » de 2010, les managers sont trop
éloignés de la réalité des employés pour
être persuadés de la performance au travail autrement que par les
chiffres. « L'augmentation du nombre de cadres « experts »au
détriment des fonctions de management, l'éloignement
géographique entre les équipes, le poids croissant des
procédures dans les relations de travail, l'insuffisante association des
managers de proximité aux décisions ou encore le
développement d'organisations matricielles contribuent à
déstabiliser ce maillon essentiel de l'organisation
»43.
Aussi, le baromètre au travail de
Malakoff-Médéric tend à montrer que l'intérêt
des DRH est moins marqué que celui des salariés, sur la question
du bien-être. En effet, 57% des DRH des entreprises comprenant 50
à 249 salariés et 55% des DRH des entreprises de plus de 250
salariés considèrent la question du bien-être des
salariés comme étant très importante. Les salariés,
quant à eux, considèrent qu'il est très important à
respectivement 66% et 67%, soit un niveau significativement plus
élevé que les DRH.
Le rapport PSYA44 Malakoff-Médéric
IFOP de 2008 sur les baromètres du travail établit
également une typologie des comportements adoptés par
l'entreprise face à la question du bien-être psychologique des
salariés. Selon les résultats de cette étude, seules 35%
des entreprises sont prêtes à agir sur le thème du
bien-être des collaborateurs ... Ces entreprises considèrent le
bien-être des salariés comme un enjeu très important et
sont conscientes que le suicide peut concerner leur entreprise. Selon elles, la
promotion du bien-être doit être au centre des
préoccupations des DRH afin d'améliorer les relations internes.
Il s'agirait pour elles d'améliorer les pratiques managériales et
de réorganiser les procédures de travail.
N'y a-t-il pas là matière à
reconsidérer le métier des « ressources humaines» en
intégrant davantage les clés de fonctionnement de la machine
humaine, en réinterrogeant les modèles d'organisation classiques
et les systèmes de motivation, de management?
43
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/104000081/0000.pdf
44 Créé en 1997, le Cabinet Psya
possède une expertise reconnue dans le domaine de la Prévention
et de la Gestion des risques psychosociaux : mal-être lié aux
contraintes du travail, aux changements organisationnels, aux situations de
harcèlement, au stress, aux relations difficiles, aux agressions,
à la violence, ...
34 / 55
Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
De la même manière, le rôle et le sens du
travail d'un manager ne devraient-ils pas amener les entreprises et leurs
dirigeants à davantage intégrer ces questionnements et oser
impulser quelques changements culturels?
Chaque entreprise devrait pouvoir s'interroger sur la
pertinence de développer une approche basée sur la prise en
compte du bien-être au travail de ses salariés; la Macif,
entreprise qui s'affirme régulièrement comme plaçant
l'humain au centre de ses préoccupations, n'a-t-elle pas un champ
à investiguer rapidement pour faciliter l'évolution et
l'adaptation de son modèle social interne, afin d'être en
capacité de mieux faire face à ses enjeux d'entreprise? La Maif
vient d'annoncer45 la signature avec 5 syndicats internes d'un
accord portant sur la qualité des conditions de vie au travail et
prévention des risques psychosociaux. Le texte s'intègre dans le
Schéma Directeur Opérationnel, plan stratégique, que le
groupe Maif a engagé en 2012.
2.2.4 Le contexte académique et de la recherche
Force est de constater que les établissements
académiques n'ont pas encore intégré la dimension centrale
du rôle d'un manager. Le manque d'expérience de la vie sociale au
moment de l'entrée sur le marché du travail rend plus difficile
l'apprentissage du rôle, des savoir-faire et surtout des
savoir-être de manager dans une équipe de travail; notamment
être capable de négocier, d'écouter et de dialoguer, de
gérer les rapports de travail, d'utiliser au mieux les talents au sein
de l'équipe et de marquer de la reconnaissance ...
La formation au management proposée dans les
écoles de commerce et d'ingénieurs, ainsi que dans les cursus
universitaires, n'est pas une formation à la conduite des
équipes. Il n'y a pas davantage de mises en situations pratiques
à l'occasion de stage ou d'apprentissage. Cet aspect mériterait
d'être comblé comme l'y invite une des recommandations du rapport
Lachmann de février 201046.
Au-delà de la formation initiale, on peut
également relever un manque d'investissement des entreprises dans des
programmes de formation de leurs managers à la conduite des hommes et
des équipes, et aux comportements managériaux. De la même
manière, la promotion à un poste de manager devrait
systématiquement s'accompagner d'une formation conséquente aux
responsabilités sociales et humaines du manager. De ce strict point de
vue, gageons que les efforts et investissements entrepris par le groupe Macif
pour former et
45 voir sur
http://www.newsassurancespro.com/emploi-ressources-humaines-la-maif-en-avance-sur-son-sdo/0169279196,
22 janvier 2014
46Rapport sur le Bien-être et
l'efficacité au travail - Lachmann, Larose, Penicaud - février
2010
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Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
accompagner ses cadres de direction dans le cadre des
programmes baptisés « Top Managers» devraient permettre
à tout le moins d'interroger un certain nombre de pratiques
managériales, voire de susciter l'envie de faire émerger des
pratiques nouvelles laissant davantage de place au bien-être des
salariés.
Quant au champ de la recherche sur le bien-être au
travail [et ses effets], les études menées dans le cadre du
présent document amènent à constater que les recherches
d'ordre scientifique, bien que relativement récentes, se
développent progressivement au point de voir apparaître une
véritable science du bien-être 47 .Les résultats
sont encourageants pour démontrer le lien de causalité entre le
bien-être au travail et la performance d'une entreprise. La
nécessité tient à présent à une
sensibilisation de grande ampleur des responsables et dirigeants
économiques, étape indispensable à une véritable
prise de conscience des limites du système actuel de management
hérité de l'ère industrielle et de l'intérêt
d'opérer un changement culturel profond propice au
(re)développement des entreprises.
2.2.5 Une approche des dirigeants et managériale qui
reste très focalisée sur la réduction des coûts et
l'optimisation des processus organisationnels
Les dirigeants d'entreprises et les managers dans leur
ensemble sont souvent très centrés sur une vision principalement
« business » de leur métier, avec comme objectif d'optimiser
la performance. Par ailleurs, la plupart des cursus de formation des
écoles françaises les préparent essentiellement à
cela, les amenant à focaliser l'action sur la gestion, la production, la
performance quantitative et les tableaux de bord, bien davantage que sur la
compréhension et la prise en compte des clés du fonctionnement
humain qui amènent à cette performance.
