E-Revue empirique
Notre objectif à ce niveau est de faire un tour global
des différentes études qui ont été faites dans le
domaine de l'anacarde au Bénin et dont nous avons connaissance. En
effet, depuis toujours, le secteur de l'anacarde, bien qu'encore mal connu, a
suscité l'intérêt de bon nombre de personnes et de
structures. Un certain nombre d'étude antérieure ont
enquêté sur cette question. Ainsi ; du point de vue de
Tandjiékpon (2005), dans la production de noix brutes, les moyens
nécessaires concernent principalement l'acquisition des semences et de
plantules de qualité afin d'améliorer la production des
plantations. Du fait de l'impossibilité d'accéder à ces
matériels végétaux performants, les producteurs ont
généralement recours à du tout-venant, à l'origine
de la contre-performance des plantations. L'autre dimension des besoins
concerne les moyens de suivi et de gestion des plantations, surtout à
des périodes critiques de la plantation. En effet, la période
précédent l'entré en floraison des anacardes au
Bénin (septembre à décembre) correspond à une
période d'intense activité de récolte et
poste-récolte des cultures annuelles (coton, igname, maïs, sorgho,
arachide) nécessitant de la main d'oeuvre
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Participation des producteurs de cajou aux contrats de
pré-collecte dans la commune de Bantè.
important pour le producteur. Cette période correspond
également à la période vitale de l'anacardier où il
faut assurer l'entretien et la protection contre les feux sauvages.
Généralement, sur les ressources propres du producteur, la
priorité est donnée aux cultures annuelles pour les permettre de
quitter le champ pour être sécurisées. Pour l'anacardier,
soit l'entretien n'est pas assuré à bonne date pour avoir l'effet
attendu sur la production, soit, il est réalisé avec l'aide des
commerçants et tontiniers qui préfinancent la production dans le
but de l'avoir à moindre coût à la récolte. La
période de récolte couvrant les mois de janvier à mars
correspond également à celle de soudure alimentaire pour le
producteur, ce qui rend difficile la prise en charge des activités de
récolte et poste-récolte de l'anacarde.
Aussi pour AÏVODJI et ANASSIDE (2009),
généralement les intermédiaires offrent dès
l'automne précédent la récolte des avances aux producteurs
pour s'assurer que les produits leur seront vendus : ceci parce que les
commerçants sont tenus par leurs contrats de livrer un volume de noix
conformes aux attentes des exportateurs. Le prix planché d'achat aux
producteurs est défini comme celui qui lui permet de couvrir au moins
ses charges de production. Il est déterminé en tenant compte des
coûts obtenus par l'enquête auprès des producteurs en milieu
paysan pour la main d'ouvre nécessaire à la culture de l'anacarde
tout en prenant en compte les diverses opérations culturales.
Pour SINGBO et al (2004), dans une étude sur
la filière anacarde au Bénin, ont montré qu'à
Bantè les producteurs bénéficient de l'appui technique du
DEDRAS. L'appui concerne la fourniture de plants sélectionnés et
la technique de semis. Ils reçoivent parfois l'appui des agents du
CARDER (Secteur) sur l'entretien et la délimitation des parcelles.
L'appui fourni par les agents du CARDER est souvent irrégulier et
parfois inexistant dans certaines zones. Le SPV (Service Protection des
Végétaux) intervient également à Bantè pour
le test d'efficacité de certains produits insecticides. Aussi, certains
producteurs bénéficient de crédits auprès des
grossistes, des collecteurs ou de certaines structures d'exportation. Le
paiement est fait lors de la récolte et en nature, c'est-à dire
avec les noix de cajou. La quantité de noix donnée en
contrepartie doit correspond au montant du crédit. Le prix du
kilogramme, dans ce cas, est souvent inférieur au prix du marché.
Au total, il faut retenir que certains producteurs sont
préfinancés par les commerçants qui eux aussi
reçoivent les moyens financiers des exportateurs, des banques ou des
Indo-pakistanais.
Pour ELEGBE (2005) dans sa thèse, l'absence de
crédits d'intrants, comme celui appliqué pour la culture de
coton, est un fait dans les trois villages d'études. En revanche, il
existe des
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pré-collecte dans la commune de Bantè.
