Les projets connexes aux gares du Grand Paris Express sous maà®trise d'ouvrage de la Société du Grand Paris: Opportunités de valorisation foncière ou projets de valorisation urbaine ?( Télécharger le fichier original )par Pauline CHEMLA Université Paris-Sorbonne - Master 2 mention Géographie, aménagement, environnement et logistique des échanges (GAELE) 2018 |
PARTIE 2 : DANS QUELLE MESURE LESPROJETS CONNEXES CONSTITUENT-ILS UNE OPPORTUNITE DE VALORISATION FONCIERE POUR LA SOCIETE DU GRAND PARIS ? 46 47 CHAPITRE PREMIER : LA SOCIETE DU GRAND PARIS ETL'AMENAGEMENT Entreprise publique créé par l'Etat afin de piloter le projet du GPE au service des franciliens et la région capitale, la SGP s'attèle depuis 2010 à sa mission principale de conception/ réalisation du réseau du GPE. Mais cette tâche relative au nouveau métro n'est pas la seule mission confiée à la SGP, comme elle le communique elle-même « À proximité des gares du Grand Paris Express, et à la demande des communes concernées, nous menons des programmes d'aménagement immobilier. ». 1. L'avènement d'un nouvel aménageur ? a. Que dit la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris ? Visant à renforcer l'attractivité économique de la métropole _ considérée comme une locomotive pour le développement de l'ensemble de la France _ la loi du 3 juin relative au Grand Paris est l'aboutissement d'une longue réflexion de la part de l'Etat, des parlementaires et des collectivités sur l'avenir de la région parisienne dont l'élément phare est l'officialisation de la réalisation du réseau de transport du GPE, et son pilotage par un EPIC spécialement dédié : la SGP. Pour autant, la question métropolitaine et de sa desserte de banlieue à banlieue ne date pas d'hier. Comme le rappelle Julie Snasli dans son article « D'où vient le Grand Paris déjà ? », « De l'orbitale de l'IAU17 au métrophérique de la RATP18, en passant par l'Arc Express d'un 17 Orbitale est le premier projet de ligne en rocade d'un métro de banlieue proposé par l'IAU (Institut d'Aménagement et d'urbanisme de la région IDF) lors de la révision du Schéma Directeur de la Région IDF (SDRIF) par l'Etat en 1994. Orbitale est d'ailleurs le rétro-acronyme d'organisation du bassin intérieur des transports annulaires libérés des encombrements, et devait relier l'ensemble des lignes de métro radiales actuelles à une distance d'environ 1km de Paris. Finalement ignoré par le Contrat de plan Etat-Région 1994-1998 (essentiellement car les projets d'EOLE et de Meteor (ligne 14) absorbaient déjà une large partie des financements publics), Orbitale peut néanmoins être considéré comme l'ancêtre des projets Orbival, Métrophérique et Arc Express qui en ont tous repris les éléments de base. 18 Inspiré du projet Orbitale, le métrophérique était un projet de métro en rocade présenté en 2006 par la RATP à l'occasion de la révision du SDRIF. Plus loin de Paris qu'Orbitale, il aurait été situé à 2-5km du périphérique parisien. Abandonné pour laisser place à l'Arc Express, on peut considérer le métrophérique comme une version alpha du coeur de GPE (ligne 15). 48 certain Jean Paul Huchon19 et la vision jacobine du duo Sarkozy/ Blanc20... Le Grand Paris Express tel qu'on le connaît aujourd'hui renvient de loin. » et est en réflexion depuis la fin des années 90. Soutenu par Christian Blanc, secrétaire d'Etat chargé du développement de la région capitale et fondateur de la SGP, le texte définitif du projet de loi est adopté le 27 mai 2010, après des allers-retours entre l'Assemblée nationale et le Sénat pendant près d'un an et demi, et l'adoption par le sénat du texte mis au point par la Commission mixte paritaire du texte déjà adopté par l'Assemblée nationale le 26 mai 2010. La loi est promulguée le 3 juin 2010 avec une publication au Journal Officiel le 5 juin 2010. Si la loi du Grand Paris concrétise enfin la réalisation d'un réseau de transport métropolitain en rocade, elle fait donc l'objet de longs débats parlementaires et de contestations, et voit son texte modifié à plusieurs reprises par diverses lois et ordonnances depuis. Quelles sont alors les prérogatives initiales de la loi relative au Grand Paris ? Premièrement, elle détermine des zones de développement économique et urbain organisées autour de grands pôles stratégiques devant permettre à l'IDF une croissance exceptionnelle et une création d'emplois significative. Ensuite, elle annonce la réalisation d'un nouveau réseau de transport ferroviaire avec 130km de ligne et 40 gares (aujourd'hui de 200km et 68 gares), ayant pour objectifs de relier les pôles stratégiques déterminés précédemment au coeur de la métropole ainsi qu'aux aéroports et gares TGV, avec un investissement estimé alors de 20,5 milliards d'euros. La loi prévoit également une procédure de débat public au cours de laquelle doit être également examiné le projet de transport préconisé par la région IDF qui est alors appelé l'Arc Express. Autre point important, la loi prévoit que la réalisation des travaux soit confiée à un établissement public (la SGP), dans lequel l'Etat serait majoritaire tout en faisant que la région et les départements soient représentés. Enfin, il est mis en place des procédures particulières pour accélérer l'aménagement et le développement urbains dans les zones stratégiques déterminées et aux alentours des gares du nouveau de réseau de transports : les CDT. 19 L'Arc Express est un projet avorté de ligne de rocade en banlieue de Paris qui avait vocation à répondre à l'accroissement des déplacements périphériques de l'agglomération parisienne et à réduire la saturation du réseau existant. Ses études ont été officiellement lancées en 2007 par Jean-Paul Huchon président du conseil régional d'IDF de 1998 à 2015, et le préfet de région de l'époque. Il a ensuite fusionné avec le projet de Réseau de transport public du Grand Paris pour donner naissance au Grand Paris Express 20 Christian Blanc, entré au gouvernement Fillon le 18 mars 2008 fut secrétaire d'Etat chargé du Développement de la Région capitale jusqu'à sa démission le 4 juillet 2010. Il oeuvra beaucoup pour le Grand Paris dont il présenta le projet de loi en conseil des ministres le 27 mai 2010. 49 La dernière version en vigueur de la loi relative au Grand Paris à ce jour, dont la dernière modification a été effectué le 6 août 2018, comprend 37 articles divisés en différents titres pour chacun des sujets relatifs au Grand Paris traités par la loi. Ces titres sont les suivants : « Elaboration et outil de mise en oeuvre du réseau de transport public du Grand Paris » ; « Etablissement public Société du Grand Paris » ; « Réalisation et gestion du réseau de transport public du Grand Paris » ; « Participation aux projets d'infrastructures d'autres réseaux de transport public de voyageurs » ; « Développement territorial et projets d'aménagement » ; « Dispositions relatives au logement » et « Dispositions relatives à la création d'un pôle scientifique et technologique sur le plateau de Saclay ». Le titre II « Etablissement Public du Grand Paris » définit tout ce qui est relatif au fonctionnement de la SGP, sa composition, ses objectifs, ses ressources et les moyens à sa disposition pour y parvenir. La SGP y est notamment déclarée, dans l'article 7, comme un EPIC régi par le décret n°2010-756 du 7 juillet 2010. Les bases étant posées de la naissance de la loi du 3 juin 2010 par laquelle sont nommés le GPE et son établissement pilote, qu'en est-il des compétences conférées à ce nouvel établissement public qu'est la SGP pour l'aménagement du territoire ? b. L'article 7 conférant à la Société du Grand Paris les compétences relatives aux aménageurs A la lecture de l'article 7, titre II de la loi du 3 juin 2010, les propos tenus par la Ioannis Valougeorgis disant que « L'objectif initial (de la SGP) est de faire de l'infrastructure pas du développement immobilier » viennent être confirmés. La mission principale de la SGP est en effet de « concevoir et d'élaborer un schéma d'ensemble des projets d'infrastructures composant le réseau de transport public du Grand Paris et d'en assurer la réalisation, qui comprend la construction des lignes, ouvrages et installations fixes, la construction et l'aménagement des gares, y compris d'interconnexion, ainsi que l'acquisition des matériels roulants [...], leur entretien et leur renouvellement [...]. ». L'article 7 précise notamment que « à cette fin, l'établissement public [...] peut acquérir, au besoin par voie d'expropriation ou de préemption des biens de toute nature, immobiliers et mobiliers, nécessaires à la création et à l'exploitation des infrastructures du réseau de transport public du Grand Paris. ». Si l'objectif majeur est celui de la conception/ réalisation du GPE, pourquoi la SGP mène-elle des opérations d'aménagement connexes aux gares du Grand Paris ? La SGP est-elle un aménageur ? Les membres rencontrés à la SGP affirment qu'il ne faut pas les considérer 50 comme tel. Pour autant la loi confie des compétences qui sont celles des aménageurs à la SGP : « L'établissement public « Société du Grand Paris » peut conduire des opérations d'aménagement ou de construction. Lorsque ces opérations interviennent sur le territoire des communes signataires d'un contrat de développement territorial21, l'établissement public « Société du Grand Paris » ne peut conduire de telles opérations que si ce contrat le prévoit. Dans ce cas, ce dernier prévoit également, dans le ressort territorial des établissements publics d'aménagement autres que l'établissement public « Agence foncière et technique de la région parisienne », lequel de ces établissements publics ou de l'établissement public « Société du Grand Paris » conduit ces opérations d'aménagement ou de construction. Lorsque ces opérations interviennent sur le territoire des communes non signataires d'un contrat de développement territorial, l'établissement public « Société du Grand Paris » peut, après avis des communes et établissements publics de coopération intercommunale compétents concernés, conduire ces opérations dans un rayon inférieur à 600 mètres autour des gares nouvelles du réseau de transport public du Grand Paris. Pour la réalisation de sa mission d'aménagement et de construction, l'établissement public « Société du Grand Paris » exerce les compétences reconnues aux établissements publics d'aménagement. Dans le respect des règles de publicité et de mise en concurrence prévues par le droit communautaire, des objectifs du développement durable, de la diversité des fonctions urbaines et de la mixité sociale dans l'habitat, l'établissement public « Société du Grand Paris » peut, par voie de convention, exercer sa mission d'aménagement et de construction par l'intermédiaire de toute personne privée ou publique ayant des compétences en matière d'aménagement ou de construction. » (Extrait de l'article 7, titre II de la loi Grand Paris du 3 juin 2010). Si la SGP acquiert par la loi Grand Paris beaucoup de droits, elle a aussi des devoirs, notamment elle « [...] peut se voir confier par l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements, par voie de convention, toute mission d'intérêt général présentant un caractère complémentaire ou connexe [...] » à ses missions de bases. Pour résumer, la loi relative au Grand Paris habilite donc la SGP à conduire des opérations d'aménagement ou de construction en exerçant les compétences reconnues aux établissements publics d'aménagement. Cette nouvelle compétence d'aménageur a un 21 Les CDT, outils originaux créés par la loi du 3 juin 2010, sont des documents contractuels co-élaborés par les collectivités locales et la DRIEA d'IDF, représentante de l'Etat. Ils visent à promouvoir le développement économique et à organiser l'aménagement urbain autour de la boucle du Grand Paris. 51 champ d'application géographique précis qui est soit celui des opérations prévues dans les CDT des communes signataires, soit un rayon inférieur à 600m autour des gares du Grand Paris lorsqu'il n'y a pas de CDT, et lorsque les communes en font expressément la demande. Cela n'a pas toujours été le cas, le projet de loi initial conférait à la SGP la possibilité de conduire ces opérations dans le périmètre des zones sur lesquelles elle disposait d'un droit de préemption qui représentait environ 1500m2 autour des gares, ce qui fut vivement contesté. En effet, cela s'est apparenté à une « attaque d'envergure contre la décentralisation » selon Christian Favier, président (PCF) du conseil général du Val-de-Marne, qui estimait notamment que ce périmètre représentait environ 30% de son département et parfois le territoire entier de certaines communes. Dès la loi de finances rectificative, la loi relative au Grand Paris voit son article 7 modifié indiquant alors que la SGP pouvait être aménageur dans le périmètre des CDT si ceux-ci le prévoyaient et à défaut dans un rayon inférieur à 400m autour des gares après avis favorable du maire de la commune concernée. Comment sommes-nous alors arrivés au périmètre des 600m que l'on connait aujourd'hui ? Plusieurs évènements successifs sont venus mettre à mal la pertinence des CDT jusqu'à les rendre totalement obsolètes. Comme le précise Benoît Labat, « Depuis 2013 un certain nombre de CDT ont été signés, or, les deux lois nouvelles lois qui sont intervenues _ loi MAPTAM22 puis loi NOTRe23 _ ont totalement rendu caducs les CDT. ». En effet la loi NOTRe, en définissant la métropole du Grand Paris, a défini les EPT qui n'ont pas les mêmes limites que les CDT ce qui a rendu leur gestion compliquée, mais elle n'est pas la seule responsable ; en 2017 la réforme de Paris, en regroupant la ville de Paris et les départements, vient également modifier toute la gestion territoriale de la métropole. Dans ce contexte-là, la SGP, fin 2016, demande alors à être détachée de tous les CDT et à ce que le périmètre de 400m autour des gares soit applicable à toutes les gares _ et non plus seulement au 9 gares qui ne faisaient pas partie d'un territoire signataire d'un CDT _ tout en conservant bien entendu la condition sine qua non de l'accord du maire pour que la SGP y soit aménageur. Ce que Benoît Labat explique c'est que la SGP n'avait « [...] pas prévu que le Parlement s'emparerait du dossier avec le ministère du logement de l'époque, Emmanuelle Cosse, et que ce serait une bataille compliquée entre les uns qui voulaient réduire ce périmètre à zéro, 22 Loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, vise à clarifier les compétences des collectivités territoriales notamment en réorganisant le régime juridique des intercommunalités françaises les plus intégrées, les métropoles. 23 Loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, vise notamment à renforcer les compétences des régions et des établissements publics de coopération intercommunale. disant qu'être aménageur n'était pas le rôle de la Société du Grand Paris, et d'autres qui disaient 800m. ». Finalement « la poire a été coupée en deux », en délimitant ce nouveau périmètre de 600m, indépendamment de la volonté de la SGP et sans pour autant la déconnecter des CDT. Aujourd'hui c'est donc toujours le périmètre du CDT qui prévaut comme périmètre d'intervention de la SGP comme aménageur, si CDT il y a, et pour les autres communes c'est le périmètre de 600m, soit 9 communes seulement. c. Les projets connexes dans le périmètre d'exercice de cette compétence d'aménageur de la Société du Grand Paris Les projets connexes ne sont pas prévus dans la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, pour autant elle prévoit la mission d'aménageur de la SGP et la possibilité pour elle de valoriser son foncier. L'article 9 de la loi cite dans les ressources à disposition de l'établissement public, « Les produits de la cession, de l'occupation, de l'usage ou de la location de ses biens mobiliers et immobiliers, dont les produits des baux commerciaux conclus dans les gares ; [...] (et) Tous autres concours financiers ». Plus qu'une ressource à disposition, la revente des emprises ou droits à construire des projets connexes sont en réalité une obligation _ puisque le code des établissements publics les oblige à valoriser leur patrimoine _ et sont le principal terrain d'exercice de la SGP en tant qu'aménageur. Comme le précise Christian Garcia24, la SGP n'a « pas vocation dans un premier temps [...] à réaliser des projets connexes. », leur mise en oeuvre résulte avant tout d'une bonne gestion de tout le foncier acquis initialement par l'établissement public, uniquement pour les besoins de l'infrastructure de transport. La SGP n'a pas acheté plus de terrains que nécessaire en pensant à d'éventuelles opérations immobilières connexes aux gares, mais a simplement acquis ce qu'elle devait en termes de m2 pour subvenir aux besoins des emprises chantier. Parfois elle s'est également vue contrainte d'acquérir plus que ce qu'elle aurait voulu, soumise à des obligations de réquisition d'emprise totale. Le résultat de cette démarche et qu'une fois les gares terminées, la SGP aura sous sa responsabilité la valorisation milliers de m2 résiduels ; puisque comme le rappelle le directeur de la DVP, « la SGP est une société de projet ayant vocation à disparaitre et aura donc à terme une mission de dévolution de son patrimoine, un remboursement de dettes. ». Réfléchir en amont sur les futures programmations de chaque site avec les communes pour faire naître les projets connexes, fait 52 24 Entretien intégral disponible en annexe 2. 