L'ouragan de la crise accroît cette manière
d'envisager l'action de l'entreprise. La pression s'intensifie, tant pour les
managers que pour les collaborateurs, et tout devient souvent plus important et
plus urgent que la dimension humaine pourtant intrinsèquement porteuse
de solutions. Pas de temps pour écouter les idées, peu
d'inclinaison à déléguer, à co-construire, à
partager du sens et une vision, à intégrer l'émotion comme
composante de la motivation. Les indicateurs « rationnels » sont
renforcés en temps de crise. « La pression des chiffres est telle
que les dirigeants élèvent au rang de managers des profils moins
innovants et charismatiques que consensuels, car ils ne peuvent pas se
permettre de gérer la moindre opposition. Ils veulent des «
quick-wins» et privilégient les savoir-faire aux savoir-être,
en restant dans les couches superficielles du management. Car développer
des savoir-être prend
47 Exemple avec l'économie du bien-être
(Easterlin, Layard, Clark, Frey)
Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
du temps48. » Le groupe Macif, traversant un
contexte délicat, n'échappe pas à ce jour à ce
« réflexe» dont l'objectif à court terme est bien de
permettre un redressement technique et économique de l'entreprise d'ici
2015.
Enfin, d'une manière générale, les
idées actuellement développées sur une
réorientation de la formation du management ne sont pas
véritablement mises à jour. On parle, en effet, du « manager
coach » ou « manager bienveillant » qui doit accompagner le
travail, assurer sa qualité et aider à la mobilisation. Pourtant,
rien n'est fait dans ce sens-là, et le manager reste le gestionnaire
d'une équipe de salariés rendant des comptes uniquement sous
forme de chiffres.
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48 Extrait de l'article de Laurance N'Kaoua dans Les
Echos - 13/11/2012
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Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
PARTIE 3 :
POUR UNE STRATEGIE SOCIALE D'UNE ENTREPRISE MUTUALISTE AXEE SUR
LE BIEN-ETRE AU TRAVAIL
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Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
3 POUR UNE STRATEGIE SOCIALE D'UNE ENTREPRISE MUTUALISTE
AXEE SUR LE BIEN-ETRE AU TRAVAIL
Heureusement, la crise génère aussi, pour un
certain nombre d'organisations, une nouvelle créativité,
notamment managériale, une recherche de nouvelles solutions et
décisions, un appel aux cerveaux de tous pour réfléchir et
être force de propositions. Une véritable innovation en
matière de gestion du capital humain est en marche dans un nombre
croissant d'entreprises, transgressant la tradition de gouvernance à la
française pour développer la performance « autrement »,
en misant sur la confiance, l'autonomie et l'intelligence collective.
Comme toutes les entreprises, celles de l'économie
sociale sont concernées par les enjeux actuels liés au travail
(accidents, invalidité, absentéisme, pénibilité,
stress, etc.) et ne sont donc pas exemptes d'une réflexion suivie
d'actions significatives sur ces sujets.
Compte tenu des enjeux humains (intégrité
physique et mentale des salariés, épanouissement, respect des
valeurs de l'économie sociale, dialogue social, etc.), des enjeux
liés à l'organisation du travail (coopération dans le
travail, absentéisme, turn-over, conflits, etc.) et des enjeux
économiques (coûts induits, qualité des
réalisations, etc), il nous semble désormais indispensable de
réfléchir à la définition au sein du groupe Macif
d'une nouvelle stratégie sociale interne. Une telle démarche
illustrerait un élément fort de l'ADN de l'entreprise mutualiste
et viserait à affirmer et ériger le bien-être au travail
comme vecteur de performance.
3.1 De la nécessité d'une véritable
démarche pour favoriser l'intégration du bien-être au
travail
3.1.1 Une impulsion à donner par les dirigeants du
Groupe
Comme indiqué en propos introductifs du présent
document, les ressources humaines
constituent un moyen significatif pour atteindre les objectifs
et résultats attendus par l'entreprise. Cela est d'autant plus vrai au
sein d'une entreprise de services comme le groupe Macif.
Il est de la responsabilité des plus hauts dirigeants
de définir une nouvelle stratégie sociale puis de
l'intégrer à part entière comme un élément
contributeur, un véritable levier pour la mise en oeuvre de la
stratégie plus globale.
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Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
Partant du principe, précédemment
démontré, que la prise en compte et l'amélioration
continue du bien-être au travail contribuent à une meilleure
performance et à la pérennité de l'entreprise, il est donc
indispensable qu'une réflexion en ce sens soit menée, via un
débat en conseil d'administration et en comité de direction
groupe. Cette démarche doit être menée au coeur du projet
d'entreprise, avec en main les informations et les indicateurs
économiques permettant d'identifier le coût
macro-économique du « mal-être» au travail, y compris
les coûts cachés49.
« Les deux choses les plus importantes n'apparaissent pas
au bilan de l'entreprise: sa réputation et ses hommes », affirmait
Henry Ford.
Aussi, après une première phase d'impulsion, les
dirigeants du Groupe doivent veiller à entretenir et faire
évoluer cette démarche afin d'en garantir
l'effectivité.
Le conseil d'administration pourrait ainsi exiger d'être
informé, par un compte rendu périodique, de l'évolution
d'indicateurs spécifiques pour évaluer le bien-être au
travail, lesquels doivent être mis en regard d'indicateurs relatifs
à la performance globale de l'entreprise. Il pourrait d'ailleurs
s'appuyer sur un des cinq comités spécialisés, le
comité « éthique, déontologie et
responsabilité sociale de l'entreprise », institué en 2012,
lequel aurait en charge d'examiner les questions de bien-être au travail
(de santé, de sécurité, etc).
Au-delà de la stratégie de l'entreprise, la
gouvernance doit affirmer et prendre en compte les valeurs humaines de
l'entreprise, indissociables d'une situation de bien-être. C'est la
tête qui donne le ton, qui montre l'exemple et qui détermine la
culture, l'ambiance, la qualité des relations humaines dans
l'entreprise.
3.1.2 Etablir un état des lieux, un diagnostic
initial
Mener une telle démarche avec cohérence, c'est
enquêter auprès de tous les acteurs d'une entreprise, être
au plus près de la réalité de chacun, souligner les
sources de bien-être et de satisfaction pour l'homme au travail.