institutions et organisations de crédits financiers
dans la commune. La plus structurée et la plus sérieuse est le
réseau de Caisse Locale de Crédits Agricoles Mutuels (CLCAM). La
CLCAM offre des crédits de court terme à tout producteur
adhérent. Le taux d'intérêt en vigueur est de 20%. En
dehors de la CLCAM, trois autres sources de crédits permettent
simplement d'assurer les dépenses relatives aux cérémonies
et autres imprévus et ne sont pas investis dans les activités
agricoles. Nous avons ensuite l'usure qui représente un véritable
système de ruine des paysans ne disposants pas de moyens financiers dans
le milieu. Les emprunts sont faits par les producteurs surtout pour pouvoir
assurer l'entretien des plantations d'anacardiers. Après la
récolte des fruits, le remboursement est effectué en herbe
à travers les noix de cajou cédées en dessous de leurs
valeurs réelle. Une estimation faite nous donne un taux
d'intérêt s'élevant à 60%. Enfin nous avons des
emprunts effectués par le producteur auprès d'un parent proche
(frère, femme, soeur...). Des résultats de nos enquêtes, il
ressort que seulement 16% des exploitations n'ont pas eu recours aux
crédits agricoles au cours de la campagne écoulée, ce qui
démontre que le crédit est indispensable aux exploitations pour
pouvoir assurer les charges liées à la production agricole. Le
crédit auprès de la CLCAM et des usures sont
prépondérants avec respectivement 32 à 36% des
exploitations. Cependant, nous devons signaler une forte proportion (36%) du
recours à l'usure malgré le taux d'intérêt
élevé (60%). Cela peut s'expliquer par l'image coercitive que
certains paysans gardent encore des structures officielles. Le producteur se
dit qu'en cas de non remboursement, il sera objet de poursuite judiciaire,
pouvant même aller jusqu'à une arrestation, toute chose fortement
répugnée par le paysan. Il préfère payer plus cher
pour l'argent emprunté dans la communauté villageoise. Ainsi, on
note l'acceptation des crédits à 60% de taux
d'intérêt annuel alors qu'il existe la possibilité de
prêt à 20%.
Selon ZINMONSE (2012), dans la commune de Savalou, la
principale source de financement des opérations de production de
l'anacarde reste le financement sur fonds propres. En effet, les
résultats de l'enquête indiquent que 65, 48% des producteurs
financent eux-mêmes les activités de production. Aussi, seulement
5,95% des producteurs ont fait recourt aux institutions de micro finance (CLCAM
et PROMIC) pour les mêmes opérations. Cependant, 2,38% des
producteurs ont décidé involontairement ou volontairement selon
les contraintes (manque de financement ou faible rendement) de ne pas investir
dans leur champ d'anacardiers. Les producteurs justifient leur
désintéressement au financement par les conditions d'octroi de
crédits (délai de remboursement et garantie) qu'ils trouvent
très contraignantes en générale et plus
particulièrement la quasi inexistence de crédits pour le
financement de certaines cultures dont l'anacarde. Et pour certains
responsables d'IMF, même
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si l'objectif premier des IMF est d'offrir des services
financiers de proximité aux populations à la base, notamment
à la population rurale, il n'en demeure pas moins qu'elles doivent
après tout assurer leur viabilité à travers un meilleur
processus de récupération des fonds qu'elles auraient
octroyés. Cet état de chose pousse de plus en plus des
producteurs vers un mode de financement informel voire même d'usure. En
effet, 26,19% des producteurs font recourt à "l'avance sur achat
" qui est un emprunt contracté auprès d'un commerçant
ou d'un particulier en guise de préfinancement et remboursable en
produit bruit lors de la récolte à un taux d'intérêt
de 100%. Selon ACLASSATO (2006), malgré que le taux
d'intérêt au niveau des IMF soit de 26%, nettement
inférieur à celui de système informel (100%), les
producteurs préfèrent ce dernier. D'après lui, le taux
d'intérêt de 27% est déjà le seuil de l'usure et
même suicidaire. D'un autre point de vue, AMOUSSOUGA (2002)
évoquera comme raison principale à ce
désintéressement, l'asymétrie d'informations entre les
parties en présence (les producteurs et les IMF). Au total, dans la
commune de Savalou, il se pose un réel problème de financement
des activités agricoles en générale et plus
particulièrement de la culture de l'anacarde. Les IMF sont loin de
satisfaire leur objectif premier dans ce secteur. La raison la plus plausible
à cela est l'asymétrie d'informations puisque tous les
producteurs ont émis la volonté de rompre ce système de
financement de l'avance sur l'achat qui n'est rien d'autre que de l'usure.
Pour Chabi et Zindegla, (2009), plus de la
moitié des ménages rencontrés sont confrontés au
`'problème d'argent» (recourt à l'emprunt 70%).
C'est la preuve que le revenu monétaire des activités agricoles
et extra agricoles des ménages reste insignifiant quant à la
couverture intégrale des besoins des ménages agricoles. En
général, les chefs ménages qui ont un niveau intellectuel
bas sont plus informés des inconvénients qui découlent du
non-respect des règles de la contraction d'une dette que de ces
avantages. C'est donc cette couche de producteurs qui le moins rêve faire
des emprunts qui selon eux pourrait les compromettre, c'est-à-dire
<<susceptible de les jeter en prison>>. Néanmoins,
nombreux sont ceux qui aspirent aux méthodes de financement par emprunt
(84 chefs de ménages, soit 70% de l'échantillon). Sur ces 84
chefs de ménages, 57 ont eu recourt à l'emprunt chez les amis
(67,86%), 22 chez les parents (26,19%) et 5 ont fait recourt aux ONG (5,59%).
