UNIVERSITE LUMIERE DE BUJUMBURA
MASTER EN DROIT DES AFFAIRES
Par :
LA PROTECTION DES INTERETS DES ACTIONNAIRES DANS LES
SOCIETES MIXTES : CAS DE LA SOCIETE SUCRIERE DU MOSO (SOSUMO)
Jean Claude BIZIMANA
Sous la Direction de :
Prof. Anaclet NZOHABONAYO Mémoire
présenté et soutenu
publiquement en vue de l'obtention du
grade de Master en Droit des Affaires
Bujumbura, Octobre 2021
DEDICACE
A mon regretté père, Antoine BIZIMANA ;
A ma regrettée mère, Domitille NTAKARUTIMANA ;
Pour m'avoir donné le goût des études.
A mon épouse Jeanne Marie Huguette NTACONAYIGIZE ;
A Mes enfants Anny Ginette AKIMANA, Danny Altesse IGIRANEZA,
Annie Liéna ISHIMWE et Danny Carla ITERITEKA,
Que ce travail soit pour elles une source d'inspiration
!
II
REMERCIEMENTS
Aux termes de ce travail, je voudrais sincèrement
adresser mes remerciements à mon Directeur de Mémoire, le
Professeur Associé Anaclet NZOHABONAYO. En plus de ses
qualités scientifiques, j'aimerais souligner particulièrement ses
qualités humaines et sa disponibilité. Ses remarques pertinentes
et constructives se sont révélées déterminantes.
Monsieur le Professeur, veuillez trouver ici l'expression de ma
profonde gratitude.
Mes remerciements s'adressent également au personnel de
l'Université Lumière de Bujumbura, qui a rendu des plus
agréables mon passage au sein de cette Institution.
Mes sincères remerciements au Dr. Gervais MUBERANKIKO,
ainsi qu'à Messieurs Clément NKURIKIYE et Papien RUHOTORA pour
leur soutien tout au long de l'élaboration de ce travail.
Je tiens également à remercier le personnel de
la Brigade Spéciale Anti-Corruption, spécialement Mesdames Rose
NIZISHEMEYE et Sylvie KWIZERA ainsi que Monsieur Eric KAYANZARI, pour leur
appui technique.
Mes remerciements vont aussi à mes soeurs et
frères, neveux et nièces pour leur soutien et pour l'amour qu'ils
ne cessent de manifester envers ma personne.
Mention spéciale aux étudiants du
5ème et 6ème promotions du programme de
Master en Droit des Affaires qui n'ont cessé de me faire
bénéficier de leur sens social et de leur soutien.
A toutes les personnes qui, de près ou de loin, m'ont
moralement, intellectuellement ou matériellement soutenu au cours de la
réalisation de ce travail, je dis : Merci !
III
TABLE DES MATIERES
DEDICACE
REMERCIEMENTS ii
SIGGLES ET ABBREVIATIONS vii
INTRODUCTION GENERALE 1
CHAPITRE PRELIMINAIRE : CADRE CONTEXTUEL 7
Section 1 : Le concept de société mixte
7
Paragraphe 1 : Définition de la société
mixte 7
Paragraphe 2 : Historique et fondements de la naissance des
sociétés mixtes 9
A. Historique des sociétés mixtes 10
B. Fondement de la naissance des sociétés mixtes
11
Section 2 : Présentation de la SOSUMO
12
Paragraphe 1 : Forme juridique de la SOSUMO 12
Paragraphe 2 : L'actionnariat de la SOSUMO 13
Paragraphe 3 : Les organes de fonctionnement de la SOSUMO 15
A. L'organe délibérant : L'Assemblée
générale 15
B. L'organe d'administration : Le Conseil d'administration 16
C. Organe de gestion de la SOSUMO : la Direction
Générale 19
D. Les organes de contrôle de la SOSUMO 20
CHAPITRE II : LA PROTECTION GENERALE DES ACTIONNAIRES
23
Section 1 : La participation à la prise des
décisions sociales 23
Paragraphe 1. Le droit à l'information et à la
participation au vote 24
A. Le Droit des actionnaires à l'information 24
A.1. Les fondements du droit à l'information 24
A.2. Les moyens d'exercice du droit à l'information 27
A.2.1. Consultation des documents sociaux 27
A.2.2. Droit de poser des questions 29
B. Le droit au vote, essentielle prérogative des
actionnaires 30
B.1. Le principe du droit de vote 30
B.2. Droit de participer à la prise des décisions
collectives 35
Paragraphe 2 : La prévention des crises de gestion 39
iv
A. Procédure d'alerte comme moyen préventif des
crises de gestion 39
A.1. Notion d'alerte 40
A.2. Procédure d'Alerte 41
B. L'administrateur provisoire pour régler les conflits
sociaux 42
B.1. La notion d'administrateur provisoire 43
B.2. Nomination d'un administrateur provisoire 47
Section 2 : Les droits financiers des actionnaires
49
Paragraphe 1. Le droit aux dividendes 49
A. Les dividendes 51
A.1.Notion de dividendes 51
A.2. Fondement de la distribution des dividendes 52
B. La distribution de dividendes fictifs 55
B.1. Notion de dividendes fictifs 56
B.2. Les éléments constitutifs de l'infraction de
distribution de dividendes fictifs 58
Section 2 : Droit aux réserves et au boni de
liquidation 61
Paragraphe 1 : Droit aux réserves 61
A. La notion de réserves 61
A.1. Source de l'obligation de constitution des réserves
61
A.2. Destination des fonds de réserves 62
Section 2 : Le droit des actionnaires au boni de
liquidation 64
Paragraphe 1. La notion de boni de liquidation et les
modalités de sa distribution 64
A. Notion du boni de liquidation 64
A.1. Définition du boni de liquidation 64
A.2. Distribution du boni de liquidation 65
Paragraphe 2 : Le liquidateur comme arbitre dans les
intérêts des actionnaires 66
A. Le liquidateur et son mode de nomination 67
A.1. La notion de liquidateur 67
A.2. Nomination du liquidateur 67
B. L'intervention du juge dans la nomination du liquidateur 69
B.1. Une nomination qui doit être distinguée de
celle d'un liquidateur judiciaire 69
B.2. La désignation du liquidateur par le juge, un acte
préventif de la paralysie de la
société 69
Paragraphe 2 : La mission du liquidateur 70
A.
V
La mission du liquidateur « amiable» 70
B. La mission du liquidateur d'une société en
liquidation judiciaire 71
B.1. Le dessaisissement du débiteur 72
B.2. Responsabilité pénale du liquidateur 72
CHAPITRE III : LA PROTECTION DES ACTIONNAIRES
MINORITAIRES 75
Section 1 : La protection contre l'abus de
majorité 76
Paragraphe 1 : Notion d'abus de majorité 76
A. Définition de l'abus de majorité 77
A.1. Définition légale de l'abus de
majorité 77
A.2. Définitions doctrinale et jurisprudentielle de
l'abus de majorité 78
B. Intérêt social comme élément de
qualification de l'abus de majorité 80
B.1. Intérêt social comme intérêt des
associés en général et de la société en
particulier 80
B.2. Intérêt social et objet social : Deux notions
clés pour le fonctionnement de la
société 82
Paragraphe 2 : Sanctions de l'abus de majorité 83
A. L'action en abus de majorité 83
A.1. Action contre les décisions en rapport avec
l'affectation des réserves 83
A.2. L'action en abus de majorité contre l'augmentation
des avantages pécuniaires
du dirigeant majoritaire 85
B. Les effets de l'action en abus de majorité 87
B.1. Annulation de la décision constitutive de l'abus
87
B.2. Réparation du préjudice aux actionnaires
minoritaires 88
Section 2 : Les recours procéduraux contre l'abus
de majorité 90
Paragraphe 1. L'expertise de gestion 90
A. Le fondement de l'expertise de gestion 91
A.1. Nomination d'un expert de gestion et sa portée 95
Paragraphe 2 : la procédure d'alerte par les
associés minoritaires 98
A. Le fondement de la procédure d'alerte par les
actionnaires minoritaires 98
A.1. Le droit des actionnaires minoritaire de déclencher
l'alerte 98
A.2. Limites au droit d'alerte 99
B. Les Effets de l'alerte sur la gestion de la
société 101
B.1. vi
L'alerte, une procédure renforçant la confiance
dans les organes de la société
101
B.2. Le droit d'alerte des actionnaires minoritaires : une
garantie pour les
investisseurs 102
CONCLUSION GENERALE 104
BIBLIOGRAPHIE 107
I. TEXTES LEGISLATIFS ET REGLEMENTAIRES 107
II. OUVRAGES 107
III. BULLETINS, PERIODIQUES ET REVUES 109
IV. THESES ET MEMOIRES 110
V. RAPPORTS D'AUDIT ET AUTRES DOCUMENTS 112
VI. SITES INTERNET 112
ANNEXE 114
vii
SIGLES ET ABREVIATIONS
Aff. : Affaire
Al. : Alinéa
Art. : Article
AUSCGIE : Acte Uniforme relatif aux Sociétés
Commerciales et au Groupement d'Intérêt Economique
B.D.E : Bulletin de Droit Economique
B.O.B : Bulletin Officiel du Burundi
Bull. : Bulletin
CA. : Cour d'Appel
Cass. : Cour de Cassation
C. civil. : Code Civil
Ch. : Chambre
Ch.réun : Chambre Réunies
Cf : Confère
Civ. : Chambre Civile
Coll. : Collection
Com. : Chambre Commerciale
c/ : Contre
Gaz. Pal. : Gazette du Palais
D. : Dalloz
DAO : Dossier d'Appel d'Offres
Doctr. : Doctrine
Ed. : Edition
VIII
ERSUMA : Ecole Régionale Supérieure de la
Magistrature
JCP : Jurisclasseur périodique
J.O : Journal Officiel
Ibidem : Même référence, au
même endroit
Idem : Même auteur, la même chose
In : Dans
LITEC : Librairie Technique
LGDJ : Librairie Générale de Droit et de
Jurisprudence
n° : Numéro.
P : Page
P.U.A.M : Presse Universitaire d'Aix-Marseille
P.U.F : Presse Universitaire de France
Obs. : Observations
OCDE : Organisation de Coopération et de
Développement Economique OHADA. : Organisation pour l'Harmonisation
en Afrique du Droit des Affaires
op. cit. : opere citato, (dans l'ouvrage
citée)
Ref. : Référence
Rev. : Revue
RJDA : Revue Juridique de Droit Administratif
RTD. : Revue Trimestrielle de Droit
S. : Sirey
s. : Suivant
s.a : Société Anonyme
ix
SARL : Société à Responsabilité
Limitée
SCEP : Service Chargé des Entreprises Publiques
s/dir : Sous la direction de
s.m : Société mixte
Soc. : Chambre Sociale
S.P.R.L : Société de Personnes à
Responsabilité Limitée
SONACOP : Société Nationale de Commercialisation
des Produits Pétroliers SOSUMO : Société Sucrière
du Moso
t. : Tome
Trib. : Tribunal
UEMOA : Union Economique et Monétaire de l'Afrique de
l'Ouest
Vol. : Volume
1
INTRODUCTION GENERALE
Tout au long de son existence, l'homme dépense toutes
les énergies dont la nature l'a doté pour travailler aux fins
d'améliorer ses conditions de vie. C'est la raison pour laquelle toutes
les activités qu'il entreprend ont pour objet non seulement de lui
procurer des revenus indispensables à sa survie existentielle, mais
également de contribuer au développement du pays. Cet effort
individuel permanent est soutenu par l'action des pouvoirs publics qui
encourage l'entrepreneuriat. C'est dans cette logique que le législateur
burundais a créé des conditions permettant à toute
personne physique ou morale d'entreprendre une activité commerciale de
son choix, à condition de se conformer aux dispositions légales
et réglementaires1.
Pour une meilleure protection des hommes d'affaires, le
législateur burundais, à l'instar des autres législateurs,
encourage ces derniers à s'organiser en sociétés
commerciales, en mettant en place une réglementation
appropriée.
Les sociétés commerciales sont à l'abri
de certaines contraintes inhérentes à la nature humaine telle que
la maladie, les sentiments ou toute autre forme de subjectivité.Comme,
elle détermine elle-même sa durée de vie, la personne
morale accède, dès sa création, à la pleine
capacité juridique.2Une personne morale est en règle
générale plus armée et plus outillée qu'une
personne physique. Aussi, la société étant
constituée par un certain nombre d'actionnaires, permet-elle de
réunir des moyens beaucoup plus importants.
Ensuite, le transfert d'une société est plus
facile à assurer lorsqu'elle est exploitée sous forme collective,
par exemple en cas de décès, ou tout simplement lorsque les
instances dirigeantes, proches de la retraite, souhaitent « passer la
main» à leurs enfants ou à de tiers preneurs.3
Ici une certaine pérennité est garantie, car la
société est déconnectée des individus qui la
composent.
C'est pour assurer la sauvegarde des avantages procurés
par les sociétés que le législateur burundais a
réglementé leur création, leur mode de fonctionnement
ainsi que leur mode de
1 Article 2 de la loi n° 1/01 du 16 janvier
2015 portant révision de la loi n° 1/07 du 26 avril portant code de
commerce
2 Daphnée Principiano, Droit commercial
: droit des sociétés, https :
www.operavenir.com,
consulté le 11/09/2019 à 16h00
3 Phillipe Merle avec la collaboration de Anne
Fauchon, Droit commercial, Sociétés commerciales,
21ème éd., Paris, Dalloz, 2017/2018, p.5
2
gestion, afin de protéger les intérêts des
créanciers en général et des actionnaires en
particulier.
Ainsi, en son article premier, le Code des
Sociétés Privées et à Participation Publique
(CSP&PP) détermine le mode de création d'une
société en disposant : « La Société est
créée par un contrat réunissant deux ou plusieurs
personnes qui conviennent de mettre en commun une partie de leurs biens et de
leur industrie pour exercer une ou plusieurs activités
déterminées, en vue de partager les bénéfices ou de
profiter de l'économie qui pourra en résulter.
Les Actionnaires s'engagent également à
contribuer aux pertes. 4»
Plus loin cependant, ce même texte précise qu'une
société peut être créée par une seule
personne au moyen d'un acte juridique unilatéral.5
Il convient également de souligner que la constitution
d'une société requière la réunion de trois autres
conditions spécifiques.6 La première est relative aux
apports. Ceux-ci donnent droit à une quote-part du
bénéfice distribuable, proportionnelle au montant de l'apport
dans la constitution du capital social.7
La deuxième condition concerne la participation aux
pertes. Cette condition constitue l'essence même de la création de
la société et la distingue en particulier d'une simple
association.
A ces deux conditions, s'ajoute l'affectio societatis
qui implique non seulement un esprit de collaboration, mais aussi le droit
qu'a chaque actionnaire d'exercer un contrôle sur les actes des personnes
chargées d'administrer la société.8
Elle traduit aussi la volonté des actionnaires de
coopérer, sur un pied d'égalité, pour assurer le
succès de l'entreprise commune.
L'affectio societatis donne donc à chaque
actionnaire le droit de participer à la gestion de l'entreprise sociale
en prenant part aux décisions collectives.9Il faut
néanmoins souligner que
4 Article 1 du CSP&PP.
5 Art 270 CSP&PP
6 Moussa SAMB, Bulletin de droit économique
; la Réforme du droit des sociétés de l'OHADA :
aspects généraux et droit transitoire. Université de
Laval, (2014) 2 B.D.E, p.2.
7 Ch.réun., 11 mars 1914, Caisse rurale de
la Commune de Manigod, D.P.1914.I.257, note Sarrut. A ce propos,
la jurisprudence française qualifie le
bénéfice de « gain pécuniaire ou gain matériel
qui ajoute à la fortune des actionnaires.»
8 Serge Guinchard, Thierry Debard, Lexique des
termes juridiques, 21ème éd., Dalloz, Paris,
2014, p.41.
9 Maurice Cozian, Alain Viandier, Florence
Deboissy, Manuel de droit des Sociétés,
22ème Ed., LITEC, Paris, 2009, p.66.
3
le mode de participation diffère d'un type de
société à l'autre. Mais dans tous les cas, les
actionnaires disposent d'un droit de regard sur la gestion de la
société et doivent donc être informés sur la vie de
cette dernière.
Ce droit à l'information est prévu à
l'article 400 du CSP&PP qui donne le pouvoir à tout actionnaire de
prendre connaissance, à toute époque, des documents sociaux, des
procès-verbaux, des listes de présence des assemblées
tenues au cours de trois derniers exercices et de tous autres documents, si les
statuts le permettent.
Ce droit est également prévu par l'acte uniforme
de l'OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et du
Groupement d'Intérêt Economique (AUSCGIE).10
De cette disposition, il ressort que le législateur a
donné le pouvoir aux actionnaires d'être informés sur la
vie de la société et de pouvoir sonner l'alerte en cas de constat
d'une situation anormale.
Pour mieux comprendre le rôle joué par les
actionnaires dans la protection de leurs intérêts, nous allons
nous focaliser sur la société mixte que le législateur
burundais définit comme étant « une personne morale
créée par l'Etat, la Commune, une ou plusieurs personnes morales
de droit public en association avec une ou plusieurs autres personnes physiques
ou morales de droit privé. Elle est dotée d'un patrimoine propre,
d'une autonomie financière et organique. 11»
Le législateur burundais n'a pas expressément
catégorisé la société mixte en termes de statut. Il
se contente d'assimiler son régime juridique à celui des
sociétés anonymes.12 Son capital social est
détenu par l'Etat ou ses démembrements en association avec
d'autres personnes de droit privé.13
Elle est créée dans le but de combler les
besoins publics et de servir l'intérêt général. Elle
effectue principalement des travaux à caractère commercial et
industriel.14 Il s'en suit donc que la société mixte a
vocation à agir dans l'intérêt public. Mais, dans la
plupart des cas, l'Etat, étant un actionnaire majoritaire et disposant
des prérogatives de puissance publique,
10 Article 526 de l'AUSCGIE J.O. OHADA n° 2
01/10/97, p.1 et s.
11 Article 501 du CSP&PP.
12 Http :
www.petite-entreprise.net.
Consulté le 11.10.2017 à 11h00.
13 Article 504 à 509 CSP&PP
14 http://www.semsamar.fr/
4
use de ces dernières pour influer sur le mode de
gestion de ces sociétés, ce qui n'est pas sans conséquence
sur la vie de la société et sur ses relations avec les
partenaires privés.
Or, prévient Montesquieu : « tout homme qui a
du pouvoir est porté à en abuser, il faut que pour la disposition
des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. 15»
Il faut donc des organes qui assurent un juste
équilibre entre la nécessité d'aligner
l'intérêt des dirigeants sociaux sur ceux des actionnaires et
celle de leur laisser suffisamment de marge de manoeuvre pour qu'ils puissent
s'impliquer pour valablement créer de la valeur.16
En conséquence, la mise en place d'organes de
contrôle indépendants, forts et ayant les capacités
requises pour faire leur travail, permettrait d'accroitre la rentabilité
de l'entité économique mixte. Même si la surveillance de
l'administration de la société mixte revient d'abord aux
actionnaires réunis en Assemblée générale, il sied
de souligner que ce seul contrôle serait totalement insuffisant si l'on
considère que des fois ces actionnaires s'absentent aux réunions
ou qu'alors ils peuvent briller par leur incompétence en la
matière.17
C'est pourquoi, dans le but d'améliorer
l'efficacité de la gestion de la société, d'assurer une
meilleure définition des pouvoirs au sein de la société et
de protéger les intérêts des actionnaires, la mise en place
d'organes de contrôle s'avère impérative.18
En outre, bien qu'ils aient eux-mêmes choisi des
dirigeants en qui ils ont placé leur confiance pour gérer leurs
capitaux, et parce qu'ils se doivent de contourner les écueils des
possibles excès et ambitions de certains actionnaires clés de la
société, les actionnaires sont tenus de faire un suivi
régulier de ce qui s'y passe au quotidien pour s'assurer du bon
fonctionnement de la société.
Cela n'est possible que si les différents intervenants
édictent des normes claires, à la fois préventives pour
éviter l'apparition de crises, et curatives pour faciliter leur
résorption si elles surviennent.19
Il s'agit en définitive de protéger les
intérêts des actionnaires en s'assurant que le management de la
société est sans faille. Pour cela, le contrôle doit
s'appuyer sur trois piliers :
15 Charles de Secondat de Montesquieu, De l'esprit
des lois, livre IV, Genève 1748.
16 Fréderic PERROT, Théorie et
pratiques de la gouvernance de l'Entreprise pour le Conseil d'Administration et
les Administrateurs, Ed. Maxima, Paris 2015, p.15.
17 Philippe Merle, Anne Fauchon, op.cit.
634.
18 Jean http:// www.afic.asso.fr/
Images/Upload/Partenariat/ft 12_corporate_governance_0205.pdf
19 Frédéric Parrat, op. cit.
p.42.
5
- Des structures solides aussi bien internes (Assemblée
générale, Conseil d'administration ou de Surveillance,
comités divers...) qu'externes (Commissaires aux comptes, auditeurs
externes, autorités de régulation, etc.) ;
- Des procédures qui sont déterminées par
les lois et les codes ou qui s'inspirent simplement des bonnes pratiques. Elles
concernent aussi bien la collecte d'informations et le fonctionnement des
organes de gouvernance que la manière de réaliser certaines
opérations de gestion ;
- Les comportements irréprochables des personnes
oeuvrant dans les structures et chargées d'appliquer les
procédures.20
Ces piliers constituent le fondement même d'une bonne
administration de la société. Cependant, l'Etat dispose en
général de prérogatives que lui procure la puissance
publique et sur lesquelles il s'appuie lorsqu'arrive le moment de
procéder à la nomination des dirigeants de la
société, le plus souvent sur base de mobiles politiques. Dans ces
conditions, qu'est-ce qui garantit aux actionnaires que leurs
intérêts seront effectivement et efficacement
protégés?
La réponse à cette question est esquissée
dans le travail de recherche que nous avons entrepris de réaliser et que
nous avons intitulé « DE LA PROTECTION DES INTERETS DES
ACTIONNAIRES DANS LES SOCIETES MIXTES : CAS DE LA SOCIETE SUCRIERE DU MOSO
(SOSUMO). »
Comme nous le verrons dans les développements qui
suivront, la SOSUMO est une société mixte où l'Etat est
largement majoritaire avec 99 % des actions, tandis que les deux autres
actionnaires, la BRARUDI et l'ECOBANK, n'en possèdent que 0,5 %
chacun.21
La présente réflexion méritait
d'être menée, car l'Etat en tant qu'actionnaire majoritaire serait
tenté d'empiéter sur les droits des actionnaires minoritaires et
de brader leurs intérêts. Un comportement pareil risquerait de
décourager d'autres éventuels investisseurs qui
hésiteraient à s'associer à lui par crainte de voir leurs
intérêts opprimés.
Pour tenter de trouver des solutions à cette
problématique, les développements de notre travail seront
articulés autour de trois chapitres.
20 Pierre CHABANE, op.cit. pp.26-27
21 Article 5 des Statuts de la SOSUMO du
31/05/2013.
6
Le premier traite du cadre conceptuel de la création de
la société mixte. Nous y abordons les considérations
conceptuelles pour faciliter la compréhension des développements
ultérieurs, avant de faire une brève présentation de la
société SOSUMO.
Le second chapitre examine la protection des actionnaires en
général et le troisième chapitre se penche sur les
particularités dans la protection des actionnaires minoritaires.
Pour mener à bien notre travail de recherche, nous
avons d'abord effectué une descente sur terrain à la SOSUMO pour
nous enquérir de son état de santé, exploiter la
documentation disponible (textes régissant la SOSUMO, rapport d'audit,
procès-verbaux des réunions du Conseil d'administration, rapports
des Commissaires aux comptes etc.).
Nous nous sommes également entretenus avec les experts
du Service chargé des Entreprises Publiques (SCEP) et avec les cadres du
Ministère en charge du Commerce.
Toutes les données collectées sur terrain ont
été complétées par la doctrine et la jurisprudence.
Les recueils ainsi que les travaux de recherche sur des thèmes
similaires précédemment réalisés nous ont
également été d'une grande utilité.
7
CHAPITRE PRELIMINAIRE : CADRE CONTEXTUEL
Depuis la colonisation jusque vers les années 1970, le
commerce au Burundi était entre les mains des sociétés
étrangères qui se souciaient très peu de ménager
durablement sa clientèle puisqu'elles n'avaient pas vocation à
rester toujours dans le pays. Elles se contentaient alors d'exploiter
l'ignorance des citoyens burundais et l'inexpérience du jeune appareil
étatique, lui aussi victime d'évasion fiscale et pour cela,
souffrant d'un manque criant de devises.22
Pour pallier ce manque et satisfaire les besoins de la
population en approvisionnement des produits de première
nécessité, l'Etat du Burundi s'est investi dans la
création des sociétés publiques tout en élargissant
son partenariat avec les particuliers. C'est ce processus qui a conduit
à la création des sociétés mixtes.
Dans ce chapitre, nous nous efforcerons d'abord de comprendre
le concept de « société mixte » (section1) avant de
faire une présentation succincte de la SOSUMO (section 2).
Section 1 : Le concept de société
mixte
Les sociétés mixtes ont initialement
été créées pour répondre aux besoins des
personnes publiques. Elles avaient pour but la gestion d'une activité
dévolue par principe à l'administration, autrement dit une
activité de service public ou présentant un caractère
d'intérêt général.23 La forme
sociétaire de ces entités permet à l'administration une
gestion plus souple de ses activités tout en conservant un certain
contrôle sur elles puisque l'Etat est, dans la plupart des cas,
majoritaire.24
Cependant que le concept de « société mixte
» renferme une signification que nous devons expliciter,
les mobiles de sa création méritent aussi d'être
élucidés.
Paragraphe 1 : Définition de la
société mixte
En général, pour promouvoir le commerce, l'Etat
peut s'associer à des privés dans le but de réaliser une
activité d'intérêt général et créer
ainsi une société mixte. Dans le Code Burundais des
Sociétés Privées et à Participation Publique,
celle-ci est définie comme étant « une personne morale
créée par l'Etat, la commune, une ou plusieurs personnes morales
de droit
22 Raphaël NTIBAZONKIZA, Au Royaume des
Seigneurs de la lance, Tome 2, de l'indépendance à nos jours
(1962-1992), Bruxelles, Droit de l'Homme, p.119.
23 Entretien réalisé avec un expert du
Service chargé des entreprises Publiques (SCEP), le 20 décembre
2019.
24 Voir l'annexe I montrant les sociétés
mixtes où l'Etat est actionnaire.
8
public avec une ou plusieurs personnes physiques ou
morales de droit privé. Elle est dotée d'un patrimoine propre,
d'une autonomie financière et organique. 25»
En votant le CSP&PP, le législateur burundais a
donné la latitude à l'Etat, à la Commune ou à
d'autres personnes morales de droit public de créer seuls ou en
association une société qui aura pour objet de réaliser
des activités industrielles, commerciales, financières ou
agricoles.
Cependant, le législateur burundais n'a pas
déterminé jusqu'à quelle hauteur de participation les
actionnaires publics devraient aller pour qu'une société soit
qualifiée de mixte. Alors qu'en France par exemple, la participation des
actionnaires autres que les collectivités locales et autres groupements
ne peuvent être inférieurs à 15 % du capital
social.26 Quant à la participation publique, elle est
plafonnée à 85 %.
Ce silence du législateur burundais laisse le choix aux
personnes publiques de se tailler « la part du lion» dans la
constitution des sociétés mixtes jusqu'à être
actionnaires à 99 %.27
A notre avis, le législateur aurait dû
prévoir dans le CSP&PP des dispositions fixant un seuil au-dessous
et au-delà duquel la part de l'Etat et de ses démembrements ne
doit pas aller dans les sociétés mixtes. Or, dans le cas de la
SOSUMO, la participation étatique confirme le choix français : on
reste dans la logique de la majorité dominante de l'Etat.
Cela aurait permis à l'Etat d'impulser une bonne
gouvernance dans le système managérial de ce type de
sociétés, car, actuellement dans les sociétés
où il est largement majoritaire, il possède le monopole de
décision dans les Assemblées générales. Dans une
telle situation il est clair que la contribution des actionnaires minoritaires
privés dans la prise de décision est pratiquement
nulle.28
Mais, pour que l'actionnaire majoritaire qu'est l'Etat ne
puisse pas complètement phagocyter les actionnaires minoritaires, le
législateur burundais a mis en place des contrepoids pour contrebalancer
son éventuel absolutisme. Ceux-ci sont notamment, l'existence des
Commissaires aux Comptes, ainsi que le pouvoir des actionnaires minoritaires
d'enclencher l'alerte en cas de constatation de tout fait pouvant compromettre
le fonctionnement de la société.
25 L'article 501 du CSP&PP.
26 Article Art. L. 1522-2 du Code des
collectivités locales.
27 Dans le capital de la SOSUMO l'Etat est actionnaire
à 99 % d'information voir annexe I.
28 SOFRECO, rapport de l'audit organisationnel de la
SOSUMO, annexe 1, aspects juridiques, août 2018, p.8.
9
En outre, les actionnaires minoritaires peuvent conclure un
« pacte d'actionnaires » pour contrecarrer ce pouvoir absolu de
l'actionnaire majoritaire. Ce pacte est défini comme « un contrat
conclu par tous les actionnaires d'une société, ou un certain
nombre d'entre eux, en vue d'organiser leurs relations en dehors des statuts
».
Une fois conclu, le pacte d'actionnaires permet de
préserver les intérêts communs de ces derniers tout en
complétant les règles d'organisation de la société
prévues par les statuts.29
Les actionnaires minoritaires ont donc intérêt
à réduire le pouvoir monopolisant de l'Etat actionnaire
majoritaire, car, ce monopole pourrait avoir des conséquences sur la vie
de la société : les actionnaires seront, dans la plupart des cas,
obligés de s'aligner derrière les décisions de
l'actionnaire majoritaire qui s'est assuré un contrôle très
important sur la société. En effet, accepter de s'associer
à l'Etat majoritaire, signifie pour eux de subir de surcroit la «
dictature de la majorité », qui devrait normalement être
exercée dans le strict respect de l'intérêt social et la
protection des actionnaires minoritaires. Nous y reviendrons dans le chapitre
sur la protection particulière des actionnaires minoritaires.
En outre, le recours à la société mixte
garantit au pouvoir public, à la collectivité locale ou à
toute autre personne publique actionnaire et cocontractante, la prise en compte
effective de l'intérêt général tel que défini
dans les objectifs de l'entreprise et de la souplesse de la
société de droit privé. C'est cette clause qui, par
ailleurs, justifie la création des sociétés mixtes,
création dont le but est la sauvegarde l'intérêt
général.
Paragraphe 2 : Historique et fondements de la naissance
des sociétés mixtes
Durant la période coloniale et jusqu'au début
des années 70, les activités commerciales étaient
concentrées dans les mains des Européens et des Arabes
installés dans les principales villes du pays. Ceux-ci
contrôlaient le marché des capitaux sans pratiquement craindre
d'interférence forte de la part des pouvoirs publics. C'est seulement
à partir de 1976 que l'Etat va intensifier ses interventions dans
l'organisation et la réglementation des activités commerciales
dans le pays. L'on peut dire que c'est à ce moment que l'idée de
création de sociétés d'intérêt
général commence à se dessiner dans le chef des
responsables de la gestion de la chose publique. Ainsi s'explique la naissance
progressive des sociétés, publiques d'abord, mixtes par la
suite.
29 La lettre Mensuelle des affaires n° 363, de
novembre 2017, p.14.
10
A. Historique des sociétés mixtes
Depuis les années 1970, l'Etat du Burundi s'est
substitué au secteur privé par la réalisation
d'investissements coûteux, même si leur rentabilité n'a pas
été à la hauteur des résultats escomptés. En
effet, pour répondre aux besoins de la population, l'Etat va
créer beaucoup d'entreprises publiques telles l'ONAPHA, l'OCIBU, l'OTB,
la VERRUNDI, l'ENACI, etc. Il va même instaurer un système de
monopole sur la commercialisation de certains produits, ce qui explique la
naissance de sociétés monopolistiques comme la REGIDESO pour
l'exploitation et la commercialisation de l'eau, l'ONATEL pour la
télécommunication, la POSTE pour la distribution du courrier.
Mais, l'Etat va très vite se rendre compte que ce monopole d'Etat
n'apporte pas les résultats escomptés.
Comme le conseille l'économiste Adam Smith dans `'La
Main Invisible», « le mobile égoïste qui amène
chaque individu à améliorer sa situation économique
engendre donc au plan national des effets bénéfiques en
réalisant l'intérêt général comme si les
individus étaient dirigés à leur insu par une main
invisible, véritable mécanisme autorégulateur du
marché qui permet, grâce à la concurrence, une utilisation
optimale des ressources productives. A cet égard, il convient de ne pas
faire intervenir l'Etat au niveau économique pour ne pas perturber cet
ordre naturel spontané fondé sur l'intérêt personnel
de chaque individu. 30»
S'inspirant de cette idée d'Adam Smith, l'Etat va
s'associer à des personnes physiques ou morales privées pour
créer des sociétés mixtes, principalement dans le but de
répondre aux besoins des populations. La raison en est que la forme
sociétale de ces entités permet à l'administration une
gestion plus souple de ses activités tout en conservant un certain
contrôle sur elles puisque leur capital est composé
majoritairement de capitaux publics.
Ainsi, pour mieux redistribuer les richesses et
accroître l'assiette fiscale, le Gouvernement du Burundi va créer
des sociétés mixtes dont le mode de gestion et de fonctionnement
est régi par le CSP&PP. Actuellement il en existe dix-huit (18) dont
la part de l'Etat dans le capital social varie de 1,5 % à la Banque
burundaise pour le Commerce et l'Investissement (BBCI) et à 99 %
à la SOSUMO, ce qui montre que l'Etat n'est pas toujours actionnaire
majoritaire. Cependant, si la participation étatique vise la promotion
et la sauvegarde de l'intérêt général,
30 Adam Smith, Recherche sur la nature et les
causes de la richesse des Nations, analyse publiée par
leconomiste.eu le 26/03/2014,
trouvé sur internet : www.
https://www.leconomiste.eu/decryptage-economie/218-la-main-invisible-d-adam-smith.html,
consulté le 05/01/2020.
11
il existe, comme nous le verrons plus loin, d'autres raisons
justifiant l'association de l'Etat avec les privés.
B. Fondement de la naissance des sociétés
mixtes
Comme nous l'avons vu plus haut, la prise en compte de
l'intérêt général fonde la naissance des
sociétés mixtes.