53 donc partie d'une démarche de bonne gestion des futures emprises résiduelles après la construction du métro, par la SGP. Comme le souligne Benoît Labat, on constate, étonné, par rapport à ce que permet la loi, que « la SGP n'est aménageur nulle part » (pour diverses raisons qui seront évoquées par la suite). Dans les faits, les projets connexes sont donc les seules opérations où la SGP peut être aménageur, c'est ce que confirme Nicolas Ferrand25 ex directeur général des EPT de Marne-la-Vallée, « Oui on peut dire que la SGP est aménageur d'une certaine manière, sur ses emprises mais qui représentent des tout petits projets à l'échelle de la ville. ». Pour comprendre pourquoi nous ne pouvons pas vraiment déclarer pleinement l'avènement d'un nouvel aménageur qui serait la SGP, il faut comprendre les méfiances qu'il y a eu à son égard et qui ont influencé sa conception dans la loi du 3 juin 2010. 2. La Société du Grand Paris : un nouvel établissement public vivement contesté Présenté par Christian Blanc le 7 octobre 2009 à l'Assemblée nationale, le projet de loi initial relatif au Grand Paris a soulevé beaucoup d'inquiétudes et de contestations de la part des parlementaires. S'apparentant à une société des pleins pouvoirs, bras armés de l'Etat contre les collectivités, l'article 7 qui l'a définie a notamment été beaucoup controversé, et ses alinéas amendés voir supprimés. Les nombreux revirements concernant le périmètre d'action d'aménageur de la SGP ne sont pas anodins non plus et témoignent de la méfiance généralisée qui s'est fait ressentir envers ce nouvel établissement public26. a. La « Société » du Grand Paris : un ovni juridique Pour rappel la SGP est un établissement public de l'Etat à caractère industriel et commercial (EPIC) au même titre que les Etablissements Publics d'Aménagement (EPA). Si le caractère industriel de l'établissement ne soulève pas d'interrogation au vu de la réalisation 25 Entretien intégral disponible en annexe 2. 26 Un établissement public est une personne morale de droit public disposant d'une autonomie administrative et financière afin de remplir une mission d'intérêt général, précisément définie, sous le contrôle de la collectivité publique dont il dépend (État, région, département ou commune). Il dispose donc d'une certaine souplesse qui lui permet de mieux assurer certains services publics. Il ne doit pas être confondu avec un établissement d'utilité publique, qui relève du droit privé. 54 de l'infrastructure de transport, le caractère commercial lui inquiète les parlementaires qui y voit des intérêts spéculatifs. En effet la méfiance quant à la SGP est venue principalement du fait de sa dénomination et des termes employés pour la définir rappelant aux parlementaires le monde de l'entreprise. Comme le rappelle la SGP elle-même, elle est bien « l'entreprise publique créée par l'Etat pour piloter le projet du Grand Paris Express », et ce terme de « entreprise » pose problème ainsi que son organisation qui rappelle celle des organismes privés. « Plus que cette dénomination, c'est l'architecture imaginée pour la Société du Grand Paris qui fait référence aux grandes entreprises du CAC 40 : la SGP est dotée d'un directoire et d'un conseil de surveillance, alors que les établissements publics sont normalement dirigés par des conseils d'administration. » souligne Jean Desessard27 lors de la séance du sénat du vendredi 9 avril 2010 où l'article 728 de la loi notamment est vivement contesté par les sénateurs. La forme inquiète, et à cette occasion, Michel Billout29 demande notamment à ce que la SGP « [...] prenne au minimum la forme d'un établissement public d'aménagement, le statut juridique d'une telle entreprise publique étant spécifié par les articles L.321-1 et suivants du code de l'urbanisme. », il ajoute « Nous préférons la création d'un nouvel établissement public d'aménagement, dont les règles de fonctionnement sont connues, plutôt que la création [...] (d')un ovni juridique, à savoir une structure dotée des compétences d'un établissement public d'aménagement, mais sans en avoir la forme ni être soumis aux mêmes règles. ». Derrière ces contestations, ce qui inquiète ce sont les pouvoirs que la loi du 3 juin 2010 veut conférer à la SGP, notamment en matière d'aménagement, sous lesquels se cachent pour certains sénateurs la voie vers la privatisation de l'aménagement et ainsi une manière de légitimer la spéculation foncière dans les quartiers de gare. C'est ce que déplore Eliane Assassi30, sénatrice de Seine-Saint-Denis en disant « [...] que le principal souci de la « Société du Grand Paris sera de permettre le financement de la « double boucle », sa capacité à mener des opérations d'aménagement nous fait craindre la mise en oeuvre d'une spirale spéculative liée à une chenille d'expropriations et d'urbanisation sur le tracé du Grand huit, en dehors de toute réflexion sur la nécessaire maîtrise de l'étalement 27 Jean Desessard est sénateur de Paris entre 2004 et 2017 et membre du groupe écologiste. 28 Sénat, compte rendu intégral séance du 09 avril 2010, JORF 10 avril 2010 ; article 7-V de la loi relative au Grand Paris dont la rédaction est issue. 29 Michel Billout a été sénateur de Seine-et-Marne de 2004 à 2017 et est membre du parti communiste français (PCF). 30 Eliane Assassi est sénatrice de la Seine-Saint-Denis et présidente du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste au sénat. 55 urbain. ». Un autre danger que la sénatrice relève est celui de la privatisation de l'aménagement en IDF car « celle-ci (la SGP) pourra créer des filiales, sans que leurs modalités de création ni leur composition soient définies par ce projet de loi. Elle pourra également déléguer, par voie de convention, sa mission d'aménagement à toute personne publique comme privée [...] Nous considérons, pour notre part, que les questions liées à l'aménagement urbain en Île-de-France sont des questions politiques qui intéressent prioritairement les collectivités locales et leurs élus, représentants démocratiques des Franciliens. ». En effet sous forme d'EPIC, la SGP aura la faculté de créer des filiales qui pourront échapper au code des marchés publics, alors que ce que souhaite une partie des parlementaires, c'est que la SGP soit un établissement public à caractère administratif pouvant déléguer sa maîtrise d'ouvrage aux EPA s'ils existent ou l'exercer directement. Finalement, la dénomination de « société » ne changera pas, soutenue par la majorité disant que cela conférera au Grand Paris un rayonnement international en tant que ville-monde, et les amendements concernant le statut juridique de la SGP ne seront pas retenus. Jean-Pierre Fourcade31, rapporteur de la commission spéciale32 tranchera en répondant que la création d'un EPIC était nécessaire, premièrement pour lancer de grandes opérations d'infrastructure, deuxièmement pour être pivot du financement grâce à sa dotation en capital. Cette conception de la SGP pose donc pour certains la question de sa légitimité démocratique mais également celle du rapport de force entre l'Etat et les collectivités à travers le projet du GPE. b. La Société du Grand Paris, l'ennemi de la décentralisation ? Comme présenté aux sénateurs, le texte de loi de Christian Blanc semble faire de la SGP le bras armé de l'Etat réduisant à néant le pouvoir des collectivités sur des territoires dont ils avaient jusqu'alors le contrôle. Le périmètre sur lequel la SGP peut être aménageur est alors bien plus vaste que ce qu'il est aujourd'hui puisqu'il concerne un périmètre d'environ 1500m2 autour des futurs gares du GPE. Cela s'explique par l'alinéa 2 de l'article 7 du projet de loi Grand Paris, qui définit les « pouvoirs exorbitants » (termes employés par Jean Desessard) qui seraient accordés à la SGP, notamment en matière d'expropriation. 31 Jean-Pierre Fourcade est une personnalité politique française, membre de l'UMP, qui a au moment des débats sur la loi relative au Grand Paris était sénateur des Hauts-de-Seine (1977-2011). 32 Une commission spéciale composée à la proportionnelle des groupes (70 membres à l'Assemblée, 37 au Sénat), peut être créée à l'initiative du Gouvernement ou de chaque assemblée pour l'examen d'un texte particulier. 