Les problèmes qu'ils évoquent sont relatifs aux exigences des IMF
avant l'octroi du crédit. En effet, pour minimiser l'aléa moral
du côté de ses clients, l'IMF demande à ces derniers, des
garantis en nature (terrain, moto, immobilier ou tout autre bien de valeur) ou
des avances en espèce dans des comptes qui leurs sont ouverts à
cet effet. Aussi, les taux d'intérêt élevé
appliqués par certains de ces institutions renforcent la
difficulté des producteurs à accéder facilement aux
crédits. La
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franges de producteurs bénéficiant de ces
services est souvent celle instruite (ayant reçu une formation) ou celle
militant dans une association paysanne.
D'après Mohamed (2008), la campagne de
commercialisation des noix de cajou est officiellement lancée en Mars de
chaque année au Bénin. Mais bien avant l'ouverture de cette
campagne, un grand nombre de producteurs ne disposant pas de ressources
financières ont recours à des préfinancements sous forme
de crédit informel auprès de certains acheteurs qui à leur
tour obtiennent leur préfinancement de la part de certaines institutions
financières. Les résultats des enquêtes ont montré
que 13,5% des producteurs bénéficient de ces crédits
informels pour entretenir leurs plantations d'anacarde ou pour répondre
à des besoins pressants de santé, de scolarisation,
d'alimentations, de cérémonies etc. La plupart de ces
crédits avec intérêt sont octroyés entre les mois
d'Août et d'Octobre et varient entre 10.000 et 50.000 FCFA. Cet
état de choses entraîne une grande variabilité des prix
d'achat proposés aux producteurs en début de campagne. Aussi, les
acheteurs préfinancent les producteurs afin de garantir le produit.
Ainsi, les producteurs qui se trouvent dans un besoin pressant d'argent pour
résoudre les besoins ponctuels (cérémonies, spectacles)
obtiennent un crédit avec intérêt de l'ordre de 2000F
à 5000F pour un délai de trois jours au plus. Le remboursement se
fait en tenant compte du prix en cours le jour de l'octroi du crédit.
L'étude a révélé que 10,3% des producteurs ont
recours à ce type de crédit. Cette stratégie semble
à priori être meilleure à la première car elle
réduit les risques. De ce fait, elle est plus favorable aux producteurs
qui vendent alors à court terme leur produit mais suivant le prix du
marché.
Pour Mohamed B. et al (2015). Dans un rapport sur la
vente groupée des noix de cajou au Nord du Bénin pour le compte
du MAEP, ont montré que, depuis une dizaine d'années, l'Union
Régionale des Coopératives de Producteurs d'Anacarde de l'Atacora
et de la Donga (URCPA-AD) et ses organisations membres (unions communales,
coopératives villageoises) organisent la vente groupée de noix
brutes. En 2012, l'union a mis en place un dispositif complémentaire de
pré-collecte et de préfinancement de l'achat des noix. Le
dispositif dépend encore d'un financement externe. Un fonds de roulement
plus élevé permettrait d'attirer plus de membres, de collecter de
plus gros volumes pour la vente groupée et d'augmenter le fonds en
l'associant à un intérêt. Le succès du dispositif de
pré-collecte, trois années de suite, avec un taux de
remboursement de 100 %, a permis de convaincre les responsables du
réseau des Caisses Locales de Crédit Agricole Mutuel (CLCAM) de
l'Atacora-Donga de s'impliquer dans le dispositif de pré-collecte avec
l'ouverture d'une ligne de financement de 100.000.000 FCFA pour la campagne
2014-2015.
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pré-collecte dans la commune de Bantè.
GNIMADI (2008), dans une étude d'identification des
filières agroindustrielles prioritaires au Bénin, constate que
l'anacarde est un produit d'exportation qui procure aux propriétaires
des vergers d'anacarde un revenu de 45.000 à 120.000F CFA par
hectare.
GAGNON (1998) a étudié la filière
anacarde au Bénin. Il a montré que le marché
d'écoulement de la production nationale des noix de cajou est
essentiellement orienté vers l'Inde qui importe des noix brutes
d'Afrique à un prix inférieur au prix des noix
récoltées en Inde. Il a également montré qu'il
n'existe pas d'informations précises sur les coûts des
différentes opérations, ni en ce qui concerne l'installation et
l'entretien d'une plantation, ni en ce qui concerne les frais de collecte et de
commercialisation. Selon cet auteur, il y a une grande dispersion des
données relatives aux différents intervenants de la
filière et une absence de la circulation de l'information.
En fin, Aïna (1996) en étudiant la
rentabilité de la production des noix de cajou au niveau paysan a
reconnu les imperfections liées à la commercialisation et a
préconisé, entre autres, la mise en place d'une politique
adéquate de prix aux producteurs et l'identification du rôle de
tous les intermédiaires de la filière.
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