L'intérêt général devient donc la
finalité de l'action de l'Etat au niveau d'un pays à la recherche
d'un développement économique.31 Celui-ci peut
résulter de la combinaison des intérêts particuliers et
d'un intérêt spécifique à la société
qui transcende les intérêts des individus.32
On remarquera que l'Etat n'a pas vocation à être
un acteur classique sur le marché. En tous les cas et de toute
évidence, avoir comme actionnaire un acteur étatique offre
généralement une certaine garantie de protection, par exemple
contre le risque de faillite.
En effet dans un certain nombre de cas, les entreprises mixtes
sont largement protégées des procédures de
règlement judiciaire ou de liquidation des biens par la
spécificité de leurs statuts.
Par contre, la société court le risque de
souffrir de l'ingérence de l'Etat dans sa gestion
quotidienne.33 En effet, les objectifs que l'autorité
publique poursuit ne sont pas toujours les mêmes que ceux du
coactionnaire privé dont la préoccupation première est le
profit.
Nonobstant, en créant la société mixte,
l'Etat vise d'abord la satisfaction des besoins des citoyens en biens et
services, la création d'emplois, un palliatif à l'absence
d'investissements privés, la promotion des exportations pour son
approvisionnement en devises passant surtout par le développement de
l'agriculture industrielle, la réduction du déséquilibre
de la balance des paiements, le développement de l'économie
nationale, le renflouement des réserves en devises en évitant
d'importer des produits qu'on peut trouver sur place, comme le sucre.
Pour étayer nos propos sur la recherche de
l'intérêt général par l'Etat lorsqu'il crée
les sociétés mixtes, nous prenons l'exemple de la
société sucrière du Mosso (SOSUMO).
31 Anaclet NZOHABONAYO, Intérêt
général des pays en développement à la
lumière de leur engagement dans les traités bilatéraux
d'investissement, Université d'Ottawa, thèse de doctorat
2014, p.35.
32 Dictionnaire de politique, trouvé sur le
site
http://www.toupie.org/Dictionnaire/Interet_general.htm
consulté le 05/01/2020.
33Christophe Boillon La gouvernance des
entreprises à participations publiques, l'Etat comme actionnaire
privé, Université Paris - Sud, mémoire de Maitrise,
année académique 2013-2014, p.2, inédit.
12
Section 2 : Présentation de la SOSUMO
La SOSUMO a été créée le
13/07/1982 sous de forme d'une société d'économie mixte de
droit privé, (S.A.R.L). Par la suite, en 1989, son statut de
société est passé de « S.A.R.L » à celui
de « S.D.P. », Société de Droit Public, pour finalement
redevenir, en 1997,34 une société mixte, se conformant
ainsi aux prescrits du nouveau CSP&PP.
L'objectif de la création de la société
était de faire face à la demande croissante du sucre, de booster
le développement économique du Sud-Est du pays, de mobiliser la
main-d'oeuvre locale et ainsi économiser des devises en réduisant
au maximum le volume des importations.35
Notre présentation de la SOSUMO, s'articulera autour de
trois volets : sa forme juridique (Paragraphe1), la structure de son
actionnariat (Paragraphe 2)
Paragraphe 1 : Forme juridique de la SOSUMO
La forme juridique de la SOSUMO est déterminée
dans les statuts. D'après le CSP&PP36, la SOSUMO est une
société anonyme dont la mission est la redynamisation de
l'économie du pays par la production et la commercialisation du sucre.
C'est d'abord une société à risque limité, dont les
actionnaires ne supportent les pertes sociales qu'à concurrence de leurs
apports. C'est ensuite une société de capitaux, où
l'actionnaire s'efface dernière l'action parce que le capital qu'il a
apporté compte plus que sa personne. C'est enfin une
société hiérarchisée où, pour renforcer son
caractère institutionnel, chaque organe dispose des pouvoirs
propres.37
Il faut également souligner ici que, vu le
caractère d'intérêt général des
sociétés mixtes, la loi exige que la participation de l'Etat au
capital d'une Société Mixte soit autorisée par
décret, celle des Communes par décision du Conseil Communal et
celle des autres personnes morales de droit public par décision
conjointe du Ministre de tutelle et du Ministre ayant les finances dans ses
attributions.38
Les missions de la SOSUMO sont entre autres, de créer
et de gérer des plantations de canne à sucre, d'exploiter le
périmètre s'étendant entre les rivières Mutsindozi,
Muyovozi et Malagarazi, et d'autres superficie mises gracieusement à sa
disposition par le Gouvernement
34 Entretien avec un haut cadre du Ministère en
charge de l'agriculture dont la SOSUMO relève
35 Site internet de la SOSUMO : www.Sosumo.bi
consulté le 06/01/2020.
36 Article 1 des statuts harmonisés avec
CSP&PP. 37AUSCGIE, J.O. OHADA n° 2 01/10/97, p.384.
38 Article 541 du CSP&PP.
13
du Burundi ou acquises par d'autres moyens39. Comme
on le voit, l'Etat a le pouvoir d'octroyer gracieusement des superficies
exploitables sans devoir spéculer sur l'intérêt.
Le siège social de la société est
situé à GIHOFI, en province de Rutana, mais, peut être
transféré en tout autre lieu du territoire du Burundi sur
décision de l'Assemblée générale Extraordinaire.
Qu'en est-il de la structure de l'actionnariat de la SOSUMO (Paragraphe 2)
Paragraphe 2 : L'actionnariat de la SOSUMO
Les mixtions des capitaux publics et privés ayant
généralement pour cadre les sociétés anonymes
soulèvent souvent le problème de la légitimité de
l'exercice du pouvoir : qui, du détenteur du pouvoir politique, ou de
celui qui contrôle le capital est sensé l'exercer? En principe, la
détention du pouvoir présente un avantage énorme pour
chaque catégorie d'actionnaire.40
Si on analyse le prescrit du CSP&PP, on se rend compte que
le législateur burundais n'a rien prévu pour assurer un
équilibre entre le détenteur du pouvoir politique et le
détenteur du capital. Le Code ne précise pas non plus si
l'actionnaire détient les deux à la fois et quel impact cette
situation a sur la vie de la société.
En réalité, il a laissé aux deux parties
le libre choix de fixer le montant du capital social ainsi que sa
répartition.41 En agissant ainsi, nous pensons que le
législateur burundais a voulu donner plus de poids à
l'actionnaire majoritaire. Mais cela peut conduire à l'abus de
majorité qui peut se manifester par une ingérence politique
excessive, la passivité du Conseil d'administration pouvant souvent
conduire à un manque de transparence.42
Dans le cas de la SOSUMO, le capital social a
été fixé à deux milliards cent quarante-cinq
millions (2 145 000 000 BIF) de francs burundais, représentant vingt et
un mille quatre cent cinquante (21 450) actions toutes entièrement
libérées43 et dont la valeur nominale est de cent
mille (100 000 BIF) francs burundais. Ce capital est réparti comme suit
:
39 Article 2 des statuts harmonisés de la
SOSUMO.
40 Désire Cashmir KOLONGELE EBERANDE, Le
Pouvoir dans les sociétés à capitaux mixtes. Aspects de
droit français, OHADA et congolais, thèse de Doctorat,
Université Paris 1, Panthéon- Sorbonne, LGDJ, Paris 2012,
p.123.
41 Article 545 du CSP&PP.
42 Gouvernance des Entreprises Publiques :
Panoramique des pays de l'OCDE, op.cit. p.1. 43Article
5 des statuts harmonisés de la Sosumo s.m avec CSP&PP.
14
1° l'Etat du Burundi : 21 250 actions ;
2° la Société « Brasserie et Limonaderies
du Burundi): 100 actions ; 3° la Société Ecobank du Burundi
s.a : 100 actions.
Au regard de cette répartition, quand bien même
la SOSUMO se veut être une société d'économie mixte,
l''Etat est largement majoritaire à tel point qu'il risque d'imposer ses
décisions aux actionnaires minoritaires qui ne feront que s'y plier. Or,
dans un cas comme celui-ci, l'exercice du pouvoir au sein des organes sociaux
est susceptible d'engendrer des abus de pouvoir et des conflits
d'intérêts entre deux types d'actionnaires aux
intérêts opposés.
En effet, le dispositif exorbitant du droit commun propre aux
sociétés mixtes qui vise à assurer à l'Etat
actionnaire la prise en compte de l'intérêt général
dans le fonctionnement des organes sociaux au mépris parfois du principe
de proportionnalité peut s'ériger en vraie source de
déséquilibre des intérêts, coupant ainsi l'herbe
sous les pieds des investisseurs privés.44
Mais, l'Etat, en choisissant de mettre en commun ses apports
avec ceux des actionnaires minoritaires accepte de veiller à ce que ces
derniers puissent bénéficier d'un traitement équitable.
Il est d'ailleurs de son intérêt de veiller
à ce que les actionnaires minoritaires soient traités avec
équité puisque sa réputation dans ce domaine a une
influence sur la capacité à attirer les investisseurs.
Dans la gestion de ce genre de situation, nous pensons qu'il
devrait plutôt se référer aux clauses statutaires et aux
pactes d'actionnaires qui sont à même d'équilibrer les
rapports de pouvoir et d'intérêts entre actionnaires au niveau
aussi bien des droits individuels que des droits collectifs au sein des organes
sociaux.
En effet, les clauses pouvant être contenues dans le
pacte d'actionnaires concerneraient le droit de vote, celles concernant
l'actionnariat, le droit de souscription ainsi que la stabilité du
capital propre. Aussi, la souplesse avec laquelle les organes de gestion
assument leurs responsabilités peut tempérer les
déséquilibres.
44 Désire Cashmir KOLONGELE EBERANDE,
op.cit, p.267.
15
Paragraphe 3 : Les organes de fonctionnement de la
SOSUMO
Conformément aux dispositions du CSP&PP, et
à celles des statuts de la SOSUMO, la société est
dirigée, en plus de l'organe délibérant, par les organes
d'administration, de gestion et de contrôle.45
Notons que la diversité des organes pose un
problème qui n'a pas été réellement résolu
par les deux textes ; celui des pouvoirs propres dévolus à chaque
organe. Un autre élément important à souligner ici est que
le contrôle interne exercé par les actionnaires sur la gestion
sociale en raison de leur droit à l'information est
complété par celui des Commissaires aux Comptes. Ce dernier
apparait comme un contrepoids essentiel face au risque d'absolutisme que peut
entrainer l'exercice du pouvoir de direction.46
Ce paragraphe examine successivement le fonctionnement des
organes délibérants (A), des organes d'administration (B), de
gestion (C) et de contrôle (D) de la SOSUMO.
A. L'organe délibérant : L'Assemblée
générale
L'organe délibérant de la SOSUMO est
l'Assemblée générale des Actionnaires. Il est prévu
par les articles 12 à 19 des Statuts de la société,
harmonisés avec les articles 549 à 553 du CSP&PP.
L'article 12 des Statuts dispose que l'Assemblée
générale régulièrement constituée
représente l'universalité des actionnaires. Elle se compose de
tous les détenteurs d'actions libérées après les
versements exigibles. Elle prend des décisions nécessaires
à la vie de la société, nomme et révoque les
organes de gestion, approuve leur rapport de gestion ainsi que celui des
Commissaires aux Comptes, modifie les statuts.
Chaque actionnaire dispose de voix proportionnelles au nombre
d'actions souscrites. Ses décisions sont obligatoires pour tous,
même pour les absents, les dissidents ou les incapables.
A l'analyse de ces dispositions, il sied de constater que
l'Assemblée générale est « le lieu d'exercice du
pouvoir suprême » et que son pouvoir de contrôle lui
donne le droit d'assurer la direction de la société.47
De même doit-on noter que l'Etat, étant extrêmement
majoritaire, agira comme si la SOSUMO était une société
entièrement publique.
45 Article 548 du CSP&PP.
46AUSCGIE J.O. OHADA n° 2 01/10/97, p.385.
47 Philippe et Anne Fauchon. Op.cit. p.591.
16
Les Statuts déterminent également le mode de
fonctionnement de l'Assemblée générale. Ses
réunions sont normalement convoquées par le Conseil
d'administration, et dans des cas exceptionnels, ou par les Commissaires aux
Comptes, ou par un mandataire désigné par le Président de
la juridiction compétente, ou par un liquidateur.48 Les
convocations sont adressées aux membres au moins quinze jours à
l'avance pour les Assemblées générales ordinaires et huit
jours pour les Extraordinaires, par tout moyen offrant une garantie reconnue de
réception par le destinataire.49Le non-respect de cette
disposition constitue une fraude et une violation des droits des actionnaires,
comme l'a fait remarquer le rapport d'audit comptable et financier des huit
derniers exercices 2010-2017.50
En ce qui concerne le quorum, l'article 17 des Statuts
précise que l'Assemblée générale ordinaire ne
délibère valablement, à la première convocation,
que si les actionnaires présents ou représentés
possèdent au moins la moitié des actions. Si cette condition
n'est pas remplie, l'Assemblée générale est
convoquée de nouveau.51
B. L'organe d'administration : Le Conseil
d'administration
La SOSUMO est dirigée par un Conseil d'administration
(CA) composé de huit (8) membres dont six (6) représentent l'Etat
du Burundi et deux (2) représentants les actionnaires
privés.52 Ils nommés par l'Assemblée
générale, la durée de leur mandat est librement
fixée par les Statuts.
Le CA se réunit autant de fois que de besoin et au
moins une fois par trimestre.53 En ce qui concerne le quorum et le
mode de délibération, l'article 25 des Statuts dispose que le CA
ne délibère valablement que si la majorité simple de ses
membres sont présents ou représentés.
Les décisions sont prises à la majorité
des voix des membres présents ou représentés. En cas de
parité des voix, celle du Président du CA est
prépondérante.
48 Article 516 l'AUSCGIE.
49 Article 13 des statuts harmonisés de la
SOSUMO.
50 Rapport définitif d'audit
réalisé par BCPA international S.P .R.L et ABC
Audit-Bilan-Conseil. Marche suivant DAO n° 002/CP-SOSUMO/2017. p.6. Dans
le cas d'espèce, les auditeurs avaient constaté la tenue de deux
assemblées générales ordinaires le même jour, le 14
août 2017.
51 L'Etat détient 99 % des actions dans le
capital de la SOSUMO s.m.. Ici aussi, les auditeurs ont relevé un cas de
violation des dispositions légales et statutaires : lors des
délibérations de l'Assemblée générale
Assemblée générale ordinaire du 14 août 2017 portant
approbation du résultat de l'exercice 2016- 2017, les actionnaires
avaient déclaré le quorum atteint, en dépit de l'absence
du représentant de l'Etat, pourtant actionnaire majoritaire.
52 Article 1 du règlement d'ordre
intérieur du Conseil d'administration. 53Article 24 des
statuts de la SOSUMO.
17
Le CA est investi des pouvoirs les plus étendus pour
administrer la société. Il les exerce dans les limites de l'objet
social et sous réserve de ceux expressément attribués par
la loi aux Assemblées générales.54 Les pouvoirs
du CA ne sont pas opposables aux tiers.
Le Conseil ne traite pas directement avec les tiers. Ce
rôle revient à la direction. Bien plus, lors de la prise de
décisions, le CA ne peut agir que comme un corps.55
Aucun administrateur n'a de pouvoirs propres, excepté
le Président qui possède celui de convoquer, de présider
les réunions du Conseil et de l'Assemblée générale
des actionnaires, et de veiller à ce que le contrôle de la gestion
de la société soit bien assuré. 56
La participation aux réunions donne droit à la
perception de jetons de présence dont le montant par séance est
fixé par l'Assemblée générale ordinaire des
actionnaires.
A la fin de l'exercice, les membres du CA ont droit aux
tantièmes dont le montant, fixé en fonction du
bénéfice réalisé, est déterminé par
l'Assemblée générale ordinaire des
actionnaires.57
Bien que le législateur leur ait attribué les
pouvoirs les plus étendus, le règlement les tempère en
rendant les Administrateurs responsables, individuellement ou solidairement,
selon le cas, devant la société ou devant les tiers, des
infractions aux dispositions législatives ou réglementaires
applicables aux sociétés mixtes, des violations des statuts, des
fautes commises dans leur gestion.58
La responsabilité des administrateurs est individuelle
lorsqu'une faute précise peut être imputée à un
dirigeant déterminé, les autres membres du CA étant
totalement étrangers à cette faute.
Elle est solidaire quand plusieurs administrateurs sont
condamnés pénalement en raison des mêmes faits ou s'il est
prouvé qu'ils ont commis une faute commune, qui peut ne pas être
la même pour tous : par exemple si l'un des dirigeants, le Directeur
Général, a posé un acte
54 Article 27 des statuts de la SOSUMO.
55 AUSCGIE J.O. OHADA n° 2 01/10/97, p.423.
56 Entretien réalisé avec un membre du
Conseil d'Administration de la SOSUMO.
57 Article 16 du règlement d'ordre
intérieur du Conseil d'Administration de la SOSUMO.
58 Article 17 du règlement d'ordre
intérieur du Conseil d'Administration de la SOSUMO.
18
répréhensible et que les autres administrateurs
ne l'ont pas dénoncé ou ne s'y sont pas
opposés.59
Même si le règlement d'ordre intérieur
prévient que les membres du CA sont responsables individuellement ou
solidairement selon le cas envers la SOSUMO ou envers les tiers en cas de
commission d'infraction,60 le préjudice sera délicat
à évaluer compte tenu de la complexité et de l'imbrication
de différents actes de gestion.
Il en sera également de même pour apporter la
preuve du lien de causalité entre la faute et le préjudice, les
faits litigieux ayant été généralement commis
souvent plusieurs années avant qu'ils ne soient soumis à examen,
dans un environnement économique différent, pratiquement
impossible à reconstituer avec exactitude.61
Mais, cela risque d'être frappé de forclusion
étant donné la prescription triennale en droit des
sociétés.62 Cette prescription abrégée
s'explique essentiellement en droit des sociétés, par la
nécessité de prévenir le risque de remise en cause des
actes de la société et de ses dirigeants après
l'écoulement d'un certain temps. Elle procède donc d'un objectif
de sécurité juridique, lequel justifie les solutions retenues par
la jurisprudence pour délimiter le domaine d'application de cette
prescription.
Ainsi, la Cour de Cassation française a jugé que
l'action, fût-elle fondée sur les dispositions de l'article 1382
du Code Civil, dès lors qu'elle repose sur des griefs relatifs au
fonctionnement de la société et aux conditions dans lesquelles
ses administrateurs ont exercé leur mandat social, s'analyse en une
action en responsabilité pour faute de gestion, laquelle est soumise
à la prescription triennale et celle-ci s'applique aussi bien aux
actions individuelles exercées par des tiers qu'aux actions
sociales.63
Le législateur burundais a également
prévu des sanctions à l'encontre des membres du CA relativement
au fonctionnement des sociétés et à l'abus des biens
sociaux.64 Pour se mettre à l'abri de tous ces risques, le
Conseil d'administration exerce au quotidien son droit de regard sur les
organes de gestion (C).
59 Philippe et Anne Fauchon op.cit
p.514 ; Com. 30 mars 2010, n° 08-17.841, D. 2010.1678,
B.Dondero, Rév. sociétés 2 010 304, P. Le Cornu. Cf.
égal. Ph. Merle, attention, Madame Chirac, prudence !, Bull.Joly.2010,
436.
60 Article 18 du règlement d'ordre
intérieur du Conseil d'administration.
61 Philippe Merle, Anne Fauchon, op.cit.
p.511.
62 Article 385 du CSP&PP.
63 Com., 23 octobre 1990, pourvoi no
89-14.721, Bull. 1990, IV, no 255.
64 Ces infractions aux articles 476 et 481 de la loi
n° 1/27 du 29 décembre 2017 portant révision du Code
Pénal
19
C. Organe de gestion de la SOSUMO : la Direction
Générale
L'article 28 des statuts harmonisés avec la loi n°
1/09 du 30 mai 2011 portant CSP&PP dispose que « la gestion
quotidienne de la société est assurée par un Directeur
Général, assisté d'autant de Directeurs que de besoin,
nommés par le Conseil d'administration. Son mandat et celui des
Directeurs sont de quatre ans renouvelables f...] Le Directeur
Général assure également la représentation face aux
tiers. 65»
L'organe exerce ce pouvoir dans l'intérêt de la
société et dans la limite de l'objet social faute de quoi sa
responsabilité pourrait être engagée à
l'égard de la société66 SOSUMO. Autrement dit,
les décisions prises par les dirigeants de la société
doivent être utiles ou profitables à la société. La
conformité d'une décision à cet intérêt
dépend donc des opportunités qu'elle offre à la
société. Si, un dirigeant accomplit un acte contraire à
l'intérêt social, sa responsabilité peut être
engagée à l'égard de la société pour faute
de gestion. En outre, la société peut obtenir l'annulation d'un
tel acte s'il repose sur une cause illicite.
Ainsi par exemple, pour obliger les dirigeants à se
conformer à ces dispositions, la Cour de Cassation française a
jugé que constituait un abus de biens d'une société, et
reposait donc sur une cause illicite, la cession par son gérant
actionnaire d'un contrat de crédit-bail portant sur les locaux qu'elle
occupait, à une autre société qu'il venait de constituer
avec son coactionnaire, laquelle avait donné en location, peu de temps
après, les locaux à la société cédante. De
ce fait, les avantages conférés par le bail (souplesse du titre
d'occupation et possibilité de s'en dégager) étaient
manifestement très inférieurs à ceux procurés par
la poursuite du crédit- bail, détention moins coûteuse et
perspective d'achat des locaux à bas prix
assurés.67
Aussi une distinction doit-elle être faite entre
l'intérêt social et l'intérêt des actionnaires,
celui-là ne se confondant pas nécessairement avec celui-ci,
ultime finalité de la création de la société et qui
suppose que tous les actionnaires soient traités sur un même pied
d'égalité.
Les dirigeants doivent agir dans l'intérêt de la
société qu'ils ont à privilégier sans renoncer
à rompre son égalité avec l'actionnaire.68 De
même, la société peut être engagée
vis-à-vis des tiers pour un acte accompli par un dirigeant, quand bien
même l'acte ne relèverait pas de la
65 Article 560 du CSP&PP.
66Editions Francis Lefevre, Mementos des
sociétés commerciales, 2016, p.229.
67
Cass. Com. 13-12-2005 n° 1646 ; RDJA
3/06 n° 273.
68
Cass. Com. 18-6-2002 n° 1211; RDJA
10/02 n° 1038.
20
compétence réservée par la loi aux
actionnaires (tel un acte entrainant la modification des statuts) pourvu qu'il
ait été accompli au nom de la société et qu'il
entre dans son objet social.
Les représentants légaux engagent valablement la
société par tous les actes se rattachant à l'objet social
c'est-à-dire ceux qui en facilitent la réalisation, quelles que
soient leur nature et leur importance. Il en est ainsi du cas des actes de
gestion courante nécessaires à la poursuite de l'activité
: achat et vente des marchandises, renouvellement du matériel,
souscription et résiliation de police d'assurance, ouverture et
fonctionnement des comptes bancaires, paiement des sommes dues par la
société, action en justice, etc.
Les dirigeants de la société peuvent
détourner le pouvoir qui leur a été confié. En
principe tout acte accompli au nom de la société est opposable
à cette dernière, qui est donc engagée même si
l'opération a été passée par un dirigeant à
des fins personnelles. Mais, dans ce cas la société peut se
retourner contre les dirigeants qui ont causé ce dommage et
réclamer le remboursement du montant payé par action
récursoire.69
Mais, la société peut se dégager si elle
prouve que les tiers avaient connaissance du préjudice subi par elle et
du caractère abusif et frauduleux des engagements souscrits en son nom,
car la fraude corrompt tout.70
Les organes de gestion constituent le moteur de la
société. Le législateur a donné des pouvoirs
à ces organes en leur conférant des pouvoirs exorbitants qui,
néanmoins, doivent être exercés dans l'intérêt
de la société. Pour limiter ces pouvoirs, le législateur a
prévu un organe de contrôle pour suivre au quotidien leurs
activités.
D. Les organes de contrôle de la SOSUMO
Dans le but d'assurer le suivi des actes de gestion,
spécialement en ce qui concerne l'élaboration des comptes
annuels, le législateur a institué la fonction de Commissaire aux
Comptes qui peut être exercée par des professionnels
indépendants et spécialisés.
Dans le cas de la SOSUMO les comptes de la
société sont placés sous le contrôle permanent d'un
ou de deux Commissaires aux Comptes nommé (s) par l'Assemblée
générale et pouvant être révoqué (s) à
tout moment par elle sur proposition du CA.71
69
Cass. Com. 20-2004 n° 1434 RDJA 4/07
n°
1523. 70Cass.com, 9-10-1961 :
Bull.civ. III n° 348.
71 Article 40 du Statuts harmonisés de la
SOSUMO.
21
La rémunération des Commissaires aux Comptes est
également fixée par l'Assemblée générale.
Le mandat des Commissaires aux Comptes ne peut pas
dépasser trois ans. A notre avis, les Commissaires aux Comptes ne
peuvent mener à bon port leurs missions que s'ils connaissent mieux la
société et qu'ils jouissent d'une certaine stabilité.
Aussi, en limitant la durée de leurs missions, on leur
évite une certaine familiarité avec les dirigeants sociaux, car
cela risquerait de fausser le principe de leur indépendance.
La mission dévolue au Commissaire aux Comptes impose
que ce dernier soit indépendant de la société et de ses
dirigeants et qu'il le demeure pendant toute la durée du mandat. Le
Commissaire aux Comptes n'est pas lié au mandat des dirigeants. Ce qui
par ailleurs renforce son indépendance.72
Il convient de signaler enfin que le travail de Commissaire
aux Comptes ne concerne pas uniquement le contrôle des comptes. Il
consiste également à faire un suivi régulier de la vie
juridique de la société. Pour cela, il dispose du pouvoir de
contrôle et de recueil de l'information qui l'oblige à renseigner
l'actionnaire. Il est également soumis au devoir d'alerte lorsqu'il
relève des faits de nature à compromettre la continuité de
l'exploitation.
Selon le Professeur Philippe Merle, le contrôle
comptable, financier et juridique ne s'exerce pas uniquement dans
l'intérêt des actionnaires. Il est également très
précieux pour les tiers (clients, fournisseurs, banquiers, repreneurs)
qui, ayant la certitude que les comptes ont été certifiés
par des spécialistes, s'engagent en toute connaissance de cause avec les
cocontractants.73
Pour éviter toute emprise sur son travail de
contrôleur et assurer ainsi une indépendance totale, le
législateur a édicté des incompatibilités avec
l'exercice de la fonction de Commissaire aux comptes.
Ainsi, ne peuvent être Commissaires aux comptes, ni les
actionnaires, ni les membres du CA, du directoire ou du Conseil de surveillance
selon le cas, ni les conjoints, ni les parents jusqu'au quatrième
degré et alliés au second degré inclusivement, ni les
personnes percevant, sous quelque forme que ce soit, un salaire ou une
rémunération de la société, ni des
72 Maurice Cozian, Alain Viandier et Florence
Deboissy, op.cit. p.374.
73 Philippe Merle, Anne Fauchon, op.cit.
p.635.
22
mandataires sociaux.74Cette disposition
protège le Commissaire aux Comptes contre toute tentation de poursuivre
un intérêt quelconque dans la société qu'il est
chargé de contrôler. Pour protéger leur
indépendance, la révocation des Commissaires aux Comptes est
soumise à certaines conditions75.En effet, la
révocation ne peut résulter que d'une faute ou d'un
empêchement. Ici, la faute doit s'entendre de la mauvaise
exécution de la mission ou de son inexécution pour une cause
imputable au Commissaire.76
Aussi, en cas de manquement ou d'empêchement, les
Commissaires aux Comptes peuvent être renvoyés par
l'Assemblée générale des actionnaires qui les ont
désignés.77Etant donné leur rôle
prépondérant dans la gestion d'une société, le
législateur burundais a prévu à leur encontre des
poursuites pénales s'ils donnent sciemment ou confirment des
informations mensongères sur la situation de la
société.78
Conclusion
L'Etat, en s'associant aux privés pour faire des
affaires, accepte de privilégier l'intérêt
général au détriment de ses prérogatives de
puissance publique en s'alignant sur les décisions prises par les
organes de la société. Dans le cas qui nous concerne, le
législateur burundais a mis en place des organes d'administration, de
gestion et de contrôle de la SOSUMO afin d'assurer son bon fonctionnement
et d'éviter les dérives de certains dirigeants qui risqueraient
de confondre les biens de la société avec les leurs
Et pour renforcer le caractère institutionnel de cette
société, chaque organe dispose de ses propres pouvoirs.
A travers ces organes, l'actionnaire participe indirectement
à la gestion de la société. En effet, au cours de
l'Assemblée générale, celui-ci donne son point de vue sur
la situation de la société qui lui a été
présentée et a même le droit de proposer des
stratégies pouvant améliorer la vie de cette
société. De même, les actionnaires sont
régulièrement informés de la situation financière
de la société à travers les informations fournies par les
organes de contrôle. En outre, pour que l'actionnaire majoritaire qu'est
l'Etat n'abuse de ses prérogatives de puissance publique, le
législateur a prévu des organes de contre-pouvoir permettant
d'alerter les autres actionnaires en cas d'abus. C'est notamment le rôle
dévolu au Commissaire aux comptes. Enfin, pour que les actionnaires
s'engagent en toute sécurité, le législateur a
prévu également des dispositions générales qui
protègent les intérêts des actionnaires (Chapitre II).
74 Article 475 du CSP&PP.
75 Article 152 du CSP&PP.
76 Com, 6 févr, 1990, n° 88-15536,
Rev.sociétés1990,
77 Article 479 du CSP&PP.
78 Article 480 de la loi n° 1/27 du 29
décembre 2017 portant révision du Code pénal.
23
CHAPITRE II : LA PROTECTION GENERALE DES
ACTIONNAIRES
Il arrive que certains responsables de l'entreprise adoptent
des comportements portant préjudice aux intérêts des
actionnaires, fragilisant ainsi la vie de la société car
contraires à l'intérêt général. Or, les
actionnaires, en participant au capital de la société contribuent
à son augmentation et, en retour, espèrent récolter un
jour des bénéfices en partageant les dividendes. Cependant, ils
ne sont pas appelés à être des «gardiens des
droits» ou « gendarmes » et à assurer le contrôle
de la gestion de l'entreprise. Ils confient cette tâche à des
organes ad hoc même si, des fois, les responsables de ceux-ci peuvent
abuser de cette confiance leur garantie par les textes législatifs et
réglementaires en agissant à leur guise.
C'est la raison pour laquelle, en prévention du risque
d'abus dont les organes dirigeants peuvent se rendre coupables en utilisant
à leur propre profit les pouvoirs qui leur sont attribués, le
législateur a réservé aux actionnaires la
prérogative de mettre en place des procédures et des organes de
contrôle dont la mission est de les tenir informés des projets et
des opérations de gestion. Ainsi peuvent-ils s'assurer, par une
surveillance de proximité, du respect des obligations
managériales, et de décider des grands choix stratégiques
et des rémunérations des fondés de
pouvoir79.
Cette garantie de protection des intérêts des
actionnaires peut se traduire, d'abord en termes de droit de regard sur la
gestion quotidienne de la société à travers le droit
à l'information, au vote et à la participation à la prise
des décisions sociales (section 1) , ensuite en termes de droit à
l'équité sur le plan financier en ce qui concerne le partage des
résultats et l'augmentation du capital (section 2)
Section 1 : La participation à la prise des
décisions sociales
L'entreprise qui s'engage sur la voie de la gouvernance
responsable doit chercher à instaurer un climat permanent de dialogue
entre les parties prenantes. C'est en effet en tenant en considération
les attentes des différents partenaires qu'une société
peut prendre de la valeur partenariale80et s'assurer de la bonne
gestion de son patrimoine81.
79 Pierre Cabane, op.cit. p.12
80 Frédéric Parrat,
Théories et Pratiques de la Gouvernance d'Entreprise pour les
Conseils d'Administrations et Administrateurs, éd. Maxima, Paris
2015, p.467.
81 Frédéric Parrat,
Théories et Pratiques de la Gouvernance d'Entreprise pour les
Conseils d'Administrations et Administrateurs, éd. Maxima, Paris
2015, p.467.
24
Pour un bon suivi de leurs actions, les actionnaires ont droit
d'être régulièrement informés de la vie de la
société et de participer au vote (Paragraphe1). Dans le
même temps, le législateur a mis en place des mécanismes
pour prévenir les crises latentes dans la société.
(Paragraphe 2).
Paragraphe 1. Le droit à l'information et
à la participation au vote
Le droit à l'information et à la participation
au vote sont intimement liés, car, le droit au suffrage (B) exige que
celui qui l'exprime soit suffisamment éclairé (A).
A. Le Droit des actionnaires à l'information
Pour une bonne gestion de la société, le
législateur burundais donne les prérogatives aux actionnaires
d'avoir accès à certains documents pour s'enquérir de la
vie de la société et de la santé financière de la
société. Il a également mis à la disposition des
actionnaires des moyens pour se procurer des informations dont ils ont
besoin.
A.1. Les fondements du droit à l'information
Les gestionnaires de l'entreprise disposent d'importants
pouvoirs juridiques et économiques nécessaires à la
sauvegarde quotidienne des intérêts de la société.
Les actionnaires, eux, n'ont qu'un pouvoir épisodique, même s'il
est réel et peut être exercé même à l'encontre
des gestionnaires eux-mêmes.82 Ainsi donc, l'actionnaire,
étant le citoyen de cette cité qu'est la société
comme l'affirment certains auteurs, dispose de prérogatives politiques
lui accordant le droit de se tenir informé de tout ce qui concerne la
gestion de l'entreprise83.
C'est ainsi que le droit à l'information des
actionnaires se fonde sur le fait que l'actionnaire, s'étant
engagé financièrement, est sensé avoir une connaissance
précise et permanente de l'état de son investissement. Il pourra
être ainsi assuré que les gestionnaires n'ont pas profité
de sa non participation directe à la gestion pour s'octroyer des
avantages faramineux et indus qui, à la longue, risqueraient de porter
un coup fatal à ses intérêts.84
En d'autres termes, l'actionnaire est en permanence tenu
informé de l'état des affaires, et peut ainsi apprécier
les performances de la société et jouer le rôle essentiel
de sentinelle de l'intérêt
82 Frédéric Parrat,
Théories et Pratiques de la Gouvernance d'Entreprise pour les
Conseils d'Administrations et Administrateurs, éd. Maxima, Paris
2015, p.22
83 Maurice Cozian, Alain Viandier, Florence Deboissy,
op.cit. p.156
84 Aude-Marie CARTOR et Boris MARTOR,
l'actionnaire minoritaire dans les sociétés régies par
le droit OHADA, Cahier de droit de l'Entreprise n° 1, janvier
-février 2010, p.21.
25
général. Garantir une information continue
à tout actionnaire est, en effet, la clé d'une parfaite
transparence dans la gestion et in fine le signe palpable de « bonne
gouvernance » au sein de l'entreprise.
Le droit à l'information constitue donc une sorte de
contre-pouvoir qui rassure les actionnaires non dirigeants sur la gestion de
leurs biens, instaure un climat de confiance entre les organes et constitue
également un moyen d'harmonisation des intérêts des
actionnaires85car il favorise une circulation rapide et très
large des informations financières et des décisions de
gestion.
Pour corroborer cette idée, nous exprimons cet avis que
le législateur burundais, à l'instar du législateur
français, devrait exiger des sociétés anonymes de disposer
d'un site internet fonctionnant dans les deux sens, pour être au diapason
des exigences des Nouvelles Technologies de l'Information et de la
Communication. Les actionnaires auraient ainsi l'opportunité de suivre,
de près et au quotidien, la vie de la société en
interpellant les gestionnaires qui, en retour, seront tenus de leur envoyer des
messages faisant le point sur l'évolution financière de la
société.
Sur ce point, la SOSUMO a modernisé sa communication et
dispose effectivement d'un service informatique très performant
même si, selon nos informations, son usage laisse beaucoup à
désirer.86
Néanmoins il faut le dire, la tâche n'est pas si
aisée qu'on le pense : certains responsables toujours très
attachés au principe du secret professionnel, redoutent que les
informations qu'on les oblige à diffuser soient utilisées contre
eux ou contre la société, tout à la fois par le fisc, les
concurrents, les syndicats des salariés, et même par les
actionnaires eux-mêmes87.
Aussi, le caractère de secret de l'information dans
certaines sociétés reste-t-il une entrave à l'utilisation
des Technologie de Information et de la Communication (TIC). De notre point de
vue, cette réticence de la SOSUMO à ne pas laisser le champ libre
aux actionnaires d'avoir accès à toute information est
logiquement justifiée : la société par
actions ne sert pas
85Jacques Derthal ALBAS, le
contrôle d'une société anonyme par les actionnaires,
Université de Lomé, Mémoire de Maitrise, année
académique 2007-2008, p.12, inédit.
86 Dans le cas de la SOSUMO, celle-ci dispose d'un
service informatique très performant avec un site web : et un e-mail :
Sosumobu@yahoo.fr
malheureusement, étant donné le caractère très
administratif, les actionnaires sont informés ; Entretien avec un membre
du Conseil d'Administration de la SOSUMO représentant les actions de
l'Etat le 07/02/2020.
87 idem p.611.
26
uniquement l'intérêt des actionnaires. Les
intérêts d'autres multiples parties prenantes peuvent être
lésés par l'exercice du droit à l'information des
actionnaires.
En effet, des informations, livrées même en
Assemblée générale, sur des valeurs courantes de certains
actifs peuvent occasionner des dommages dans des cas particuliers.88
C'est pourquoi le droit à l'information des actionnaires peut aussi
être une arme à double tranchant : il met souvent en conflit
l'intérêt particulier de l'actionnaire, censé disposer
d'informations précises pour mieux appréhender la gestion de la
société, et celui de sa société dont l'une des
missions est d' éviter que les concurrents s'emparent d'informations
pouvant être exploités au préjudice de
l'intérêt général des sociétaires. Comme C.
BONNET l'a affirmé dans un de ses ouvrages : « Dans le monde
hostile de la concurrence, il importe de pouvoir se situer par rapport aux
autres concurrents et à cette fin, tout renseignement peut être
utilisé pour apprécier la fermeté ou la faiblesse des
positions adverses »89.
En conséquence, il s'avère indispensable de
toujours contrôler la qualité de l'information à fournir
aux actionnaires et le Conseil d'administration doit mettre en place une
politique efficace de communication financière qui doit orienter
l'élaboration des messages à leur transmettre. Le même
Conseil s'assurera également que l'information diffusée est
pertinente et fiable de sorte qu'un dialogue constructif puisse être
établi90.
Dans cet ordre d'idées, afin de prévenir le
risque que le droit à l'information soit un outil de
déstabilisation utilisé par quelque actionnaire malveillant
pouvant parfois être tenté de livrer les secrets de la
société aux concurrents, le Conseil pourrait se
référer à la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation
française qui a décrété que la liste des documents
demandés par les actionnaires revête un caractère
limitatif.91
Et en effet, il convient de le souligner que le
législateur burundais a autorisé les actionnaires à
obtenir communication des livres et documents sociaux,92 sans
toutefois en donner une liste
88Philippe Merle, Anne Fauchon, Droit
Commercial, Sociétés Commerciales, 21ème
éd. Dalloz, Paris, 2017/2018, p.296
89C. BONNET, Le secret dans la vie
économique, Thèse, Paris, 1970 cité par Jacques
Derthal ALBAS, op.cit, p.15
90 Pierre CHABANE, Op.cit. p.105
91 Com, 23 juin 2009, pourvoi n°08-14.117, qui
exclut en conséquence, des communications, la copie des
procès-verbaux du Conseil d'administration, les registres de
présence au conseil et des convocations adressées aux
administrateurs, ces documents n'étant pas visés par le texte.
Trouvé sur le site internet :
www.courdecassation.fr
92 Article 180 du CSP&PP.
27
énumérative. Cela laisse penser que les
gestionnaires disposent de la prérogative de ne pas donner aux
actionnaires un document qu'ils jugent confidentiel.
Cela est d'autant compréhensible qu'à notre
avis, la société se doit de se réserver le droit de ne pas
porter à la connaissance du public des documents qu'elle juge
très stratégiques et dont l'exploitation par des tiers risquerait
de porter préjudice à sa survie même.
Comme l'affirme si pertinemment Jean Marie Denquin, «
dans une société donnée, tout ne peut être dit
et certaines choses ne peuvent pas être dites en certaines circonstances
».93 Pour sauvegarder l'intérêt de la
société, les organes dirigeants sont eux aussi astreints au
devoir de réserve.
Cependant, comme on doit maintenir l'équilibre entre le
devoir de réserve et le droit à l'information des
sociétaires, un mécanisme de protection des deux parties,
actionnaires et société, doit être mis en place (2).
A.2. Les moyens d'exercice du droit à
l'information A.2.1. Consultation des documents sociaux
Pour être en mesure de contrôler à tout
moment de l'année la gestion de l'entreprise, il est du droit de
l'actionnaire que des documents lui soient communiqués. Ensuite, par
deux fois au cours d'un exercice, l'actionnaire peut également poser au
Directeur Général des questions écrites relativement
à des faits de nature à compromettre la continuité de
l'exploitation, et dont la réponse est communiquée au commissaire
au compte94. De même, à la clôture de l'exercice,
les gestionnaires doivent présenter un rapport de gestion à
l'Assemblée générale des actionnaires.
Les documents que l'actionnaire a le droit de consulter sont
énumérés à l'article 399 du CSP&PP et sont
entre autres ; les états financiers, le rapport de gestion et celui des
Commissaires aux Comptes, le texte de l'exposé des motifs des
résolutions proposées, des renseignements concernant les
candidats au Conseil d'administration, ou au directoire, et la liste des
actionnaires.
93Jean Marie Denquin, Les sens du droit, la
politique et le langage, Ed. Michel Houdiard, Paris, 2007, p.29.
94 Article 400 de la loi n°1/09 du 30 mai 2011 portant Code des
sociétés privées et à participation publique.
28
Les trois premiers documents sociaux constituent l'information
de base des actionnaires. Ils sont censés comporter une information sur
la gestion de la société au sens le plus large.95 Par
exemple le rapport de gestion doit comporter non seulement un commentaire sur
les comptes annuels, mais également des indications sur les
événements importants survenus après la clôture de
l'exercice et sur les circonstances susceptibles d'influencer notablement le
développement de la société, etc. Lorsque la
société a réalisé ou envisage de réaliser
certaines opérations spécifiques, les administrateurs sont tenus
d'en informer les actionnaires dans un rapport de gestion au contenu
obligatoirement détaillée.
Ce droit à la communication des documents revient en
définitive à permettre aux actionnaires d'avoir une idée
précise sur la gestion passée de l'entreprise et de leur offrir
l'opportunité d'en apprendre davantage sur les éléments
d'appréciation dont les assemblées ont disposé et sur les
décisions qu'elles ont prises.96
Néanmoins, en fait d'exercice permanent de ce droit, la
jurisprudence a tranché en lui fixant des limites : il ne saurait
concerner des documents ou des fragments de documents autres que ceux qui ont
été présentés auxdites
assemblées97.
Cependant, les tribunaux peuvent également
étendre le droit de communication à toutes autres pièces
documentaires qui s'avéreraient nécessaires à
l'information du demandeur justifiant d'un intérêt
légitime.98
En plus de la consultation des documents, le
législateur a donné aux actionnaires le droit d'en prendre copie
à leur frais, à l'exception de l'inventaire. Ici le terme «
copie » doit s'entendre de la manière la plus large : il recouvre
à la fois les notes prises, les photocopies et les enregistrements au
magnétophone destinés à conserver les renseignements dont
on prend connaissance.99 Mais pourquoi donc exclure de ces documents
la copie des inventaires ?
La réponse est simple : l'inventaire contient des
renseignements précieux que la société ne souhaite pas
voir divulgués auprès d'un concurrent et risquer ainsi de donner
prise à l'espionnage industriel. Bien plus, il est constitué de
centaines, voire de milliers de pages.
95M. Coipel, droit des sociétés
commerciales SA, SPRL et SCRL, 2ème Ed. Kluwer, Bruxelles 2002,
p.789.
96 Jacques Mestre, Sylvie Faye, Christine Blanchard,
Sociétés commerciales, éd. Lamy S.A, Paris 1993,
p.1319.
97 CA, Paris, 18 octobre 1963. Gaz.Pal.1964.I, JP,
p.386, voir n°2987
98
Cass.Com., 10 février 1969, JP,
p.526, note Delsace à propos d'une expertise judiciaire destinée
à déterminer la valeur d'actions composant un patrimoine
successoral.
99 Jacques Derthal ALBAS, op.cit. p.20
29
Il serait donc trop demander à la société
d'autoriser la reproduction de la totalité d'un tel document
En revanche si la société refuse de remettre
à un actionnaire, en tout ou en partie, des documents qu'elle doit
normalement tenir à sa disposition. Ce dernier peut saisir la
juridiction compétente qui pourra ordonner à l'entreprise de le
satisfaire, en vertu de l'article 402 du Code des Sociétés
Privées et à Participation Publique du Burundi qui dispose :
« si la société refuse de communiquer tout ou partie des
documents visés aux articles 399 et 400, il est statué sur le
refus, à la demande de l'actionnaire, par le Président du
Tribunal de commerce ou, à défaut du Tribunal de Grande Instance
statuant sans délai. »
A.2.2. Droit de poser des questions
Tout actionnaire peut également, deux fois par
exercice, 100poser des questions écrites au Directeur
Général sur tous faits de nature à compromettre la
continuité de l'exploitation, et dont la réponse est
communiquée aux Commissaires aux Comptes.
Toutefois, pour éviter que des actionnaires
malveillants n'en profitent pour paralyser les activités en
forçant les gestionnaires à passer tout leur temps à
répondre à des questions sans rapport avec la vie de la
société, le législateur a décidé que ce
droit ne peut s'exercer que deux fois par exercice.
En outre, afin que les actionnaires n'invoquent pas la non
transmission de l»information pour remettre en cause la
crédibilité de leurs performances, les gestionnaires peuvent
eux-mêmes prendre l'initiative de la leur envoyer ponctuellement par
lettre en vue de les tenir régulièrement et directement
informés des activités et des résultats, ainsi que, d'une
manière générale, des événements qui peuvent
avoir une incidence sur le cours de ces activités.101
De cette disposition, nous constatons que la loi n'impose pas
ici un certain montant du capital social pour prétendre à
l'information peu importe le nombre ou la valeur des parts que l'actionnaire a
dans la société.
100 Article 400 al.2 du CSP&PP.
101 Jacques Mestre, Sylvie Faye, Christian Blanchard, op.cit.
p.1319
30
Il s'agit comme le dit Marcel Williams TSOPBEING d'une
égalité arithmétique contrairement à
l'égalité de proportionnelle qui s'observe dans la jouissance des
autres droits des actionnaires notamment le droit de vote.102
En définitive il appert que le législateur a mis
en place tout un arsenal de moyens pour que l'actionnaire soit suffisamment
informé et puisse participer au contrôle de la
société dont il est actionnaire. A ce stade, il aura droit
notamment à : l'enrichissement des documents sur
lesquels porte le droit à l'information des actionnaires, la
possibilité de recourir aux juridictions compétentes en cas de
refus des organes dirigeants de lui communiquer les documents requis, et enfin
la possibilité de requérir l'inscription à l'ordre du jour
d'une Assemblée générale d'un projet de
résolution.
B. Le droit au vote, essentielle prérogative des
actionnaires
Le droit de vote est un outil primordial dans la protection
des intérêts des actionnaires. En effet, le législateur
accorde à tout actionnaire le droit de participer à la vie et
à l'avenir de la société à laquelle il a souscrit
par l'expression de ses propres intentions et visions. En parlant de droit, on
implique aussi et nécessairement la liberté pour l'actionnaire de
pouvoir exprimer ses choix selon les normes et les principes établis (1)
qui lui permettent l'exercice de ce droit en toute liberté et de
participer à la prise des décisions collectives(2).
Le droit de vote s'exerce lors des Assemblées
générales où l'actionnaire peut exprimer ses points de vue
sur l'ensemble des points inscrites à l'ordre du jour.103
B.1. Le principe du droit de vote
L'actionnaire, en tant que propriétaire du patrimoine
de la société dispose des droits de pouvoir défendre ses
intérêts dans la société en participant au vote. En
effet, prérogative essentielle de l'actionnaire, le droit de vote lui
permet de veiller à la protection et à la fructification de sa
part du capital investi dans la société, en en surveillant et en
orientant l'utilisation104.
102 Marcel Williams TSOPBEING, l'information des
actionnaires, une exigence fondamentale du droit des
sociétés OHADA?In Journal Officiel de
l'OHADA, p.2 trouvé sur internet
www.ohada.org/index.php.pt/publication-pt/434-1-information-des-associes-une-exigence-fondamentale-du-droit-des-actionnaires-OHADA
, consulté le 21fevrier 2020 à 12h30.
103 Pierre Cabane, op.cit. p.111.
104 Roch Van Den Driessche, l'exercice du droit de vote au
sein des Assemblées Générales des sociétés
cotées, Université Catholique de Louvain, Année
Académique 2015-2016, mémoire de maitrise, p.14.
31
En outre, s'il est bon de prévenir les abus des
gestionnaires de la société dans l'accomplissement de leurs
missions. Il est tout aussi indispensable de garantir à l'actionnaire
son droit à prendre part à la prise des décisions en
rapport avec la conduite des affaires de la société sans pour
autant qu'il en use de façon illimitée105 : n'ayant
pas d'emprise directe sur la gestion de la société, l'actionnaire
ne dispose d'aucun autre moyen pour orienter la politique
générale à mettre en oeuvre par les administrateurs.
De plus, outre que la participation des actionnaires aux
délibérations des assemblées leur assure un suivi
régulier du fonctionnement de l'entreprise, elle leur permet
également d'influer sur la gestion des biens de cette
dernière,106 et ainsi de protéger et promouvoir ses
propres intérêts.
De ce qui précède, nous tirons la conclusion que
le libre exercice du droit de vote est fondamental pour garantir l'existence
même de la société et l'actionnaire doit l'exercer en toute
liberté.
Mais, comme nous l'avons souligné plus haut, des
informations suffisantes sur la vie de la société doivent
être mises à sa disposition par les gestionnaires pour que
l'actionnaire puisse voter en toute connaissance de cause. Encore faudra-t-il
que ces informations soient de qualité et puissent véritablement
éclairer l'actionnaire lorsqu'arrive le moment du vote. En effet, elles
deviennent inutiles et inopérantes quand elles sont
instrumentalisées, ou noyées sous une quantité
incommensurable de documents ou rédigée de manière
simplifiée ou peu précise.
Il faut souligner ici que cette liberté de vote dont
dispose l'actionnaire ne peut bien s'exercer que si le vote lui-même est
intègre et qu'il présente un caractère
éclairé. En effet, l'intégrité du vote peut
être menacée s'il est organisé sous la contrainte des
acteurs tels que les dirigeants de la société.
Le principe de droit de vote consacre l'expression d'une
volonté libre. Pourtant, toutes les conventions qui tendent à
fixer à l'avance les règles de l'exercice de ce droit n'ont
jusqu'ici pas été remises en cause par la jurisprudence. Les
tribunaux prennent en compte, dans chaque cas, la gravité de l'atteinte
au consentement éclairé des parties ainsi que
l'intérêt que les clauses peuvent présenter pour le
fonctionnement de la société107.
105 Jean Larguier, Philippe Conte, droit pénal des
affaires, 11ème éd., Arman Colin, Dalloz, Paris,
2004, p.365
106 Pierre Cabane, op.cit., p.112.
107 Idem, p.1183.
32
C'est pourquoi la jurisprudence a finalement tranché :
il existe bel et bien un lien entre le droit de vote et le droit de participer
à la prise des décisions collectives, ce deuxième droit
impliquant l'exclusion de toute clause qui irait à l'encontre de
l'exercice du premier, à moins d'une dérogation spéciale
légale.108Pourtant, à notre humble avis,
l'actionnaire, partie prenante dans la constitution de la société
et ayant un intérêt, doit pouvoir jouir de la prérogative
d'exprimer son opinion sur la vie de la société afin de pouvoir
proposer, si besoin est, des solutions aux problèmes auxquels elle peut
être confrontée.
Cependant, en votant, ce serait une grave erreur de la part de
l'actionnaire de penser que l'exercice de son droit est destiné à
défendre uniquement son intérêt personnel. Il doit
l'utiliser pour défendre l'intérêt général
étant donné qu'il reflète un concept institutionnel de la
société.109 C'est la raison pour laquelle il ne
saurait en aucun cas en être frustré car, relevant du domaine de
l'ordre public, le droit de vote doit être exercé en toute
liberté et nul ne peut empêcher l'actionnaire de participer aux
assemblées.110
En effet, bien que le principe d'égalité entre
actionnaires impose la proportionnalité entre le nombre de voix et la
quote-part versée lors de la souscription au capital. Les statuts
peuvent subordonner l'entrée à l'Assemblée
générale à la possession d'un certain nombre d'actions,
mais n'empêchent pas que les petits actionnaires se regroupent pour se
faire représenter.
Pour renforcer le pouvoir des actionnaires, les juges ont
accepté de consacrer certains accords relatifs à l'exercice de
leur droit de vote par les actionnaires111 : par exemple si
l'actionnaire ne se trouve pas privé de son droit de vote de
façon irréversible, ou si l'intérêt social est sauf
et exempt de toute idée de fraude.
Ainsi ont pu être validées les conventions
particulières et temporaires relatives à : la renonciation
particulière et temporaire au droit de vote, la suspension du droit de
vote pour un temps déterminé, l'engagement pris pour voter en
faveur d'une personne au Conseil
d'administration.112 Dans ce dernier cas, il faut
que l'engagement ne repose pas sur la promesse ou l'obtention d'un avantage
financier car alors il s'agirait de trafic du droit de vote, infraction
passible d'une sanction pénale.
108Cass. Com.
Arrêt Château d'Yquem 9 fév.1999, 96-17.661, Bull.
1999.IV.n°44, p.36.
109 Khaled Aguemon, Réflexion sur l'abus de droit
des sociétés dans l'espace OHADA : contribution du droit
français, Université Jean Moulin Lyon 3, thèse de
doctorat, Lyon, 07 septembre 2013. p.85.
110 Cass. Crim, 25 mai 1994, RJDA 1994, n°1038 où
les représentants des diverses entités actionnaires d'une
société anonyme s'étaient vu interdire l'accès
à l'assemblée des actionnaires.
111 Maurice Cozian, Alain Viandier, Florence Deboissy,
op.cit. p.317. 112Idem p.318
33
A ce sujet, l'article 448 du Code Pénal français
punit le président de séance et les membres du bureau de
l'assemblée n'ayant pas respecté le principe
d'égalité qui prévoit que le droit de vote attaché
aux actions de capital ou de jouissance 113est proportionnel
à la quantité d'actions que l'on possède dans un capital
et que chaque action donne droit à une voix.114 Mais, comme
nous l'avons souligné plus haut, ce principe connait des
dérogations.
Ici, il y a lieu de se poser cette question :
qu'arrivera-t-il si l'un des contractants ne respecte pas sa signature
? Le Tribunal du Commerce de Paris a tranché : faute
d'opposabilité de la convention de vote, l'Assemblée
générale à l'occasion de laquelle le signataire a
violé son engagement n'est pas annulée et la seule sanction qu'il
encoure est une condamnation à des dommages et intérêts, si
tant est qu'un préjudice certain ait pu être
démontré.
Dans le cas du Burundi, le législateur a garanti
l'égalité de droits de vote de chaque actionnaire et
décrété que celui-ci est proportionnel à sa
participation au capital de la société (...).115
Cependant, la mise en application de cette disposition est difficile dans les
sociétés mixtes comme la SOSUMO, car l'Etat a tendance à
imposer ses prérogatives de puissance publique en sa qualité
d'actionnaire majoritaire. Par ailleurs, au cours des Assemblées
Générales, chaque actionnaire dispose d'autant de voix que
d'actions souscrites.116
En conséquence, l'Etat, avec ses 99%
des actions, aura toujours tendance à s'imposer dans les organes de
gestion, ce qui ne va pas encourager les autres acteurs privés en
association avec lui dans les sociétés commerciales ou
industrielles117. Bien plus,
l'Etat peut violer en toute quiétude les règles de prise de
décisions car il est sûr que cela peut être
réglé à tout moment et à son avantage.
Ainsi, à titre d'illustration, en dépit de
l'absence du représentant de l'Etat, pourtant actionnaire majoritaire
dans le capital de la SOSUMO S.M, le rapport d'audit a déclaré
satisfaisantes les conditions du déroulement des
délibérations de l'Assemblée générale
Ordinaire du 14 août 2017 portant sur l'approbation du résultat de
l'exercice 2016-2017 clos le 31 mai 2017. Logiquement, au regard des
dispositions des articles 17 des statuts de la
113
T.com. Paris, réf. 12
févr.1991, Bull. Jolly. 1991, p.592, obs. M. Jeantin, accord relatif
à la répartition des postes d'administrateurs.
114 Mireille Delmas-Marty Géneviève
Giudicelli-Delage, Droit pénal des affaires,
4ème éd. Puf, Paris, 2000, p.338
115 Article 59 de la loi n° 1/09 du 30 mai 2011 portant
code des sociétés privées et à participation
publique, in BOB n° 05/2011 du 1er mai 2011.
116 Article 12 al.4 des statuts de la Sosumo.
117 SOFRECO, rapport d'audit organisationnel de la Sosumo,
op.cit.p.23
34
sociétés et 549, 419 du Code des
Sociétés Privées et à Participation Publique, les
résolutions y adoptées auraient dû être
considérées comme nulles.118
Conclusion
Nous venons de voir que le droit de l'actionnaire de
participer au vote est un droit absolu que personne ne peut lui contester.
Mais, la question n'en est pas résolue pour autant. En
effet, la loi a-t-elle prévu une disposition permettant à
l'actionnaire de donner mandat à une autre personne en cas d'absence ? A
l'ère des nouvelles technologies de l'information et de la
communication, permet-elle le recours au vote électronique ?
A la première interrogation, le Code des
Sociétés Privées et à Participation Publique
répond : un actionnaire est autorisé à se faire
représenter par un autre, sauf si les actionnaires ne dépassent
pas le nombre de deux. Cependant, l'actionnaire ne peut se faire
représenter par une personne étrangère à la
société que si les statuts le permettent.119 Cette
clause s'explique, à notre avis, par le fait que, disposant de peu
d'informations sur la société, la personne mandatée
pourrait engager son mandant pour des décisions qui ne vont pas dans le
sens de l'intérêt social. De même, elle sera peu
motivée car elle n'a aucun intérêt personnel à
défendre dans la société
En ce qui concerne le vote par correspondance
électronique, le législateur burundais n'a rien prévu
probablement parce que cette technologie n'est pas à la portée de
tous les actionnaires et que cela pourrait donc entrainer des
conséquences néfastes pour la société. Par contre,
en France où la technologie est largement répandue et
popularisée, tout actionnaire peut voter par correspondance quelle que
soit la nature, ordinaire, extraordinaire ou spéciale, de
l'Assemblée générale. Dans ce cas précis, les
dispositions contraires des statuts sont réputées non
écrites.
Le vote à distance par voie électronique
s'effectue généralement avant la tenue de l'assemblée et
ne doit pas être confondu avec celui qui est fait séance tenante,
mais il doit être autorisé par les statuts. On y fait normalement
recours quelle que soit la nature de l'Assemblée générale,
ordinaire ou extraordinaire, mais rien ne semble interdire aux statuts d'en
réserver l'utilisation à certaines Assemblées
Générales. Un formulaire établi à cet effet par la
société est remis ou transmis à l'actionnaire qui en fait
la demande. Le vote à distance
118 BCPA international S.P.R.L, ABC Audit-Bilan Conseil,
op.cit. p.6.
119 Article 248 al.2 et 3 de la loi n°1/09 du 30 mai 2011
portant code des sociétés privées et à
participation publique, in BOB n°5/2011 du 1er mai 2011.
35
est utilisé pour la vérification du quorum et la
détermination de la majorité requise pour la validation des
résultats du vote.
B.2. Droit de participer à la prise des
décisions collectives
Comme l'a si bien fait remarquer Paul DIDIER, l'existence de
la société commerciale est tributaire du droit des contractants
à participer à la prise des décisions
collectives.120 Et cette participation n'est véritablement
effective que si elle se traduit par l'expression d'une opinion et d'un choix
à travers ce qui est communément appelé « droit de
vote ».
Etant donné que ce droit de participation est un droit
d'ordre public et autorise l'actionnaire à intervenir pour
protéger ses intérêts, il ne peut être
aliéné que dans des conditions déterminées par la
loi. A ce sujet, l'article 55 du CSP&PP dispose « sauf disposition
contraire au présent code, ou des lois particulières, les
microfinances, les assurances ou toute autre entreprise qui détient ou
qui gère des fonds du public, tout actionnaire a le droit de participer
aux décisions collectives. Toute clause statutaire contraire est
réputée non écrite ».
Etant donné qu'en démocratie le pouvoir de
décision appartient à la majorité, il convient de nuancer
tout de même : la majorité ne saurait abuser de ses pouvoirs car
elle violerait le prescrit qu'une société est constituée
dans le but de défendre l'intérêt commun.121
Aussi les décisions qui ne concourent pas à la sauvegarde de
l'intérêt général de la société
peuvent-elles être annulées, comme précisé par
ailleurs dans le Code des Sociétés Privées et à
Participation Publique : « les décisions collectives peuvent
être annulées pour abus de majorité à l'égard
des actionnaires
minoritaires.et
engager la responsabilité des actionnaires qui les ont
votées».122
Ici on serait en présence d'un abus de majorité
si la décision est contraire à l'intérêt social et
qu'elle a été prise dans l'unique dessein d'avantager les
majoritaires au détriment des minoritaires.123
Il suffirait, pour caractériser l'abus, de retenir que
la majorité a adopté une décision dans l'unique dessein de
favoriser ses membres au détriment de ceux de la minorité.
120DIDIER, Paul, Brèves notes sur le
contrat-organisation, in L'avenir du droit. Mélanges en
l'honneur de François Terré, Dalloz, PUF, Éditions du
Juris-classeur, 1999, pp.635-642.
121 L'article 1 CSP&PP définit la
société comme une mise en commun de leurs apports en vue de
partager le bénéfice et contribuer aux pertes
éventuelles.
122 Article 60 de la loi n°1/09 du 31 mai 2011 portant code
des sociétés privées et à participation publique.
123Com., 20 mars 2007, Bull. Joly 2007, p. 745
36
C'est probablement pour limiter les effets de ce genre d'abus
que le législateur burundais, ayant pris la précaution de
distinguer trois sortes d'assemblées générales
(ordinaires, extraordinaires et spéciales), a également pris soin
de préciser quelles décisions sont prises lors de la tenue de
chacune d'elles. Il a en même temps fixé les domaines
d'intervention des Assemblées Spéciales.124
En ce qui concerne les modalités procédurales
des délibérations, l'article 419 de la loi précitée
dispose que l'Assemblée générale Ordinaire ne
délibère valablement, à la première convocation,
que si les actionnaires présents ou représentés totalisent
au moins la moitié des actions. Par contre à la seconde
convocation, aucun quorum n'est requis. Au moment du vote, l'Assemblée
générale statue à la majorité des
voix.125
Dans le cas de la SOSUMO où chaque actionnaire dispose
d'autant de voix que d'actions souscrites, il sera difficile pour les
actionnaires minoritaires d'avoir une influence dans la prise de
décision lors des Assemblées générales Ordinaires
car l'Etat est largement majoritaire. Les deux autres actionnaires, BRARUDI et
ECOBANK, ne détenant que 1 % des actions ne feront qu'adhérer aux
décisions de la majorité.
C'est la raison pour laquelle, à notre avis,, si
réellement il veut asseoir la bonne gouvernance dans les
sociétés mixtes, l'Etat devrait décider de restructurer le
capital, soit en cédant une partie de ses actions aux opérateurs
privés, soit en le revoyant à la hausse et ainsi appeler à
la souscription de nouvelles actions avec l'objectif de susciter chez les
actionnaires l'intérêt à participer à ce genre
d'Assemblées.
Comme nous venons de le voir, l'Assemblée
générale est un organe collégial, convoquée, non
pour émettre des voeux ou des souhaits, mais pour débattre avant
de prendre des décisions126 : lors d'une Assemblée
générale Ordinaire, pour mesurer la
représentativité127 au moment du vote, il est
exigé un nombre de membres pouvant justifier de la possession d'au moins
la moitié des actions composant le capital.
En ce qui concerne l'Assemblée générale
Extraordinaire, ainsi appelée parce qu'elle ne relève pas de la
gestion courante de la société, conformément aux
dispositions du CSP&PP, elle est
124 Article 425 du CSP&PP.
125 Article 420 de la loi n°1/09 du 31 mai 2011 portant Code
des sociétés privées et à participation
publique.
126 Maurice Cozian, Alain Viandier, Florence Deboissy,
op.cit.p.322 127Idem p.323
37
la seule habilitée à réviser les statuts
dans toutes leurs dispositions. Elle est ainsi compétente
pour :
- autoriser les fusions, scissions, transformations et apports
partiels d'actifs ; - dissoudre par anticipation la société ou en
prolonger la durée.
Toute clause contraire est réputée non
écrite.
Toutefois, Assemblée générale
Extraordinaire ne peut augmenter le montant des engagements des actionnaires
au-delà de leurs apports qu'avec l'accord de chaque
actionnaire.128 En cas de vote, les décisions sont prises
à la majorité des 2/3 et en cas de scrutin, il n'est pas tenu en
compte des bulletins blancs.129
Ces dispositions donnent, comme on le voit, à
l'Assemblée générale Extraordinaire, des pouvoirs
considérables puisque, non seulement elle peut apporter des retouches
aux statuts, mais surtout peut modifier de façon très
significative le pacte social en décidant une redistribution
anticipée, des modifications du capital social, et un changement de
l'objet social. Ce pouvoir reconnu à l'Assemblée
générale Extraordinaire est d'ordre public.
Les statuts ne peuvent donc nullement être
modifiés, ni par le Conseil d'administration, ni par le Directoire, ni
par le Conseil de surveillance, ni même par l'Assemblée
générale Ordinaire.130
Malgré tout, l'omnipotence de l'Assemblée
générale Extraordinaire est tempérée par la loi qui
a fixé certaines limites à l'exercice de ses pouvoirs ou par
certains principes généraux. Par exemple, elle ne peut en aucun
cas revoir à la hausse le montant de la participation des actionnaires
au capital en prenant une décision qui entrainerait un alourdissement de
la dette contractée par eux auprès de la société ou
des tiers131. Une telle résolution ne pourrait être
adoptée qu'à l'unanimité.
128 Article 421 CSP&PP.
129 Art 423 du CSP&PP.
130 Philippe Merle, Anne Fauchon, op.cit. p.625.
131 Com. 26 mars 1996, n°93-21.250, Bull. Joly 1996.604,
n° 213 P. Le Connu (clause de non concurrence insérée au
cours de vie sociale ; Civ. 1er, 5 nov.1996, n°94-19.529, Bull.
Jolly, 1997, 131, n°44, P. Le Connu (décision de garantir le passif
social) ; Com.24 juin, 1997, n°95-20.056, Bull Joly 1997,871,
n°314.8, Saintourens (Blocage d'un compte courant).
38
En corollaire, l'Assemblée générale
Extraordinaire ne peut introduire une clause statutaire
d'exclusion.132 En revanche, elle peut prendre des décisions
qui entraineraient une diminution des droits des actionnaires.133
Une telle résolution ne pourrait être
adoptée qu'à l'unanimité. Corollairement à cette
disposition, l'Assemblée générale extraordinaire ne peut
introduire une clause statutaire d'exclusion.134 Par contre,
l'Assemblée générale extraordinaire peut prendre des
décisions qui entraineraient une diminution des droits des
actionnaires.135
Pour ce qui est de la participation des actionnaires aux
sessions de l'Assemblée générale Extraordinaire, le
législateur burundais les y autorise, quel que soit le nombre d'actions
qu'ils y ont souscrites.136
Le droit de participation étant d'ordre public, les
statuts ne pourraient exiger que les actionnaires soient détenteurs d'un
minimum d'actions pour prendre part à ce genre d'Assemblée.137
Par contre, la jurisprudence considère qu'une
Assemblée générale ayant pour objet de prendre des
décisions autres que celles qui concernent l'affectation des
bénéfices ne saurait être annulée au motif qu'un
usufruitier n'a pas été convoqué pour y
participer.138
En plus des deux assemblées mentionnées
ci-dessus, le législateur burundais a prévu également une
Assemblée générale spéciale.
Celle-ci réunit les détenteurs d'actions d'une
catégorie déterminée chaque fois qu'une décision de
modification de leurs droits doit être prise par une Assemblée
générale, Ordinaires ou Extraordinaire : cette décision ne
saurait être définitive si une Assemblée spéciale de
cette catégorie même ne l'a pas
entérinée.139
132 Paris, 17 févr. 2015, Bull. Joly 2015.359, R.
Mortier.
133 Philippe Merle, Anne Fauchon, op.cit. p.626.
134 Paris, 17 févr. 2015, Bull. Joly 2 015 359, R.
Mortier.
135 Philippe Merle, Anne Fauchon, op.cit. p.626.
136 Article 422 de la loi n°1/09 du 31 mai 2011 portant code
des sociétés privées et à participation publique
137 Paris, 1er oct. 2013, Bull. Joly 2014 ? 243, J.
Ph. Dom.
138 Civ. 3ème, 15 sept, 2016,
n°15-15172, D. 2016. 2199, F. Danos. Par cet arrêt rendu à
propos d'une société civile, mais transposable aux
sociétés commerciales, la Cour de cassation dénie à
l'usufruitier la qualité d'actionnaire sur la situation du nu-
propriétaire non convoqué à une Assemblée
générale Ordinaire in, Philippe Merle, Anne Fauchon, op.cit.
p.628
139 Article 425 de la loi N°1/09 du 31 mai 2011 portant code
des sociétés privées et à participation
publique.
39
L'exemple d'une Assemblée générale
Spéciale est celui d'actionnaires détenteurs d'actions à
vote double lorsqu'ils sont convoqués pour approuver une décision
de fusion- absorption, de scission, de dissolution sans liquidation, ou de
suppression du droit de vote double.
Concernant les modalités de consultation, les statuts
peuvent prévoir de l'organiser par correspondance, voire par
l'établissement d'un acte authentique ou sous seing privé
signé par le mandant en cas de représentation.
A l'ère des Nouvelles Technologies de l'Information et
de la Communication, elle peut également se faire par vidéo ou
téléconférence, sauf que cette technologie n'est pas
encore utilisée par les sociétés burundaises et qu'il n'en
est pas fait mention dans le Code des Sociétés Privées et
à Participation Publique.
Enfin, il sied de noter que l'Assemblée
générale est la tribune idéale d'expression pour les
actionnaires. Et il est entendu que, dès lors que les frontières
de la diffamation ou de l'injure ne sont pas franchies, c'est, au fond,
l'endroit privilégié où peut s'exercer le « droit de
critique », et cet exercice n'est pas en soi fautif.140
Pour terminer, nous émettons néanmoins cette
réserve que, si les mécanismes encadrant son exercice ne sont pas
respectés, cette liberté de parole dont disposent les
actionnaires peut parfois être source de conflits, risquant de paralyser
la vie de la société et de surcroit nuire aux
intérêts des actionnaires.
Paragraphe 2 : La prévention des crises de
gestion
Les éventuelles crises de gestion d'une
société peuvent être résolues par la
procédure d'alerte (A) initiée, ou par le commissaire aux
comptes, ou par les salariés ou par les actionnaires eux-mêmes. De
même, lorsque la situation sociale de l'entreprise l'exige, les
actionnaires peuvent également recourir à la justice pour
demander la nomination d'un administrateur provisoire (B).
A. Procédure d'alerte comme moyen préventif
des crises de gestion
Lorsqu'une société rencontre des
difficultés, il peut arriver que les gestionnaires tardent à
réagir, soit parce qu'ils n'en ont pas pris connaissance, soit parce
qu'ils craignent, ou de provoquer la panique chez les créanciers, ou de
s'exposer à des poursuites judiciaires.
140 Maurice Cozian et s. op.cit. p.330.
40
En tout état de cause, si le gestionnaire ne réagit
pas dans l'immédiat, le risque est grand que son incurie compromette la
continuité de l'exploitation de l'entreprise.
Aussi, pour éviter à tout prix que les entreprises
ne se retrouvent dans ce genre de situation, le législateur est-il
intervenu à plusieurs reprises pour mettre en place des
mécanismes de prévention de toute crise consécutive aux
difficultés rencontrées par elles.
Dans cette partie de notre travail, nous allons d'abord nous
imprégner du contenu de cette notion d'alerte (1) pour ensuite
déterminer qui a qualité pour en enclencher la procédure.
(2)
A.1. Notion d'alerte
L'alerte est une notion nouvelle qui n'est pas définie
par le législateur burundais. Il nous faut par conséquent
recourir à la doctrine pour arriver à en cerner les contours.
La notion d'alerte contient l'idée de « mettre en
pleine lumière ou de révéler les signes d'une
difficulté ou d'un problème ». En fait de gestion d'une
entreprise, l'alerte constitue également un moyen de contrôle et
d'information aux mains des actionnaires.
Pour le Professeur Filiga Michel SAWADOGO, la procédure
d'alerte est celle par laquelle le Commissaire aux comptes ou les
associés demandent des explications aux gestionnaires lorsqu'ils
constatent des faits de nature à bloquer la continuité de
l'exploitation.141
Il sied de souligner ici que la société peut, au
cours de sa plus ou moins longue vie, rencontrer des difficultés
susceptibles de la déstabiliser. Il n'est par conséquent jamais
trop tôt pour les prévenir. Et l'efficacité de leur
prévention dépendra de la rapidité avec laquelle elles ont
été mises en plein jour et combattues.142
En effet, s'amplifiant avec le temps, elles deviennent de plus
en plus difficiles à cerner et à résoudre. En
conséquence, à défaut de les anticiper, il faut pouvoir
mieux informer pour mieux les prévenir, en instituant un système
d'information effectif et omniprésent. Aussi les organes
concernés doivent-ils rester en éveil afin de les diagnostiquer
à temps, qu'elles soient d'origine interne ou externe.
A ce sujet, le professeur Y. Chaput tranquillise : la
procédure d'alerte n'est pas une occasion pour lancer des cris d'alarme
ou déclencher des conflits. Il ne s'agit ni plus ni moins que de
141 Filiga Michel SAWADOGO, Traité et actes Uniforme
annotés et commentés, Juriscope, 1999, p. 870.
142 Eric Aristide MOTTO FOPA, réflexions critiques
sur le système de prévention des difficultés de
l'entreprise OHADA, Mémoire de DEA, Université de
Deschamps-Cameroun, 2007, p.16.
41
prévenir des écueils
prévisibles.143 Elle apparait dès lors comme une
solution préventive interne pour régler les difficultés
auxquelles fait face la société à une période
déterminée. C'est pour cette raison qu'elle va procéder
à la recherche de tous les indices qui vont permettre une intervention
rapide, discrète et efficace pour leur éradication
définitive.144
A.2. Procédure d'Alerte
La procédure d'alerte requiert une certaine
discrétion. Son objectif est d'éviter d'ébranler la
confiance que les parties prenantes ont placée dans cette entreprise.
Celles-ci ont intérêt à ce que la société
continue à prospérer, soit pour en tirer profit et
récolter les dividendes à la fin de chaque exercice, soit pour
poursuivre ses relations d'affaires avec elle.
En outre, la jurisprudence a estimé que la
procédure d'alerte n'est pas la condition sine quoi non pour la prise de
toute mesure d'urgence. En effet, chaque fois que le Commissaire aux Comptes
relève des faits de nature à compromettre la continuité de
l'exploitation, il y a urgence et le juge des référés est
compétent même si la procédure d'alerte n'a pas
été déclenchée.145
Dans le même ordre d'idées, ne se
considérant pas comme l'unique personne à veiller aux
intérêts de la société, le législateur
burundais a, à l'instar de l'OHADA, accordé aux actionnaires le
droit d'enclencher la procédure d'alerte.
Cela se comprend aisément car, acteurs souverains de la
société, les associés jouissent de la prérogative
de s'imprégner de la gestion de l'entreprise par l'intermédiaire
des organes dirigeants,146non seulement en consultant les documents
contenant des renseignements sur la situation de l'entreprise, mais
également en exigeant des gestionnaires des explications en cas de
découverte de faits à même de compromettre la
continuité de l'exploitation.147
En faisant de la procédure d'alerte une option pour les
actionnaires à notre humble avis, le législateur burundais a
voulu placer les actionnaires devant leurs responsabilités : ils ont
beaucoup plus intérêt à ce que la société
puisse prospérer et qu'en conséquence, les difficultés
143 Y. Chaput, Droit de la prévention et de
règlement des difficultés des entreprises, PUF, 1986,
n° 40 cité par Filiga Michel SAWADOGO, droit des entreprises en
difficultés, Bruylant, Bruxelles, 2002, n° 40, p. 36.
144 Yves Guyon, Droit des affaires, Tome 2, Entreprises en
difficultés-Redressement judiciaire-Faillite,
9ème éd., Economica, Paris, 2003, n°1044, p.51
145 Cotonou178, n°178/99,30/9/99, Affaire Dame Karamatou
IBUKULE c/ Société CODA- BENIN et quatre autres.
146P. Le Cannu et B. Dondero, Droit des
sociétés : LGDJ, 6ème éd., Paris,
2015, n° 497,p. 330 (1152p)
147 Articles 399 et 400 du CSP&PP.
42
auxquelles elle doit faire face momentanément ne soient
pas portées à la connaissance des partenaires extérieures
par peur de voir la panique s'installer chez eux.148
En second lieu, même s'il ne discrimine pas les
actionnaires en introduisant une clause de conditionnalité basée
sur la détention d'un nombre limité d'actions dans le capital de
la société, le législateur a fixé un seuil à
ne pas franchir lorsque les actionnaires posent des questions aux gestionnaires
: l'article 400, al.2. du CSP&PP ne les autorise à les poser au
Directeur Général que deux fois par exercice, et ce par
écrit.
Il est fort probable qu'en agissant ainsi, le
législateur ait jugé bon de ne pas créer une brèche
qui pourrait constituer une entrave au fonctionnement de la
société. Pour laisser les organes dirigeants consacrer plus de
temps à gérer l'entreprise qu'à répondre à
un questionnaire. C'est aussi pour cette raison que la prérogative de
relever les faits pouvant compromettre l'exploitation de la
société a été réservée aux
Commissaires aux Comptes.
Pour conclure, retenons que le législateur a mis en
place divers mécanismes de prévention des conflits au sein d'une
entreprise. Pilier du développement d'un pays, l'entreprise est soumise
à une surveillance permanente par des personnes ayant des
intérêts directs à défendre. Cependant, dans le cas
extrême où les actionnaires en arriveraient à perdre leur
confiance dans les organes dirigeants, le législateur a prévu la
nomination d'un Administrateur Provisoire (B).
B. L'Administrateur provisoire pour régler les
conflits sociaux
Les relations entre actionnaires et/ou entre dirigeants et
actionnaires peuvent devenir conflictuelles, de sorte qu'on doive imaginer des
solutions particulières pour préserver l'autonomie de la
société par rapport aux actionnaires. Parmi elles figurent
notamment la nomination d'un Administrateur provisoire. Mais c'est seulement en
cas de crise grave mettant en péril la survie de la
société que cette solution peut être envisagée.
Il nous faut cependant noter que le législateur
burundais n'a pas, à l'instar des autres législateurs,
défini la notion d'administrateur provisoire ni déterminé
son mode de fonctionnement.
148A. Bamdé & J.Bourdoiseau, La
procédure d'alerte et la prévention des entreprises en
difficulté,
www.village-justice.com le
8/11/2018:
43
B.1. La notion d'administrateur provisoire
L'Administrateur Provisoire est défini comme un
mandataire de justice chargé d'assurer momentanément la gestion
de la société en lieu et place des organes dirigeants lorsque
celle-ci doit faire face à une grave crise résultant, soit de
leur dysfonctionnement , soit d'un conflit entre actionnaires mettant en
péril ses intérêts.
La désignation d'un Administrateur Provisoire est une
mesure judiciaire exceptionnelle149 comme le rappelle
fréquemment la Cour de Cassation depuis la célèbre affaire
FRUEHAUF.150
L'administration provisoire est aussi perçue comme une
institution quelque peu mystérieuse ou ésotérique, voire
en marge de la légalité.151
Et le Professeur GUYON s'interroge sur le fondement de
l'immixtion du juge dans la vie sociale qui ne se fonde sur aucun texte. Cette
immixtion est d'autant plus surprenante qu'elle porte atteinte à la
souveraineté des actionnaires, dont l'une des attributions essentielles
consiste à nommer les membres des organes dirigeants.152
Au nom de la souveraineté des actionnaires, quelques
tribunaux semblent vouloir contourner l'Administrateur dans une mission
strictement délimitée qui contraste avec les pouvoirs de gestion
les plus étendus reconnus aux dirigeants sans autre limite que
l'intérêt social.153
Nous comprenons donc que la nomination d'un Administrateur
Provisoire intervient dans des
circonstances exceptionnelles rendant impossible ou
très difficile la gestion de la société, autrement dit en
cas de crise grave mettant en péril sa survie même. Elle
relève en cela de « l'assistance à personne en danger.
» Par-delà les intérêts égoïstes des
protagonistes, le juge se fonde sur l'intérêt
social.154
149 Cass. Soc., 23 octobre 2012, n°11-24.609 ; Cass, 21
fevr.2012, n°11-18.608.
150 CA Paris, 22 mai 1965, JCP, G, 1965, II, 14274 bis, note
NEPVEU, D. 1968, p.619, obs. R.RODIERE (faute de définition
légale de l'intérêt social, cet arrêt est venu donner
une lumière sur l'intérêt social qui est défini
comme l'intérêt de l'entreprise c'est-à-dire qu'il englobe
non seulement l'intérêt des actionnaires mais également
celui des salariés, des créanciers, des clients, voire de
l'Etat).
151 Khaled AGUEMON, op.cit. p.270.
152Y. GUYON, Les missions des administrateurs
provisoires de sociétés, Mélanges Bastian, t.1, 1974,
n° 1, p. 103 et s.
153Article 328 et 425 de l'AUSCGIE
154 Mohamed KONATE, l'Administrateur provisoire, article
publiée dans
www.village-justice.com le
8/11/2018, p.1
44
Il existe de nombreux cas où la désignation d'un
Administrateur provisoire peut se révéler utile, voire
indispensable lorsqu'il s'agit d'éviter la déconfiture d'une
société. Cette mesure doit rester cependant exceptionnelle, car
il s'agit d'une mesure grave pouvant entraîner le dessaisissement des
organes de direction.155
Pour cette raison, la jurisprudence pose deux conditions pour
qu'on puisse introduire une demande de nomination d'un administrateur
provisoire : d'abord prouver qu'il y a paralysie des organes ; ensuite que
cette paralysie est précurseur d'un péril imminent.
Ainsi, la Cour de Cassation a fréquemment
rappelé le caractère exceptionnel de la mesure et exige de celui
qui en fait la demande de produire la preuve de l'impossibilité du
fonctionnement normal de la société et de la menace d'un
péril imminent.156
La paralysie, elle, peut résulter de l'absence ou de la
défaillance des organes de gestion et c'est lorsque le conflit entre
acteurs sociaux persiste que le juge peut nommer un Administrateur Provisoire,
mais à l'issue de l'examen préalable au fond des problèmes
de la société.
La demande d'un administrateur provisoire peut
également être faite quand il y a la mésentente entre
actionnaires de nature à compromettre les intérêts sociaux
et que ces intérêts étaient compromis par la
défaillance des organes dans la gestion d'un Office notarial. En effet,
selon l'arrêt du CA de Nanterre, « il ne peut être
valablement soutenu que le fonctionnement de la société soit dans
l'impossibilité de rendre compte de leur gestion. En l'état, la
défaillance constatée des organes sociaux, il y a lieu de
confirmer le jugement en ce qu'il a désigné un administrateur
provisoire pour gérer la société. 157»
Dans un autre cas de figure, les actionnaires peuvent discuter
pendant un long moment au cours d'une Assemblée générale
avant de parvenir à trouver un terrain d'entente, mais cela ne peut
donner lieu à une demande de nomination d'un Administrateur provisoire
tant que les organes sociaux fonctionnent normalement.
155 Me Jean DRAY, la désignation d'un
Administrateur provisoire, p.1, publié dans la Voix du Web
Juridique, le 03/02/2012. Trouvé sur
www.legavox.fr
156Cass. com., 29
sept. 2009, n° 08-19.937, Bull. civ. IV, n° 18, Bull. Joly
Sociétés 2010, p. 23, note G. GIL, JCP E 2009, n° 1979 ;
Cass. com. 10 nov. 2009, n°
08-19.356, Dr. sociétés janv. 2010, comm. 8, obs. H. HOVASSE,
Rev. Sociétés 2010, p. 219, note D. PORACCHIA, JCP E 2009,
n° 2127 ;
Cass. com. 18 mai 2010, n° 09-14.838,
RTD com. 2010, p. 738, n° 7.
157 CA de Nanterre, 7 juin 2006, n° 04/01734.
45
C'est du moins la substance de la décision du juge de
la Cour d'Appel d'Abidjan, dans l'affaire Société Négoce
Afrique Côte d'Ivoire dite NACI-SA c/la Société WIN SARL.
La Cour censure en ces termes : « Dès lors, quand bien
même l'effectivité d'un litige entre MANUEL TERREN et les autres
actionnaires de la société NACI, ne peut faire l'objet de
contestation, il n'en demeure pas moins, qu'il n'a existé de fait, aucun
blocage dans 'Administration et la gestion de ladite
société.
Ainsi, le Premier Juge, en ne fondant sa décision
de nomination d'un Administrateur provisoire au sein de la
société NACI, sur le seul fait que ladite mesure ne lésait
aucune des parties au litige alors qu'il eut fallu rechercher en
l'espèce, l'existence ou non, d'une paralysie dans le fonctionnement de
ladite société, n'a donné de base légale à
sa décision.
Il y a donc lieu d'infirmer l'ordonnance querellée
, · Statuant à nouveau, il convient de dire que la demande en
nomination d'un administrateur provisoire de la société NACI
n'est en l'état, nécessaire , · en sorte que les organes
dirigeants de ladite société demeurent toujours en fonctions.
158»
Au regard de cette jurisprudence, nous concluons que le juge
provisoire n'est pas un arbitre des différends nés des
mésententes entre actionnaires, mais plutôt, « un
administrateur exceptionnel» chargé de sauver une situation
exceptionnelle risquant d'entraîner la paralysie de la
société.
La crise peut donc résulter d'un blocage des organes de
gestion : ces derniers ne pouvant fonctionner parce qu'ils n'existent plus, on
va parler de leur défaillance.159 Elle peut également
avoir pour origine un conflit entre actionnaires ou même l'entrave
à la bonne marche de la société due au disfonctionnement
des organes dirigeants. Ainsi, la nomination d'un Administrateur provisoire
peut se justifier à partir de l'attitude affichée soit par les
organes de gestion, soit par les actionnaires, soit par les deux à la
fois.
En conclusion, pour en arriver à cette décision
extrême, il faudrait tout de même que la personne qui en fait la
demande puisse prouver que l'intérêt social est exposé
à un péril certain et imminent, de manière à
conduire la société à la déconfiture.
158 Arrêt trouvé dans Mohamed Konate,
op.cit., p.2
159 Khaled Aguemon, op.cit. p.275
46
A propos du péril imminent précisément,
il faut noter que ni le législateur ni le juge burundais n'en font
mention. Nous nous en tenons donc à la jurisprudence française
pour dire un mot de cette notion.
On ne peut en effet parler de péril imminent que si la
paralysie des organes entraîne un risque énorme de faillite pour
la société : si le péril évoqué est juste
éventuel, la demande n'est pas recevable. En outre, le péril
encouru par la société revêt un caractère
particulier quand il n'y a pas défaillance des organes, puisque sa
gestion peut être assurée tant qu'elle est capable de fonctionner
plus ou moins efficacement,160
C'est ce que par ailleurs affirme le juge de l'OHADA lorsqu'il
déclare dans un arrêt, « qu'en cas de litige entre les
actionnaires, la désignation d'un administrateur provisoire au sein de
celle-ci est soumise à l'existence d'une paralysie dans son
fonctionnement, faute de quoi, la demande de désignation n'est pas
indispensable et les organes dirigeants demeurent toujours en fonction.
161»
Autrement dit, les faits qui suscitent cette
désignation doivent être d'une gravité telle que si aucune
mesure n'est prise pour mettre fin, au moins temporairement à la gestion
désastreuse caractérisée, la disparition de la
société s'en suivrait inéluctablement.162 La
Cour de Cassation l'a d'ailleurs rappelé dans l'un de ses arrêts
récents en précisant que « pas de nomination d'un
Administrateur provisoire sans preuve d'un péril imminent pour la
société. 163»
Le requérant devra donc prouver que le fonctionnement
de la société est perturbé dans des conditions
susceptibles de mettre en péril l'intérêt social. Il en
sera par exemple ainsi au cas où le rapport annuel de gestion et
d'approbation des comptes n'a pas été produit, bloquant ainsi
toute information sur la situation de la société ; en cas de
vacance de postes due à la démission d'un organe dirigeant ; en
cas d'absence durable de quorum ou de majorité ; ou alors en cas de
conflits de deux blocs égaux d'actionnaires paralysant tous les
processus de prise de décision.
Dans tous ces cas, il faut que le blocage soit
caractérisé et durable et non purement occasionnel, que
l'incertitude ou l'impossibilité momentanée de déterminer
une majorité soit avérée.
160M. A. MOUTHIEU, L'intérêt social
en droit des sociétés L'Harmattan, 2009, n° 528, p.
316.
161CA Abidjan, arrêt n° 258, 25 fév.
2000, Bull. Juris. OHADA, n° 1/2002, p. 42.
162CA Littoral, Arrêt n° 38/Réf. du
10 févr. 1999, note Y. KALIEU.
163Cass. Com., 18
mai. 2010, n° 09-14.838, RTD com. 2010, n° 7, p. 738; Soc., 23 oct.
2012, n° 11-24.609.
47
En outre, l'administration provisoire ayant pour objet de
pallier temporairement la défaillance des organes de gestion, sa mission
doit être définie en conséquence pour ne pas empirer une
situation déjà explosive.
B.2. Nomination d'un administrateur
provisoire
Normalement, la désignation d'un administrateur est de
la compétence du Président du Tribunal de Commerce. Ayant une
expérience en matière de gestion d'entreprise et de
comptabilité.164L'administrateur provisoire
désigné doit offrir des garanties d'indépendance et
d'impartialité. Il est tenu de respecter les prescrits d'un code
déontologique et sa responsabilité professionnelle devra
être couverte par une assurance.
Le Président du Tribunal du Commerce qui le
désigne précise les pouvoirs lui octroyés. Ceux-ci ne
comprennent ni l'aveu de faillite, ni celui de représentation d'un
commerçant dans une procédure de faillite.165
L'acte de nomination ainsi que l'énumération des
fonctions d'un administrateur provisoire font objet d'une inscription
complémentaire au Registre de Commerce et des
Sociétés.166
De portée normalement très
générale et ne précisant parfois que sa durée et
son objet167, la mission de ce dernier comporte l'ensemble des
fonctions d'administration courante, ce qui entraîne automatiquement le
dessaisissement des organes de gestion en place.
Aussi la Cour de Cassation française a-t-elle notamment
jugé que l'administrateur dispose des pouvoirs les plus étendus
pour gérer la société et son établissement
commercial168 et a-t-elle, à plusieurs
reprises, rappelé sa nature essentiellement conservatoire se limitant
aux seuls actes d'administration et de gestion courante.169
Sauf décision précise du juge, l'administrateur
provisoire doit normalement s'abstenir de tout acte qui engagerait l'avenir de
façon irréversible ou d'opérer un choix politique qui ne
relève pas de sa responsabilité.
164 Article 136 al.1 de la loi n° 1/05 du 23 Janvier 2018
portant insolvabilité du commerçant au Burundi.
165 Article 7 al.2 de la loi n° 1/07 du 15 mars 2006 sur la
faillite.
166 Article 63 de la loi n° 1/01 du 16 janvier 2015
portant révision de la loi n° 1/07 du 26 avril 2010 portant code de
commerce.
167 Me Joan Dray, La Désignation d'un
Administrateur provisoire, article publié le 03/02/2012 dans la
voix du Web Juridique et consulté sur
www.legavox.fr
168Cass. Com., 5 nov.
1971 : Bull. civ. 1971, IV, n° 261.
169 Ibidem
48
Ainsi, par exemple, une Cour d'Appel a rendu cet arrêt
le 27 octobre 1969: « le pouvoir discrétionnaire
conféré au Conseil d'administration par les statuts d'approuver
ou de rejeter la candidature d'un acquéreur de parts sociales
étranger à la société sort du cadre de la mission
confiée à un administrateur provisoire : celui-ci est seulement
chargé de gérer la société et non d'endosser les
responsabilités qu'implique la mise en oeuvre d'une clause
d'agrément », et la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation a
approuvé.170
Il existe d'autres exemples d'actes graves de disposition que
l'administrateur provisoire ne peut poser, comme des
réalisations d'actifs non spécialement autorisés,
même si ces actes lui paraissaient indispensables à la survie de
l'entreprise en difficultés financières.171 Pour cela,
il lui faudrait préalablement solliciter une autorisation
spéciale. En fait, il ne doit s'acquitter que des obligations
légales ou contractuelles courantes d'un chef d'entreprise.
Toujours en France, et d'après l'arrêt des
juges, l'Administrateur provisoire qui omettrait de
procéder aux déclarations sociales annuelles auprès de
l'Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et
Allocation Familiales (URASFF) commettrait une faute.172 De
même, il doit accomplir les obligations légales de l'organe de
gestion dessaisi dès lors que les conditions sont remplies et que
l'urgence le commande.
Parmi les missions confiées à l'Administrateur
provisoire figurent principalement les prises d'actes juridiques courants
nécessaires à la poursuite de l'activité de la
société et la réalisation de son objet social, entre
autres l'approvisionnement en matières premières indispensables
à la bonne marche de l'entreprise.173 Le juge peut
également y ajouter des missions plus précises.
Par ailleurs, la troisième Chambre Civile de la Cour de
Cassation française a rappelé le principe du dessaisissement de
l'organe de représentation de la société, qui est l'effet
automatique de toute nomination d'un Administrateur provisoire chargé
d'une mission générale d'administration et de gestion d'une
société.174
Pour conclure, nous voyons que l'Administrateur garde une
importante latitude d'action lui permettant de résoudre la crise ou de
préserver la société du péril
encouru.175
170Cass. Com., 27
oct. 1969: Bull. civ. 1969, IV, n° 314
171 Khaled Aguemon, op.cit. p.278
172Cass. 2ème civ. 21 juin 2005 : pourvoi
n° 04-30150, Aff. URSSAF du Hainaut : Juris-Data n° 2005-029259
173Cass. Com., 26
janv. 1981 : Rev. Sociétés 1981, p. 606, note Sibon
1743e civ., 25 oct. 2006 : Juris-Data n°
2006-035539
175M. A. MOUTHIEU, op.cit. p. 318
49
Malheureusement, malgré l'importance reconnue d'un tel
organe, le législateur burundais ne l'a pas prévu dans son
arsenal juridique.
Pourtant, son rôle pourrait être
déterminant dans la prévention de la `'mort subite» des
sociétés commerciales burundaises et dont on sait qu'elle serait
fatale non seulement pour l'Etat, mais aussi pour les associés, car le
partage des dividendes à la fin de l'exercice, qui par ailleurs
constitue l'élément substantiel de la création d'une
société, serait définitivement compromis (Section 2).
Section 2 : Les droits financiers des actionnaires
Les actionnaires, en créant une société
commerciale, visent en premier lieu le partage des bénéfices, ou
s'attendent à en tirer d'autres profits économiques qu`elle
pourrait générer176. Cette vocation financière
de l'entreprise se matérialise généralement, pour
l'actionnaire, par la jouissance de son droit aux dividendes,
c'est-à-dire aux quotte- parts des bénéfices
distribués à la fin de chaque exercice (Paragraphe 1), ainsi que
de son droit aux réserves qui représentent la masse des
bénéfices non distribués et aux boni de
liquidation177 (Paragraphe 2).
Paragraphe 1. Le droit aux dividendes
Le but de la création d'une société
commerciale est avant tout de réaliser des bénéfices pour
le compte des actionnaires. C'est pourquoi des auteurs ont pu dire que la
société commerciale n'a pas d'âme : elle ne connait pas les
sentiments affectifs. Elle est guidée par un seul but : la recherche de
bénéfices.178 Mais cette conception doit être
nuancée.
En effet, dans les sociétés coopératives,
le but visé est la promotion des valeurs de prise en charge, de
bien-être, de démocratie, d'égalité. Ces
sociétés veillent également, dans l'exercice de toutes
leurs activités, au respect des valeurs d'intégrité et
d'ouverture à tous. Elles doivent de manière particulière
répondre aux besoins de leurs membres qui participent de manière
égale à la constitution de leur capital.179
Avec l'émergence de la notion de la
responsabilité sociale et d'entreprises citoyennes, nous voyons que le
seul but de la recherche de bénéfices s'estompe. Car, les
société vont plutôt
176 Article 2 du CSP&PP.
177 Maurice Cozian et consort, op.cit.p.330
178ANOUKAHA François, CISSE Abdoullah, DIOUF
Ndiaw, NGUEBOU TOUKAM Josette, POUGOUE Paul-Gérard, SAMB Moussa,
Sociétés commerciales et GIE, Collection Droit uniforme
africain, Bruylant, Bruxelles, 2002, p. 124
179 Article 6 de la loi n° 1/12 du 28 juin 2017
régissant les sociétés coopératives au Burundi.
50
privilégier les politiques incitatives qui invitent les
entreprises à travailler avec des partenaires aux pratiques commerciales
éthiques, au réinvestissement des bénéfices dans
des programmes de santé et de sécurité, ou
d'environnement, au soutien d'organismes de bienfaisance dans les
communautés où elles exercent leurs activités ainsi
qu'à la promotion de l'égalité femme/homme au sein des
équipes de direction.
Néanmoins, ce serait un leurre que de penser que la
création d'une société doit déboucher
nécessairement sur la récolte de bénéfices. Des
déboires imprévisibles peuvent survenir et entraîner des
pertes que les actionnaires doivent assumer.
Le législateur burundais a défini le
bénéfice comme étant constitué des produits nets de
l'exercice, déduction faite des frais généraux et autres
charges, y compris tous les amortissements et provisions.180
Cependant, parler de bénéfice ne doit pas faire penser
immédiatement à sa distribution automatique entre actionnaires.
Loin de là.
En effet la société doit d'abord satisfaire
certaines obligations légales avant de penser à distribuer des
dividendes aux actionnaires. Ces obligations sont notamment la constitution
d'une réserve à partir des prélèvements par une
société sur les bénéfices avant qu'ils ne soient
distribués aux associés, dans un but de prévoyance. Les
réserves permettront de faire face plus tard à certains risques,
ou de faciliter l'extension de l'affaire.181
Ces réserves sont des réserves légales
car prévues par la loi. Le législateur burundais les a
fixées à 5 % du bénéfice. Elles ne cessent
d'être obligatoires qu'une fois qu'elles atteignent un montant
égal à 10 % du chiffre d'affaire.182 Elles peuvent
également être prévues par les statuts ou
décidés librement par les associés en Assemblées
générales ordinaires : ce sont alors des réserves
facultatives ou libres.183
Quant au partage des bénéfices, c'est
l'Assemblée générale qui détermine la part à
attribuer aux associés sous forme de dividendes, après
approbation des comptes et constatation de l'existence des sommes
distribuables.
Mais qu'entend-on par dividendes, et comment sont- ils
constitués (A) ? Qu'en est-il de leur distribution ? Et quid d'une de
ses variantes appelée dividende fictif (B) ?
180 Article 72 du CSP&PP.
181 Serge Guichard, Thierry Debard, op.cit.
182 Article 73 CSP&PP
183 Ibidem.
51
A. Les dividendes
A.1.Notion de dividendes
Le législateur burundais n'a pas défini la
notion de dividende et s'est contenté d'indiquer l'organe
habilité à décider de sa distribution.
Nous nous en référerons donc, pour une meilleure
compréhension du concept, au dictionnaire du droit privé qui le
définit comme « la partie des bénéfices d'une
société qui, sur décision de l'Assemblée
générale est distribuée à chaque titulaire d'une
action. 184 »
Au regard de cette définition, l'Assemblée
générale, après avoir approuvé les comptes de
l'exercice et constaté l'existence de sommes distribuables, va
décider du montant à distribuer, mais seulement à deux
conditions :185
- d'abord que la société ait
réalisé des bénéfices, condition que, par ailleurs,
le législateur burundais a lui aussi repris à l'article 75 du
Code des Sociétés Privées et à Participation
Publique ;
Nonobstant, si les bénéfices de l'exercice sont
insuffisants, il est possible de « piocher » dans les réserves
constituées aux cours des exercices
précédents.186
- Ensuite, que l'Assemblée générale ait
statué en faveur de cette distribution.
En effet, en tant qu'organe suprême de la
société, il lui est loisible, par mesure de prudence, ou de
laisser les bénéfices en réserve de façon à
assurer l'autofinancement de la société, ou alors de constituer,
à partir du montant relevé, un fonds d'épargne de la
société constituer, à partir du montant relevé, un
fonds d'épargne de la société.
La constitution d'une réserve peut être comprise
à partir de deux considérations assez différentes de
l'organe responsable :
- Tantôt, elle a pour objectif de permettre
l'autofinancement de la société pour d'éventuels
investissements, surtout lorsque le taux d'intérêt est
élevé.
184 Serge Braudo, Dictoinnaire du droit privé,
trouvé sur internet
www.dictionnaire-juridique.com
185 Maurice Cozian, Alain Viander, Florence Deboissy, op.cit.
p.331
186 Ibidem.
52
Mais un tel choix peut donner lieu à l'émergence
d'un sentiment de frustration chez les actionnaires qui auront l'impression que
la politique financière de la société est
décidée sur la base du seul intérêt de la
société.187
- Tantôt, elle vise à réguler, d'un
exercice à l'autre, la distribution du montant du dividende : le
bénéfice mis en réserve une année
exceptionnellement bonne peut permettre la distribution d'au moins une petite
partie de dividende en compensation pour les années maigres à
très faible réalisation.
Ici aussi, la décision viendrait contredire l'esprit
même de la création d'une société car l'actionnaire
doit, en principe, non seulement profiter des bénéfices qu'elle
génère, mais aussi prendre à son compte les pertes
éventuelles subies par elle.
Il faut cependant noter que la réserve ne concerne
qu'une partie très minime du bénéfice, calculée de
façon à attribuer à chaque actionnaire, comme dividende,
un montant en chiffre rond.
Il faut également souligner que toute distribution de
dividendes doit se conformer au principe d'égalité des
actionnaires, même si cette égalité est soumise à
certaines limites.
A.2. Fondement de la distribution des
dividendes
En décidant de créer une société,
les actionnaires pensent d'abord à pouvoir jouir de leur droit financier
qui consiste à partager le bénéfice qu'elle va
générer et qui doit leur être distribué en retour.
Néanmoins, ils doivent toujours garder présent à l'esprit
que tous les bénéfices réalisés par la
société ne sont pas distribuables.188
C'est donc dire que la détermination du
bénéfice distribuable doit se faire dans le strict respect des
règles générales de fonctionnement des
sociétés, car, celles-ci se meuvent dans un environnement social
créé par les Etats dans le souci de garantir leur
pérennité en leur qualité d'acteurs incontournables du
développement économique.189
C'est pour cette raison que, à l'instar des autres
législateurs, le législateur burundais cherche, non seulement
à écarter d'elles tout risque de faillite et de disparition, mais
également à les protéger en vue de stimuler les
investisseurs, les associés et tous autres partenaires.
187 Yves Guyon, op.cit.p.450
188 Philippe Merle, Anne Fauchon, op.cit. p.715
189 Marcel Rostel KANAN KENGNI, la distribution des
dividendes en droit des sociétés OHADA, Mémoire de
Master, Université Dschang, 2013, p.9
53
En conséquence, la règlementation de la
distribution des dividendes ne poursuit qu'un seul objectif : séduire
l'actionnaire par le versement contrôlé de ces dividendes,
répondant ainsi à ses exigences.190
Le droit au dividende est donc, pour l'actionnaire, une
prérogative légale dont on peut appréhender la raison
d'être sous deux angles :
- Sur le plan pratique, le dividende joue un rôle
informationnel.
En effet, la décision de distribuer les dividendes est
un signe révélateur de l'état des résultats de la
société.
Le fait de réduire ou de modifier le montant du
dividende à octroyer aux investisseurs leur donne une idée sur
l'avenir de la société quant au résultat à attendre
d'elle :191 l'augmentation du dividende augure de sa
prospérité et prédit une évolution positive, tandis
que dans le cas contraire, la société aura présenté
une image que l'on n'attendait pas et dont les conséquences pourraient
être fâcheuses et donner lieu à des sanctions
pénales.
- Sur le plan économique, le respect des règles
relatives à la distribution des dividendes préserve la
société d'éventuelles difficultés
financières pouvant conduire à sa disparition.
En définitive, l'on retiendra que l'Assemblée
générale ne peut distribuer les dividendes qu'en respectant une
procédure spécifique : après approbation des comptes de
l'exercice et constatation de l'existence des sommes distribuable, si elle juge
de l'opportunité de distribuer les dividendes, elle décide, en
fonction des bénéfices réalisés, du montant que la
société doit, de droit à chaque actionnaire.192
A partir de cette décision, chaque actionnaire devient créancier
du dividende.193En effet, jusque-là l'ensemble des
associés était titulaire d'une créance globale
correspondant au passif interne de la société : la
décision de mise en distribution individualise donne dès lors et
automatiquement le droit de chacun et le rend exigible à l'époque
fixée.194
190 Amer YAHIA Amel, le régime juridique des
dividendes, Harmattan, Paris, 2010, p.3
191 Hafeda BEN HAFIA et Abbes LAMIE, Politique de
distributions des dividendes , impact boursier, Mémoire de Master,
Institut de Haute Etudes Commerciales de Carthage, 2010-2011, p.26 et 27
cité par Marcel Rostel KANAN KENGNI, idem p.10
192
Cass.Com, 23 octobre 1990, Bull Joly
1990
193
Cass. Com, 23 octobre 1984, Rév.
soc. 1986, 97 note DAIGRE, Paris 1er décembre 1984, S.
1985.2.65, 2 mai 1985, S. 1986.2.180, Gaz. Pall.1985.2.113.
194 George Ripert, René Roblot, op.cit. p.1137
54
De fait, si d'aventure, dans l'intervalle entre cette
décision et le paiement effectif du dividende la société
fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, l'actionnaire
bénéficiera du même traitement réservé aux
autres créanciers. Au cas contraire, l'éventuelle restitution de
sa part de capital n'interviendra qu'après apurement de la dette des
autres créanciers : ses chances de recouvrement sont donc fortement
réduites.195
Malgré tout, ce droit de créance donne aux
actionnaires le pouvoir de recourir à une saisie arrêt entre les
mains des organes de la société pour immobiliser les dividendes
à leurs profits.196
Comme nous l'avons souligné plus haut, la
décision de distribuer les dividendes est prise par les organes
habilités avant que leur montant ne soit fixé. Cependant, si tous
ces organes estiment que l'état de la trésorerie ne le permet pas
et que cela risque de violer les droits des créanciers, ils
possèdent la prérogative de suspendre
l'opération.197
De notre point de vue, la raison en est que les actionnaires
ont plus intérêt à maintenir de bonnes relations avec les
partenaires sociaux et à désintéresser les
créanciers que de vouloir à tout prix partager des
bénéfices.
Aussi, quand la société fait face à des
difficultés financières, l'Assemblée
générale doit-elle plutôt décider de suspendre la
distribution des dividendes. Il en sera de même si les capitaux propres
sont à ce moment ou risquent d'être par la suite inférieurs
au montant du capital augmenté des réserves. Dans ce cas, on doit
préférer la survie de la société à
l'intérêt des actionnaires.
Ainsi par exemple,, la Cour de Cassation française a
jugé qu'il n'y a de dividendes qu'autant qu'il existe réellement
des bénéfices, que sans bénéfices, leur
distribution ne se justifie que sous forme de remboursement total ou partiel de
la mise sociale, et que les associés qui en bénéficient
sont dans une obligation de restitutions, en vertu du principe
général édicté par l'article 1376 du Code Civil
français : « celui qui reçoit sciemment par erreur ce qui ne
lui est pas dû est obligé de le restituer. 198»
195 Yves Guyon, droit des affaires tomes 1, Droit
commercial Général des sociétés,
12ème éd. 2003, Paris, Economica, p.449
196 JCP 1955.2.8858, note Bastian, D.1955.551, Banque, 1957. 103
note Marvin.
197
Seine.Com. 25 mai 1936, Gaz. Pall.,
1936.2.254.
198 Arrêt Cassagne C. Syndic Bellotini, trouvé dans
Jurisprudence Générale du Royaume, 1837.II.230.
55
Cette décision du juge corrobore la volonté du
législateur burundais qui impose aux actionnaires la restitution des
dividendes qui ne correspondent pas à des bénéfices
réellement acquis des actionnaires qui les ont
reçus.199
Cependant, l'article 81 du CSP&PP fixe les conditions de
cette obligation :
- la distribution doit avoir été effectuée
en violation des dispositions des articles précédents ;
- la société peut prouver que les
bénéficiaires avaient connaissance du caractère
irrégulier de la distribution ;
- les bénéficiaires ne pouvaient l'ignorer compte
tenu des circonstances.
Les dividendes qui seraient distribuées au mépris
de ces exigences seraient qualifiés de dividendes fictifs, faits
prévus et punis par le Code Pénal Burundais.200
Et la distribution des dividendes fictifs a été
érigée en infraction parce qu'il s'agit bien d'une violation
flagrante du principe même de l'intérêt social, guide et
véritable « boussole » pour les organes dirigeants de la
société.201
Ce qui nous amène à nous pencher sur cette notion
de dividendes fictifs (B). B. La distribution de dividendes
fictifs
En général, si la société attribue un
dividende aux associés, alors qu'elle n'a pas réalisé de
bénéfices, elle leur restitue le capital social, sans respecter
l'engagement pris par les associés envers les créanciers.
Préjudiciable aux créanciers, une telle
opération est également dangereuse pour la société
elle-même dont le capital sera nécessairement entamé, et
pour les tiers qui, devant la prospérité apparente des affaires,
seront tentés de devenir des associés ou des
prêteurs202.
C'est la raison pour laquelle tout dividende distribué en
violation des règles sur l'approbation des comptes et la constatation de
l'existence de sommes distribuables est un dividende fictif.203
199 Article 80 du CSP&PP.
200 Article 477.3 de la loi n° 1/27 du 29 décembre
2017 portant révision du code pénal.
201 A. PIROVANO , La boussole de la société,
intérêt commun, intérêt social, intérêt
de l'entreprise ? D.1997, 24ème cahier.
202 Mireille Delmas-Marty, Géneviève
Giudicelli-Delage, op.cit. 371
203 Philippe Merle et Anne Fauchon, op.cit.377.
56
B.1. Notion de dividendes fictifs
Il faut noter ici que le législateur burundais n'a pas
défini le dividende fictif. Il s'est uniquement contenté de
circonscrire les actes qui ne sont pas constitutifs du dividende fictif.
A défaut d'une définition claire du
législateur burundais, et partant des articles 72 à 81 du
CSP&PP, nous pouvons considérer le dividende fictif comme la part
des bénéfices réalisés par une
société et qui a été distribuée sans
l'approbation par l'Assemblée générale des comptes et la
constatation par elle de l'existence de sommes distribuables.
Au moins le législateur communautaire de l'OHADA, sans
être lui aussi beaucoup plus explicite, nous révèle les
éléments constitutifs de l'infraction de dividendes fictifs.
Mais, le législateur burundais a soumis la distribution des dividendes
effectuée en violation des règles y relatives à une
sanction pénale sauf si un rapport de certification émanant d'un
Commissaire aux Comptes fait ressortir un bénéfice net
supérieur au montant des acomptes.204
Au vu des développements précédents, nous
constatons que le législateur aussi bien burundais que de l'OHADA n'a
pas voulu enfermer la notion de dividende fictif dans une définition qui
risquait de ne pas tenir compte de certaines pratiques qui évoluent
très vite en droit des affaires.
Tout d'abord, le dividende se définit comme la somme
d'argent correspondant à chaque action et résultant du partage
des bénéfices. Il se doit d'être justifié. Or, il
peut arriver que des dirigeants distribuent des dividendes de façon
indue sans que les bénéfices les justifiant existent
réellement, leur but étant surtout de mystifier créanciers
et investisseurs par l'image d'une fausse
prospérité.205
Le caractère fictif du dividende est évident
quand le bilan ne fait apparaître aucun bénéfice. Mais, ce
n'est pas uniquement sous cette forme simple que l'infraction est commise.
Il y a également dividendes fictifs si le bilan a
été établi pour faire apparaitre un bénéfice
qui n'existe réellement pas. Or, l'infraction de distribution de
dividende fictif suppose un
204 Anaclet NZOHABONANYO, Cohabitation des
intérêts des créanciers et des actionnaires de la
société anonyme dans la protection du capital social : Quid de la
législation burundaise et de l'espace OHADA, in revue Pénant
n° 910 janvier-mars p.128.
205 Lilian Cadel Biassaly, la distribution de dividendes
fictifs en droit des sociétés Ohada, trouvé sur le
site
internet :
https://www.village-justice.com/articles/delit-distribution-des-dividendes-fictifs-droit-des-societes- ohada
57
dividende prélevé sur le capital augmenté
de la réserve légale et statutaire, gage intangible des
créanciers sociaux.206
La jurisprudence énumère les manoeuvres
frauduleuses les plus fréquemment utilisées :
- dissimuler certains éléments du passif ;
- ne pas pratiquer les amortissements
nécessaires207 ;
- faire figurer à l'actif des profits qui n'ont pas encore
été réalisés.208
La jurisprudence a également retenu un autre aspect,
nouveau celui-là, de l'infraction de distribution de dividende fictif :
une société peut avoir des réserves libres qu'elle
pourrait distribuer à ses actionnaires.
Mais, si en l'absence de bénéfices à la
fin d'un exercice déterminé, le Conseil d'administration fait
voter, à l'aide d'un bilan inexact, la décision de distribution
d'un dividende comme provenant du bénéfice de l'exercice et qu'en
réalité il le prélève sur les réserves, ce
dividende est fictif.209
En distribuant de faux bénéfices, on distribue,
en réalité, des réserves, voire, ce qui est encore plus
grave, le capital social, de sorte que la société se vide ainsi
de sa substance. En conséquence, cette situation de
prospérité apparente abuse dangereusement les tiers.
En effet, une distribution de dividendes fictifs relève
à la fois de l'abus de confiance et de l'escroquerie.210 La
pérennisation de la société exige donc de recourir aux
moyens les plus radicaux : la pénalisation et la sanction de ce genre
d'opération.
Le législateur burundais, à l'instar des autres
législateurs (français ou de l'OHADA par exemple) ayant
érigé en infraction la distribution des dividendes fictifs, il
convient de voir quels sont ses éléments constatifs ainsi que les
sanctions prévues pour sa répression.
206 George Ripert, René Roblot, Traité de droit
commercial, tome 1, 14ème éd. LGDJ, Paris 1991,
p.1139.
207 Paris 2 décembre 1938, JCP 1939.
208 Crim. 28 juin 1862, D. 1862.I.1862, S.62.I.625 Affaires
mines, Civ 7 mai 1871.
209 Crim. 22 janvier 1937, D. 1937.I.71 note TCHERNOFF, S.
1938.I.297. note Legal. . Soc.5 mai 1949.
210 Kissi SAMIA, Distribution de dividendes fictifs en
droit algérien, Université de Tlemcen année
académique 2015-2016, Thèse de doctorat en droit
privé, p.20
58
B.2. Les éléments constitutifs de
l'infraction de distribution de dividendes fictifs Les
éléments constitutifs de l'infraction de distribution de
dividendes fictifs sont :
- l'absence d'inventaire ;
- l'utilisation d'un inventaire frauduleux ; - Le
caractère fictif du dividende ;
- la distribution d'un dividende fictif.
En effet, l'inventaire correspond à un relevé
descriptif et estimatif des créances, des dettes et des biens de la
société (immeubles, matériels, numéraires, titres
et effets, stocks) et peut donc résulter du bilan ou de tout autre
document comptable. Son absence est très rare en principe sauf dans le
cas des sociétés fictives. Cependant, l'infraction de
distribution de dividendes fictifs basée sur l'absence d'inventaire est
extrêmement difficile à déterminer :
1) Il est très fréquent que les gestionnaires
aient recours à des documents comptables frauduleux pour réaliser
leur inventaire ou leur bilan, avec pour conséquence que ceux-ci soient
entachés d'inexactitudes connues seulement de leurs auteurs.
2) Le caractère frauduleux de l'inventaire
relève de la volonté de ne pas respecter les prescriptions
comptables ayant une incidence sur le résultat et de nature à
créer un bénéfice artificiel.211
Enfin le terme frauduleux, employé par le
législateur, n'a pas d'autre objet que de préciser que
l'infraction est d'ordre intentionnel et qu'il suppose chez ses auteurs la
mauvaise foi, c'est-à-dire, la connaissance des inexactitudes de
l'inventaire.
3) La notion de « fictivité » doit se
comprendre en fonction de la répartition de dividendes que
l'inexactitude tend abusivement à justifier.212 Il s'agit
donc nécessairement d'une majoration de l'actif ou d'une minoration du
passif.
4) La distribution de dividendes fictifs est une infraction
matérielle dont le résultat est dommageable. Elle n'est
consommée que quand la distribution a été
opérée entre les actionnaires.
Alors que l'exigence d'un l'acte de distribution impliquerait
que les actionnaires aient effectivement perçu des dividendes,
l'infraction ne sera donc pas constituée lors de
211 A. Touffait, Délit et sanctions dans les
sociétés, 2ème Sirey, 1971, p.222
cité par Kissi SAMIA, p.44.
212 Mireille Delmas-Marty, Géneviève
Giudicelli-Delage, op.cit. p.371
59
l'approbation du bilan ou lors de la seule répartition
de dividendes par l'Assemblée générale sur proposition du
Conseil d'administration.
Il en sera également ainsi, après un vote
autorisant la répartition si les administrateurs n'avaient pas
ordonné qu'il soit procédé à celle-ci. En revanche,
cet ordre une fois donné, l'élément matériel sera
constitué même en cas de quitus voté par l'Assemblée
générale ou de décision approuvant la répartition
ordonnée.
En ce qui concerne la faute intentionnelle, l'infraction
suppose qu'en l'absence d'inventaire, ou au moyen d'un inventaire frauduleux,
les prévenus aient agi intentionnellement, c'est-à-dire en ayant
connaissance de l'absence d'un inventaire ou du caractère frauduleux de
celui-ci et du caractère fictif du dividende
réparti.213
La faute intentionnelle sera caractérisée par
« la mauvaise foi ». Le mobile ayant poussé à agir
important peu, il revient à l'accusation donc d'établir la
mauvaise foi.
Les juges tiendront compte de la nature des fonctions
qu'exerce le prévenu dans la société, de la période
durant laquelle les fonctions ont été exercées, du
rôle qu'a joué le prévenu dans la décision de
répartition, et aussi de la nature, du nombre et de la gravité
des fraudes. De leur caractère apparent, décelable ou non par le
prévenu selon les connaissances comptables qu'il avait ou qu'il devait
avoir, de la situation financière de la société et de
l'insuffisance des documents comptables.214
La réunion de ces deux éléments est
nécessaire, mais non suffisante pour pouvoir accuser les dirigeants des
sociétés d'avoir partagé les dividendes fictifs. Encore
faut-il que cette infraction ait été au préalable
prévue par le Code Pénal : la liberté des citoyens serait
gravement menacée si les pouvoirs publics s'arrogeaient le droit de les
poursuivre pour des faits qui n'auraient pas été
criminalisés par un texte préexistant porté à leur
connaissance.215
Dans le cas du Burundi, c'est le Code Pénal qui
réprime cette infraction. En effet, l'article 477 (2) dispose :
« sont punis d'une servitude pénale d'un an à cinq ans
et d'une amende de cent à un million de francs burundais, les
gérants, directeurs généraux, directeurs, membres du
directoire ou du Conseil de surveillances ou administrateurs de
sociétés qui, (...) en l'absence
213 Jean Larguier et Philippe Conte, op.cit .383.
214 Paris, 14 juin 1995, Droit des sociétés
1995.219.
215 G. Levasseur, A. Chavanne,J. Montreuil, B. Bouloc,
op.cit., p 35
du compte ou au moyen de compte frauduleux ont sciemment
opéré entre associé la répartition de dividendes
fictives. 216»
Au regard de cette disposition, le législateur
burundais a beaucoup plus privilégié la sanction pénale
que la protection pécuniaires des tiers. A notre avis, il aurait fallu
que le Code prévoie la restitution par les actionnaires des dividendes
illégalement perçus et des amendes proportionnelles au butin
distribué.
En conclusion, le législateur burundais, à
l'instar de celui de L'OHADA, a mis en place des mécanismes pouvant
inciter les actionnaires à veiller à la bonne gestion d'une
société, sachant, au bout du compte, qu'ils percevront un
dividende à la fin de l'exercice.
Cependant il ne faudrait pas qu'on en fasse une habitude
conditionnelle à chaque fin d'exercice. Ils doivent également se
mettre en tête que le but premier de la création d'une
société est son propre développement, ainsi que la
planification et la mise en oeuvre de ses propres projets d'investissement.
La réalisation du bénéfice est
profitable, non seulement à l'Etat qui y prélève le fisc,
mais aussi aux actionnaires qui, en plus des dividendes à percevoir, ont
l'opportunité de constituer des réserves pour d'autres
investissements éventuels.217
C'est d'ailleurs pourquoi le législateur a
imposé de réserver chaque année un certain pourcentage du
bénéfice aux dépenses éventuelles.
En outre, s'il advenait que les actionnaires décident
de liquider la société, ils auront également droit de
bénéficier des bonis de liquidation (Section 2).
60
216 Article 477,2° CSP&PP
217Marc Rostel KANA KENGNI, op.cit. p.7.
61
Section 2 : Droit aux réserves et au boni de
liquidation
La loi impose aux actionnaires le prélèvement
annuel, sur le bénéfice réalisé, d'un certain
pourcentage pour constituer des réserves (Paragraphe 1). Mais il a
également légiféré sur les avantages à
accorder aux actionnaires en cas de liquidation de la société :
le droit de bénéficier, à des conditions
déterminées, d'un boni de liquidation (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Droit aux réserves
Une fois qu'elle a apuré les dettes de ses
créanciers, comblé les pertes éventuelles des exercices
antérieures et prélevé les sommes nécessaires au
paiement de l'impôt, la société doit d'abord soustraire du
bénéfice une somme de 5% destinée à la constitution
de la réserve légale.
A. La notion de réserves
Les réserves constituent la « graisse » de la
société, la protégeant des à-coups de la
conjoncture, assurant sa survie en cas de difficulté.218
A.1. Source de l'obligation de constitution des
réserves
L'obligation de constituer des réserves peut être
inscrite dans la loi mais également dans les statuts. Ainsi, l'article
73 du CSP&PP dispose : « à peine de nullité de toute
délibération contraire dans les sociétés suivantes
: sociétés publiques (SP), sociétés mixtes (SM),
sociétés de personnes à responsabilité
limité (SPRL), sociétés unipersonnelles, (SU),
sociétés coopératives et sociétés anonymes
(SA), il est fait sur le bénéfice net de l'exercice
diminué le cas échéant, des pertes antérieures, un
prélèvement de 5 % au moins affecté d'un fonds de
réserves dites réserves légales.
Ce prélèvement cesse d'être obligatoire
lorsque la réserve atteint 10 % du capital social. Les associés
peuvent décider de constituer tout autre fonds de
réserves.»
Cette disposition de la loi fait de la constitution des
réserves par les sociétés, à la fin de chaque
exercice, une obligation. Ces réserves doivent provenir du
bénéfice de l'exercice, diminué, le cas
échéant, des pertes antérieures, jusqu' à ce que le
chiffre légal soit atteint.
218 Maurice Cozian, Alain Viandier, Florence Deboissy, op.cit.
p.333.
62
Néanmoins, la société est libre de faire
des prélèvements de plus de 5 % ou même de constituer d'un
seul coût la réserve légale.219
La constitution d'un fonds de réserve peut aussi avoir
été prévue dans les statuts. Il n'empêche que les
associés « prévoyants » peuvent également
s'imposer d'autres réserves en le précisant également dans
les statuts.220
Ces réserves statutaires reposent donc sur le
consentement éclairé et libre des associés
221qui ont une vision pour la société. Autrement dit,
les réserves statutaires constituent 'un sacrifice que les actionnaires
font de s'imposer une saisie sur le bénéfice pour constituer
d'autres réserves lorsque le prélèvement obligatoire
cesse222 et dont le taux est fixé par les statuts de la
société.
Mais, une fois que les actionnaires adoptent ce principe la
société est tenu de le respecter lors du partage des
bénéfices. Dans le cas contraire, les dirigeants sociaux
pourraient voir engager leur responsabilité civile en vertu des
dispositions du Code Civil : « les conventions légalement
formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. 223
»
A.2. Destination des fonds de réserves
En tant qu'organe suprême de la société,
l'Assemblée générale peut décider, en toute
souveraineté, de constituer toutes les réserves qui lui
paraissent nécessaires au renforcement des moyens d'action de
l'entreprise, au risque cependant de porter atteinte, à court terme, aux
intérêts de certains actionnaires qui voudraient toucher
immédiatement un dividende chaque année plus élevé.
Et plus encore à ceux des porteurs de parts de fondateur qui ont
toujours un droit de regard sur la distribution de bénéfices sans
en avoir du tout droit.224
En outre, le droit à une part de bénéfice
est un droit individuel et la majorité ne saurait arbitrairement priver
indéfiniment la minorité de toute répartition. Pour
comprendre cette opposition d'intérêt, il faut se pencher sur les
raisons pour lesquelles les réserves sont instituées.
219 G.Ripert, R.Roblot, op.cit. p.1388.
220 Article 37 al.3 des statuts de la SOSUMO.
221 J. La Combe, les réserves dans les
sociétés par actions, Revue Internationale de droit
comparée année 1965, p.100.
222 Nany Elodie MABIKA ITSIEMBOU, op.cit. p.2010
223 Article 33du code civil livre III.
224 G.Ripert, R.Roblot, op.cit.p.1390.
63
En ce qui concerne les réserves légales, elles
sont normalement destinées à combler les pertes
éventuelles de la société. Ici on est en droit de se poser
cette question : au cas où elles ont été employées,
vont-elles être restituées avant la distribution des
bénéfices ? Il est vrai que certains auteurs ne lui donnent pas
un caractère de flexibilité du capital.225 Mais, de
toutes les façons, on sait que le fonds de réserves peut
être transformé et servir à augmenter le capital social,
avec cet avantage pour les créanciers que leur droit sur la
réserve incorporé au capital ne change pas, et que la
société doit reconstituer une nouvelle réserve sur le
nouveau capital augmenté
Les réserves statutaires sont, quant à elles,
constituées dans le but de renforcer, tout au long de sa vie, la
situation de la société pour amortir le capital social, ou encore
régulariser le dividende, par exemple.
Comme on le voit, la constitution des réserves
légales et statutaires permet d'assurer la protection des
créanciers226, car, au même titre que le capital
social, ces fonds sont intangibles et indisponibles durant toute la vie de la
société. Celle-ci n'est donc pas obligée de les rembourser
aux associés. A ce titre, les réserves légales et
statutaires renforcent le capital social dans son rôle de garantie pour
les créanciers.227
Toutefois, contrairement au capital social, elles ne peuvent
être constituées que si la société
génère des bénéfices, et non si elle subit des
pertes.
Enfin de compte, elles ne garantissent qu'une protection
aléatoire et médiocre.228 Il n'est pas donc possible
de créer une société dans l'espoir qu'elle assurera la
protection des créanciers en constituant des réserves. Le capital
social reste en prime leur seule garantie dès le démarrage de
l'activité.
Mais alors, qu'adviendra-t-il si, ne se préoccupant que
de la prospérité de la société qu'ils viennent de
créer, espérant ainsi d'abord et avant tout partager les
dividendes qu'ils attendent d'elle ou augmenter son capital social, les
actionnaires voient cette aventure entrepreneuriale arriver à terme
d'une façon ou d'une autre, volontaire ou involontaire ?
On sait que, selon le business plan, l'entreprise ou la
société n'est pas toujours destinée à durer dans le
temps et que certaines startups montent des produits dans le but de les
revendre à des entités plus importantes.
225 G.Ripert, R.Roblot, op.cit.p.1389.
226 Nany Elodie MABIKA ITSIEMBOU, op.cit. p.214
227 Idem p.215
228 Ibidem
64
De la même manière, des choix de vie peuvent
influencer l'arrêt d'une société, sans qu'elle soit ou
cédée ou léguée à un descendant.
Si, face à ce genre de situation, on en arrive à la
dissolution, la question du boni de liquidation va automatiquement se poser
(Section 2)
Section 2 : Le droit des actionnaires au boni de
liquidation
Cette prérogative de l'actionnaire entre en jeu au
moment de la liquidation de la société lorsque les dettes
sociales ont été honorées, les apports remboursés
et qu'il y a un actif restant.229 C'est alors que les actionnaires
ont droit au boni de liquidation qui généralement est
réparti proportionnellement à leur contribution dans le capital
social.
Dans cette partie de notre travail nous allons nous
intéresser à cette notion de boni de liquidation et aux
modalités de sa distribution (paragraphe 1), ainsi qu'au rôle du
liquidateur dans la défense des intérêts des actionnaires
(Paragraphe2).
Paragraphe 1. La notion de boni de liquidation et les
modalités de sa distribution
Lorsque les associés ont décidé d'un
commun accord de mettre fin au projet, la société est dissoute.
On procède alors à sa liquidation. Notons aussi
que celle-ci peut survenir en cas de rachat ou de fusion avec une autre
société.230
Après la revente des biens de l'entreprise et le
paiement des créances, le boni de liquidation (A), s'il y en a un, doit
être partagé entre les associés par le liquidateur (B).
A. Notion du boni de liquidation
Après avoir défini le boni de liquidation (1)
nous nous pencherons sur les préalables pour décider du montant
à distribuer aux actionnaires (2).
A.1. Définition du boni de liquidation
Comme le législateur burundais n'a pas donné de
définition claire du boni de liquidation et qu'il s'est contenté
d'en faire une obligation statutaire,231 nous allons nous en
référer au Dictionnaire Juridique pour qui le boni de liquidation
est à comprendre comme « une somme
229 Maurice Cozian, Alain Viandier, Florence Deboissy,
op.cit. p.334.
230www.petitentreprise.fr
231 L'article 7.11° énumère comme mention
obligatoires, les stipulations relatives à la répartition du
résultat, à la constitution des réserves et à la
répartition du boni de liquidation.
65
d'argent distribuée aux associés, à
l'issue des opérations de liquidation et constituée par des
bénéfices mis en réserve au cours de la vie sociale.
232»
Une fois les créanciers payés, s'il se
dégage un surplus, les associés, en fonction de leur quote-part
dans le capital, pourront se le partager sous forme de boni233. Il
s'agit donc d'un bénéfice que les associé ou actionnaires
tirent de la société, qu'elle ait été mise en
liquidation à l'amiable ou sur la base d'une décision de
justice.
Le boni de liquidation constitue donc un fait juridique unique
pour la société puisqu'il n'arrive qu'une seule fois juste avant
la `'mort» de la société.234 C'est dire que sa
distribution, soumise à des conditions particulière ne peut
intervenir que lorsque les actionnaires ont pris la décision de mettre
fin à la vie de la société.
A.2. Distribution du boni de liquidation
En général, le boni de liquidation est
distribué de la même manière que les dividendes ou la prime
d'émission, c'est-à dire au prorata de la participation au
capital de chaque actionnaire, sauf disposition statutaire contraire et
nonobstant l'interdiction de tout pacte léonin.235 La
décision de distribution est, en principe, prise à
l'unanimité par les associés. Dans le cas contraire, c'est au
juge qu'il revient de trancher. Le partage s'effectue normalement en
espèces, même s'il reste une possibilité de le faire en
nature, sauf si les statuts écartent cette option. 236
En outre, certains biens sont exclus des opérations de
partage, notamment les apports des associés en nature. L'associé
peut récupérer son bien, à charge pour lui de verser une
soulte aux coassociés si la valeur de ce bien excède le montant
des droits qui lui sont garantis par ses parts dans le capital social et dans
le boni de liquidation, les biens faisant l'objet d'une attribution
conventionnelle.
D'autre part, si les statuts, une décision des
associés ou un acte distinct le prévoient, certains biens seront
attribués à certains associés. Il arrivera même que
l'intégralité de l'actif social soit
232 G. Cornu Vocabulaire Juridique, PUF,
10ème Ed. Paris 2014.
233 Nany Elodie Nany Elodie MABIKA ITSIEMBOU,
op.cit.p.438
234 Yoanna Staechele-Stefanova, Un siècle de
l'application de la loi du 10 août 1915 concernant les
sociétés commerciales, Walter Kluwer Belgique, 2014,
p.203
235 A.Streichen, Précis de droit des
sociétés, 4ème éd. Luxembourg, Ed. Saint
Paul, 2014, p. 463, cité par Yoanna Staechele-Stefanova,
op.cit. p.203.
236 Maurice Cozian, Alain Viandier, Florence Deboissy,
op.cit. p.227
66
donnée en partage à un des associés ou
à plusieurs d'entre eux, à charge pour eux de
désintéresser leurs pairs.237
Enfin un associé ayant participé à
l'exploitation de la société peut demander l'attribution
préférentielle d'un bien d'actif, à charge pour lui de
verser une soulte aux coassociés si la valeur de ce bien excède
le montant de ses droits.238
Une fois que les créanciers ont été
intégralement payés et l'actif vendu, les associés seront
remboursés d'un montant nominal des parts sociales correspondant
à leurs apports. Si après désintéressement de tous
les créanciers et paiement des honoraires du liquidateur, il subsiste un
fonds suffisant, ils pourront se partager le boni de
liquidation.239Celui-ci sera réparti dans les mêmes
proportions que leur participation au capital social. Une clause statutaire ou
une décision des associés peut néanmoins prévoir
une répartition différente.
Sinon, au cas où il existerait un mali de liquidation
qui est le déficit qui résulte de la liquidation de la
société dû entre autres aux dettes qu'il reste à
rembourser, à une situation où les capitaux propres sont
inférieurs au capital social calculé suivant la méthode
soustractive ou à un résultat de tous les éléments
de la méthode additive inférieur à zéro, les
associés ne se verront rembourser ni leurs apports ni les sommes
figurant sur leurs comptes courants.
Enfin, les associés étant arrivés
à la phase ultime, toutes les opérations de partage du patrimoine
de la société seront supervisés par un arbitre,
appelé liquidateur, pour qui nous allons définir le mode de
désignation, le rôle dans la distribution des dividendes ainsi que
le mandat.
Paragraphe 2 : Le liquidateur comme arbitre dans les
intérêts des actionnaires
Lorsque la société est en instance de
dissolution, avant de prononcer sa radiation définitive de la liste des
sociétés, il est nécessaire d'effectuer les
formalités de clôture de la procédure de liquidation.
237 Assistant juridique Comment partager le boni de
liquidation d'une SARL ? , en ligne, Assistant juridique
https://www.assistant-juridique.fr/dissolution_partage_actif.jsp>,
consulté le 28 mai
2020.
238www.village-justice.com
239 Maurice Cozian, op.cit. p.227.
67
Etant donné que pendant toute cette période, la
société est sensée être toujours en pleine
exercice,240et conserve par conséquent sa personnalité
juridique, un liquidateur doit être nommé, celui-ci est
obligé, à cet effet, de servir l'intérêt
social.241
A. Le liquidateur et son mode de nomination
Qu'est-ce qu'un liquidateur (1) et quel est le mode de sa
désignation (2) ?
A.1. La notion de liquidateur
Devant le constat que le législateur burundais, au
lieu de dire avec précision ce qu'on entend par liquidateur n'a
indiqué que son mode de désignation, nous allons utiliser la
définition tirée du Glossaire Juridique. Celui-ci nous le
dépeint comme : « toute personne désignée par
l'Assemblée générale extraordinaire ou le Président
du Tribunal de Commerce lorsqu'une société est dissoute, soit par
l'effet de la loi, soit pour des raisons statutaires, soit encore en raison
d'une mésentente entre associés qui en paralyse le
fonctionnement, pour procéder à la liquidation de la
société. 242 »
C'est donc à l'Assemblée
générale, qui demeure le détenteur du pouvoir
suprême243 de décider de la désignation du
liquidateur. En outre, ce dernier est nommé dans le but d'assurer les
intérêts des actionnaires et de servir l'intérêt
social.
A.2. Nomination du liquidateur
Le législateur burundais a fait de la nomination du
liquidateur une obligation. Il a recommandé aux associés «
de nommer un liquidateur et fixer les conditions de liquidation en
Assemblée générale extraordinaire dès la fin de
l'acte de dissolution. 244» L'acte de nomination et de
révocation d'un liquidateur, quelle que soit la forme, doit être
affiché au panneau du tribunal compétent dans un délai
d'un (01) mois pour qu'elle soit opposable aux tiers. Ceux-ci doivent
être avertis rapidement et efficacement de la dissolution de la
société et de la nomination du liquidateur.
240 Nany Elodie MABIKA ITSIEMBOU, op.cit. p.307.
241 Ibidem
242Phillipe Pernaud Orliac, Glossaire juridique,
trouvé sur le site internet:
https://www.pernaud.fr/info/glossaire/9206786/liquidateur.ste
243 Philippe Merle, Anne Fauchon op.cit. p.592.
244 Article 122 CSP&PP
68
A notre avis, en déterminant le délai de
nomination, le législateur a voulu protéger
l'intérêt social et les intérêts des actionnaires
contre les organes dirigeants qui seraient tentés de profiter de ce
« vide » pour détourner les biens de la
société.
La loi laisse aux actionnaires la liberté de
désigner eux-mêmes le liquidateur conformément aux statuts
de la société. Mais si, en vertu du silence des dispositions des
statuts245, les associés n'ont pas nommé un
liquidateur, celui-ci le sera par le Président du Tribunal de Commerce,
statuant sur requête de tout intéressé.246 La
nomination d'un liquidateur est donc, logiquement, d'ordre public, car la
liquidation est un moment important au cours duquel le liquidateur
réalise l'inventaire des actifs et des passifs.247
Malgré la délicatesse de sa mission, le
législateur burundais n'a pas voulu imposer aux actionnaires le profil
du liquidateur. Il leur a donné toute la liberté de le faire
eux-mêmes : ils peuvent solliciter les services d'un ancien dirigeant de
la société, d'un associé, ou encore d'un professionnel,
pourvu qu'il ne soit pas frappé
d'incompatibilité.248
Alors qu'en France, pour éviter que la liquidation
s'éternise, la durée du mandat du liquidateur est limitée
à trois (03) ans, avec possibilité de
prolongation,249 le législateur burundais, lui, ne donne
aucune précision quant à cette durée, se contentant de
limiter à trois ans l'action contre les associés non liquidateurs
ou leurs héritiers ou ayants cause.
Cette prescription commence à courir à la date
de l'affichage, au panneau du Tribunal de Commerce ou, à défaut,
du Tribunal de Grande Instance du ressort de la Société, de
l'acte de dissolution.250
Ici, il y a lieu de se poser une question : en
s'éternisant au poste de liquidateur, celui-ci ne risque-t-il pas de
grever le boni de liquidation que les actionnaires espéraient percevoir
à la fin des opérations ?
C'est ce que les actionnaires peuvent redouter et qui pourrait
les empêcher d'arriver au consensus au moment de la nomination du
liquidateur. C'est ici que le juge intervient dans le processus (B).
245 C'est le cas par exemple des dispositions des statuts de
la Sosumo qui ne prévoient nulle part le rôle du liquidateur dans
la société.
246Idemp.163.
247Ibidem
248 Etienne GROSBOIS, Responsabilité civile et
contrôle de la société, Université Caen Basse
Normandie, thèse
de doctorat 2006, P.204
249 Philippe Merle, Anne Fauchon, op.cit. p.224
250 Article 115 du CSP&PP.
69
B. L'intervention du juge dans la nomination du
liquidateur
B.1. Une nomination qui doit être
distinguée de celle d'un liquidateur judiciaire
Au sens du droit des sociétés, lorsqu'une
société est dissoute, soit par l'effet de la loi, soit pour des
raisons statutaires, soit encore en raison d'une mésentente entre
associés qui en paralyse le fonctionnement, les associés
procèdent à la liquidation de la société. Pour
procéder à l'opération, il convient de désigner un
liquidateur qui succèdera aux dirigeants en place.
La désignation du liquidateur comme nous l'avons vu
plus haut peut être prévue dans les statuts par les
associés tout en fixant les conditions de liquidation à
défaut toute personne intéressée peut demander en justice
la nomination du liquidateur.251 Il ressort donc que la nomination
d'un liquidateur est d'ordre public. Ce qui est logique puisque le liquidateur
réalise l'inventaire des actifs et du passif.252
La jurisprudence française, considère que la
désignation du liquidateur par le juge intervient en cas
d'impossibilité des associés de désigner un
liquidateur.253Il sied donc de constater que le juge n'intervient
qu'en cas de mésentente entre associés paralysant le
fonctionnement de la société c'est-à-dire quand les
associés ne sont plus d'accord sur les décisions à
prendre, et suivant la répartition du capital aucune majorité ne
peut se dégager pour qu'une Assemblée générale
statue.
L'appréciation des faits constitutifs de la
mésentente doit être effectuée au moment de la
décision de justice254 et elle est
souveraine.255
B.2. La désignation du liquidateur par le
juge, un acte préventif de la paralysie de la
société
La nomination d'un liquidateur est obligatoire et conditionne
la survie de la personnalité de la société.256
Cette survie est cruciale surtout pour les parties prenantes à la
société à savoir les clients, les fournisseurs, les
actionnaires éventuels, le fisc etc. qui ont intérêt
à ce que la société reste viable. C'est pourquoi en cas de
la cessation de l'objet social de la société, si les
251 Article 104 CSP&PP 252Ibidem
253 Cass com 27 novembre 2019 n° 18-20479
254
Cass. com. 4-12- 1968 : JCP 1969 IV p.
23
255
Cass. com. 25-2- 1964 : Bull. civ. III
° 98
256 E. BORONAD-LESOIN, « La survie de la personnalité
morale dissoute », RTD com. 2003, p. 1 - A.
BOUILLOUX, « La survie de la personnalité morale
pour les besoins de la liquidation», Rev. sociétés
1994, p. 393, cité par Etienne Grosbois, op.cit. p.203
70
actionnaires ne parviennent pas à se mettre d'accord
sur la nomination du liquidateur, le législateur burundais a
prévu la nomination du liquidateur par le Tribunal.
Etant donné la situation particulière dans
laquelle se trouve la société et qu'elle doit continuer ses
activités pour le besoin de toute personne qui y trouve un
intérêt, on voit ici que le législateur n'a pas
exigé à la personne qui veut demander la nomination du
liquidateur la possession d'un nombre d'actions dans la société.
Il suffit seulement que la personne constate qu'il y a eu mésentente
entre actionnaires de pouvoir désigner le liquidateur. Pour mieux
comprendre le rôle du liquidateur, il convient d'analyser ses missions
(Paragraphe2).
Paragraphe 2 : La mission du liquidateur
La mission du liquidateur est intimement liée à
son mode de désignation. Mais dans tous les cas que ce soit en cas de
liquidation à l'amiable (A) ou judiciaire (B), il a de grandes
responsabilités tant envers les créanciers qu'envers les
débiteurs de la société.
A. La mission du liquidateur « amiable »
En cas de liquidation, les associés doivent nommer un
liquidateur Cette obligation légale est prise en Assemblée
générale extraordinaire. Au cours de celle-ci, les
associés fixent les conditions de la liquidation.257 La
mission principale du liquidateur est de réaliser l'actif. Pour cela, il
dispose des pouvoirs de recouvrer toutes les créances sociales, quel que
soit le débiteur y compris les associés. Il doit également
procéder à la vente de tous les actifs de la
société Il est également libre du choix du mode de cession
dans le respect de l'intérêt de la société.
Le liquidateur dispose des pouvoirs de transiger et de
compromettre. Mais, le liquidateur doit tenir régulièrement
informés les actionnaires, car la survie de la personnalité
morale permet le respect des rites sociétaires.258
La liquidation amiable de la société impose
l'apurement intégral du passif. Le liquidateur doit ainsi payer les
créanciers de la société. Celle-ci n'étant pas
placée sous le régime des procédures collectives, le
principe applicable est le droit commun. Les créanciers sont donc
payés « au prix de la course» voire par compensation.
Néanmoins, en cas d'opposition d'un créancier, le paiement devra
se faire « au marc le franc» sous contrôle
judiciaire.259
257 Article 104 du CSP&PP
258 Philippe Merle, Anne Fauchon, op.cit. p.224.
259G. RIPERT et R. ROBLOT par M. GERMAIN, op. cit.
p. 117
71
En pratique, le liquidateur s'efforce
généralement de réaliser un état liquidatif avant
de payer les créanciers afin de faire apparaître le passif
privilégié, le passif chirographaire et des éventuels
prêts participatifs qui seront remboursés en
derniers.260 La distribution des fonds se fera selon les
modalités prévues dans l'acte nominatif en cas de liquidation
amiable, et librement, en cours de procédure, en cas de liquidation
judiciaire.261
Au Burundi, les conditions de liquidation sont prévues
par les articles 102 à 115 du CSP&PP. En effet, ces articles
précisent les modalités de liquidation, la nomination d'un
liquidateur ainsi que les personnes ayant qualité pour nommer le
liquidateur.
En cas de liquidation, les associés ont l'obligation de
nommer le liquidateur au cours d'une Assemblée générale
ordinaire. S'ils ne le font pas, toute personne intéressée peut
demander en justice la nomination d'un liquidateur.
Aussi, le législateur a prévu des mesures
préventives pour éviter que des personnes ayant eu dans la
société qualité d'associé en nom, de Gérant,
d'Administrateur, de Directeur Général, de membre du Conseil de
Surveillance, de membre du Directoire, de Commissaire aux Comptes ou de
Contrôleur, ne puissent profiter de leur position dans la
société pour s'octroyer des avantages dans la
société en liquidation.
Pis encore le législateur burundais interdit
formellement la cession de tout ou partie de l'actif de la
Société en liquidation au liquidateur, à ses
employés, conjoint, ascendants, ou descendants, frère, soeur ou
alliés jusqu'au deuxième degré.262
B. La mission du liquidateur d'une société
en liquidation judiciaire
Dès sa nomination, le liquidateur se substitue aux
organes de direction qui perdent leurs pouvoirs de gestion et de
représentation à compter de la dissolution de la
société.263 Le liquidateur est désormais le
seul représentant de la société.264Une fois
donc nommé, il dessaisit le débiteur de la libre disposition de
ses biens, mais il doit remplir sa mission avec diligence, car en cas de
mauvaise exécution, il peut encourir des sanctions pénales et
même civiles.
260 Philippe Merle, Anne Fauchon op. cit. p.165
261Cass. Com., 19 janv.
1993, n° 91-10534
262 Article 108 du CSP&PP.
263 Maurice Cozian, Alain Viandier, Florence Deboisssy,
op.cit. p.224
264 Com. 6 juin 1990, Bull Jolly, 1990, 866 n° 262
B.1. 72
Le dessaisissement du débiteur
Une fois que le jugement d'ouverture de liquidation est
prononcé par le Président du Tribunal de commerce ou
Président du Tribunal de Grande Instance, le débiteur est
substitué sur la libre disposition de ses biens par le liquidateur
nommé à cet effet.
Un liquidateur est donc nommé par le jugement de
liquidation et en prenant la place du dirigeant légal de la
société, il devrait en même temps prendre sa qualité
de contrôleur. Le dessaisissement prive le débiteur de tous ses
pouvoirs d'administration et de disposition sur ses biens. En principe, le
liquidateur est le mandataire judiciaire jusqu'à lors chargé de
représenter les créanciers, sauf décision
spécialement motivée.
Il est chargé de poursuivre l'oeuvre du mandataire
judiciaire, c'est-à-dire de vérifier les créances et en
dresser la liste, prendre les mesures conservatoires, représenter la
société en justice, et plus généralement de
procéder aux opérations de
liquidation.265
La mission du liquidateur judiciaire ne concerne que les
actes relatifs aux biens de ce dernier.266 En effet, les anciens
dirigeants ne sont en principe plus en mesure de représenter la
société.267Ils ne peuvent plus convoquer
l'Assemblée générale, récuser le liquidateur
judiciaire ou encore représenter la société en
justice.268Mais, les associés gardent un oeil sur la
liquidation de leur société pour surveiller si le liquidateur ne
commet pas d'abus.
B.2. Responsabilité pénale du
liquidateur
Dans l'exécution de sa mission, le liquidateur doit
accomplir certains actes et ne pas en omettre certains autres, car les
sanctions pénales supposant omission consciente ou de mauvaise
foi269. Mais, ce qu'il faut souligner ici c'est que les statuts ou
une convention entre associés peuvent toutefois modifier les obligations
des liquidateurs.270 Les infractions peuvent également
résulter de la commission ou de la négligence.
265M. JEANTIN et P. LE CANNU, Droit commercial,
Entreprise en difficulté, Dalloz 7èmeéd.
2007, p. 706
266JCl. Commercial, Fasc. 2702, par J.
VALLANSAN et M. BEAUBRUN
267Cass. com., 15 mai
2001, n° 98-15106 : « si le débiteur est recevable
à former un pourvoi contre
l'arrêt qui statue sur la liquidation de ses actifs, il
ne peut, s'agissant d'une personne morale dissoute en
application
de l'article 1844-7.7 du Code civil et dont le dirigeant est
privé de ses pouvoirs à compter de la liquidation
judiciaire,
exercer ce droit que par l'intermédiaire de son
liquidateur amiable ou d'un mandataire ad hoc»
268 Etienne Grosbois, op.cit. p.209
269Jean Larguier, Philippe Conte, op.cit
p.401.
270Crim. 9 mai1977, B.163
73
Ainsi, le liquidateur est responsable à l'égard
tant de la société que des tiers des conséquences dommages
des fautes par lui commises dans l'exercice de ses fonctions, le liquidateur
qui refuse ou néglige de communiquer aux associés les comptes de
liquidation et/ou de convoquer l'Assemblée
générale.271
Aussi, en cas de mauvaise foi, il est pénalement
responsable. Celle-ci se manifeste quand le liquidateur aura fait des biens ou
crédit de la société en liquidation un usage qu'il savait
contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins
personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise
à laquelle il était intervenu directement ou indirectement
(...).272
Les peines encourues varient d'une servitude pénale
d'un an à cinq ans de prison et d'une amende de cent mille à un
million de francs burundais.273
Les actionnaires en créant la société
n'ont qu'une seule idée en tête, celle de la voir prospérer
et générer des bénéfices. Mais, une fois que
celle-ci voit le jour, elle suscite trop de convoitises et de hantises que des
tensions entre coassociés surgissent et qui si on n'y prend pas garde
risquent de provoquer la disparition de la société.
Pour éviter cet état de fait, le
législateur burundais à l'instar des autres législateurs a
mis en place une législation permettant aux actionnaires d'être
régulièrement informés sur la situation de leur
société et poser des questions aux dirigeants de la
société chaque fois qu'il existe des points obscurs dans la
gestion de biens de la société.
Bref, les actionnaires doivent se sentir comme dans « une
maison en verre» pour permettre la confiance entre actionnaire et les
dirigeants mandatés par ces derniers et qui ont du reste l'obligation de
résultat envers ceux qui les ont donnés mandat.
En outre, comme dans toute démocratie, le pouvoir
appartient aux actionnaires et corollairement à celui-ci, les
actionnaires ont droit de participer aux Assemblées
générales et d'y prendre la parole.
Mais, comme dans toute la vie sociale, il peut survenir des
crises aux sein des actionnaires et afin que ceux-ci ne puissent porter
préjudice à la société et décourager les
parties prenantes de celle-ci, le législateur a prévu des
mécanismes de prévention de conflits potentiels et en cas de
survenance de tels conflits, il a mis en place des organes pouvant les
régler.
271 Article 114 du CSP&PP
272 Article 164de du CSP&PP.
273 Article 477 et 482 de la loi n° 1/27 du 29
décembre 2017 portant révision du code pénal.
74
Enfin, comme toute personne, la société peut
mettre fin à ses missions par liquidation amiable des actionnaires ou
sur décision de justice. Etant donné que la société
atteint une étape ultime, le législateur a prévu un
arbitre appelé liquidateur pour gérer les biens de la
société afin de faire rentrer dans leurs droits toute personne
qui avait intérêt dans la société y compris les
actionnaires minoritaires.
75
CHAPITRE III : LA PROTECTION DES ACTIONNAIRES
MINORITAIRES
« La démocratie, ce n'est pas la loi de la
majorité, mais la protection de la minorité.274 »
Cette citation du célèbre philosophe Albert Camus peut
s'appliquer aux sociétés anonymes. En effet, la
société anonyme est la forme capitaliste de concentration du
pouvoir par excellence, dans laquelle les actionnaires sont liés
à leur société par la détention d'un titre
négociable.275
Leur intervention dans la vie de la société ne
s'effectue que par le biais des Assemblées au sein desquelles les
décisions se prennent à la majorité. Lorsqu'on parle de
majorité, il faut comprendre que dans une société
donnée, l'actionnaire ou les actionnaires, grâce au nombre
d'actions qu'ils y détiennent, sont assurés d'être les
maîtres du jeu au cours d'un vote et que par conséquent ils
pourront faire passer toutes les décisions qu'ils proposeront et face
auxquelles tous les autres actionnaires n'auront qu'à s'incliner.
C'est dire que la participation des actionnaires à la
vie de la société sera déséquilibrée et que
des abus ne manqueront pas d'être commis : les actionnaires majoritaires
peuvent user abusivement de leur position et ainsi léser les
intérêts des actionnaires minoritaires en prenant les rênes
du pouvoir et en dirigeant la société pour leur propre
intérêt personnel.276 C'est pourquoi la protection des
intérêts des actionnaires minoritaires s'avère primordiale
au sein du gouvernement des entreprises et, est un gage de bonne santé
d'une démocratie actionnariale.277
Dans le souci de promouvoir cette dernière, le
législateur burundais a mis en place un cadre légal
destiné à barrer la route aux éventuelles dérives
des actionnaires majoritaires ainsi qu'à celles, toujours possibles
également, des actionnaires minoritaires. Pour mieux
comprendre toutes les arcanes de cette question, nous allons essayer
d'élucider les raisons pour lesquelles les actionnaires doivent
être protégés contre l'abus de majorité (section 1),
ainsi que les possibles recours procéduraux contre ce dernier (section
2).
274 Albert Camus, in Carnet III trouvé sur Internet
www.dicocitation.com,
consulté le 10décembre 2020 275Maurice Cozian, Alain
Viandier, Florence Deboissy, op.cit. p. 314.
276 Michel Germain, les droits des minoritaires (droit
français des sociétés, revue internationale de droit
comparé 2002, volume 54, p.409
277 El Madaani Ismaël, La protection des actionnaires
minoritaires au sein de la société anonyme, Institut
Supérieure de Magistrature de Rabat, Mémoire, année
académique 2010-2011, p.5
76
Section 1 : La protection contre l'abus de
majorité
Les actionnaires, en décidant de mettre en commun leurs
biens en numéraires ou en industries, acceptent de partager les
bénéfices, mais aussi de supporter les éventuelles pertes
que cette société pourrait subir pour des raisons ou
d'autres.278 Il faut souligner que cette communauté de vie
n'est possible que si les actionnaires sont animés par l' affectio
societatis , c'est-à-dire cette volonté de collaborer de
façon effective à l'exploitation de la société pour
l'intérêt commun et sur un même pied
d'égalité.279
Autrement dit, tous les associés doivent se
considérer comme unis aux uns et aux autres par la volonté de
poursuivre ensemble l'oeuvre commune.
De fait, plus qu'un consentement ordinaire à un
contrat, l'associé manifeste la volonté de participer à
une aventure collective.280Il ne s'engage donc pas uniquement
à libérer son apport, mais à collaborer à une
entreprise commune et pour un intérêt commun. Ainsi, bien que ne
pouvant peser que d'un poids relatif sur la prise de décisions sociales
l'actionnaire minoritaire, en vertu de l'affectio societatis, se doit
de jouer démocratiquement son rôle.281Cela se traduira
par sa participation active aux Assemblées délibérantes
où il devra prendre part aux débats, par exemple en interpellant
les dirigeants de la société et, parfois même, en
exerçant son droit à la dénonciation des
irrégularités et abus relevés chez eux auprès des
instances judiciaires.
L'affectio societatis » implique donc pour les
actionnaires de n'avoir aucune attitude passive qui pourrait porter atteinte
à l'intérêt social. Ils s'engagent donc dans un contrat
social qui vise à protéger surtout les actionnaires minoritaires
contre l'abus de majorité (paragraphe 1) et leur donne un droit de
poursuite contre ceux qui le commettent (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Notion d'abus de majorité
Le Philosophe Montesquieu avait justement observé que
« C'est une expérience éternelle que tout homme qui a du
pouvoir est porté à en abuser. 282» Tirant
la leçon de cette citation aussi bien le législateur burundais
que celui communautaire de l'OHADA ont prévu des dispositions visant
à protéger les actionnaires minoritaires contre des abus
éventuels des
278 Article 2 du CSP&PP
279Anthony Bem, la protection des actionnaires
minoritaires, trouvé sur le site Internet :
www.cabinetbem.com
280Mama Otabela Hugues Joël, le contrôle de la
société anonyme par les actionnaires minoritaires, Revue
Horizon du Droit, Bulletin n° 13, p.4
Idem p.5.281
282 Charles de Secondat Montesquieu, op.cit. p.112
77
majoritaires. Et l'on sait bien que l'abus de majorité,
dont il convient avant tout de bien circonscrire toutes les nuances (A) a des
conséquences néfastes sur la vie sociale de la
société (B).
A. Définition de l'abus de majorité
Le principe cardinal en matière de gestion des
sociétés est que les décisions se prennent à la
majorité, devant laquelle la minorité doit s'incliner. C'est un
gage d'efficacité par rapport au droit commun des contrats, lequel
repose, en principe du moins, sur la règle de
l'unanimité.283 Ainsi, dès lors qu'on parle d'abus de
majorité, il faut le comprendre aussi bien sur le plan législatif
(1), que jurisprudentiel et doctrinal (2).
A.1. Définition légale de l'abus de
majorité
C'est l'article 60 al.2 du CSP&PP qui définit cette
notion. D'après cet article, il y a abus de majorité lorsque
les Associés majoritaires ont voté une décision dans leur
seul intérêt, contrairement aux intérêts des
associés minoritaires, et que cette décision ne puisse être
justifiée par l'intérêt de la
société.
Comme on le voit, l'existence de l'abus de majorité
suppose la réunion préalable de deux conditions : la violation de
l'intérêt social et la rupture de l'égalité entre
associés.
Il est vrai que le droit de vote est une prérogative
que la loi reconnait à l'actionnaire.284Mais en
exerçant ce droit, les actionnaires majoritaires ne doivent pas en
abuser dans le seul dessein de nuire aux actionnaires minoritaires. Il en
serait de même si la résolution litigieuse prise était
contraire à l'intérêt général et
l'était dans l'unique dessein de favoriser les membres de la
majorité au détriment de ceux de la
minorité.285 Par exemple, il y aurait abus de majorité
si l'on votait pour la transformation d'une société anonyme en
une société en commandite simple.
Le pouvoir majoritaire n'étant pas un pouvoir absolu,
la loi encadre son exercice en conférant à l'actionnaire
minoritaire le droit d'attaquer en justice les délibérations
prises au mépris de l'intérêt social. Du reste,
l'actionnaire majoritaire est le mandataire de l'Assemblée
générale
283 Maurice Cozian, Alain Viandier, Florence Deboissy,
op.cit. p.189.
284 Yves Guyon, op.cit. p.311
285 Grégoire GIOGUE, se repérer parmi les
types de sociétés admises par l'OHADA, thème
présenté lors d'un séminaire organisée par
l'Association pour l'Efficacité du droit et de la justice dans l'espace
de l'OHADA (AEDJ), p. 66.
78
dans son ensemble et non celui d'un groupe particulier
d'actionnaires.286C'est pourquoi il doit agir en recherchant
l'intérêt général, sinon il violerait la loi et ses
engagements envers la société.
Néanmoins, la définition légale qui nous
est donnée manque de précision et nous laisse sur notre soif car
elle ne nous indique pas quels sont les actes ou les décisions
caractéristiques de l'abus de majorité. Fort heureusement la
doctrine et la jurisprudence viennent combler cette lacune
(2).287
A.2. Définitions doctrinale et jurisprudentielle
de l'abus de majorité
Pour Tricot, « l'abus de majorité n'est
caractérisé qu'en cas de détournement de pouvoir, et la
décision prise ne doit s'expliquer que par l'intérêt
égoïste contraire à l'intérêt social et qui
vise à sacrifier les intérêts légitimes des
minoritaires.288 » En usant de leurs
prérogatives, les actionnaires majoritaires se doivent de
prendre en considération les autres intérêts en
présence et non se cantonner à la satisfaction exclusive des
leurs.
Comme l'a si bien dit Emmanuel Gaillard, « le droit
de vote est orienté vers un but qu'il est tout entier ordonné
à la satisfaction d'un intérêt qui ne se confond jamais
totalement avec celui de son titulaire. 289 » En entrant dans la
société, l'actionnaire accepte de subordonner son
intérêt individuel à l'intérêt social dans les
limites fixées par la loi et les statuts.290
En outre, le titulaire du droit de vote doit à la fois
rechercher la satisfaction de son intérêt personnel et celui de
son partenaire. Ici cependant, Schmidt trouve cette conception embarrassante,
car pour lui, si l'une des missions traditionnelles du droit est la protection
du faible, cela conduit à remettre en cause la loi de la majorité
qui relève de la philosophie même du droit des
sociétés.291
Cet embarras de Schmidt est compréhensible. Les
sociétés anonymes se caractérisent par une
démocratie totale où les décisions sont prises à la
majorité et où les minorités doivent s'incliner devant
celle-ci. Ces dernières ne peuvent donc pas se prévaloir d'un
abus de majorité pour bloquer le fonctionnement de la
société.
286Seniadja Adjo Flavie, op.cit. p.40
287 Yves Guyon op. cit. p. 475
288 D. Tricot, abus de droit dans les
sociétés, abus de majorité et abus de
minorité, RTD com. 1994, p.617, citée par Maurice Cozian et
Consort, op.cit. p.189.
289 Emmanuel Gaillard, Le pouvoir en droit
privé, Economica, 1985, n° 235, cité par MAMA OTABELA
Hugues Joël, op.cit. p.6
290 Yves Guyon, op.cit. p.476.
291 D. Schmidt, Le droit de la minorité dans les
sociétés anonymes, cité par Yves Guyon, idem.
p.474.
79
La jurisprudence elle, considère qu'il y a abus de
majorité quand la résolution prise par une Assemblée
d'actionnaires est contraire à l'intérêt social et qu'elle
l'a été dans l'unique dessein de favoriser des membres de la
majorité au détriment des membres de ses
auteurs.292 En d'autres termes, l'existence de l'abus est
conditionnée par la réunion de deux
éléments293 :
- un élément objectif - un élément
subjectif
Ici, on voit que la rupture de l'égalité des
sociétaires doit être intentionnelle, même si pour la
Jurisprudence, elle ne fait pas partie des éléments
caractéristiques d'une intention de nuire.
L'abus de majorité nécessite donc la
démonstration cumulée d'une atteinte à l'équilibre
des intérêts des associés et de la société
elle-même. Pour le Professeur Maurice Cozian, l'abus de majorité
relève, non d'un contrôle d'opportunité, car il ne s'agit
pas seulement d'apprécier si la décision litigieuse est
inopportune, mais d'un contrôle de légalité, car il s'agira
de juger si la décision inopportune est destinée à rompre
l'égalité entre associés, c'est-à-dire à
rompre la communauté d'intérêts qui doit exister entre eux
en application de l'article 1833 du Code civil.294
En jurisprudence, des cas de poursuite d'intérêts
égoïste par la majorité ont été établis
lors de la répartition des réserves ou des
bénéfices.
En effet, les associés minoritaires désirent
généralement percevoir immédiatement les dividendes alors
que les majoritaires aspirent à mettre en réserve le
bénéfice afin d'assurer la prospérité et la
pérennité de la société.295 Dans un
arrêt célèbre du 27 avril 2011, la Cour de Cassation a
désigné comme abus de majorité la mise en réserve
systématique de l'intégralité des bénéfices
pendant plusieurs années puisque les sommes coïncidant à ces
bénéfices n'avaient pas été utilisées pour
les investissements.296
Cette jurisprudence est une parfaite illustration de la
recherche de l'intérêt individuel au détriment de
l'intérêt social alors que celui-ci, boussole d'une
société, constitue l'élément
292 Com. 30 nov.2004, n° 01.16.581, Bull. Joly 2005, 241,
n° 42, P. Le Cornu, Voir aussi,
Cass. Com. 18 avr. 1961, JCP, 1961. II .
12 164, D. Bastian.
293 Alexandra Six, conflits d'associés et abus de
majorité : définition et sanction, trouvé sur le site
internet :
www.villagedelajustice.com
294 Maurice Cozian et Consort. Op.cit. p.189
295Cass. Com 17 juin
2008, n° 06-15.545, Bull.Civ.IV, n° 125, Bull Jolly,
société 2008, p.965. note F.X
Lucas. 296Cass. Com. 27 avril
2011, n° 10-17.778, JCP.E.2011 n° 1384
80
substantiel de son existence et témoigne de la
volonté des associés de collaborer sur un pied
d'égalité au succès de l'entreprise commune.297
(B)
B. Intérêt social comme
élément de qualification de l'abus de majorité
En décidant de créer une société,
les actionnaires conviennent d'atteindre un certain objectif qui est de mettent
d'abord en avant l'intérêt de la société.
Consécutivement à cette logique, l'intérêt des
associés doit s'effacer devant celui de la
société.298 L'intérêt social se
présente donc comme l'intérêt supérieur de la
personnalité morale elle-même, c'est-à-dire celui de
l'entreprise perçue comme un agent économique poursuivant des
objectifs propres. En d'autres termes, cet intérêt constitue
« une boussole de la société» qui détermine la
conduite à tenir dans le cas de la gestion de la
société.299
Cette notion d'intérêt général n'a
été définie ni par le législateur burundais ni par
d'autres législateurs comme celui de l'OHADA. L'analyse de
l'intérêt social prend en compte l'intérêt des
associés en même temps que celui de la société qui
naît à l'occasion de la signature des statuts ou de
l'immatriculation au registre de commerce et des sociétés (1) et
qui doit être différent de l'intérêt individuel de
chaque associé (2).
B.1. Intérêt social comme intérêt
des associés en général et de la société en
particulier
Les divergences entre associés ne sont pas uniquement
liées aux questions de bonne gestion de la société par les
organes sociaux. Entrent en jeu également les « conflits
d'intérêts» entre actionnaires minoritaires et actionnaires
majoritaires, à partir du moment où ils ne parviennent pas
à se mettre d'accord sur la défense de l'intérêt
social au motif que les majoritaires tentent d'imposer leur choix de politique
sociale.300
Une pareille attitude s'oppose aux objectifs de la
société qui, comme l'affirme le doyen Carbonnier, est plus qu'un
contrat, « un organisme vivant ».
La société n'est pas d'essence individualiste,
mais bien l'oeuvre d'un travail collectif, d'un groupe d'individus dont les
intérêts convergent.301 Cette affirmation est
confirmée par l'autre idée que l'intérêt social de
la société représenterait l'intérêt
supérieur de la personne morale.
297 Philippe Merle, Anne Fauchon, op.cit. p.77.
298 Sylvain Sorel KautéTameghé,
interrogations sur l'abus de minorité dans l'acte Uniforme relatif
au droit des sociétés commerciales et du groupement
d'intérêt économique, Voix du Web juridique, p.8.
299Idem, p.9.
300 Aude-Marie Cartron et Boris Martor, L'associé
minoritaire dans les sociétés régies par le droit OHADA,
Cahier de droit de l'entreprise n° 1, Janvier-février 2010,
p.28.
301 Carbonnier (J), Droit Civil, Théorie des
Obligations 14ème éd. Paris, PUF, 1990, p.203.
81
En cela, il diffère de l'intérêt commun
des associés qui, quant à lui, veut que chacun participe à
l'enrichissement social en proportion de ses droits
individuels.302
Mais, pour la bonne marche de la société, il
doit y avoir une certaine convergence entre l'intérêt de la
société et la somme des volontés individuelles des
associés.303 L'intérêt collectif porté
par la personne morale va transcender les intérêts
catégoriels. Ainsi, l'intérêt social serait donc celui de
l'entreprise et c'est à celui-là que les dirigeants sociaux
doivent se conformer. Cet intérêt engloberait celui des
salariés, des créanciers, des clients, voire de
l'État.304
Au vu des controverses que soulève la notion
d'intérêt social, il se pose la question de savoir quel
critère servira à déterminer le sens qu'elle renferme. En
effet, la jurisprudence recourt souvent à la notion
d'intérêt social bien au-delà de l'hypothèse
où celui-ci est évoqué expressément ici, pour
l'utiliser dans des domaines aussi variés que la nomination d'un expert
de gestion, d'un administrateur provisoire en cas de crise grave ou d'un
mandataire chargé de convoquer l'assemblée à la demande
d'un ou de plusieurs actionnaires, etc.305
De même, le juge considère que
l'intérêt social concerne beaucoup plus celui de la
société que celui des associés majoritaires.
Ainsi, la Cour de Cassation a notamment jugé que la
perte de confiance des associés ne suffit pas pour constituer un motif
juste de révocation, dès lors que la Cour d'appel n'était
pas parvenu à fournir les preuves irréfutables que le
comportement du dirigeant « pouvait constituer une faute de gestion ou
était de nature à compromettre l'intérêt social ou
le fonctionnement de la société.306
D'après cette jurisprudence, les dirigeants de la
société doivent privilégier les intérêts de
cette dernière plutôt que de se plier aux exigences des
actionnaires qui, dans la plupart des cas, ne recherchent que leurs propres
intérêts.
En réalité, l'intérêt social est
créé à l'image de la société
elle-même. En effet, la politique sociale doit être menée en
ne perdant pas de vue la légitimité originelle des
associés, tout en
302 Isabelle Cadet, l'intérêt social, concept
à risques pour une nouvelle forme de gouvernance, Management et
sciences sociales n° 13, juillet-décembre 2012, Ethique et
Gouvernance, p.4
303Idem, p.6
304 Arrêt Fruechauf, C.A. Paris, 22 mai 1965,
J.C.P., 1965, II, n° 14274 bis, concl. Nepveu ; D.,
1968, Jurisp., p.147, note R.Contin.
305Stéphane Rousseau**, Ivan
Tchotourian, « L'intérêt social » en droit des
sociétés : Regards transatlantiques trouvé sur
www.halarchive.fr.
Consulté le 20 avril 2021.
306Cass. com., 4 mai
1993, n° 91-14693 : préc. note 501
82
se rappelant que la société n'est qu'un acte
juridique.307 Pour le fonctionnement de la société, le
bon sens doit prédominer dans les décisions sociales. Ainsi, les
dirigeants et les associés doivent pouvoir se rémunérer,
valoriser le capital tout en pérennisant la société. Les
membres associés se doivent de respecter l'intérêt social,
car c'est un standard qui s'impose aux uns et aux autres.
B.2. Intérêt social et objet social : Deux
notions clés pour le fonctionnement de la
société
L'intérêt social répond à des
enjeux essentiels en termes de politique, de marchés et de gouvernance
d'entreprise. Tout d'abord, l'intérêt social guide la mise en
oeuvre de la politique définie par la société, notamment
de décisions en matière d'investissement, de distribution de
dividendes ou d'absorption d'une autre entreprise. L'intérêt
social a également des incidences sur le marché. Celui-ci doit
être en mesure de connaître l'objectif poursuivi par la
société afin de permettre la prise des décisions
efficientes. Cette exigence constitue la base même d'un bon
fonctionnement des marchés financiers d'acquisition, de conservation ou
de cession des titres pertinentes.308
Enfin, les pouvoirs des organes dirigeants, qui ne sont pas
sans limites, varient en fonction de la manière dont ils comprennent la
place de l'intérêt social dans le fonctionnement de la
société. En effet, c'est ce dernier qui détermine la
portée de l'espace discrétionnaire de ces organes en raison du
droit de contrôle et des conditions de responsabilité qu'il
définit.309
En outre, l'intérêt social anime la gouvernance
des entreprises et détermine l'étendue des missions du Conseil
d'administration.
La notion d'intérêt social présente
d'autant plus d'importance que la gouvernance des sociétés
soulève, à l'heure actuelle, des préoccupations face
auxquelles les sociétés se positionnent avec
difficultés.310 Mais, dans les sociétés mixtes
comme la SOSUMO, la notion d'intérêt social n'est pas vue sous le
même angle par tous les actionnaires. L'actionnaire majoritaire qu'est
l'Etat va d'abord privilégier ses propres intérêts au
détriment de ceux des autres, très minoritaires, qui ne pourront
pas s'opposer aux décisions prises par lui.
307 Carole Ghibaudo, l'intérêt de
définir « l'intérêt social», publié
sur le site internet :
https://blogavocat.fr , le
14/01/2008
308Stephane ROUSSEAU, Ivan TCHOUTOURIAN,
l'intérêt social des sociétés, regards
transatlantiques, article publié dans Chaire de droit des affaires
et du commerce international (C.D.A.C.I)
309Mémento pratique Francis Lefebvre,
Sociétés commerciales, Editions Francis Lefebvre, 2004,
spéc. p.173, n° 1901
310C. Renouard, La responsabilité
éthique des multinationales, P.U.F., 2007, spéc.
p.41 et s
83
Cela n'est pas sans conséquence sur la gouvernance de
la société qui, au lieu de se développer, fait marche sur
place, de sorte que l'État est souvent obligé d'y injecter de
l'argent pour lui permettre de survivre.311
Paragraphe 2 : Sanctions de l'abus de
majorité
En instituant des sanctions contre l'abus de majorité,
le législateur a voulu protéger la société, dont
l'intérêt pourrait être violé. Rappelons en passant
que l'abus de majorité est constitutif d'un détournement de
pouvoir.312 Le juge est donc appelé à remettre les
choses en ordre et, le cas échéant, à prononcer les
sanctions contre les "fauteurs de troubles."313 Ces sanctions sont
prises à l'encontre de ceux qui sont pris en flagrant délit
d'action en abus de majorité contre les minorités (A) car ce
dernier a des conséquences sur la vie de la société
(B).
A. L'action en abus de majorité
L'article 2 du Code de Procédure Civile burundais
définit l'action comme « le pouvoir en vertu duquel un agent ou
un particulier peut saisir une juridiction à l'effet d'obtenir que la
prétention de droit qu'il soutient soit reconnue, protégée
ou restaurée.314 » Ainsi par exemple, pour se
protéger contre les abus des actionnaires majoritaires, les
associés minoritaires contestent parfois les décisions que ces
derniers prennent d'affecter, en tout ou en partie, le bénéfice
distribuable, les privant ainsi de leurs dividendes (1) ou encore celles qui
sont prises au cours de l'Assemblée générale avec comme
seul objectif d'en tirer des avantager à leur seul profit (2).
A.1. Action contre les décisions en rapport avec
l'affectation des réserves
Normalement, il n'y a pas d'abus de majorité lorsque
l'alimentation d'un fonds de réserves a pour objet d'effectuer des
investissements importants ou d'améliorer la trésorerie de la
société. Cependant les associés
minoritaires peuvent introduire une action en justice, lorsqu'ils constatent
que cette opération n'a pour but que de les priver de certains
avantages.
311 En 2010, la Sosumo était à bord de faillite
et pour sauver la société le Gouvernement du Burundi a dû
prendre des mesures préventives pour éviter cette faillite.
312 KATCHUNGA KANEFU Lucien, De l'intérêt
social comme ligne de conduite du juge dans les litiges relatifs à la
gestion des sociétés commerciales, Université
Catholique de Louvain, thèse de doctorat, p.173
313 Maurice Cozian, Alain Viandier, Florence Deboissy,
op.cit. p.189.
314 Article 2 du Code de Procédure civile burundais
84
Ainsi, dans une affaire qui réunissait trois
associés, la Cour de Cassation française a décidé
que deux d'entre eux étaient coupables d'abus de
majorité.315 En effet, les deux détenaient à
eux seuls 95 % du capital et percevaient des rémunérations et
avantages divers versés par la société. Depuis 20 ans, ils
avaient décidé d'affecter, chaque année, au fonds de
réserves, la totalité des importants bénéfices
sociaux. Or, ces réserves avaient été constituées
en fonds dormant pendant que l'associé minoritaire qui n'exerçait
pas de fonctions dans la société ne tirait strictement aucun
profit de sa participation.
La jurisprudence, comme on l'a vu, conditionne l'existence de
l'abus par la réunion de deux éléments : l'atteinte
portée à l'intérêt social par la décision
adoptée et la rupture de l'égalité entre les actionnaires,
au profit des majoritaires. Néanmoins, l'action en justice fondée
sur l'abus de majorité doit demeurer exceptionnelle. Et de fait, afin de
ne pas entraver le fonctionnement normal de la société et pour ne
pas faire obstacle à l'application de la règle de la
majorité, c'est à l'associé qui prétend en
être la victime de prouver son existence.316
Dans un autre cas de figure, les actionnaires minoritaires
peuvent introduire une action en justice lorsque les actionnaires majoritaires
décident d'augmenter la rémunération du dirigeant alors
que le bilan de la société fait ressortir un résultat net
faible.317
De même, l'octroi d'une prime importante au dirigeant
alors que les bénéfices avaient été, pendant
plusieurs années, mis en réserve, peut constituer un abus de
majorité.318
Cependant, il faut ici faire la part de chose. Même si
le partage des bénéfices réalisés répond
à l'objectif même de la société, leur mise en
réserve est également prévue par la loi. C'est une
décision plus que recommandable, car les sociétés
souffrent souvent d'un manque de fonds propres. La mise en réserve n'est
donc pas, a priori, une décision contraire à
l'intérêt de la société ni par conséquent
à celui des associés.
Mais il ne faut pas non plus que la mise en réserve
soit automatique.319 Le but de l'intervention du juge dans ce cas
vient du fait que la société étouffe sous des
réserves sans aucune utilité pour elle et nuit donc à la
santé financière des associés minoritaires. C'est donc
pour protéger les minorités que cette décision
s'impose.
315Cour de cassation du 22 avril 1976 pourvoi n°
75-10735.
316Pierre Cabane, op.cit. p.124
317Cass. com.
20-2-2019 no 17-12.050
318Cass. com.
1-7-2003 no 99-19.328
319Cass. Com. du 6
juin 1990. op.cit.
85
A.2. L'action en abus de majorité contre
l'augmentation des avantages pécuniaires du dirigeant
majoritaire
L'associé majoritaire, en même temps
gérant de la société, peut tromper la vigilance des autres
associés minoritaires et les inciter à constituer des
réserves qui n'ont d'autres finalités que de lui permettre de
s'octroyer des avantages salariaux. Ce qui, au regard de la jurisprudence,
constitue un abus de majorité car se réserver « la part du
lion» serait nier la recherche du « jus fraternitatis » qui doit
animer chacun des associés.320 Cette analyse
du Professeur Philippe Merle corrobore la décision de la Chambre
Commerciale de la Cour de Cassation française qui avait rejeté le
pourvoi en cassation de l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Colmar le 3
juillet 1999.
En l'espèce, il s'agissait de trois associés,
MM. Antoine, Ettore et René X... qui avaient créé en 1976
la société SARL Mecano- soudure dont le capital était
réparti comme suit : Antoine (850 parts), Ettore (840 parts) et
René (860 parts). M. Ettore X... gérant de la
société était rémunéré pour cette
fonction et était muni d'une procuration générale pour
représenter M. René X... lors des Assemblées
générales. Profitant de cette position, il influença les
autres actionnaires qui lui accordèrent des primes et une
rémunération qui lésaient l'actionnaire absent. La Cour a
fondé sa décision sur le fait que la décision
systématique des associés majoritaires d'incorporer le
bénéfice de l'exercice aux capitaux propres ne correspondait pas
à l'intérêt social et qu'elle n'avait pour seul objectif
que d'accorder à un seul associé majoritaire les fruits de la
prospérité de l'entreprise.
La Cour a conclu en disant que l'affectation
systématique des bénéfices aux réserves ne
répondait ni à l'objet ni aux intérêts de la
société ; que ces décisions avaient favorisé les
associés majoritaires au détriment de l'associé
minoritaire et qu'elles revêtaient un caractère d'abus de droit de
majorité. Elle a terminé en affirmant que l'abus commis dans
l'exercice du droit de vote au cours d'une Assemblée
générale affecte par lui-même la régularité
des délibérations de cette Assemblée.321
Cet arrêt vient une fois de plus montrer le
caractère d'intérêt social qui doit animer les actionnaires
: l'intérêt de la société doit toujours primer sur
l'intérêt des associés.
320 Philippe Merle, Anne Fauchon, op.cit., p.71
321Cass. Com, 1er
juillet 2003.
86
Pour le juge, ce n'est pas le fait de donner des avantages au
gérant majoritaire qui est en soi fautif, mais plutôt,
l'intérêt égoïste contraire à
l'intérêt social qui le sous-tend.322 Dans cet
arrêt, le juge ne fonde pas sa décision sur la violation de
l'intérêt social, mais plutôt sur les motivations du
dirigeant actionnaire majoritaire qui, sous couvert de l'intérêt
social, ne cherchait plutôt que l'intérêt personnel.
En effet, les dirigeants en leur qualité de mandataires
sociaux doivent agir dans l'intérêt social et respecter
l'égalité de traitement entre actionnaires. La recherche d'un
« juste milieu» c'est-à-dire d'un difficile équilibre
entre la prise en compte de l'intérêt des associés et celui
de la société semble être le principal souci du juge.
Pour justifier qu'il n'y a pas rupture
d'égalité, les actionnaires majoritaires auront toujours à
soutenir que la décision de mise en réserve des
bénéfices prive tous les associés des dividendes sans
distinction et qu'elle valorise l'ensemble du capital et donc les titres de
tous les associés. C'est précisément ce qu'ont fait ceux
qui ont introduit le pourvoi. Non pas que ces arguments fussent erronés,
mais plutôt par le fait que toute mise en réserve conduit
mathématiquement à un accroissement de la valeur de la
société et corrélativement de celle des parts de
l'ensemble des associés. La rupture d'égalité n'est
simplement pas là où les majoritaires la
contestent.323
Aux termes d'une analyse qui se doit d'être beaucoup
plus globale, il ressort que les majoritaires, seuls et sans partage, tirent de
la thésaurisation systématique beaucoup de
bénéfices. Ces avantages compensatoires, qui ne
bénéficient pas par hypothèse aux minoritaires peuvent
être très divers. Le plus souvent, les majoritaires occupent les
principaux postes de direction et se font octroyer des
rémunérations conséquentes ainsi que des avantages
incommensurables en nature ou des indemnités très
appréciables.
En outre, les actionnaires minoritaires, s'ils sont
lésés par une décision « égoïste »
des actionnaires majoritaires, peuvent saisir le juge. Dans ce cas, ce dernier
peut prononcer la nullité de la décision (1), ou exiger
réparation des dommages causés par elle (2).
322Legi Team, Droit des sociétés
: Une nouvelle illustration de l'abus de majorité des associés au
sein d'une société civile immobilière (SCI),
trouvé sur le site
internet.www.eloquence-avocats.com.
consulté le 3 avril 2020.
323 Alexis Constatin, Bull. Joly n° 11, 2003, p.1137
87
B. Les effets de l'action en abus de
majorité
Une fois que l'abus de majorité a été
constaté par le juge, celui-ci a le choix entre deux alternatives: soit
il annule la décision constitutive d'abus (1), soit il condamne les
actionnaires majoritaires au paiement des dommages et intérêts aux
minoritaires ayant subi le préjudice (2).
B.1. Annulation de la décision constitutive de
l'abus
L'annulation de la décision a pour objectif de
protéger la société dont l'intérêt a
été menacé. L'abus commis dans l'exercice du droit de vote
à une Assemblée générale affecte par lui-même
les délibérations de cette Assemblée, car elle viole le
droit des minoritaires et ne cherche qu'à satisfaire
l'intérêt « égoïste » des majoritaires.
Dans ce cas, les actionnaires minoritaires accusent les
actionnaires majoritaires d'abuser de leurs droits et de gérer la
société non pour l'intérêt général,
mais pour le leur propre.
On dira alors qu'il y a abus de majorité, défini
par la jurisprudence comme une résolution « prise contrairement
à l'intérêt général de la
société et dans l'unique dessein de favoriser les membres de la
majorité au détriment de la minorité. 324»
En fait, l'action en nullité peut être
engagée, ou par tout associé, y compris ceux ayant voté en
faveur de la décision litigieuse, ou par la société
elle-même au travers de son représentant légal.
Si l'action est jugée recevable, la décision
abusive est annulée rétroactivement, conformément à
l'adage « quod nullum est nullum affectum producit.
325» L'annulation de la décision culpabilise donc
les associés majoritaires, tandis que les droits des associés
minoritaires victimes de la délibération délictuelle sont
restaurés, ce qui a pour effet de bloquer les agissements
répréhensibles des minoritaires.326
A titre d'illustration, la Cour de Cassation a jugé que
des associés majoritaires avaient commis un abus de majorité en
décidant d'affecter systématiquement, pendant des années,
la totalité des bénéfices au fonds de réserve, car
cette affectation n'était justifiée par aucun
intérêt social, mais avait pour effet de priver l'associé
minoritaire des revenus générés par
324Cass. Com, 18
avril 1961.
325 Mama OTABELA Hugues Joël, op.cit. p.6.
326 CA, Paris, 14èmeCh.A, 20 mars 2002, Camet
c/société Marché.
88
l'activité de la société. En
conséquence, la haute juridiction a ordonné la distribution de
ces bénéfices.327
Outre l'annulation de la résolution abusive, les
associés minoritaires peuvent assigner en justice les associés
majoritaires pour obtenir des dommages et intérêts en
réparation du préjudice subi en vertu du principe que le droit
cesse là où l'abus commence.328
B.2. Réparation du préjudice aux
actionnaires minoritaires
La réparation des dommages est fondée sur la
responsabilité civile de son auteur. En effet, conformément aux
dispositions du Code Civil, « tout fait qui cause un dommage, oblige
celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
329 » Partant, il sied de remarquer que pour prétendre
à des dommages et intérêts, les actionnaires minoritaires
doivent prouver que l'abus de majorité leur a causé un
préjudice.
Ainsi, tout associé ou actionnaire peut engager une
action en réparation du préjudice qu'il a subi personnellement du
fait d'un dirigeant de la société. Cependant, cette action, dite
individuelle, n'est recevable que si le préjudice subi par
l'associé ou l'actionnaire est distinct de celui éventuellement
subi par la société. Contrairement à l'action sociale qui
a pour objet la réparation du préjudice subi par la
société elle-même et qui peut être engagée
collectivement par les associés, l'action individuelle a pour objet la
réparation d'un préjudice personnel et les
dommages-intérêts alloués à l'issue d'une telle
action reviennent intégralement aux associés et non à la
société.330
À titre illustratif, des actionnaires ont engagé
une action tendant à faire prononcer la nullité des
décisions prises par des Assemblées Générales au
motif que le vote de ces Assemblées avait été obtenu par
la production de comptes volontairement erronés qui, en faisant
disparaître l'existence de tous bénéfices ont, par
là même, empêché la distribution de dividendes. Ils
ont ainsi invoqué les agissements dolosifs des actionnaires majoritaires
et sollicité l'allocation de dommages et intérêts
destinés à réparer le préjudice subi, à
cette occasion, par chacun d'eux. Ainsi ont-ils introduit, en
plus de l'action sociale, et comme ils en avaient le droit, une action
présentant le caractère d'une action
individuelle.331
327Cass. Civ. 3, 7 février 2012, n°
10-17812.
328M. Planiol, Traité
élémentaire de droit civil, Tome 2, 11ème
éd. ,Paris 1932, p.412
329 Article 258 du Code Civil livre III.
330Cass. com.
19-4-2005, analysé par DIRIG-VI-14394.
331Cass. req. 29-10-1934, Sté des
aciéries du Forez c/Girard.
89
Ici, il sied de le noter : pour que les actionnaires
minoritaires puissent avoir gain de cause, il faut que l'action engagée
soit dirigée non pas contre la société, mais contre les
majoritaires et qu'elle remplisse deux conditions : que la décision
adoptée porte atteinte à l'intérêt social, et que le
principe d'égalité entre des actionnaires ait été
trahi pour le compte des majoritaires.
Parfois cependant, l'action fondée sur l'abus de
majorité peut avoir pour cause certains« des caprices » des
actionnaires minoritaires. C'est pourquoi on ne doit y recourir que dans des
cas exceptionnels, car ce recours peut faire courir le risque d'entraver le
fonctionnement de la société et constituer un obstacle à
l'application de la règle de la majorité. Il revient donc
à celui qui se prétend victime de l'abus de majorité d'en
prouver l'existence.332 Il n'est cependant pas dit que les
actionnaires minoritaires obtiendront toujours gain de cause chaque fois que le
juge prononce l'annulation de la décision prise par les actionnaires
majoritaires.
Ainsi, dans un arrêt de principe du 6 juin 1990, le juge
a annulé les délibérations litigieuses, mais a
rejeté la demande des dommages et intérêts
présentée par les associés minoritaires à
l'encontre de la société.333 Dans cet arrêt, il
s'agissait de la constitution de réserves excessives sans
intérêt pour la société et préjudiciable aux
intérêts pécuniaires des minoritaires.
Ici, il faut alors se poser la question de savoir pourquoi le
juge saisi n'a pas donné suite à la requête des
actionnaires minoritaires. La réponse à cette question se trouve
dans la doctrine sur la responsabilité civile délictuelle.
Pour déterminer si l'auteur d'un fait illicite engage
sa responsabilité civile, on doit d'abord se demander, avant l'examen de
toute autre condition, si le préjudice occasionné est
réparable.334 Malheureusement, ni la jurisprudence, ni la
doctrine, ne définissent ce qu'est un dommage réparable.
Dès lors, pour savoir si un dommage l'est ou ne l'est pas, on doit
vérifier s'il répond aux critères que la jurisprudence a
fixés.335 Pour elle en effet, le dommage réparable
doit être personnel, direct, actuel, certain et licite.
Pour terminer sur ce sujet, en plus des deux moyens de recours
que nous venons d'évoquer, le législateur aussi bien burundais
que celui des autres pays, a également prévu, toujours en vue
d'une meilleure protection des actionnaires minoritaires d'autres instruments
de lutte contre l'abus de majorité (section 2).
332 Alexis Constatin, op.cit, p.4
333Cass. Com. 6 juin 1990,
Bull, IV.
334 A. Bamdé et Bourdoiseau, le droit dans tous les
états, les caractères du dommage, septembre 2016
trouvé sur le site internet
www.aurelienbamde.com
consulté le 12/10/2020.
335 Civ.27 juill. 1937, DP.1938.1.p. note Savatier,
S.1938.1.p.321, note Marty.
90
Section 2 : Les recours procéduraux contre
l'abus de majorité
Le législateur burundais, donne la possibilité
aux actionnaires minoritaires, en cas de constatation d'un abus de
majorité, soit de solliciter une expertise de gestion sur des actes de
gestion (paragraphe 1), soit de recourir à la procédure d'alerte
(paragraphe 2).
Paragraphe 1. L'expertise de gestion
L'expertise de gestion permet de limiter les
conséquences d'une gestion malhonnête en mettant en lumière
les erreurs au moment où on peut encore les corriger. Cette
procédure permet aux, associés d'inciter à une gestion
plus transparente.336 Ce qui renforce la protection de leurs
intérêts. Notons cependant qu'il ne s'agit pas d'une protection
arbitraire, préjudiciable aux seuls actionnaires majoritaires. Elle est
plutôt sensée défendre le principe de
l'égalité entre actionnaires.337
L'intérêt de cette expertise est l'obtention
d'informations sur la gestion de la société, qui permettront
à l'actionnaire minoritaire d'apprécier l'opportunité de
certains actes de gestion. Elle pourra donc être de nature à
justifier l'exercice d'une action ultérieure contre les dirigeants
sociaux.
Même si le législateur burundais n'a pas
réglementé la notion d'expertise de gestion, elle l'a bel et bien
été dans d'autres législations notamment celle de l'OHADA.
Ces dernières nous permettront de bien comprendre son contenu et son
fondement (A), ainsi que sa portée et les conditions de nomination d'une
personne compétente qui s'en chargera (B).
336 Marc Marcel KANA KENGNI, La distribution des
dividendes endroit des sociétés commerciales OHADA,
Université Dschang, Mémoire de Maîtrise en droit des
affaires et de l'entreprise, année académique 2012-2013, p.49
337Seniadja Adjo Flavie, La protection des
actionnaires minoritaires des sociétés anonymes dans l'espace
OHADA, Mémoire de DEA en droit fondamental, Université
Catholique d'Afrique de l'Ouest d'Abidjan, décembre 2009, p.8.
91
A. Le fondement de l'expertise de gestion
L'expertise de gestion est une procédure qui vient
encore renflouer les moyens d'information des actionnaires minoritaires sur la
gestion de la société à un moment donné. Elle a
pour but de renforcer leur droit de regard sur la gestion de chaque exercice
comptable et de concrétiser ainsi leur intervention dans la vie
sociale.338 Ils y recourront s'ils soupçonnent le
gestionnaire d'avoir poursuivi un intérêt personnel, l'enjeu
étant d'en avoir le coeur net.339
En droit OHADA, l'expertise de gestion trouve sa base
légale dans les articles 159 et 160 de l'AUSC et du GTE. Au terme de ces
articles, « un ou plusieurs associés représentant au
moins le dixième (10 %) du capital social, individuellement ou
groupés, sous quelle que forme que ce soit, peut demander au
président de la juridiction compétente du siège social, la
désignation d'un ou de plusieurs experts chargés de
présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion
qui leur paraissent douteux ou contestables ».
Les destinataires du rapport d'expertise sont le demandeur,
les organes de gestion, de direction ou d'administration ainsi que le
Commissaire aux Comptes. A notre avis, la production de ce rapport joue le
rôle de la transparence et permet aux dirigeants de la
société qui seraient indexés de s'exprimer sur les faits
qui leur seraient reprochés.
L'expertise de gestion répond en outre au souci premier
de garantir une information fiable nécessaire aux associés. Elle
matérialise donc la volonté du législateur d'assurer la
protection des actionnaires, qui ne participent pas directement à la
gestion, par une procédure particulière sortant du cadre
traditionnel d'information et s'intégrant dans le
judiciaire.340
Dans l'affaire Abbas HAMMOUD c/Jacques Claude LACOUR et dame
Éveline Dorothée, le juge a estimé que «
l'expertise de gestion doit être ordonnée dès lors qu'elle
a été demandée par un associé qui se plaint de
n'être pas informé de la vie sociale et doute de la
sincérité des coassociés et du sérieux des
résolutions prises en assemblées. 341»
Quant aux mérites de l'expertise de gestion, elle en
présente plusieurs. Elle participe en effet à une meilleure
gouvernance des sociétés, car permettant au juge de
vérifier à la lumière de
338S.S. KUATE TAMEGHE, Quelques
ambiguïtés de l'expertise de gestion dans l'Acte uniforme OHADA
relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE, in
Recueil d'Etudes sur l'OHADA et l'UEMOA, Vol I, Collection Horizons
Juridiques Africains, PUAM, p. 151
339Patrice Christian Ewane Motto, op.cit.
p.78.
340Ngom BISSAN, l'expertise de gestion, in
Encyclopédie OHADA, s/dir. Pougué, Lamy, Paris 2011, p. 786,
cité par MAMA OTABELA Hugues Joël, op.cit. p.10.
341 Tribunal Régional de Niamey, ordonnance de
référé n° 245 du 22 octobre 2002, Abbas HAMMOUD
c/Jacques Claude LACOUR et dame Éveline Dorothée Flambart,
OHADATA, J.04-80.
92
l'intérêt social, l'opportunité de
certains actes de gestion posés par les dirigeants sociaux. Elle permet
également un renforcement les droits des minoritaires en leur
garantissant un recours judiciaire pour se faire entendre.342 En
d'autres termes, la minorité révèle son aptitude à
intervenir en qualité d'organe subsidiaire de contrôle.
Pour Yves GUYON, le but de l'expertise de gestion n'est pas de
donner au demandeur une information générale, mais plutôt
une information qui tend seulement à faire toute la lumière sur
une ou plusieurs opérations déterminées à propos
desquelles il aura des renseignements aussi complets et aussi précis que
possible.343
Quand bien même la procédure d'expertise de
gestion présente des avantages pour les actionnaires minoritaires, on
peut tout de même lui reprocher de rester imprécise sur
l'opération de gestion qui doit fonder son intervention.344
Il faut également souligner ici que le législateur OHADA a
imposé un minimum de détention de capital pout tout
demandeur.345 Il s'agit d'un « filtre légal»
destiné à stopper sans doute les demandes intempestives ou
capricieuses des minoritaires.346 Si on transposait cette
disposition dans la législation burundaise, on verrait qu'elle
constituerait un fait limitatif surtout dans un cas comme celui des
coactionnaires de la SOSUMO qui, à deux, ne totalisent que 1 % du
capital social. Ce qui laisse à penser que cette disposition serait un
« parapluie » pour les dirigeants de la société.
Concernant l'ampleur de la compétence de l'expertise de
gestion, elle couvre une ou plusieurs opérations particulières.
C'est-à-dire qu'elle ne concerne au sens strict du mot, que des
opérations de gestion, et non des opérations qui
relèveraient de la compétence exclusive de l'Assemblée
générale ou d'un organe de la
société.347 Mais, pour éviter que cette
procédure de gestion ne puisse paralyser les organes de gestion, la Cour
de Cassation a posé des conditions à son exercice.
342Cerati -GAUTIER (A), la nouvelle expertise
de gestion, assure -t-elle une meilleure information des actionnaires
minoritaires ?, Petites affiches n° 69, 2002, p.4 et s.
343 Yves Guyon l'expertise de gestion, jurisclasseur des
sociétés, 1985, fasc.134. D. pp.1-13.
344 MARTEAU Petit, la notion de gestion et le droit des
sociétés, thèse Paris II, 1992.p.124
345 Pour intenter une action en expertise de gestion il faut
qu'un actionnaire ou groupé détienne au moins 10 % du capital.
346Nany Elodie ITSIEMBOU MABIKA, op.cit.,
p.429
347SENIADJA ADJO Flavie op.cit. p.17
93
Ainsi, la demande d'expertise ne peut avoir d'effets que si
elle se base sur des présomptions d'irrégularité, car
c'est une mesure d'investigation portant sur une opération dont la
régularité est douteuse.348
La demande d'expertise de gestion reste donc limitée.
Elle ne porte que sur une opération de gestion
donnée349 et non sur un audit général de
gestion de la société réservé au seul Commissaire
aux Comptes. L'arrêt du 15 juillet 1987 de la Cour de Cassation a
interprété restrictivement la notion d'acte de
gestion.350
Par exemple, l'expertise de gestion pourrait ainsi porter sur
le versement d'un acompte sur dividende jugé comme une atteinte à
l'intérêt351 ou encore sur une convention
réglementée jugée irrégulière. S'il est fait
droit à la demande de l'associé, ce dernier
bénéficiera de l'assistance d'un expert, qui aura pour mission de
mettre de la lumière là où règnent l'opacité
et l'obscurité.
Les actionnaires minoritaires pourront aussi demander une
expertise de gestion en cas de constat d'un transfert de fonds suspect par un
actionnaire.352 En effet, ce type d'opération est susceptible
de causer des problèmes de trésorerie dans la
société et d'inciter les dirigeants à procéder
à la répartition des dividendes même en l'absence de
bénéfices. Ils doivent s'assurer de saisir le Président du
Tribunal compétent et non le Tribunal lui-même qui, le cas
échéant, se déclarera incompétent.353
De même, les actionnaires minoritaires ont besoin de
prendre connaissance des documents sociaux afin de prendre des décisions
éclairées. Au cas où le dirigeant refuserait de
présenter le bilan, les actionnaires minoritaires peuvent
requérir une expertise de gestion pour contourner les comptes
sociaux.354L'information obtenue par l'expert en sera probablement
plus étendue que celle donnée en cas de fonctionnement normal de
la société. Ainsi,
348Cass. com. 22 mars
1988, Rev. soc. 1988, p. 227;
Cass. com. 18 oct. 1994, Bull. civ.
IV, n° 306;
Cass. com. 18 juin 1991, Bull. Joly
1991, p. 816.
3499 nov. 1991, Bull. civ. IV, no 355; D.
1991, IR, p. 295; Bull. Joly 1992, p. 66, § 15, note P. LE
CANNU ; JCP G 1992, II, no 21833, note M. JEANTIN ; Rev. soc.
1992, p. 510, note M. MARTEAU-PETIT; RTD com. 1992, p. 639, obs.
Y.REINHARD.
350Cass. com. 15
juill. 1987, Bull. Joly 1987, p. 703, n° 289, note P. LE CANNU ;
RTD Com. 1988, p. 75, n° 6, note Y. REINHARD
351 M. JEANTIN, note sous ord. du
T. com. Paris, Bull. Joly 1989,
p.898.
352 Cotonou, arrêt n° 256/00 du 17 août 2000
SONACOP c/Etat Béninois in OHADA, jurisprudence Nationale n° 1
décembre 2004, p.78.
353 Tribunal régional hors classe de Dakar, jugement
n° 871 du 21 mai 2002, Hassen YACINE c/société natte
industrie, J-03-04, trouvé sur le site internet
www.ohada.com.
354 Tribunal régional hors classe de Dakar, ordonnance
de référé n° 1671 du 23 décembre 2002,
Abdoulaye NDIAYE c/NDiougo LO J-03-186.
94
l'expertise de gestion aboutira-t-il à la
révélation de faits que les dirigeants refusaient de communiquer
en s'abritant derrière le principe de la confidentialité auquel
obéissent la plupart des opérations de gestion.
L'expert sera chargé d'établir un rapport
à annexer à celui des Commissaires aux Comptes
préparé en vue de sa présentation devant la prochaine
Assemblée générale et de sa publication.355
La jurisprudence considère que l'expertise de gestion
ne saurait se justifier qu'en cas de présomption d'abus ou
d'irrégularités affectant les opérations indiquées
et susceptibles de nuire aux intérêts sociaux comme de
compromettre le fonctionnement ou la pérennité de
l'entreprise.356
Certains juges de fond ont également invoqué la
prévention des abus de majorité. Or, l'intérêt
social protégé est, dans ce cas, celui de la
société ainsi que celui des actionnaires faisant partie d'un
groupe minoritaire qui pourront ainsi être renseignés sur la
nature, la portée et les conséquences des opération de
gestion susceptible de leur porter préjudice.357
Bien qu'on ait une jurisprudence abondante sur la notion
d'expertise de gestion, il faut dire que le terme « opération de
gestion» n'a été défini, ni par le législateur
burundais, ni par le législateur communautaire OHADA. Il revient donc
aux juges d'expliquer ce qu'il faut comprendre par là. D'une
façon générale, l'expertise de gestion ne s'applique
qu'aux opérations de gestion.
Mais, force est de constater que ces dernières sont
caractérisées par une assiette beaucoup plus large.358
Autrement dit la gestion de la société commerciale est un tout.
Vouloir dissocier les éléments constitutifs de ce maillon
pourrait porter préjudice à la société.
Ainsi par exemple, l'expertise de gestion a été
demandée pour vérifier la régularité des
transactions ayant entouré le rachat des actions d'une
société par une autre et celle du mouvement de fonds entre
sociétés,359 la réalisation d'un audit d'une
société aux fins de
355Nani Elodie MABIKA ITSIEMBOU, op.cit.
p.421.
356
Cass.Com, 18 oct.1994, n° 92-19159,
note 884.
357 CA Rouen, 17 mars 1970, D.1971, p.177 ; JCP.G. 1971, II, 16
606, note N. Bernard
358 Khaled AGUEMON op.cit. p.259.
359 CA Cotonou, Arrêt n° 256/2000 du 17/8/2000
AFFAIRE Société Continentale des Pétroles et
d'Investissements Monsieur Séfou Fagbohoun SONACOP Monsieur Cyr Koty,
Monsieur Mounirou Omichessan c/Etat béninois, Ohadata J-06-101.
95
déterminer la valeur actuelle des actions et le montant
réel des bénéfices dégagés depuis sa
création.360
Les actionnaires majoritaires peuvent également
invoquer le défaut de communication d'éléments
satisfaisants de réponse aux questions écrites qu'ils ont
posées : il appartient alors au juge de rechercher si les
éléments de réponse fournis présentent ou non un
caractère satisfaisant.361 L'absence de réponse
n'interdit pas au juge de rejeter la demande d'expertise s'il est établi
que l'actionnaire disposait d'informations suffisantes sur les questions qui
ont été posées.362
A l'analyse de ces arrêts, on constate que la
qualification d'opération de gestion est vaste et vouloir la limiter
n'est pas sans conséquence sur la vie de la société.
Pour éviter de se perdre dans les méandres des
domaines que couvre ce terme, la solution la plus adaptée paraît
résider dans l'analyse de l'opération en cause, celle qui risque
de porter atteinte à l'intérêt social.363
La notion de « gestion» pourrait donc être
élargie en misant non pas sur la procédure envisagée pour
l'essentiel, mais davantage sur le but fixé, qui est la protection de
l'intérêt de la société.
S'il est fait droit à cette demande, le Juge
détermine l'étendue de la mission et les pouvoirs dévolus
aux experts dont les frais sont supportés par la
société.364(2) Mais, pour être recevable, la
demande d'expertise de gestion doit avoir un caractère sérieux
(1).