Afin de savoir de quoi on parle au sein de l'entreprise, il
paraît essentiel de définir et qualifier le bien-être au
travail de façon contextualisée. L'entreprise se doit d'engager
une concertation en interne avec tous les collaborateurs et leurs
représentants élus afin d'adopter une approche globale, au plus
près de ses besoins.
49 Voir supra 1.3.1
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Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
En ce sens, la réalisation d'un audit de
bien-être au travail interne au groupe Macif permettrait d'effectuer une
évaluation du niveau de chacun des indicateurs de bien-être et de
procéder à des analyses et comparaison en interne (comparaison
d'entités avec la moyenne de l'organisation) et externe (comparaison
avec un groupe de référence externe partageant les mêmes
caractéristiques socio-économiques que celles du groupe
Macif).
Une telle analyse permettrait de mettre l'organisation en
perspective en comparant ses niveaux de stress et bien-être au travail
avec un groupe de référence externe mais aussi de détecter
des situations particulières dans l'entreprise, des groupes à
risques ou des groupes cibles sur lesquels faire porter une action
particulière (ex : agences, plateaux téléphoniques). Cette
double évaluation externe/interne ferait ainsi ressortir des pistes
d'action prioritaires par la mise en évidence de corrélation
entre certains facteurs organisationnels et des conséquences non
souhaitées (stress, comportements indésirables..).
Il s'agit de mesurer et qualifier la situation pour
positionner un niveau de référence, un étalon puis de
définir les objectifs à atteindre, les cibles vers lesquelles
tendre.
Cette démarche peut s'appuyer sur le dialogue social et
un brainstorming organisé sur l'amélioration des conditions de
travail. Les leviers sont à travailler à tous les niveaux :
direction, management d'équipes et opérationnels. La
démarche ne peut se faire « a priori », en subodorant les
causes de mal-être. En travaillant également en « bottom/up
», on fédère, certes, mais on détecte aussi plus
efficacement les problèmes et les solutions permettant de les
résoudre ou a minima de les contourner.
Pour ce faire, il peut être opportun de créer une
équipe projet pluridisciplinaire intégrant toutes les parties
prenantes, et au besoin un consultant extérieur, pour réaliser
cet audit de bien-être au travail interne.
Il existe un pré-requis au lancement d'un tel chantier
: ne pas tomber dans le jugement et la stigmatisation, dédramatiser et
faire preuve de bons sens. Toute la complexité est d'amener employeur et
salariés à entrer dans le cercle vertueux « bien-être
/ performance» pour retrouver le goût du travail, l'envie d'avancer
ensemble à la faveur d'une ambiance motivante pour chacun.
Il faut essayer de construire un futur désirable et
acceptable. Il vaut mieux se mettre dans une dynamique positive en impliquant
les salariés et en leur demandant ce qu'il faudrait améliorer. A
partir d'une liste de propositions, avec les managers et la direction, la
faisabilité de ces actions peut ensuite être
étudiée.
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Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
A titre d'illustration, le Crédit Mutuel
Loire-Atlantique Centre Ouest (CMLACO) a élaboré en 2011 un
diagnostic, mené avec l'appui d'un consultant spécialisé,
pour identifier et prévenir les « risques psychosociaux ».
Avec la contribution d'une centaine de salariés, l'audit a fait
ressortir que le CMLACO est une entreprise appréciée de ses
salariés, mais le contexte en fait une entreprise plus exigeante et cela
peut créer des situations de mal-être pour certains et ce, dans
tous les métiers. L'entreprise partage cette préoccupation et
entend mettre en place des actions pour remédier aux situations de
mal-être. Les résultats du diagnostic ont été
présentés à tous les collaborateurs qui se sont
portés volontaires pour participer aux tables rondes mises en place sur
le sujet, aux délégués syndicaux, puis aux directeurs
d'entité. Une phase de réflexion sur les actions s'est ensuite
mise en place début 2012 qui a abouti à un plan d'actions pour
permettre, d'une part, d'améliorer ce qui existe déjà au
CMLACO (modules de formation sur le bien-être au travail, aide
psychologique anonyme en cas d'agression, ...) et d'autre part, de mettre en
place de nouvelles mesures.
3.1.3 Définir des objectifs, élaborer un plan
d'actions et définir les moyens associés
Très concrètement pour optimiser les chances de
succès d'une telle démarche, il faut donc aboutir à la
définition d'un plan d'actions pour une mise en oeuvre aux effets
durables. Au terme des enseignements de l'audit de bien-être ou du
diagnostic, il convient en effet de proposer des engagements et un premier plan
d'actions volontariste sur plusieurs années.
Cette étape est à construire de manière
participative avec des salariés, des représentants élus et
des représentants de la direction générale. L'expression
des salariés sur le travail et sur son contenu, leur capacité
d'intervention sur son organisation, sont centrales dans les évolutions
à engager et surtout fondamentales en matière de perspective,
pour faire du travail l'enjeu prioritaire. Qu'il s'agisse de débattre et
de définir de ce qu'est un « travail bien fait » ou de bonne
qualité, de reconstruire du professionnalisme, de faire évoluer
et d'aménager des postes de travail, de piloter des changements
d'organisation... la participation des salariés est incontournable,
à travers des temps et des lieux d'échanges à
développer.
Il y a à réinventer une participation
concrète et durable des salariés sur leur travail. Il est donc
important que les salariés soient en capacité d'agir sur les
changements, de s'exprimer individuellement et collectivement et d'être
impliqués sur les moyens et les finalités de leurs tâches.
Il peut être envisagé d'ouvrir des espaces de démocratie
permettant aux salariés, avec leurs élus, de s'exprimer sur
l'organisation de leur travail. Il faut par exemple réconcilier et
réinventer la relation entre les temps de vie au travail et hors du
travail. Cela nécessite de les
42 / 55
Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
revisiter en les situant tout au long de la vie et en
imaginant une gestion moins segmentée de l'existence.
Cette méthode amènera inéluctablement
à s'interroger sur les conditions et modalités pour organiser
cette participation ces temps et ces lieux d'échange, ainsi que sur
l'articulation avec les instances représentatives du personnel. Bref, il
y aurait matière à faire évoluer, voire à
régénérer, par la même occasion le dialogue
social.
L'Agence européenne pour la santé et la
sécurité souligne que le niveau d'engagement de la direction a un
impact favorable sur les processus de participation et les résultats
obtenus50. Ainsi, quand il y a une réelle volonté de
la part des travailleurs et des employeurs, l'impact en est d'autant
amplifié51. Les dispositifs participatifs ne
bénéficient en effet pas uniquement aux travailleurs mais
également aux employeurs, qui en offrant de meilleures conditions de
travail aux salariés, voient leur performance augmenter52.
Nul doute que des priorités doivent être
définies. A cet égard, il serait intéressant
d'opérer alors une sélection, prenant en compte la distinction
évoquée dans le présent document entre les facteurs
essentiels au respect de l'intégrité physique et morale de la
personne (santé, sécurité, etc) et les facteurs plus
périphériques visant à faciliter et rendre plus
confortables, voire plus agréables, les conditions de la personne au
travail53.
Les actions envisagées doivent alors ensuite faire
l'objet d'une analyse d'impacts, être agencées en
conséquence puis planifiées. On définit ainsi un
calendrier de déploiement avec des objectifs, des
échéances et des acteurs responsabilisés.
Enfin, cette phase d'élaboration collective d'un plan
d'actions doit aboutir à la validation par le comité de direction
groupe, et ce, afin de donner l'importance nécessaire à la
crédibilité de la démarche et montrer que les cadres
dirigeants du Groupe la soutiennent activement.
Une telle démarche doit évidemment être
ensuite pilotée afin de veiller au respect des objectifs, assurer le
suivi des actions à déployer et mesurer la pertinence de la
démarche dans le temps.
50 Agence européenne pour la
sécurité et la santé au travail, « Comprendre la
gestion de la sécurité et santé au travail, les risques
psychosociaux et la participation des salariés grâce à
ESENER », 2009
51 Dewandre Ariane, La participation des travailleurs
à la gestion, prolonger la réflexion, SAW-B, septembre 2009
52 A ce sujet, voir l'étude d'Eurofound, Social
dialogue and working conditions, 2011
53 Voir supra paragraphe 1.2.1
43 / 55
Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
3.1.4 Déployer et accompagner la transformation pour
favoriser le changement culturel
Se lancer dans la définition d'une nouvelle
stratégie sociale axée sur le développement du
bien-être au travail, c'est avant tout créer les conditions d'une
adhésion la plus large possible des parties prenantes au projet,
à son sens et aux enjeux indiqués supra.
Après l'impulsion donnée par les dirigeants du
Groupe, c'est tout l'encadrement supérieur qui doit être convaincu
de l'intérêt d'un tel changement de paradigme qui va irriguer
toutes les veines de l'entreprise.
Or, il est admis que la mise en oeuvre efficace du changement
est largement conditionnée par l'acceptation et la volonté de le
mener à bien par les membres de l'organisation (Cummings et Worley,
1997)54, en particulier des cadres supérieurs et dirigeants,
entendus comme le groupe intermédiaire entre le comité
exécutif et le management intermédiaire.
Leur acceptation d'un tel changement de paradigme est donc un
facteur déterminant (puis par la suite l'acceptation par l'encadrement
intermédiaire), d'autant qu'il risque de heurter une vision
managériale et organisationnelle très ancrée de longue
date. A tel point que ce changement d'approche, nous l'avons vu
précédemment, sera interrogé à l'aune des
enseignements académiques reçus55 et des
expériences vécues.
Tout l'enjeu pour les dirigeants du groupe Macif consistera
donc à veiller à concrétiser la nouvelle stratégie
sociale, par des « exemples qui illustrent les objectifs de changements
annoncés comme un élément réduisant la
résistance au changement des cadres supérieurs et dirigeants
». Cette démarche pourra se décliner au niveau
organisationnel, à travers l'alignement des systèmes RH de
promotion (pour permettra une cohérence avec les comportements
annoncés comme attendus), et au niveau managérial, via
l'alignement du comportement des dirigeants avec le discours
organisationnel.
3.1.5 Intégrer dans la politique managériale
des critères d'évaluation
Une illustration concrète de cette exemplarité
des cadres dirigeants consisterait à compléter les
critères d'attribution de leur rémunération variable: la
performance économique ne peut être le seul critère
d'attribution de la rémunération variable. La performance
sociale
54 Voir le « construit
d'exemplarité»: défini comme la mise en acte d'un discours
organisationnel, le construit d'exemplarité ne considère pas la
moralité des discours ou des actions mais traite de l'alignement entre
ce qui est annoncé au niveau organisationnel et ce qui est acté
par la suite.
in « Les cadres supérieurs et dirigeants face au
changement imposé : le rôle de l'exemplarité », Tessa
Melkonian - EM Lyon, « 16ème Conférence de l'AGRH
- Paris Dauphine - 15 et 16 septembre 2005
55 Voir paragraphe 2.2.4
44 / 55
Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
doit aussi être prise en compte, incluant notamment des
indicateurs de bien-être au travail, de santé, de
sécurité et de conditions de travail - par exemple le turn-over,
les accidents du travail, la satisfaction des salariés, la promotion
interne.
Les critères d'attribution de la
rémunération variable reposent à ce jour dans la grande
majorité des entreprises presque exclusivement sur des critères
de performance économique. Dans ces conditions, cadres dirigeants et
managers ne sont pas incités à investir suffisamment le champ
humain dès lors qu'il ne représente pas un enjeu particulier.
Positionner la fonction sociale au même niveau
stratégique que la fonction financière et économique, en
considérant les résultats dans le domaine du bien-être au
travail, constitue la première étape pour une réelle prise
de conscience par les organes dirigeants des entreprises.
Dans un second temps, et dans la mesure où la
performance sociale revisite notamment les modes de management et
d'organisation, il est proposé d'étendre les notions de
performance sociale dans la rémunération variable de l'ensemble
de la ligne managériale.
Enfin et dans le but d'impliquer l'ensemble des acteurs de
l'entreprise, ces critères seraient appliqués à tous les
salariés dans une optique de responsabilisation collective, par le biais
notamment des modalités de calcul de l'intéressement
collectif.
La démarche préconisée se
déroulerait de manière progressive en tenant compte des
progrès accomplis et des démarches engagées.
3.1.6 Mettre en place des indicateurs pertinents de mesure
et d'évaluation du bien-être au travail
De quels indicateurs parle-t-on ? Il s'agit de ceux permettant
de mesurer la performance sociale comme, par exemple, l'autonomie, les
relations du travail, le climat social, les rythmes de travail ou, encore, les
conditions de travail et l'exercice du travail (contenu, charge...).