56 Les parlementaires en opposition à la loi en l'état qui ont vu rejeté l'amendement de suppression de l'article 7 de la loi vont alors tout faire pour conserver des garde-fous par rapport au pouvoir de l'EPIC. Cela passe principalement par la réduction successive son périmètre d'aménagement afin que les collectivités ne se retrouvent pas exclues de l'avenir de leurs territoires en laissant place au seul contrôle de l'Etat par le biais de la SGP. Plusieurs arguments sont avancés : Le premier point évoqué est celui de la gouvernance de la SGP qui ne prend pas assez en compte les représentants des collectivités comme l'explique Michel Billout « [...] en vertu des textes, un établissement public d'aménagement doit compter au sein de son conseil d'administration au moins pour moitié des représentants des collectivités territoriales. Ce n'est pas le cas dans ce projet de loi, où c'est la logique inverse qui prédomine. En effet, dans la Société du Grand Paris, l'État disposerait d'au moins la moitié des sièges au sein du conseil de surveillance. »33. De ce fait, « Le problème qui se pose est celui de la gouvernance de la démocratie locale et de la prise en compte des compétences des collectivités territoriales. » comme le fait remarquer Nicole Borvo Cohen-Seat34, sénatrice de Paris au moment des faits. Elle soulève un second point en posant notamment la question à la majorité des conséquences du passage de la SGP sur les territoires, avec les pouvoirs que le projet de loi lui confère « Comment pouvez-vous dire qu'une société qui aura des pouvoirs exorbitants pendant quarante ans en matière de transport, d'aménagement, de logement, et donc d'urbanisme - toutes compétences qui sont du ressort des collectivités territoriales -, est biodégradable ? Admettez-le, la SGP aura bien la gouvernance. Pourtant, personne ne sait ce qu'elle va devenir, comment elle va évoluer. [...] Mais au cours des quarante prochaines années, c'est directement avec les collectivités territoriales, donc les communes, les départements, la région, que ce problème (de concurrence) se posera. C'est ce que nous refusons I Les relations entre l'État et les collectivités doivent être beaucoup claires. L'État ne doit pas pouvoir leur imposer un aménagement du territoire sur une période aussi longue. ». En effet même si comme le précise l'article 14 de la loi, « L'établissement public « Société du Grand Paris » est dissout après qu'il a épuisé les compétences conférées par le présent titre. » la loi telle que présentée par Christian Blanc est pleine de « dangers » pour les collectivités territoriales qui ne peuvent alors pas évaluer l'impact de la SGP sur la gouvernance de leur 33 Aujourd'hui, le conseil de surveillance est composé de 21 membres dont 11 représentants de l'Etat et 10 élus. 34 Nicole Borvo Cohen-Seat est sénatrice de Paris de 1995 à 2012 et présidente du groupe communiste, républicain et citoyen. 57 territoire et qui s'en méfient l'apparentant à un ennemi de la décentralisation qui ne dit pas son nom. A l'issue des débats, le texte est alors modifié par un amendement de Jean-Pierre Fourcade, précisant que « lorsque les opérations d'aménagement ou de construction interviennent sur le territoire des communes signataires d'un contrat de développement territorial, la SGP ne peut conduire de telles opérations que si ce contrat le prévoit. À défaut, lorsque ces opérations interviennent sur le territoire des communes non signataires d'un contrat de développement territorial, la SGP ne peut intervenir que dans rayon inférieur à 400 mètres autour des gares nouvelles du réseau de transport public du Grand Paris et après avis des communes et établissements publics de coopération intercommunale compétents concernés. » (Sénat, compte rendu intégral séance du 09 avril 2010, JORF 10 avril 2010 ; article 7-V de la loi relative au Grand Paris dont la rédaction est issue). Malgré ce compromis obtenu, lorsque le la loi relative au Grand Paris est promulguée le 3 juin 2010 de nombreuses méfiances persistent à l'égard de la SGP et sont bien résumées par David Assouline, sénateur de Paris, s'adressant au gouvernement : « [...] comme vous ne pouvez pas abolir la démocratie locale et les autres institutions, vous avez créé non pas une structure de plus, mais une société qui, par ses prérogatives dans un certain nombre de domaines - transport, aménagement, foncier -, supplantera la région, les municipalités et le STIF. Effectivement, ce n'est pas un ajout au millefeuille, c'est bien pis ! Lorsqu'on sera d'accord avec cette structure, il n'y aura pas de problèmes ; lorsque ce ne sera pas le cas, elle continuera de toute manière à avancer, en ne recevant d'ordre de personne sinon de l'État, sans s'embarrasser de la démocratie locale. Je connais cette thèse selon laquelle la démocratie nuit à l'efficacité, car les procédures sont lourdes, nécessitent du temps : il faudrait aller vite pour devenir la ville-monde et ne pas se laisser distancer par les grandes métropoles qui, elles, avancent I ». La loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris est l'aboutissement d'un projet d'une vingtaine d'année sur le réseau de transport de la métropole et est le résultat d'un long travail du gouvernement, porté notamment par Christian Blanc et des parlementaires pour faire que le GPE relève tous les défis du Grand Paris à l'avenir en faisant du la capitale une ville-monde. Pour atteindre ces objectifs la loi fait naitre la SGP comme définie à l'article 7, et pour qu'elle mène à bien sa mission de réalisation/conception du réseau de transport, lui attribue les compétences nécessaires à l'exercice de l'aménagement du territoire. Oui la SGP peut aménager, mais dans les limites fixées par la loi c'est-à-dire dans le cadre des CDT ou 58 dans un rayon de 600m2 autour des gares du Grand Paris, et notamment dans le cadre des projets connexes dont elle possède le foncier. Si la définition de ce périmètre à l'article 7 a beaucoup fait débat, c'est parce qu'elle n'est pas anodine et porte un paradigme : donner à l'Etat les moyens de son ambition en permettant à la SGP de se soustraire à la gouvernance locale des territoires et de leurs aménageurs, ou bien garder en place la démocratie locale et renforcer le pouvoir des collectivités territoriales sur le tracé du GPE. Car ce tracé représente un enjeu, celui d'une valorisation foncière sans précédent des futurs quartiers de gare et une explosion des projets urbains dans la métropole parisienne. 59 CHAPITRE 2 : MOBILISER LE FONCIER DU GRAND PARIS : UNE AFFAIRE D'ETAT Il s'avère que le projet du GPE est bien plus qu'un projet de métro en rocade autour de Paris, il porte l'ambition d'unifier et de rééquilibrer les territoires métropolitains au sein du Grand Paris. Cet espoir repose principalement sur la perspective d'une plus-value foncière de l'ensemble des territoires traversés par le GPE, notamment ceux qui en accueilleront une gare, et donc sur l'opportunité de les densifier. Nous devons donc nous interroger sur les enjeux liés à la valorisation foncière autour des gares du GPE et comprendre comment la SGP s'est retrouvée l'une des principales intéressées de la densification dans les quartiers de gare alors que sa mission principale était celle du pilotage du GPE. 1. Les enjeux de valorisation foncière autour des pôles de transport C'est un fait le foncier autour des futures gares du Grand Paris est en pleine mutation, et cela s'inscrit dans une dynamique globale de valorisation foncière à l'échelle de la métropole parisienne. L'augmentation du prix du foncier en première couronne notamment, est en partie liée à l'arrivée du GPE dans des territoires aujourd'hui mal desservis et qui vont gagner en attractivité. Mais plus qu'une conséquence directe de la desserte par le nouveau métro, la valorisation foncière dans le Grand Paris accompagne indispensablement le GPE dans l'objectif de déclencher une croissance sans précédent dans la métropole parisienne (augmentation du nombre de logements, de bureaux, renforcement des territoires économiques etc.). Mais alors quels sont les enjeux de la valorisation foncière à l'arrivée d'une infrastructure de transport en IDF et plus particulièrement autour des futures gares du GPE ? a. Le mécanisme valorisation foncière autour des pôles de transport L'Observatoire régional du foncier (ORF) d'IDF l'affirme : « Les modes de constitution et de diffusion de la création de valeur sont complexes. Ils dépendent de l'infrastructure de transport et du contexte urbain. »35. Cette création de valeur dans le cadre de l'arrivée d'une 35 Observatoire Régional du Foncier en Ile-de-France (ORF). Les enjeux de la valorisation foncière autour des pôles de transport. Rapport de groupe de travail mars 2011. 72 pages. 60 infrastructure de transport importante pour le territoire dépend en effet d'une multitude de facteurs propres à chaque cas : immobilier résidentiel ou d'activités, spéculation stratégique de la part de propriétaires foncier ou de promoteurs, le contexte du marché, les nuisances induites par l'infrastructure de transport elle-même qui peut influer sur le marché etc. Néanmoins la réalisation d'une infrastructure de transport engendre bien souvent une hausse des prix du foncier. Cette hausse se ressent en grande partie sur le périmètre immédiat de la gare nouvellement créée ou renforcée par une nouvelle desserte, c'est-à-dire sur les opérations d'aménagement des quartiers autour des gares « qu'il faudra équiper pour les nouveaux habitants et emplois », comme l'indique le rapport « Les enjeux de la valorisation foncière autour des pôles de transport » de l'ORF. L'enjeu principal finalement de cette valorisation foncière réside dans sa captation, et encore plus pour ceux qui réalisent l'infrastructure de transport. Bien qu'il soit précisé par l'ORF que la captation des plus-values immobilières ne peut à elle seule pas financer les investissements de transport, il faut tout de même considérer ses outils et ses modes de mutualisation comme un complément de financement des projets de transport. Etant donné cet apport marginal de la valorisation foncière, l'ORF préconise même de ne pas l'intégrer au plan de financement mais de la considérer comme un bonus, d'autant plus que « [...] plus le projet de transport est important, plus la part financée par l'aménagement et proportionnellement réduite. ». b. Les outils de captation des plus-values foncières aux abords des infrastructures de transport Face à des investissements de plusieurs milliards d'euros et des contextes budgétaires contraints, l'ORF recommande « d'imaginer différents types de montage d'affectation de la valorisation induite pour financer les infrastructures de transport. ». La difficulté tient du fait qu'il n'existe pas un mode d'appropriation global qui puisse être appliqué à toutes les échelles et à tous les territoires, mais qu'il faille tenir compte de la diversité des contextes pour monter et appliquer le ou les dispositifs de captation des plus-values immobilières adéquats. Finalement la meilleure solution réside dans l'association de différents dispositifs de captation des plus-values immobilières quand elles existent, auprès de différents contributeurs afin d'associer des recettes forfaitaires (ex : participations forfaitaires) et des recettes récurrentes (ex : fiscalité). Les montages financiers doivent s'adapter à l'échelle des projets de transport et d'aménagement. Par exemple pour un projet d'une taille modeste on 61 envisagera des participations dans le cadre des opérations d'aménagement reversées à la maîtrise d'ouvrage de l'infrastructure de transport et dans le cadre de projets à l'échelle d'une ligne nouvelle, d'un prolongement de ligne du métro/tramway ou de création d'une gare structurante, on préconisera un Contrat de Projet Etat-Région, une participation des ZAC aux voieries de desserte/stations/aménagement urbain. Dans son rapport remis en 2011, l'ORF en citant le Grand Paris et l'Arc Express, préconisait alors pour les grands projets à l'échelle de l'agglomération des montages en contrat de partenariat. Bien que complété par différents revenus liés à la captation des plus-values immobilières, l'investissement public initial subventionné par l'Etat et les collectivités reste un signal majeur de la volonté politique de réaliser l'infrastructure de transport et les aménagements autour. Cet investissement public en amont est d'autant plus capital pour la réussite de l'opération que sa débouchée opérationnelle peut intervenir 10 à 15 ans après le démarrage, et pour éviter l'envolée des prix et d'avoir à capter une plus-value potentiellement perdue. Pour la mise en oeuvre et le suivi d'un dispositif de captation foncière adapté, différents points sont essentiels selon l'ORF et son rapport sur les enjeux de la valorisation foncière autour des pôles de transport. Tout d'abord il convient d'observer le territoire et ses mutations foncières et immobilières, pour disposer d'une connaissance partagée du contexte local qui servira au suivi des actions publiques régulatrices, à la mesure de la faisabilité des opérations d'aménagement et à l'évaluation des dispositifs fiscaux sur le foncier. Ce travail d'observation des dynamiques foncières et immobilières du territoire est fondamental et sert de base à la mise en place des outils de gestion de la ville durable. D'autre part il s'agit de prévoir les anticipations spéculatives qui pourraient remettre en cause la faisabilité économique du projet, ou bien des objectifs de mixité et de diversité. Pour cela il faut pouvoir maîtriser les périmètres sujets à la spéculation en les définissant par exemple comme périmètres d'attente en prévision de décision d'aménagement. Toujours dans cette démarche d'anticipation pour garantir la faisabilité des opérations d'aménagement, il est recommandé d'amplifier l'anticipation foncière des Etablissements Publics Fonciers (EPF) sur certains territoires qui doivent y mener des actions foncières ciblées afin de consolider le couple masse critique foncière-modération des prix. Par ailleurs, ne sont pas conseillées les maîtrises d'ouvrage intégrées transport-aménagement jugées peu adaptées car « les objets, les échelles d'intervention, les temporalités et les systèmes de gouvernance politique diffèrent. » (ORF, 2011). Il est en revanche préconisé de mettre en synergie les différentes maîtrises d'ouvrage par des dispositifs de coordination politique et opérationnelle. Les CDT sont notamment préconisés pour permettre de préserver du foncier abordable à proximité des infrastructures. Enfin, l'ORF met l'accent sur l'innovation et recommande de 62 « promouvoir des démarches opérationnelles innovantes adaptées aux territoires en favorisant notamment le recours aux appels à projets. ». Cette démarche permet de définir les faisabilités techniques et financières des opérations en amont et de confronter de manière stimulante des idées pour la conception des quartiers de demain. Ainsi l'ORF établit une sorte de mode d'emploi généraliste de la captation des plus-values foncières générées autour des pôles de transport, mais qu'en est-il pour le cas spécifique des quartiers de gares du Grand Paris ? Quelle est la mesure de la dynamique foncière attendue autour du tracé du GPE et quelle est la stratégie de la SGP pour y prendre part ? 2. La captation des plus-values foncières autour des gares du Grand Paris Express Dans le cas de la métropole du Grand Paris, la création de valeur qui prend pour point de départ l'infrastructure de transport du GPE va se répercuter en premier lieu sur son environnement immédiat, puis à l'échelle des CDT, de la métropole, et en dernier lieu _ par accumulation et juxtaposition de tous les points de départ de valorisation foncière que constituent les 68 gares du Grand Paris _ à la région francilienne entière. Intéressons-nous à la première échelle de cette création de valeur apportée par l'infrastructure de transport qui est celle des gares du GPE, et sa captation par la SGP. 63 a. La connaissance des potentiels fonciers aux abords des gares 14 Gisement foncier sur le tracé du Grand Paris Express - Crédit : SGP Avec l'arrivée du GPE, le potentiel de mutation des territoires du Grand Paris a explosé et d'immenses enjeux attendent les quartiers de gare. Pour prendre la mesure de ces enjeux l'Agence parisienne de l'urbanisme (APUR), la Direction Régionale et Interdépartementale de l'Equipement et de l'Aménagement (DRIEA) d'IDF et la SGP ont réalisé en 2014 un premier Observatoire des quartiers de gare du Grand Paris, concernant la ligne 15 Sud. Cet observatoire qui aborde dans chacun de ses rapports différentes thématiques (les densités, les centralités, le cadre urbain et paysager, les caractéristiques démographiques et sociales des habitants, la mobilité, les espaces publics, les dynamiques de construction et les projets), propose à la fois des monographies de quartiers de gare et des études croisées. Cette double méthode a pour objectif d'apporter les éléments de réponse nécessaires à l'accompagnement des évolutions et mutations engagées par l'arrivée du GPE. C'est donc un outil d'aide décisionnelle pour les collectivités et les acteurs concernés par le Grand Paris. 