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Le statut et les droits de la femme dans la pensée de John Stuart Mill

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par Camille Lepoutre
Université Paris 2 Pantheon Assas - Master 2 Recherche Philosophie du droit et droit politique 2017
  

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Titre premier : Une égalité naturelle

Le principe fondateur de la démonstration de Mill dans De l'assujettissement est l'égalité naturelle entre les hommes et les femmes. Pour en apporter la preuve, il s'attelle d'une part à renverser l'opinion soutenant la thèse de l'inégalité naturelle entre les hommes et les femmes (Chapitre 1) et d'autre part à signifier l'impossibilité de connaître la « nature » de la femme (Chapitre 2).

Chapitre 1 : Le renversement de l'opinion adverse

Il s'agit ici de la partie négative de l'argumentation de Mill. Elle consiste à démontrer, non l'égalité naturelle, mais le caractère risible voire absurde de l'opinion inverse. Ainsi, il dénonce dès les premières pages de son ouvrage le fait que la croyance majoritaire en l'infériorité de la femme repose non sur la raison mais sur des sentiments et des intérêts (Section 1). Il vient de surcroît affirmer le caractère absurde des éléments prétendument scientifiques et rationnels invoqués à l'appui de cette opinion (Section 2).

Section 1 : Une opinion basée sur le sentiment et l'intérêt

John Stuart Mill annonce dans les premières pages de l'oeuvre cet état de fait : l'opinion « quasi universelle »9 selon laquelle les femmes seraient inférieures aux hommes « repose exclusivement sur des sentiments »10 et non sur des arguments rationnels. Nous serions tentés de considérer, de façon anachronique, que ce seul énoncé est déjà un moyen efficace de décrédibiliser cette croyance ; Mill affirme l'effet inverse dans la suite de son raisonnement. Selon lui, l'enracinement profond, dans les sentiments, de cette opinion explique la difficulté d'établir une discussion, un débat autour de son bien-fondé. Ainsi, Mill n'est nullement étonné que cette croyance en l'infériorité de la femme soit à la fois « moins attaqué[e] et moins ébranlé[e] »11.

Moins attaquée car défendre une idée contraire à l'opinion majoritaire suppose, selon Mill, de se plier à l'observation de certaines règles. Il en sera demandé davantage à cet adversaire qui

9 Stuart Mill (J.), op.cit. p.28

10 Ibid

11 Ibid

13

vient contredire une croyance profondément ancrée dans le « sentiment populaire »12 et s'appuyant sur un « usage universel »13. Ces éléments confèrent aux défenseurs de l'infériorité de la femme « une présomption en sa faveur qu'aucun raisonnement ne saurait faire disparaître, sauf chez des intelligences supérieures »14. Les individus tentés de débattre de cette croyance peuvent donc être découragés par la délicatesse de la tâche.

Moins ébranlée car, comme cela apparaît dans la précédente citation, quand bien même cette cause serait contestée, la plus grande partie de ses défenseurs ne serait pas convaincue par un exposé probant. Comme le souligne Mill, ils sont persuadés du fait que la véracité de leur opinion réside dans un « fondement profond, à l'épreuve de tout argument »15.

Basée sur des sentiments, cette opinion est également liée à des intérêts non-négligeables pour « tout le sexe masculin »16. Mill qualifie ainsi le pouvoir des hommes sur les femmes de despotisme et explique sa grande stabilité par le nombre d'individus y trouvant intérêt de diverses façons. Ces intérêts seraient avant tout d'ordre pratique puisque l'affirmation de la supériorité des hommes transfert un pouvoir considérable à tout homme « qui est ou qui sera un jour chef de famille »17. La supériorité légale des hommes leur confère, selon Mill, un pouvoir et un privilège. C'est en cela précisément que résiderait la stabilité de ce « système »

Dès lors, il serait chimérique d'espérer que ces « despotes » renoncent d'eux-mêmes à leur privilège. Par une suite d'exemples historiques, John Stuart Mill tente de démontrer qu'un despotisme ne cesse que lorsqu'une « force supérieure »18 l'y oblige. S'il s'agit historiquement de la loi du plus fort, nous verrons plus tard que Mill, lui, souhaite imposer l'égalité entre les hommes et les femmes grâce à la loi civile.

Tous ces éléments amènent Mill à considérer que la charge de la preuve repose sur lui. Il devra réfuter les arguments de ses adversaires mais aussi apporter des preuves positives du bien-fondé de son opinion.

12 Stuart Mill (J.), op.cit. p.30

13 Ibid

14 Ibid

15 Stuart Mill (J.), op.cit. p.28

16 Stuart Mill (J.), op.cit. p.40

17 Ibid

18 Stuart Mill (J.), op.cit. p.38

14

Section 2 : Le renversement des éléments scientifiques absurdes avancés par l'opinion adverse

La croyance en l'infériorité de la femme s'appuie également, au XIXe siècle, sur des éléments scientifiques supposés en établir la véracité. La réfutation de ces arguments est opérée par John Stuart Mill dans De l'assujettissement mais aussi, par exemple, dans sa correspondance avec Auguste Comte.

L'argument scientifique principal est abordé par Mill au chapitre III de l'ouvrage. Cet argument se rapporte à la phrénologie, définie comme l'étude du caractère d'un individu, d'après la forme de son crâne. L'infériorité de la femme, d'un point de vue intellectuel, serait avérée par la taille moindre de son cerveau, relativement à celui de l'homme. Pour Mill, non seulement ce fait n'est pas établi mais, surtout, rien ne permet d'affirmer le rapport entre la taille du cerveau et l'intelligence. Les recherches concernant la nature des femmes ne seraient, à cette époque, pas suffisamment abouties. Mill les qualifie de « simples généralisations empiriques »19, ce qu'il met en évidence par le fait que l'idée sur la supposée nature des femmes « diffère dans chaque pays »20.

Cette question est également abordée dans la correspondance entre John Stuart Mill et Auguste Comte, notamment durant les années 1840. Elle a d'ailleurs fait l'objet d'un ouvrage de Vincent Guillin21. Auguste Comte considère que l'avis de Mill est dû à un manque de connaissances sur la « physiologie cérébrale »22. Mill, au contraire, argue notamment d'avoir étudié avec attention l'oeuvre de Frantz Joseph Gall, fondateur de la phrénologie. Comme l'explique plus clairement Vincent Guillin, Auguste Comte part d'éléments biologiques qui expliqueraient l'infériorité intellectuelle de la femme pour justifier son rang inférieur dans la société. En adoptant cette méthode, il met une étude biologique au coeur de son analyse « sociologique ».

Comme nous l'avons vu précédemment, Mill, au contraire, questionne l'argumentation biologique. Il remet en cause son caractère probant mais aussi la place que lui attribue Comte dans sa réflexion sur l'infériorité supposée des femmes. Selon Mill, ces « diversités anatomiques » ne devraient servir à expliquer l'infériorité intellectuelle des femmes que de façon résiduelle. Ainsi adopte-t-il un « biais environnementaliste »23 et met l'accent sur le rôle joué par les circonstances

19 Stuart Mill (J.), op.cit. p.120

20 Ibid

21 Guillin, Vincent, « La question de l'égalité des sexes dans la correspondance Comte-Mill. Une approche méthodologique », Archives de Philosophie, 2007/1 (Tome 70), p. 57-75

22 Lettre de John Stuart Mill à Auguste Comte, 30 octobre 1843

23 Guillin, Vincent, op.cit.

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extérieures. Au-delà de cette critique de la science, Mill remet en cause l'idée d'une potentielle connaissance de la nature féminine par la société.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci