Conclusion
Bien que les baies de Cocody et du Banco ne soient pas en
communication, il faut noter la similarité des sédiments et de
certains végétaux qui composent ces baies. Hormis le
développement des cultures maraichères et floristiques qui se
développent sur leurs berges, la strate herbeuse couvre la majeure
partie de la surface. Mais, il faut noter que la couche herbeuse
présente une physionomie différente selon la baie et le
degré d'hydromorphie. Ainsi sur la baie du Banco, les gramens ont une
structure gazonnante alors que sur la baie de Cocody, les gramens ont un aspect
vernissant à feuilles longues et étroites. C'est une
végétation ouverte pouvant présenter deux strates dont le
recouvrement s'intensifie au contact du plan d'eau. Si les
végétaux herbacés se rencontrent à l'état
spontané, il faut noter que la présence de certains arbres
fruitiers comme le manguier dans ces zones n'est pas le fait du hasard. Ils ont
été soumis à la dissémination passive par
l'hydrochorie du fait des eaux ruissellements. Nous observons la
présence de palétuvier sur les berges Ouest et Est de la baie du
Banco et dans la partie centrale de la baie de Cocody montre que la mangrove
tente de coloniser ce milieu qui est propice à son développement.
Des conditions édaphiques particulières permettent le
développement de formations hydromorphes.
Le sol de ces baies sont essentiellement composés de
psammiton. Les sédiments convoyés ont une texture variable depuis
l'argile plastique, jusqu'au sable fin ou grossier graveleux.
Ces baies présentent des signes de dégradation.
Quelles en sont les causes ? Et quelles en sont les conséquences ?
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Photo 17 : Reptation du talus jonchant versant du Lycée
Technique (cliché : N'Doman V.2010)
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CHAPITRE III : LA DEGRADATION DES BAIES : CAUSES
ET CONSEQUENCES
I-LES CAUSES DE LA DEGRADATION DES BAIES DE COCODY ET BANCO 1-
L'urbanisation incontrôlée
L'agglomération d'Abidjan a connu une croissance
spectaculaire depuis les années 1950. Alors qu'elle comptait 48000
habitants au recensement de 1946, sa population a atteint 350 000 habitants en
1965, a dépassé le million d'habitants en 1975 pour ensuite
poursuivre sa progression à un taux de croissance annuel estimé
à 10% jusqu'au début des années 1980 P. Pottier et al
(2008). Aujourd'hui, l'essor démographique s'est infléchi
atteignant 3 à 6 % l'an et la population urbaine est estimée
à plus de 5,6 millions d'habitants. C'est le miracle économique
ivoirien qui a orienté un flux migratoire en provenance de toutes les
régions encore très agricoles et aussi la population des pays de
l'Afrique de l'Ouest et au-delà (on estimait à 50 000 le nombre
de français résidant en Côte d'Ivoire en 1983). A la suite
du déplacement massif de la population française du aux
événements de Novembre 2004, la population française est
estimée à 15000 hbts.
La ville d'Abidjan concentre aujourd'hui plus de 20% de la
population du pays. Elle a enregistré depuis trente ans un accroissement
continu équivalent à 100 000 habitants l'an. Cet essor est
accompagné d'une croissance de l'espace urbain qui est passée
successivement de 3000 ha de surface en 1965, à 8000 ha en 1975 et
à plus de 60 000 ha en 2005. En effet, nous avons observé
l'accroissement des surfaces bâties (fig 14). L'observation des photos
satellites ont permis de remarquer l'agrandissement des quartiers
précaires sur les versants et les interfluves au niveau du zoo d'Abidjan
et de nouvelles maisons à proximité d'une vallée non loin
de Coco-Service entre 2002 et 2010. En plus, l'interprétation des photos
satellites de Google earth sur cette période, ont montré une
augmentation du nombre de maison construites sur l'interfluve qui supplante la
berge Est de la baie du Banco.
Aussi, remarque-t-on une reptation non loin du monument des
Martyrs, sur la falaise jonchant le lycée Technique d'Abidjan Cocody
(Photo 17).
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Figure 14 : Occupation du Sol dans le pourtour des baies de
Cocody et du Banco
Cette reptation est causée par les populations
environnantes qui ont des activités agricoles qui fragilisent la
falaise. Ce phénomène est aussi perceptible sur les versants de
la vallée d'Attécoubé derrière le sanctuaire
Mariale. Cette vallée étant en communication avec la baie du
Banco (Photo 18), les sédiments provenant de ces versants y sont
charriés.
Les matériaux issus de la dégradation de ces
versants sont directement acheminés vers les baies de Cocody et du
Banco.
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Photo 18 : Glissement de terrain sur le versant de la
vallée d'Attécoubé-Gbébouto (Cliché :
N'Doman V.2010)
Enfin, les terrassements effectués dans les quartiers
de Cocody peuvent être mis en corrélation avec l'ensablement des
baies. En effet, les équipements tels que les caniveaux et les
égouts etc. n'ont pas suivis l'évolution de la ville d'Abidjan.
Développer dans un contexte qui reste malgré tout celui d'un pays
en développement manquant cruellement de moyens financiers
nécessaires pour endiguer une croissance exceptionnelle par son ampleur,
la ville d'Abidjan s'est construite sans les équipements indispensables
(P. Pottier et al, 2008).
