La plupart des textes législatifs, programmes et plans
d'actions, ainsi que les organisations et manifestations de tous genres ne
tiennent pas en compte les personnes en situation de handicap et leurs besoins.
Elles sont désavantagées et ne peuvent pas jouir comme tous de
leur plein droit à la participation sociale ni de leur droit
d'accès à l'information. Le principe d'égalité des
chances prôné par les déclarations internationales
relatives aux droits humains (déclaration universelle des droits de
l'homme, Convention relative aux droits de personnes en situation de handicap,
Convention Internationale des droits de l'Enfant, ...) sont bafoués.
Prenons pour exemple l'exercice du droit de vote : le plaidoyer des
organisations de personnes handicapées a consisté tout au long de
l'année 2013 à sensibiliser les décideurs sur les
difficultés vécues par les personnes en situation de handicap en
termes d'accès à l'information (période de propagande) et
en termes d'accès au vote à proprement dit. Cet exemple qui
touche à l'un des droits fondamentaux de tout citoyen mérite de
fait une attention particulière. L'étude de base a fait ressortir
trois causes majeures et non exhaustives à ces exclusions :
· Un criant manque de moyens aussi bien techniques que
financiers
· Une non-priorisation de la prise en compte des besoins
des personnes en situation de handicap pouvant être due à
l'absence de volonté, de compréhension et d'acceptation, à
la méconnaissance, voire la négligence des décideurs et
personnes en situation d'autorité
· Une conception restrictive du handicap :
considéré comme un problème individuel (niant ainsi le
rôle de la communauté, de la société), le handicap
est communément vu sous l'angle strictement médical (faisant
ainsi abstraction des facteurs environnementaux et sociétaux).
Garant du respect de l'égalité des droits des
citoyens et de l'équité, l'État malagasy s'est
engagé à agir en faveur des personnes en situation de handicap
à travers les textes législatifs tels que :
La loi 97-044 du 2 février 1998 sur les droits des
personnes handicapées suivie du décret 2001162 et de six
arrêtés d'application en 2004 sur les droits sociaux, à
l'éducation, à la formation professionnelle, à la
santé, à l'emploi et sur la carte d'invalidité. Des
mesures spécifiques pour les PSH comme stipulées dans la
législation du travail ou encore dans le code de procédure
pénale. Celle-ci est en parallèle avec la loi française
n° 2005-102 du 11 février 2005, ayant donné lieu à
une définition reprise à l'article L. 114 du code de l'action
sociale et des familles
L'enjeu de fond réside actuellement dans la non
application de ces textes, qui, sous réserve de l'allocation de
ressources suffisantes, comportent une excellente base pour faire avancer
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drastiquement la réalisation des droits des personnes
en situation de handicap Madagascar mais aussi valable sur le cas de la
France.
II.3. La Loi n°2005-102 pour l'égalité
des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des
personnes handicapées, Cas de la France
La loi du 11 février 2005 définit pour la
première fois en France le terme d'handicap : « Constitue un
handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d'activité
ou restriction de participation à la vie en société subie
dans son environnement par une personne en raison d'une altération
substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions
physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap
ou d'un trouble de santé invalidant ». Par ailleurs, cette loi
complète et/ou renforce certaines dispositions des lois
précédentes. Elle crée notamment une Maison
Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) dans chaque
département sous la direction du Conseil Général. Celle-ci
a pour rôle d'accueillir, d'informer, d'accompagner et de conseiller les
personnes handicapées ainsi que leur famille, mais elle a aussi pour
mission de sensibiliser tous les citoyens au handicap. Chaque MDPH met en place
une Commission des Droits et de l'Autonomie des Personnes Handicapées
(CDAPH) qui remplace les Commission Technique d'Orientation et de Reclassement
Professionnel (COTOREP). Les CDAPH sont composées de
représentants du Conseil Général, des
établissements publics de l'État, des organismes de protection
sociale, des organisations syndicales, des associations de parents
d'élèves mais aussi de représentants des personnes en
situation de handicap et du conseil départemental consultatif des
personnes handicapées. Leu rôle est de prendre des
décisions quant à l'orientation des personnes handicapées
mais aussi quant aux aides et prestations qui leur sont proposées.
La loi instaure également un droit à
compensation des conséquences du handicap, qui permet de couvrir les
aides nécessaires aux personnes handicapées : « La personne
handicapée a droit à la compensation des conséquences de
son handicap quels que soient l'origine et la nature de sa déficience,
son âge ou son mode de vie. Cette compensation consiste à
répondre à ses besoins, qu'il s'agisse de l'accueil de la petite
enfance, de la scolarité, de l'enseignement, de l'éducation, de
l'insertion professionnelle, des aménagements du domicile... ». Ce
droit constitue l'un des fondements de cette loi. Elle instaure aussi deux
compléments de l'Allocation Adulte Handicapé (AAH) : le
complément de ressources et la majoration pour la vie autonome. De plus,
elle rend l'AAH cumulable avec une rémunération de travail.
