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La protection des interets des actionnaires minoritaires dans les societes mixtes cas de la societe sucriere de Moso (SOSUMO)


par Jean Claude BIZIMANA
Université Lumière de Bujumbura - Master 2021
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE LUMIERE DE BUJUMBURA

MASTER EN DROIT DES AFFAIRES

Par :

LA PROTECTION DES INTERETS DES ACTIONNAIRES DANS LES SOCIETES MIXTES : CAS DE LA SOCIETE SUCRIERE DU MOSO (SOSUMO)

Jean Claude BIZIMANA

Sous la Direction de :

Prof. Anaclet NZOHABONAYO Mémoire présenté et soutenu

publiquement en vue de l'obtention du

grade de Master en Droit des Affaires

Bujumbura, Octobre 2021

DEDICACE

A mon regretté père, Antoine BIZIMANA ;

A ma regrettée mère, Domitille NTAKARUTIMANA ; Pour m'avoir donné le goût des études.

A mon épouse Jeanne Marie Huguette NTACONAYIGIZE ;

A Mes enfants Anny Ginette AKIMANA, Danny Altesse IGIRANEZA, Annie Liéna ISHIMWE et Danny Carla ITERITEKA,

Que ce travail soit pour elles une source d'inspiration !

II

REMERCIEMENTS

Aux termes de ce travail, je voudrais sincèrement adresser mes remerciements à mon Directeur de Mémoire, le Professeur Associé Anaclet NZOHABONAYO. En plus de ses qualités scientifiques, j'aimerais souligner particulièrement ses qualités humaines et sa disponibilité. Ses remarques pertinentes et constructives se sont révélées déterminantes.

Monsieur le Professeur, veuillez trouver ici l'expression de ma profonde gratitude.

Mes remerciements s'adressent également au personnel de l'Université Lumière de Bujumbura, qui a rendu des plus agréables mon passage au sein de cette Institution.

Mes sincères remerciements au Dr. Gervais MUBERANKIKO, ainsi qu'à Messieurs Clément NKURIKIYE et Papien RUHOTORA pour leur soutien tout au long de l'élaboration de ce travail.

Je tiens également à remercier le personnel de la Brigade Spéciale Anti-Corruption, spécialement Mesdames Rose NIZISHEMEYE et Sylvie KWIZERA ainsi que Monsieur Eric KAYANZARI, pour leur appui technique.

Mes remerciements vont aussi à mes soeurs et frères, neveux et nièces pour leur soutien et pour l'amour qu'ils ne cessent de manifester envers ma personne.

Mention spéciale aux étudiants du 5ème et 6ème promotions du programme de Master en Droit des Affaires qui n'ont cessé de me faire bénéficier de leur sens social et de leur soutien.

A toutes les personnes qui, de près ou de loin, m'ont moralement, intellectuellement ou matériellement soutenu au cours de la réalisation de ce travail, je dis : Merci !

III

TABLE DES MATIERES

DEDICACE

REMERCIEMENTS ii

SIGGLES ET ABBREVIATIONS vii

INTRODUCTION GENERALE 1

CHAPITRE PRELIMINAIRE : CADRE CONTEXTUEL 7

Section 1 : Le concept de société mixte 7

Paragraphe 1 : Définition de la société mixte 7

Paragraphe 2 : Historique et fondements de la naissance des sociétés mixtes 9

A. Historique des sociétés mixtes 10

B. Fondement de la naissance des sociétés mixtes 11

Section 2 : Présentation de la SOSUMO 12

Paragraphe 1 : Forme juridique de la SOSUMO 12

Paragraphe 2 : L'actionnariat de la SOSUMO 13

Paragraphe 3 : Les organes de fonctionnement de la SOSUMO 15

A. L'organe délibérant : L'Assemblée générale 15

B. L'organe d'administration : Le Conseil d'administration 16

C. Organe de gestion de la SOSUMO : la Direction Générale 19

D. Les organes de contrôle de la SOSUMO 20

CHAPITRE II : LA PROTECTION GENERALE DES ACTIONNAIRES 23

Section 1 : La participation à la prise des décisions sociales 23

Paragraphe 1. Le droit à l'information et à la participation au vote 24

A. Le Droit des actionnaires à l'information 24

A.1. Les fondements du droit à l'information 24

A.2. Les moyens d'exercice du droit à l'information 27

A.2.1. Consultation des documents sociaux 27

A.2.2. Droit de poser des questions 29

B. Le droit au vote, essentielle prérogative des actionnaires 30

B.1. Le principe du droit de vote 30

B.2. Droit de participer à la prise des décisions collectives 35

Paragraphe 2 : La prévention des crises de gestion 39

iv

A. Procédure d'alerte comme moyen préventif des crises de gestion 39

A.1. Notion d'alerte 40

A.2. Procédure d'Alerte 41

B. L'administrateur provisoire pour régler les conflits sociaux 42

B.1. La notion d'administrateur provisoire 43

B.2. Nomination d'un administrateur provisoire 47

Section 2 : Les droits financiers des actionnaires 49

Paragraphe 1. Le droit aux dividendes 49

A. Les dividendes 51

A.1.Notion de dividendes 51

A.2. Fondement de la distribution des dividendes 52

B. La distribution de dividendes fictifs 55

B.1. Notion de dividendes fictifs 56

B.2. Les éléments constitutifs de l'infraction de distribution de dividendes fictifs 58

Section 2 : Droit aux réserves et au boni de liquidation 61

Paragraphe 1 : Droit aux réserves 61

A. La notion de réserves 61

A.1. Source de l'obligation de constitution des réserves 61

A.2. Destination des fonds de réserves 62

Section 2 : Le droit des actionnaires au boni de liquidation 64

Paragraphe 1. La notion de boni de liquidation et les modalités de sa distribution 64

A. Notion du boni de liquidation 64

A.1. Définition du boni de liquidation 64

A.2. Distribution du boni de liquidation 65

Paragraphe 2 : Le liquidateur comme arbitre dans les intérêts des actionnaires 66

A. Le liquidateur et son mode de nomination 67

A.1. La notion de liquidateur 67

A.2. Nomination du liquidateur 67

B. L'intervention du juge dans la nomination du liquidateur 69

B.1. Une nomination qui doit être distinguée de celle d'un liquidateur judiciaire 69

B.2. La désignation du liquidateur par le juge, un acte préventif de la paralysie de la

société 69

Paragraphe 2 : La mission du liquidateur 70

A.

V

La mission du liquidateur « amiable» 70

B. La mission du liquidateur d'une société en liquidation judiciaire 71

B.1. Le dessaisissement du débiteur 72

B.2. Responsabilité pénale du liquidateur 72

CHAPITRE III : LA PROTECTION DES ACTIONNAIRES MINORITAIRES 75

Section 1 : La protection contre l'abus de majorité 76

Paragraphe 1 : Notion d'abus de majorité 76

A. Définition de l'abus de majorité 77

A.1. Définition légale de l'abus de majorité 77

A.2. Définitions doctrinale et jurisprudentielle de l'abus de majorité 78

B. Intérêt social comme élément de qualification de l'abus de majorité 80

B.1. Intérêt social comme intérêt des associés en général et de la société en

particulier 80

B.2. Intérêt social et objet social : Deux notions clés pour le fonctionnement de la

société 82

Paragraphe 2 : Sanctions de l'abus de majorité 83

A. L'action en abus de majorité 83

A.1. Action contre les décisions en rapport avec l'affectation des réserves 83

A.2. L'action en abus de majorité contre l'augmentation des avantages pécuniaires

du dirigeant majoritaire 85

B. Les effets de l'action en abus de majorité 87

B.1. Annulation de la décision constitutive de l'abus 87

B.2. Réparation du préjudice aux actionnaires minoritaires 88

Section 2 : Les recours procéduraux contre l'abus de majorité 90

Paragraphe 1. L'expertise de gestion 90

A. Le fondement de l'expertise de gestion 91

A.1. Nomination d'un expert de gestion et sa portée 95

Paragraphe 2 : la procédure d'alerte par les associés minoritaires 98

A. Le fondement de la procédure d'alerte par les actionnaires minoritaires 98

A.1. Le droit des actionnaires minoritaire de déclencher l'alerte 98

A.2. Limites au droit d'alerte 99

B. Les Effets de l'alerte sur la gestion de la société 101

B.1. vi

L'alerte, une procédure renforçant la confiance dans les organes de la société

101

B.2. Le droit d'alerte des actionnaires minoritaires : une garantie pour les

investisseurs 102

CONCLUSION GENERALE 104

BIBLIOGRAPHIE 107

I. TEXTES LEGISLATIFS ET REGLEMENTAIRES 107

II. OUVRAGES 107

III. BULLETINS, PERIODIQUES ET REVUES 109

IV. THESES ET MEMOIRES 110

V. RAPPORTS D'AUDIT ET AUTRES DOCUMENTS 112

VI. SITES INTERNET 112

ANNEXE 114

vii

SIGLES ET ABREVIATIONS

Aff. : Affaire

Al. : Alinéa

Art. : Article

AUSCGIE : Acte Uniforme relatif aux Sociétés Commerciales et au Groupement d'Intérêt Economique

B.D.E : Bulletin de Droit Economique

B.O.B : Bulletin Officiel du Burundi

Bull. : Bulletin

CA. : Cour d'Appel

Cass. : Cour de Cassation

C. civil. : Code Civil

Ch. : Chambre

Ch.réun : Chambre Réunies

Cf : Confère

Civ. : Chambre Civile

Coll. : Collection

Com. : Chambre Commerciale

c/ : Contre

Gaz. Pal. : Gazette du Palais

D. : Dalloz

DAO : Dossier d'Appel d'Offres

Doctr. : Doctrine

Ed. : Edition

VIII

ERSUMA : Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature

JCP : Jurisclasseur périodique

J.O : Journal Officiel

Ibidem : Même référence, au même endroit

Idem : Même auteur, la même chose

In : Dans

LITEC : Librairie Technique

LGDJ : Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence

n° : Numéro.

P : Page

P.U.A.M : Presse Universitaire d'Aix-Marseille

P.U.F : Presse Universitaire de France

Obs. : Observations

OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Economique
OHADA. : Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires

op. cit. : opere citato, (dans l'ouvrage citée)

Ref. : Référence

Rev. : Revue

RJDA : Revue Juridique de Droit Administratif

RTD. : Revue Trimestrielle de Droit

S. : Sirey

s. : Suivant

s.a : Société Anonyme

ix

SARL : Société à Responsabilité Limitée

SCEP : Service Chargé des Entreprises Publiques

s/dir : Sous la direction de

s.m : Société mixte

Soc. : Chambre Sociale

S.P.R.L : Société de Personnes à Responsabilité Limitée

SONACOP : Société Nationale de Commercialisation des Produits Pétroliers SOSUMO : Société Sucrière du Moso

t. : Tome

Trib. : Tribunal

UEMOA : Union Economique et Monétaire de l'Afrique de l'Ouest

Vol. : Volume

1

INTRODUCTION GENERALE

Tout au long de son existence, l'homme dépense toutes les énergies dont la nature l'a doté pour travailler aux fins d'améliorer ses conditions de vie. C'est la raison pour laquelle toutes les activités qu'il entreprend ont pour objet non seulement de lui procurer des revenus indispensables à sa survie existentielle, mais également de contribuer au développement du pays. Cet effort individuel permanent est soutenu par l'action des pouvoirs publics qui encourage l'entrepreneuriat. C'est dans cette logique que le législateur burundais a créé des conditions permettant à toute personne physique ou morale d'entreprendre une activité commerciale de son choix, à condition de se conformer aux dispositions légales et réglementaires1.

Pour une meilleure protection des hommes d'affaires, le législateur burundais, à l'instar des autres législateurs, encourage ces derniers à s'organiser en sociétés commerciales, en mettant en place une réglementation appropriée.

Les sociétés commerciales sont à l'abri de certaines contraintes inhérentes à la nature humaine telle que la maladie, les sentiments ou toute autre forme de subjectivité.Comme, elle détermine elle-même sa durée de vie, la personne morale accède, dès sa création, à la pleine capacité juridique.2Une personne morale est en règle générale plus armée et plus outillée qu'une personne physique. Aussi, la société étant constituée par un certain nombre d'actionnaires, permet-elle de réunir des moyens beaucoup plus importants.

Ensuite, le transfert d'une société est plus facile à assurer lorsqu'elle est exploitée sous forme collective, par exemple en cas de décès, ou tout simplement lorsque les instances dirigeantes, proches de la retraite, souhaitent « passer la main» à leurs enfants ou à de tiers preneurs.3 Ici une certaine pérennité est garantie, car la société est déconnectée des individus qui la composent.

C'est pour assurer la sauvegarde des avantages procurés par les sociétés que le législateur burundais a réglementé leur création, leur mode de fonctionnement ainsi que leur mode de

1 Article 2 de la loi n° 1/01 du 16 janvier 2015 portant révision de la loi n° 1/07 du 26 avril portant code de commerce

2 Daphnée Principiano, Droit commercial : droit des sociétés, https : www.operavenir.com, consulté le 11/09/2019 à 16h00

3 Phillipe Merle avec la collaboration de Anne Fauchon, Droit commercial, Sociétés commerciales, 21ème éd., Paris, Dalloz, 2017/2018, p.5

2

gestion, afin de protéger les intérêts des créanciers en général et des actionnaires en particulier.

Ainsi, en son article premier, le Code des Sociétés Privées et à Participation Publique (CSP&PP) détermine le mode de création d'une société en disposant : « La Société est créée par un contrat réunissant deux ou plusieurs personnes qui conviennent de mettre en commun une partie de leurs biens et de leur industrie pour exercer une ou plusieurs activités déterminées, en vue de partager les bénéfices ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter.

Les Actionnaires s'engagent également à contribuer aux pertes. 4»

Plus loin cependant, ce même texte précise qu'une société peut être créée par une seule personne au moyen d'un acte juridique unilatéral.5

Il convient également de souligner que la constitution d'une société requière la réunion de trois autres conditions spécifiques.6 La première est relative aux apports. Ceux-ci donnent droit à une quote-part du bénéfice distribuable, proportionnelle au montant de l'apport dans la constitution du capital social.7

La deuxième condition concerne la participation aux pertes. Cette condition constitue l'essence même de la création de la société et la distingue en particulier d'une simple association.

A ces deux conditions, s'ajoute l'affectio societatis qui implique non seulement un esprit de collaboration, mais aussi le droit qu'a chaque actionnaire d'exercer un contrôle sur les actes des personnes chargées d'administrer la société.8

Elle traduit aussi la volonté des actionnaires de coopérer, sur un pied d'égalité, pour assurer le succès de l'entreprise commune.

L'affectio societatis donne donc à chaque actionnaire le droit de participer à la gestion de l'entreprise sociale en prenant part aux décisions collectives.9Il faut néanmoins souligner que

4 Article 1 du CSP&PP.

5 Art 270 CSP&PP

6 Moussa SAMB, Bulletin de droit économique ; la Réforme du droit des sociétés de l'OHADA : aspects généraux et droit transitoire. Université de Laval, (2014) 2 B.D.E, p.2.

7 Ch.réun., 11 mars 1914, Caisse rurale de la Commune de Manigod, D.P.1914.I.257, note Sarrut. A ce propos,

la jurisprudence française qualifie le bénéfice de « gain pécuniaire ou gain matériel qui ajoute à la fortune des actionnaires.»

8 Serge Guinchard, Thierry Debard, Lexique des termes juridiques, 21ème éd., Dalloz, Paris, 2014, p.41.

9 Maurice Cozian, Alain Viandier, Florence Deboissy, Manuel de droit des Sociétés, 22ème Ed., LITEC, Paris, 2009, p.66.

3

le mode de participation diffère d'un type de société à l'autre. Mais dans tous les cas, les actionnaires disposent d'un droit de regard sur la gestion de la société et doivent donc être informés sur la vie de cette dernière.

Ce droit à l'information est prévu à l'article 400 du CSP&PP qui donne le pouvoir à tout actionnaire de prendre connaissance, à toute époque, des documents sociaux, des procès-verbaux, des listes de présence des assemblées tenues au cours de trois derniers exercices et de tous autres documents, si les statuts le permettent.

Ce droit est également prévu par l'acte uniforme de l'OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et du Groupement d'Intérêt Economique (AUSCGIE).10

De cette disposition, il ressort que le législateur a donné le pouvoir aux actionnaires d'être informés sur la vie de la société et de pouvoir sonner l'alerte en cas de constat d'une situation anormale.

Pour mieux comprendre le rôle joué par les actionnaires dans la protection de leurs intérêts, nous allons nous focaliser sur la société mixte que le législateur burundais définit comme étant « une personne morale créée par l'Etat, la Commune, une ou plusieurs personnes morales de droit public en association avec une ou plusieurs autres personnes physiques ou morales de droit privé. Elle est dotée d'un patrimoine propre, d'une autonomie financière et organique. 11»

Le législateur burundais n'a pas expressément catégorisé la société mixte en termes de statut. Il se contente d'assimiler son régime juridique à celui des sociétés anonymes.12 Son capital social est détenu par l'Etat ou ses démembrements en association avec d'autres personnes de droit privé.13

Elle est créée dans le but de combler les besoins publics et de servir l'intérêt général. Elle effectue principalement des travaux à caractère commercial et industriel.14 Il s'en suit donc que la société mixte a vocation à agir dans l'intérêt public. Mais, dans la plupart des cas, l'Etat, étant un actionnaire majoritaire et disposant des prérogatives de puissance publique,

10 Article 526 de l'AUSCGIE J.O. OHADA n° 2 01/10/97, p.1 et s.

11 Article 501 du CSP&PP.

12 Http : www.petite-entreprise.net. Consulté le 11.10.2017 à 11h00.

13 Article 504 à 509 CSP&PP

14 http://www.semsamar.fr/

4

use de ces dernières pour influer sur le mode de gestion de ces sociétés, ce qui n'est pas sans conséquence sur la vie de la société et sur ses relations avec les partenaires privés.

Or, prévient Montesquieu : « tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser, il faut que pour la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. 15»

Il faut donc des organes qui assurent un juste équilibre entre la nécessité d'aligner l'intérêt des dirigeants sociaux sur ceux des actionnaires et celle de leur laisser suffisamment de marge de manoeuvre pour qu'ils puissent s'impliquer pour valablement créer de la valeur.16

En conséquence, la mise en place d'organes de contrôle indépendants, forts et ayant les capacités requises pour faire leur travail, permettrait d'accroitre la rentabilité de l'entité économique mixte. Même si la surveillance de l'administration de la société mixte revient d'abord aux actionnaires réunis en Assemblée générale, il sied de souligner que ce seul contrôle serait totalement insuffisant si l'on considère que des fois ces actionnaires s'absentent aux réunions ou qu'alors ils peuvent briller par leur incompétence en la matière.17

C'est pourquoi, dans le but d'améliorer l'efficacité de la gestion de la société, d'assurer une meilleure définition des pouvoirs au sein de la société et de protéger les intérêts des actionnaires, la mise en place d'organes de contrôle s'avère impérative.18

En outre, bien qu'ils aient eux-mêmes choisi des dirigeants en qui ils ont placé leur confiance pour gérer leurs capitaux, et parce qu'ils se doivent de contourner les écueils des possibles excès et ambitions de certains actionnaires clés de la société, les actionnaires sont tenus de faire un suivi régulier de ce qui s'y passe au quotidien pour s'assurer du bon fonctionnement de la société.

Cela n'est possible que si les différents intervenants édictent des normes claires, à la fois préventives pour éviter l'apparition de crises, et curatives pour faciliter leur résorption si elles surviennent.19

Il s'agit en définitive de protéger les intérêts des actionnaires en s'assurant que le management de la société est sans faille. Pour cela, le contrôle doit s'appuyer sur trois piliers :

15 Charles de Secondat de Montesquieu, De l'esprit des lois, livre IV, Genève 1748.

16 Fréderic PERROT, Théorie et pratiques de la gouvernance de l'Entreprise pour le Conseil d'Administration et les Administrateurs, Ed. Maxima, Paris 2015, p.15.

17 Philippe Merle, Anne Fauchon, op.cit. 634.

18 Jean http:// www.afic.asso.fr/ Images/Upload/Partenariat/ft 12_corporate_governance_0205.pdf

19 Frédéric Parrat, op. cit. p.42.

5

- Des structures solides aussi bien internes (Assemblée générale, Conseil d'administration ou de Surveillance, comités divers...) qu'externes (Commissaires aux comptes, auditeurs externes, autorités de régulation, etc.) ;

- Des procédures qui sont déterminées par les lois et les codes ou qui s'inspirent simplement des bonnes pratiques. Elles concernent aussi bien la collecte d'informations et le fonctionnement des organes de gouvernance que la manière de réaliser certaines opérations de gestion ;

- Les comportements irréprochables des personnes oeuvrant dans les structures et chargées d'appliquer les procédures.20

Ces piliers constituent le fondement même d'une bonne administration de la société. Cependant, l'Etat dispose en général de prérogatives que lui procure la puissance publique et sur lesquelles il s'appuie lorsqu'arrive le moment de procéder à la nomination des dirigeants de la société, le plus souvent sur base de mobiles politiques. Dans ces conditions, qu'est-ce qui garantit aux actionnaires que leurs intérêts seront effectivement et efficacement protégés?

La réponse à cette question est esquissée dans le travail de recherche que nous avons entrepris de réaliser et que nous avons intitulé « DE LA PROTECTION DES INTERETS DES ACTIONNAIRES DANS LES SOCIETES MIXTES : CAS DE LA SOCIETE SUCRIERE DU MOSO (SOSUMO). »

Comme nous le verrons dans les développements qui suivront, la SOSUMO est une société mixte où l'Etat est largement majoritaire avec 99 % des actions, tandis que les deux autres actionnaires, la BRARUDI et l'ECOBANK, n'en possèdent que 0,5 % chacun.21

La présente réflexion méritait d'être menée, car l'Etat en tant qu'actionnaire majoritaire serait tenté d'empiéter sur les droits des actionnaires minoritaires et de brader leurs intérêts. Un comportement pareil risquerait de décourager d'autres éventuels investisseurs qui hésiteraient à s'associer à lui par crainte de voir leurs intérêts opprimés.

Pour tenter de trouver des solutions à cette problématique, les développements de notre travail seront articulés autour de trois chapitres.

20 Pierre CHABANE, op.cit. pp.26-27

21 Article 5 des Statuts de la SOSUMO du 31/05/2013.

6

Le premier traite du cadre conceptuel de la création de la société mixte. Nous y abordons les considérations conceptuelles pour faciliter la compréhension des développements ultérieurs, avant de faire une brève présentation de la société SOSUMO.

Le second chapitre examine la protection des actionnaires en général et le troisième chapitre se penche sur les particularités dans la protection des actionnaires minoritaires.

Pour mener à bien notre travail de recherche, nous avons d'abord effectué une descente sur terrain à la SOSUMO pour nous enquérir de son état de santé, exploiter la documentation disponible (textes régissant la SOSUMO, rapport d'audit, procès-verbaux des réunions du Conseil d'administration, rapports des Commissaires aux comptes etc.).

Nous nous sommes également entretenus avec les experts du Service chargé des Entreprises Publiques (SCEP) et avec les cadres du Ministère en charge du Commerce.

Toutes les données collectées sur terrain ont été complétées par la doctrine et la jurisprudence. Les recueils ainsi que les travaux de recherche sur des thèmes similaires précédemment réalisés nous ont également été d'une grande utilité.

7

CHAPITRE PRELIMINAIRE : CADRE CONTEXTUEL

Depuis la colonisation jusque vers les années 1970, le commerce au Burundi était entre les mains des sociétés étrangères qui se souciaient très peu de ménager durablement sa clientèle puisqu'elles n'avaient pas vocation à rester toujours dans le pays. Elles se contentaient alors d'exploiter l'ignorance des citoyens burundais et l'inexpérience du jeune appareil étatique, lui aussi victime d'évasion fiscale et pour cela, souffrant d'un manque criant de devises.22

Pour pallier ce manque et satisfaire les besoins de la population en approvisionnement des produits de première nécessité, l'Etat du Burundi s'est investi dans la création des sociétés publiques tout en élargissant son partenariat avec les particuliers. C'est ce processus qui a conduit à la création des sociétés mixtes.

Dans ce chapitre, nous nous efforcerons d'abord de comprendre le concept de « société mixte » (section1) avant de faire une présentation succincte de la SOSUMO (section 2).

Section 1 : Le concept de société mixte

Les sociétés mixtes ont initialement été créées pour répondre aux besoins des personnes publiques. Elles avaient pour but la gestion d'une activité dévolue par principe à l'administration, autrement dit une activité de service public ou présentant un caractère d'intérêt général.23 La forme sociétaire de ces entités permet à l'administration une gestion plus souple de ses activités tout en conservant un certain contrôle sur elles puisque l'Etat est, dans la plupart des cas, majoritaire.24

Cependant que le concept de « société mixte » renferme une signification que nous devons expliciter, les mobiles de sa création méritent aussi d'être élucidés.

Paragraphe 1 : Définition de la société mixte

En général, pour promouvoir le commerce, l'Etat peut s'associer à des privés dans le but de réaliser une activité d'intérêt général et créer ainsi une société mixte. Dans le Code Burundais des Sociétés Privées et à Participation Publique, celle-ci est définie comme étant « une personne morale créée par l'Etat, la commune, une ou plusieurs personnes morales de droit

22 Raphaël NTIBAZONKIZA, Au Royaume des Seigneurs de la lance, Tome 2, de l'indépendance à nos jours (1962-1992), Bruxelles, Droit de l'Homme, p.119.

23 Entretien réalisé avec un expert du Service chargé des entreprises Publiques (SCEP), le 20 décembre 2019.

24 Voir l'annexe I montrant les sociétés mixtes où l'Etat est actionnaire.

8

public avec une ou plusieurs personnes physiques ou morales de droit privé. Elle est dotée d'un patrimoine propre, d'une autonomie financière et organique. 25»

En votant le CSP&PP, le législateur burundais a donné la latitude à l'Etat, à la Commune ou à d'autres personnes morales de droit public de créer seuls ou en association une société qui aura pour objet de réaliser des activités industrielles, commerciales, financières ou agricoles.

Cependant, le législateur burundais n'a pas déterminé jusqu'à quelle hauteur de participation les actionnaires publics devraient aller pour qu'une société soit qualifiée de mixte. Alors qu'en France par exemple, la participation des actionnaires autres que les collectivités locales et autres groupements ne peuvent être inférieurs à 15 % du capital social.26 Quant à la participation publique, elle est plafonnée à 85 %.

Ce silence du législateur burundais laisse le choix aux personnes publiques de se tailler « la part du lion» dans la constitution des sociétés mixtes jusqu'à être actionnaires à 99 %.27

A notre avis, le législateur aurait dû prévoir dans le CSP&PP des dispositions fixant un seuil au-dessous et au-delà duquel la part de l'Etat et de ses démembrements ne doit pas aller dans les sociétés mixtes. Or, dans le cas de la SOSUMO, la participation étatique confirme le choix français : on reste dans la logique de la majorité dominante de l'Etat.

Cela aurait permis à l'Etat d'impulser une bonne gouvernance dans le système managérial de ce type de sociétés, car, actuellement dans les sociétés où il est largement majoritaire, il possède le monopole de décision dans les Assemblées générales. Dans une telle situation il est clair que la contribution des actionnaires minoritaires privés dans la prise de décision est pratiquement nulle.28

Mais, pour que l'actionnaire majoritaire qu'est l'Etat ne puisse pas complètement phagocyter les actionnaires minoritaires, le législateur burundais a mis en place des contrepoids pour contrebalancer son éventuel absolutisme. Ceux-ci sont notamment, l'existence des Commissaires aux Comptes, ainsi que le pouvoir des actionnaires minoritaires d'enclencher l'alerte en cas de constatation de tout fait pouvant compromettre le fonctionnement de la société.

25 L'article 501 du CSP&PP.

26 Article Art. L. 1522-2 du Code des collectivités locales.

27 Dans le capital de la SOSUMO l'Etat est actionnaire à 99 % d'information voir annexe I.

28 SOFRECO, rapport de l'audit organisationnel de la SOSUMO, annexe 1, aspects juridiques, août 2018, p.8.

9

En outre, les actionnaires minoritaires peuvent conclure un « pacte d'actionnaires » pour contrecarrer ce pouvoir absolu de l'actionnaire majoritaire. Ce pacte est défini comme « un contrat conclu par tous les actionnaires d'une société, ou un certain nombre d'entre eux, en vue d'organiser leurs relations en dehors des statuts ».

Une fois conclu, le pacte d'actionnaires permet de préserver les intérêts communs de ces derniers tout en complétant les règles d'organisation de la société prévues par les statuts.29

Les actionnaires minoritaires ont donc intérêt à réduire le pouvoir monopolisant de l'Etat actionnaire majoritaire, car, ce monopole pourrait avoir des conséquences sur la vie de la société : les actionnaires seront, dans la plupart des cas, obligés de s'aligner derrière les décisions de l'actionnaire majoritaire qui s'est assuré un contrôle très important sur la société. En effet, accepter de s'associer à l'Etat majoritaire, signifie pour eux de subir de surcroit la « dictature de la majorité », qui devrait normalement être exercée dans le strict respect de l'intérêt social et la protection des actionnaires minoritaires. Nous y reviendrons dans le chapitre sur la protection particulière des actionnaires minoritaires.

En outre, le recours à la société mixte garantit au pouvoir public, à la collectivité locale ou à toute autre personne publique actionnaire et cocontractante, la prise en compte effective de l'intérêt général tel que défini dans les objectifs de l'entreprise et de la souplesse de la société de droit privé. C'est cette clause qui, par ailleurs, justifie la création des sociétés mixtes, création dont le but est la sauvegarde l'intérêt général.

Paragraphe 2 : Historique et fondements de la naissance des sociétés mixtes

Durant la période coloniale et jusqu'au début des années 70, les activités commerciales étaient concentrées dans les mains des Européens et des Arabes installés dans les principales villes du pays. Ceux-ci contrôlaient le marché des capitaux sans pratiquement craindre d'interférence forte de la part des pouvoirs publics. C'est seulement à partir de 1976 que l'Etat va intensifier ses interventions dans l'organisation et la réglementation des activités commerciales dans le pays. L'on peut dire que c'est à ce moment que l'idée de création de sociétés d'intérêt général commence à se dessiner dans le chef des responsables de la gestion de la chose publique. Ainsi s'explique la naissance progressive des sociétés, publiques d'abord, mixtes par la suite.

29 La lettre Mensuelle des affaires n° 363, de novembre 2017, p.14.

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A. Historique des sociétés mixtes

Depuis les années 1970, l'Etat du Burundi s'est substitué au secteur privé par la réalisation d'investissements coûteux, même si leur rentabilité n'a pas été à la hauteur des résultats escomptés. En effet, pour répondre aux besoins de la population, l'Etat va créer beaucoup d'entreprises publiques telles l'ONAPHA, l'OCIBU, l'OTB, la VERRUNDI, l'ENACI, etc. Il va même instaurer un système de monopole sur la commercialisation de certains produits, ce qui explique la naissance de sociétés monopolistiques comme la REGIDESO pour l'exploitation et la commercialisation de l'eau, l'ONATEL pour la télécommunication, la POSTE pour la distribution du courrier. Mais, l'Etat va très vite se rendre compte que ce monopole d'Etat n'apporte pas les résultats escomptés.

Comme le conseille l'économiste Adam Smith dans `'La Main Invisible», « le mobile égoïste qui amène chaque individu à améliorer sa situation économique engendre donc au plan national des effets bénéfiques en réalisant l'intérêt général comme si les individus étaient dirigés à leur insu par une main invisible, véritable mécanisme autorégulateur du marché qui permet, grâce à la concurrence, une utilisation optimale des ressources productives. A cet égard, il convient de ne pas faire intervenir l'Etat au niveau économique pour ne pas perturber cet ordre naturel spontané fondé sur l'intérêt personnel de chaque individu. 30»

S'inspirant de cette idée d'Adam Smith, l'Etat va s'associer à des personnes physiques ou morales privées pour créer des sociétés mixtes, principalement dans le but de répondre aux besoins des populations. La raison en est que la forme sociétale de ces entités permet à l'administration une gestion plus souple de ses activités tout en conservant un certain contrôle sur elles puisque leur capital est composé majoritairement de capitaux publics.

Ainsi, pour mieux redistribuer les richesses et accroître l'assiette fiscale, le Gouvernement du Burundi va créer des sociétés mixtes dont le mode de gestion et de fonctionnement est régi par le CSP&PP. Actuellement il en existe dix-huit (18) dont la part de l'Etat dans le capital social varie de 1,5 % à la Banque burundaise pour le Commerce et l'Investissement (BBCI) et à 99 % à la SOSUMO, ce qui montre que l'Etat n'est pas toujours actionnaire majoritaire. Cependant, si la participation étatique vise la promotion et la sauvegarde de l'intérêt général,

30 Adam Smith, Recherche sur la nature et les causes de la richesse des Nations, analyse publiée par leconomiste.eu le 26/03/2014, trouvé sur internet : www. https://www.leconomiste.eu/decryptage-economie/218-la-main-invisible-d-adam-smith.html, consulté le 05/01/2020.

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il existe, comme nous le verrons plus loin, d'autres raisons justifiant l'association de l'Etat avec les privés.

B. Fondement de la naissance des sociétés mixtes

Comme nous l'avons vu plus haut, la prise en compte de l'intérêt général fonde la naissance des sociétés mixtes.

L'intérêt général devient donc la finalité de l'action de l'Etat au niveau d'un pays à la recherche d'un développement économique.31 Celui-ci peut résulter de la combinaison des intérêts particuliers et d'un intérêt spécifique à la société qui transcende les intérêts des individus.32

On remarquera que l'Etat n'a pas vocation à être un acteur classique sur le marché. En tous les cas et de toute évidence, avoir comme actionnaire un acteur étatique offre généralement une certaine garantie de protection, par exemple contre le risque de faillite.

En effet dans un certain nombre de cas, les entreprises mixtes sont largement protégées des procédures de règlement judiciaire ou de liquidation des biens par la spécificité de leurs statuts.

Par contre, la société court le risque de souffrir de l'ingérence de l'Etat dans sa gestion quotidienne.33 En effet, les objectifs que l'autorité publique poursuit ne sont pas toujours les mêmes que ceux du coactionnaire privé dont la préoccupation première est le profit.

Nonobstant, en créant la société mixte, l'Etat vise d'abord la satisfaction des besoins des citoyens en biens et services, la création d'emplois, un palliatif à l'absence d'investissements privés, la promotion des exportations pour son approvisionnement en devises passant surtout par le développement de l'agriculture industrielle, la réduction du déséquilibre de la balance des paiements, le développement de l'économie nationale, le renflouement des réserves en devises en évitant d'importer des produits qu'on peut trouver sur place, comme le sucre.

Pour étayer nos propos sur la recherche de l'intérêt général par l'Etat lorsqu'il crée les sociétés mixtes, nous prenons l'exemple de la société sucrière du Mosso (SOSUMO).

31 Anaclet NZOHABONAYO, Intérêt général des pays en développement à la lumière de leur engagement dans les traités bilatéraux d'investissement, Université d'Ottawa, thèse de doctorat 2014, p.35.

32 Dictionnaire de politique, trouvé sur le site http://www.toupie.org/Dictionnaire/Interet_general.htm consulté le 05/01/2020.

33Christophe Boillon La gouvernance des entreprises à participations publiques, l'Etat comme actionnaire privé, Université Paris - Sud, mémoire de Maitrise, année académique 2013-2014, p.2, inédit.

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Section 2 : Présentation de la SOSUMO

La SOSUMO a été créée le 13/07/1982 sous de forme d'une société d'économie mixte de droit privé, (S.A.R.L). Par la suite, en 1989, son statut de société est passé de « S.A.R.L » à celui de « S.D.P. », Société de Droit Public, pour finalement redevenir, en 1997,34 une société mixte, se conformant ainsi aux prescrits du nouveau CSP&PP.

L'objectif de la création de la société était de faire face à la demande croissante du sucre, de booster le développement économique du Sud-Est du pays, de mobiliser la main-d'oeuvre locale et ainsi économiser des devises en réduisant au maximum le volume des importations.35

Notre présentation de la SOSUMO, s'articulera autour de trois volets : sa forme juridique (Paragraphe1), la structure de son actionnariat (Paragraphe 2)

Paragraphe 1 : Forme juridique de la SOSUMO

La forme juridique de la SOSUMO est déterminée dans les statuts. D'après le CSP&PP36, la SOSUMO est une société anonyme dont la mission est la redynamisation de l'économie du pays par la production et la commercialisation du sucre. C'est d'abord une société à risque limité, dont les actionnaires ne supportent les pertes sociales qu'à concurrence de leurs apports. C'est ensuite une société de capitaux, où l'actionnaire s'efface dernière l'action parce que le capital qu'il a apporté compte plus que sa personne. C'est enfin une société hiérarchisée où, pour renforcer son caractère institutionnel, chaque organe dispose des pouvoirs propres.37

Il faut également souligner ici que, vu le caractère d'intérêt général des sociétés mixtes, la loi exige que la participation de l'Etat au capital d'une Société Mixte soit autorisée par décret, celle des Communes par décision du Conseil Communal et celle des autres personnes morales de droit public par décision conjointe du Ministre de tutelle et du Ministre ayant les finances dans ses attributions.38

Les missions de la SOSUMO sont entre autres, de créer et de gérer des plantations de canne à sucre, d'exploiter le périmètre s'étendant entre les rivières Mutsindozi, Muyovozi et Malagarazi, et d'autres superficie mises gracieusement à sa disposition par le Gouvernement

34 Entretien avec un haut cadre du Ministère en charge de l'agriculture dont la SOSUMO relève

35 Site internet de la SOSUMO : www.Sosumo.bi consulté le 06/01/2020.

36 Article 1 des statuts harmonisés avec CSP&PP. 37AUSCGIE, J.O. OHADA n° 2 01/10/97, p.384. 38 Article 541 du CSP&PP.

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du Burundi ou acquises par d'autres moyens39. Comme on le voit, l'Etat a le pouvoir d'octroyer gracieusement des superficies exploitables sans devoir spéculer sur l'intérêt.

Le siège social de la société est situé à GIHOFI, en province de Rutana, mais, peut être transféré en tout autre lieu du territoire du Burundi sur décision de l'Assemblée générale Extraordinaire. Qu'en est-il de la structure de l'actionnariat de la SOSUMO (Paragraphe 2)

Paragraphe 2 : L'actionnariat de la SOSUMO

Les mixtions des capitaux publics et privés ayant généralement pour cadre les sociétés anonymes soulèvent souvent le problème de la légitimité de l'exercice du pouvoir : qui, du détenteur du pouvoir politique, ou de celui qui contrôle le capital est sensé l'exercer? En principe, la détention du pouvoir présente un avantage énorme pour chaque catégorie d'actionnaire.40

Si on analyse le prescrit du CSP&PP, on se rend compte que le législateur burundais n'a rien prévu pour assurer un équilibre entre le détenteur du pouvoir politique et le détenteur du capital. Le Code ne précise pas non plus si l'actionnaire détient les deux à la fois et quel impact cette situation a sur la vie de la société.

En réalité, il a laissé aux deux parties le libre choix de fixer le montant du capital social ainsi que sa répartition.41 En agissant ainsi, nous pensons que le législateur burundais a voulu donner plus de poids à l'actionnaire majoritaire. Mais cela peut conduire à l'abus de majorité qui peut se manifester par une ingérence politique excessive, la passivité du Conseil d'administration pouvant souvent conduire à un manque de transparence.42

Dans le cas de la SOSUMO, le capital social a été fixé à deux milliards cent quarante-cinq millions (2 145 000 000 BIF) de francs burundais, représentant vingt et un mille quatre cent cinquante (21 450) actions toutes entièrement libérées43 et dont la valeur nominale est de cent mille (100 000 BIF) francs burundais. Ce capital est réparti comme suit :

39 Article 2 des statuts harmonisés de la SOSUMO.

40 Désire Cashmir KOLONGELE EBERANDE, Le Pouvoir dans les sociétés à capitaux mixtes. Aspects de droit français, OHADA et congolais, thèse de Doctorat, Université Paris 1, Panthéon- Sorbonne, LGDJ, Paris 2012, p.123.

41 Article 545 du CSP&PP.

42 Gouvernance des Entreprises Publiques : Panoramique des pays de l'OCDE, op.cit. p.1. 43Article 5 des statuts harmonisés de la Sosumo s.m avec CSP&PP.

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1° l'Etat du Burundi : 21 250 actions ;

2° la Société « Brasserie et Limonaderies du Burundi): 100 actions ; 3° la Société Ecobank du Burundi s.a : 100 actions.

Au regard de cette répartition, quand bien même la SOSUMO se veut être une société d'économie mixte, l''Etat est largement majoritaire à tel point qu'il risque d'imposer ses décisions aux actionnaires minoritaires qui ne feront que s'y plier. Or, dans un cas comme celui-ci, l'exercice du pouvoir au sein des organes sociaux est susceptible d'engendrer des abus de pouvoir et des conflits d'intérêts entre deux types d'actionnaires aux intérêts opposés.

En effet, le dispositif exorbitant du droit commun propre aux sociétés mixtes qui vise à assurer à l'Etat actionnaire la prise en compte de l'intérêt général dans le fonctionnement des organes sociaux au mépris parfois du principe de proportionnalité peut s'ériger en vraie source de déséquilibre des intérêts, coupant ainsi l'herbe sous les pieds des investisseurs privés.44

Mais, l'Etat, en choisissant de mettre en commun ses apports avec ceux des actionnaires minoritaires accepte de veiller à ce que ces derniers puissent bénéficier d'un traitement équitable.

Il est d'ailleurs de son intérêt de veiller à ce que les actionnaires minoritaires soient traités avec équité puisque sa réputation dans ce domaine a une influence sur la capacité à attirer les investisseurs.

Dans la gestion de ce genre de situation, nous pensons qu'il devrait plutôt se référer aux clauses statutaires et aux pactes d'actionnaires qui sont à même d'équilibrer les rapports de pouvoir et d'intérêts entre actionnaires au niveau aussi bien des droits individuels que des droits collectifs au sein des organes sociaux.

En effet, les clauses pouvant être contenues dans le pacte d'actionnaires concerneraient le droit de vote, celles concernant l'actionnariat, le droit de souscription ainsi que la stabilité du capital propre. Aussi, la souplesse avec laquelle les organes de gestion assument leurs responsabilités peut tempérer les déséquilibres.

44 Désire Cashmir KOLONGELE EBERANDE, op.cit, p.267.

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Paragraphe 3 : Les organes de fonctionnement de la SOSUMO

Conformément aux dispositions du CSP&PP, et à celles des statuts de la SOSUMO, la société est dirigée, en plus de l'organe délibérant, par les organes d'administration, de gestion et de contrôle.45

Notons que la diversité des organes pose un problème qui n'a pas été réellement résolu par les deux textes ; celui des pouvoirs propres dévolus à chaque organe. Un autre élément important à souligner ici est que le contrôle interne exercé par les actionnaires sur la gestion sociale en raison de leur droit à l'information est complété par celui des Commissaires aux Comptes. Ce dernier apparait comme un contrepoids essentiel face au risque d'absolutisme que peut entrainer l'exercice du pouvoir de direction.46

Ce paragraphe examine successivement le fonctionnement des organes délibérants (A), des organes d'administration (B), de gestion (C) et de contrôle (D) de la SOSUMO.

A. L'organe délibérant : L'Assemblée générale

L'organe délibérant de la SOSUMO est l'Assemblée générale des Actionnaires. Il est prévu par les articles 12 à 19 des Statuts de la société, harmonisés avec les articles 549 à 553 du CSP&PP.

L'article 12 des Statuts dispose que l'Assemblée générale régulièrement constituée représente l'universalité des actionnaires. Elle se compose de tous les détenteurs d'actions libérées après les versements exigibles. Elle prend des décisions nécessaires à la vie de la société, nomme et révoque les organes de gestion, approuve leur rapport de gestion ainsi que celui des Commissaires aux Comptes, modifie les statuts.

Chaque actionnaire dispose de voix proportionnelles au nombre d'actions souscrites. Ses décisions sont obligatoires pour tous, même pour les absents, les dissidents ou les incapables.

A l'analyse de ces dispositions, il sied de constater que l'Assemblée générale est « le lieu d'exercice du pouvoir suprême » et que son pouvoir de contrôle lui donne le droit d'assurer la direction de la société.47 De même doit-on noter que l'Etat, étant extrêmement majoritaire, agira comme si la SOSUMO était une société entièrement publique.

45 Article 548 du CSP&PP.

46AUSCGIE J.O. OHADA n° 2 01/10/97, p.385. 47 Philippe et Anne Fauchon. Op.cit. p.591.

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Les Statuts déterminent également le mode de fonctionnement de l'Assemblée générale. Ses réunions sont normalement convoquées par le Conseil d'administration, et dans des cas exceptionnels, ou par les Commissaires aux Comptes, ou par un mandataire désigné par le Président de la juridiction compétente, ou par un liquidateur.48 Les convocations sont adressées aux membres au moins quinze jours à l'avance pour les Assemblées générales ordinaires et huit jours pour les Extraordinaires, par tout moyen offrant une garantie reconnue de réception par le destinataire.49Le non-respect de cette disposition constitue une fraude et une violation des droits des actionnaires, comme l'a fait remarquer le rapport d'audit comptable et financier des huit derniers exercices 2010-2017.50

En ce qui concerne le quorum, l'article 17 des Statuts précise que l'Assemblée générale ordinaire ne délibère valablement, à la première convocation, que si les actionnaires présents ou représentés possèdent au moins la moitié des actions. Si cette condition n'est pas remplie, l'Assemblée générale est convoquée de nouveau.51

B. L'organe d'administration : Le Conseil d'administration

La SOSUMO est dirigée par un Conseil d'administration (CA) composé de huit (8) membres dont six (6) représentent l'Etat du Burundi et deux (2) représentants les actionnaires privés.52 Ils nommés par l'Assemblée générale, la durée de leur mandat est librement fixée par les Statuts.

Le CA se réunit autant de fois que de besoin et au moins une fois par trimestre.53 En ce qui concerne le quorum et le mode de délibération, l'article 25 des Statuts dispose que le CA ne délibère valablement que si la majorité simple de ses membres sont présents ou représentés.

Les décisions sont prises à la majorité des voix des membres présents ou représentés. En cas de parité des voix, celle du Président du CA est prépondérante.

48 Article 516 l'AUSCGIE.

49 Article 13 des statuts harmonisés de la SOSUMO.

50 Rapport définitif d'audit réalisé par BCPA international S.P .R.L et ABC Audit-Bilan-Conseil. Marche suivant DAO n° 002/CP-SOSUMO/2017. p.6. Dans le cas d'espèce, les auditeurs avaient constaté la tenue de deux assemblées générales ordinaires le même jour, le 14 août 2017.

51 L'Etat détient 99 % des actions dans le capital de la SOSUMO s.m.. Ici aussi, les auditeurs ont relevé un cas de violation des dispositions légales et statutaires : lors des délibérations de l'Assemblée générale Assemblée générale ordinaire du 14 août 2017 portant approbation du résultat de l'exercice 2016- 2017, les actionnaires avaient déclaré le quorum atteint, en dépit de l'absence du représentant de l'Etat, pourtant actionnaire majoritaire.

52 Article 1 du règlement d'ordre intérieur du Conseil d'administration. 53Article 24 des statuts de la SOSUMO.

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Le CA est investi des pouvoirs les plus étendus pour administrer la société. Il les exerce dans les limites de l'objet social et sous réserve de ceux expressément attribués par la loi aux Assemblées générales.54 Les pouvoirs du CA ne sont pas opposables aux tiers.

Le Conseil ne traite pas directement avec les tiers. Ce rôle revient à la direction. Bien plus, lors de la prise de décisions, le CA ne peut agir que comme un corps.55

Aucun administrateur n'a de pouvoirs propres, excepté le Président qui possède celui de convoquer, de présider les réunions du Conseil et de l'Assemblée générale des actionnaires, et de veiller à ce que le contrôle de la gestion de la société soit bien assuré. 56

La participation aux réunions donne droit à la perception de jetons de présence dont le montant par séance est fixé par l'Assemblée générale ordinaire des actionnaires.

A la fin de l'exercice, les membres du CA ont droit aux tantièmes dont le montant, fixé en fonction du bénéfice réalisé, est déterminé par l'Assemblée générale ordinaire des actionnaires.57

Bien que le législateur leur ait attribué les pouvoirs les plus étendus, le règlement les tempère en rendant les Administrateurs responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, devant la société ou devant les tiers, des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés mixtes, des violations des statuts, des fautes commises dans leur gestion.58

La responsabilité des administrateurs est individuelle lorsqu'une faute précise peut être imputée à un dirigeant déterminé, les autres membres du CA étant totalement étrangers à cette faute.

Elle est solidaire quand plusieurs administrateurs sont condamnés pénalement en raison des mêmes faits ou s'il est prouvé qu'ils ont commis une faute commune, qui peut ne pas être la même pour tous : par exemple si l'un des dirigeants, le Directeur Général, a posé un acte

54 Article 27 des statuts de la SOSUMO.

55 AUSCGIE J.O. OHADA n° 2 01/10/97, p.423.

56 Entretien réalisé avec un membre du Conseil d'Administration de la SOSUMO.

57 Article 16 du règlement d'ordre intérieur du Conseil d'Administration de la SOSUMO.

58 Article 17 du règlement d'ordre intérieur du Conseil d'Administration de la SOSUMO.

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répréhensible et que les autres administrateurs ne l'ont pas dénoncé ou ne s'y sont pas opposés.59

Même si le règlement d'ordre intérieur prévient que les membres du CA sont responsables individuellement ou solidairement selon le cas envers la SOSUMO ou envers les tiers en cas de commission d'infraction,60 le préjudice sera délicat à évaluer compte tenu de la complexité et de l'imbrication de différents actes de gestion.

Il en sera également de même pour apporter la preuve du lien de causalité entre la faute et le préjudice, les faits litigieux ayant été généralement commis souvent plusieurs années avant qu'ils ne soient soumis à examen, dans un environnement économique différent, pratiquement impossible à reconstituer avec exactitude.61

Mais, cela risque d'être frappé de forclusion étant donné la prescription triennale en droit des sociétés.62 Cette prescription abrégée s'explique essentiellement en droit des sociétés, par la nécessité de prévenir le risque de remise en cause des actes de la société et de ses dirigeants après l'écoulement d'un certain temps. Elle procède donc d'un objectif de sécurité juridique, lequel justifie les solutions retenues par la jurisprudence pour délimiter le domaine d'application de cette prescription.

Ainsi, la Cour de Cassation française a jugé que l'action, fût-elle fondée sur les dispositions de l'article 1382 du Code Civil, dès lors qu'elle repose sur des griefs relatifs au fonctionnement de la société et aux conditions dans lesquelles ses administrateurs ont exercé leur mandat social, s'analyse en une action en responsabilité pour faute de gestion, laquelle est soumise à la prescription triennale et celle-ci s'applique aussi bien aux actions individuelles exercées par des tiers qu'aux actions sociales.63

Le législateur burundais a également prévu des sanctions à l'encontre des membres du CA relativement au fonctionnement des sociétés et à l'abus des biens sociaux.64 Pour se mettre à l'abri de tous ces risques, le Conseil d'administration exerce au quotidien son droit de regard sur les organes de gestion (C).

59 Philippe et Anne Fauchon op.cit p.514 ; Com. 30 mars 2010, n° 08-17.841, D. 2010.1678, B.Dondero, Rév. sociétés 2 010 304, P. Le Cornu. Cf. égal. Ph. Merle, attention, Madame Chirac, prudence !, Bull.Joly.2010, 436.

60 Article 18 du règlement d'ordre intérieur du Conseil d'administration.

61 Philippe Merle, Anne Fauchon, op.cit. p.511.

62 Article 385 du CSP&PP.

63 Com., 23 octobre 1990, pourvoi no 89-14.721, Bull. 1990, IV, no 255.

64 Ces infractions aux articles 476 et 481 de la loi n° 1/27 du 29 décembre 2017 portant révision du Code Pénal

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C. Organe de gestion de la SOSUMO : la Direction Générale

L'article 28 des statuts harmonisés avec la loi n° 1/09 du 30 mai 2011 portant CSP&PP dispose que « la gestion quotidienne de la société est assurée par un Directeur Général, assisté d'autant de Directeurs que de besoin, nommés par le Conseil d'administration. Son mandat et celui des Directeurs sont de quatre ans renouvelables f...] Le Directeur Général assure également la représentation face aux tiers. 65»

L'organe exerce ce pouvoir dans l'intérêt de la société et dans la limite de l'objet social faute de quoi sa responsabilité pourrait être engagée à l'égard de la société66 SOSUMO. Autrement dit, les décisions prises par les dirigeants de la société doivent être utiles ou profitables à la société. La conformité d'une décision à cet intérêt dépend donc des opportunités qu'elle offre à la société. Si, un dirigeant accomplit un acte contraire à l'intérêt social, sa responsabilité peut être engagée à l'égard de la société pour faute de gestion. En outre, la société peut obtenir l'annulation d'un tel acte s'il repose sur une cause illicite.

Ainsi par exemple, pour obliger les dirigeants à se conformer à ces dispositions, la Cour de Cassation française a jugé que constituait un abus de biens d'une société, et reposait donc sur une cause illicite, la cession par son gérant actionnaire d'un contrat de crédit-bail portant sur les locaux qu'elle occupait, à une autre société qu'il venait de constituer avec son coactionnaire, laquelle avait donné en location, peu de temps après, les locaux à la société cédante. De ce fait, les avantages conférés par le bail (souplesse du titre d'occupation et possibilité de s'en dégager) étaient manifestement très inférieurs à ceux procurés par la poursuite du crédit- bail, détention moins coûteuse et perspective d'achat des locaux à bas prix assurés.67

Aussi une distinction doit-elle être faite entre l'intérêt social et l'intérêt des actionnaires, celui-là ne se confondant pas nécessairement avec celui-ci, ultime finalité de la création de la société et qui suppose que tous les actionnaires soient traités sur un même pied d'égalité.

Les dirigeants doivent agir dans l'intérêt de la société qu'ils ont à privilégier sans renoncer à rompre son égalité avec l'actionnaire.68 De même, la société peut être engagée vis-à-vis des tiers pour un acte accompli par un dirigeant, quand bien même l'acte ne relèverait pas de la

65 Article 560 du CSP&PP.

66Editions Francis Lefevre, Mementos des sociétés commerciales, 2016, p.229.

67 Cass. Com. 13-12-2005 n° 1646 ; RDJA 3/06 n° 273.

68 Cass. Com. 18-6-2002 n° 1211; RDJA 10/02 n° 1038.

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compétence réservée par la loi aux actionnaires (tel un acte entrainant la modification des statuts) pourvu qu'il ait été accompli au nom de la société et qu'il entre dans son objet social.

Les représentants légaux engagent valablement la société par tous les actes se rattachant à l'objet social c'est-à-dire ceux qui en facilitent la réalisation, quelles que soient leur nature et leur importance. Il en est ainsi du cas des actes de gestion courante nécessaires à la poursuite de l'activité : achat et vente des marchandises, renouvellement du matériel, souscription et résiliation de police d'assurance, ouverture et fonctionnement des comptes bancaires, paiement des sommes dues par la société, action en justice, etc.

Les dirigeants de la société peuvent détourner le pouvoir qui leur a été confié. En principe tout acte accompli au nom de la société est opposable à cette dernière, qui est donc engagée même si l'opération a été passée par un dirigeant à des fins personnelles. Mais, dans ce cas la société peut se retourner contre les dirigeants qui ont causé ce dommage et réclamer le remboursement du montant payé par action récursoire.69

Mais, la société peut se dégager si elle prouve que les tiers avaient connaissance du préjudice subi par elle et du caractère abusif et frauduleux des engagements souscrits en son nom, car la fraude corrompt tout.70

Les organes de gestion constituent le moteur de la société. Le législateur a donné des pouvoirs à ces organes en leur conférant des pouvoirs exorbitants qui, néanmoins, doivent être exercés dans l'intérêt de la société. Pour limiter ces pouvoirs, le législateur a prévu un organe de contrôle pour suivre au quotidien leurs activités.

D. Les organes de contrôle de la SOSUMO

Dans le but d'assurer le suivi des actes de gestion, spécialement en ce qui concerne l'élaboration des comptes annuels, le législateur a institué la fonction de Commissaire aux Comptes qui peut être exercée par des professionnels indépendants et spécialisés.

Dans le cas de la SOSUMO les comptes de la société sont placés sous le contrôle permanent d'un ou de deux Commissaires aux Comptes nommé (s) par l'Assemblée générale et pouvant être révoqué (s) à tout moment par elle sur proposition du CA.71

69 Cass. Com. 20-2004 n° 1434 RDJA 4/07 n° 1523. 70Cass.com, 9-10-1961 : Bull.civ. III n° 348.

71 Article 40 du Statuts harmonisés de la SOSUMO.

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La rémunération des Commissaires aux Comptes est également fixée par l'Assemblée générale.

Le mandat des Commissaires aux Comptes ne peut pas dépasser trois ans. A notre avis, les Commissaires aux Comptes ne peuvent mener à bon port leurs missions que s'ils connaissent mieux la société et qu'ils jouissent d'une certaine stabilité.

Aussi, en limitant la durée de leurs missions, on leur évite une certaine familiarité avec les dirigeants sociaux, car cela risquerait de fausser le principe de leur indépendance.

La mission dévolue au Commissaire aux Comptes impose que ce dernier soit indépendant de la société et de ses dirigeants et qu'il le demeure pendant toute la durée du mandat. Le Commissaire aux Comptes n'est pas lié au mandat des dirigeants. Ce qui par ailleurs renforce son indépendance.72

Il convient de signaler enfin que le travail de Commissaire aux Comptes ne concerne pas uniquement le contrôle des comptes. Il consiste également à faire un suivi régulier de la vie juridique de la société. Pour cela, il dispose du pouvoir de contrôle et de recueil de l'information qui l'oblige à renseigner l'actionnaire. Il est également soumis au devoir d'alerte lorsqu'il relève des faits de nature à compromettre la continuité de l'exploitation.

Selon le Professeur Philippe Merle, le contrôle comptable, financier et juridique ne s'exerce pas uniquement dans l'intérêt des actionnaires. Il est également très précieux pour les tiers (clients, fournisseurs, banquiers, repreneurs) qui, ayant la certitude que les comptes ont été certifiés par des spécialistes, s'engagent en toute connaissance de cause avec les cocontractants.73

Pour éviter toute emprise sur son travail de contrôleur et assurer ainsi une indépendance totale, le législateur a édicté des incompatibilités avec l'exercice de la fonction de Commissaire aux comptes.

Ainsi, ne peuvent être Commissaires aux comptes, ni les actionnaires, ni les membres du CA, du directoire ou du Conseil de surveillance selon le cas, ni les conjoints, ni les parents jusqu'au quatrième degré et alliés au second degré inclusivement, ni les personnes percevant, sous quelque forme que ce soit, un salaire ou une rémunération de la société, ni des

72 Maurice Cozian, Alain Viandier et Florence Deboissy, op.cit. p.374.

73 Philippe Merle, Anne Fauchon, op.cit. p.635.

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mandataires sociaux.74Cette disposition protège le Commissaire aux Comptes contre toute tentation de poursuivre un intérêt quelconque dans la société qu'il est chargé de contrôler. Pour protéger leur indépendance, la révocation des Commissaires aux Comptes est soumise à certaines conditions75.En effet, la révocation ne peut résulter que d'une faute ou d'un empêchement. Ici, la faute doit s'entendre de la mauvaise exécution de la mission ou de son inexécution pour une cause imputable au Commissaire.76

Aussi, en cas de manquement ou d'empêchement, les Commissaires aux Comptes peuvent être renvoyés par l'Assemblée générale des actionnaires qui les ont désignés.77Etant donné leur rôle prépondérant dans la gestion d'une société, le législateur burundais a prévu à leur encontre des poursuites pénales s'ils donnent sciemment ou confirment des informations mensongères sur la situation de la société.78

Conclusion

L'Etat, en s'associant aux privés pour faire des affaires, accepte de privilégier l'intérêt général au détriment de ses prérogatives de puissance publique en s'alignant sur les décisions prises par les organes de la société. Dans le cas qui nous concerne, le législateur burundais a mis en place des organes d'administration, de gestion et de contrôle de la SOSUMO afin d'assurer son bon fonctionnement et d'éviter les dérives de certains dirigeants qui risqueraient de confondre les biens de la société avec les leurs

Et pour renforcer le caractère institutionnel de cette société, chaque organe dispose de ses propres pouvoirs.

A travers ces organes, l'actionnaire participe indirectement à la gestion de la société. En effet, au cours de l'Assemblée générale, celui-ci donne son point de vue sur la situation de la société qui lui a été présentée et a même le droit de proposer des stratégies pouvant améliorer la vie de cette société. De même, les actionnaires sont régulièrement informés de la situation financière de la société à travers les informations fournies par les organes de contrôle. En outre, pour que l'actionnaire majoritaire qu'est l'Etat n'abuse de ses prérogatives de puissance publique, le législateur a prévu des organes de contre-pouvoir permettant d'alerter les autres actionnaires en cas d'abus. C'est notamment le rôle dévolu au Commissaire aux comptes. Enfin, pour que les actionnaires s'engagent en toute sécurité, le législateur a prévu également des dispositions générales qui protègent les intérêts des actionnaires (Chapitre II).

74 Article 475 du CSP&PP.

75 Article 152 du CSP&PP.

76 Com, 6 févr, 1990, n° 88-15536, Rev.sociétés1990,

77 Article 479 du CSP&PP.

78 Article 480 de la loi n° 1/27 du 29 décembre 2017 portant révision du Code pénal.

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CHAPITRE II : LA PROTECTION GENERALE DES ACTIONNAIRES

Il arrive que certains responsables de l'entreprise adoptent des comportements portant préjudice aux intérêts des actionnaires, fragilisant ainsi la vie de la société car contraires à l'intérêt général. Or, les actionnaires, en participant au capital de la société contribuent à son augmentation et, en retour, espèrent récolter un jour des bénéfices en partageant les dividendes. Cependant, ils ne sont pas appelés à être des «gardiens des droits» ou « gendarmes » et à assurer le contrôle de la gestion de l'entreprise. Ils confient cette tâche à des organes ad hoc même si, des fois, les responsables de ceux-ci peuvent abuser de cette confiance leur garantie par les textes législatifs et réglementaires en agissant à leur guise.

C'est la raison pour laquelle, en prévention du risque d'abus dont les organes dirigeants peuvent se rendre coupables en utilisant à leur propre profit les pouvoirs qui leur sont attribués, le législateur a réservé aux actionnaires la prérogative de mettre en place des procédures et des organes de contrôle dont la mission est de les tenir informés des projets et des opérations de gestion. Ainsi peuvent-ils s'assurer, par une surveillance de proximité, du respect des obligations managériales, et de décider des grands choix stratégiques et des rémunérations des fondés de pouvoir79.

Cette garantie de protection des intérêts des actionnaires peut se traduire, d'abord en termes de droit de regard sur la gestion quotidienne de la société à travers le droit à l'information, au vote et à la participation à la prise des décisions sociales (section 1) , ensuite en termes de droit à l'équité sur le plan financier en ce qui concerne le partage des résultats et l'augmentation du capital (section 2)

Section 1 : La participation à la prise des décisions sociales

L'entreprise qui s'engage sur la voie de la gouvernance responsable doit chercher à instaurer un climat permanent de dialogue entre les parties prenantes. C'est en effet en tenant en considération les attentes des différents partenaires qu'une société peut prendre de la valeur partenariale80et s'assurer de la bonne gestion de son patrimoine81.

79 Pierre Cabane, op.cit. p.12

80 Frédéric Parrat, Théories et Pratiques de la Gouvernance d'Entreprise pour les Conseils d'Administrations et Administrateurs, éd. Maxima, Paris 2015, p.467.

81 Frédéric Parrat, Théories et Pratiques de la Gouvernance d'Entreprise pour les Conseils d'Administrations et Administrateurs, éd. Maxima, Paris 2015, p.467.

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Pour un bon suivi de leurs actions, les actionnaires ont droit d'être régulièrement informés de la vie de la société et de participer au vote (Paragraphe1). Dans le même temps, le législateur a mis en place des mécanismes pour prévenir les crises latentes dans la société. (Paragraphe 2).

Paragraphe 1. Le droit à l'information et à la participation au vote

Le droit à l'information et à la participation au vote sont intimement liés, car, le droit au suffrage (B) exige que celui qui l'exprime soit suffisamment éclairé (A).

A. Le Droit des actionnaires à l'information

Pour une bonne gestion de la société, le législateur burundais donne les prérogatives aux actionnaires d'avoir accès à certains documents pour s'enquérir de la vie de la société et de la santé financière de la société. Il a également mis à la disposition des actionnaires des moyens pour se procurer des informations dont ils ont besoin.

A.1. Les fondements du droit à l'information

Les gestionnaires de l'entreprise disposent d'importants pouvoirs juridiques et économiques nécessaires à la sauvegarde quotidienne des intérêts de la société. Les actionnaires, eux, n'ont qu'un pouvoir épisodique, même s'il est réel et peut être exercé même à l'encontre des gestionnaires eux-mêmes.82 Ainsi donc, l'actionnaire, étant le citoyen de cette cité qu'est la société comme l'affirment certains auteurs, dispose de prérogatives politiques lui accordant le droit de se tenir informé de tout ce qui concerne la gestion de l'entreprise83.

C'est ainsi que le droit à l'information des actionnaires se fonde sur le fait que l'actionnaire, s'étant engagé financièrement, est sensé avoir une connaissance précise et permanente de l'état de son investissement. Il pourra être ainsi assuré que les gestionnaires n'ont pas profité de sa non participation directe à la gestion pour s'octroyer des avantages faramineux et indus qui, à la longue, risqueraient de porter un coup fatal à ses intérêts.84

En d'autres termes, l'actionnaire est en permanence tenu informé de l'état des affaires, et peut ainsi apprécier les performances de la société et jouer le rôle essentiel de sentinelle de l'intérêt

82 Frédéric Parrat, Théories et Pratiques de la Gouvernance d'Entreprise pour les Conseils d'Administrations et Administrateurs, éd. Maxima, Paris 2015, p.22

83 Maurice Cozian, Alain Viandier, Florence Deboissy, op.cit. p.156

84 Aude-Marie CARTOR et Boris MARTOR, l'actionnaire minoritaire dans les sociétés régies par le droit OHADA, Cahier de droit de l'Entreprise n° 1, janvier -février 2010, p.21.

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général. Garantir une information continue à tout actionnaire est, en effet, la clé d'une parfaite transparence dans la gestion et in fine le signe palpable de « bonne gouvernance » au sein de l'entreprise.

Le droit à l'information constitue donc une sorte de contre-pouvoir qui rassure les actionnaires non dirigeants sur la gestion de leurs biens, instaure un climat de confiance entre les organes et constitue également un moyen d'harmonisation des intérêts des actionnaires85car il favorise une circulation rapide et très large des informations financières et des décisions de gestion.

Pour corroborer cette idée, nous exprimons cet avis que le législateur burundais, à l'instar du législateur français, devrait exiger des sociétés anonymes de disposer d'un site internet fonctionnant dans les deux sens, pour être au diapason des exigences des Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication. Les actionnaires auraient ainsi l'opportunité de suivre, de près et au quotidien, la vie de la société en interpellant les gestionnaires qui, en retour, seront tenus de leur envoyer des messages faisant le point sur l'évolution financière de la société.

Sur ce point, la SOSUMO a modernisé sa communication et dispose effectivement d'un service informatique très performant même si, selon nos informations, son usage laisse beaucoup à désirer.86

Néanmoins il faut le dire, la tâche n'est pas si aisée qu'on le pense : certains responsables toujours très attachés au principe du secret professionnel, redoutent que les informations qu'on les oblige à diffuser soient utilisées contre eux ou contre la société, tout à la fois par le fisc, les concurrents, les syndicats des salariés, et même par les actionnaires eux-mêmes87.

Aussi, le caractère de secret de l'information dans certaines sociétés reste-t-il une entrave à l'utilisation des Technologie de Information et de la Communication (TIC). De notre point de vue, cette réticence de la SOSUMO à ne pas laisser le champ libre aux actionnaires d'avoir accès à toute information est logiquement justifiée : la société par actions ne sert pas

85Jacques Derthal ALBAS, le contrôle d'une société anonyme par les actionnaires, Université de Lomé, Mémoire de Maitrise, année académique 2007-2008, p.12, inédit.

86 Dans le cas de la SOSUMO, celle-ci dispose d'un service informatique très performant avec un site web : et un e-mail : Sosumobu@yahoo.fr malheureusement, étant donné le caractère très administratif, les actionnaires sont informés ; Entretien avec un membre du Conseil d'Administration de la SOSUMO représentant les actions de l'Etat le 07/02/2020.

87 idem p.611.

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uniquement l'intérêt des actionnaires. Les intérêts d'autres multiples parties prenantes peuvent être lésés par l'exercice du droit à l'information des actionnaires.

En effet, des informations, livrées même en Assemblée générale, sur des valeurs courantes de certains actifs peuvent occasionner des dommages dans des cas particuliers.88 C'est pourquoi le droit à l'information des actionnaires peut aussi être une arme à double tranchant : il met souvent en conflit l'intérêt particulier de l'actionnaire, censé disposer d'informations précises pour mieux appréhender la gestion de la société, et celui de sa société dont l'une des missions est d' éviter que les concurrents s'emparent d'informations pouvant être exploités au préjudice de l'intérêt général des sociétaires. Comme C. BONNET l'a affirmé dans un de ses ouvrages : « Dans le monde hostile de la concurrence, il importe de pouvoir se situer par rapport aux autres concurrents et à cette fin, tout renseignement peut être utilisé pour apprécier la fermeté ou la faiblesse des positions adverses »89.

En conséquence, il s'avère indispensable de toujours contrôler la qualité de l'information à fournir aux actionnaires et le Conseil d'administration doit mettre en place une politique efficace de communication financière qui doit orienter l'élaboration des messages à leur transmettre. Le même Conseil s'assurera également que l'information diffusée est pertinente et fiable de sorte qu'un dialogue constructif puisse être établi90.

Dans cet ordre d'idées, afin de prévenir le risque que le droit à l'information soit un outil de déstabilisation utilisé par quelque actionnaire malveillant pouvant parfois être tenté de livrer les secrets de la société aux concurrents, le Conseil pourrait se référer à la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation française qui a décrété que la liste des documents demandés par les actionnaires revête un caractère limitatif.91

Et en effet, il convient de le souligner que le législateur burundais a autorisé les actionnaires à obtenir communication des livres et documents sociaux,92 sans toutefois en donner une liste

88Philippe Merle, Anne Fauchon, Droit Commercial, Sociétés Commerciales, 21ème éd. Dalloz, Paris, 2017/2018, p.296

89C. BONNET, Le secret dans la vie économique, Thèse, Paris, 1970 cité par Jacques Derthal ALBAS, op.cit, p.15

90 Pierre CHABANE, Op.cit. p.105

91 Com, 23 juin 2009, pourvoi n°08-14.117, qui exclut en conséquence, des communications, la copie des procès-verbaux du Conseil d'administration, les registres de présence au conseil et des convocations adressées aux administrateurs, ces documents n'étant pas visés par le texte. Trouvé sur le site internet : www.courdecassation.fr

92 Article 180 du CSP&PP.

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énumérative. Cela laisse penser que les gestionnaires disposent de la prérogative de ne pas donner aux actionnaires un document qu'ils jugent confidentiel.

Cela est d'autant compréhensible qu'à notre avis, la société se doit de se réserver le droit de ne pas porter à la connaissance du public des documents qu'elle juge très stratégiques et dont l'exploitation par des tiers risquerait de porter préjudice à sa survie même.

Comme l'affirme si pertinemment Jean Marie Denquin, « dans une société donnée, tout ne peut être dit et certaines choses ne peuvent pas être dites en certaines circonstances ».93 Pour sauvegarder l'intérêt de la société, les organes dirigeants sont eux aussi astreints au devoir de réserve.

Cependant, comme on doit maintenir l'équilibre entre le devoir de réserve et le droit à l'information des sociétaires, un mécanisme de protection des deux parties, actionnaires et société, doit être mis en place (2).

A.2. Les moyens d'exercice du droit à l'information A.2.1. Consultation des documents sociaux

Pour être en mesure de contrôler à tout moment de l'année la gestion de l'entreprise, il est du droit de l'actionnaire que des documents lui soient communiqués. Ensuite, par deux fois au cours d'un exercice, l'actionnaire peut également poser au Directeur Général des questions écrites relativement à des faits de nature à compromettre la continuité de l'exploitation, et dont la réponse est communiquée au commissaire au compte94. De même, à la clôture de l'exercice, les gestionnaires doivent présenter un rapport de gestion à l'Assemblée générale des actionnaires.

Les documents que l'actionnaire a le droit de consulter sont énumérés à l'article 399 du CSP&PP et sont entre autres ; les états financiers, le rapport de gestion et celui des Commissaires aux Comptes, le texte de l'exposé des motifs des résolutions proposées, des renseignements concernant les candidats au Conseil d'administration, ou au directoire, et la liste des actionnaires.

93Jean Marie Denquin, Les sens du droit, la politique et le langage, Ed. Michel Houdiard, Paris, 2007, p.29. 94 Article 400 de la loi n°1/09 du 30 mai 2011 portant Code des sociétés privées et à participation publique.

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Les trois premiers documents sociaux constituent l'information de base des actionnaires. Ils sont censés comporter une information sur la gestion de la société au sens le plus large.95 Par exemple le rapport de gestion doit comporter non seulement un commentaire sur les comptes annuels, mais également des indications sur les événements importants survenus après la clôture de l'exercice et sur les circonstances susceptibles d'influencer notablement le développement de la société, etc. Lorsque la société a réalisé ou envisage de réaliser certaines opérations spécifiques, les administrateurs sont tenus d'en informer les actionnaires dans un rapport de gestion au contenu obligatoirement détaillée.

Ce droit à la communication des documents revient en définitive à permettre aux actionnaires d'avoir une idée précise sur la gestion passée de l'entreprise et de leur offrir l'opportunité d'en apprendre davantage sur les éléments d'appréciation dont les assemblées ont disposé et sur les décisions qu'elles ont prises.96

Néanmoins, en fait d'exercice permanent de ce droit, la jurisprudence a tranché en lui fixant des limites : il ne saurait concerner des documents ou des fragments de documents autres que ceux qui ont été présentés auxdites assemblées97.

Cependant, les tribunaux peuvent également étendre le droit de communication à toutes autres pièces documentaires qui s'avéreraient nécessaires à l'information du demandeur justifiant d'un intérêt légitime.98

En plus de la consultation des documents, le législateur a donné aux actionnaires le droit d'en prendre copie à leur frais, à l'exception de l'inventaire. Ici le terme « copie » doit s'entendre de la manière la plus large : il recouvre à la fois les notes prises, les photocopies et les enregistrements au magnétophone destinés à conserver les renseignements dont on prend connaissance.99 Mais pourquoi donc exclure de ces documents la copie des inventaires ?

La réponse est simple : l'inventaire contient des renseignements précieux que la société ne souhaite pas voir divulgués auprès d'un concurrent et risquer ainsi de donner prise à l'espionnage industriel. Bien plus, il est constitué de centaines, voire de milliers de pages.

95M. Coipel, droit des sociétés commerciales SA, SPRL et SCRL, 2ème Ed. Kluwer, Bruxelles 2002, p.789.

96 Jacques Mestre, Sylvie Faye, Christine Blanchard, Sociétés commerciales, éd. Lamy S.A, Paris 1993, p.1319.

97 CA, Paris, 18 octobre 1963. Gaz.Pal.1964.I, JP, p.386, voir n°2987

98 Cass.Com., 10 février 1969, JP, p.526, note Delsace à propos d'une expertise judiciaire destinée à déterminer la valeur d'actions composant un patrimoine successoral.

99 Jacques Derthal ALBAS, op.cit. p.20

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Il serait donc trop demander à la société d'autoriser la reproduction de la totalité d'un tel document

En revanche si la société refuse de remettre à un actionnaire, en tout ou en partie, des documents qu'elle doit normalement tenir à sa disposition. Ce dernier peut saisir la juridiction compétente qui pourra ordonner à l'entreprise de le satisfaire, en vertu de l'article 402 du Code des Sociétés Privées et à Participation Publique du Burundi qui dispose : « si la société refuse de communiquer tout ou partie des documents visés aux articles 399 et 400, il est statué sur le refus, à la demande de l'actionnaire, par le Président du Tribunal de commerce ou, à défaut du Tribunal de Grande Instance statuant sans délai. »

A.2.2. Droit de poser des questions

Tout actionnaire peut également, deux fois par exercice, 100poser des questions écrites au Directeur Général sur tous faits de nature à compromettre la continuité de l'exploitation, et dont la réponse est communiquée aux Commissaires aux Comptes.

Toutefois, pour éviter que des actionnaires malveillants n'en profitent pour paralyser les activités en forçant les gestionnaires à passer tout leur temps à répondre à des questions sans rapport avec la vie de la société, le législateur a décidé que ce droit ne peut s'exercer que deux fois par exercice.

En outre, afin que les actionnaires n'invoquent pas la non transmission de l»information pour remettre en cause la crédibilité de leurs performances, les gestionnaires peuvent eux-mêmes prendre l'initiative de la leur envoyer ponctuellement par lettre en vue de les tenir régulièrement et directement informés des activités et des résultats, ainsi que, d'une manière générale, des événements qui peuvent avoir une incidence sur le cours de ces activités.101

De cette disposition, nous constatons que la loi n'impose pas ici un certain montant du capital social pour prétendre à l'information peu importe le nombre ou la valeur des parts que l'actionnaire a dans la société.

100 Article 400 al.2 du CSP&PP.

101 Jacques Mestre, Sylvie Faye, Christian Blanchard, op.cit. p.1319

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Il s'agit comme le dit Marcel Williams TSOPBEING d'une égalité arithmétique contrairement à l'égalité de proportionnelle qui s'observe dans la jouissance des autres droits des actionnaires notamment le droit de vote.102

En définitive il appert que le législateur a mis en place tout un arsenal de moyens pour que l'actionnaire soit suffisamment informé et puisse participer au contrôle de la société dont il est actionnaire. A ce stade, il aura droit notamment à : l'enrichissement des documents sur lesquels porte le droit à l'information des actionnaires, la possibilité de recourir aux juridictions compétentes en cas de refus des organes dirigeants de lui communiquer les documents requis, et enfin la possibilité de requérir l'inscription à l'ordre du jour d'une Assemblée générale d'un projet de résolution.

B. Le droit au vote, essentielle prérogative des actionnaires

Le droit de vote est un outil primordial dans la protection des intérêts des actionnaires. En effet, le législateur accorde à tout actionnaire le droit de participer à la vie et à l'avenir de la société à laquelle il a souscrit par l'expression de ses propres intentions et visions. En parlant de droit, on implique aussi et nécessairement la liberté pour l'actionnaire de pouvoir exprimer ses choix selon les normes et les principes établis (1) qui lui permettent l'exercice de ce droit en toute liberté et de participer à la prise des décisions collectives(2).

Le droit de vote s'exerce lors des Assemblées générales où l'actionnaire peut exprimer ses points de vue sur l'ensemble des points inscrites à l'ordre du jour.103

B.1. Le principe du droit de vote

L'actionnaire, en tant que propriétaire du patrimoine de la société dispose des droits de pouvoir défendre ses intérêts dans la société en participant au vote. En effet, prérogative essentielle de l'actionnaire, le droit de vote lui permet de veiller à la protection et à la fructification de sa part du capital investi dans la société, en en surveillant et en orientant l'utilisation104.

102 Marcel Williams TSOPBEING, l'information des actionnaires, une exigence fondamentale du droit des

sociétés OHADA?In Journal Officiel de l'OHADA, p.2 trouvé sur
internet www.ohada.org/index.php.pt/publication-pt/434-1-information-des-associes-une-exigence-fondamentale-du-droit-des-actionnaires-OHADA , consulté le 21fevrier 2020 à 12h30.

103 Pierre Cabane, op.cit. p.111.

104 Roch Van Den Driessche, l'exercice du droit de vote au sein des Assemblées Générales des sociétés cotées, Université Catholique de Louvain, Année Académique 2015-2016, mémoire de maitrise, p.14.

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En outre, s'il est bon de prévenir les abus des gestionnaires de la société dans l'accomplissement de leurs missions. Il est tout aussi indispensable de garantir à l'actionnaire son droit à prendre part à la prise des décisions en rapport avec la conduite des affaires de la société sans pour autant qu'il en use de façon illimitée105 : n'ayant pas d'emprise directe sur la gestion de la société, l'actionnaire ne dispose d'aucun autre moyen pour orienter la politique générale à mettre en oeuvre par les administrateurs.

De plus, outre que la participation des actionnaires aux délibérations des assemblées leur assure un suivi régulier du fonctionnement de l'entreprise, elle leur permet également d'influer sur la gestion des biens de cette dernière,106 et ainsi de protéger et promouvoir ses propres intérêts.

De ce qui précède, nous tirons la conclusion que le libre exercice du droit de vote est fondamental pour garantir l'existence même de la société et l'actionnaire doit l'exercer en toute liberté.

Mais, comme nous l'avons souligné plus haut, des informations suffisantes sur la vie de la société doivent être mises à sa disposition par les gestionnaires pour que l'actionnaire puisse voter en toute connaissance de cause. Encore faudra-t-il que ces informations soient de qualité et puissent véritablement éclairer l'actionnaire lorsqu'arrive le moment du vote. En effet, elles deviennent inutiles et inopérantes quand elles sont instrumentalisées, ou noyées sous une quantité incommensurable de documents ou rédigée de manière simplifiée ou peu précise.

Il faut souligner ici que cette liberté de vote dont dispose l'actionnaire ne peut bien s'exercer que si le vote lui-même est intègre et qu'il présente un caractère éclairé. En effet, l'intégrité du vote peut être menacée s'il est organisé sous la contrainte des acteurs tels que les dirigeants de la société.

Le principe de droit de vote consacre l'expression d'une volonté libre. Pourtant, toutes les conventions qui tendent à fixer à l'avance les règles de l'exercice de ce droit n'ont jusqu'ici pas été remises en cause par la jurisprudence. Les tribunaux prennent en compte, dans chaque cas, la gravité de l'atteinte au consentement éclairé des parties ainsi que l'intérêt que les clauses peuvent présenter pour le fonctionnement de la société107.

105 Jean Larguier, Philippe Conte, droit pénal des affaires, 11ème éd., Arman Colin, Dalloz, Paris, 2004, p.365

106 Pierre Cabane, op.cit., p.112.

107 Idem, p.1183.

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C'est pourquoi la jurisprudence a finalement tranché : il existe bel et bien un lien entre le droit de vote et le droit de participer à la prise des décisions collectives, ce deuxième droit impliquant l'exclusion de toute clause qui irait à l'encontre de l'exercice du premier, à moins d'une dérogation spéciale légale.108Pourtant, à notre humble avis, l'actionnaire, partie prenante dans la constitution de la société et ayant un intérêt, doit pouvoir jouir de la prérogative d'exprimer son opinion sur la vie de la société afin de pouvoir proposer, si besoin est, des solutions aux problèmes auxquels elle peut être confrontée.

Cependant, en votant, ce serait une grave erreur de la part de l'actionnaire de penser que l'exercice de son droit est destiné à défendre uniquement son intérêt personnel. Il doit l'utiliser pour défendre l'intérêt général étant donné qu'il reflète un concept institutionnel de la société.109 C'est la raison pour laquelle il ne saurait en aucun cas en être frustré car, relevant du domaine de l'ordre public, le droit de vote doit être exercé en toute liberté et nul ne peut empêcher l'actionnaire de participer aux assemblées.110

En effet, bien que le principe d'égalité entre actionnaires impose la proportionnalité entre le nombre de voix et la quote-part versée lors de la souscription au capital. Les statuts peuvent subordonner l'entrée à l'Assemblée générale à la possession d'un certain nombre d'actions, mais n'empêchent pas que les petits actionnaires se regroupent pour se faire représenter.

Pour renforcer le pouvoir des actionnaires, les juges ont accepté de consacrer certains accords relatifs à l'exercice de leur droit de vote par les actionnaires111 : par exemple si l'actionnaire ne se trouve pas privé de son droit de vote de façon irréversible, ou si l'intérêt social est sauf et exempt de toute idée de fraude.

Ainsi ont pu être validées les conventions particulières et temporaires relatives à : la renonciation particulière et temporaire au droit de vote, la suspension du droit de vote pour un temps déterminé, l'engagement pris pour voter en faveur d'une personne au Conseil d'administration.112 Dans ce dernier cas, il faut que l'engagement ne repose pas sur la promesse ou l'obtention d'un avantage financier car alors il s'agirait de trafic du droit de vote, infraction passible d'une sanction pénale.

108Cass. Com. Arrêt Château d'Yquem 9 fév.1999, 96-17.661, Bull. 1999.IV.n°44, p.36.

109 Khaled Aguemon, Réflexion sur l'abus de droit des sociétés dans l'espace OHADA : contribution du droit français, Université Jean Moulin Lyon 3, thèse de doctorat, Lyon, 07 septembre 2013. p.85.

110 Cass. Crim, 25 mai 1994, RJDA 1994, n°1038 où les représentants des diverses entités actionnaires d'une société anonyme s'étaient vu interdire l'accès à l'assemblée des actionnaires.

111 Maurice Cozian, Alain Viandier, Florence Deboissy, op.cit. p.317. 112Idem p.318

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A ce sujet, l'article 448 du Code Pénal français punit le président de séance et les membres du bureau de l'assemblée n'ayant pas respecté le principe d'égalité qui prévoit que le droit de vote attaché aux actions de capital ou de jouissance 113est proportionnel à la quantité d'actions que l'on possède dans un capital et que chaque action donne droit à une voix.114 Mais, comme nous l'avons souligné plus haut, ce principe connait des dérogations.

Ici, il y a lieu de se poser cette question : qu'arrivera-t-il si l'un des contractants ne respecte pas sa signature ? Le Tribunal du Commerce de Paris a tranché : faute d'opposabilité de la convention de vote, l'Assemblée générale à l'occasion de laquelle le signataire a violé son engagement n'est pas annulée et la seule sanction qu'il encoure est une condamnation à des dommages et intérêts, si tant est qu'un préjudice certain ait pu être démontré.

Dans le cas du Burundi, le législateur a garanti l'égalité de droits de vote de chaque actionnaire et décrété que celui-ci est proportionnel à sa participation au capital de la société (...).115 Cependant, la mise en application de cette disposition est difficile dans les sociétés mixtes comme la SOSUMO, car l'Etat a tendance à imposer ses prérogatives de puissance publique en sa qualité d'actionnaire majoritaire. Par ailleurs, au cours des Assemblées Générales, chaque actionnaire dispose d'autant de voix que d'actions souscrites.116

En conséquence, l'Etat, avec ses 99% des actions, aura toujours tendance à s'imposer dans les organes de gestion, ce qui ne va pas encourager les autres acteurs privés en association avec lui dans les sociétés commerciales ou industrielles117. Bien plus, l'Etat peut violer en toute quiétude les règles de prise de décisions car il est sûr que cela peut être réglé à tout moment et à son avantage.

Ainsi, à titre d'illustration, en dépit de l'absence du représentant de l'Etat, pourtant actionnaire majoritaire dans le capital de la SOSUMO S.M, le rapport d'audit a déclaré satisfaisantes les conditions du déroulement des délibérations de l'Assemblée générale Ordinaire du 14 août 2017 portant sur l'approbation du résultat de l'exercice 2016-2017 clos le 31 mai 2017. Logiquement, au regard des dispositions des articles 17 des statuts de la

113 T.com. Paris, réf. 12 févr.1991, Bull. Jolly. 1991, p.592, obs. M. Jeantin, accord relatif à la répartition des postes d'administrateurs.

114 Mireille Delmas-Marty Géneviève Giudicelli-Delage, Droit pénal des affaires, 4ème éd. Puf, Paris, 2000, p.338

115 Article 59 de la loi n° 1/09 du 30 mai 2011 portant code des sociétés privées et à participation publique, in BOB n° 05/2011 du 1er mai 2011.

116 Article 12 al.4 des statuts de la Sosumo.

117 SOFRECO, rapport d'audit organisationnel de la Sosumo, op.cit.p.23

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sociétés et 549, 419 du Code des Sociétés Privées et à Participation Publique, les résolutions y adoptées auraient dû être considérées comme nulles.118

Conclusion

Nous venons de voir que le droit de l'actionnaire de participer au vote est un droit absolu que personne ne peut lui contester.

Mais, la question n'en est pas résolue pour autant. En effet, la loi a-t-elle prévu une disposition permettant à l'actionnaire de donner mandat à une autre personne en cas d'absence ? A l'ère des nouvelles technologies de l'information et de la communication, permet-elle le recours au vote électronique ?

A la première interrogation, le Code des Sociétés Privées et à Participation Publique répond : un actionnaire est autorisé à se faire représenter par un autre, sauf si les actionnaires ne dépassent pas le nombre de deux. Cependant, l'actionnaire ne peut se faire représenter par une personne étrangère à la société que si les statuts le permettent.119 Cette clause s'explique, à notre avis, par le fait que, disposant de peu d'informations sur la société, la personne mandatée pourrait engager son mandant pour des décisions qui ne vont pas dans le sens de l'intérêt social. De même, elle sera peu motivée car elle n'a aucun intérêt personnel à défendre dans la société

En ce qui concerne le vote par correspondance électronique, le législateur burundais n'a rien prévu probablement parce que cette technologie n'est pas à la portée de tous les actionnaires et que cela pourrait donc entrainer des conséquences néfastes pour la société. Par contre, en France où la technologie est largement répandue et popularisée, tout actionnaire peut voter par correspondance quelle que soit la nature, ordinaire, extraordinaire ou spéciale, de l'Assemblée générale. Dans ce cas précis, les dispositions contraires des statuts sont réputées non écrites.

Le vote à distance par voie électronique s'effectue généralement avant la tenue de l'assemblée et ne doit pas être confondu avec celui qui est fait séance tenante, mais il doit être autorisé par les statuts. On y fait normalement recours quelle que soit la nature de l'Assemblée générale, ordinaire ou extraordinaire, mais rien ne semble interdire aux statuts d'en réserver l'utilisation à certaines Assemblées Générales. Un formulaire établi à cet effet par la société est remis ou transmis à l'actionnaire qui en fait la demande. Le vote à distance

118 BCPA international S.P.R.L, ABC Audit-Bilan Conseil, op.cit. p.6.

119 Article 248 al.2 et 3 de la loi n°1/09 du 30 mai 2011 portant code des sociétés privées et à participation publique, in BOB n°5/2011 du 1er mai 2011.

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est utilisé pour la vérification du quorum et la détermination de la majorité requise pour la validation des résultats du vote.

B.2. Droit de participer à la prise des décisions collectives

Comme l'a si bien fait remarquer Paul DIDIER, l'existence de la société commerciale est tributaire du droit des contractants à participer à la prise des décisions collectives.120 Et cette participation n'est véritablement effective que si elle se traduit par l'expression d'une opinion et d'un choix à travers ce qui est communément appelé « droit de vote ».

Etant donné que ce droit de participation est un droit d'ordre public et autorise l'actionnaire à intervenir pour protéger ses intérêts, il ne peut être aliéné que dans des conditions déterminées par la loi. A ce sujet, l'article 55 du CSP&PP dispose « sauf disposition contraire au présent code, ou des lois particulières, les microfinances, les assurances ou toute autre entreprise qui détient ou qui gère des fonds du public, tout actionnaire a le droit de participer aux décisions collectives. Toute clause statutaire contraire est réputée non écrite ».

Etant donné qu'en démocratie le pouvoir de décision appartient à la majorité, il convient de nuancer tout de même : la majorité ne saurait abuser de ses pouvoirs car elle violerait le prescrit qu'une société est constituée dans le but de défendre l'intérêt commun.121 Aussi les décisions qui ne concourent pas à la sauvegarde de l'intérêt général de la société peuvent-elles être annulées, comme précisé par ailleurs dans le Code des Sociétés Privées et à Participation Publique : « les décisions collectives peuvent être annulées pour abus de majorité à l'égard des actionnaires minoritaires.et engager la responsabilité des actionnaires qui les ont votées».122

Ici on serait en présence d'un abus de majorité si la décision est contraire à l'intérêt social et qu'elle a été prise dans l'unique dessein d'avantager les majoritaires au détriment des minoritaires.123

Il suffirait, pour caractériser l'abus, de retenir que la majorité a adopté une décision dans l'unique dessein de favoriser ses membres au détriment de ceux de la minorité.

120DIDIER, Paul, Brèves notes sur le contrat-organisation, in L'avenir du droit. Mélanges en l'honneur de François Terré, Dalloz, PUF, Éditions du Juris-classeur, 1999, pp.635-642.

121 L'article 1 CSP&PP définit la société comme une mise en commun de leurs apports en vue de partager le bénéfice et contribuer aux pertes éventuelles.

122 Article 60 de la loi n°1/09 du 31 mai 2011 portant code des sociétés privées et à participation publique. 123Com., 20 mars 2007, Bull. Joly 2007, p. 745

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C'est probablement pour limiter les effets de ce genre d'abus que le législateur burundais, ayant pris la précaution de distinguer trois sortes d'assemblées générales (ordinaires, extraordinaires et spéciales), a également pris soin de préciser quelles décisions sont prises lors de la tenue de chacune d'elles. Il a en même temps fixé les domaines d'intervention des Assemblées Spéciales.124

En ce qui concerne les modalités procédurales des délibérations, l'article 419 de la loi précitée dispose que l'Assemblée générale Ordinaire ne délibère valablement, à la première convocation, que si les actionnaires présents ou représentés totalisent au moins la moitié des actions. Par contre à la seconde convocation, aucun quorum n'est requis. Au moment du vote, l'Assemblée générale statue à la majorité des voix.125

Dans le cas de la SOSUMO où chaque actionnaire dispose d'autant de voix que d'actions souscrites, il sera difficile pour les actionnaires minoritaires d'avoir une influence dans la prise de décision lors des Assemblées générales Ordinaires car l'Etat est largement majoritaire. Les deux autres actionnaires, BRARUDI et ECOBANK, ne détenant que 1 % des actions ne feront qu'adhérer aux décisions de la majorité.

C'est la raison pour laquelle, à notre avis,, si réellement il veut asseoir la bonne gouvernance dans les sociétés mixtes, l'Etat devrait décider de restructurer le capital, soit en cédant une partie de ses actions aux opérateurs privés, soit en le revoyant à la hausse et ainsi appeler à la souscription de nouvelles actions avec l'objectif de susciter chez les actionnaires l'intérêt à participer à ce genre d'Assemblées.

Comme nous venons de le voir, l'Assemblée générale est un organe collégial, convoquée, non pour émettre des voeux ou des souhaits, mais pour débattre avant de prendre des décisions126 : lors d'une Assemblée générale Ordinaire, pour mesurer la représentativité127 au moment du vote, il est exigé un nombre de membres pouvant justifier de la possession d'au moins la moitié des actions composant le capital.

En ce qui concerne l'Assemblée générale Extraordinaire, ainsi appelée parce qu'elle ne relève pas de la gestion courante de la société, conformément aux dispositions du CSP&PP, elle est

124 Article 425 du CSP&PP.

125 Article 420 de la loi n°1/09 du 31 mai 2011 portant Code des sociétés privées et à participation publique.

126 Maurice Cozian, Alain Viandier, Florence Deboissy, op.cit.p.322 127Idem p.323

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la seule habilitée à réviser les statuts dans toutes leurs dispositions. Elle est ainsi compétente

pour :

- autoriser les fusions, scissions, transformations et apports partiels d'actifs ; - dissoudre par anticipation la société ou en prolonger la durée.

Toute clause contraire est réputée non écrite.

Toutefois, Assemblée générale Extraordinaire ne peut augmenter le montant des engagements des actionnaires au-delà de leurs apports qu'avec l'accord de chaque actionnaire.128 En cas de vote, les décisions sont prises à la majorité des 2/3 et en cas de scrutin, il n'est pas tenu en compte des bulletins blancs.129

Ces dispositions donnent, comme on le voit, à l'Assemblée générale Extraordinaire, des pouvoirs considérables puisque, non seulement elle peut apporter des retouches aux statuts, mais surtout peut modifier de façon très significative le pacte social en décidant une redistribution anticipée, des modifications du capital social, et un changement de l'objet social. Ce pouvoir reconnu à l'Assemblée générale Extraordinaire est d'ordre public.

Les statuts ne peuvent donc nullement être modifiés, ni par le Conseil d'administration, ni par le Directoire, ni par le Conseil de surveillance, ni même par l'Assemblée générale Ordinaire.130

Malgré tout, l'omnipotence de l'Assemblée générale Extraordinaire est tempérée par la loi qui a fixé certaines limites à l'exercice de ses pouvoirs ou par certains principes généraux. Par exemple, elle ne peut en aucun cas revoir à la hausse le montant de la participation des actionnaires au capital en prenant une décision qui entrainerait un alourdissement de la dette contractée par eux auprès de la société ou des tiers131. Une telle résolution ne pourrait être adoptée qu'à l'unanimité.

128 Article 421 CSP&PP.

129 Art 423 du CSP&PP.

130 Philippe Merle, Anne Fauchon, op.cit. p.625.

131 Com. 26 mars 1996, n°93-21.250, Bull. Joly 1996.604, n° 213 P. Le Connu (clause de non concurrence insérée au cours de vie sociale ; Civ. 1er, 5 nov.1996, n°94-19.529, Bull. Jolly, 1997, 131, n°44, P. Le Connu (décision de garantir le passif social) ; Com.24 juin, 1997, n°95-20.056, Bull Joly 1997,871, n°314.8, Saintourens (Blocage d'un compte courant).

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En corollaire, l'Assemblée générale Extraordinaire ne peut introduire une clause statutaire d'exclusion.132 En revanche, elle peut prendre des décisions qui entraineraient une diminution des droits des actionnaires.133

Une telle résolution ne pourrait être adoptée qu'à l'unanimité. Corollairement à cette disposition, l'Assemblée générale extraordinaire ne peut introduire une clause statutaire d'exclusion.134 Par contre, l'Assemblée générale extraordinaire peut prendre des décisions qui entraineraient une diminution des droits des actionnaires.135

Pour ce qui est de la participation des actionnaires aux sessions de l'Assemblée générale Extraordinaire, le législateur burundais les y autorise, quel que soit le nombre d'actions qu'ils y ont souscrites.136

Le droit de participation étant d'ordre public, les statuts ne pourraient exiger que les actionnaires soient détenteurs d'un minimum d'actions pour prendre part à ce genre d'Assemblée.137

Par contre, la jurisprudence considère qu'une Assemblée générale ayant pour objet de prendre des décisions autres que celles qui concernent l'affectation des bénéfices ne saurait être annulée au motif qu'un usufruitier n'a pas été convoqué pour y participer.138

En plus des deux assemblées mentionnées ci-dessus, le législateur burundais a prévu également une Assemblée générale spéciale.

Celle-ci réunit les détenteurs d'actions d'une catégorie déterminée chaque fois qu'une décision de modification de leurs droits doit être prise par une Assemblée générale, Ordinaires ou Extraordinaire : cette décision ne saurait être définitive si une Assemblée spéciale de cette catégorie même ne l'a pas entérinée.139

132 Paris, 17 févr. 2015, Bull. Joly 2015.359, R. Mortier.

133 Philippe Merle, Anne Fauchon, op.cit. p.626.

134 Paris, 17 févr. 2015, Bull. Joly 2 015 359, R. Mortier.

135 Philippe Merle, Anne Fauchon, op.cit. p.626.

136 Article 422 de la loi n°1/09 du 31 mai 2011 portant code des sociétés privées et à participation publique

137 Paris, 1er oct. 2013, Bull. Joly 2014 ? 243, J. Ph. Dom.

138 Civ. 3ème, 15 sept, 2016, n°15-15172, D. 2016. 2199, F. Danos. Par cet arrêt rendu à propos d'une société civile, mais transposable aux sociétés commerciales, la Cour de cassation dénie à l'usufruitier la qualité d'actionnaire sur la situation du nu- propriétaire non convoqué à une Assemblée générale Ordinaire in, Philippe Merle, Anne Fauchon, op.cit. p.628

139 Article 425 de la loi N°1/09 du 31 mai 2011 portant code des sociétés privées et à participation publique.

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L'exemple d'une Assemblée générale Spéciale est celui d'actionnaires détenteurs d'actions à vote double lorsqu'ils sont convoqués pour approuver une décision de fusion- absorption, de scission, de dissolution sans liquidation, ou de suppression du droit de vote double.