64 A ce titre, la SGP doit avoir une bonne connaissance des enjeux de la valorisation foncière autour des futures gares du GPE, et ce pour diverses raisons. Dans un premier temps pour anticiper les mesures à mettre en oeuvre pour optimiser les effets des bouleversements structurels et institutionnels de la métropole ; pour mener des actions plus efficaces dans le cadre de « pénurie des ressources publiques et d'attentisme des acteurs privés » comme l'explicite le rapport de l'ORF en 2011 ; puis pour lever les doutes qui se posent sur les impacts de l'infrastructure de transport (augmentation du foncier ? accentuation de la ségrégation spatiale ? renforcement de l'étalement urbain ? etc.) ; et enfin pour répondre aux objectifs de logements fixés par la loi du Grand Paris et par le SDRIF. En 2018, l'Observatoire des quartiers de gare du Grand Paris Express publie une synthèse de ses travaux depuis 2014, date de sa création. Dans son article « Grand Paris Express : les immenses enjeux qui attendent les quartiers de gare »36, Delphine Gerbeau relève les points marquants de cette synthèse, notamment celui du développement urbain dans la métropole. La journaliste met en avant le fait que les quartiers de gares sont déjà en mouvement depuis plusieurs années avec 14,4 millions de m2 autorisés à la construction entre 2000 et 2013 dans les 68 quartiers de gares identifiés. 60% de ces autorisations concernent des surfaces d'activités dont la moitié est destinée à des bureaux, et sont majoritairement concentrées sur les quartiers de gare de La Défense (1,16 millions m2), Saint-Denis-Pleyel et Stade de France (1,2 millions m2), les Grésillons (430 000m2), Massy-Palaiseau (400 000m2), Val-de-Fontenay et Pont de Sèvres (300 000m2 chacun). Les 40% restants des autorisations représentent 3 000 hectares de secteurs de projets urbains dans le périmètre des quartiers de gare mais avec une dynamique de construction de logements beaucoup plus soutenue dans une dizaine de quartiers. Les projets initiés avant l'annonce de GPE se déploient, « l'arrivée du métro ayant alors conforté et amplifié la dynamique préexistante » comme le précise Delphine Gerbeau. On se rend donc compte que la dynamique foncière dans les quartiers de gares n'a pas attendu l'arrivée des gares du GPE pour se manifester, mais qu'elle a été encouragée et portée par l'annonce de cette dernière. Il faut également considérer que c'est aussi les mutations foncières des quartiers initiées il y a quelques années qui ont en partie dicté le 36 GERBEAU Delphine. « Grand Paris Express : les immenses enjeux qui attendent les quartiers des gares »,
LaGazette.fr. [En ligne] (09 janvier
2018). Disponible sur : 65 tracé du GPE et donc l'implantation des futures gares et le développement décuplé des quartiers de gare. En 2014, l'ORF37 prévoyait que sur les 17 gares de la ligne 15 Sud, 12 seraient en mesure de recevoir un projet connexe, représentant au moins 900 logements et 20 000m2 de bureaux. Aujourd'hui on compte 9 projets connexes sur la ligne 15 Sud comptabilisant près 250 000m2 de programmation mixte, dont environ 2 000 logements (comprenant les résidences étudiantes ou jeunes travailleurs) et plus de 30 000m2 de bureaux et espaces de coworking, tout cela sans compter sur les projets connexes encore à l'étude et les projets en développement à proximité immédiate des gares en dehors des projets connexes. Face à cette dynamique foncière dans toute la métropole du Grand Paris et plus particulièrement dans les quartiers de gare, comment la Société du Grand Paris se positionne-t-elle et quels sont ses intérêts ? b. Le positionnement de la Société du Grand Paris face à la dynamique foncière du Grand Paris Si la SGP dispose aujourd'hui des compétences relatives à celles des aménageurs c'est essentiellement parce que l'idée a toujours celle qu'elle puisse s'inscrire dans la dynamique foncière engendrée par le GPE dont elle-même était pilote. Ce parti-pris de la SGP dans l'aménagement urbain reflète toute simplement l'idée, insufflée peu de temps avant la loi Grand Paris, par le cabinet Blanc, que l'aménagement pouvait financer le transport. Cette idée qui a mûrit au sein des concepteurs du GPE s'appuie sur le constat de certaines expériences réussies à l'étranger, où l'ampleur du développement urbain liée à l'arrivée d'une infrastructure de transport était telle qu'elle a permis d'en contrebalancer le coût. En 2014 l'ORF revient sur le sujet du foncier autour des pôles de transport cette fois-ci spécifiquement autour du GPE en constituant un nouveau groupe de travail sur le thème « Le foncier du Grand Paris comment le mobiliser ? ». Cette réflexion collective est partie d'une question : quel accompagnement du foncier mettre en place pour optimiser les effets urbains d'un projet de transport aussi exceptionnel que celui du GPE ? Il ressort de ce groupe de travail des recommandations se recoupant avec celles émises en 2011 à l'occasion du groupe de travail sur « Les enjeux de la valorisation foncière autour des pôles de transport ». Dans les 37 Observatoire Régional du Foncier en Ile-de-France (ORF). Le foncier du Grand Paris : comment le mobiliser ? Rapport de groupe de travail, juin 2014. 56 pages. mesures et les dispositifs accompagnant la création de la SGP, certaines recommandations ont été suivies et sont visibles : la création des CDT comme contrats de montage en partenariat, la mise en place de l'Observatoire des quartiers de gares du GPE pour « disposer d'une connaissance partagée du contexte local » (ORF, 2011), ou bien la mise en place de taxes et participations sur les projets urbains induits par le GPE. Cette volonté de tirer parti du développement urbain autour des futures gares du GPE transparait de différentes manières dans la loi Grand Paris. Premièrement, il s'agit de permettre à la SGP de capter les plus-values foncières générées par le GPE sur les territoires traversés par le biais de taxes ou participations imposées sur les opérations d'aménagement bénéficiant du nouveau réseau de transport. L'article 10 de la loi relative au Grand Paris complète le code général des impôts en instituant une taxe forfaitaire sur le produit de certaines valorisations immobilières de la région IDF38. Cette taxe est instituée sur « le produit de la valorisation des terrains nus et immeubles bâtis résultants, sur le territoire de la région d'Ile-de-France, des projets d'infrastructures du réseau de transport public du Grand Paris [...] », et est « affectée au budget de l'établissement public « Société du Grand Paris ». Cette « taxe s'applique aux cessions à titre onéreux des terrains nus et des immeubles bâtis, ainsi qu'aux droits relatifs à ces biens, et aux cessions de participations dans des personnes morales à prépondérance immobilière [...] représentatives de ces immeubles qui figurent dans un périmètre arrêté par l'Etat ou, lorsque la taxe est instituée sur délibération du conseil régional [...]. Ce périmètre ne peut s'éloigner de plus de 800 mètres d'une entrée de gare de voyageurs prévue pour le projet d'infrastructure au titre duquel la taxe a été instituée. ». Ainsi, en instituant la taxe forfaitaire sur le produit des valorisations foncières, l'article 10 amorce la mise en oeuvre de cette relation particulière d'interdépendance entre aménagement et transport dans le cadre du GPE et de la métropole : tout ce qui bénéficie du réseau de transport devra d'une manière ou d'une autre participer à son financement. L'article 13 de la loi relative au Grand Paris vient compléter les moyens du financement du réseau de transport par l'aménagement, comme le cite Benoît Labat en prévoyant « qu'une gare réalisée dans une ZAC créée par un Etablissement Public d'Aménagement donne lieu à une contribution de l'EPA pour la réalisation de la gare », ce qui parait logique » ajoute-t-il. « Une participation est mise à charge des établissements publics d'aménagement [...] dont les opérations d'aménagement et de constructions bénéficient de la desserte assurée par la 66 38 Chapitre 5 du titre III de la deuxième partie du libre 1er du code général des impôts. 