Par ailleurs, la loi impose une sanction plus
sévère pour les entreprises ne respectant pas l'OETH.
Effectivement, le montant de la contribution à l'AGEFIPH est
augmenté. Cette loi renforce ainsi l'obligation d'emploi et le principe
de non-discrimination des personnes handicapées. De plus, pour la
fonction publique, la loi crée le Fonds pour l'Insertion des Personnes
Handicapés (FIPH) qui a une mission semblable à l'Association de
Gestion du Fonds pour l'Insertion des Personnes Handicapées (AGEFIPH).
Les établissements publics sont désormais soumis aux mêmes
obligations que les autres établissements et ils sont ainsi
exposés à la même sanction en cas de non-respect de
l'Obligation d'Emploi des Travailleurs Handicapés (OETH), ce qui
n'était pas le cas avec la loi du 10 juillet 1987.
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En effet, cette loi met les points sur le « i » sur
l'accessibilité des bâtiments et transports publics aux personnes
handicapées. Ce qui notamment a développé
considérablement le réseau Elle donne notamment des délais
précis de mise en accessibilité des transports et rend
obligatoire la formation à l'accessibilité des personnes
handicapées pour tous les professionnels du bâtiment La
chaîne du déplacement, qui comprend le cadre bâti, la
voirie, les aménagements des espaces publics, les systèmes de
transport et leur intermodalité, est organisée pour permettre son
accessibilité dans sa totalité aux personnes handicapées
ou à mobilité réduite. Ils sont organisés et
financés par l'autorité organisatrice de transport normalement
compétente dans un délai de trois ans. Le cadre bâti
désigne l'ensemble des constructions. Le coût du transport de
substitution pour les usagers handicapés ne doit pas dépasser le
coût du transport public existant » ; « La formation à
l'accessibilité du cadre bâti aux personnes handicapées est
obligatoire dans la formation initiale des architectes et des professionnels du
cadre bâti ».
Bref, la loi du 11 février 2005 a renforcé
et/ou complété de nombreuses dispositions des lois
précédentes à savoir celle de 1975, concernant
l'accessibilité comme nous venons de le voir mais aussi concernant les
ressources et l'obligation d'emploi. Elle reste l'une des lois les plus
importantes en matière des droits des personnes
handicapées.20
Mais alors comment font les personnes en situation de handicap
pour faire face à tout ça ? II.4. La résilience n'est-il
pas un processus inné à l'homme et la société ?
Le concept de résilience nait au Etat unis.
Vulgarisé par Emmy Werner qui est une psychologue américaine qui
l'a proposé comme métaphore d'un étonnement. En effet,
elle constaté que les enfants hawaïens qu'elle a suivis qui
n'auraient pas dû s'en sortir dans la logique des choses. En effet, 700
enfants risquaient de développer des troubles de comportement à
l'âge adulte mais ce sont retrouvés avec 10% de ces enfants qui
ont appris à lire et à écrire sans école, avais
pris un métier, avait fonder une famille21. Et quand Emmy
Werner discutait avec ces gens et lui faisaient des tests et des entretiens
semi structurés, Elle était stupéfaite de voir qu'ils
n'étaient pas si mal développés que ça et que
logiquement ils devaient être tous fracassé. C'est à partir
de là que le mot de la résilience qui était utilisé
dans la mécanique et la physique est dorénavant appliqué
à la science humaine et sociale. Bien que le concept de la
résilience ait été déjà étudié
auparavant par d'autre scientifique comme Boris Cyrulnik ou Michael Writer.
Alors si on veut donner une définition à la
résilience, nous pouvons le traduire simplement par le fait de reprendre
un développement après une agonie psychique. Face à des
événements traumatiques ou des contextes traumatogènes,
lorsqu'une personne arrive à réguler la menace de
désorganisation psychique et trouve l'énergie de se construire
malgré les blessures, on considère qu'il y a mis en place d'un
processus résiliant. La littérature scientifique utilise ce
concept non seulement pour décrire des fonctionnements individuels, mais
également pour qualifier celui des groupes familiaux ou sociaux. Ainsi
parle-t-on de résilience en faisant
20 Anaïs Renaud. L'insertion des personnes
handicapées en milieu « ordinaire » de travail. Gestion et
management. 2014.
21 B CYRULNIK, M ELKAÏM. « Entre
résilience et résonance ». A l'écoute des
émotions. FABERT, Paris 2010
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référence aux ressources
développées par une personne, par un groupe ou par une
communauté pour tolérer et dépasser les effets
délétères ou pathogènes des traumatismes et vivre
avec l'adversité, en gardant une qualité de vie avec le moins de
dommages possible22. Selon Boris Cyrulnik « Quand on a
été traumatisé, on a été mort ».