Concernant les modalités de consultation, les statuts peuvent prévoir de l'organiser par correspondance, voire par l'établissement d'un acte authentique ou sous seing privé signé par le mandant en cas de représentation.

A l'ère des Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication, elle peut également se faire par vidéo ou téléconférence, sauf que cette technologie n'est pas encore utilisée par les sociétés burundaises et qu'il n'en est pas fait mention dans le Code des Sociétés Privées et à Participation Publique.

Enfin, il sied de noter que l'Assemblée générale est la tribune idéale d'expression pour les actionnaires. Et il est entendu que, dès lors que les frontières de la diffamation ou de l'injure ne sont pas franchies, c'est, au fond, l'endroit privilégié où peut s'exercer le « droit de critique », et cet exercice n'est pas en soi fautif.140

Pour terminer, nous émettons néanmoins cette réserve que, si les mécanismes encadrant son exercice ne sont pas respectés, cette liberté de parole dont disposent les actionnaires peut parfois être source de conflits, risquant de paralyser la vie de la société et de surcroit nuire aux intérêts des actionnaires.

Paragraphe 2 : La prévention des crises de gestion

Les éventuelles crises de gestion d'une société peuvent être résolues par la procédure d'alerte (A) initiée, ou par le commissaire aux comptes, ou par les salariés ou par les actionnaires eux-mêmes. De même, lorsque la situation sociale de l'entreprise l'exige, les actionnaires peuvent également recourir à la justice pour demander la nomination d'un administrateur provisoire (B).

A. Procédure d'alerte comme moyen préventif des crises de gestion

Lorsqu'une société rencontre des difficultés, il peut arriver que les gestionnaires tardent à réagir, soit parce qu'ils n'en ont pas pris connaissance, soit parce qu'ils craignent, ou de provoquer la panique chez les créanciers, ou de s'exposer à des poursuites judiciaires.

140 Maurice Cozian et s. op.cit. p.330.

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En tout état de cause, si le gestionnaire ne réagit pas dans l'immédiat, le risque est grand que son incurie compromette la continuité de l'exploitation de l'entreprise.

Aussi, pour éviter à tout prix que les entreprises ne se retrouvent dans ce genre de situation, le législateur est-il intervenu à plusieurs reprises pour mettre en place des mécanismes de prévention de toute crise consécutive aux difficultés rencontrées par elles.

Dans cette partie de notre travail, nous allons d'abord nous imprégner du contenu de cette notion d'alerte (1) pour ensuite déterminer qui a qualité pour en enclencher la procédure. (2)

A.1. Notion d'alerte

L'alerte est une notion nouvelle qui n'est pas définie par le législateur burundais. Il nous faut par conséquent recourir à la doctrine pour arriver à en cerner les contours.

La notion d'alerte contient l'idée de « mettre en pleine lumière ou de révéler les signes d'une difficulté ou d'un problème ». En fait de gestion d'une entreprise, l'alerte constitue également un moyen de contrôle et d'information aux mains des actionnaires.

Pour le Professeur Filiga Michel SAWADOGO, la procédure d'alerte est celle par laquelle le Commissaire aux comptes ou les associés demandent des explications aux gestionnaires lorsqu'ils constatent des faits de nature à bloquer la continuité de l'exploitation.141

Il sied de souligner ici que la société peut, au cours de sa plus ou moins longue vie, rencontrer des difficultés susceptibles de la déstabiliser. Il n'est par conséquent jamais trop tôt pour les prévenir. Et l'efficacité de leur prévention dépendra de la rapidité avec laquelle elles ont été mises en plein jour et combattues.142

En effet, s'amplifiant avec le temps, elles deviennent de plus en plus difficiles à cerner et à résoudre. En conséquence, à défaut de les anticiper, il faut pouvoir mieux informer pour mieux les prévenir, en instituant un système d'information effectif et omniprésent. Aussi les organes concernés doivent-ils rester en éveil afin de les diagnostiquer à temps, qu'elles soient d'origine interne ou externe.

A ce sujet, le professeur Y. Chaput tranquillise : la procédure d'alerte n'est pas une occasion pour lancer des cris d'alarme ou déclencher des conflits. Il ne s'agit ni plus ni moins que de

141 Filiga Michel SAWADOGO, Traité et actes Uniforme annotés et commentés, Juriscope, 1999, p. 870.

142 Eric Aristide MOTTO FOPA, réflexions critiques sur le système de prévention des difficultés de l'entreprise OHADA, Mémoire de DEA, Université de Deschamps-Cameroun, 2007, p.16.

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prévenir des écueils prévisibles.143 Elle apparait dès lors comme une solution préventive interne pour régler les difficultés auxquelles fait face la société à une période déterminée. C'est pour cette raison qu'elle va procéder à la recherche de tous les indices qui vont permettre une intervention rapide, discrète et efficace pour leur éradication définitive.144

A.2. Procédure d'Alerte

La procédure d'alerte requiert une certaine discrétion. Son objectif est d'éviter d'ébranler la confiance que les parties prenantes ont placée dans cette entreprise. Celles-ci ont intérêt à ce que la société continue à prospérer, soit pour en tirer profit et récolter les dividendes à la fin de chaque exercice, soit pour poursuivre ses relations d'affaires avec elle.

En outre, la jurisprudence a estimé que la procédure d'alerte n'est pas la condition sine quoi non pour la prise de toute mesure d'urgence. En effet, chaque fois que le Commissaire aux Comptes relève des faits de nature à compromettre la continuité de l'exploitation, il y a urgence et le juge des référés est compétent même si la procédure d'alerte n'a pas été déclenchée.145

Dans le même ordre d'idées, ne se considérant pas comme l'unique personne à veiller aux intérêts de la société, le législateur burundais a, à l'instar de l'OHADA, accordé aux actionnaires le droit d'enclencher la procédure d'alerte.

Cela se comprend aisément car, acteurs souverains de la société, les associés jouissent de la prérogative de s'imprégner de la gestion de l'entreprise par l'intermédiaire des organes dirigeants,146non seulement en consultant les documents contenant des renseignements sur la situation de l'entreprise, mais également en exigeant des gestionnaires des explications en cas de découverte de faits à même de compromettre la continuité de l'exploitation.147

En faisant de la procédure d'alerte une option pour les actionnaires à notre humble avis, le législateur burundais a voulu placer les actionnaires devant leurs responsabilités : ils ont beaucoup plus intérêt à ce que la société puisse prospérer et qu'en conséquence, les difficultés

143 Y. Chaput, Droit de la prévention et de règlement des difficultés des entreprises, PUF, 1986, n° 40 cité par Filiga Michel SAWADOGO, droit des entreprises en difficultés, Bruylant, Bruxelles, 2002, n° 40, p. 36.

144 Yves Guyon, Droit des affaires, Tome 2, Entreprises en difficultés-Redressement judiciaire-Faillite, 9ème éd., Economica, Paris, 2003, n°1044, p.51

145 Cotonou178, n°178/99,30/9/99, Affaire Dame Karamatou IBUKULE c/ Société CODA- BENIN et quatre autres.

146P. Le Cannu et B. Dondero, Droit des sociétés : LGDJ, 6ème éd., Paris, 2015, n° 497,p. 330 (1152p)

147 Articles 399 et 400 du CSP&PP.

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auxquelles elle doit faire face momentanément ne soient pas portées à la connaissance des partenaires extérieures par peur de voir la panique s'installer chez eux.148

En second lieu, même s'il ne discrimine pas les actionnaires en introduisant une clause de conditionnalité basée sur la détention d'un nombre limité d'actions dans le capital de la société, le législateur a fixé un seuil à ne pas franchir lorsque les actionnaires posent des questions aux gestionnaires : l'article 400, al.2. du CSP&PP ne les autorise à les poser au Directeur Général que deux fois par exercice, et ce par écrit.

Il est fort probable qu'en agissant ainsi, le législateur ait jugé bon de ne pas créer une brèche qui pourrait constituer une entrave au fonctionnement de la société. Pour laisser les organes dirigeants consacrer plus de temps à gérer l'entreprise qu'à répondre à un questionnaire. C'est aussi pour cette raison que la prérogative de relever les faits pouvant compromettre l'exploitation de la société a été réservée aux Commissaires aux Comptes.

Pour conclure, retenons que le législateur a mis en place divers mécanismes de prévention des conflits au sein d'une entreprise. Pilier du développement d'un pays, l'entreprise est soumise à une surveillance permanente par des personnes ayant des intérêts directs à défendre. Cependant, dans le cas extrême où les actionnaires en arriveraient à perdre leur confiance dans les organes dirigeants, le législateur a prévu la nomination d'un Administrateur Provisoire (B).

B. L'Administrateur provisoire pour régler les conflits sociaux

Les relations entre actionnaires et/ou entre dirigeants et actionnaires peuvent devenir conflictuelles, de sorte qu'on doive imaginer des solutions particulières pour préserver l'autonomie de la société par rapport aux actionnaires. Parmi elles figurent notamment la nomination d'un Administrateur provisoire. Mais c'est seulement en cas de crise grave mettant en péril la survie de la société que cette solution peut être envisagée.

Il nous faut cependant noter que le législateur burundais n'a pas, à l'instar des autres législateurs, défini la notion d'administrateur provisoire ni déterminé son mode de fonctionnement.

148A. Bamdé & J.Bourdoiseau, La procédure d'alerte et la prévention des entreprises en difficulté, www.village-justice.com le 8/11/2018:

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B.1. La notion d'administrateur provisoire

L'Administrateur Provisoire est défini comme un mandataire de justice chargé d'assurer momentanément la gestion de la société en lieu et place des organes dirigeants lorsque celle-ci doit faire face à une grave crise résultant, soit de leur dysfonctionnement , soit d'un conflit entre actionnaires mettant en péril ses intérêts.

La désignation d'un Administrateur Provisoire est une mesure judiciaire exceptionnelle149 comme le rappelle fréquemment la Cour de Cassation depuis la célèbre affaire FRUEHAUF.150

L'administration provisoire est aussi perçue comme une institution quelque peu mystérieuse ou ésotérique, voire en marge de la légalité.151

Et le Professeur GUYON s'interroge sur le fondement de l'immixtion du juge dans la vie sociale qui ne se fonde sur aucun texte. Cette immixtion est d'autant plus surprenante qu'elle porte atteinte à la souveraineté des actionnaires, dont l'une des attributions essentielles consiste à nommer les membres des organes dirigeants.152

Au nom de la souveraineté des actionnaires, quelques tribunaux semblent vouloir contourner l'Administrateur dans une mission strictement délimitée qui contraste avec les pouvoirs de gestion les plus étendus reconnus aux dirigeants sans autre limite que l'intérêt social.153

Nous comprenons donc que la nomination d'un Administrateur Provisoire intervient dans des

circonstances exceptionnelles rendant impossible ou très difficile la gestion de la société, autrement dit en cas de crise grave mettant en péril sa survie même. Elle relève en cela de « l'assistance à personne en danger. » Par-delà les intérêts égoïstes des protagonistes, le juge se fonde sur l'intérêt social.154

149 Cass. Soc., 23 octobre 2012, n°11-24.609 ; Cass, 21 fevr.2012, n°11-18.608.

150 CA Paris, 22 mai 1965, JCP, G, 1965, II, 14274 bis, note NEPVEU, D. 1968, p.619, obs. R.RODIERE (faute de définition légale de l'intérêt social, cet arrêt est venu donner une lumière sur l'intérêt social qui est défini comme l'intérêt de l'entreprise c'est-à-dire qu'il englobe non seulement l'intérêt des actionnaires mais également celui des salariés, des créanciers, des clients, voire de l'Etat).

151 Khaled AGUEMON, op.cit. p.270.

152Y. GUYON, Les missions des administrateurs provisoires de sociétés, Mélanges Bastian, t.1, 1974, n° 1, p. 103 et s.

153Article 328 et 425 de l'AUSCGIE

154 Mohamed KONATE, l'Administrateur provisoire, article publiée dans www.village-justice.com le 8/11/2018, p.1

44

Il existe de nombreux cas où la désignation d'un Administrateur provisoire peut se révéler utile, voire indispensable lorsqu'il s'agit d'éviter la déconfiture d'une société. Cette mesure doit rester cependant exceptionnelle, car il s'agit d'une mesure grave pouvant entraîner le dessaisissement des organes de direction.155

Pour cette raison, la jurisprudence pose deux conditions pour qu'on puisse introduire une demande de nomination d'un administrateur provisoire : d'abord prouver qu'il y a paralysie des organes ; ensuite que cette paralysie est précurseur d'un péril imminent.

Ainsi, la Cour de Cassation a fréquemment rappelé le caractère exceptionnel de la mesure et exige de celui qui en fait la demande de produire la preuve de l'impossibilité du fonctionnement normal de la société et de la menace d'un péril imminent.156

La paralysie, elle, peut résulter de l'absence ou de la défaillance des organes de gestion et c'est lorsque le conflit entre acteurs sociaux persiste que le juge peut nommer un Administrateur Provisoire, mais à l'issue de l'examen préalable au fond des problèmes de la société.

La demande d'un administrateur provisoire peut également être faite quand il y a la mésentente entre actionnaires de nature à compromettre les intérêts sociaux et que ces intérêts étaient compromis par la défaillance des organes dans la gestion d'un Office notarial. En effet, selon l'arrêt du CA de Nanterre, « il ne peut être valablement soutenu que le fonctionnement de la société soit dans l'impossibilité de rendre compte de leur gestion. En l'état, la défaillance constatée des organes sociaux, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a désigné un administrateur provisoire pour gérer la société. 157»

Dans un autre cas de figure, les actionnaires peuvent discuter pendant un long moment au cours d'une Assemblée générale avant de parvenir à trouver un terrain d'entente, mais cela ne peut donner lieu à une demande de nomination d'un Administrateur provisoire tant que les organes sociaux fonctionnent normalement.

155 Me Jean DRAY, la désignation d'un Administrateur provisoire, p.1, publié dans la Voix du Web Juridique, le 03/02/2012. Trouvé sur www.legavox.fr

156Cass. com., 29 sept. 2009, n° 08-19.937, Bull. civ. IV, n° 18, Bull. Joly Sociétés 2010, p. 23, note G. GIL, JCP E 2009, n° 1979 ; Cass. com. 10 nov. 2009, n° 08-19.356, Dr. sociétés janv. 2010, comm. 8, obs. H. HOVASSE, Rev. Sociétés 2010, p. 219, note D. PORACCHIA, JCP E 2009, n° 2127 ; Cass. com. 18 mai 2010, n° 09-14.838, RTD com. 2010, p. 738, n° 7.

157 CA de Nanterre, 7 juin 2006, n° 04/01734.

45

C'est du moins la substance de la décision du juge de la Cour d'Appel d'Abidjan, dans l'affaire Société Négoce Afrique Côte d'Ivoire dite NACI-SA c/la Société WIN SARL. La Cour censure en ces termes : « Dès lors, quand bien même l'effectivité d'un litige entre MANUEL TERREN et les autres actionnaires de la société NACI, ne peut faire l'objet de contestation, il n'en demeure pas moins, qu'il n'a existé de fait, aucun blocage dans 'Administration et la gestion de ladite société.

Ainsi, le Premier Juge, en ne fondant sa décision de nomination d'un Administrateur provisoire au sein de la société NACI, sur le seul fait que ladite mesure ne lésait aucune des parties au litige alors qu'il eut fallu rechercher en l'espèce, l'existence ou non, d'une paralysie dans le fonctionnement de ladite société, n'a donné de base légale à sa décision.

Il y a donc lieu d'infirmer l'ordonnance querellée ,
· Statuant à nouveau, il convient de dire que la demande en nomination d'un administrateur provisoire de la société NACI n'est en l'état, nécessaire ,
· en sorte que les organes dirigeants de ladite société demeurent toujours en fonctions. 158
»

Au regard de cette jurisprudence, nous concluons que le juge provisoire n'est pas un arbitre des différends nés des mésententes entre actionnaires, mais plutôt, « un administrateur exceptionnel» chargé de sauver une situation exceptionnelle risquant d'entraîner la paralysie de la société.

La crise peut donc résulter d'un blocage des organes de gestion : ces derniers ne pouvant fonctionner parce qu'ils n'existent plus, on va parler de leur défaillance.159 Elle peut également avoir pour origine un conflit entre actionnaires ou même l'entrave à la bonne marche de la société due au disfonctionnement des organes dirigeants. Ainsi, la nomination d'un Administrateur provisoire peut se justifier à partir de l'attitude affichée soit par les organes de gestion, soit par les actionnaires, soit par les deux à la fois.

En conclusion, pour en arriver à cette décision extrême, il faudrait tout de même que la personne qui en fait la demande puisse prouver que l'intérêt social est exposé à un péril certain et imminent, de manière à conduire la société à la déconfiture.

158 Arrêt trouvé dans Mohamed Konate, op.cit., p.2

159 Khaled Aguemon, op.cit. p.275

46

A propos du péril imminent précisément, il faut noter que ni le législateur ni le juge burundais n'en font mention. Nous nous en tenons donc à la jurisprudence française pour dire un mot de cette notion.

On ne peut en effet parler de péril imminent que si la paralysie des organes entraîne un risque énorme de faillite pour la société : si le péril évoqué est juste éventuel, la demande n'est pas recevable. En outre, le péril encouru par la société revêt un caractère particulier quand il n'y a pas défaillance des organes, puisque sa gestion peut être assurée tant qu'elle est capable de fonctionner plus ou moins efficacement,160

C'est ce que par ailleurs affirme le juge de l'OHADA lorsqu'il déclare dans un arrêt, « qu'en cas de litige entre les actionnaires, la désignation d'un administrateur provisoire au sein de celle-ci est soumise à l'existence d'une paralysie dans son fonctionnement, faute de quoi, la demande de désignation n'est pas indispensable et les organes dirigeants demeurent toujours en fonction. 161»

Autrement dit, les faits qui suscitent cette désignation doivent être d'une gravité telle que si aucune mesure n'est prise pour mettre fin, au moins temporairement à la gestion désastreuse caractérisée, la disparition de la société s'en suivrait inéluctablement.162 La Cour de Cassation l'a d'ailleurs rappelé dans l'un de ses arrêts récents en précisant que « pas de nomination d'un Administrateur provisoire sans preuve d'un péril imminent pour la société. 163»

Le requérant devra donc prouver que le fonctionnement de la société est perturbé dans des conditions susceptibles de mettre en péril l'intérêt social. Il en sera par exemple ainsi au cas où le rapport annuel de gestion et d'approbation des comptes n'a pas été produit, bloquant ainsi toute information sur la situation de la société ; en cas de vacance de postes due à la démission d'un organe dirigeant ; en cas d'absence durable de quorum ou de majorité ; ou alors en cas de conflits de deux blocs égaux d'actionnaires paralysant tous les processus de prise de décision.

Dans tous ces cas, il faut que le blocage soit caractérisé et durable et non purement occasionnel, que l'incertitude ou l'impossibilité momentanée de déterminer une majorité soit avérée.

160M. A. MOUTHIEU, L'intérêt social en droit des sociétés L'Harmattan, 2009, n° 528, p. 316.

161CA Abidjan, arrêt n° 258, 25 fév. 2000, Bull. Juris. OHADA, n° 1/2002, p. 42.

162CA Littoral, Arrêt n° 38/Réf. du 10 févr. 1999, note Y. KALIEU.

163Cass. Com., 18 mai. 2010, n° 09-14.838, RTD com. 2010, n° 7, p. 738; Soc., 23 oct. 2012, n° 11-24.609.

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En outre, l'administration provisoire ayant pour objet de pallier temporairement la défaillance des organes de gestion, sa mission doit être définie en conséquence pour ne pas empirer une situation déjà explosive.

B.2. Nomination d'un administrateur provisoire

Normalement, la désignation d'un administrateur est de la compétence du Président du Tribunal de Commerce. Ayant une expérience en matière de gestion d'entreprise et de comptabilité.164L'administrateur provisoire désigné doit offrir des garanties d'indépendance et d'impartialité. Il est tenu de respecter les prescrits d'un code déontologique et sa responsabilité professionnelle devra être couverte par une assurance.

Le Président du Tribunal du Commerce qui le désigne précise les pouvoirs lui octroyés. Ceux-ci ne comprennent ni l'aveu de faillite, ni celui de représentation d'un commerçant dans une procédure de faillite.165

L'acte de nomination ainsi que l'énumération des fonctions d'un administrateur provisoire font objet d'une inscription complémentaire au Registre de Commerce et des Sociétés.166

De portée normalement très générale et ne précisant parfois que sa durée et son objet167, la mission de ce dernier comporte l'ensemble des fonctions d'administration courante, ce qui entraîne automatiquement le dessaisissement des organes de gestion en place.

Aussi la Cour de Cassation française a-t-elle notamment jugé que l'administrateur dispose des pouvoirs les plus étendus pour gérer la société et son établissement commercial168 et a-t-elle, à plusieurs reprises, rappelé sa nature essentiellement conservatoire se limitant aux seuls actes d'administration et de gestion courante.169

Sauf décision précise du juge, l'administrateur provisoire doit normalement s'abstenir de tout acte qui engagerait l'avenir de façon irréversible ou d'opérer un choix politique qui ne relève pas de sa responsabilité.

164 Article 136 al.1 de la loi n° 1/05 du 23 Janvier 2018 portant insolvabilité du commerçant au Burundi.

165 Article 7 al.2 de la loi n° 1/07 du 15 mars 2006 sur la faillite.

166 Article 63 de la loi n° 1/01 du 16 janvier 2015 portant révision de la loi n° 1/07 du 26 avril 2010 portant code de commerce.

167 Me Joan Dray, La Désignation d'un Administrateur provisoire, article publié le 03/02/2012 dans la voix du Web Juridique et consulté sur www.legavox.fr

168Cass. Com., 5 nov. 1971 : Bull. civ. 1971, IV, n° 261.

169 Ibidem

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Ainsi, par exemple, une Cour d'Appel a rendu cet arrêt le 27 octobre 1969: « le pouvoir discrétionnaire conféré au Conseil d'administration par les statuts d'approuver ou de rejeter la candidature d'un acquéreur de parts sociales étranger à la société sort du cadre de la mission confiée à un administrateur provisoire : celui-ci est seulement chargé de gérer la société et non d'endosser les responsabilités qu'implique la mise en oeuvre d'une clause d'agrément », et la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation a approuvé.170

Il existe d'autres exemples d'actes graves de disposition que l'administrateur provisoire ne peut poser, comme des réalisations d'actifs non spécialement autorisés, même si ces actes lui paraissaient indispensables à la survie de l'entreprise en difficultés financières.171 Pour cela, il lui faudrait préalablement solliciter une autorisation spéciale. En fait, il ne doit s'acquitter que des obligations légales ou contractuelles courantes d'un chef d'entreprise.

Toujours en France, et d'après l'arrêt des juges, l'Administrateur provisoire qui omettrait de procéder aux déclarations sociales annuelles auprès de l'Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et Allocation Familiales (URASFF) commettrait une faute.172 De même, il doit accomplir les obligations légales de l'organe de gestion dessaisi dès lors que les conditions sont remplies et que l'urgence le commande.

Parmi les missions confiées à l'Administrateur provisoire figurent principalement les prises d'actes juridiques courants nécessaires à la poursuite de l'activité de la société et la réalisation de son objet social, entre autres l'approvisionnement en matières premières indispensables à la bonne marche de l'entreprise.173 Le juge peut également y ajouter des missions plus précises.

Par ailleurs, la troisième Chambre Civile de la Cour de Cassation française a rappelé le principe du dessaisissement de l'organe de représentation de la société, qui est l'effet automatique de toute nomination d'un Administrateur provisoire chargé d'une mission générale d'administration et de gestion d'une société.174

Pour conclure, nous voyons que l'Administrateur garde une importante latitude d'action lui permettant de résoudre la crise ou de préserver la société du péril encouru.175

170Cass. Com., 27 oct. 1969: Bull. civ. 1969, IV, n° 314

171 Khaled Aguemon, op.cit. p.278

172Cass. 2ème civ. 21 juin 2005 : pourvoi n° 04-30150, Aff. URSSAF du Hainaut : Juris-Data n° 2005-029259

173Cass. Com., 26 janv. 1981 : Rev. Sociétés 1981, p. 606, note Sibon

1743e civ., 25 oct. 2006 : Juris-Data n° 2006-035539

175M. A. MOUTHIEU, op.cit. p. 318

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Malheureusement, malgré l'importance reconnue d'un tel organe, le législateur burundais ne l'a pas prévu dans son arsenal juridique.

Pourtant, son rôle pourrait être déterminant dans la prévention de la `'mort subite» des sociétés commerciales burundaises et dont on sait qu'elle serait fatale non seulement pour l'Etat, mais aussi pour les associés, car le partage des dividendes à la fin de l'exercice, qui par ailleurs constitue l'élément substantiel de la création d'une société, serait définitivement compromis (Section 2).

Section 2 : Les droits financiers des actionnaires

Les actionnaires, en créant une société commerciale, visent en premier lieu le partage des bénéfices, ou s'attendent à en tirer d'autres profits économiques qu`elle pourrait générer176. Cette vocation financière de l'entreprise se matérialise généralement, pour l'actionnaire, par la jouissance de son droit aux dividendes, c'est-à-dire aux quotte- parts des bénéfices distribués à la fin de chaque exercice (Paragraphe 1), ainsi que de son droit aux réserves qui représentent la masse des bénéfices non distribués et aux boni de liquidation177 (Paragraphe 2).

Paragraphe 1. Le droit aux dividendes

Le but de la création d'une société commerciale est avant tout de réaliser des bénéfices pour le compte des actionnaires. C'est pourquoi des auteurs ont pu dire que la société commerciale n'a pas d'âme : elle ne connait pas les sentiments affectifs. Elle est guidée par un seul but : la recherche de bénéfices.178 Mais cette conception doit être nuancée.

En effet, dans les sociétés coopératives, le but visé est la promotion des valeurs de prise en charge, de bien-être, de démocratie, d'égalité. Ces sociétés veillent également, dans l'exercice de toutes leurs activités, au respect des valeurs d'intégrité et d'ouverture à tous. Elles doivent de manière particulière répondre aux besoins de leurs membres qui participent de manière égale à la constitution de leur capital.179

Avec l'émergence de la notion de la responsabilité sociale et d'entreprises citoyennes, nous voyons que le seul but de la recherche de bénéfices s'estompe. Car, les société vont plutôt

176 Article 2 du CSP&PP.

177 Maurice Cozian et consort, op.cit.p.330

178ANOUKAHA François, CISSE Abdoullah, DIOUF Ndiaw, NGUEBOU TOUKAM Josette, POUGOUE Paul-Gérard, SAMB Moussa, Sociétés commerciales et GIE, Collection Droit uniforme africain, Bruylant, Bruxelles, 2002, p. 124

179 Article 6 de la loi n° 1/12 du 28 juin 2017 régissant les sociétés coopératives au Burundi.

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privilégier les politiques incitatives qui invitent les entreprises à travailler avec des partenaires aux pratiques commerciales éthiques, au réinvestissement des bénéfices dans des programmes de santé et de sécurité, ou d'environnement, au soutien d'organismes de bienfaisance dans les communautés où elles exercent leurs activités ainsi qu'à la promotion de l'égalité femme/homme au sein des équipes de direction.

Néanmoins, ce serait un leurre que de penser que la création d'une société doit déboucher nécessairement sur la récolte de bénéfices. Des déboires imprévisibles peuvent survenir et entraîner des pertes que les actionnaires doivent assumer.

Le législateur burundais a défini le bénéfice comme étant constitué des produits nets de l'exercice, déduction faite des frais généraux et autres charges, y compris tous les amortissements et provisions.180 Cependant, parler de bénéfice ne doit pas faire penser immédiatement à sa distribution automatique entre actionnaires. Loin de là.

En effet la société doit d'abord satisfaire certaines obligations légales avant de penser à distribuer des dividendes aux actionnaires. Ces obligations sont notamment la constitution d'une réserve à partir des prélèvements par une société sur les bénéfices avant qu'ils ne soient distribués aux associés, dans un but de prévoyance. Les réserves permettront de faire face plus tard à certains risques, ou de faciliter l'extension de l'affaire.181

Ces réserves sont des réserves légales car prévues par la loi. Le législateur burundais les a fixées à 5 % du bénéfice. Elles ne cessent d'être obligatoires qu'une fois qu'elles atteignent un montant égal à 10 % du chiffre d'affaire.182 Elles peuvent également être prévues par les statuts ou décidés librement par les associés en Assemblées générales ordinaires : ce sont alors des réserves facultatives ou libres.183

Quant au partage des bénéfices, c'est l'Assemblée générale qui détermine la part à attribuer aux associés sous forme de dividendes, après approbation des comptes et constatation de l'existence des sommes distribuables.

Mais qu'entend-on par dividendes, et comment sont- ils constitués (A) ? Qu'en est-il de leur distribution ? Et quid d'une de ses variantes appelée dividende fictif (B) ?

180 Article 72 du CSP&PP.

181 Serge Guichard, Thierry Debard, op.cit.

182 Article 73 CSP&PP

183 Ibidem.

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A. Les dividendes

A.1.Notion de dividendes

Le législateur burundais n'a pas défini la notion de dividende et s'est contenté d'indiquer l'organe habilité à décider de sa distribution.

Nous nous en référerons donc, pour une meilleure compréhension du concept, au dictionnaire du droit privé qui le définit comme « la partie des bénéfices d'une société qui, sur décision de l'Assemblée générale est distribuée à chaque titulaire d'une action. 184 »

Au regard de cette définition, l'Assemblée générale, après avoir approuvé les comptes de l'exercice et constaté l'existence de sommes distribuables, va décider du montant à distribuer, mais seulement à deux conditions :185

- d'abord que la société ait réalisé des bénéfices, condition que, par ailleurs, le législateur burundais a lui aussi repris à l'article 75 du Code des Sociétés Privées et à Participation Publique ;

Nonobstant, si les bénéfices de l'exercice sont insuffisants, il est possible de « piocher » dans les réserves constituées aux cours des exercices précédents.186

- Ensuite, que l'Assemblée générale ait statué en faveur de cette distribution.

En effet, en tant qu'organe suprême de la société, il lui est loisible, par mesure de prudence, ou de laisser les bénéfices en réserve de façon à assurer l'autofinancement de la société, ou alors de constituer, à partir du montant relevé, un fonds d'épargne de la société constituer, à partir du montant relevé, un fonds d'épargne de la société.

La constitution d'une réserve peut être comprise à partir de deux considérations assez différentes de l'organe responsable :

- Tantôt, elle a pour objectif de permettre l'autofinancement de la société pour d'éventuels investissements, surtout lorsque le taux d'intérêt est élevé.

184 Serge Braudo, Dictoinnaire du droit privé, trouvé sur internet www.dictionnaire-juridique.com

185 Maurice Cozian, Alain Viander, Florence Deboissy, op.cit. p.331

186 Ibidem.

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Mais un tel choix peut donner lieu à l'émergence d'un sentiment de frustration chez les actionnaires qui auront l'impression que la politique financière de la société est décidée sur la base du seul intérêt de la société.187

- Tantôt, elle vise à réguler, d'un exercice à l'autre, la distribution du montant du dividende : le bénéfice mis en réserve une année exceptionnellement bonne peut permettre la distribution d'au moins une petite partie de dividende en compensation pour les années maigres à très faible réalisation.

Ici aussi, la décision viendrait contredire l'esprit même de la création d'une société car l'actionnaire doit, en principe, non seulement profiter des bénéfices qu'elle génère, mais aussi prendre à son compte les pertes éventuelles subies par elle.

Il faut cependant noter que la réserve ne concerne qu'une partie très minime du bénéfice, calculée de façon à attribuer à chaque actionnaire, comme dividende, un montant en chiffre rond.

Il faut également souligner que toute distribution de dividendes doit se conformer au principe d'égalité des actionnaires, même si cette égalité est soumise à certaines limites.

A.2. Fondement de la distribution des dividendes

En décidant de créer une société, les actionnaires pensent d'abord à pouvoir jouir de leur droit financier qui consiste à partager le bénéfice qu'elle va générer et qui doit leur être distribué en retour. Néanmoins, ils doivent toujours garder présent à l'esprit que tous les bénéfices réalisés par la société ne sont pas distribuables.188

C'est donc dire que la détermination du bénéfice distribuable doit se faire dans le strict respect des règles générales de fonctionnement des sociétés, car, celles-ci se meuvent dans un environnement social créé par les Etats dans le souci de garantir leur pérennité en leur qualité d'acteurs incontournables du développement économique.189

C'est pour cette raison que, à l'instar des autres législateurs, le législateur burundais cherche, non seulement à écarter d'elles tout risque de faillite et de disparition, mais également à les protéger en vue de stimuler les investisseurs, les associés et tous autres partenaires.

187 Yves Guyon, op.cit.p.450

188 Philippe Merle, Anne Fauchon, op.cit. p.715

189 Marcel Rostel KANAN KENGNI, la distribution des dividendes en droit des sociétés OHADA, Mémoire de Master, Université Dschang, 2013, p.9

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En conséquence, la règlementation de la distribution des dividendes ne poursuit qu'un seul objectif : séduire l'actionnaire par le versement contrôlé de ces dividendes, répondant ainsi à ses exigences.190

Le droit au dividende est donc, pour l'actionnaire, une prérogative légale dont on peut appréhender la raison d'être sous deux angles :

- Sur le plan pratique, le dividende joue un rôle informationnel.

