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le décor comme instrument de dialogue entre la
scène et le hors-scène
Mémoire de recherche - création
Alix Mercier ENSATT 2017-2018 79e promotion Phia
Ménard Formation continue SCENOGRAPHIE
Coordinateur : Claire Lescuyer Tuteur : Denis Fruchaud
Responsable de filière : Denis Fruchaud, Alexandre de
Dardel
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Sommaire
Introduction 4
Partie 1 : Les contours du hors-scène
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I) Des origines du théâtre : de
l'amphithéâtre grec à la boîte noire 7
Opsis et théatron : voir 7
Opsis et théatron : avoir des visions.
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La disparition de la skènè 10
La boîte dans la boîte : vers le
théâtre illusionniste 11
De la skènè à la scène : le
renversement 13
Exemple filé numéro 1 : Phèdre
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II) Tentative de définition 16
Un choix par défaut ? 16
Un choix d'auteur ? 16
L'accès à une « autre scène » ?
19
Un espace plus grand que le réel ? 20
Un lieu plus réel que le plateau ? 22
L' « envers nécessaire de la scène » ?
23
Exemple filé numéro 2 : Ariane et Barbe-Bleue
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Partie 2 : Le décor et de ses
capacités à produire des images dans l'esprit du spectateur 27
I) Cacher tout ou partie de l'espace scénique 28
La limite. Le mur 28
L'ouverture, la découverte, la faille. 32
II) Montrer autre chose 38
Dénoncer le théâtre, sortir du
réalisme 40
Jeux d'échelle. 41
La plasticité de la matière 42
Le déplacement. 43
Faire confiance à l'objet. 44
Épurer 48
Conclusion 50
Annexe : Proposition de dialogue scène/hors-scène
dans une scénographie fictive 53
Bibliographie 58
Remerciements 60
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Introduction
Je suis comédienne. C'est par là que j'ai
découvert le théâtre. Par la scène. Avec trois fois
rien parfois. Les comédiens pensent souvent qu'au fond, le
théâtre n'a besoin de presque rien. Peter Brook les conforte dans
leur sentiment. « Je peux prendre n'importe quel espace vide, estime-t-il,
et l'appeler une scène. Quelqu'un traverse cet espace vide pendant que
quelqu'un d'autre l'observe, et c'est suffisant pour que l'acte
théâtral soit amorcé. »1 Et la magie de cet
acte théâtral dans son plus simple appareil, j'en ai fait plus
d'une fois l'expérience au plateau.
Alors que je fais quelques pas hors de la scène pour
coiffer la casquette de scénographe, ce souvenir reste vivant. Si un
acteur tout seul face à un spectateur tout bête suffisent à
remplir un théâtre tout nu, comment intervenir sans risquer de
rompre l'enchantement ? Car l'acteur peut tout dire et le spectateur tout
imaginer. Il faudra veiller à ne pas trop en faire, à construire
ensemble la scène, à ne pas répondre là où
il faudrait questionner et résister à la tentation de montrer ce
que le public voit déjà.
Il est un espace privilégié où
l'imagination est au pouvoir : Le royaume du spectateur, régi par ses
fantasmes et désirs et dont aucun scénographe ne pourra jamais
faire la maquette car il se trouve en dehors de la scène. Il n'existe
pas mais il est visible pour chacun de façon singulière et
s'active dans l'imaginaire, comme par enchantement, lorsque « quelqu'un
traverse [un] espace vide pendant que quelqu'un le regarde ». C'est le
hors-scène.
Dans ce mémoire, je vais tenter de connaître un
peu mieux ce lieu. De chercher d'où il vient, d'en cerner les contours.
Je vais également essayer de comprendre comment établir un
dialogue depuis la scène que je dois définir en tant que
scénographe, avec ce lieu qui ne lui appartient pas. A travers
différents espaces scéniques dessinés par d'autres
scénographes, je chercherai à analyser les relations
scène/hors-scène, pour voir comment et en quoi un parti pris
scénographique peut influer sur ces deux lieux.
Dans une première partie, il s'agira de définir
ce concept de hors-scène, en commençant par un retour aux
origines du théâtre et en revenant brièvement sur
l'évolution de son architecture, afin de comprendre comment nous sommes
passés des amphithéâtres grecs aux théâtres
1 Extrait d'une conférence de Peter Brook donnée en
Angleterre en 1965. « L'espace vide » sera le titre de son premier
livre, The Empty Space, paru en Grande-Bretagne en 1968 (L'Espace
vide. Ecrits sur le théatre, Paris, Seuil, 1977).
modernes et quelles conséquences ces changements ont pu
avoir sur la place du hors-scène. Puis il sera question de sa
définition plus strictement théorique, par une réflexion
sur les termes qui le composent d'abord, par les idées reçues qui
peuvent y être rattachées ensuite et enfin par la confrontation de
points de vue d'universitaires et de dramaturges. Tout au long de cette partie
et pour éclairer les propos théoriques, Phèdre de
Racine servira d'exemple filé.
La deuxième partie sera concentrée plus
spécifiquement sur la question scénographique et le rapport
ambigu que le hors-scène semble entretenir avec le décor et/ou
l'objet posé sur scène. Ce concept de hors-scène balayant
la quasi totalité du champ théâtral, l'opéra
Ariane et Barbe-Bleue de Maeterlinck - oeuvre dans laquelle il tient
un rôle notable - servira de point d'appui pour la suite de l'analyse.
Les récents et multiples travaux de mise en espace de cet opéra
constitueront une base d'exemples et de réflexions afin de rechercher
les différents moyens à la disposition du scénographe pour
traiter le hors-scène. Pour conclure cette partie, deux listes
non-exhaustives de ces moyens seront proposées : une première
mettant en avant un traitement plutôt réaliste de la question - et
proche des indications d'espace proposées par Maeterlinck dans son
livret - une seconde s'aventurera sur des voies plus abstraites -
peut-être plus proches des préoccupations du courant symboliste
dont Maeterlinck a été une figure majeure.
Enfin, une partie plus pratique - et personnelle - du travail
sera consacrée à des propositions scénographiques en
dessins, qui prolongeront les réflexions théoriques
exposées dans ce mémoire. Ces dessins seront
présentés au moment de la soutenance orale qui doit conclure ce
travail de recherche.2
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2 Voir Annexe Proposition de dialogue
scène/hors-scène dans une scénographie fictive.
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