En effet, dans une culture résignée ou fataliste, car nous
avons toujours tendance à dire que dès qu'il y a un traumatisme
grave on se dit que c'est fini et qu'il n'y a plus de solution. Si on reste
dans cette position et que nous traitions les personnes traumatisées
qu'ils sont déjà foutus donc ils le seront à coup
sûr. Et on entend souvent les mots « C'est la vie » « On
ne peut rien y faire ». C'est un fatalisme qui sert d'échappatoire
pour les personnes mais aussi une attitude facile et facilement
appréhendable.
Le passé est déjà écrit dans le
marbre, dit-on parfois. Mais nous nous souvenons d'un dicton « Dans notre
vie, 20% sont les choses qui nous arrivent et 80% sont les choses dont comment
nous avons réagi par rapport à ce qui nous arrive ».
On sera confronté un jour ou l'autre dans sa vie
à un traumatisme grave qui ira bouleverser sa vie. Ça peut
être une perte d'un être cher, une maladie, une guerre, un viol.
Cette personne va traverser des moments difficiles. Ce qui est remarqué
c'est que chacun de ces personnes réagies différemment. Une
partie développera des capacités à rebondir, d'autres
sombreront dans la dépression ou même le suicide. Alors comment
ça se fait qu'il y en a d'autres qui s'en sorte et d'autres pas.
Dans la vie nous avons une tendance à effacer et
ignorer ces traumatismes qui nous ont fait du mal. Dans la théorie de la
résilience la négation des évènements ne permet pas
à la personne de faire face à la réalité. Il
faudrait plutôt rebondir, oui mais comment ? Etre résilient ce
n'est pas s'adapter à la situation mais en ressortir encore plus fort.
C'est aussi et surtout apprendre de cette expérience et capitaliser sur
tous ces apprentissages et en devenir une personne encore plus forte
qu'avant.
Cette capacité à rebondir n'est pas
héréditaire, il n'existe pas aussi de gène de la
résilience. C'est quelque chose qui se construit au fur et à
mesure qu'on avance dans la vie. Néanmoins, il existe d'autres facteurs
qui peuvent influencer le fait qu'une personne soit plus ou moins
résiliant. Là encore nous dirons que la résilience est un
processus dynamique et qui s'étale sur le temps et dans le
l'espace-temps. D'après Bruno Humbeck23, le processus de la
résilience se décompose par :
D'abord, l'identification d'un trauma, qui est une phase
importante dans le processus. Elle différencie et met la nuance entre le
trauma et le traumatisme. Si le premier était le corps de la
déchirure ou de la fracture ou son état. Le deuxième est
la façon dont la personne perçoit le trauma. C'est aussi la
représentation qu'elle a et qu'elle renvoi sur son état aux
autres. C'est pour cela que le handicap peut être vécu comme un
trauma pour la personne qui le porte mais qui peut être vécue
comme un traumatisme pour son entourage. Par ailleurs, le traumatisme est un
évènement imprévisible mais intense en même temps.
Celui-ci crée un ressenti et sentiment d'impuissance et de
vulnérabilité. L'équilibre au sein de la famille risque
d'être ébranlé.
22 M ANAUT, « La relation de soin dans le
cadre de la résilience », Informations sociales 2009/6 (n°
156), p. 7078
23 HUMBECK Bruno. Fonction des contes pour enfants et
résilience. Enfance majuscule, 2003, 72-73, p. 10-13.
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La deuxième étape du processus est la mise en
place de stratégies de résistance. Elle se caractérise par
une adaptation et réadaptation de son environnement à la nouvelle
situation.
Il y aussi après la capitalisation du potentiel
restant. Cette étape est celle de l'inventaire du potentiel que dispose
la personne après le traumatisme. C'est une phase clé car c'est
en ce moment-là que la personne valorise ce qu'il « a » et
développe une stratégie de reconstruction de soi pour s'adapter
aux nouvelles situations.
La dernière étape était l'attitude
positive et la mentalité tournée vers un lendemain meilleur. Le
mot « protention »24 est souvent employé.
Merleau-Ponty disait à ce sujet « grâce au double horizon
de rétention et de protension, mon présent peut cesser
d'être un présent de fait bientôt entraîné et
détruit par l'écoulement de la durée et devenir un point
fixe et identifiable dans un temps objectif »25 C'est une
volonté de continuer d'évoluer et de donner le meilleur en soi
pour avancer et d'être heureux.
En tenant compte des paragraphes ci-dessus, la
résilience ne se fait pas automatiquement. Donc, y a-t-il des conditions
à ce qu'on arrive à le développer ? Nous allons aborder le
mécanisme de la résilience