Il serait opportun d'associer les partenaires sociaux à
la réflexion sur la construction des outils de mesure et d'analyse du
bien-être au travail -de type enquêtes de climat, diagnostics- afin
de « libérer la parole » de l'ensemble des acteurs de
l'entreprise.
Ces indicateurs pourraient par ailleurs être
intégrés au bilan social qui, dans sa forme actuelle, est
obsolète sur bien des aspects. De manière générale
le bilan social (qui date de 1977 !56) mériterait de faire
l'objet d'une refonte dans un souci de simplification, tout en
56 Le bilan social est défini par les articles
L. 2323-68 à L. 2323-77 et R. 2323-17 du Code du travail
français. Il a été créé parla loi 77-769 du
12 juillet 1977.
45 / 55
Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
intégrant ces nouvelles dimensions de bien-être
au travail et leur corrélation avec la performance économique de
l'entreprise.
Au niveau individuel et collectif, il s'agit de retenir des
indicateurs spécifiques et mesurables. Ils peuvent être directs
(en portant, par exemple, sur le ressenti du collaborateur quant à son
jugement sur le sens de son travail, etc.) ou indirects (exemple : la
satisfaction client, en présupposant que pour satisfaire le client, les
collaborateurs tendront à être souriants, affables... et
qu'indirectement cela contribuera à leur mieux être).
Ces indicateurs de mesure et d'évaluation du
bien-être au travail doivent être évolutifs afin de
s'assurer régulièrement de leur pertinence et de leur
adéquation par rapport au contexte de l'entreprise. Une revue
régulière permettra de les ajuster et de s'inscrire dans une
démarche d'amélioration continue. L'environnement évolue
en permanence, il faut donc maintenir le cap et toujours progresser. Une
démarche PDCA (Plan, Do, Check, Act)57 est ainsi vivement
recommandée pour développer le bien-être au travail de
manière soutenue et continue.
3.2 Des pistes pour développer le bien-être au
travail
3.2.1 Redonner du sens au projet de l'entreprise et
à la place des collaborateurs
En écho à l'une des dimensions du
bien-être que nous avons traitées
précédemment58, il nous semble intéressant de
se pencher sur l'importance pour chaque salarié du sens donné au
travail et plus largement au dessein de l'entreprise.
S'il est légitime pour des dirigeants de demander
à leurs équipes de s'engager au service de l'entreprise et de ses
objectifs de performance, force est de constater que l'engagement et la
coopération ne se décrètent pas. Les salariés ont
besoin de se sentir bien au travail : adhérer à la
stratégie, trouver du sens dans leur travail, avoir confiance dans les
leaders, de l'autonomie, de la reconnaissance... Cette demande de sens va
générer la confiance. Et la confiance va libérer
l'engagement et une mobilisation forte et durable59.
Outre la sensation de participer à une mission qui va
au-delà des tâches quotidiennes, le bien-être au travail
doit également reposer sur le sentiment d'appartenance à un
collectif. Dirigeants, cadres et autres salariés sont en effet
liés par un intérêt commun: que l'entreprise
57 Voir la roue de Deming (de l'anglais Deming wheel)
qui est une illustration de la méthode de gestion de la qualité
dite PDCA (Plan-Do-Check-Act), ou encore PDSA (Plan-Do-Study-Act). Son nom
vient du statisticien William Edwards Deming. Ce dernier n'a pas inventé
le principe du PDCA (la paternité en revient à Walter A.
Shewhart), mais il l'a popularisé dans les années 1950.
58 Voir la dimension « bien-être
existentiel », paragraphe 1.2.1
59 Etude sectorielle 2013 de l'Indice de
Bien-Être au travail (IBET(c)), groupe Apicil
46 / 55
Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
fonctionne le mieux possible et apporte les meilleures
réponses possibles aux attentes des sociétaires-clients, et,
à ce titre, font partie de la même communauté, même
si leurs intérêts particuliers divergent. Pour renforcer le
sentiment d'appartenance à cette communauté élargie, le
salarié doit avoir conscience de sa place dans l'entreprise, savoir
à quoi il sert dans le système et quelle est son utilité,
comprendre les relations entre les différents acteurs. Sinon, il se sent
un rouage anonyme et ne peut travailler que mécaniquement, sans
s'impliquer.
Le sentiment d'appartenance ne se décrète pas
davantage. Il est même de plus en plus difficile à maintenir, en
particulier chez les jeunes générations, dites
générations du zapping60. Il se construit notamment
par le dialogue et la communication directe entre tous les acteurs.
3.2.2 Repenser l'organisation du travail et la
communication interne
L'implication des salariés prend une dimension
essentielle au sein d'une mutuelle d'assurance; en effet un grand nombre
d'entre eux est en contact direct avec les sociétaires dans l'ensemble
de la chaîne de valeur de l'entreprise (de la vente du contrat au
règlement des sinistres).
Il apparaît dès lors essentiel que les
salariés soient porteurs de l'identité de l'entreprise, que leur
implication dans l'entreprise ne se résume pas au contrat de travail :
la réalisation de tâches en échange d'une
rémunération. Il est nécessaire que leur mission soit
porteuse de sens61.
Une enquête réalisée par le site de
recrutement Meteojob et le cabinet de conseil en RH Alixio avec « Les
Echos »62 est révélatrice des attentes de cette
partie prenante que sont les salariés en général. Ils
souhaitent avoir plus d'informations et des informations contextualisées
sur l'entreprise (62% des sondés estiment ne pas avoir assez
d'informations).
Creusant cette dernière piste, de récents
travaux de recherche63 ont démontré que la
communication en interne ainsi que l'organisation du travail ont un réel
rôle à jouer pour améliorer les conditions de travail et
replacer l'humain au coeur des préoccupations des entreprises. Ces
dernières années ont été marquées par un
essor fulgurant de la demande par les salariés d'une plus grande
efficacité de la communication interne au sein de l'entreprise.
L'importance qu'a pris cette communication est bien le signe que les
salariés souhaitent être
60 voir sur
http://www.generationy20.com/alors-ces-ydes-zappers#more-355
61 Thèse CNAM - ENASS d'Angélique Baux :
L'impact des différents modèles de gouvernance sur les
Sociétés d'Assurance Mutuelles, mars 2013.
62 Enquête réalisée entre les 14
et 21 mai 2012 auprès de 2065 personnes
63 Mémoire de recherche
présenté par Sophie DUBOIS, IEP Toulouse, 2012 : Le constat du
stress au travail et du mal-être des salariés en entreprise : les
méthodes de gestion de ce « nouveau mal du siècle ».
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Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
informés de l'activité de leur entreprise et
souhaitent également davantage de transparence sur les décisions
prises au sein de celle-ci.
Ces travaux soulignent ainsi que le manque de communication,
d'information ou la mauvaise gouvernance d'une entreprise favorisent le stress
au travail et le mal-être des employés.
Un des enseignements pointe d'ailleurs qu'on ne peut
améliorer la communication en interne sans repenser le management et
l'organisation du travail au sein de la structure. La communication interne
n'est donc qu'un outil du management, ce n'est pas la finalité. Toutes
ces questions de gestion ou d'organisation du travail renvoient à
s'interroger sur la gouvernance de l'entreprise. Avec la crise
économique, la montée du chômage et de l'incertitude, mais
aussi avec les scandales financiers, les salariés souhaitent revenir
à une gouvernance d'entreprise plus démocratique où ils
pourraient aussi avoir leur mot à dire dans l'organisation de
celle-ci.
Plus que l'organisation du travail, ce serait donc la
participation des salariés à l'entreprise qui favoriserait un
bien-être au sein de l'entreprise et favoriserait la diminution du stress
au travail. Bien qu'existants, les mécanismes de participation ne sont
pas assez développés, certains étant plus utilisés
que d'autres. La France doit aller plus loin dans l'insertion du salarié
au sein de l'entreprise, car de nombreuses études montrent que cela
accroît la performance économique et sociale de l'entreprise,
ainsi que l'implication, la motivation et le bien-être des
travailleurs.
Enfin, il est utile de préciser que ces mêmes
travaux et conclusions sont illustrés avec l'exemple de la
coopérative Chèque Déjeuner qui montre que si on augmente
la participation -entendue au sens large- des salariés au sein de
l'entreprise (consultation de l'information, participation aux
résultats, prise de décision), le bien-être en son sein
s'accroît, ainsi que la performance économique et les conditions
de travail s'améliorent.
Conscient qu'une organisation ou gestion du travail peut
convenir à une entreprise, mais ne pas correspondre à une autre,
nous invitons toutefois à poser la question dans le contexte de la
Macif, entreprise de l'économie sociale comme le groupe Chèque
Déjeuner.
3.2.3 Privilégier une meilleure prise en compte des
impacts humains dans la vie de l'entreprise
A une époque où le groupe Macif a lancé
de nombreux chantiers de transformation sur plusieurs années pour
assurer sa pérennité, l'accompagnement du changement constitue
une
48 / 55
Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
des clés de succès. Au-delà de
l'adhésion des salariés, de leur compréhension du sens
donné à des profondes transformations64, il convient
de souligner toute l'importance que revêt dans ce contexte la prise en
compte des impacts sociaux et humains.
Or, comme constate le rapport Lachmann de 201065,
« l'impact social et humain du changement est insuffisamment pris en
compte dans les projets de changement et de réorganisation ou de
restructuration, les impacts et la faisabilité humaine et sociale sont
insuffisamment pris en compte dans le processus de décision, et ne sont
traités au mieux que comme un accompagnement des individus directement
concernés ... ».
Pour une entreprise mutualiste comme la Macif qui n'a pas
d'actionnaires et donc pas de capital social, il nous semble intéressant
de systématiser avant toute démarche de changement majeur la
réalisation d'une étude d'impact humain, c'est-à-dire
d'une analyse des conséquences humaines du changement, y compris les
risques psychosociaux et les besoins de compétences, en associant les
partenaires sociaux et le management de proximité.
Cette démarche permettrait ainsi de s'appuyer davantage
sur les facteurs essentiels/motivationnels puis les facteurs
périphériques/d'hygiène66.
Outre les changements ou transformations structurants pour une
entreprise, une approche similaire doit pouvoir être suivie dans la vie
quotidienne des salariés, via une meilleure formation des managers
à la conduite du changement afin qu'ils prennent davantage en
considération les impacts humains de leurs décisions.
La traditionnelle méthode de conduite de projet devrait
par exemple pouvoir être enrichie d'un prisme lié à la
prise en compte de l'impact humain, au-delà de la focalisation sur le
respect de la qualité, des contraintes de budget et de délai.
La capacité des organisations et des personnes à
intégrer le changement constitue bien un levier incontournable pour
accompagner les modifications organisationnelles.
En écho à ce que nous avons indiqué
précédemment sur l'un des freins à une meilleure prise en
compte du bien-être au travail67, les établissement
universitaires, académiques et
64 Exemples contenus dans le Plan Moyen Terme de
l'entreprise sur 2013-2015 : unification des règles et processus
métiers en assurances dommages impactant les métiers back office
; méthodes commerciales de vente communes impactant tous les
salariés du réseau, etc
65 Bien-être et efficacité au travail -
10 propositions pour améliorer la santé psychologique au travail.
Rapport LACHMANN-LAROSE-PENICAUD, février 2010
66 Voir supra, paragraphe 1.2.1
67 Voir supra, paragraphe 2.2.4
49 / 55
Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
autres écoles de commerce et d'ingénieurs
devraient systématiquement intégrer l'analyse de ces aspects
liés à la gestion de l'humain68.
3.2.4 Revisiter l'écoute et le management de
proximité
Le développement des organisations matricielles ou,
encore, la perte des liens sociaux à travers l'utilisation des nouvelles
technologies constituent des facteurs qui influent sur le degré de
bien-être au travail69.
Il semble donc opportun d'installer au sein de l'entreprise
des collectifs de travail et des espaces permettant de créer ou
recréer du lien social (espace de discussions, réunions...) et la
mise en débat du travail, en donnant du sens au travail accompli. C'est
l'occasion de donner ou de redonner aux salariés la capacité de
s'exprimer sur leur travail; cela nécessite de mettre en place une
méthodologie afin que ces espaces de discussion soient
professionnalisant et centrés sur le travail : fréquence des
réunions, participants, animation, transversalité (lien avec la
hiérarchie), capitalisation de l'information...