En effet, la décision de distribuer les dividendes est un signe révélateur de l'état des résultats de la société.

Le fait de réduire ou de modifier le montant du dividende à octroyer aux investisseurs leur donne une idée sur l'avenir de la société quant au résultat à attendre d'elle :191 l'augmentation du dividende augure de sa prospérité et prédit une évolution positive, tandis que dans le cas contraire, la société aura présenté une image que l'on n'attendait pas et dont les conséquences pourraient être fâcheuses et donner lieu à des sanctions pénales.

- Sur le plan économique, le respect des règles relatives à la distribution des dividendes préserve la société d'éventuelles difficultés financières pouvant conduire à sa disparition.

En définitive, l'on retiendra que l'Assemblée générale ne peut distribuer les dividendes qu'en respectant une procédure spécifique : après approbation des comptes de l'exercice et constatation de l'existence des sommes distribuable, si elle juge de l'opportunité de distribuer les dividendes, elle décide, en fonction des bénéfices réalisés, du montant que la société doit, de droit à chaque actionnaire.192 A partir de cette décision, chaque actionnaire devient créancier du dividende.193En effet, jusque-là l'ensemble des associés était titulaire d'une créance globale correspondant au passif interne de la société : la décision de mise en distribution individualise donne dès lors et automatiquement le droit de chacun et le rend exigible à l'époque fixée.194

190 Amer YAHIA Amel, le régime juridique des dividendes, Harmattan, Paris, 2010, p.3

191 Hafeda BEN HAFIA et Abbes LAMIE, Politique de distributions des dividendes , impact boursier, Mémoire de Master, Institut de Haute Etudes Commerciales de Carthage, 2010-2011, p.26 et 27 cité par Marcel Rostel KANAN KENGNI, idem p.10

192 Cass.Com, 23 octobre 1990, Bull Joly 1990

193 Cass. Com, 23 octobre 1984, Rév. soc. 1986, 97 note DAIGRE, Paris 1er décembre 1984, S. 1985.2.65, 2 mai 1985, S. 1986.2.180, Gaz. Pall.1985.2.113.

194 George Ripert, René Roblot, op.cit. p.1137

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De fait, si d'aventure, dans l'intervalle entre cette décision et le paiement effectif du dividende la société fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, l'actionnaire bénéficiera du même traitement réservé aux autres créanciers. Au cas contraire, l'éventuelle restitution de sa part de capital n'interviendra qu'après apurement de la dette des autres créanciers : ses chances de recouvrement sont donc fortement réduites.195

Malgré tout, ce droit de créance donne aux actionnaires le pouvoir de recourir à une saisie arrêt entre les mains des organes de la société pour immobiliser les dividendes à leurs profits.196

Comme nous l'avons souligné plus haut, la décision de distribuer les dividendes est prise par les organes habilités avant que leur montant ne soit fixé. Cependant, si tous ces organes estiment que l'état de la trésorerie ne le permet pas et que cela risque de violer les droits des créanciers, ils possèdent la prérogative de suspendre l'opération.197

De notre point de vue, la raison en est que les actionnaires ont plus intérêt à maintenir de bonnes relations avec les partenaires sociaux et à désintéresser les créanciers que de vouloir à tout prix partager des bénéfices.

Aussi, quand la société fait face à des difficultés financières, l'Assemblée générale doit-elle plutôt décider de suspendre la distribution des dividendes. Il en sera de même si les capitaux propres sont à ce moment ou risquent d'être par la suite inférieurs au montant du capital augmenté des réserves. Dans ce cas, on doit préférer la survie de la société à l'intérêt des actionnaires.

Ainsi par exemple,, la Cour de Cassation française a jugé qu'il n'y a de dividendes qu'autant qu'il existe réellement des bénéfices, que sans bénéfices, leur distribution ne se justifie que sous forme de remboursement total ou partiel de la mise sociale, et que les associés qui en bénéficient sont dans une obligation de restitutions, en vertu du principe général édicté par l'article 1376 du Code Civil français : « celui qui reçoit sciemment par erreur ce qui ne lui est pas dû est obligé de le restituer. 198»

195 Yves Guyon, droit des affaires tomes 1, Droit commercial Général des sociétés, 12ème éd. 2003, Paris, Economica, p.449

196 JCP 1955.2.8858, note Bastian, D.1955.551, Banque, 1957. 103 note Marvin.

197 Seine.Com. 25 mai 1936, Gaz. Pall., 1936.2.254.

198 Arrêt Cassagne C. Syndic Bellotini, trouvé dans Jurisprudence Générale du Royaume, 1837.II.230.

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Cette décision du juge corrobore la volonté du législateur burundais qui impose aux actionnaires la restitution des dividendes qui ne correspondent pas à des bénéfices réellement acquis des actionnaires qui les ont reçus.199

Cependant, l'article 81 du CSP&PP fixe les conditions de cette obligation :

- la distribution doit avoir été effectuée en violation des dispositions des articles précédents ;

- la société peut prouver que les bénéficiaires avaient connaissance du caractère irrégulier de la distribution ;

- les bénéficiaires ne pouvaient l'ignorer compte tenu des circonstances.

Les dividendes qui seraient distribuées au mépris de ces exigences seraient qualifiés de dividendes fictifs, faits prévus et punis par le Code Pénal Burundais.200

Et la distribution des dividendes fictifs a été érigée en infraction parce qu'il s'agit bien d'une violation flagrante du principe même de l'intérêt social, guide et véritable « boussole » pour les organes dirigeants de la société.201

Ce qui nous amène à nous pencher sur cette notion de dividendes fictifs (B). B. La distribution de dividendes fictifs

En général, si la société attribue un dividende aux associés, alors qu'elle n'a pas réalisé de bénéfices, elle leur restitue le capital social, sans respecter l'engagement pris par les associés envers les créanciers.

Préjudiciable aux créanciers, une telle opération est également dangereuse pour la société elle-même dont le capital sera nécessairement entamé, et pour les tiers qui, devant la prospérité apparente des affaires, seront tentés de devenir des associés ou des prêteurs202.

C'est la raison pour laquelle tout dividende distribué en violation des règles sur l'approbation des comptes et la constatation de l'existence de sommes distribuables est un dividende fictif.203

199 Article 80 du CSP&PP.

200 Article 477.3 de la loi n° 1/27 du 29 décembre 2017 portant révision du code pénal.

201 A. PIROVANO , La boussole de la société, intérêt commun, intérêt social, intérêt de l'entreprise ? D.1997, 24ème cahier.

202 Mireille Delmas-Marty, Géneviève Giudicelli-Delage, op.cit. 371

203 Philippe Merle et Anne Fauchon, op.cit.377.

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B.1. Notion de dividendes fictifs

Il faut noter ici que le législateur burundais n'a pas défini le dividende fictif. Il s'est uniquement contenté de circonscrire les actes qui ne sont pas constitutifs du dividende fictif.

A défaut d'une définition claire du législateur burundais, et partant des articles 72 à 81 du CSP&PP, nous pouvons considérer le dividende fictif comme la part des bénéfices réalisés par une société et qui a été distribuée sans l'approbation par l'Assemblée générale des comptes et la constatation par elle de l'existence de sommes distribuables.

Au moins le législateur communautaire de l'OHADA, sans être lui aussi beaucoup plus explicite, nous révèle les éléments constitutifs de l'infraction de dividendes fictifs. Mais, le législateur burundais a soumis la distribution des dividendes effectuée en violation des règles y relatives à une sanction pénale sauf si un rapport de certification émanant d'un Commissaire aux Comptes fait ressortir un bénéfice net supérieur au montant des acomptes.204

Au vu des développements précédents, nous constatons que le législateur aussi bien burundais que de l'OHADA n'a pas voulu enfermer la notion de dividende fictif dans une définition qui risquait de ne pas tenir compte de certaines pratiques qui évoluent très vite en droit des affaires.

Tout d'abord, le dividende se définit comme la somme d'argent correspondant à chaque action et résultant du partage des bénéfices. Il se doit d'être justifié. Or, il peut arriver que des dirigeants distribuent des dividendes de façon indue sans que les bénéfices les justifiant existent réellement, leur but étant surtout de mystifier créanciers et investisseurs par l'image d'une fausse prospérité.205

Le caractère fictif du dividende est évident quand le bilan ne fait apparaître aucun bénéfice. Mais, ce n'est pas uniquement sous cette forme simple que l'infraction est commise.

Il y a également dividendes fictifs si le bilan a été établi pour faire apparaitre un bénéfice qui n'existe réellement pas. Or, l'infraction de distribution de dividende fictif suppose un

204 Anaclet NZOHABONANYO, Cohabitation des intérêts des créanciers et des actionnaires de la société anonyme dans la protection du capital social : Quid de la législation burundaise et de l'espace OHADA, in revue Pénant n° 910 janvier-mars p.128.

205 Lilian Cadel Biassaly, la distribution de dividendes fictifs en droit des sociétés Ohada, trouvé sur le site

internet : https://www.village-justice.com/articles/delit-distribution-des-dividendes-fictifs-droit-des-societes-
ohada

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dividende prélevé sur le capital augmenté de la réserve légale et statutaire, gage intangible des créanciers sociaux.206

La jurisprudence énumère les manoeuvres frauduleuses les plus fréquemment utilisées :

- dissimuler certains éléments du passif ;

- ne pas pratiquer les amortissements nécessaires207 ;

- faire figurer à l'actif des profits qui n'ont pas encore été réalisés.208

La jurisprudence a également retenu un autre aspect, nouveau celui-là, de l'infraction de distribution de dividende fictif : une société peut avoir des réserves libres qu'elle pourrait distribuer à ses actionnaires.

Mais, si en l'absence de bénéfices à la fin d'un exercice déterminé, le Conseil d'administration fait voter, à l'aide d'un bilan inexact, la décision de distribution d'un dividende comme provenant du bénéfice de l'exercice et qu'en réalité il le prélève sur les réserves, ce dividende est fictif.209

En distribuant de faux bénéfices, on distribue, en réalité, des réserves, voire, ce qui est encore plus grave, le capital social, de sorte que la société se vide ainsi de sa substance. En conséquence, cette situation de prospérité apparente abuse dangereusement les tiers.

En effet, une distribution de dividendes fictifs relève à la fois de l'abus de confiance et de l'escroquerie.210 La pérennisation de la société exige donc de recourir aux moyens les plus radicaux : la pénalisation et la sanction de ce genre d'opération.

Le législateur burundais, à l'instar des autres législateurs (français ou de l'OHADA par exemple) ayant érigé en infraction la distribution des dividendes fictifs, il convient de voir quels sont ses éléments constatifs ainsi que les sanctions prévues pour sa répression.

206 George Ripert, René Roblot, Traité de droit commercial, tome 1, 14ème éd. LGDJ, Paris 1991, p.1139.

207 Paris 2 décembre 1938, JCP 1939.

208 Crim. 28 juin 1862, D. 1862.I.1862, S.62.I.625 Affaires mines, Civ 7 mai 1871.

209 Crim. 22 janvier 1937, D. 1937.I.71 note TCHERNOFF, S. 1938.I.297. note Legal. . Soc.5 mai 1949.

210 Kissi SAMIA, Distribution de dividendes fictifs en droit algérien, Université de Tlemcen année académique 2015-2016, Thèse de doctorat en droit privé, p.20

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B.2. Les éléments constitutifs de l'infraction de distribution de dividendes fictifs Les éléments constitutifs de l'infraction de distribution de dividendes fictifs sont :

- l'absence d'inventaire ;

- l'utilisation d'un inventaire frauduleux ; - Le caractère fictif du dividende ;

- la distribution d'un dividende fictif.

En effet, l'inventaire correspond à un relevé descriptif et estimatif des créances, des dettes et des biens de la société (immeubles, matériels, numéraires, titres et effets, stocks) et peut donc résulter du bilan ou de tout autre document comptable. Son absence est très rare en principe sauf dans le cas des sociétés fictives. Cependant, l'infraction de distribution de dividendes fictifs basée sur l'absence d'inventaire est extrêmement difficile à déterminer :

1) Il est très fréquent que les gestionnaires aient recours à des documents comptables frauduleux pour réaliser leur inventaire ou leur bilan, avec pour conséquence que ceux-ci soient entachés d'inexactitudes connues seulement de leurs auteurs.

2) Le caractère frauduleux de l'inventaire relève de la volonté de ne pas respecter les prescriptions comptables ayant une incidence sur le résultat et de nature à créer un bénéfice artificiel.211

Enfin le terme frauduleux, employé par le législateur, n'a pas d'autre objet que de préciser que l'infraction est d'ordre intentionnel et qu'il suppose chez ses auteurs la mauvaise foi, c'est-à-dire, la connaissance des inexactitudes de l'inventaire.

3) La notion de « fictivité » doit se comprendre en fonction de la répartition de dividendes que l'inexactitude tend abusivement à justifier.212 Il s'agit donc nécessairement d'une majoration de l'actif ou d'une minoration du passif.

4) La distribution de dividendes fictifs est une infraction matérielle dont le résultat est dommageable. Elle n'est consommée que quand la distribution a été opérée entre les actionnaires.

Alors que l'exigence d'un l'acte de distribution impliquerait que les actionnaires aient effectivement perçu des dividendes, l'infraction ne sera donc pas constituée lors de

211 A. Touffait, Délit et sanctions dans les sociétés, 2ème Sirey, 1971, p.222 cité par Kissi SAMIA, p.44.

212 Mireille Delmas-Marty, Géneviève Giudicelli-Delage, op.cit. p.371

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l'approbation du bilan ou lors de la seule répartition de dividendes par l'Assemblée générale sur proposition du Conseil d'administration.

Il en sera également ainsi, après un vote autorisant la répartition si les administrateurs n'avaient pas ordonné qu'il soit procédé à celle-ci. En revanche, cet ordre une fois donné, l'élément matériel sera constitué même en cas de quitus voté par l'Assemblée générale ou de décision approuvant la répartition ordonnée.

En ce qui concerne la faute intentionnelle, l'infraction suppose qu'en l'absence d'inventaire, ou au moyen d'un inventaire frauduleux, les prévenus aient agi intentionnellement, c'est-à-dire en ayant connaissance de l'absence d'un inventaire ou du caractère frauduleux de celui-ci et du caractère fictif du dividende réparti.213

La faute intentionnelle sera caractérisée par « la mauvaise foi ». Le mobile ayant poussé à agir important peu, il revient à l'accusation donc d'établir la mauvaise foi.

Les juges tiendront compte de la nature des fonctions qu'exerce le prévenu dans la société, de la période durant laquelle les fonctions ont été exercées, du rôle qu'a joué le prévenu dans la décision de répartition, et aussi de la nature, du nombre et de la gravité des fraudes. De leur caractère apparent, décelable ou non par le prévenu selon les connaissances comptables qu'il avait ou qu'il devait avoir, de la situation financière de la société et de l'insuffisance des documents comptables.214

La réunion de ces deux éléments est nécessaire, mais non suffisante pour pouvoir accuser les dirigeants des sociétés d'avoir partagé les dividendes fictifs. Encore faut-il que cette infraction ait été au préalable prévue par le Code Pénal : la liberté des citoyens serait gravement menacée si les pouvoirs publics s'arrogeaient le droit de les poursuivre pour des faits qui n'auraient pas été criminalisés par un texte préexistant porté à leur connaissance.215

Dans le cas du Burundi, c'est le Code Pénal qui réprime cette infraction. En effet, l'article 477 (2) dispose : « sont punis d'une servitude pénale d'un an à cinq ans et d'une amende de cent à un million de francs burundais, les gérants, directeurs généraux, directeurs, membres du directoire ou du Conseil de surveillances ou administrateurs de sociétés qui, (...) en l'absence

213 Jean Larguier et Philippe Conte, op.cit .383.

214 Paris, 14 juin 1995, Droit des sociétés 1995.219.

215 G. Levasseur, A. Chavanne,J. Montreuil, B. Bouloc, op.cit., p 35

du compte ou au moyen de compte frauduleux ont sciemment opéré entre associé la répartition de dividendes fictives. 216»

Au regard de cette disposition, le législateur burundais a beaucoup plus privilégié la sanction pénale que la protection pécuniaires des tiers. A notre avis, il aurait fallu que le Code prévoie la restitution par les actionnaires des dividendes illégalement perçus et des amendes proportionnelles au butin distribué.

En conclusion, le législateur burundais, à l'instar de celui de L'OHADA, a mis en place des mécanismes pouvant inciter les actionnaires à veiller à la bonne gestion d'une société, sachant, au bout du compte, qu'ils percevront un dividende à la fin de l'exercice.

Cependant il ne faudrait pas qu'on en fasse une habitude conditionnelle à chaque fin d'exercice. Ils doivent également se mettre en tête que le but premier de la création d'une société est son propre développement, ainsi que la planification et la mise en oeuvre de ses propres projets d'investissement.

La réalisation du bénéfice est profitable, non seulement à l'Etat qui y prélève le fisc, mais aussi aux actionnaires qui, en plus des dividendes à percevoir, ont l'opportunité de constituer des réserves pour d'autres investissements éventuels.217

C'est d'ailleurs pourquoi le législateur a imposé de réserver chaque année un certain pourcentage du bénéfice aux dépenses éventuelles.

En outre, s'il advenait que les actionnaires décident de liquider la société, ils auront également droit de bénéficier des bonis de liquidation (Section 2).

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216 Article 477,2° CSP&PP

217Marc Rostel KANA KENGNI, op.cit. p.7.

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Section 2 : Droit aux réserves et au boni de liquidation

La loi impose aux actionnaires le prélèvement annuel, sur le bénéfice réalisé, d'un certain pourcentage pour constituer des réserves (Paragraphe 1). Mais il a également légiféré sur les avantages à accorder aux actionnaires en cas de liquidation de la société : le droit de bénéficier, à des conditions déterminées, d'un boni de liquidation (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Droit aux réserves

Une fois qu'elle a apuré les dettes de ses créanciers, comblé les pertes éventuelles des exercices antérieures et prélevé les sommes nécessaires au paiement de l'impôt, la société doit d'abord soustraire du bénéfice une somme de 5% destinée à la constitution de la réserve légale.

A. La notion de réserves

Les réserves constituent la « graisse » de la société, la protégeant des à-coups de la conjoncture, assurant sa survie en cas de difficulté.218

A.1. Source de l'obligation de constitution des réserves

L'obligation de constituer des réserves peut être inscrite dans la loi mais également dans les statuts. Ainsi, l'article 73 du CSP&PP dispose : « à peine de nullité de toute délibération contraire dans les sociétés suivantes : sociétés publiques (SP), sociétés mixtes (SM), sociétés de personnes à responsabilité limité (SPRL), sociétés unipersonnelles, (SU), sociétés coopératives et sociétés anonymes (SA), il est fait sur le bénéfice net de l'exercice diminué le cas échéant, des pertes antérieures, un prélèvement de 5 % au moins affecté d'un fonds de réserves dites réserves légales.

Ce prélèvement cesse d'être obligatoire lorsque la réserve atteint 10 % du capital social. Les associés peuvent décider de constituer tout autre fonds de réserves.»

Cette disposition de la loi fait de la constitution des réserves par les sociétés, à la fin de chaque exercice, une obligation. Ces réserves doivent provenir du bénéfice de l'exercice, diminué, le cas échéant, des pertes antérieures, jusqu' à ce que le chiffre légal soit atteint.

218 Maurice Cozian, Alain Viandier, Florence Deboissy, op.cit. p.333.

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Néanmoins, la société est libre de faire des prélèvements de plus de 5 % ou même de constituer d'un seul coût la réserve légale.219

La constitution d'un fonds de réserve peut aussi avoir été prévue dans les statuts. Il n'empêche que les associés « prévoyants » peuvent également s'imposer d'autres réserves en le précisant également dans les statuts.220

Ces réserves statutaires reposent donc sur le consentement éclairé et libre des associés 221qui ont une vision pour la société. Autrement dit, les réserves statutaires constituent 'un sacrifice que les actionnaires font de s'imposer une saisie sur le bénéfice pour constituer d'autres réserves lorsque le prélèvement obligatoire cesse222 et dont le taux est fixé par les statuts de la société.

Mais, une fois que les actionnaires adoptent ce principe la société est tenu de le respecter lors du partage des bénéfices. Dans le cas contraire, les dirigeants sociaux pourraient voir engager leur responsabilité civile en vertu des dispositions du Code Civil : « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. 223 »

A.2. Destination des fonds de réserves

En tant qu'organe suprême de la société, l'Assemblée générale peut décider, en toute souveraineté, de constituer toutes les réserves qui lui paraissent nécessaires au renforcement des moyens d'action de l'entreprise, au risque cependant de porter atteinte, à court terme, aux intérêts de certains actionnaires qui voudraient toucher immédiatement un dividende chaque année plus élevé. Et plus encore à ceux des porteurs de parts de fondateur qui ont toujours un droit de regard sur la distribution de bénéfices sans en avoir du tout droit.224

En outre, le droit à une part de bénéfice est un droit individuel et la majorité ne saurait arbitrairement priver indéfiniment la minorité de toute répartition. Pour comprendre cette opposition d'intérêt, il faut se pencher sur les raisons pour lesquelles les réserves sont instituées.

219 G.Ripert, R.Roblot, op.cit. p.1388.

220 Article 37 al.3 des statuts de la SOSUMO.

221 J. La Combe, les réserves dans les sociétés par actions, Revue Internationale de droit comparée année 1965, p.100.

222 Nany Elodie MABIKA ITSIEMBOU, op.cit. p.2010

223 Article 33du code civil livre III.

224 G.Ripert, R.Roblot, op.cit.p.1390.

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En ce qui concerne les réserves légales, elles sont normalement destinées à combler les pertes éventuelles de la société. Ici on est en droit de se poser cette question : au cas où elles ont été employées, vont-elles être restituées avant la distribution des bénéfices ? Il est vrai que certains auteurs ne lui donnent pas un caractère de flexibilité du capital.225 Mais, de toutes les façons, on sait que le fonds de réserves peut être transformé et servir à augmenter le capital social, avec cet avantage pour les créanciers que leur droit sur la réserve incorporé au capital ne change pas, et que la société doit reconstituer une nouvelle réserve sur le nouveau capital augmenté

Les réserves statutaires sont, quant à elles, constituées dans le but de renforcer, tout au long de sa vie, la situation de la société pour amortir le capital social, ou encore régulariser le dividende, par exemple.

Comme on le voit, la constitution des réserves légales et statutaires permet d'assurer la protection des créanciers226, car, au même titre que le capital social, ces fonds sont intangibles et indisponibles durant toute la vie de la société. Celle-ci n'est donc pas obligée de les rembourser aux associés. A ce titre, les réserves légales et statutaires renforcent le capital social dans son rôle de garantie pour les créanciers.227

Toutefois, contrairement au capital social, elles ne peuvent être constituées que si la société génère des bénéfices, et non si elle subit des pertes.

Enfin de compte, elles ne garantissent qu'une protection aléatoire et médiocre.228 Il n'est pas donc possible de créer une société dans l'espoir qu'elle assurera la protection des créanciers en constituant des réserves. Le capital social reste en prime leur seule garantie dès le démarrage de l'activité.

Mais alors, qu'adviendra-t-il si, ne se préoccupant que de la prospérité de la société qu'ils viennent de créer, espérant ainsi d'abord et avant tout partager les dividendes qu'ils attendent d'elle ou augmenter son capital social, les actionnaires voient cette aventure entrepreneuriale arriver à terme d'une façon ou d'une autre, volontaire ou involontaire ?

On sait que, selon le business plan, l'entreprise ou la société n'est pas toujours destinée à durer dans le temps et que certaines startups montent des produits dans le but de les revendre à des entités plus importantes.

225 G.Ripert, R.Roblot, op.cit.p.1389.

226 Nany Elodie MABIKA ITSIEMBOU, op.cit. p.214

227 Idem p.215

228 Ibidem

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De la même manière, des choix de vie peuvent influencer l'arrêt d'une société, sans qu'elle soit ou cédée ou léguée à un descendant. Si, face à ce genre de situation, on en arrive à la dissolution, la question du boni de liquidation va automatiquement se poser (Section 2)

Section 2 : Le droit des actionnaires au boni de liquidation

Cette prérogative de l'actionnaire entre en jeu au moment de la liquidation de la société lorsque les dettes sociales ont été honorées, les apports remboursés et qu'il y a un actif restant.229 C'est alors que les actionnaires ont droit au boni de liquidation qui généralement est réparti proportionnellement à leur contribution dans le capital social.

Dans cette partie de notre travail nous allons nous intéresser à cette notion de boni de liquidation et aux modalités de sa distribution (paragraphe 1), ainsi qu'au rôle du liquidateur dans la défense des intérêts des actionnaires (Paragraphe2).

Paragraphe 1. La notion de boni de liquidation et les modalités de sa distribution

Lorsque les associés ont décidé d'un commun accord de mettre fin au projet, la société est dissoute. On procède alors à sa liquidation. Notons aussi que celle-ci peut survenir en cas de rachat ou de fusion avec une autre société.230

Après la revente des biens de l'entreprise et le paiement des créances, le boni de liquidation (A), s'il y en a un, doit être partagé entre les associés par le liquidateur (B).

A. Notion du boni de liquidation

Après avoir défini le boni de liquidation (1) nous nous pencherons sur les préalables pour décider du montant à distribuer aux actionnaires (2).

A.1. Définition du boni de liquidation

Comme le législateur burundais n'a pas donné de définition claire du boni de liquidation et qu'il s'est contenté d'en faire une obligation statutaire,231 nous allons nous en référer au Dictionnaire Juridique pour qui le boni de liquidation est à comprendre comme « une somme

229 Maurice Cozian, Alain Viandier, Florence Deboissy, op.cit. p.334.

230www.petitentreprise.fr

231 L'article 7.11° énumère comme mention obligatoires, les stipulations relatives à la répartition du résultat, à la constitution des réserves et à la répartition du boni de liquidation.

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d'argent distribuée aux associés, à l'issue des opérations de liquidation et constituée par des bénéfices mis en réserve au cours de la vie sociale. 232»

Une fois les créanciers payés, s'il se dégage un surplus, les associés, en fonction de leur quote-part dans le capital, pourront se le partager sous forme de boni233. Il s'agit donc d'un bénéfice que les associé ou actionnaires tirent de la société, qu'elle ait été mise en liquidation à l'amiable ou sur la base d'une décision de justice.

Le boni de liquidation constitue donc un fait juridique unique pour la société puisqu'il n'arrive qu'une seule fois juste avant la `'mort» de la société.234 C'est dire que sa distribution, soumise à des conditions particulière ne peut intervenir que lorsque les actionnaires ont pris la décision de mettre fin à la vie de la société.

A.2. Distribution du boni de liquidation

En général, le boni de liquidation est distribué de la même manière que les dividendes ou la prime d'émission, c'est-à dire au prorata de la participation au capital de chaque actionnaire, sauf disposition statutaire contraire et nonobstant l'interdiction de tout pacte léonin.235 La décision de distribution est, en principe, prise à l'unanimité par les associés. Dans le cas contraire, c'est au juge qu'il revient de trancher. Le partage s'effectue normalement en espèces, même s'il reste une possibilité de le faire en nature, sauf si les statuts écartent cette option. 236

En outre, certains biens sont exclus des opérations de partage, notamment les apports des associés en nature. L'associé peut récupérer son bien, à charge pour lui de verser une soulte aux coassociés si la valeur de ce bien excède le montant des droits qui lui sont garantis par ses parts dans le capital social et dans le boni de liquidation, les biens faisant l'objet d'une attribution conventionnelle.

D'autre part, si les statuts, une décision des associés ou un acte distinct le prévoient, certains biens seront attribués à certains associés. Il arrivera même que l'intégralité de l'actif social soit

232 G. Cornu Vocabulaire Juridique, PUF, 10ème Ed. Paris 2014.

233 Nany Elodie Nany Elodie MABIKA ITSIEMBOU, op.cit.p.438

234 Yoanna Staechele-Stefanova, Un siècle de l'application de la loi du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales, Walter Kluwer Belgique, 2014, p.203

235 A.Streichen, Précis de droit des sociétés, 4ème éd. Luxembourg, Ed. Saint Paul, 2014, p. 463, cité par Yoanna Staechele-Stefanova, op.cit. p.203.

236 Maurice Cozian, Alain Viandier, Florence Deboissy, op.cit. p.227

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donnée en partage à un des associés ou à plusieurs d'entre eux, à charge pour eux de désintéresser leurs pairs.237

Enfin un associé ayant participé à l'exploitation de la société peut demander l'attribution préférentielle d'un bien d'actif, à charge pour lui de verser une soulte aux coassociés si la valeur de ce bien excède le montant de ses droits.238

Une fois que les créanciers ont été intégralement payés et l'actif vendu, les associés seront remboursés d'un montant nominal des parts sociales correspondant à leurs apports. Si après désintéressement de tous les créanciers et paiement des honoraires du liquidateur, il subsiste un fonds suffisant, ils pourront se partager le boni de liquidation.239Celui-ci sera réparti dans les mêmes proportions que leur participation au capital social. Une clause statutaire ou une décision des associés peut néanmoins prévoir une répartition différente.

Sinon, au cas où il existerait un mali de liquidation qui est le déficit qui résulte de la liquidation de la société dû entre autres aux dettes qu'il reste à rembourser, à une situation où les capitaux propres sont inférieurs au capital social calculé suivant la méthode soustractive ou à un résultat de tous les éléments de la méthode additive inférieur à zéro, les associés ne se verront rembourser ni leurs apports ni les sommes figurant sur leurs comptes courants.

Enfin, les associés étant arrivés à la phase ultime, toutes les opérations de partage du patrimoine de la société seront supervisés par un arbitre, appelé liquidateur, pour qui nous allons définir le mode de désignation, le rôle dans la distribution des dividendes ainsi que le mandat.

Paragraphe 2 : Le liquidateur comme arbitre dans les intérêts des actionnaires

Lorsque la société est en instance de dissolution, avant de prononcer sa radiation définitive de la liste des sociétés, il est nécessaire d'effectuer les formalités de clôture de la procédure de liquidation.

237 Assistant juridique Comment partager le boni de liquidation d'une SARL ? , en ligne, Assistant juridique https://www.assistant-juridique.fr/dissolution_partage_actif.jsp>, consulté le 28 mai 2020. 238www.village-justice.com

239 Maurice Cozian, op.cit. p.227.

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Etant donné que pendant toute cette période, la société est sensée être toujours en pleine exercice,240et conserve par conséquent sa personnalité juridique, un liquidateur doit être nommé, celui-ci est obligé, à cet effet, de servir l'intérêt social.241

A. Le liquidateur et son mode de nomination

Qu'est-ce qu'un liquidateur (1) et quel est le mode de sa désignation (2) ?

A.1. La notion de liquidateur

Devant le constat que le législateur burundais, au lieu de dire avec précision ce qu'on entend par liquidateur n'a indiqué que son mode de désignation, nous allons utiliser la définition tirée du Glossaire Juridique. Celui-ci nous le dépeint comme : « toute personne désignée par l'Assemblée générale extraordinaire ou le Président du Tribunal de Commerce lorsqu'une société est dissoute, soit par l'effet de la loi, soit pour des raisons statutaires, soit encore en raison d'une mésentente entre associés qui en paralyse le fonctionnement, pour procéder à la liquidation de la société. 242 »

C'est donc à l'Assemblée générale, qui demeure le détenteur du pouvoir suprême243 de décider de la désignation du liquidateur. En outre, ce dernier est nommé dans le but d'assurer les intérêts des actionnaires et de servir l'intérêt social.

A.2. Nomination du liquidateur

Le législateur burundais a fait de la nomination du liquidateur une obligation. Il a recommandé aux associés « de nommer un liquidateur et fixer les conditions de liquidation en Assemblée générale extraordinaire dès la fin de l'acte de dissolution. 244» L'acte de nomination et de révocation d'un liquidateur, quelle que soit la forme, doit être affiché au panneau du tribunal compétent dans un délai d'un (01) mois pour qu'elle soit opposable aux tiers. Ceux-ci doivent être avertis rapidement et efficacement de la dissolution de la société et de la nomination du liquidateur.

240 Nany Elodie MABIKA ITSIEMBOU, op.cit. p.307.

241 Ibidem

242Phillipe Pernaud Orliac, Glossaire juridique, trouvé sur le site internet: https://www.pernaud.fr/info/glossaire/9206786/liquidateur.ste

243 Philippe Merle, Anne Fauchon op.cit. p.592.

244 Article 122 CSP&PP

68

A notre avis, en déterminant le délai de nomination, le législateur a voulu protéger l'intérêt social et les intérêts des actionnaires contre les organes dirigeants qui seraient tentés de profiter de ce « vide » pour détourner les biens de la société.

La loi laisse aux actionnaires la liberté de désigner eux-mêmes le liquidateur conformément aux statuts de la société. Mais si, en vertu du silence des dispositions des statuts245, les associés n'ont pas nommé un liquidateur, celui-ci le sera par le Président du Tribunal de Commerce, statuant sur requête de tout intéressé.246 La nomination d'un liquidateur est donc, logiquement, d'ordre public, car la liquidation est un moment important au cours duquel le liquidateur réalise l'inventaire des actifs et des passifs.247

Malgré la délicatesse de sa mission, le législateur burundais n'a pas voulu imposer aux actionnaires le profil du liquidateur. Il leur a donné toute la liberté de le faire eux-mêmes : ils peuvent solliciter les services d'un ancien dirigeant de la société, d'un associé, ou encore d'un professionnel, pourvu qu'il ne soit pas frappé d'incompatibilité.248

Alors qu'en France, pour éviter que la liquidation s'éternise, la durée du mandat du liquidateur est limitée à trois (03) ans, avec possibilité de prolongation,249 le législateur burundais, lui, ne donne aucune précision quant à cette durée, se contentant de limiter à trois ans l'action contre les associés non liquidateurs ou leurs héritiers ou ayants cause.

Cette prescription commence à courir à la date de l'affichage, au panneau du Tribunal de Commerce ou, à défaut, du Tribunal de Grande Instance du ressort de la Société, de l'acte de dissolution.250

Ici, il y a lieu de se poser une question : en s'éternisant au poste de liquidateur, celui-ci ne risque-t-il pas de grever le boni de liquidation que les actionnaires espéraient percevoir à la fin des opérations ?

C'est ce que les actionnaires peuvent redouter et qui pourrait les empêcher d'arriver au consensus au moment de la nomination du liquidateur. C'est ici que le juge intervient dans le processus (B).

245 C'est le cas par exemple des dispositions des statuts de la Sosumo qui ne prévoient nulle part le rôle du liquidateur dans la société.

246Idemp.163.

247Ibidem

248 Etienne GROSBOIS, Responsabilité civile et contrôle de la société, Université Caen Basse Normandie, thèse

de doctorat 2006, P.204

249 Philippe Merle, Anne Fauchon, op.cit. p.224

250 Article 115 du CSP&PP.

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B. L'intervention du juge dans la nomination du liquidateur

B.1. Une nomination qui doit être distinguée de celle d'un liquidateur judiciaire

Au sens du droit des sociétés, lorsqu'une société est dissoute, soit par l'effet de la loi, soit pour des raisons statutaires, soit encore en raison d'une mésentente entre associés qui en paralyse le fonctionnement, les associés procèdent à la liquidation de la société. Pour procéder à l'opération, il convient de désigner un liquidateur qui succèdera aux dirigeants en place.

La désignation du liquidateur comme nous l'avons vu plus haut peut être prévue dans les statuts par les associés tout en fixant les conditions de liquidation à défaut toute personne intéressée peut demander en justice la nomination du liquidateur.251 Il ressort donc que la nomination d'un liquidateur est d'ordre public. Ce qui est logique puisque le liquidateur réalise l'inventaire des actifs et du passif.252

La jurisprudence française, considère que la désignation du liquidateur par le juge intervient en cas d'impossibilité des associés de désigner un liquidateur.253Il sied donc de constater que le juge n'intervient qu'en cas de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société c'est-à-dire quand les associés ne sont plus d'accord sur les décisions à prendre, et suivant la répartition du capital aucune majorité ne peut se dégager pour qu'une Assemblée générale statue.

L'appréciation des faits constitutifs de la mésentente doit être effectuée au moment de la décision de justice254 et elle est souveraine.255

B.2. La désignation du liquidateur par le juge, un acte préventif de la paralysie de la société

La nomination d'un liquidateur est obligatoire et conditionne la survie de la personnalité de la société.256 Cette survie est cruciale surtout pour les parties prenantes à la société à savoir les clients, les fournisseurs, les actionnaires éventuels, le fisc etc. qui ont intérêt à ce que la société reste viable. C'est pourquoi en cas de la cessation de l'objet social de la société, si les

251 Article 104 CSP&PP 252Ibidem

253 Cass com 27 novembre 2019 n° 18-20479

254 Cass. com. 4-12- 1968 : JCP 1969 IV p. 23

255 Cass. com. 25-2- 1964 : Bull. civ. III ° 98

256 E. BORONAD-LESOIN, « La survie de la personnalité morale dissoute », RTD com. 2003, p. 1 - A.

BOUILLOUX, « La survie de la personnalité morale pour les besoins de la liquidation», Rev. sociétés 1994, p. 393, cité par Etienne Grosbois, op.cit. p.203

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actionnaires ne parviennent pas à se mettre d'accord sur la nomination du liquidateur, le législateur burundais a prévu la nomination du liquidateur par le Tribunal.

Etant donné la situation particulière dans laquelle se trouve la société et qu'elle doit continuer ses activités pour le besoin de toute personne qui y trouve un intérêt, on voit ici que le législateur n'a pas exigé à la personne qui veut demander la nomination du liquidateur la possession d'un nombre d'actions dans la société. Il suffit seulement que la personne constate qu'il y a eu mésentente entre actionnaires de pouvoir désigner le liquidateur. Pour mieux comprendre le rôle du liquidateur, il convient d'analyser ses missions (Paragraphe2).

Paragraphe 2 : La mission du liquidateur

La mission du liquidateur est intimement liée à son mode de désignation. Mais dans tous les cas que ce soit en cas de liquidation à l'amiable (A) ou judiciaire (B), il a de grandes responsabilités tant envers les créanciers qu'envers les débiteurs de la société.

A. La mission du liquidateur « amiable »

En cas de liquidation, les associés doivent nommer un liquidateur Cette obligation légale est prise en Assemblée générale extraordinaire. Au cours de celle-ci, les associés fixent les conditions de la liquidation.257 La mission principale du liquidateur est de réaliser l'actif. Pour cela, il dispose des pouvoirs de recouvrer toutes les créances sociales, quel que soit le débiteur y compris les associés. Il doit également procéder à la vente de tous les actifs de la société Il est également libre du choix du mode de cession dans le respect de l'intérêt de la société.

Le liquidateur dispose des pouvoirs de transiger et de compromettre. Mais, le liquidateur doit tenir régulièrement informés les actionnaires, car la survie de la personnalité morale permet le respect des rites sociétaires.258

La liquidation amiable de la société impose l'apurement intégral du passif. Le liquidateur doit ainsi payer les créanciers de la société. Celle-ci n'étant pas placée sous le régime des procédures collectives, le principe applicable est le droit commun. Les créanciers sont donc payés « au prix de la course» voire par compensation. Néanmoins, en cas d'opposition d'un créancier, le paiement devra se faire « au marc le franc» sous contrôle judiciaire.259

257 Article 104 du CSP&PP

258 Philippe Merle, Anne Fauchon, op.cit. p.224.

259G. RIPERT et R. ROBLOT par M. GERMAIN, op. cit. p. 117

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En pratique, le liquidateur s'efforce généralement de réaliser un état liquidatif avant de payer les créanciers afin de faire apparaître le passif privilégié, le passif chirographaire et des éventuels prêts participatifs qui seront remboursés en derniers.260 La distribution des fonds se fera selon les modalités prévues dans l'acte nominatif en cas de liquidation amiable, et librement, en cours de procédure, en cas de liquidation judiciaire.261

Au Burundi, les conditions de liquidation sont prévues par les articles 102 à 115 du CSP&PP. En effet, ces articles précisent les modalités de liquidation, la nomination d'un liquidateur ainsi que les personnes ayant qualité pour nommer le liquidateur.

En cas de liquidation, les associés ont l'obligation de nommer le liquidateur au cours d'une Assemblée générale ordinaire. S'ils ne le font pas, toute personne intéressée peut demander en justice la nomination d'un liquidateur.

Aussi, le législateur a prévu des mesures préventives pour éviter que des personnes ayant eu dans la société qualité d'associé en nom, de Gérant, d'Administrateur, de Directeur Général, de membre du Conseil de Surveillance, de membre du Directoire, de Commissaire aux Comptes ou de Contrôleur, ne puissent profiter de leur position dans la société pour s'octroyer des avantages dans la société en liquidation.

Pis encore le législateur burundais interdit formellement la cession de tout ou partie de l'actif de la Société en liquidation au liquidateur, à ses employés, conjoint, ascendants, ou descendants, frère, soeur ou alliés jusqu'au deuxième degré.262

B. La mission du liquidateur d'une société en liquidation judiciaire

Dès sa nomination, le liquidateur se substitue aux organes de direction qui perdent leurs pouvoirs de gestion et de représentation à compter de la dissolution de la société.263 Le liquidateur est désormais le seul représentant de la société.264Une fois donc nommé, il dessaisit le débiteur de la libre disposition de ses biens, mais il doit remplir sa mission avec diligence, car en cas de mauvaise exécution, il peut encourir des sanctions pénales et même civiles.

260 Philippe Merle, Anne Fauchon op. cit. p.165 261Cass. Com., 19 janv. 1993, n° 91-10534

262 Article 108 du CSP&PP.

263 Maurice Cozian, Alain Viandier, Florence Deboisssy, op.cit. p.224

264 Com. 6 juin 1990, Bull Jolly, 1990, 866 n° 262

B.1. 72

Le dessaisissement du débiteur

Une fois que le jugement d'ouverture de liquidation est prononcé par le Président du Tribunal de commerce ou Président du Tribunal de Grande Instance, le débiteur est substitué sur la libre disposition de ses biens par le liquidateur nommé à cet effet.

Un liquidateur est donc nommé par le jugement de liquidation et en prenant la place du dirigeant légal de la société, il devrait en même temps prendre sa qualité de contrôleur. Le dessaisissement prive le débiteur de tous ses pouvoirs d'administration et de disposition sur ses biens. En principe, le liquidateur est le mandataire judiciaire jusqu'à lors chargé de représenter les créanciers, sauf décision spécialement motivée.

Il est chargé de poursuivre l'oeuvre du mandataire judiciaire, c'est-à-dire de vérifier les créances et en dresser la liste, prendre les mesures conservatoires, représenter la société en justice, et plus généralement de procéder aux opérations de liquidation.265

La mission du liquidateur judiciaire ne concerne que les actes relatifs aux biens de ce dernier.266 En effet, les anciens dirigeants ne sont en principe plus en mesure de représenter la société.267Ils ne peuvent plus convoquer l'Assemblée générale, récuser le liquidateur judiciaire ou encore représenter la société en justice.268Mais, les associés gardent un oeil sur la liquidation de leur société pour surveiller si le liquidateur ne commet pas d'abus.

B.2. Responsabilité pénale du liquidateur

Dans l'exécution de sa mission, le liquidateur doit accomplir certains actes et ne pas en omettre certains autres, car les sanctions pénales supposant omission consciente ou de mauvaise foi269. Mais, ce qu'il faut souligner ici c'est que les statuts ou une convention entre associés peuvent toutefois modifier les obligations des liquidateurs.270 Les infractions peuvent également résulter de la commission ou de la négligence.

265M. JEANTIN et P. LE CANNU, Droit commercial, Entreprise en difficulté, Dalloz 7èmeéd. 2007, p. 706

266JCl. Commercial, Fasc. 2702, par J. VALLANSAN et M. BEAUBRUN

267Cass. com., 15 mai 2001, n° 98-15106 : « si le débiteur est recevable à former un pourvoi contre

l'arrêt qui statue sur la liquidation de ses actifs, il ne peut, s'agissant d'une personne morale dissoute en

application

de l'article 1844-7.7 du Code civil et dont le dirigeant est privé de ses pouvoirs à compter de la liquidation

judiciaire,

exercer ce droit que par l'intermédiaire de son liquidateur amiable ou d'un mandataire ad hoc»

268 Etienne Grosbois, op.cit. p.209

269Jean Larguier, Philippe Conte, op.cit p.401.

270Crim. 9 mai1977, B.163

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Ainsi, le liquidateur est responsable à l'égard tant de la société que des tiers des conséquences dommages des fautes par lui commises dans l'exercice de ses fonctions, le liquidateur qui refuse ou néglige de communiquer aux associés les comptes de liquidation et/ou de convoquer l'Assemblée générale.271

Aussi, en cas de mauvaise foi, il est pénalement responsable. Celle-ci se manifeste quand le liquidateur aura fait des biens ou crédit de la société en liquidation un usage qu'il savait contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise à laquelle il était intervenu directement ou indirectement (...).272

Les peines encourues varient d'une servitude pénale d'un an à cinq ans de prison et d'une amende de cent mille à un million de francs burundais.273

Les actionnaires en créant la société n'ont qu'une seule idée en tête, celle de la voir prospérer et générer des bénéfices. Mais, une fois que celle-ci voit le jour, elle suscite trop de convoitises et de hantises que des tensions entre coassociés surgissent et qui si on n'y prend pas garde risquent de provoquer la disparition de la société.

Pour éviter cet état de fait, le législateur burundais à l'instar des autres législateurs a mis en place une législation permettant aux actionnaires d'être régulièrement informés sur la situation de leur société et poser des questions aux dirigeants de la société chaque fois qu'il existe des points obscurs dans la gestion de biens de la société.

Bref, les actionnaires doivent se sentir comme dans « une maison en verre» pour permettre la confiance entre actionnaire et les dirigeants mandatés par ces derniers et qui ont du reste l'obligation de résultat envers ceux qui les ont donnés mandat.

En outre, comme dans toute démocratie, le pouvoir appartient aux actionnaires et corollairement à celui-ci, les actionnaires ont droit de participer aux Assemblées générales et d'y prendre la parole.

Mais, comme dans toute la vie sociale, il peut survenir des crises aux sein des actionnaires et afin que ceux-ci ne puissent porter préjudice à la société et décourager les parties prenantes de celle-ci, le législateur a prévu des mécanismes de prévention de conflits potentiels et en cas de survenance de tels conflits, il a mis en place des organes pouvant les régler.

271 Article 114 du CSP&PP

272 Article 164de du CSP&PP.

273 Article 477 et 482 de la loi n° 1/27 du 29 décembre 2017 portant révision du code pénal.

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Enfin, comme toute personne, la société peut mettre fin à ses missions par liquidation amiable des actionnaires ou sur décision de justice. Etant donné que la société atteint une étape ultime, le législateur a prévu un arbitre appelé liquidateur pour gérer les biens de la société afin de faire rentrer dans leurs droits toute personne qui avait intérêt dans la société y compris les actionnaires minoritaires.

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CHAPITRE III : LA PROTECTION DES ACTIONNAIRES MINORITAIRES

« La démocratie, ce n'est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité.274 » Cette citation du célèbre philosophe Albert Camus peut s'appliquer aux sociétés anonymes. En effet, la société anonyme est la forme capitaliste de concentration du pouvoir par excellence, dans laquelle les actionnaires sont liés à leur société par la détention d'un titre négociable.275

Leur intervention dans la vie de la société ne s'effectue que par le biais des Assemblées au sein desquelles les décisions se prennent à la majorité. Lorsqu'on parle de majorité, il faut comprendre que dans une société donnée, l'actionnaire ou les actionnaires, grâce au nombre d'actions qu'ils y détiennent, sont assurés d'être les maîtres du jeu au cours d'un vote et que par conséquent ils pourront faire passer toutes les décisions qu'ils proposeront et face auxquelles tous les autres actionnaires n'auront qu'à s'incliner.

C'est dire que la participation des actionnaires à la vie de la société sera déséquilibrée et que des abus ne manqueront pas d'être commis : les actionnaires majoritaires peuvent user abusivement de leur position et ainsi léser les intérêts des actionnaires minoritaires en prenant les rênes du pouvoir et en dirigeant la société pour leur propre intérêt personnel.276 C'est pourquoi la protection des intérêts des actionnaires minoritaires s'avère primordiale au sein du gouvernement des entreprises et, est un gage de bonne santé d'une démocratie actionnariale.277

Dans le souci de promouvoir cette dernière, le législateur burundais a mis en place un cadre légal destiné à barrer la route aux éventuelles dérives des actionnaires majoritaires ainsi qu'à celles, toujours possibles également, des actionnaires minoritaires. Pour mieux comprendre toutes les arcanes de cette question, nous allons essayer d'élucider les raisons pour lesquelles les actionnaires doivent être protégés contre l'abus de majorité (section 1), ainsi que les possibles recours procéduraux contre ce dernier (section 2).

274 Albert Camus, in Carnet III trouvé sur Internet www.dicocitation.com, consulté le 10décembre 2020 275Maurice Cozian, Alain Viandier, Florence Deboissy, op.cit. p. 314.

276 Michel Germain, les droits des minoritaires (droit français des sociétés, revue internationale de droit comparé 2002, volume 54, p.409

277 El Madaani Ismaël, La protection des actionnaires minoritaires au sein de la société anonyme, Institut Supérieure de Magistrature de Rabat, Mémoire, année académique 2010-2011, p.5

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Section 1 : La protection contre l'abus de majorité

Les actionnaires, en décidant de mettre en commun leurs biens en numéraires ou en industries, acceptent de partager les bénéfices, mais aussi de supporter les éventuelles pertes que cette société pourrait subir pour des raisons ou d'autres.278 Il faut souligner que cette communauté de vie n'est possible que si les actionnaires sont animés par l' affectio societatis , c'est-à-dire cette volonté de collaborer de façon effective à l'exploitation de la société pour l'intérêt commun et sur un même pied d'égalité.279

Autrement dit, tous les associés doivent se considérer comme unis aux uns et aux autres par la volonté de poursuivre ensemble l'oeuvre commune.

De fait, plus qu'un consentement ordinaire à un contrat, l'associé manifeste la volonté de participer à une aventure collective.280Il ne s'engage donc pas uniquement à libérer son apport, mais à collaborer à une entreprise commune et pour un intérêt commun. Ainsi, bien que ne pouvant peser que d'un poids relatif sur la prise de décisions sociales l'actionnaire minoritaire, en vertu de l'affectio societatis, se doit de jouer démocratiquement son rôle.281Cela se traduira par sa participation active aux Assemblées délibérantes où il devra prendre part aux débats, par exemple en interpellant les dirigeants de la société et, parfois même, en exerçant son droit à la dénonciation des irrégularités et abus relevés chez eux auprès des instances judiciaires.

L'affectio societatis » implique donc pour les actionnaires de n'avoir aucune attitude passive qui pourrait porter atteinte à l'intérêt social. Ils s'engagent donc dans un contrat social qui vise à protéger surtout les actionnaires minoritaires contre l'abus de majorité (paragraphe 1) et leur donne un droit de poursuite contre ceux qui le commettent (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Notion d'abus de majorité

Le Philosophe Montesquieu avait justement observé que « C'est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser. 282» Tirant la leçon de cette citation aussi bien le législateur burundais que celui communautaire de l'OHADA ont prévu des dispositions visant à protéger les actionnaires minoritaires contre des abus éventuels des

278 Article 2 du CSP&PP

279Anthony Bem, la protection des actionnaires minoritaires, trouvé sur le site Internet : www.cabinetbem.com 280Mama Otabela Hugues Joël, le contrôle de la société anonyme par les actionnaires minoritaires, Revue Horizon du Droit, Bulletin n° 13, p.4

Idem p.5.281

282 Charles de Secondat Montesquieu, op.cit. p.112

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majoritaires. Et l'on sait bien que l'abus de majorité, dont il convient avant tout de bien circonscrire toutes les nuances (A) a des conséquences néfastes sur la vie sociale de la société (B).

A. Définition de l'abus de majorité

Le principe cardinal en matière de gestion des sociétés est que les décisions se prennent à la majorité, devant laquelle la minorité doit s'incliner. C'est un gage d'efficacité par rapport au droit commun des contrats, lequel repose, en principe du moins, sur la règle de l'unanimité.283 Ainsi, dès lors qu'on parle d'abus de majorité, il faut le comprendre aussi bien sur le plan législatif (1), que jurisprudentiel et doctrinal (2).

A.1. Définition légale de l'abus de majorité

C'est l'article 60 al.2 du CSP&PP qui définit cette notion. D'après cet article, il y a abus de majorité lorsque les Associés majoritaires ont voté une décision dans leur seul intérêt, contrairement aux intérêts des associés minoritaires, et que cette décision ne puisse être justifiée par l'intérêt de la société.

Comme on le voit, l'existence de l'abus de majorité suppose la réunion préalable de deux conditions : la violation de l'intérêt social et la rupture de l'égalité entre associés.

Il est vrai que le droit de vote est une prérogative que la loi reconnait à l'actionnaire.284Mais en exerçant ce droit, les actionnaires majoritaires ne doivent pas en abuser dans le seul dessein de nuire aux actionnaires minoritaires. Il en serait de même si la résolution litigieuse prise était contraire à l'intérêt général et l'était dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de ceux de la minorité.285 Par exemple, il y aurait abus de majorité si l'on votait pour la transformation d'une société anonyme en une société en commandite simple.

Le pouvoir majoritaire n'étant pas un pouvoir absolu, la loi encadre son exercice en conférant à l'actionnaire minoritaire le droit d'attaquer en justice les délibérations prises au mépris de l'intérêt social. Du reste, l'actionnaire majoritaire est le mandataire de l'Assemblée générale

283 Maurice Cozian, Alain Viandier, Florence Deboissy, op.cit. p.189.

284 Yves Guyon, op.cit. p.311

285 Grégoire GIOGUE, se repérer parmi les types de sociétés admises par l'OHADA, thème présenté lors d'un séminaire organisée par l'Association pour l'Efficacité du droit et de la justice dans l'espace de l'OHADA (AEDJ), p. 66.

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dans son ensemble et non celui d'un groupe particulier d'actionnaires.286C'est pourquoi il doit agir en recherchant l'intérêt général, sinon il violerait la loi et ses engagements envers la société.

Néanmoins, la définition légale qui nous est donnée manque de précision et nous laisse sur notre soif car elle ne nous indique pas quels sont les actes ou les décisions caractéristiques de l'abus de majorité. Fort heureusement la doctrine et la jurisprudence viennent combler cette lacune (2).287

A.2. Définitions doctrinale et jurisprudentielle de l'abus de majorité

Pour Tricot, « l'abus de majorité n'est caractérisé qu'en cas de détournement de pouvoir, et la décision prise ne doit s'expliquer que par l'intérêt égoïste contraire à l'intérêt social et qui vise à sacrifier les intérêts légitimes des minoritaires.288 » En usant de leurs prérogatives, les actionnaires majoritaires se doivent de prendre en considération les autres intérêts en présence et non se cantonner à la satisfaction exclusive des leurs.

Comme l'a si bien dit Emmanuel Gaillard, « le droit de vote est orienté vers un but qu'il est tout entier ordonné à la satisfaction d'un intérêt qui ne se confond jamais totalement avec celui de son titulaire. 289 » En entrant dans la société, l'actionnaire accepte de subordonner son intérêt individuel à l'intérêt social dans les limites fixées par la loi et les statuts.290

En outre, le titulaire du droit de vote doit à la fois rechercher la satisfaction de son intérêt personnel et celui de son partenaire. Ici cependant, Schmidt trouve cette conception embarrassante, car pour lui, si l'une des missions traditionnelles du droit est la protection du faible, cela conduit à remettre en cause la loi de la majorité qui relève de la philosophie même du droit des sociétés.291

Cet embarras de Schmidt est compréhensible. Les sociétés anonymes se caractérisent par une démocratie totale où les décisions sont prises à la majorité et où les minorités doivent s'incliner devant celle-ci. Ces dernières ne peuvent donc pas se prévaloir d'un abus de majorité pour bloquer le fonctionnement de la société.

286Seniadja Adjo Flavie, op.cit. p.40

287 Yves Guyon op. cit. p. 475

288 D. Tricot, abus de droit dans les sociétés, abus de majorité et abus de minorité, RTD com. 1994, p.617, citée par Maurice Cozian et Consort, op.cit. p.189.

289 Emmanuel Gaillard, Le pouvoir en droit privé, Economica, 1985, n° 235, cité par MAMA OTABELA Hugues Joël, op.cit. p.6

290 Yves Guyon, op.cit. p.476.

291 D. Schmidt, Le droit de la minorité dans les sociétés anonymes, cité par Yves Guyon, idem. p.474.

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La jurisprudence elle, considère qu'il y a abus de majorité quand la résolution prise par une Assemblée d'actionnaires est contraire à l'intérêt social et qu'elle l'a été dans l'unique dessein de favoriser des membres de la majorité au détriment des membres de ses auteurs.292 En d'autres termes, l'existence de l'abus est conditionnée par la réunion de deux éléments293 :

- un élément objectif - un élément subjectif

Ici, on voit que la rupture de l'égalité des sociétaires doit être intentionnelle, même si pour la Jurisprudence, elle ne fait pas partie des éléments caractéristiques d'une intention de nuire.

L'abus de majorité nécessite donc la démonstration cumulée d'une atteinte à l'équilibre des intérêts des associés et de la société elle-même. Pour le Professeur Maurice Cozian, l'abus de majorité relève, non d'un contrôle d'opportunité, car il ne s'agit pas seulement d'apprécier si la décision litigieuse est inopportune, mais d'un contrôle de légalité, car il s'agira de juger si la décision inopportune est destinée à rompre l'égalité entre associés, c'est-à-dire à rompre la communauté d'intérêts qui doit exister entre eux en application de l'article 1833 du Code civil.294

En jurisprudence, des cas de poursuite d'intérêts égoïste par la majorité ont été établis lors de la répartition des réserves ou des bénéfices.

En effet, les associés minoritaires désirent généralement percevoir immédiatement les dividendes alors que les majoritaires aspirent à mettre en réserve le bénéfice afin d'assurer la prospérité et la pérennité de la société.295 Dans un arrêt célèbre du 27 avril 2011, la Cour de Cassation a désigné comme abus de majorité la mise en réserve systématique de l'intégralité des bénéfices pendant plusieurs années puisque les sommes coïncidant à ces bénéfices n'avaient pas été utilisées pour les investissements.296

Cette jurisprudence est une parfaite illustration de la recherche de l'intérêt individuel au détriment de l'intérêt social alors que celui-ci, boussole d'une société, constitue l'élément

292 Com. 30 nov.2004, n° 01.16.581, Bull. Joly 2005, 241, n° 42, P. Le Cornu, Voir aussi, Cass. Com. 18 avr. 1961, JCP, 1961. II . 12 164, D. Bastian.

293 Alexandra Six, conflits d'associés et abus de majorité : définition et sanction, trouvé sur le site internet : www.villagedelajustice.com

294 Maurice Cozian et Consort. Op.cit. p.189

295Cass. Com 17 juin 2008, n° 06-15.545, Bull.Civ.IV, n° 125, Bull Jolly, société 2008, p.965. note F.X Lucas. 296Cass. Com. 27 avril 2011, n° 10-17.778, JCP.E.2011 n° 1384

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substantiel de son existence et témoigne de la volonté des associés de collaborer sur un pied d'égalité au succès de l'entreprise commune.297 (B)

B. Intérêt social comme élément de qualification de l'abus de majorité

En décidant de créer une société, les actionnaires conviennent d'atteindre un certain objectif qui est de mettent d'abord en avant l'intérêt de la société. Consécutivement à cette logique, l'intérêt des associés doit s'effacer devant celui de la société.298 L'intérêt social se présente donc comme l'intérêt supérieur de la personnalité morale elle-même, c'est-à-dire celui de l'entreprise perçue comme un agent économique poursuivant des objectifs propres. En d'autres termes, cet intérêt constitue « une boussole de la société» qui détermine la conduite à tenir dans le cas de la gestion de la société.299

Cette notion d'intérêt général n'a été définie ni par le législateur burundais ni par d'autres législateurs comme celui de l'OHADA. L'analyse de l'intérêt social prend en compte l'intérêt des associés en même temps que celui de la société qui naît à l'occasion de la signature des statuts ou de l'immatriculation au registre de commerce et des sociétés (1) et qui doit être différent de l'intérêt individuel de chaque associé (2).

B.1. Intérêt social comme intérêt des associés en général et de la société en particulier

Les divergences entre associés ne sont pas uniquement liées aux questions de bonne gestion de la société par les organes sociaux. Entrent en jeu également les « conflits d'intérêts» entre actionnaires minoritaires et actionnaires majoritaires, à partir du moment où ils ne parviennent pas à se mettre d'accord sur la défense de l'intérêt social au motif que les majoritaires tentent d'imposer leur choix de politique sociale.300

Une pareille attitude s'oppose aux objectifs de la société qui, comme l'affirme le doyen Carbonnier, est plus qu'un contrat, « un organisme vivant ».

La société n'est pas d'essence individualiste, mais bien l'oeuvre d'un travail collectif, d'un groupe d'individus dont les intérêts convergent.301 Cette affirmation est confirmée par l'autre idée que l'intérêt social de la société représenterait l'intérêt supérieur de la personne morale.

297 Philippe Merle, Anne Fauchon, op.cit. p.77.

298 Sylvain Sorel KautéTameghé, interrogations sur l'abus de minorité dans l'acte Uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique, Voix du Web juridique, p.8.

299Idem, p.9.

300 Aude-Marie Cartron et Boris Martor, L'associé minoritaire dans les sociétés régies par le droit OHADA, Cahier de droit de l'entreprise n° 1, Janvier-février 2010, p.28.

301 Carbonnier (J), Droit Civil, Théorie des Obligations 14ème éd. Paris, PUF, 1990, p.203.

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En cela, il diffère de l'intérêt commun des associés qui, quant à lui, veut que chacun participe à l'enrichissement social en proportion de ses droits individuels.302

Mais, pour la bonne marche de la société, il doit y avoir une certaine convergence entre l'intérêt de la société et la somme des volontés individuelles des associés.303 L'intérêt collectif porté par la personne morale va transcender les intérêts catégoriels. Ainsi, l'intérêt social serait donc celui de l'entreprise et c'est à celui-là que les dirigeants sociaux doivent se conformer. Cet intérêt engloberait celui des salariés, des créanciers, des clients, voire de l'État.304

Au vu des controverses que soulève la notion d'intérêt social, il se pose la question de savoir quel critère servira à déterminer le sens qu'elle renferme. En effet, la jurisprudence recourt souvent à la notion d'intérêt social bien au-delà de l'hypothèse où celui-ci est évoqué expressément ici, pour l'utiliser dans des domaines aussi variés que la nomination d'un expert de gestion, d'un administrateur provisoire en cas de crise grave ou d'un mandataire chargé de convoquer l'assemblée à la demande d'un ou de plusieurs actionnaires, etc.305

De même, le juge considère que l'intérêt social concerne beaucoup plus celui de la société que celui des associés majoritaires.

Ainsi, la Cour de Cassation a notamment jugé que la perte de confiance des associés ne suffit pas pour constituer un motif juste de révocation, dès lors que la Cour d'appel n'était pas parvenu à fournir les preuves irréfutables que le comportement du dirigeant « pouvait constituer une faute de gestion ou était de nature à compromettre l'intérêt social ou le fonctionnement de la société.306

D'après cette jurisprudence, les dirigeants de la société doivent privilégier les intérêts de cette dernière plutôt que de se plier aux exigences des actionnaires qui, dans la plupart des cas, ne recherchent que leurs propres intérêts.

En réalité, l'intérêt social est créé à l'image de la société elle-même. En effet, la politique sociale doit être menée en ne perdant pas de vue la légitimité originelle des associés, tout en

302 Isabelle Cadet, l'intérêt social, concept à risques pour une nouvelle forme de gouvernance, Management et sciences sociales n° 13, juillet-décembre 2012, Ethique et Gouvernance, p.4

303Idem, p.6

304 Arrêt Fruechauf, C.A. Paris, 22 mai 1965, J.C.P., 1965, II, n° 14274 bis, concl. Nepveu ; D., 1968, Jurisp., p.147, note R.Contin.

305Stéphane Rousseau**, Ivan Tchotourian, « L'intérêt social » en droit des sociétés : Regards transatlantiques trouvé sur www.halarchive.fr. Consulté le 20 avril 2021.

306Cass. com., 4 mai 1993, n° 91-14693 : préc. note 501

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se rappelant que la société n'est qu'un acte juridique.307 Pour le fonctionnement de la société, le bon sens doit prédominer dans les décisions sociales. Ainsi, les dirigeants et les associés doivent pouvoir se rémunérer, valoriser le capital tout en pérennisant la société. Les membres associés se doivent de respecter l'intérêt social, car c'est un standard qui s'impose aux uns et aux autres.

B.2. Intérêt social et objet social : Deux notions clés pour le fonctionnement de la société

L'intérêt social répond à des enjeux essentiels en termes de politique, de marchés et de gouvernance d'entreprise. Tout d'abord, l'intérêt social guide la mise en oeuvre de la politique définie par la société, notamment de décisions en matière d'investissement, de distribution de dividendes ou d'absorption d'une autre entreprise. L'intérêt social a également des incidences sur le marché. Celui-ci doit être en mesure de connaître l'objectif poursuivi par la société afin de permettre la prise des décisions efficientes. Cette exigence constitue la base même d'un bon fonctionnement des marchés financiers d'acquisition, de conservation ou de cession des titres pertinentes.308

Enfin, les pouvoirs des organes dirigeants, qui ne sont pas sans limites, varient en fonction de la manière dont ils comprennent la place de l'intérêt social dans le fonctionnement de la société. En effet, c'est ce dernier qui détermine la portée de l'espace discrétionnaire de ces organes en raison du droit de contrôle et des conditions de responsabilité qu'il définit.309

En outre, l'intérêt social anime la gouvernance des entreprises et détermine l'étendue des missions du Conseil d'administration.

La notion d'intérêt social présente d'autant plus d'importance que la gouvernance des sociétés soulève, à l'heure actuelle, des préoccupations face auxquelles les sociétés se positionnent avec difficultés.310 Mais, dans les sociétés mixtes comme la SOSUMO, la notion d'intérêt social n'est pas vue sous le même angle par tous les actionnaires. L'actionnaire majoritaire qu'est l'Etat va d'abord privilégier ses propres intérêts au détriment de ceux des autres, très minoritaires, qui ne pourront pas s'opposer aux décisions prises par lui.

307 Carole Ghibaudo, l'intérêt de définir « l'intérêt social», publié sur le site internet : https://blogavocat.fr , le 14/01/2008

308Stephane ROUSSEAU, Ivan TCHOUTOURIAN, l'intérêt social des sociétés, regards transatlantiques, article publié dans Chaire de droit des affaires et du commerce international (C.D.A.C.I)

309Mémento pratique Francis Lefebvre, Sociétés commerciales, Editions Francis Lefebvre, 2004, spéc. p.173, n° 1901

310C. Renouard, La responsabilité éthique des multinationales, P.U.F., 2007, spéc. p.41 et s

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Cela n'est pas sans conséquence sur la gouvernance de la société qui, au lieu de se développer, fait marche sur place, de sorte que l'État est souvent obligé d'y injecter de l'argent pour lui permettre de survivre.311

Paragraphe 2 : Sanctions de l'abus de majorité

En instituant des sanctions contre l'abus de majorité, le législateur a voulu protéger la société, dont l'intérêt pourrait être violé. Rappelons en passant que l'abus de majorité est constitutif d'un détournement de pouvoir.312 Le juge est donc appelé à remettre les choses en ordre et, le cas échéant, à prononcer les sanctions contre les "fauteurs de troubles."313 Ces sanctions sont prises à l'encontre de ceux qui sont pris en flagrant délit d'action en abus de majorité contre les minorités (A) car ce dernier a des conséquences sur la vie de la société (B).

A. L'action en abus de majorité

L'article 2 du Code de Procédure Civile burundais définit l'action comme « le pouvoir en vertu duquel un agent ou un particulier peut saisir une juridiction à l'effet d'obtenir que la prétention de droit qu'il soutient soit reconnue, protégée ou restaurée.314 » Ainsi par exemple, pour se protéger contre les abus des actionnaires majoritaires, les associés minoritaires contestent parfois les décisions que ces derniers prennent d'affecter, en tout ou en partie, le bénéfice distribuable, les privant ainsi de leurs dividendes (1) ou encore celles qui sont prises au cours de l'Assemblée générale avec comme seul objectif d'en tirer des avantager à leur seul profit (2).

A.1. Action contre les décisions en rapport avec l'affectation des réserves

Normalement, il n'y a pas d'abus de majorité lorsque l'alimentation d'un fonds de réserves a pour objet d'effectuer des investissements importants ou d'améliorer la trésorerie de la société. Cependant les associés minoritaires peuvent introduire une action en justice, lorsqu'ils constatent que cette opération n'a pour but que de les priver de certains avantages.

311 En 2010, la Sosumo était à bord de faillite et pour sauver la société le Gouvernement du Burundi a dû prendre des mesures préventives pour éviter cette faillite.

312 KATCHUNGA KANEFU Lucien, De l'intérêt social comme ligne de conduite du juge dans les litiges relatifs à la gestion des sociétés commerciales, Université Catholique de Louvain, thèse de doctorat, p.173

313 Maurice Cozian, Alain Viandier, Florence Deboissy, op.cit. p.189.

314 Article 2 du Code de Procédure civile burundais

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Ainsi, dans une affaire qui réunissait trois associés, la Cour de Cassation française a décidé que deux d'entre eux étaient coupables d'abus de majorité.315 En effet, les deux détenaient à eux seuls 95 % du capital et percevaient des rémunérations et avantages divers versés par la société. Depuis 20 ans, ils avaient décidé d'affecter, chaque année, au fonds de réserves, la totalité des importants bénéfices sociaux. Or, ces réserves avaient été constituées en fonds dormant pendant que l'associé minoritaire qui n'exerçait pas de fonctions dans la société ne tirait strictement aucun profit de sa participation.

La jurisprudence, comme on l'a vu, conditionne l'existence de l'abus par la réunion de deux éléments : l'atteinte portée à l'intérêt social par la décision adoptée et la rupture de l'égalité entre les actionnaires, au profit des majoritaires. Néanmoins, l'action en justice fondée sur l'abus de majorité doit demeurer exceptionnelle. Et de fait, afin de ne pas entraver le fonctionnement normal de la société et pour ne pas faire obstacle à l'application de la règle de la majorité, c'est à l'associé qui prétend en être la victime de prouver son existence.316

Dans un autre cas de figure, les actionnaires minoritaires peuvent introduire une action en justice lorsque les actionnaires majoritaires décident d'augmenter la rémunération du dirigeant alors que le bilan de la société fait ressortir un résultat net faible.317

De même, l'octroi d'une prime importante au dirigeant alors que les bénéfices avaient été, pendant plusieurs années, mis en réserve, peut constituer un abus de majorité.318

Cependant, il faut ici faire la part de chose. Même si le partage des bénéfices réalisés répond à l'objectif même de la société, leur mise en réserve est également prévue par la loi. C'est une décision plus que recommandable, car les sociétés souffrent souvent d'un manque de fonds propres. La mise en réserve n'est donc pas, a priori, une décision contraire à l'intérêt de la société ni par conséquent à celui des associés.

Mais il ne faut pas non plus que la mise en réserve soit automatique.319 Le but de l'intervention du juge dans ce cas vient du fait que la société étouffe sous des réserves sans aucune utilité pour elle et nuit donc à la santé financière des associés minoritaires. C'est donc pour protéger les minorités que cette décision s'impose.

315Cour de cassation du 22 avril 1976 pourvoi n° 75-10735.

316Pierre Cabane, op.cit. p.124

317Cass. com. 20-2-2019 no 17-12.050

318Cass. com. 1-7-2003 no 99-19.328

319Cass. Com. du 6 juin 1990. op.cit.

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A.2. L'action en abus de majorité contre l'augmentation des avantages pécuniaires du dirigeant majoritaire

L'associé majoritaire, en même temps gérant de la société, peut tromper la vigilance des autres associés minoritaires et les inciter à constituer des réserves qui n'ont d'autres finalités que de lui permettre de s'octroyer des avantages salariaux. Ce qui, au regard de la jurisprudence, constitue un abus de majorité car se réserver « la part du lion» serait nier la recherche du « jus fraternitatis » qui doit animer chacun des associés.320 Cette analyse du Professeur Philippe Merle corrobore la décision de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation française qui avait rejeté le pourvoi en cassation de l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Colmar le 3 juillet 1999.

En l'espèce, il s'agissait de trois associés, MM. Antoine, Ettore et René X... qui avaient créé en 1976 la société SARL Mecano- soudure dont le capital était réparti comme suit : Antoine (850 parts), Ettore (840 parts) et René (860 parts). M. Ettore X... gérant de la société était rémunéré pour cette fonction et était muni d'une procuration générale pour représenter M. René X... lors des Assemblées générales. Profitant de cette position, il influença les autres actionnaires qui lui accordèrent des primes et une rémunération qui lésaient l'actionnaire absent. La Cour a fondé sa décision sur le fait que la décision systématique des associés majoritaires d'incorporer le bénéfice de l'exercice aux capitaux propres ne correspondait pas à l'intérêt social et qu'elle n'avait pour seul objectif que d'accorder à un seul associé majoritaire les fruits de la prospérité de l'entreprise.

La Cour a conclu en disant que l'affectation systématique des bénéfices aux réserves ne répondait ni à l'objet ni aux intérêts de la société ; que ces décisions avaient favorisé les associés majoritaires au détriment de l'associé minoritaire et qu'elles revêtaient un caractère d'abus de droit de majorité. Elle a terminé en affirmant que l'abus commis dans l'exercice du droit de vote au cours d'une Assemblée générale affecte par lui-même la régularité des délibérations de cette Assemblée.321

Cet arrêt vient une fois de plus montrer le caractère d'intérêt social qui doit animer les actionnaires : l'intérêt de la société doit toujours primer sur l'intérêt des associés.

320 Philippe Merle, Anne Fauchon, op.cit., p.71 321Cass. Com, 1er juillet 2003.

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Pour le juge, ce n'est pas le fait de donner des avantages au gérant majoritaire qui est en soi fautif, mais plutôt, l'intérêt égoïste contraire à l'intérêt social qui le sous-tend.322 Dans cet arrêt, le juge ne fonde pas sa décision sur la violation de l'intérêt social, mais plutôt sur les motivations du dirigeant actionnaire majoritaire qui, sous couvert de l'intérêt social, ne cherchait plutôt que l'intérêt personnel.

En effet, les dirigeants en leur qualité de mandataires sociaux doivent agir dans l'intérêt social et respecter l'égalité de traitement entre actionnaires. La recherche d'un « juste milieu» c'est-à-dire d'un difficile équilibre entre la prise en compte de l'intérêt des associés et celui de la société semble être le principal souci du juge.

Pour justifier qu'il n'y a pas rupture d'égalité, les actionnaires majoritaires auront toujours à soutenir que la décision de mise en réserve des bénéfices prive tous les associés des dividendes sans distinction et qu'elle valorise l'ensemble du capital et donc les titres de tous les associés. C'est précisément ce qu'ont fait ceux qui ont introduit le pourvoi. Non pas que ces arguments fussent erronés, mais plutôt par le fait que toute mise en réserve conduit mathématiquement à un accroissement de la valeur de la société et corrélativement de celle des parts de l'ensemble des associés. La rupture d'égalité n'est simplement pas là où les majoritaires la contestent.323

Aux termes d'une analyse qui se doit d'être beaucoup plus globale, il ressort que les majoritaires, seuls et sans partage, tirent de la thésaurisation systématique beaucoup de bénéfices. Ces avantages compensatoires, qui ne bénéficient pas par hypothèse aux minoritaires peuvent être très divers. Le plus souvent, les majoritaires occupent les principaux postes de direction et se font octroyer des rémunérations conséquentes ainsi que des avantages incommensurables en nature ou des indemnités très appréciables.

En outre, les actionnaires minoritaires, s'ils sont lésés par une décision « égoïste » des actionnaires majoritaires, peuvent saisir le juge. Dans ce cas, ce dernier peut prononcer la nullité de la décision (1), ou exiger réparation des dommages causés par elle (2).

322Legi Team, Droit des sociétés : Une nouvelle illustration de l'abus de majorité des associés au sein d'une société civile immobilière (SCI), trouvé sur le site internet.www.eloquence-avocats.com. consulté le 3 avril 2020.

323 Alexis Constatin, Bull. Joly n° 11, 2003, p.1137

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B. Les effets de l'action en abus de majorité

Une fois que l'abus de majorité a été constaté par le juge, celui-ci a le choix entre deux alternatives: soit il annule la décision constitutive d'abus (1), soit il condamne les actionnaires majoritaires au paiement des dommages et intérêts aux minoritaires ayant subi le préjudice (2).

B.1. Annulation de la décision constitutive de l'abus

L'annulation de la décision a pour objectif de protéger la société dont l'intérêt a été menacé. L'abus commis dans l'exercice du droit de vote à une Assemblée générale affecte par lui-même les délibérations de cette Assemblée, car elle viole le droit des minoritaires et ne cherche qu'à satisfaire l'intérêt « égoïste » des majoritaires.

Dans ce cas, les actionnaires minoritaires accusent les actionnaires majoritaires d'abuser de leurs droits et de gérer la société non pour l'intérêt général, mais pour le leur propre.

On dira alors qu'il y a abus de majorité, défini par la jurisprudence comme une résolution « prise contrairement à l'intérêt général de la société et dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de la minorité. 324»

En fait, l'action en nullité peut être engagée, ou par tout associé, y compris ceux ayant voté en faveur de la décision litigieuse, ou par la société elle-même au travers de son représentant légal.

Si l'action est jugée recevable, la décision abusive est annulée rétroactivement, conformément à l'adage « quod nullum est nullum affectum producit. 325» L'annulation de la décision culpabilise donc les associés majoritaires, tandis que les droits des associés minoritaires victimes de la délibération délictuelle sont restaurés, ce qui a pour effet de bloquer les agissements répréhensibles des minoritaires.326

A titre d'illustration, la Cour de Cassation a jugé que des associés majoritaires avaient commis un abus de majorité en décidant d'affecter systématiquement, pendant des années, la totalité des bénéfices au fonds de réserve, car cette affectation n'était justifiée par aucun intérêt social, mais avait pour effet de priver l'associé minoritaire des revenus générés par

324Cass. Com, 18 avril 1961.

325 Mama OTABELA Hugues Joël, op.cit. p.6.

326 CA, Paris, 14èmeCh.A, 20 mars 2002, Camet c/société Marché.

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l'activité de la société. En conséquence, la haute juridiction a ordonné la distribution de ces bénéfices.327

Outre l'annulation de la résolution abusive, les associés minoritaires peuvent assigner en justice les associés majoritaires pour obtenir des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en vertu du principe que le droit cesse là où l'abus commence.328

B.2. Réparation du préjudice aux actionnaires minoritaires

La réparation des dommages est fondée sur la responsabilité civile de son auteur. En effet, conformément aux dispositions du Code Civil, « tout fait qui cause un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. 329 » Partant, il sied de remarquer que pour prétendre à des dommages et intérêts, les actionnaires minoritaires doivent prouver que l'abus de majorité leur a causé un préjudice.

Ainsi, tout associé ou actionnaire peut engager une action en réparation du préjudice qu'il a subi personnellement du fait d'un dirigeant de la société. Cependant, cette action, dite individuelle, n'est recevable que si le préjudice subi par l'associé ou l'actionnaire est distinct de celui éventuellement subi par la société. Contrairement à l'action sociale qui a pour objet la réparation du préjudice subi par la société elle-même et qui peut être engagée collectivement par les associés, l'action individuelle a pour objet la réparation d'un préjudice personnel et les dommages-intérêts alloués à l'issue d'une telle action reviennent intégralement aux associés et non à la société.330

À titre illustratif, des actionnaires ont engagé une action tendant à faire prononcer la nullité des décisions prises par des Assemblées Générales au motif que le vote de ces Assemblées avait été obtenu par la production de comptes volontairement erronés qui, en faisant disparaître l'existence de tous bénéfices ont, par là même, empêché la distribution de dividendes. Ils ont ainsi invoqué les agissements dolosifs des actionnaires majoritaires et sollicité l'allocation de dommages et intérêts destinés à réparer le préjudice subi, à cette occasion, par chacun d'eux. Ainsi ont-ils introduit, en plus de l'action sociale, et comme ils en avaient le droit, une action présentant le caractère d'une action individuelle.331

327Cass. Civ. 3, 7 février 2012, n° 10-17812.

328M. Planiol, Traité élémentaire de droit civil, Tome 2, 11ème éd. ,Paris 1932, p.412

329 Article 258 du Code Civil livre III.

330Cass. com. 19-4-2005, analysé par DIRIG-VI-14394.

331Cass. req. 29-10-1934, Sté des aciéries du Forez c/Girard.

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Ici, il sied de le noter : pour que les actionnaires minoritaires puissent avoir gain de cause, il faut que l'action engagée soit dirigée non pas contre la société, mais contre les majoritaires et qu'elle remplisse deux conditions : que la décision adoptée porte atteinte à l'intérêt social, et que le principe d'égalité entre des actionnaires ait été trahi pour le compte des majoritaires.

Parfois cependant, l'action fondée sur l'abus de majorité peut avoir pour cause certains« des caprices » des actionnaires minoritaires. C'est pourquoi on ne doit y recourir que dans des cas exceptionnels, car ce recours peut faire courir le risque d'entraver le fonctionnement de la société et constituer un obstacle à l'application de la règle de la majorité. Il revient donc à celui qui se prétend victime de l'abus de majorité d'en prouver l'existence.332 Il n'est cependant pas dit que les actionnaires minoritaires obtiendront toujours gain de cause chaque fois que le juge prononce l'annulation de la décision prise par les actionnaires majoritaires.

Ainsi, dans un arrêt de principe du 6 juin 1990, le juge a annulé les délibérations litigieuses, mais a rejeté la demande des dommages et intérêts présentée par les associés minoritaires à l'encontre de la société.333 Dans cet arrêt, il s'agissait de la constitution de réserves excessives sans intérêt pour la société et préjudiciable aux intérêts pécuniaires des minoritaires.

Ici, il faut alors se poser la question de savoir pourquoi le juge saisi n'a pas donné suite à la requête des actionnaires minoritaires. La réponse à cette question se trouve dans la doctrine sur la responsabilité civile délictuelle.

Pour déterminer si l'auteur d'un fait illicite engage sa responsabilité civile, on doit d'abord se demander, avant l'examen de toute autre condition, si le préjudice occasionné est réparable.334 Malheureusement, ni la jurisprudence, ni la doctrine, ne définissent ce qu'est un dommage réparable. Dès lors, pour savoir si un dommage l'est ou ne l'est pas, on doit vérifier s'il répond aux critères que la jurisprudence a fixés.335 Pour elle en effet, le dommage réparable doit être personnel, direct, actuel, certain et licite.

Pour terminer sur ce sujet, en plus des deux moyens de recours que nous venons d'évoquer, le législateur aussi bien burundais que celui des autres pays, a également prévu, toujours en vue d'une meilleure protection des actionnaires minoritaires d'autres instruments de lutte contre l'abus de majorité (section 2).

332 Alexis Constatin, op.cit, p.4 333Cass. Com. 6 juin 1990, Bull, IV.

334 A. Bamdé et Bourdoiseau, le droit dans tous les états, les caractères du dommage, septembre 2016 trouvé sur le site internet www.aurelienbamde.com consulté le 12/10/2020.

335 Civ.27 juill. 1937, DP.1938.1.p. note Savatier, S.1938.1.p.321, note Marty.

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Section 2 : Les recours procéduraux contre l'abus de majorité

Le législateur burundais, donne la possibilité aux actionnaires minoritaires, en cas de constatation d'un abus de majorité, soit de solliciter une expertise de gestion sur des actes de gestion (paragraphe 1), soit de recourir à la procédure d'alerte (paragraphe 2).

Paragraphe 1. L'expertise de gestion

L'expertise de gestion permet de limiter les conséquences d'une gestion malhonnête en mettant en lumière les erreurs au moment où on peut encore les corriger. Cette procédure permet aux, associés d'inciter à une gestion plus transparente.336 Ce qui renforce la protection de leurs intérêts. Notons cependant qu'il ne s'agit pas d'une protection arbitraire, préjudiciable aux seuls actionnaires majoritaires. Elle est plutôt sensée défendre le principe de l'égalité entre actionnaires.337

L'intérêt de cette expertise est l'obtention d'informations sur la gestion de la société, qui permettront à l'actionnaire minoritaire d'apprécier l'opportunité de certains actes de gestion. Elle pourra donc être de nature à justifier l'exercice d'une action ultérieure contre les dirigeants sociaux.

Même si le législateur burundais n'a pas réglementé la notion d'expertise de gestion, elle l'a bel et bien été dans d'autres législations notamment celle de l'OHADA. Ces dernières nous permettront de bien comprendre son contenu et son fondement (A), ainsi que sa portée et les conditions de nomination d'une personne compétente qui s'en chargera (B).

336 Marc Marcel KANA KENGNI, La distribution des dividendes endroit des sociétés commerciales OHADA, Université Dschang, Mémoire de Maîtrise en droit des affaires et de l'entreprise, année académique 2012-2013, p.49

337Seniadja Adjo Flavie, La protection des actionnaires minoritaires des sociétés anonymes dans l'espace OHADA, Mémoire de DEA en droit fondamental, Université Catholique d'Afrique de l'Ouest d'Abidjan, décembre 2009, p.8.

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A. Le fondement de l'expertise de gestion

L'expertise de gestion est une procédure qui vient encore renflouer les moyens d'information des actionnaires minoritaires sur la gestion de la société à un moment donné. Elle a pour but de renforcer leur droit de regard sur la gestion de chaque exercice comptable et de concrétiser ainsi leur intervention dans la vie sociale.338 Ils y recourront s'ils soupçonnent le gestionnaire d'avoir poursuivi un intérêt personnel, l'enjeu étant d'en avoir le coeur net.339

En droit OHADA, l'expertise de gestion trouve sa base légale dans les articles 159 et 160 de l'AUSC et du GTE. Au terme de ces articles, « un ou plusieurs associés représentant au moins le dixième (10 %) du capital social, individuellement ou groupés, sous quelle que forme que ce soit, peut demander au président de la juridiction compétente du siège social, la désignation d'un ou de plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion qui leur paraissent douteux ou contestables ».

Les destinataires du rapport d'expertise sont le demandeur, les organes de gestion, de direction ou d'administration ainsi que le Commissaire aux Comptes. A notre avis, la production de ce rapport joue le rôle de la transparence et permet aux dirigeants de la société qui seraient indexés de s'exprimer sur les faits qui leur seraient reprochés.

L'expertise de gestion répond en outre au souci premier de garantir une information fiable nécessaire aux associés. Elle matérialise donc la volonté du législateur d'assurer la protection des actionnaires, qui ne participent pas directement à la gestion, par une procédure particulière sortant du cadre traditionnel d'information et s'intégrant dans le judiciaire.340

Dans l'affaire Abbas HAMMOUD c/Jacques Claude LACOUR et dame Éveline Dorothée, le juge a estimé que « l'expertise de gestion doit être ordonnée dès lors qu'elle a été demandée par un associé qui se plaint de n'être pas informé de la vie sociale et doute de la sincérité des coassociés et du sérieux des résolutions prises en assemblées. 341»

Quant aux mérites de l'expertise de gestion, elle en présente plusieurs. Elle participe en effet à une meilleure gouvernance des sociétés, car permettant au juge de vérifier à la lumière de

338S.S. KUATE TAMEGHE, Quelques ambiguïtés de l'expertise de gestion dans l'Acte uniforme OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE, in Recueil d'Etudes sur l'OHADA et l'UEMOA, Vol I, Collection Horizons Juridiques Africains, PUAM, p. 151

339Patrice Christian Ewane Motto, op.cit. p.78.

340Ngom BISSAN, l'expertise de gestion, in Encyclopédie OHADA, s/dir. Pougué, Lamy, Paris 2011, p. 786, cité par MAMA OTABELA Hugues Joël, op.cit. p.10.

341 Tribunal Régional de Niamey, ordonnance de référé n° 245 du 22 octobre 2002, Abbas HAMMOUD c/Jacques Claude LACOUR et dame Éveline Dorothée Flambart, OHADATA, J.04-80.

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l'intérêt social, l'opportunité de certains actes de gestion posés par les dirigeants sociaux. Elle permet également un renforcement les droits des minoritaires en leur garantissant un recours judiciaire pour se faire entendre.342 En d'autres termes, la minorité révèle son aptitude à intervenir en qualité d'organe subsidiaire de contrôle.

Pour Yves GUYON, le but de l'expertise de gestion n'est pas de donner au demandeur une information générale, mais plutôt une information qui tend seulement à faire toute la lumière sur une ou plusieurs opérations déterminées à propos desquelles il aura des renseignements aussi complets et aussi précis que possible.343

Quand bien même la procédure d'expertise de gestion présente des avantages pour les actionnaires minoritaires, on peut tout de même lui reprocher de rester imprécise sur l'opération de gestion qui doit fonder son intervention.344 Il faut également souligner ici que le législateur OHADA a imposé un minimum de détention de capital pout tout demandeur.345 Il s'agit d'un « filtre légal» destiné à stopper sans doute les demandes intempestives ou capricieuses des minoritaires.346 Si on transposait cette disposition dans la législation burundaise, on verrait qu'elle constituerait un fait limitatif surtout dans un cas comme celui des coactionnaires de la SOSUMO qui, à deux, ne totalisent que 1 % du capital social. Ce qui laisse à penser que cette disposition serait un « parapluie » pour les dirigeants de la société.

Concernant l'ampleur de la compétence de l'expertise de gestion, elle couvre une ou plusieurs opérations particulières. C'est-à-dire qu'elle ne concerne au sens strict du mot, que des opérations de gestion, et non des opérations qui relèveraient de la compétence exclusive de l'Assemblée générale ou d'un organe de la société.347 Mais, pour éviter que cette procédure de gestion ne puisse paralyser les organes de gestion, la Cour de Cassation a posé des conditions à son exercice.

342Cerati -GAUTIER (A), la nouvelle expertise de gestion, assure -t-elle une meilleure information des actionnaires minoritaires ?, Petites affiches n° 69, 2002, p.4 et s.

343 Yves Guyon l'expertise de gestion, jurisclasseur des sociétés, 1985, fasc.134. D. pp.1-13.

344 MARTEAU Petit, la notion de gestion et le droit des sociétés, thèse Paris II, 1992.p.124

345 Pour intenter une action en expertise de gestion il faut qu'un actionnaire ou groupé détienne au moins 10 % du capital.

346Nany Elodie ITSIEMBOU MABIKA, op.cit., p.429

347SENIADJA ADJO Flavie op.cit. p.17

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Ainsi, la demande d'expertise ne peut avoir d'effets que si elle se base sur des présomptions d'irrégularité, car c'est une mesure d'investigation portant sur une opération dont la régularité est douteuse.348

La demande d'expertise de gestion reste donc limitée. Elle ne porte que sur une opération de gestion donnée349 et non sur un audit général de gestion de la société réservé au seul Commissaire aux Comptes. L'arrêt du 15 juillet 1987 de la Cour de Cassation a interprété restrictivement la notion d'acte de gestion.350

Par exemple, l'expertise de gestion pourrait ainsi porter sur le versement d'un acompte sur dividende jugé comme une atteinte à l'intérêt351 ou encore sur une convention réglementée jugée irrégulière. S'il est fait droit à la demande de l'associé, ce dernier bénéficiera de l'assistance d'un expert, qui aura pour mission de mettre de la lumière là où règnent l'opacité et l'obscurité.

Les actionnaires minoritaires pourront aussi demander une expertise de gestion en cas de constat d'un transfert de fonds suspect par un actionnaire.352 En effet, ce type d'opération est susceptible de causer des problèmes de trésorerie dans la société et d'inciter les dirigeants à procéder à la répartition des dividendes même en l'absence de bénéfices. Ils doivent s'assurer de saisir le Président du Tribunal compétent et non le Tribunal lui-même qui, le cas échéant, se déclarera incompétent.353

De même, les actionnaires minoritaires ont besoin de prendre connaissance des documents sociaux afin de prendre des décisions éclairées. Au cas où le dirigeant refuserait de présenter le bilan, les actionnaires minoritaires peuvent requérir une expertise de gestion pour contourner les comptes sociaux.354L'information obtenue par l'expert en sera probablement plus étendue que celle donnée en cas de fonctionnement normal de la société. Ainsi,

348Cass. com. 22 mars 1988, Rev. soc. 1988, p. 227; Cass. com. 18 oct. 1994, Bull. civ. IV, n° 306; Cass. com. 18 juin 1991, Bull. Joly 1991, p. 816.

3499 nov. 1991, Bull. civ. IV, no 355; D. 1991, IR, p. 295; Bull. Joly 1992, p. 66, § 15, note P. LE CANNU ; JCP G 1992, II, no 21833, note M. JEANTIN ; Rev. soc. 1992, p. 510, note M. MARTEAU-PETIT; RTD com. 1992, p. 639, obs. Y.REINHARD.

350Cass. com. 15 juill. 1987, Bull. Joly 1987, p. 703, n° 289, note P. LE CANNU ; RTD Com. 1988, p. 75, n° 6, note Y. REINHARD

351 M. JEANTIN, note sous ord. du T. com. Paris, Bull. Joly 1989, p.898.

352 Cotonou, arrêt n° 256/00 du 17 août 2000 SONACOP c/Etat Béninois in OHADA, jurisprudence Nationale n° 1 décembre 2004, p.78.

353 Tribunal régional hors classe de Dakar, jugement n° 871 du 21 mai 2002, Hassen YACINE c/société natte industrie, J-03-04, trouvé sur le site internet www.ohada.com.

354 Tribunal régional hors classe de Dakar, ordonnance de référé n° 1671 du 23 décembre 2002, Abdoulaye NDIAYE c/NDiougo LO J-03-186.

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l'expertise de gestion aboutira-t-il à la révélation de faits que les dirigeants refusaient de communiquer en s'abritant derrière le principe de la confidentialité auquel obéissent la plupart des opérations de gestion.

L'expert sera chargé d'établir un rapport à annexer à celui des Commissaires aux Comptes préparé en vue de sa présentation devant la prochaine Assemblée générale et de sa publication.355

La jurisprudence considère que l'expertise de gestion ne saurait se justifier qu'en cas de présomption d'abus ou d'irrégularités affectant les opérations indiquées et susceptibles de nuire aux intérêts sociaux comme de compromettre le fonctionnement ou la pérennité de l'entreprise.356

Certains juges de fond ont également invoqué la prévention des abus de majorité. Or, l'intérêt social protégé est, dans ce cas, celui de la société ainsi que celui des actionnaires faisant partie d'un groupe minoritaire qui pourront ainsi être renseignés sur la nature, la portée et les conséquences des opération de gestion susceptible de leur porter préjudice.357

Bien qu'on ait une jurisprudence abondante sur la notion d'expertise de gestion, il faut dire que le terme « opération de gestion» n'a été défini, ni par le législateur burundais, ni par le législateur communautaire OHADA. Il revient donc aux juges d'expliquer ce qu'il faut comprendre par là. D'une façon générale, l'expertise de gestion ne s'applique qu'aux opérations de gestion.

Mais, force est de constater que ces dernières sont caractérisées par une assiette beaucoup plus large.358 Autrement dit la gestion de la société commerciale est un tout. Vouloir dissocier les éléments constitutifs de ce maillon pourrait porter préjudice à la société.

Ainsi par exemple, l'expertise de gestion a été demandée pour vérifier la régularité des transactions ayant entouré le rachat des actions d'une société par une autre et celle du mouvement de fonds entre sociétés,359 la réalisation d'un audit d'une société aux fins de

355Nani Elodie MABIKA ITSIEMBOU, op.cit. p.421.

356 Cass.Com, 18 oct.1994, n° 92-19159, note 884.

357 CA Rouen, 17 mars 1970, D.1971, p.177 ; JCP.G. 1971, II, 16 606, note N. Bernard

358 Khaled AGUEMON op.cit. p.259.

359 CA Cotonou, Arrêt n° 256/2000 du 17/8/2000 AFFAIRE Société Continentale des Pétroles et d'Investissements Monsieur Séfou Fagbohoun SONACOP Monsieur Cyr Koty, Monsieur Mounirou Omichessan c/Etat béninois, Ohadata J-06-101.

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déterminer la valeur actuelle des actions et le montant réel des bénéfices dégagés depuis sa création.360

Les actionnaires majoritaires peuvent également invoquer le défaut de communication d'éléments satisfaisants de réponse aux questions écrites qu'ils ont posées : il appartient alors au juge de rechercher si les éléments de réponse fournis présentent ou non un caractère satisfaisant.361 L'absence de réponse n'interdit pas au juge de rejeter la demande d'expertise s'il est établi que l'actionnaire disposait d'informations suffisantes sur les questions qui ont été posées.362

A l'analyse de ces arrêts, on constate que la qualification d'opération de gestion est vaste et vouloir la limiter n'est pas sans conséquence sur la vie de la société.

Pour éviter de se perdre dans les méandres des domaines que couvre ce terme, la solution la plus adaptée paraît résider dans l'analyse de l'opération en cause, celle qui risque de porter atteinte à l'intérêt social.363

La notion de « gestion» pourrait donc être élargie en misant non pas sur la procédure envisagée pour l'essentiel, mais davantage sur le but fixé, qui est la protection de l'intérêt de la société.

S'il est fait droit à cette demande, le Juge détermine l'étendue de la mission et les pouvoirs dévolus aux experts dont les frais sont supportés par la société.364(2) Mais, pour être recevable, la demande d'expertise de gestion doit avoir un caractère sérieux (1).

A.1. Nomination d'un expert de gestion et sa portée

La mission confiée à l'expert doit être relativement générale puisqu'elle peut comporter l'examen d'un point de vue de droit. Cependant, celle-ci paraît assez étroite, ce qui n'est ici que la conséquence de son caractère complémentaire par rapport aux autres moyens d'information et de contrôle dont dispose l'actionnaire. C'est pourquoi le juge dispose d'un large pouvoir pour déterminer les missions assignées à l'expert. Il dispose à cet effet, d'une faculté d'appréciation. Le juge saisi ne doit pas se faire juge des opérations de gestion

360 Arrêt déjà cité

361 Com.17 janv.2006.445.A. Lienhad, Basse-Terre 26 mars 2012, BRDA n° 9.2012, p.4.

362 Com.11 oct.2005 n° 03-15448, Bull. Joly 2 006 621, n° 129.1, Godon 363Ibidem, p.259.

364 Philippe Merle, Anne Fauchon, op.cit. p.669.

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critiquées, il doit se contenter plutôt d'apprécier s'il y a lieu ou non de faire droit à la demande.

Pour qu'elle soit recevable, la demande doit revêtir un caractère sérieux.365 Elle n'est pas subordonnée à la preuve que les organes sociaux aient méconnu l'intérêt de la société et détourner le pouvoir de cette finalité, car l'expertise tend justement à établir cette preuve.366 Une fois la procédure acceptée, le juge détermine l'étendue de la mission et les pouvoirs de l'expert.367

La mission de l'expert est assez librement définie par le juge. En effet, la personne désignée en tant qu'expert n'est pas un mandataire de la minorité des actionnaires demandeurs, chargé d'enquêter sur la gestion de la majorité pour le compte de ceux-ci.

Si l'expert est désigné par le juge, à la demande de la minorité des actionnaires, il doit cependant accomplir sa mission dans l'intérêt de tous les actionnaires.368 C'est pourquoi, quand il s'agit de la mission d'expertise de gestion, on préfère utiliser le terme d'« expert» Celle-ci consiste à compléter l'information des partenaires de mauvaise gestion ou plusieurs opérations de gestion dont la conformité à l'intérêt social est douteuse. L'expertise n'est donc pas une mesure de contrôle subsidiaire. Elle vient plutôt en appoint au rôle du Commissaire aux Comptes pour que les actionnaires ne reçoivent aucune information imparfaite, d'autant plus qu'il lui est interdit de s'immiscer dans la gestion sociale et d'en apprécier ainsi l'opportunité.369

La Cour de Cassation française dans l'arrêt Duquesne Purina du 15 juillet 1987 avait bien précisé quel était le domaine de l'expertise de gestion ainsi que le rôle du juge. En énonçant que « (...) la recevabilité de l'action fondée sur l'article 226 de la loi du 24 juillet 1966 n'est pas subordonnée à d'éventuelles actions en responsabilité contre l'administrateur ou en nullité de délibération sociale; la Cour d'appel a donc énoncé avec raison que la prescription de telles actions, à la supposer acquise en l'espèce, n'aurait pas pour effet de priver la demande d'expertise;

La recevabilité de l'action (...) n'est pas subordonnée à la preuve que les organes sociaux ont méconnu l'intérêt de la société et détourné leurs pouvoirs de sa finalité puisque la mesure

365 Paris, 09 décembre 1994, TTDA, 695, n° 728.

366 Com. 15 juillet 1987, Bull. IV 1 193.

367Djahan Konan Francis, l'exercice du contrôle des sociétés anonymes en droit OHADA, OHADATA, p.10.

368 Djahan Konan Francis, op.cit ; p.10.

369 Com. 7 déc.1983, préc. Rev. sociétés 1 985 427, M. d'Hérail de Brisis.

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d'information et de contrôle organisée par ce texte tient justement à l'établissement de cette preuve; qu'il appartient cependant aux juges du fond d'apprécier le caractère sérieux de la demande (...). 370»

Dans le cadre de sa mission, l'expert dispose aussi d'un droit d'accès à tous les documents de la société qui peuvent lui être utiles. Le secret des affaires ne lui est donc pas opposable. Par conséquent, bien que l'expert soit lui-même astreint au secret professionnel, les risques d'indiscrétion ne sont pas à négliger.371

Mais, étant donné le caractère public des audiences, la jurisprudence française estime que l'expertise de gestion peut nuire au crédit de la société par le doute qu'elle fait planer sur une opération sociale.372

En ce qui concerne les destinataires du rapport de l'expertise de gestion, l'AUSCGIE fait obligation à l'expert de remettre les résultats du rapport par écrit qui feront objet de diffusion au demandeur et aux organes de gestion, de direction, ou d'administration.373

Ce rapport est normalement sanctionné par un vote à l'Assemblée. Il peut par ailleurs donner lieu au déclenchement d'une action en abus de majorité ou en responsabilité civile. Il peut même déboucher sur une responsabilité pénale contre les dirigeants sociaux s'il s'est révélé des faits délictueux.374

Dans la vie de la société, des difficultés peuvent survenir et la plupart des fois, les dirigeants ont du mal à réagir à temps pour les surmonter, soit parce qu'ils n'ont pas une pleine conscience de la situation, soit parce qu'ils ne souhaitent pas effrayer les créanciers ou s'exposer à la menace de poursuites judiciaires.375

Or, si le dirigeant ne réagit pas rapidement, sa négligence est susceptible de compromettre la continuité de l'exploitation de l'entreprise. Afin de lutter contre l'incurie des dirigeants et de protéger les intérêts des actionnaires, le législateur est intervenu à plusieurs reprises pour instaurer des mécanismes de prévention au profit des entreprises en difficulté. Parmi ces mécanismes, on trouve la procédure d'alerte qui a pour objet d'attirer l'attention des

370 Com.15 juill.1987, Bull. Joly 1 987 703, n° 289, P. Le Cornu. 371Djaha Konan Francis, op.cit. p.16.

372 Paris, 12 janvier 1977, JCP, 1978, II, 1823, note CHARTIER.

373 Article 160 de l'AUCGIE.

374Ibidem.

375A. Bamdé & J. Bourdoiseau, La procédure d'alerte et la prévention des entreprises en difficulté, article trouvé sur le site internet : www.googlehall.fr publiée le 2 juin 2017, p.2.

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dirigeants sur les difficultés objectivement décelables que rencontre la société. L'alerte peut être déclenchée par les associés, le Commissaire aux comptes ou le Comité d'entreprise. Mais cette procédure, que les associés minoritaires peuvent initier, a besoin d'être avant tout bien comprise (paragraphe 2).

Paragraphe 2 : la procédure d'alerte par les associés minoritaires

Comme il a été dit ci-dessus, la procédure d'alerte est un moyen de contrôle de la vie de la société aux mains des actionnaires. Elle vise à prévenir les problèmes auxquelles les sociétés peuvent faire face et vient renforcer le droit à l'information des actionnaires et de surcroit la protection des actionnaires minoritaires. Il existe pourtant des éléments qui justifient que l'on y recourt et dont les actionnaires doivent bien saisir la portée avant d'en user (A) car l'on sait également que ses effets sont assez conséquents sur la vie de la société (B)

A. Le fondement de la procédure d'alerte par les actionnaires minoritaires

Dans les sociétés commerciales, la transparence est d'une importance capitale. Malgré la confidentialité dont doivent faire preuve les dirigeants des sociétés, ils doivent pouvoir faire objet de contrôle et rendre compte de leur gestion aux actionnaires qu'ils les ont nommés. En revanche, ceux-ci ont le droit légal d'être informés sur la vie de la société.

Il faut dire que la reddition des comptes ne date pas d'aujourd'hui. ARISTOTE observait déjà que : « dix logistae et dix euthuni étaient tirés au sort. Chaque responsable public devait leur rendre des comptes. Ils présentaient leurs résultats à la Cour. Quiconque détournait des fonds devait rendre dix fois la somme dérobée. Dans le cas d'erreurs administratives, la Cour l'évaluait et le responsable devait la rendre sur un délai de 9 mois, à défaut, le remboursement doublait. 376»

Sur la base de cette affirmation d'Aristote, le législateur a donné aux actionnaires minoritaires le droit d'être informés de la vie de leur société en les dotant du pouvoir de déclencher l'alerte (1), même si ce droit connaît des limites (2).

A.1. Le droit des actionnaires minoritaire de déclencher l'alerte

Le pouvoir conféré aux actionnaires minoritaires de déclencher l'alerte peut se justifier par leur détention du pouvoir sociétaire de nommer et de révoquer les dirigeants sociaux et de celui de faire adopter les mesures nécessaires au rétablissement de la situation.

376ARISTOTE, La constitution d'Athènes, in NORMANTON, 1966

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Ce pouvoir exorbitant dont ils disposent devrait leur permettre de jouer un rôle fondamental lorsque la société dans laquelle ils sont actionnaires connaît des difficultés pouvant compromettre la continuité de son exploitation.377

Acteurs souverains de la société, les associés disposent des prérogatives leur permettant de s'imprégner de la gestion des dirigeants.378A cet effet, ils peuvent non seulement consulter les documents susceptibles de fournir des renseignements sur la situation de la société, mais aussi poser des questions sur une situation au sujet de laquelle ils ne sont pas éclairés. La reconnaissance de ce droit témoigne de la préoccupation du législateur de voir l'associé participer à la bonne marche de la société.

La continuité de l'exploitation demeure un critère fondamental auquel les actionnaires doivent se référer pour déclencher l'alerte.379Cette notion est principalement fondée sur la situation financière de la société et sur les faits objectifs pouvant survenir dans un avenir prévisible.380

Cette procédure d'alerte constitue donc une prérogative des actionnaires relevant de la gestion normale de la société.381

En définitive, la procédure d'alerte est un moyen renforcé d'information et de contrôle de la gestion sociale entre les mains des actionnaires. Il présente une utilité remarquable tant pour la société que pour les actionnaires.

D'abord, la mise en oeuvre de la procédure d'alerte est utile pour la société. Elle permet ensuite d'éviter les questions orales fastidieuses qui peuvent être posées par les actionnaires aux dirigeants sociaux. Cependant, ce droit d'alerte dont disposent les actionnaires est soumis à certaines limites.

A.2. Limites au droit d'alerte

Le droit d'alerte revêt un caractère facultatif et limitatif. Le caractère facultatif de la procédure d'alerte se retrouve dans les articles 157 et 158 de l'AUSCGIE qui disposent que tout associé « peut, deux fois par exercice » poser par écrit, des questions aux dirigeants.

377 Aymar Toh, La prévention des difficultés des entreprises : étude comparée de droit français et droit OHADA, Université de Bordeaux, Thèse de Doctorat, décembre 2015, p.121

378P. Le Cannu et B. Dondero, Droit des sociétés : LGDJ, 6ème éd., 2015, n° 497, p. 330

379 Didier Tokafo Kenfack, Libres, propos sur la réglementation de l'alerte en OHADA, Revue des procédures collectives, Revue Bimestrielle Lexis Nexis, Jurisclasseur, mars-avril 2016, p.23.

380 Patrice Christian Ewane Motto, op.cit. p.91. 381Jacques Derthal ALBAS, op.cit. p.25.

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Ce caractère est bien perceptible dans l'utilisation du terme « peut ». Il s'ensuit que les associés ne sont pas tenus, en cas de constatation d'indices, même concordants, d'enclencher (la procédure.382 Autrement dit, même en cas de constat de ces indices, ils ne sont pas tenus de mettre en branle les procédures d'alerte.383 Celle-ci ne peut être déclenchée que lorsque ce sont leurs intérêts qui sont véritablement menacés ou alors dans des sociétés où il n'existe pas de Commissaires aux Comptes.

En d'autres termes, ils ne pourront pas voir leur responsabilité engagée en cas d'abstention. Tout au plus, ils pourraient, en cas de dégâts, subir personnellement des remords sur le plan moral.

Un autre aspect qui rend inopérante la procédure d'alerte enclenchée par les actionnaires tient à son caractère limité. En effet, des difficultés ou des faits de nature à compromettre la continuité de l'exploitation peuvent apparaitre à tout moment de la vie d'une société. Mais selon le législateur OHADA, les associés ne peuvent recourir à l'alerte que deux fois par exercice.384

En dehors de cette période, l'associé n'a plus le droit de poser par écrit des questions aux dirigeants, sauf à l'occasion des Assemblées générales. Cette limitation des pouvoirs de contrôle de la société par les actionnaires semble étrange quand on sait que la plupart des sociétés n'ont pas de Commissaires aux Comptes.

En décrétant cette limitation, le législateur n'a-t-il pas pensé qu'au cours des deux exercices, les questions peuvent reposer sur de simples spéculations et que c'est par la suite que les sujets sérieux surgissent ? De même, que va faire l'associé qui a épuisé ses moyens d'action? Il est vrai qu'il lui reste la possibilité de s'adresser directement au Commissaire aux Comptes s'il veut aller au terme de sa démarche. Mais qu'adviendra-t-il en l'absence du Commissaire aux Comptes?

A notre avis, il aurait été plus judicieux que l'exercice du droit d'alerte des associés soit possible toutes les fois que des faits de nature à entraver la bonne marche de la société sont relevés.385

382Jacques Derthal ALBAS, op .cit p.26.

383 Eric Aristide MOHA FOPA, Réflexions critiques sur le système de prévention des difficultés des entreprises OHADA, Université de Deschang-Cameroun, Mémoire de DEA, 2007, p.97

384 Article 150 de l'AUCSGIE

385 Didier Tokafo Kenfack, op.cit. p.24

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Malheureusement, les associés n'ont pas actuellement les « mains libres» en matière d'alerte comme les Commissaires aux comptes. Mais leur « soufflet dans le sifflet» permet d'alerte l'autorité compétente. 386

Et comme le souligne par ailleurs le Professeur Yves Guyon, la procédure d'alerte permet tout au plus à l'actionnaire de prendre date en montrant qu'il a été conscient des difficultés de sa société à un moment où les dirigeants se sont, eux, montrés optimistes.387 Ce qui évidemment a des effets sur la gestion de la société (B).

B. Les Effets de l'alerte sur la gestion de la société

Malgré tout, la procédure d'alerte est d'une si grande importance qu'elle produit des effets remarquables qui peuvent permettre la poursuite normale des activités de la société (1) et renforcer la confiance entre actionnaires et organes dirigeants de la société (2)

B.1. L'alerte, une procédure renforçant la confiance dans les organes de la société

Communiquer avec les actionnaires constitue la première tâche des dirigeants. Mais, il est d'une importance capitale que l'information fournie aux actionnaires soit d'une grande qualité.388 Elle doit se caractériser par la pertinence, l'intelligibilité et la fiabilité ce qui permettra par ailleurs de déceler les facteurs de risque et ainsi de déclencher l'alerte afin de prévenir à temps les difficultés qui pourraient naître.

Une fois que les dirigeants auront répondu aux différentes questions des actionnaires minoritaires, en donnant des données fiables issues des comptes audités par des Cabinets crédibles, les associés auront une image fidèle et sincère des comptes et de la situation générale de leur société.389

Les dirigeants pourront ainsi se dédouaner de leurs responsabilités vis-à-vis des actionnaires ce qui créera d'autant plus la confiance entre eux et les associés. En effet, comme l'affirme le Professeur AMISI, l'alerte permet aux entreprises de s'exprimer librement avant que les responsables de l'application de la loi ne s'en mêlent.390

386Amisi, M. MANIRAMBONA, Un renforcement du mécanisme d'alerte pour lutter efficacement contre la criminalité économique dans l'espace OHADA, Université Laval, 2017 in Bulletin de droit Economique, p.2

387 Yves Guyon, op.cit. p.549.

388 Pierre Chabane, op.cit. p.105.

389 Frédéric Parrat, op.cit. p.139.

390Amisi M. MANIRAMBONA, op.cit. p.7.

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En privilégiant la promotion de la confiance entre dirigeants et associés, la légitimité et le respect des normes, ainsi que la crédibilité de la société augmentent auprès des autres parties prenantes. Ce qui, par ricochet, renforcera la confiance des investisseurs potentiels (2).

B.2. Le droit d'alerte des actionnaires minoritaires : une garantie pour les investisseurs

En accordant aux actionnaires minoritaires le droit d'alerter les dirigeants sociaux sur tous les faits de nature à compromettre la vie de la société, le législateur a voulu renforcer leur droit à l'information,391 qui constitue par ailleurs l'un des piliers de la gouvernance d'entreprise 392et permet aux parties prenantes d'être renseignées sur la situation financière de la société.

Le respect des principes de la gouvernance d'entreprise dans les sociétés est devenu une nécessité pour la simple raison qu'il est le gage, aux yeux des investisseurs nationaux et internationaux, d'un meilleur fonctionnement sociétaire.

En parlant d'investissement, il faut entendre ici l'opération d'un acteur économique consistant à développer une activité économique ou à y participer par le biais d'un apport, dans l'espoir d'en tirer ultérieurement un revenu.393 Etant un potentiel souscripteur de parts sociales et un possible futur actionnaire, il est logique qu'il soit informé de ce qui se passe au sein de la société.

Ainsi, l'adoption de bonnes pratiques de gouvernement d'entreprise contribue à accroître la confiance des investisseurs, concourt au bon fonctionnement des marchés de capitaux, et en définitive confère davantage de stabilité aux sources de financement.394

Le droit d'alerte des actionnaires minoritaires constitue donc aux yeux des investisseurs potentiels un gage de transparence dans la gestion « du bien commun» qu'est le patrimoine de la société. C'est aussi une garantie normative pour les investisseurs395 : par la procédure d'alerte, l'investisseur est informé de ce qui se passe au sein de la société et cela le rassure.

391 Gervais Muberankiko, La place des associés minoritaires dans la gouvernance des entreprises en droit OHADA, LexbaseAfrique-OHADA Edition n° 31 du 12/03/2020, p.2

392Consta Calvo, Ethique et transparence, piliers de la gouvernance d'entreprise, trouvé sur le site internet ; www.finyear.com

393Sébastien MANCIAUX, Que disent les textes OHADA en matière d'investissement? in revue de l'ERSUMA, n° 6, janvier 2016, p.5.

394 idem p.6.

395 Apollinaire A. de Saba, un nouveau droit des affaires pour attirer les investisseurs en Afrique. Est-ce suffisant? in Finance et Bien commun 2007/3 n° 28-29, p.97.

En d'autres termes, une protection équilibrée des partenaires sociaux fait de la société une destination attractive pour les investisseurs.396 Il faut souligner ici que le législateur burundais n'a pas su capitaliser cet élément en intégrant la notion d'alerte dans le Code des Sociétés Privées et à Participation Publique. Cela aurait constitué une garantie de plus pour attirer les investisseurs.

La société commerciale est un tout où toutes les parties prenantes doivent travailler dans l'unique dessein de rechercher l'intérêt commun qui réunit l'ensemble des intérêts de chacun des actionnaires pris individuellement.

En effet, cet intérêt social qui est l'élément substantiel de la vie de la société doit aussi viser la protection des plus faibles que sont les actionnaires minoritaires. En leur donnant le droit à la parole et à l'information, on doit également tenir compte de leurs idées surtout quand elles vont dans le sens de la promotion de la société.

Mais, étant donné que dans la vie humaine toute personne qui a une parcelle de pouvoir est portée à en abuser, le législateur aussi bien burundais que celui de l'OHADA a mis en place des « garde-fous », pour protéger les économiquement faibles, les actionnaires minoritaires, contre les abus des actionnaires majoritaires. Ceux-ci sont portés à confisquer le pouvoir à leur profit et empêchent les actionnaires minoritaires de se défendre contre leurs abus.

Les mécanismes permettant aux actionnaires minoritaires de défendre leurs droits sont notamment l'action contre l'abus de majorité et la procédure d'alerte. Cependant, même si le législateur protège les minoritaires, il ne faut pas que ces derniers se cachent derrière les droits leurs conférés pour paralyser la vie de la société. Ils doivent plutôt mettre en avant l'intérêt général, socle de la viabilité de la société et gage de bonne gestion pour les investisseurs.

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396EWANE MOTTO Patrice Christian, op.cit. p.242.

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CONCLUSION GENERALE

Les sociétés commerciales sont des acteurs clés du développement économique. Pour une bonne régulation de leur fonctionnement, le législateur burundais a mis un place un cadre légal et institutionnel les régissant. Il s'agit notamment du Code des Sociétés Privées et à Participation Publique, de la loi sur la Faillite, de la loi sur l'Insolvabilité du Commerçant et du Tribunal de commerce. Leur mode de fonctionnement est défini par le CSP&PP qui a prévu, à cet effet, des organes de gestion et d'administration pouvant différer selon le type de société.

Dans les sociétés mixtes qui ont fait objet de notre étude, le mode de fonctionnement est calqué sur celui des sociétés anonymes, c'est-à-dire celui où coexistent les organes de délibération, d'administration, de gestion et de contrôle, chaque organe étant doté de certains pouvoirs qui lui permettent de bien remplir ses missions. Aussi, ces organes doivent-ils agir dans l'intérêt général des actionnaires et non privilégier leurs propres intérêts sinon il y aurait abus de pouvoir que la loi sanctionne.

Les sociétés mixtes se caractérisent donc par une démocratie où le pouvoir de l'actionnaire se mesure au nombre d'actions qu'il possède. Mais, pour que les actionnaires majoritaires n'abusent de leur pouvoir, le législateur burundais a prévu un organe de contrôle constituant un contre-pouvoir : le Commissaire aux Comptes.

Il a également réservé aux actionnaires beaucoup d'instruments pour contrôler les dirigeants de la société. Parmi ceux-là, le droit à l'information apparait comme une garantie efficace dont ils disposent pour s'enquérir de la vie financière de la société. Ce droit à l'information permet d'instaurer un climat de confiance entre les actionnaires, vrais propriétaires de la société et les organes dirigeants qu'ils ont désignés pour conduire la destinée de la société.

Les actionnaires se servent également de cet instrument pour défendre leurs intérêts, lorsqu'ils constatent une situation anormale pouvant compromettre la vie de leur société. Dans ce cas, ils peuvent alerter la juridiction compétente afin que celle-ci prenne des mesures préventives contre d'éventuelles situations chaotiques pouvant survenir. Néanmoins ce droit à l'information doit être régulé. Car, dans un monde où la concurrence est devenue un des moyens les plus efficaces pour s'attirer la sympathie de la clientèle, les dirigeants de la société doivent trier, parmi la masse d'informations disponibles, celles qui sont à mettre à la portée des actionnaires. Mais pour que cette restriction ne puisse pas provoquer de conflits, le

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législateur a trouvé une parade en ne permettant aux actionnaires de poser des questions que deux fois par exercice ou en leur donnant la latitude de se rendre au siège de la société pour consulter les documents comptables.

De même, comme dans toute démocratie, les actionnaires disposent d'un droit de vote, la prérogative par excellence dont dispose tout actionnaire pour participer à la vie sociale en exprimant ses propres visions quant à l'avenir de la société. Ce droit de vote est proportionnel au nombre d'actions. Cependant, dans certaines sociétés comme la SOSUMO où l'Etat est largement majoritaire (99 %), la décision de l'actionnaire majoritaire risque de phagocyter celle des minoritaires et peut être source de crises. C'est pourquoi, pour sauvegarder la confiance des partenaires de la société, le législateur burundais, à l'instar des autres législateurs, a prévu des mécanismes de prévention de ces crises, notamment le droit des actionnaires à déclencher l'alerte ou de demander la nomination d'un administrateur provisoire.

Pour ce qui est de l'administrateur provisoire, il s'agit d'un mandataire de justice chargé, en cas de graves crises sociales résultant d'un dysfonctionnement des organes de gestion ou d'un conflit entre actionnaires mettant en péril les intérêts de la société, d'assurer momentanément la gestion de la société en lieu et place des organes dirigeants. Mais, étant donné que celui-ci intervient dans une situation particulière, il ne doit agir que dans l'unique dessein de sauver la société, en normalisant le fonctionnement et en permettant aux actionnaires de profiter des fruits générés par elle.

Ici aussi, le partage des bénéfices est soumis à certaines règles. Par cette règlementation, le législateur a voulu éviter les éventuelles opérations frauduleuses des actionnaires qui pourraient aboutir au morcellement du capital par la distribution des dividendes fictifs. Il avait également le souci de séduire et de fidéliser les partenaires de la société. C'est pourquoi il a aussi prévu des sanctions à l'encontre des actionnaires qui se partageraient les dividendes fictifs.

En outre, comme l'objectif de créer une société ne peut uniquement se limiter au partage des bénéfices, les actionnaires ont le devoir d'investir pour l'avenir de leur société, raison pour laquelle la loi leur impose la constitution, à partir du bénéfice, d'une réserve de 5 %, qui ne cesse d'être obligatoire que quand elle totalise 10 % du capital social. Nonobstant cette obligation légale, les actionnaires peuvent en prévoir une dans les statuts ou décider d'en

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constituer d'autres ultérieurement, qui dans ces cas se définissent comme des réserves facultatives.

Nous savons que, comme toute autre vie, celle de la société ne peut toujours être vue en rose. Des événements malheureux peuvent survenir et conduire à sa liquidation. Devant une telle situation les actionnaires doivent désintéresser leurs créanciers et au cas où il resterait quelque chose, se le partager sous forme de boni de liquidation.

Cependant la distribution du boni de liquidation constitue un fait juridique unique dans la vie d'une société puisqu'il n'arrive qu'une seule fois, juste avant la `'mort» de la société. En cas de provision insuffisante, les actionnaires doivent se préparer à supporter le mali de liquidation.

Enfin, pour que la démocratie n'empiète pas sur les droits des minorités, le législateur a mis en place des dispositions pour protéger la minorité contre l'abus de majorité, tout en rappelant que l'intérêt social doit primer sur l'intérêt individuel des actionnaires.

Cette protection particulière des actionnaires minoritaires présente un intérêt certain car, elle vient les sécuriser contre l'usage abusif du droit des majorités, celles-ci étant informées qu'en cas d'usage abusif de leur droit, les minoritaires ont la prérogative d'intenter une action en justice pour éventuellement obtenir réparation.

Au cours de notre travail de recherche, nous avons constaté que bien que le législateur burundais ait prévu des dispositions légales et réglementaires pour protéger les actionnaires minoritaires dans les sociétés mixtes, le pouvoir actionnariale forte de l'Etat peut vicier l'intérêt social alors qu'il est le but principal de création d'une société. C'est pourquoi, nous pensons qu'il faudrait voir comment plafonner les actions de l'Etat dans ces types de sociétés.

En outre, la législation burundaise donne l'actionnaire à poser deux fois par exercice des questions aux dirigeants de la société sur toute question relative à la vie de la société. Nous pensons qu'il fallait multiplier les séquences de poser des questions chaque fois que ceux-ci ont un problème à soulever. Enfin étant donné les progrès réalisés dans les nouvelles technologies de la communication et de l'information, il est nécessaire que le législateur pense à réviser le code des SP&PP en intégrant les Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication notamment en ce qui concerne le vote par voie électronique.

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BIBLIOGRAPHIE

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Serge Guinchard, Thierry Debard, Lexique des termes juridiques, 21ème éd., Dalloz, Paris, 2014.

23. S. S. KUATE TAMEGHE, Quelques ambiguïtés de l'expertise de gestion dans l'Acte uniforme OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE, in Recueil d'Etudes sur l'OHADA et l'UEMOA, Vol I, Collection Horizons Juridiques Africains, PUAM, 151p.

24. Louis-Daniel TSHIBENDE MUKA., L.D.M. L'information des actionnaires, source d'un contre-pouvoir dans les sociétés anonymes de droit français et périmètre O.H.A.D.A, P.U.A.M, Horizon Africain, Aix-en- Provence 2009, 692p.

25. Yoanna STAECHELE-STEFANOVA, Un siècle de l'application de la loi du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales, Walter Kluwer Belgique, 2 014 478 p.

26. Yves Guyon, droit des affaires tomes 1, Droit commercial Général des sociétés, 12ème éd. 2003, Paris, Economica, 1037p.

Yves Guyon, Droit des affaires, Entreprises en difficultés-Redressement judiciaire, Paris, Tome 2, 1992, 9ème éd., Economica, Paris, 2 003 444p.

27. Editions Francis Lefevre, Mementos des sociétés commerciales, Paris 2006, 1874p

III. BULLETINS, PERIODIQUES ET REVUES

1. Association pour l'Efficacité du droit et de la justice dans l'espace de l'OHADA (AEDJ).

2. Bulletin de droit Economique, Laval (2014) 2 B.D.E.

3. Cahier de droit de l'Entreprise n° 1, janvier -février 2010.

4. Chaire de droit des affaires et du commerce international (C.D.A.C.I)

5. Encyclopédie Dalloz, 2ème éd. Tome 2, 1980, 2032 p.

6. Journal Officiel de l'OHADA.

7. Jurisclasseur des sociétés, 1985, fasc n° 134.

8. Gazette des Communes, des Départements, des Régions n° 2-39/2097-17 octobre 2011. Voix du Web Juridique.

9. La lettre Mensuelle des affaires n° 363, de novembre 2017

10. Lexbase Afrique-OHADA Edition n° 31 du 12/03/2020.

11.

110

Management et sciences sociales n° 13, juillet-décembre 2012

12. Petites affiches n° 69, 2002.

13. Revue Pénant n° 910 janvier-mars 2020.

14. Revues des Sociétés 2010.

15. Revue internationale de droit comparé 2002, volume 54.

16. Revue Horizon du Droit, Bulletin n° 13.

17. Revue des procédures collectives, Revue Bimestrielle Lexis Nexis, Jurisclasseur, mars-avril 2016.

18. Revue de l'ERSUMA, n° 6, janvier 2016.

IV. THESES ET MEMOIRES

1. Anaclet NZOHABONAYO, Intérêt général des pays en développement à la lumière de leur engagement dans les traités bilatéraux d'investissement, Université d'Ottawa, thèse de doctorat 2014. 424p

2. Aude-Marie CARTOR et Boris MARTOR, l'actionnaire minoritaire dans les sociétés régies par le droit OHADA, Thèse de doctorat, Soutenue en 2 008 453 p.

3. AYMAR Toh, La prévention des difficultés des entreprises : étude comparée de droit français et droit OHADA, Université de Bordeaux, Thèse de Doctorat, décembre 2015, 642p.

4. Caroline Coupet, L'attribution du droit de vote dans les sociétés, Université Panthéon-Ass, Thèse de doctorat, Paris 2012, 745p

5. CHRISTOPHE Boillon La gouvernance des entreprises à participations publiques, l'Etat comme actionnaire privé, Université Paris - Sud, mémoire de Maitrise, année académique 2013-201,97p.

6. Désire Cashmir KOLONGELE EBERANDE, Le Pouvoir dans les sociétés à capitaux mixtes. Aspects de droit français, OHADA et congolais, thèse de Doctorat, Université Paris 1, Panthéon- Sorbonne, LGDJ, Paris 2012, 640p.

7. EL MADAANI Ismaël, La protection des actionnaires minoritaires au sein de la société anonyme, Institut Supérieure de Magistrature de Rabat, Mémoire, année académique 2010-2011, 96p.

8.

111

Eric Aristide MOTTO FOPA, réflexions critiques sur le système de prévention des difficultés de l'entreprise OHADA, Mémoire de DEA, Université de Deschamps-Cameroun, 2007, 70p.

9. Etienne GROSBOIS, Responsabilité civile et contrôle de la société, Université Caen Basse Normandie2006, thèse de doctorat, 725 p.

10. Jacques Derthal ALBAS, le contrôle d'une société anonyme par les actionnaires, Université de Lomé, Mémoire de Maitrise, année académique 2007-2008, 102p.

11. Hafeda BEN HAFIA et Abbes LAMIE, Politique de distributions des dividendes, impact boursier, Mémoire de Master, Institut de Haute Etudes Commerciales de Carthage, 2010-2011, 104 p.

12. KATCHUNGA KANEFU Lucien, De l'intérêt social comme ligne de conduite du juge dans les litiges relatifs à la gestion des sociétés commerciales, Université Catholique de Louvain, thèse de doctorat, 306 p.

13. Khaled Aguemon, Réflexion sur l'abus de droit des sociétés dans l'espace OHADA : contribution du droit français, Université Jean Moulin Lyon 3, thèse de doctorat, Lyon, 07 septembre 2013. 471p.Patrice Christian Ewane Motto, La Gouvernance des sociétés commerciales en droit OHADA, Thèse de Doctorat, Universités de Douala- Paris Est, présentée à Paris, le 1er novembre 2016, 401p.

14. Kissi SAMIA, Distribution de dividendes fictifs en droit algérien, Université de Tlemcen année académique 2015-2016, Thèse de doctorat en droit privé, 341p.

15. Marcel Rostel KANAN KENGNI, la distribution des dividendes en droit des sociétés Ohada, Mémoire de Master, Université Dschang, 2013, 104p.

16. Nany Elodie MABIKA ITSIEMBOU, Utilité du capital social : Etude de droit français, Université d'Auvergne-Clermont Ferrand I, Thèse de doctorat, 2010, 640p.

17. Roch Van Den Driessche, l'exercice du droit de vote au sein des Assemblées Générales des sociétés cotées, Université Catholique de Louvain, Année Académique 2015-2016, mémoire de Maitrise, 86p.

112

18. SENIADJA ADJO Flavie, La protection des actionnaires minoritaires des sociétés anonymes dans l'espace OHADA, Mémoire de DEA en droit fondamental, Université Catholique d'Afrique de l'Ouest d'Abidjan, décembre 2009, 64p.

V. RAPPORTS D'AUDIT ET AUTRES DOCUMENTS

1. SOFRECO, rapport de l'audit organisationnel de la SOSUMO, annexe 1, aspects juridiques, aout 2018.

2. Rapport définitif d'audit réalisé par BCPA international S.P .R.L et ABC Audit-Bilan-Conseil. Marche suivant DAO n° 002/CP-SOSUMO/2017.

3. Lettre des commentaires et recommandations au titre de la mission de commissariat aux comptes de la SOSUMO, période allant du 1er 2017 au 31 mai 2018. Présenté par Fen Raj Conseil.

VI. SITES INTERNET

1. http://www.petiteentreprise.net

2. https://www.assistant-juridique.fr/dissolution_partage_actif.jsp

3. http://www.toupie.org/Dictionnaire/Interet_general.htm

4. https://www.leconomiste.eu/decryptage-economie/218-la-main-invisible-d-adam-

smith.html

5. www.operavenir.com

6. www.afic.asso.fr

7. www.googledroit à l' infortmation.fr

8. www.CourdeCassation.fr

9. www.SOSUMO.bi

10. www.ohada.org/index.php.pt/publication-pt/434-1-information

11. www.village-justice.com

12. www.hallarchives-ouvert.fr

13. https://www.pernaud.fr/info/glossaire/9206786/liquidateur.ste

14. www.dictionnaire-juridique.com

15. www.dicocitation.com

16. www.googlehall.fr

17.

113

www.finyear.com

18. https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/handle

114

ANNEXE

1. LISTE DES SOCIETES MIXTES DU BURUNDI

NOM DE LA SOCIETE

NATURE JURIDIQUE

STRUCTURE DE FONCTIONNARIAT (part directe de l'Etat en %)

1

BANCOBU

SM

3,4

2

BBCI

SM

1,5

3

FPHU

SM

83

4

SIP

SM

87,5

5

SOBUGEA

SM

Etat actionnaire via Air Burundi et SOCABU

6

SODECO

SM

81,6

7

SOG KIRIMIRO

SM

68

8

SOG MUMIRWA

SM

81

10

SOSUMO

SM

99

11

SOURCE DU NIL

SM

95,6

12

SOCABU

SM

25

13

BNDE

SM

26

14

BCB

SM

10,6

15

SOG KAYANZA

SM

14

16

SOG NGOZI

SM

27

17

BRARUDI

SM

40

18

EPB (en concession)

SM

40,58

19

VERRUNDI (en voie de mise en concession)

sm

54, 04






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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld