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Le geste de sauvegarde des objets numériques: L'éditorialisation de soi à  l'épreuve des réseaux

( Télécharger le fichier original )
par Francois Pelissolo
CELSA - Master 2 Recherche 2018
  

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B.3. - Stéphanie E. : perte d'écrits numériques

Entretien réalisé en présentiel le 05/05/2017. Durée : 1h30

Sujet proposé : la perte d'écrits numériques

Stéphanie, 45 ans, est journaliste, animatrice de plusieurs plateformes web, et auteur de romans.

Q : Vous vous êtes proposée pour un entretien car vous avez eu à subir la perte d'un document important. Pouvez-vous nous le raconter ?

R : C'était un manuscrit, important pour moi car il s'agissait de mon deuxième roman « publiable » (le premier était paru en « Série Noire », et j'avais aussi commencé d'autres romans plus ou moins avortés). J'y travaillais depuis un an (en plus de mon travail à temps plein à Libé) et il était en plus lié à mon histoire personnelle, d'où un engagement émotionnel important dans cette écriture.

J'ai un jour perdu - je ne sais plus comment - ce fichier, et c'est à ce moment que j'ai réalisé que je n'avais plus fait de sauvegarde depuis plusieurs mois, et que c'était presque la moitié du roman qui avait ainsi disparu.

Q : Mais que s'est-il passé ?

R : Je ne sais plus du tout. J'ai une sorte de trou noir quand j'y repense. J'avais dû gérer un deuil (la mort brutale de mon père) et j'ai affronté les phases habituelles : colère, déni, dépression... Donc sur le moment la perte de mon manuscrit m'est apparue comme une sorte de fatalité.

Q : Et maintenant ?

R : Je me dis que ce n'est ni une bonne, ni une mauvaise chose. C'est arrivé, c'est tout.

Q : Et l'impact sur le livre ?

R : J'ai mis du temps à accepter de le reprendre. Mais ce n'était pas qu'à cause de sa perte. D'autres raisons personnelles s'y additionnaient. Quand j'ai repris sa rédaction, le résultat était évidemment différent de la version perdue. Mais tout autre événement aurait pu le rendre différent. Il est juste ce qu'il aurait dû être.

Q : Savez-vous dire pourquoi vous n'aviez pas fait de sauvegarde ?

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R : J'ai l'impression que c'est spécifique à mon activité d'écriture, qui différait de mon quotidien plus « routinier ». On se sent alors dans une toute-puissance, dans l'euphorie de la création. On se dit qu'il n'y a pas le temps de faire des choses aussi triviales que des sauvegardes.

Même maintenant, je fais assez peu de sauvegardes. Je fais une à deux copies par mois, et j'envoie aussi une ou deux versions par mois à d'autres personnes, par messagerie mail.

Q : Et en contexte professionnel ?

R : Ça n'a plus rien à voir. Je suis beaucoup plus attentive quand c'est du professionnel. Quand je ne suis pas la seule engagée... Cela dit, à Libé, les sauvegardes étaient automatiques. Et chez moi, c'est mon mec qui s'en occupe. Tout est sous Linux, je suis moins calée que lui, donc il gère. C'est un peu déresponsabilisant, ce n'est pas trop mon genre, mais bon...

Q : Vous semblez assez zen sur le sujet, voire fataliste ?

R : Disons que je me dis que tout ça, ce sont des risques inhérents aux machines. Comme de se faire écraser dans la rue, quoi... J'ai bien conscience de prendre des risques, mais ce n'est pas si grave. Peut-être aussi parce que mon mec a tendance à être un peu trop « ceintures et bretelles ». Du coup, par contrepied sans doute, je la joue plutôt en free style.

Elle martèle plusieurs fois : « C'est pas grave... C'est pas grave du tout ! »

Par contre au boulot, c'est vraiment différent. On n'a pas de temps à perdre, et surtout, on travaille pour les autres !

Elle se met à développer sa vision personnelle :

Je dois avoir une sorte de fatalisme asiatique. Je tombe, je me rattrape. Mon mec est peut-être là pour me sauver, mais moi je ne sauve personne. Mais je ne lâche rien non plus !

Q : Etes-vous plutôt « gardeuse » ou « jeteuse » ?

R : JE JETTE TOUT ! Je ne supporte pas de garder des choses. Mon mec est un gardeur obsessionnel ! Et ses parents encore plus ! A la mort de son père, on a retrouvé 72 paires de chaussures, 100 chemises non déballées, des collections de balles de golf...

Pour ma part, je ne remets rien à plus tard. Si je dois jeter, je jette... Je déteste l'idée de la pourriture, de l'eau stagnante. C'est d'ailleurs l'idée de la mort chez les romantiques. Différer un tri m'est insupportable. Mais la plupart du temps, j'ai déjà fait le tri dès le départ. Choisir, c'est

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important. Je ne comprends pas pourquoi mon père avait DEUX boîtes à outils, DEUX téléphones des années 70.

Q : Faites-vous des collections ?

R : Surtout pas ! Y'a un truc avec les objets... Certains restent pourtant, on n'aurait pas misé tripette... Et pourtant ils ont parcouru du chemin. Par exemple j'ai une étagère avec plein de petits bibelots. J'ai plaisir à voir l'ensemble, ça donne un aperçu de ma vie. C'est une partie de moi. Mais ce sont vraiment de petits objets. Et j'en change quelquefois. J'ai une boîte avec des objets « remplaçants » et ça tourne. Mon bureau est une scène avec des thèmes (mes marottes : les super héros, le Japon) et des objets faits par mes deux filles.

(On lui explique la notion d'ocnophile et de philobate)

R : je suis plutôt philobate : j'aime skier sans bâtons, j'aime la légèreté. Mais j'ai peur des manèges. Et je n'ai pas de préférence entre pièces vides ou pleines d'objets : j'aime les deux.