Avec la présence croissante sur le marché du
travail de la génération dite Y, connectée, voire hyper
connectée, et pas vraiment adepte des outils traditionnels de management
(communication descendante, transmission hiérarchique des
décisions, sacralisation des procédures, culte du secret,
contrôles tatillons, menaces de sanction, etc), l'occasion est
donnée pour développer un management de l'intelligence,
c'est-à-dire des talents et des compétences.
Cette méthode de management demande une gestion plus
souple des relations, une plus grande écoute de chacun, un
système de communication ouvert. Il repose sur la confiance entre les
personnes. Dans ce management relationnel, qui laisse sa part à
l'affectif et l'émotionnel, le manager est plus un animateur qu'un
organisateur ou un donneur d'ordre. Il donne envie plutôt qu'il
n'oblige.
On a vu précédemment70 que
l'entreprise constitue un cadre qui impacte la santé des personnes et
doit donc prendre en compte la nécessité pour le moins de la
préserver, voire de la favoriser. Le manager de proximité
apparaît donc en première ligne.
En effet, au quotidien, le manager de proximité, qui
organise le collectif de travail et prend les décisions au plus
près des salariés, en est le premier garant. Il est aussi un
relais
68 Voir aussi le rapport d'étape Terra Nova :
Pour le progrès social et la compétitivité : agir sur la
qualité du travail, juillet 2013
69 in Bien-être et efficacité au
travail - 10 propositions pour améliorer la santé psychologique
au travail. Rapport LACHMANN-LAROSE-PENICAUD, février 2010
70 Voir supra paragraphe 1.2.1 sur le bien-être
vital ou être en bonne santé physique et mentale/psychologique
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Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
essentiel avec la hiérarchie de l'entreprise : c'est
lui qui fait remonter les difficultés rencontrées par les
salariés et qui informe ces derniers sur les orientations et projets de
l'entreprise. Son rôle d'écoute est fondamental : il est
intéressant de noter que 64% des salariés souhaiteraient, pour
mieux être entendus, développer les occasions d'échange
informel avec leur supérieur hiérarchique
immédiat71.
3.2.5 Améliorer l'autonomie, favoriser
l'innovation
Dans la société de la connaissance et du savoir
où nous sommes72, on aura de plus en plus tendance à
faire de sa vie un apprentissage permanent.
Ainsi, le salaire n'est déjà plus le seul
facteur de motivation, même s'il reste important. L'entreprise est aussi
un lieu d'apprentissage et les salariés, en particulier les nouvelles
générations, souhaitent améliorer leurs compétences
pour progresser et se sentir plus à l'aise dans leur travail. Se sentir
« à la hauteur » en ayant acquis les bonnes compétences
est créateur de bien-être.
Il nous semble aisé de reconnaître que le
développement des compétences et des potentiels est aussi un
moyen d'accéder à plus d'autonomie et de responsabilité,
de s'adapter à l'évolution de son métier, d'être
plus créatif et d'innover et finalement d'affirmer sa
personnalité.
Les salariés français aspireraient à plus
d'autonomie en ce qui concerne l'organisation de leur travail73.
Pour autant, afin de créer les conditions d'accès et
d'encadrement de cette autonomie, il nous semble que celle-ci doit
répondre à plusieurs critères:
- être adaptée à la personne et à
la situation: rendre un individu autonome nécessite une clarification
des responsabilités, de la capacité à atteindre les
objectifs et d'un accompagnement plus ou moins important (lors d'une prise de
fonction par exemple);
- être réelle: l'autonomie est très
présente dans les discours managériaux, mais du discours à
la réalité, il y a souvent une marge;
71 TNS Sofres, Salariés et sortie de crise,
étude réalisée pour Altedia, 2009.
72 En quelques décennies, le
développement et la diffusion des technologies de l'information et
l'essor d'Internet ont modifié en profondeur nos habitudes de vie et de
travail. Les notions de « société de l'information »
(société caractérisée par l'usage
généralisé des technologies de l'information et de la
communication) et de « société de la connaissance ou du
savoir» (notion à vision plus humaine, qui met l'accent sur la
créativité, l'innovation, la production de sens et de
connaissances) ont émergé. Voir le site
http://www.observatoire-culture.net,
2009
73 Résultats du sondage "Les Français et
le goût du travail" réalisé fin 2010 par TNS Sofres /
Logica pour Pèlerin
Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
- être bien gérée : l'autonomie ne doit
pas être l'occasion d'effacer la frontière entre le temps
professionnel et le temps privé. Les TIC (Techniques d'Information et de
Communication) peuvent à cet égard avoir un effet pervers. Car,
si individuellement mail et téléphone portable produisent
certains avantages, ils sont collectivement des outils difficiles à
gérer. Une discipline doit entourer leur usage par l'entreprise : pas
d'appels ou de mails le week-end ou en vacances, par exemple.
Par ailleurs en matière d'innovation, on
relèvera que la Commission européenne a lancé en 2013 un
réseau apprenant (EUWIN)74 à l'échelle du
continent destiné à promouvoir l'innovation en milieu de travail.
Impulsé en France par l'Anact75, le dispositif est ouvert aux
praticiens d'entreprises.
L'innovation au travail doit permettre d'améliorer la
performance et le bien-être au travail par la mise en place d'un
changement organisationnel positif, basé sur le dialogue et la
créativité des employés. Elle représente une
opportunité de fusionner les connaissances stratégiques de la
direction avec la connaissance opérationnelle « métier
» des salariés, souvent méconnue. Elle doit ainsi
intégrer toutes les parties prenantes dans le processus de changement,
conduisant à un résultat positif tant pour les salariés
que pour l'entreprise76.
Développer ces pistes et cette approche dans les
entreprises et en particulier au sein du groupe Macif, c'est mettre fin
à l'idée reçue encore trop présente que la pression
est la meilleure façon d'obtenir le maximum des individus. Ce
système coûte davantage et rapporte beaucoup moins qu'un
modèle d'entreprise investissant dans le capital humain et
l'intelligence collective mis au service d'un objectif commun.
51 / 55
74
http://ec.europa.eu/enterprise/policies/innovation/policy/workplace-innovation/activities/index_en.htm
75 Voir sur http://www.anact.fr/
76 Voir sur le site
http://www.anact.fr
Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
CONCLUSION
52 / 55
53 / 55
Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
Conclusion
L'objectif du présent mémoire est de contribuer
à une meilleure prise de conscience que les organisations existantes,
certes qui rassurent, ont vécu. Un nouveau modèle d'organisation
et de gestion du travail doit rapidement être appréhendé
dans les entreprises, et plus largement au sein de toutes structures employant
du personnel.
Comme nous avons pu le voir, le travail tout en occupant une
place primordiale dans la vie des individus, doit aujourd'hui retrouver une
autre dimension que celle qui a conduit aux problèmes de santé,
de sécurité physique et psychologique, etc, des
salariés.
L'entreprise a bien une responsabilité en la
matière qu'elle doit assumer afin d'accompagner au mieux le contexte
changeant des dernières décennies, inhérent notamment
à l'impératif de développement accentué par la
crise, aux mutations technologiques liées à l'avènement
des nouvelles technologies de la communication et de l'information, à
l'intensification de la concurrence, etc.
Comme le souligne Yann Le Galès77, «
depuis le siècle dernier, l'entreprise a changé et elle
évoluera encore, autant dans les pratiques de ressources humaines, les
modes d'organisation du travail, les styles de management que dans les
relations des salariés à l'entreprise. Il semble émerger
aujourd'hui un mode relationnel que l'on peut qualifier de «
transactionnel », un souhait de « pied d'égalité»
des salariés renégociable, instable, difficile à
comprendre et à prédire. Le défi, déjà
appréhendé par la gestion prévisionnelle des emplois et
des compétences (GPEC) ou la responsabilité sociale des
entreprises (RSE) est de mener la gestion des hommes non plus de façon
« globale » mais négociée, avec des
individualités dont les attentes sont forcément complexes et
difficiles à mesurer. La qualité de vie au travail, le «
bien-être » en entreprise fait partie intégrante de ce
défi.»
Pour le groupe Macif, qui affirme à travers ses textes
fondamentaux qu'il place l'homme au coeur de ses préoccupations,
l'opportunité de se saisir du bien-être comme vecteur de
transformation économique positive de l'entreprise
matérialiserait une véritable valeur ajoutée au service de
l'entreprise, de son organisation, de ses collaborateurs, de sa performance
globale et, partant, de sa réputation en tant qu'acteur
économique citoyen mais surtout en tant qu'employeur.
77 Investir dans le bien-être au travail
favorise la réussite de l'entreprise. Par Yann Le Galès le 5
avril 2011 Blog Le Figaro
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Le bien être des salariés comme levier de
performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
Le bien-être au travail n'est pas à opposer
à la réussite d'une entreprise, il en constitue au contraire une
des sources. Il fait justice à la fois aux hommes et aux femmes qui
composent les organisations et aux impératifs financiers de notre
système économique actuel.
Bon nombre de références dans ces travaux
permettent de comprendre que l'approche du bien-être au travail comme
vecteur de performance de l'entreprise, économique et sociale,
émerge progressivement tant au niveau des institutions nationales,
européennes, que des organisations. Nous l'avons vu, la voie
empruntée par quelques entreprises pionnières (Atos,
Française des Jeux, Canon France pour ne citer qu'elles, Maif à
suivre eu égard à la signature en janvier 2014 d'un accord
portant sur la qualité des conditions de vie au travail et la
prévention des risques psychosociaux) en la matière semble tenir
pour l'instant ses promesses.
Le plus dur étant le changement de mentalité et
de vision de l'entreprise par les dirigeants en premier lieu, le changement
donc qui reste le plus difficile à mettre en place.
Le bien-être ne se décrète pas, il se choisit
puis s'organise.
Le groupe Macif, avec son ADN et son souci
régulièrement exprimé de mettre l'humain au coeur de ses
préoccupations, a vraisemblablement tout un champ à investiguer
en faisant du bien-être au travail un pilier de son organisation et de sa
gestion.
Cette démarche pose naturellement la question de
l'évolution du métier au sens large des ressources humaines, qui
a certainement un questionnement préalable à se poser et qui
devrait accompagner le développement du bien-être au travail. Il
nous semble que ce ne soit d'ailleurs qu'une question de temps si l'entreprise
ne choisit pas d'elle-même d'intégrer au plus vite ce nouveau
paradigme. En effet, l'intégration croissante sur le marché du
travail et dans les entreprises de collaborateurs issus de la «
génération Y » constitue une opportunité, à
double titre nous semble-t-il, pour ne plus attendre et impulser rapidement une
démarche de bien-être au travail.
« Réfléchir sur la manière d'inclure
cette génération Y dans l'entreprise est une manière aussi
de réfléchir sur les désirs de ses clients ou de ses
futurs clients, c'est avant tout une démarche salutaire pour les
entreprises ! »78.
Dit autrement, il y aurait là à la fois une
double opportunité, pour faire évoluer l'organisation et la
gestion des ressources humaines, et plus encore une manière d'aborder
des comportements profondément différents en termes de cibles de
clientèle.
78 Citation de Julien Pouget dans :
Génération Y... Les empêcheurs de travailler en rond, M le
magazine du Monde, 11 avril 2013
Le bien être des salariés comme levier
de performance dans une entreprise mutualiste (Macif)
Il s'agirait au niveau du métier RH de davantage
prendre en compte la gestion de l'humain et des émotions comme
clé de compréhension et de transformation.
Le groupe Macif, assureur de biens et de la personne, a peut
être ici une occasion d'adapter son offre de services en matière
de protection sociale, auprès des entreprises par exemple. Ce n'est
vraisemblablement pas pour rien si les groupes Apicil79 et
Malakoff-Médéric80, on l'a vu
précédemment, ont depuis quelques années
décidé de se lancer en déployant des études et des
outils axés sur la préservation du capital humain, en mettant en
avant l'intérêt économique pour les entreprises.
Pour le groupe Macif, ce serait là un
élément structurant permettant d'aligner une gestion humaine et
une approche différenciante de marché, en phase avec son
éthique, son ADN mais aussi les attentes des (futurs) sociétaires
comme des salariés.
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79 Le groupe APICIL anime depuis plusieurs
années des cercles de réflexion, avec des chefs d'entreprises et
directeurs de ressources humaines, sur le sujet. Les résultats de ces
réflexions sont réunis dans un livre blanc, « LA
SANTÉ AU TRAVAIL, APPROCHE ÉCONOMIQUE DU BIEN-ÊTRE (ROI ET
RSE) »
80 Le groupe publie annuellement un «
Baromètre Santé et Bien-être en entreprise» : cette
étude vise à mieux comprendre les facteurs de santé et de
bien être en entreprise et leurs impacts sur la performance
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