A.1. Nomination d'un expert de gestion et sa
portée
La mission confiée à l'expert doit être
relativement générale puisqu'elle peut comporter l'examen d'un
point de vue de droit. Cependant, celle-ci paraît assez étroite,
ce qui n'est ici que la conséquence de son caractère
complémentaire par rapport aux autres moyens d'information et de
contrôle dont dispose l'actionnaire. C'est pourquoi le juge dispose d'un
large pouvoir pour déterminer les missions assignées à
l'expert. Il dispose à cet effet, d'une faculté
d'appréciation. Le juge saisi ne doit pas se faire juge des
opérations de gestion
360 Arrêt déjà cité
361 Com.17 janv.2006.445.A. Lienhad, Basse-Terre 26 mars 2012,
BRDA n° 9.2012, p.4.
362 Com.11 oct.2005 n° 03-15448, Bull. Joly 2 006 621,
n° 129.1, Godon 363Ibidem, p.259.
364 Philippe Merle, Anne Fauchon, op.cit. p.669.
96
critiquées, il doit se contenter plutôt
d'apprécier s'il y a lieu ou non de faire droit à la demande.
Pour qu'elle soit recevable, la demande doit revêtir un
caractère sérieux.365 Elle n'est pas
subordonnée à la preuve que les organes sociaux aient
méconnu l'intérêt de la société et
détourner le pouvoir de cette finalité, car l'expertise tend
justement à établir cette preuve.366 Une fois la
procédure acceptée, le juge détermine l'étendue de
la mission et les pouvoirs de l'expert.367
La mission de l'expert est assez librement définie par
le juge. En effet, la personne désignée en tant qu'expert n'est
pas un mandataire de la minorité des actionnaires demandeurs,
chargé d'enquêter sur la gestion de la majorité pour le
compte de ceux-ci.
Si l'expert est désigné par le juge, à la
demande de la minorité des actionnaires, il doit cependant accomplir sa
mission dans l'intérêt de tous les actionnaires.368
C'est pourquoi, quand il s'agit de la mission d'expertise de gestion, on
préfère utiliser le terme d'« expert» Celle-ci consiste
à compléter l'information des partenaires de mauvaise gestion ou
plusieurs opérations de gestion dont la conformité à
l'intérêt social est douteuse. L'expertise n'est donc pas une
mesure de contrôle subsidiaire. Elle vient plutôt en appoint au
rôle du Commissaire aux Comptes pour que les actionnaires ne
reçoivent aucune information imparfaite, d'autant plus qu'il lui est
interdit de s'immiscer dans la gestion sociale et d'en apprécier ainsi
l'opportunité.369
La Cour de Cassation française dans l'arrêt
Duquesne Purina du 15 juillet 1987 avait bien précisé quel
était le domaine de l'expertise de gestion ainsi que le rôle du
juge. En énonçant que « (...) la recevabilité de
l'action fondée sur l'article 226 de la loi du 24 juillet 1966 n'est pas
subordonnée à d'éventuelles actions en
responsabilité contre l'administrateur ou en nullité de
délibération sociale; la Cour d'appel a donc énoncé
avec raison que la prescription de telles actions, à la supposer acquise
en l'espèce, n'aurait pas pour effet de priver la demande
d'expertise;
La recevabilité de l'action (...) n'est pas
subordonnée à la preuve que les organes sociaux ont
méconnu l'intérêt de la société et
détourné leurs pouvoirs de sa finalité puisque la
mesure
365 Paris, 09 décembre 1994, TTDA, 695, n° 728.
366 Com. 15 juillet 1987, Bull. IV 1 193.
367Djahan Konan Francis, l'exercice du
contrôle des sociétés anonymes en droit OHADA,
OHADATA, p.10.
368 Djahan Konan Francis, op.cit ; p.10.
369 Com. 7 déc.1983, préc. Rev.
sociétés 1 985 427, M. d'Hérail de Brisis.
97
d'information et de contrôle organisée par ce
texte tient justement à l'établissement de cette preuve; qu'il
appartient cependant aux juges du fond d'apprécier le caractère
sérieux de la demande (...). 370»
Dans le cadre de sa mission, l'expert dispose aussi d'un droit
d'accès à tous les documents de la société qui
peuvent lui être utiles. Le secret des affaires ne lui est donc pas
opposable. Par conséquent, bien que l'expert soit lui-même
astreint au secret professionnel, les risques d'indiscrétion ne sont pas
à négliger.371
Mais, étant donné le caractère public des
audiences, la jurisprudence française estime que l'expertise de gestion
peut nuire au crédit de la société par le doute qu'elle
fait planer sur une opération sociale.372
En ce qui concerne les destinataires du rapport de l'expertise
de gestion, l'AUSCGIE fait obligation à l'expert de remettre les
résultats du rapport par écrit qui feront objet de diffusion au
demandeur et aux organes de gestion, de direction, ou
d'administration.373
Ce rapport est normalement sanctionné par un vote
à l'Assemblée. Il peut par ailleurs donner lieu au
déclenchement d'une action en abus de majorité ou en
responsabilité civile. Il peut même déboucher sur une
responsabilité pénale contre les dirigeants sociaux s'il s'est
révélé des faits délictueux.374
Dans la vie de la société, des
difficultés peuvent survenir et la plupart des fois, les dirigeants ont
du mal à réagir à temps pour les surmonter, soit parce
qu'ils n'ont pas une pleine conscience de la situation, soit parce qu'ils ne
souhaitent pas effrayer les créanciers ou s'exposer à la menace
de poursuites judiciaires.375
Or, si le dirigeant ne réagit pas rapidement, sa
négligence est susceptible de compromettre la continuité de
l'exploitation de l'entreprise. Afin de lutter contre l'incurie des dirigeants
et de protéger les intérêts des actionnaires, le
législateur est intervenu à plusieurs reprises pour instaurer des
mécanismes de prévention au profit des entreprises en
difficulté. Parmi ces mécanismes, on trouve la procédure
d'alerte qui a pour objet d'attirer l'attention des
370 Com.15 juill.1987, Bull. Joly 1 987 703, n° 289, P.
Le Cornu. 371Djaha Konan Francis, op.cit. p.16.
372 Paris, 12 janvier 1977, JCP, 1978, II, 1823, note
CHARTIER.
373 Article 160 de l'AUCGIE.
374Ibidem.
375A. Bamdé & J.
Bourdoiseau, La procédure d'alerte et la
prévention des entreprises en difficulté, article
trouvé sur le site internet :
www.googlehall.fr
publiée le 2 juin 2017, p.2.
98
dirigeants sur les difficultés objectivement
décelables que rencontre la société. L'alerte peut
être déclenchée par les associés, le Commissaire aux
comptes ou le Comité d'entreprise. Mais cette procédure, que les
associés minoritaires peuvent initier, a besoin d'être avant tout
bien comprise (paragraphe 2).
Paragraphe 2 : la procédure d'alerte par les
associés minoritaires
Comme il a été dit ci-dessus, la
procédure d'alerte est un moyen de contrôle de la vie de la
société aux mains des actionnaires. Elle vise à
prévenir les problèmes auxquelles les sociétés
peuvent faire face et vient renforcer le droit à l'information des
actionnaires et de surcroit la protection des actionnaires minoritaires. Il
existe pourtant des éléments qui justifient que l'on y recourt et
dont les actionnaires doivent bien saisir la portée avant d'en user (A)
car l'on sait également que ses effets sont assez conséquents sur
la vie de la société (B)
A. Le fondement de la procédure d'alerte par les
actionnaires minoritaires
Dans les sociétés commerciales, la transparence
est d'une importance capitale. Malgré la confidentialité dont
doivent faire preuve les dirigeants des sociétés, ils doivent
pouvoir faire objet de contrôle et rendre compte de leur gestion aux
actionnaires qu'ils les ont nommés. En revanche, ceux-ci ont le droit
légal d'être informés sur la vie de la
société.
Il faut dire que la reddition des comptes ne date pas
d'aujourd'hui. ARISTOTE observait déjà que : « dix
logistae et dix euthuni étaient tirés au sort.
Chaque responsable public devait leur rendre des comptes. Ils
présentaient leurs résultats à la Cour. Quiconque
détournait des fonds devait rendre dix fois la somme
dérobée. Dans le cas d'erreurs administratives, la Cour
l'évaluait et le responsable devait la rendre sur un délai de 9
mois, à défaut, le remboursement doublait. 376»
Sur la base de cette affirmation d'Aristote, le
législateur a donné aux actionnaires minoritaires le droit
d'être informés de la vie de leur société en les
dotant du pouvoir de déclencher l'alerte (1), même si ce droit
connaît des limites (2).
A.1. Le droit des actionnaires minoritaire de
déclencher l'alerte
Le pouvoir conféré aux actionnaires minoritaires
de déclencher l'alerte peut se justifier par leur détention du
pouvoir sociétaire de nommer et de révoquer les dirigeants
sociaux et de celui de faire adopter les mesures nécessaires au
rétablissement de la situation.
376ARISTOTE, La constitution d'Athènes,
in NORMANTON, 1966
99
Ce pouvoir exorbitant dont ils disposent devrait leur
permettre de jouer un rôle fondamental lorsque la société
dans laquelle ils sont actionnaires connaît des difficultés
pouvant compromettre la continuité de son exploitation.377
Acteurs souverains de la société, les
associés disposent des prérogatives leur permettant de
s'imprégner de la gestion des dirigeants.378A cet effet, ils
peuvent non seulement consulter les documents susceptibles de fournir des
renseignements sur la situation de la société, mais aussi poser
des questions sur une situation au sujet de laquelle ils ne sont pas
éclairés. La reconnaissance de ce droit témoigne de la
préoccupation du législateur de voir l'associé participer
à la bonne marche de la société.
La continuité de l'exploitation demeure un
critère fondamental auquel les actionnaires doivent se
référer pour déclencher l'alerte.379Cette
notion est principalement fondée sur la situation financière de
la société et sur les faits objectifs pouvant survenir dans un
avenir prévisible.380
Cette procédure d'alerte constitue donc une
prérogative des actionnaires relevant de la gestion normale de la
société.381
En définitive, la procédure d'alerte est un
moyen renforcé d'information et de contrôle de la gestion sociale
entre les mains des actionnaires. Il présente une utilité
remarquable tant pour la société que pour les actionnaires.
D'abord, la mise en oeuvre de la procédure d'alerte est
utile pour la société. Elle permet ensuite d'éviter les
questions orales fastidieuses qui peuvent être posées par les
actionnaires aux dirigeants sociaux. Cependant, ce droit d'alerte dont
disposent les actionnaires est soumis à certaines limites.
A.2. Limites au droit d'alerte
Le droit d'alerte revêt un caractère facultatif
et limitatif. Le caractère facultatif de la
procédure d'alerte se retrouve dans les articles 157 et 158 de l'AUSCGIE
qui disposent que tout associé « peut, deux fois par exercice
» poser par écrit, des questions aux dirigeants.
377 Aymar Toh, La prévention des difficultés
des entreprises : étude comparée de droit français et
droit OHADA, Université de Bordeaux, Thèse de Doctorat,
décembre 2015, p.121
378P. Le Cannu et B. Dondero, Droit des
sociétés : LGDJ, 6ème éd., 2015, n°
497, p. 330
379 Didier Tokafo Kenfack, Libres, propos sur la
réglementation de l'alerte en OHADA, Revue des procédures
collectives, Revue Bimestrielle Lexis Nexis, Jurisclasseur, mars-avril 2016,
p.23.
380 Patrice Christian Ewane Motto, op.cit. p.91.
381Jacques Derthal ALBAS, op.cit. p.25.
100
Ce caractère est bien perceptible dans l'utilisation du
terme « peut ». Il s'ensuit que les associés ne sont
pas tenus, en cas de constatation d'indices, même concordants,
d'enclencher (la procédure.382 Autrement dit, même en
cas de constat de ces indices, ils ne sont pas tenus de mettre en branle les
procédures d'alerte.383 Celle-ci ne peut être
déclenchée que lorsque ce sont leurs intérêts qui
sont véritablement menacés ou alors dans des
sociétés où il n'existe pas de Commissaires aux
Comptes.
En d'autres termes, ils ne pourront pas voir leur
responsabilité engagée en cas d'abstention. Tout au plus, ils
pourraient, en cas de dégâts, subir personnellement des remords
sur le plan moral.
Un autre aspect qui rend inopérante la procédure
d'alerte enclenchée par les actionnaires tient à son
caractère limité. En effet, des difficultés ou des faits
de nature à compromettre la continuité de l'exploitation peuvent
apparaitre à tout moment de la vie d'une société. Mais
selon le législateur OHADA, les associés ne peuvent recourir
à l'alerte que deux fois par exercice.384
En dehors de cette période, l'associé n'a plus
le droit de poser par écrit des questions aux dirigeants, sauf à
l'occasion des Assemblées générales. Cette limitation des
pouvoirs de contrôle de la société par les actionnaires
semble étrange quand on sait que la plupart des sociétés
n'ont pas de Commissaires aux Comptes.
En décrétant cette limitation, le
législateur n'a-t-il pas pensé qu'au cours des deux exercices,
les questions peuvent reposer sur de simples spéculations et que c'est
par la suite que les sujets sérieux surgissent ? De même, que va
faire l'associé qui a épuisé ses moyens d'action? Il est
vrai qu'il lui reste la possibilité de s'adresser directement au
Commissaire aux Comptes s'il veut aller au terme de sa démarche. Mais
qu'adviendra-t-il en l'absence du Commissaire aux Comptes?
A notre avis, il aurait été plus judicieux que
l'exercice du droit d'alerte des associés soit possible toutes les fois
que des faits de nature à entraver la bonne marche de la
société sont relevés.385
382Jacques Derthal ALBAS, op .cit p.26.
383 Eric Aristide MOHA FOPA, Réflexions critiques
sur le système de prévention des difficultés des
entreprises OHADA, Université de Deschang-Cameroun, Mémoire
de DEA, 2007, p.97
384 Article 150 de l'AUCSGIE
385 Didier Tokafo Kenfack, op.cit. p.24
101
Malheureusement, les associés n'ont pas actuellement
les « mains libres» en matière d'alerte comme les Commissaires
aux comptes. Mais leur « soufflet dans le sifflet» permet d'alerte
l'autorité compétente. 386
Et comme le souligne par ailleurs le Professeur Yves Guyon, la
procédure d'alerte permet tout au plus à l'actionnaire de prendre
date en montrant qu'il a été conscient des difficultés de
sa société à un moment où les dirigeants se sont,
eux, montrés optimistes.387 Ce qui évidemment a des
effets sur la gestion de la société (B).
B. Les Effets de l'alerte sur la gestion de la
société
Malgré tout, la procédure d'alerte est d'une si
grande importance qu'elle produit des effets remarquables qui peuvent permettre
la poursuite normale des activités de la société (1) et
renforcer la confiance entre actionnaires et organes dirigeants de la
société (2)
B.1. L'alerte, une procédure renforçant la
confiance dans les organes de la société
Communiquer avec les actionnaires constitue la première
tâche des dirigeants. Mais, il est d'une importance capitale que
l'information fournie aux actionnaires soit d'une grande
qualité.388 Elle doit se caractériser par la
pertinence, l'intelligibilité et la fiabilité ce qui permettra
par ailleurs de déceler les facteurs de risque et ainsi de
déclencher l'alerte afin de prévenir à temps les
difficultés qui pourraient naître.
Une fois que les dirigeants auront répondu aux
différentes questions des actionnaires minoritaires, en donnant des
données fiables issues des comptes audités par des Cabinets
crédibles, les associés auront une image fidèle et
sincère des comptes et de la situation générale de leur
société.389
Les dirigeants pourront ainsi se dédouaner de leurs
responsabilités vis-à-vis des actionnaires ce qui créera
d'autant plus la confiance entre eux et les associés. En effet, comme
l'affirme le Professeur AMISI, l'alerte permet aux entreprises de s'exprimer
librement avant que les responsables de l'application de la loi ne s'en
mêlent.390
386Amisi, M. MANIRAMBONA, Un renforcement du
mécanisme d'alerte pour lutter efficacement contre la criminalité
économique dans l'espace OHADA, Université Laval, 2017 in
Bulletin de droit Economique, p.2
387 Yves Guyon, op.cit. p.549.
388 Pierre Chabane, op.cit. p.105.
389 Frédéric Parrat, op.cit. p.139.
390Amisi M. MANIRAMBONA, op.cit. p.7.
102
En privilégiant la promotion de la confiance entre
dirigeants et associés, la légitimité et le respect des
normes, ainsi que la crédibilité de la société
augmentent auprès des autres parties prenantes. Ce qui, par ricochet,
renforcera la confiance des investisseurs potentiels (2).
B.2. Le droit d'alerte des actionnaires minoritaires : une
garantie pour les investisseurs
En accordant aux actionnaires minoritaires le droit d'alerter
les dirigeants sociaux sur tous les faits de nature à compromettre la
vie de la société, le législateur a voulu renforcer leur
droit à l'information,391 qui constitue par ailleurs l'un des
piliers de la gouvernance d'entreprise 392et permet aux parties
prenantes d'être renseignées sur la situation financière de
la société.
Le respect des principes de la gouvernance d'entreprise dans
les sociétés est devenu une nécessité pour la
simple raison qu'il est le gage, aux yeux des investisseurs nationaux et
internationaux, d'un meilleur fonctionnement sociétaire.
En parlant d'investissement, il faut entendre ici
l'opération d'un acteur économique consistant à
développer une activité économique ou à y
participer par le biais d'un apport, dans l'espoir d'en tirer
ultérieurement un revenu.393 Etant un potentiel souscripteur
de parts sociales et un possible futur actionnaire, il est logique qu'il soit
informé de ce qui se passe au sein de la société.
Ainsi, l'adoption de bonnes pratiques de gouvernement
d'entreprise contribue à accroître la confiance des investisseurs,
concourt au bon fonctionnement des marchés de capitaux, et en
définitive confère davantage de stabilité aux sources de
financement.394
Le droit d'alerte des actionnaires minoritaires constitue donc
aux yeux des investisseurs potentiels un gage de transparence dans la gestion
« du bien commun» qu'est le patrimoine de la société.
C'est aussi une garantie normative pour les investisseurs395 : par
la procédure d'alerte, l'investisseur est informé de ce qui se
passe au sein de la société et cela le rassure.
391 Gervais Muberankiko, La place des associés
minoritaires dans la gouvernance des entreprises en droit OHADA,
LexbaseAfrique-OHADA Edition n° 31 du 12/03/2020, p.2
392Consta Calvo, Ethique et transparence,
piliers de la gouvernance d'entreprise, trouvé sur le site internet ;
www.finyear.com
393Sébastien MANCIAUX, Que disent les
textes OHADA en matière d'investissement? in revue de l'ERSUMA,
n° 6, janvier 2016, p.5.
394 idem p.6.
395 Apollinaire A. de Saba, un nouveau droit des affaires
pour attirer les investisseurs en Afrique. Est-ce suffisant? in
Finance et Bien commun 2007/3 n° 28-29, p.97.
En d'autres termes, une protection équilibrée
des partenaires sociaux fait de la société une destination
attractive pour les investisseurs.396 Il faut souligner ici que le
législateur burundais n'a pas su capitaliser cet élément
en intégrant la notion d'alerte dans le Code des Sociétés
Privées et à Participation Publique. Cela aurait constitué
une garantie de plus pour attirer les investisseurs.
La société commerciale est un tout où
toutes les parties prenantes doivent travailler dans l'unique dessein de
rechercher l'intérêt commun qui réunit l'ensemble des
intérêts de chacun des actionnaires pris individuellement.
En effet, cet intérêt social qui est
l'élément substantiel de la vie de la société doit
aussi viser la protection des plus faibles que sont les actionnaires
minoritaires. En leur donnant le droit à la parole et à
l'information, on doit également tenir compte de leurs idées
surtout quand elles vont dans le sens de la promotion de la
société.
Mais, étant donné que dans la vie humaine toute
personne qui a une parcelle de pouvoir est portée à en abuser, le
législateur aussi bien burundais que celui de l'OHADA a mis en place des
« garde-fous », pour protéger les économiquement
faibles, les actionnaires minoritaires, contre les abus des actionnaires
majoritaires. Ceux-ci sont portés à confisquer le pouvoir
à leur profit et empêchent les actionnaires minoritaires de se
défendre contre leurs abus.
Les mécanismes permettant aux actionnaires minoritaires
de défendre leurs droits sont notamment l'action contre l'abus de
majorité et la procédure d'alerte. Cependant, même si le
législateur protège les minoritaires, il ne faut pas que ces
derniers se cachent derrière les droits leurs conférés
pour paralyser la vie de la société. Ils doivent plutôt
mettre en avant l'intérêt général, socle de la
viabilité de la société et gage de bonne gestion pour les
investisseurs.
103
396EWANE MOTTO Patrice Christian, op.cit.
p.242.
104
CONCLUSION GENERALE
Les sociétés commerciales sont des acteurs
clés du développement économique. Pour une bonne
régulation de leur fonctionnement, le législateur burundais a mis
un place un cadre légal et institutionnel les régissant. Il
s'agit notamment du Code des Sociétés Privées et à
Participation Publique, de la loi sur la Faillite, de la loi sur
l'Insolvabilité du Commerçant et du Tribunal de commerce. Leur
mode de fonctionnement est défini par le CSP&PP qui a prévu,
à cet effet, des organes de gestion et d'administration pouvant
différer selon le type de société.
Dans les sociétés mixtes qui ont fait objet de
notre étude, le mode de fonctionnement est calqué sur celui des
sociétés anonymes, c'est-à-dire celui où coexistent
les organes de délibération, d'administration, de gestion et de
contrôle, chaque organe étant doté de certains pouvoirs qui
lui permettent de bien remplir ses missions. Aussi, ces organes doivent-ils
agir dans l'intérêt général des actionnaires et non
privilégier leurs propres intérêts sinon il y aurait abus
de pouvoir que la loi sanctionne.
Les sociétés mixtes se caractérisent donc
par une démocratie où le pouvoir de l'actionnaire se mesure au
nombre d'actions qu'il possède. Mais, pour que les actionnaires
majoritaires n'abusent de leur pouvoir, le législateur burundais a
prévu un organe de contrôle constituant un contre-pouvoir : le
Commissaire aux Comptes.
Il a également réservé aux actionnaires
beaucoup d'instruments pour contrôler les dirigeants de la
société. Parmi ceux-là, le droit à l'information
apparait comme une garantie efficace dont ils disposent pour s'enquérir
de la vie financière de la société. Ce droit à
l'information permet d'instaurer un climat de confiance entre les actionnaires,
vrais propriétaires de la société et les organes
dirigeants qu'ils ont désignés pour conduire la destinée
de la société.
Les actionnaires se servent également de cet instrument
pour défendre leurs intérêts, lorsqu'ils constatent une
situation anormale pouvant compromettre la vie de leur société.
Dans ce cas, ils peuvent alerter la juridiction compétente afin que
celle-ci prenne des mesures préventives contre d'éventuelles
situations chaotiques pouvant survenir. Néanmoins ce droit à
l'information doit être régulé. Car, dans un monde
où la concurrence est devenue un des moyens les plus efficaces pour
s'attirer la sympathie de la clientèle, les dirigeants de la
société doivent trier, parmi la masse d'informations disponibles,
celles qui sont à mettre à la portée des actionnaires.
Mais pour que cette restriction ne puisse pas provoquer de conflits, le
105
législateur a trouvé une parade en ne permettant
aux actionnaires de poser des questions que deux fois par exercice ou en leur
donnant la latitude de se rendre au siège de la société
pour consulter les documents comptables.
De même, comme dans toute démocratie, les
actionnaires disposent d'un droit de vote, la prérogative par excellence
dont dispose tout actionnaire pour participer à la vie sociale en
exprimant ses propres visions quant à l'avenir de la
société. Ce droit de vote est proportionnel au nombre d'actions.
Cependant, dans certaines sociétés comme la SOSUMO où
l'Etat est largement majoritaire (99 %), la décision de l'actionnaire
majoritaire risque de phagocyter celle des minoritaires et peut être
source de crises. C'est pourquoi, pour sauvegarder la confiance des partenaires
de la société, le législateur burundais, à l'instar
des autres législateurs, a prévu des mécanismes de
prévention de ces crises, notamment le droit des actionnaires à
déclencher l'alerte ou de demander la nomination d'un administrateur
provisoire.
Pour ce qui est de l'administrateur provisoire, il s'agit d'un
mandataire de justice chargé, en cas de graves crises sociales
résultant d'un dysfonctionnement des organes de gestion ou d'un conflit
entre actionnaires mettant en péril les intérêts de la
société, d'assurer momentanément la gestion de la
société en lieu et place des organes dirigeants. Mais,
étant donné que celui-ci intervient dans une situation
particulière, il ne doit agir que dans l'unique dessein de sauver la
société, en normalisant le fonctionnement et en permettant aux
actionnaires de profiter des fruits générés par elle.
Ici aussi, le partage des bénéfices est soumis
à certaines règles. Par cette règlementation, le
législateur a voulu éviter les éventuelles
opérations frauduleuses des actionnaires qui pourraient aboutir au
morcellement du capital par la distribution des dividendes fictifs. Il avait
également le souci de séduire et de fidéliser les
partenaires de la société. C'est pourquoi il a aussi prévu
des sanctions à l'encontre des actionnaires qui se partageraient les
dividendes fictifs.
En outre, comme l'objectif de créer une
société ne peut uniquement se limiter au partage des
bénéfices, les actionnaires ont le devoir d'investir pour
l'avenir de leur société, raison pour laquelle la loi leur impose
la constitution, à partir du bénéfice, d'une
réserve de 5 %, qui ne cesse d'être obligatoire que quand elle
totalise 10 % du capital social. Nonobstant cette obligation légale, les
actionnaires peuvent en prévoir une dans les statuts ou décider
d'en
106
constituer d'autres ultérieurement, qui dans ces cas se
définissent comme des réserves facultatives.
Nous savons que, comme toute autre vie, celle de la
société ne peut toujours être vue en rose. Des
événements malheureux peuvent survenir et conduire à sa
liquidation. Devant une telle situation les actionnaires doivent
désintéresser leurs créanciers et au cas où il
resterait quelque chose, se le partager sous forme de boni de liquidation.
Cependant la distribution du boni de liquidation constitue un
fait juridique unique dans la vie d'une société puisqu'il
n'arrive qu'une seule fois, juste avant la `'mort» de la
société. En cas de provision insuffisante, les actionnaires
doivent se préparer à supporter le mali de liquidation.
Enfin, pour que la démocratie n'empiète pas sur
les droits des minorités, le législateur a mis en place des
dispositions pour protéger la minorité contre l'abus de
majorité, tout en rappelant que l'intérêt social doit
primer sur l'intérêt individuel des actionnaires.
Cette protection particulière des actionnaires
minoritaires présente un intérêt certain car, elle vient
les sécuriser contre l'usage abusif du droit des majorités,
celles-ci étant informées qu'en cas d'usage abusif de leur droit,
les minoritaires ont la prérogative d'intenter une action en justice
pour éventuellement obtenir réparation.
Au cours de notre travail de recherche, nous avons
constaté que bien que le législateur burundais ait prévu
des dispositions légales et réglementaires pour protéger
les actionnaires minoritaires dans les sociétés mixtes, le
pouvoir actionnariale forte de l'Etat peut vicier l'intérêt social
alors qu'il est le but principal de création d'une
société. C'est pourquoi, nous pensons qu'il faudrait voir comment
plafonner les actions de l'Etat dans ces types de sociétés.
En outre, la législation burundaise donne l'actionnaire
à poser deux fois par exercice des questions aux dirigeants de la
société sur toute question relative à la vie de la
société. Nous pensons qu'il fallait multiplier les
séquences de poser des questions chaque fois que ceux-ci ont un
problème à soulever. Enfin étant donné les
progrès réalisés dans les nouvelles technologies de la
communication et de l'information, il est nécessaire que le
législateur pense à réviser le code des SP&PP en
intégrant les Nouvelles Technologies de l'Information et de la
Communication notamment en ce qui concerne le vote par voie
électronique.
107
BIBLIOGRAPHIE
I. TEXTES LEGISLATIFS ET REGLEMENTAIRES
1. Code Civil Livre II.
2. Loi n° 1/07 du 15 mars 2006 sur la faillite.
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n° 5/2011 du 1er mai 2011.
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de la loi n° 1/07 du 26 avril 2010 portant code de commerce.
5. Loi n° 1/12 du 28 juin 2017 régissant les
sociétés coopératives au Burundi.
6. Loi n° 1/05 du 23 janvier 2018 portant
insolvabilité du commerçant au Burundi.
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révision du Code Pénal.
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AUTRES TEXTES
1. Statuts harmonisés de la SOSUMO s.m avec la loi
n° 1/09 du 30 mai 2011 portant code des sociétés
privées et à participation publique.
2. Règlement d'ordre intérieur du Conseil
d'administration de la SOSUMO.
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10. Lexbase Afrique-OHADA Edition n° 31 du 12/03/2020.
11.
110
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12. Petites affiches n° 69, 2002.
13. Revue Pénant n° 910 janvier-mars 2020.
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IV. THESES ET MEMOIRES
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Université Paris - Sud, mémoire de Maitrise, année
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Université Paris 1, Panthéon- Sorbonne, LGDJ, Paris 2012,
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académique 2010-2011, 96p.
8.
111
Eric Aristide MOTTO FOPA, réflexions critiques sur
le système de prévention des difficultés de l'entreprise
OHADA, Mémoire de DEA, Université de Deschamps-Cameroun,
2007, 70p.
9. Etienne GROSBOIS, Responsabilité civile et
contrôle de la société, Université Caen Basse
Normandie2006, thèse de doctorat, 725 p.
10. Jacques Derthal ALBAS, le contrôle d'une
société anonyme par les actionnaires, Université de
Lomé, Mémoire de Maitrise, année académique
2007-2008, 102p.
11. Hafeda BEN HAFIA et Abbes LAMIE, Politique de
distributions des dividendes, impact boursier, Mémoire de Master,
Institut de Haute Etudes Commerciales de Carthage, 2010-2011, 104 p.
12. KATCHUNGA KANEFU Lucien, De l'intérêt
social comme ligne de conduite du juge dans les litiges relatifs à la
gestion des sociétés commerciales, Université
Catholique de Louvain, thèse de doctorat, 306 p.
13. Khaled Aguemon, Réflexion sur l'abus de droit
des sociétés dans l'espace OHADA : contribution du droit
français, Université Jean Moulin Lyon 3, thèse de
doctorat, Lyon, 07 septembre 2013. 471p.Patrice Christian Ewane Motto, La
Gouvernance des sociétés commerciales en droit OHADA,
Thèse de Doctorat, Universités de Douala- Paris Est,
présentée à Paris, le 1er novembre 2016,
401p.
14. Kissi SAMIA, Distribution de dividendes fictifs en
droit algérien, Université de Tlemcen année
académique 2015-2016, Thèse de doctorat en droit privé,
341p.
15. Marcel Rostel KANAN KENGNI, la distribution des
dividendes en droit des sociétés Ohada, Mémoire de
Master, Université Dschang, 2013, 104p.
16. Nany Elodie MABIKA ITSIEMBOU, Utilité du
capital social : Etude de droit français, Université
d'Auvergne-Clermont Ferrand I, Thèse de doctorat, 2010, 640p.
17. Roch Van Den Driessche, l'exercice du droit de vote
au sein des Assemblées Générales des
sociétés cotées, Université Catholique de
Louvain, Année Académique 2015-2016, mémoire de Maitrise,
86p.
112
18. SENIADJA ADJO Flavie, La protection des actionnaires
minoritaires des sociétés anonymes dans l'espace OHADA,
Mémoire de DEA en droit fondamental, Université Catholique
d'Afrique de l'Ouest d'Abidjan, décembre 2009, 64p.
V. RAPPORTS D'AUDIT ET AUTRES DOCUMENTS
1. SOFRECO, rapport de l'audit organisationnel de la SOSUMO,
annexe 1, aspects juridiques, aout 2018.
2. Rapport définitif d'audit réalisé par
BCPA international S.P .R.L et ABC Audit-Bilan-Conseil. Marche suivant DAO
n° 002/CP-SOSUMO/2017.
3. Lettre des commentaires et recommandations au titre de la
mission de commissariat aux comptes de la SOSUMO, période allant du
1er 2017 au 31 mai 2018. Présenté par Fen Raj
Conseil.
VI. SITES INTERNET
1.
http://www.petiteentreprise.net
2.
https://www.assistant-juridique.fr/dissolution_partage_actif.jsp
3.
http://www.toupie.org/Dictionnaire/Interet_general.htm
4.
https://www.leconomiste.eu/decryptage-economie/218-la-main-invisible-d-adam-
smith.html
5.
www.operavenir.com
6.
www.afic.asso.fr
7. www.googledroit à l'
infortmation.fr
8.
www.CourdeCassation.fr
9.
www.SOSUMO.bi
10.
www.ohada.org/index.php.pt/publication-pt/434-1-information
11.
www.village-justice.com
12.
www.hallarchives-ouvert.fr
13.
https://www.pernaud.fr/info/glossaire/9206786/liquidateur.ste
14.
www.dictionnaire-juridique.com
15.
www.dicocitation.com
16.
www.googlehall.fr
17.
113
www.finyear.com
18.
https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/handle
114
ANNEXE
1. LISTE DES SOCIETES MIXTES DU BURUNDI
N°
|
NOM DE LA SOCIETE
|
NATURE JURIDIQUE
|
STRUCTURE DE FONCTIONNARIAT (part directe de l'Etat en
%)
|
1
|
BANCOBU
|
SM
|
3,4
|
2
|
BBCI
|
SM
|
1,5
|
3
|
FPHU
|
SM
|
83
|
4
|
SIP
|
SM
|
87,5
|
5
|
SOBUGEA
|
SM
|
Etat actionnaire via Air Burundi et SOCABU
|
6
|
SODECO
|
SM
|
81,6
|
7
|
SOG KIRIMIRO
|
SM
|
68
|
8
|
SOG MUMIRWA
|
SM
|
81
|
10
|
SOSUMO
|
SM
|
99
|
11
|
SOURCE DU NIL
|
SM
|
95,6
|
12
|
SOCABU
|
SM
|
25
|
13
|
BNDE
|
SM
|
26
|
14
|
BCB
|
SM
|
10,6
|
15
|
SOG KAYANZA
|
SM
|
14
|
16
|
SOG NGOZI
|
SM
|
27
|
17
|
BRARUDI
|
SM
|
40
|
18
|
EPB (en concession)
|
SM
|
40,58
|
19
|
VERRUNDI (en voie de mise en concession)
|
sm
|
54, 04
|
|