67 réalisation des infrastructures du réseau de transport public du Grand Paris. Cette participation est fonction des opérations réalisées et elle est versée à l'établissement public « Société du Grand Paris » ». Enfin, l'article 7 de la loi Grand Paris impose à la SGP une dévolution de son patrimoine et indirectement lui permet de valoriser son foncier en le cédant, notamment au profit de la réalisation des projets connexes. L'une des principales difficultés à la mobilisation du foncier du Grand Paris autour des gares tient du fait que peu d'opérateurs ont une capacité financière suffisante et la compétence juridique nécessaire pour combiner portage foncier sur le long terme et réalisation de l'aménagement. Cette idée vient compléter la recommandation du premier rapport de l'ORF en 2011, disant qu'il n'était pas conseillé d'avoir une maîtrise d'ouvrage unique pour l'aménagement et le transport. C'est pourtant ce que la SGP a tenté de faire : « L'idée initiale était de permettre à la SGP de récupérer la valorisation immobilière produite par le réseau et ses nouvelles gares. Ce dispositif ne prenait pas en compte le temps de l'aménagement, beaucoup plus long que celui de la construction d'une infrastructure de transport : les effets de la valorisation ne se feraient ressentir qu'à long terme. Aussi le dispositif de récupération des plus-values foncières initialement prévu a-t-il été abrogé par la loi de finances six mois plus tard. Les compétences d'aménagement confiées à la SGP ont été maintenues mais leurs modalités d'application restent complexes. » (ORF, 2014). Le tracé du GPE représente donc bien un enjeu majeur pour le territoire métropolitain : celui d'une valorisation foncière sans précédent des futurs quartiers de gare et une explosion des projets urbains dans le Grand Paris. La bonne connaissance du mécanisme de valorisation foncière autour des pôles de transport et des outils nécessaires à sa captation est indispensable à tous les acteurs de l'aménagement, et notamment aux collectivités et établissements publics dans leur objectif d'optimisation du développement du futur territoire grand-parisien. La SGP, dans l'intérêt du déploiement de son nouveau réseau de métro, a été conçue pour prendre part à cette dynamique foncière du Grand Paris _ dotée des compétences d'un aménageur _ avec l'idée initiale que l'aménagement aurait pu financer le transport. Pour autant, et comme l'indiquait l'ORF dans son dernier rapport, « les modalités d'application des compétences d'aménagement confiées à la SGP sont complexes ». Alors qu'en est-il réellement de la SGP en tant qu'aménageur, de ses champs d'application et plus particulièrement des projets connexes ? 68 CHAPITRE 3 : L'AMENAGEMENT POUR FINANCER LE TRANSPORT : LA SOLUTION DES PROJETS CONNEXES ? 1. Les limites de la captation foncière dans les quartiers de gare par la Société du Grand Paris a. Les idéaux de la loi Grand Paris difficilement atteignables Dans l'idée où l'aménagement métropolitain propulsé par le réseau de transport du GPE devait être un levier financier pour participer à la réalisation de ce dernier, la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris a prévu à différents niveaux, d'en affecter les ressources au budget de la SGP. Le dispositif initial de la loi basé sur la récupération des plus-values immobilières issues de la valorisation du foncier du Grand Paris ne prenait pas en compte en compte le temps de l'aménagement, bien plus long que celui de la réalisation de l'infrastructure de transport, aussi « [...] a-t-il été abrogé par la loi de finances six mois plus tard. » (ORF, 2014). Le législateur a tout de même maintenu les compétences d'aménageurs confiées à la SGP, qui s'appliquent de manière complexe. Le dispositif de récupération des plus-values foncières consiste aujourd'hui : en premier lieu, en l'article 10 de la loi instituant une taxe forfaitaire sur le produit de certaines valorisations immobilières de la région IDF, dans un périmètre de 800 mètres d'une entrée de gare de voyageurs ; et en second lieu, en l'article 13 prévoyant une participation des aménageurs de ZAC bénéficiant de la future desserte par le GPE, envers la SGP. Le fait est de constater que ces mesures ne sont pas appliquées aujourd'hui, et ce pour diverses raisons. Comme l'explique Nicolas Ferrand, ex directeur général des Etablissements publics d'aménagement de Marne-la-Vallée, le dispositif de récupération foncière dans la loi Grand Paris n'est pas adapté à tous les territoires, et ne peut pas fonctionner systématiquement. En prenant l'exemple de la participation des aménageurs de ZAC à l'infrastructure de transport, on se rend compte que cela « [...] ne se fait pas du tout car les opérations d'aménagement sont toutes déficitaires [...] ». Comme le précise aussi Nicolas Ferrand, « [...] la SGP fait son réseau de transport dans un tissu urbain déjà construit [...]. Tous les bâtiments appartenant à des propriétaires privés qui entrent dans une opération de reconfiguration suivent le même schéma, ils sont rachetés au prix des bâtiments construits et 69 démolis par les aménageurs. L'aménageur va revendre derrière des terrains nus avec ce que l'on appelle des droits à construire c'est-à-dire au prix des charges foncières. ». La concurrence entre les territoires et la réalité du marché font que les aménageurs ne peuvent pas toujours obtenir des promoteurs les charges foncières escomptées pour équilibrer leur bilan d'aménagement. Ce faisant, ce sont les collectivités qui sont amenées à payer le déficit des opérations d'aménagement, et dans ces conditions-là il semble très difficile pour les aménageurs de reverser quelques participations que ce soient à la SGP. L'idée de capter les plus-values foncières des opérations d'aménagement autour des gares, via des taxes ou participations des aménageurs ne s'est donc pas avérée la bonne solution pour financer le transport par l'aménagement. « On a essayé de contourner la chose en disant que la SGP pouvait être aménageur, non seulement qu'elle faisait l'infrastructure mais qu'en tenant l'aménagement elle pouvait récupérer une partie des plus-values sans être propriétaire mais en étant à la charnière de cette création de valeur par l'aménagement urbain, la création de droits à construire. Il y avait déjà un certain nombre d'autres acteurs en place, notamment les SEM et les EPA, déjà sur ces positions d'aménagement et bien connus et bien implantés dans le jeu d'acteurs local, et en fait la SGP n'a pas réussi à faire son trou. » (Nicolas Ferrand). C'est aussi le constat fait par Benoit Labat : la SGP n'est « aménageur nulle part » et on peut donc dire que l'article 7 de la loi Grand Paris par laquelle le législateur attribue à la SGP les compétences qui sont celles des aménageurs n'a pas eu la portée escomptée. Pour autant il reste à la SGP la maîtrise d'ouvrage des projets connexe dont elle possède l'assiette foncière. b. Les projets connexes, dernier levier d'action pour la Société du Grand Paris Pour rappel l'article 7 de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris habilite la SGP à conduire des opérations d'aménagement ou de construction _ en exerçant les compétences reconnues aux EPA _ dans le périmètre autour des gares prévus par les CDT, ou bien, dans un rayon inférieur à 600m autour des gares lorsque les communes non signataires d'un CDT en font expressément la demande. Pour autant aujourd'hui, pour diverses raisons, la SGP n'a pas endossé pleinement ce rôle d'aménageur, et « Dans les faits, les projets connexes sont [...] les seules opérations où la SGP peut être aménageur. [...] Oui on peut dire que la SGP est aménageur d'une certaine manière, sur ses emprises mais qui représentent des tout petits projets à l'échelle de la ville. » (Nicolas Ferrand). 70 Outre le fait qu'intervenir en tant que nouvel aménageur dans un paysage institutionnel et opérationnel déjà constitué et concurrentiel des acteurs de l'aménagement, qui est celui de la métropole du Grand Paris, n'est pas chose aisée, la SGP manque de ressources propres. Ce nouvel établissement public doit avant toute chose, consacrer l'essentiel de ces moyens humains et financiers à sa mission principale qui est celle de la construction du réseau du GPE, et qui est déjà une mission d'une ampleur sans égale. « Dès lors, ses interventions en aménagement vont consister pour l'essentiel, à construire sur le foncier acquis pour réaliser les gares et les bases chantier : les opérations connexes. » (ORF, 2014). Comme évoqué précédemment, le projet connexe est une opération de construction développée sur la parcelle de la gare, conçue et mise en oeuvre simultanément à la réalisation de celle-ci. Superposée, mitoyenne, associée, ou bien composite, l'opération connexe fait interagir la SGP, propriétaire de la parcelle et maître d'ouvrage de la gare, avec un opérateur privé qui sera lui maître du projet connexe, et avec la ville d'accueil de la gare. La réalisation du projet connexe est le résultat d'une cession foncière des parcelles de la SGP à un promoteur la plupart du temps, justifiée par la nécessité urbaine de valoriser les emprises résiduelles suite à la réalisation du métro pour concevoir la gare vectrice d'urbanité, intégrée et inclusive. Les projets connexes sont donc pour la SGP le principal et unique champ d'application de ses compétences d'aménageur, présents sur environ la moitié des pôles-gares de la ligne 15 Sud, à l'image de ce qui est envisagé sur l'ensemble du réseau du GPE. En termes de m2 réalisés nous sommes loin de pouvoir considérer que la loi Grand Paris a ouvert la voie de l'aménagement à la SGP. Les projets connexes sur lesquels la SGP garde la main mise, représentent bien un levier pour générer des plus-values financières, mais que représentent les rentes des projets connexes face au coût de l'infrastructure de transport du GPE ? Sont-elles de nature à influencer l'équilibre économique des projets de gares et donc à permettre à l'aménagement de financer le transport ? 71 2. Quel soutien apportent réellement les projets connexes aux projets gare ? a. Le financement du Grand Paris Express Début janvier 2018, et à la demande de Gilles Carrez39, la Cour des Comptes rendait son rapport pour dresser « un premier bilan de la mise en place de la SGP [...] des conditions de pilotage du GPE et de la soutenabilité financière de la société. »40. Il ressort de ce rapport trois sujets d'observations principaux : la soutenabilité du projet, la gouvernance de la SGP et les coûts. Des coûts qui ont largement été revus à la hausse par la Cour des comptes, dont l'annonce a défrayé la chronique. En octobre 2017 Philippe Yvin, président du directoire de la SGP annonçait : « Le coût du Grand Paris Express se situera entre 28 et 35 milliards d'euros »41. Aujourd'hui en 2018, ces coûts ont encore augmenté comme le souligne Julie Snasli : « Par rapport aux estimations des coûts prévisionnels effectuées en mars 2013, le dérapage global atteint aujourd'hui 13 milliards d'euros, passant de 25,5 milliards d'euros à 38,5 milliards d'euros. ». Mais quels sont alors les moyens de financements dont dispose la SGP pour parvenir à absorber ces sommes ? Le financement du projet est global comme le souligne la SGP « la totalité du GPE, mais également les contributions aux autres projets financés par la SGP, font ainsi caisse commune au sein d'un dispositif de financement unique. ». Ce financement est garanti par l'Etat sur le long terme par des ressources affectées à la SGP, ainsi que par des subventions de l'Union Européenne : la SGP perçoit trois taxes notamment la taxe spéciale Grand Paris, redevable par les contribuables franciliens depuis 2011. Ces recettes représentent plus de 500 millions d'euros par an et tendent à augmenter au moyen et long terme. De plus, le financement du nouveau métro, identifié comme investissement d'avenir pour les prochaines générations, « [...] est étalé dans le temps grâce à la souscription d'emprunts qui seront amortis sur plusieurs décennies. » souligne la SGP. Des emprunts à long terme à la Banque Européenne d'Investissement (BEI) et à la Caisse des dépôts ont en effet été conclus par la SGP. « Enfin, en phase d'exploitation du réseau, la Société du Grand Paris pourra compter sur 39 Gilles Carrez, homme politique français républicain député de la cinquième circonscription du Val-de-Marne depuis 1993, occupe depuis 2012 la fonction de président de la Commission des Finances à l'Assemblée nationale ainsi que la fonction de vice-président de la Métropole du Grand Paris depuis 2016. 40 SNASLI Julie. « Dérapages financiers, délais insoutenables : le rapport accablant de la Cour des Comptes sur la Société du Grand Paris », Innovapresse groupe. [En ligne]. (17 janvier 2018). 41 YVIN Philippe. « Le coût du Grand Paris Express se situera entre 28 et 35 milliards d'euros » propos recueillis par ARMAND César pour La Tribune. [en ligne]. (06 octobre 2017). 72 des recettes complémentaires, tirées notamment de l'exploitation commerciale des gares (publicité, commerces, etc.) et de redevances d'usage de son réseau (péages). » (SGP). Pour autant toutes ces ressources ne semblent pas suffisantes, en effet début 2018 Gilles Carrez se voyait confier par le gouvernement la mission « d'identifier de nouvelles recettes permettant de faire face à la révision du coût du projet. ». Tout le monde tend à le dire, les coûts de réalisation du nouveau super métro ont dérapé, pour diverses raisons dues aux aléas techniques rencontrés ou à la gouvernance du projet ; et les sources de financement ne sont pas infinies. Si comme énoncé précédemment, les projets connexes étaient les dernières opérations d'aménagement sur lesquelles la SGP avaient la maîtrise foncière, nous pouvons dès lors nous interroger sur la capacité de ces projets à être un levier de financement à l'échelle du coût du GPE. Les bénéfices qui seront dégagés par les projets connexes-sont-ils de nature à être considérés comme des recettes dans l'équilibre financier du projet du GPE ? b. Un projet connexe financièrement ? Ce que Benoît Labat tient à rappeler c'est que les opérations connexes se faisant dans le cadre de la mission d'aménagement confiée à la SGP, elles ne peuvent être conçues qu'équilibrées : « Nos dépenses d'aménageur doivent être couvertes par les recettes des ventes de lots fonciers sur nos opérations d'aménagement. », des opérations connexes qui ne seraient pas économiquement équilibrées seraient rejetées par le directoire de la SGP. Ce qui revient souvent dans les mots de la SGP c'est le manque de moyens en tant qu'aménageur et de ce fait, le manque de moyen à réaliser les projets connexes, dès lors atteindre l'équilibre dans ces opérations est primordial. « On peut mettre un peu de trésorerie pour quelques surcoûts au départ, mais les recettes envisagées lors de la vente au titre de l'acte authentique, du volume et des emprises, devront couvrir les dépenses engagées. » (Benoît Labat). L'équilibre des opérations connexes aux gares « est rendu possible par l'affectation des coûts fonciers à la seule réalisation du réseau de transport. Seuls les surcoûts de construction de la gare nécessaires pour supporter les constructions connexes viennent en dépenses du bilan de l'opération de construction. » précise l'ORF dans son rapport en 2014, ajoutant que ces surcoûts pourront être dans la plupart des cas compensés par les ventes de charges foncières du programme immobilier du projet connexe. Dans cette configuration, la préoccupation principale de la SGP dans la mise en oeuvre des projets connexes est que ses dépenses d'aménageurs soient couvertes par les recettes des ventes de lots fonciers sur les opérations d'aménagement. Comment cela se traduit-il concrètement dans les processus de vente de charge foncière des projets connexes ? Le critère de choix principal d'un candidat dans les consultations de charge foncière pour la réalisation des projets connexes est donc son offre financière avec la prise en compte de deux risques principaux qui sont les surcoûts techniques et la fiscalité. Benoît Labat souligne que « dès lors que nous (la SGP) atteignons l'équilibre, nous nous fonderons sur des critères de qualité du projet, de programmation et surtout sur la sécurisation de nos choix techniques ». La consultation de charge foncière comporte une variable de coût modeste, la SGP reste à l'écoute des offres financières tout en gardant à vue la somme minimale dont elle a besoin pour ne pas perdre d'argent, les bénéfices sur ces opérations ne sont pas son cheval de bataille. Quand bien même, dans le cas où les projets connexes génèrent des profits, que représentent-ils concrètement ? Ioannis Valougeorgis, directeur délégué à l'aménagement à la SGP, répond sur ce point : « L'aspect financier pour la SGP tout en étant important, n'est vraiment pas à l'échelle du coût de construction de l'infrastructure, une gare coûte environ 100 millions d'euros. », alors qu'un projet de valorisation comme Créteil l'Echat _ un des plus gros projets connexes de la ligne 15 Sud avec 22 000m2 mixtes créés sur une emprise mitoyenne à la gare de 9 000m2 _ ne rapporte que deux à trois millions d'euros. Non seulement les plus-values apportées par les projets connexes ne sont pas en mesure de supporter considérablement les projets gares, mais elles le sont encore moins pour avoir un impact sur les environ 35 milliards d'euros de coûts du GPE assumés par la SGP. Les ventes de charges foncières générées par les projets connexes ne sont pas une ressource sur laquelle compte la SGP, ni pour contrebalancer le coût des gares, ni celui du réseau de transports du métro. Si l'on prend quelques ratios, on voit que sur les projets les plus importants en surface, la vente de charges foncières ne représente qu'environ 3% du coût d'une gare42. A l'échelle des environ 38 milliards d'euros du coût du GPE, les recettes générées par tous les projets connexes de la ligne 15 Sud ne représenteraient que 0,07%. Les projets connexes ne sont donc pas en mesure de faire pencher significativement la balance des coûts et des recettes de la réalisation du GPE. Après cette analyse, il semble très ambitieux de dire que les projets connexes seraient une solution pour faire que l'aménagement finance le transport. 73 42 Calculs basés sur les moyennes des projets connexes de la ligne 15 Sud. 74 |
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