2-Le manque d'équipements d'assainissement
Une analyse de la nature des dépôts qui composent
les espaces gagnés par la terre dans les différentes baies,
permet d'affirmer que les sédiments qui obstruent les baies urbaines de
la lagune Ebrié sont des sables et des boues en provenance de
l'agglomération d'Abidjan et des falaises environnantes. Ces
sédiments sont entrainés dans les baies par les émissaires
d'eaux pluviales qui aboutissent pour la plupart dans les baies urbaines. Ce
sont les eaux pluviales (1900 mm par an) et les eaux de ruissèlement qui
contribuent le plus à l'engraissement des baies. En effet, on rencontre
encore dans la ville d'Abidjan de nombreux caniveaux non cimentés, c'est
le cas de l'exutoire qui est situé le long de la route Abobo-Zoo
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dont l'extrémité est située
derrière le quartier Plateau-Dokoui. Quand ceux-ci sont cimentés,
on rencontre une dégradation avancée des émissaires dont
les plus marquants sont situés au niveau du quartier HMA, au niveau du
camp de Gendarmerie Agban (Photo 19) et derrière le district de Police
d'Adjamé.
Photo 19 : Emissaire d'eaux pluviales dégradées
avant sa réhabilitation vers la caserne d'Agban (cliché :
N'Doman V.2010)
Photo 20 : Le thalweg de la vallée
d'Attécoubé (cliché : N'Doman V. 2010)
La dégradation des caniveaux et les caniveaux
à fond libre favorisent l'ensablement des baies de Cocody photo 19 et
Banco photo 20.
Au niveau, du caniveau qui part des Deux plateaux passant par
Cocody Danga, la construction de la digue située derrière la
cité SODEFOR a permis d'atténuer ce phénomène.
Mais, la composition argilo sableuse de la falaise de la berge occidentale
favorise encore le phénomène à cause des pratiques
culturales. Outre cela, l'on peut ajouter l'ampleur des fossés
creusé par l'érosion du aux eaux de ruissellement (Photo 18 et
20) et du phénomène de reptation donne une idée de
l'ensablement aux débouchés des émissaires. La pression
qu'exerce la ville sur son environnement, est par conséquent partout
préoccupante. Elle devient exceptionnelle sur les berges qui sont
concernées par la pollution. Elle est particulièrement sujette
aux pressions humaines les plus dégradantes (habitats précaires,
latrines, dépôts d'ordures et émissaires naturels et
industriels charriant les eaux usées) étant donné que la
règle la plus fréquente étant le rejet dans le milieu
naturel en occurrence la lagune.
3- Un réseau d'assainissement défaillant
L'ampleur et la rapidité du développement urbain
de la Côte d'Ivoire, conjugués aux manques de moyens financiers,
ont eu un impact alarmant sur l'assainissement et du traitement des
déchets. Compte tenu d'un taux raccordement des égouts qui ne
dépasse pas aujourd'hui 40%, alors qu'il était de 45 % en 1990,
on peut donc estimer à 2.5 millions d'hbts la population d'Abidjan dont
les eaux usées échappent au réseau collectif. Le
réseau d'équipement individuel ne dépassant sans doute que
de très peu 20% (données INS 1998), il est probable qu'encore 40%
des eaux usées des ménages d'Abidjan finissent dans les rues, les
caniveaux, et la nature.
Ce réseau de collecte des eaux usées est ancien,
limité, est basé sur un collecteur de base et des collecteurs
secondaires qui sont eux même générateurs de nuisances sur
la lagune (Photo 21). Si la fonction du collecteur de base est en effet
d'évacuer les déchets solides pour les dissoudre directement en
mer, il n'en est pas de même des collecteurs secondaires qui
débouchent directement en lagune (Dembélé et Botty 2001)
(photo 22).
Photo 21 : Inondation du carrefour de l'Indénié
par les eaux pluviales (cliché : N'Doman V.2010)
L'ensablement des émissaires du carrefour de
l'Indénié dû à l'ensablement de la baie de Cocody
gène l'écoulement des eaux pluviales vers la lagune.
Photo 22 : Déchets flottants sur les eaux usées
carrefour de l'Indénié baie de Cocody (cliché :
N'Doman V.2010)
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Les ordures rejetées dans les rues se retrouvent
dans les baies par le biais des émissaires.
En outre, le collecteur principal, faute de débit
adéquat ne fonctionnent pas correctement, les déchets autant
solides que liquides sont directement acheminés en lagune sans
bénéficier d'un traitement d'épuration efficace. Cette
carence d'équipement ne concerne pas seulement les rejets industriels,
mais également ceux de l'industrie et de grands équipements comme
la polyclinique PISAM déverseraient une partie de leurs déchets
liquides et solides directement en lagune (Agbadou 2000).
Dans le domaine de ramassage des déchets et des ordures
ménagères, la carence est également constatée.
Ainsi, on observe des dépôts sauvages d'ordures un peu partout
dans la ville. A Attécoubé, les populations qui ont élu
domiciles sur les flancs du versant, l'utilisent comme décharge (photo
23). Selon un rapport de la direction du cadre de vie 2001, la production des
déchets ménagers estimée à près de 2
millions de tonne ne serait collectée que pour 50% environ, alors qu'en
1988, 70% des ménages urbains voyaient leurs ordures ramassées
par un camion (Pottier et al 2008). Les pluies et les eaux de ruissellement,
évacuent les déchets et les rejets divers de l'ensemble de
l'agglomération d'Abidjan jonchant le sol ou s'accumulant au grès
des dépôts improvisés. Leur charge se trouve par ailleurs
accentuée par les matériaux facilement mobilisés, compte
tenu de la mise à nu des sols ferralitique liés à la
croissance urbaine.
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Les populations riveraines déposent leurs ordures
sur les versants de la vallée d'Attécoubé qui est en
communication directe avec la baie du Banco.
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Photo 23 : Dépôts d'ordures sur le versant de la
vallée d'Attécoubé (cliché : N'Doman
V.2010)
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