Q : Et les albums photos ?

R : Sur papier ! Je fais tirer les meilleures photos numériques. J'ai mes photos « artistiques » sur le Cloud, sécurisé par mon mec, et j'en ai au moins deux versions différentes en ligne. J'ai gardé deux albums photo de ma grand-mère, des années 70/80.

Q : Pour la musique ?

R : J'ai juste une playlist en ligne de 30 titres ! Je viens juste de la commencer.

Q : Les bookmarks ?

R : j'y attache pas mal d'importance. Elle nous donne son arborescence :

- Art : photos...

- Working : ...

- Sorties

- Vrac (que je retrie régulièrement)

- Porno (c'est un de mes sujets de travail)

- Projets d'écriture
- Actualités (news)

R : J'utilise Chromium sous Linux et Mozilla. J'ai deux profils de navigation : un « fake » pour tester et le « vrai ». Je sauvegarde de temps en temps mes bookmarks. Mon mec utilise Slack (un genre de workplace) et Evernote, mais je trouve ça « too much » pour moi.

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Q : Pour les données administratives ?

R : Tout est numérisé, en double : Cloud + ordi. J'ai aussi un cahier papier qui me sert de chrono pour tout journaliser, habitude prise sans doute comme assistante de rédaction. Le relire m'a permis de réaliser que je faisais plus de choses que je ne le pensais (rires).

Q : Les contacts, téléphoniques et autres ?

R : Rien de spécial, mais c'est quand même plus ou moins doublé entre mon téléphone et gmail.

Q : Avez-vous des fichiers encombrants ?

R : j'ai des films DV des premiers jours de ma fille. Ils sont sur disque et sur le cloud. Ça coûte sûrement des sous, mais bon... Je n'ai pas de problèmes de place.

Q : Votre messagerie mail ?

R : Pas de backup... Je n'ai pas grand-chose. J'ai plus peur de me faire pirater. J'ai une stratégie de composition de mots de passe « poussée à l'extrême » ...

Q : En cas de faillite d'hébergeur ?

R : Je n'arrive pas à avoir peur de ça. J'ai plutôt peur de me faire squatter une de mes URL. J'ai plusieurs sites hébergés et ça m'est déjà arrivé. J'avais un site magnifique ( www.mythologies-souterraines.com) et zou... Il a disparu pour être squatté par des Chinois... En fait mon hébergement était jusqu'au 31/12/2003. J'ai pensé que ça pouvait attendre, 6 mois après la sortie de mon livre. Dès le lendemain, « les Chinois » m'avaient piqué mon nom de domaine. J'étais vexée comme un pou. L'URL était à la fin de mon livre et dans mon dossier de presse

En 2016 :

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Effectivement, Wayback Machine nous le confirmera :

https://web.archive.org/web/20051012070111/http://www.mythologies-souterraines.com/auteur.htm

En 2005 :

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B.4. - M anue A. : patrimoine culturel semi-pro et collections

Entretien réalisé en présentiel (dans ses bureaux) le 05/05/2017. Durée : 1h Sujet proposé : patrimoine culturel semi-pro et collections

Manue, 48 ans, est documentaliste dans une TPE spécialisée dans l'édition de photos anciennes, et plus particulièrement sous forme d'agence médias. Son métier comporte donc une part importante de gestion d'archives.

L'entretien a plutôt pris la présentation des méthodes d'archivage, d'indexation, et d'utilisation des archives photographiques de sa société. Il nous a été utile en termes de questionnement sur la valeur symbolique des objets anciens mais sa transcription brute ne présente pas d'intérêt pour ce présent mémoire. Elle nous parle de la notion de « Social Media Curator » et en particulier de Stephen Ellcock, iconographe et curateur amateur (226 000 followers sous Facebook).

Manue a été confrontée à un seul crash informatique : celui de sa messagerie mail : « 6 à 7 ans de mails perdus... Je ne m'étais jamais posé la question des sauvegardes. Je me suis dit que c'était fichu, bon. Heureusement que je garde mes agendas papier ! »

Depuis elle ne fait toujours pas de sauvegarde, même si elle s'intéresse au Cloud. « C'est du Mac, donc je ne sais pas comment ça se passe derrière ».

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C) Composition du corpus

C.1. - Structuration du corpus

Nom du sous-corpus

Types d'objets

messages

Tous types de messageries : mails, SMS, MP Facebook ou WhatsApp, voire lettres papier...

RSN

Réseaux sociaux numériques : Facebook en particulier, mais aussi YouTube, Twitter...

famille

Albums photos ou vidéos personnelles ou de famille

contenus

Productions personnelles : blogs, sites critiques, sites personnels, musique, vidéos non professionnels...

bookmarks

Bookmarks, tags, liens sauvegardés...

hypomnemata

Notes personnelles, journaux intimes...

collections

Tous types de collections numériques (musique : CD, mp3 ou playlists), vidéos/films, images, archives de presse...

lifelogging

Lifelogging, Q-S (quantified self)

pro

Tous contenus professionnels ou équivalents (dont programmes informatiques, fichiers bureautiques, productions artistiques numériques...)

config

Configuration d'ordinateur (disque de sauvegarde système), paramètres d'applications, mots de passe...

administration

Données administratives, factures, contrats...

scans

Scans d'archives papier

 

C.2. - Eléments de corpus par catégories

Les éléments de corpus utilisés étant souvent sous forme papier (manuels ou imprimés) ou numériques mais « complexes » (bookmarks, mails...), nous n'avons reporté ici que ceux d'entre eux qui étaient suffisamment « concis » dans leur forme numérisée.

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"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite