8. Conclusion
Le mouvement social brestois que nous avons
étudié nous apporte un certain nombre de renseignements quant aux
rites utilisés ainsi que les enjeux qui conditionnent l'activité
corporelle des individus. Tout au long de cette étude, nous avons
utilisé une méthodologie comprenant l'observation participante,
le carnet de terrain ainsi qu'une étude de documents
39 Weber, M. (2006) Sociologie de la religion, traduit
par Kalinowski, I., Flammarion, Paris
39
afin d'expliquer au plus juste les faits qui se sont
déroulés mais surtout de comprendre la fonction rituelle d'un
mouvement social.
Dans un premier temps, nous avons mis en avant le fait que le
mouvement brestois de novembre et décembre 2007 a une orientation de
contestation à l'encontre du pouvoir en place mais surtout des
décisions qui sont prises, dans notre cas la loi LRU ainsi que la note
Darcos. Nous avons pu qualifier le mouvement brestois de contestataire car il
s'agit d'une action collective menée contre un adversaire
identifié, l'Etat, utilisant un répertoire d'actions, le tout
étant organisé afin de chercher à persévérer
dans le temps. Pourtant, nous avons mit en évidence l'émergence
de communitas suite aux interactions des objectifs et des
individus.
Puis, nous avons questionné le mouvement social de
contestation comme rite utilisant l'activité corporelle. En effet, c'est
la pratique physique de la grève qui est dénominateur commun
à l'ensemble de communautés qui émergent. De plus, nous
avons observé que les modalités d'action, c'est-à-dire
l'utilisation de techniques corporelles, correspondent à des logiques
communautaires. Concrètement, les modalités de mise mouvement
utilisées lors des manifestations par les communautés sont
différentes de l'une à l'autre. Enfin, chaque communauté
développera sa propre identité composée des codes et des
principes qui la rende originale et aura pour incidence de donner un sentiment
d'appartenance aux individus.
Le mouvement social est bien un rite du fait de sa
célébration collective, visant à institutionnaliser les
individus et à renouveler les forces vives par l'engagement physique et
permettant l'acquisition d'une identité militante. De plus, nous avons
vu que les syndicats ainsi que les étudiants les plus anciens initient
les nouveaux venus.
Ensuite, le processus rituel utilisant l'engagement corporel
comme outil d'apprentissage répond à divers type d'enjeux. Nous
avons démontré que le mouvement social brestois est un outil de
pression sur un espace social et publique visant à
rééquilibrer le rapport de force entre l'Etat et les
manifestants. Dès lors, l'existence d'un fort pouvoir médiatique
incite les syndicats ainsi que les meneurs à mettre en mouvement le plus
grand nombre d'individus et c'est ce qui explique le phénomène de
récupération. D'autre part, sachant que le mouvement social est
un rite qui institue les nouveaux membres permettant de
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forger une identité plus militante, les
communautés ont pour intérêt d'intégrer le plus
grand nombre de personnes afin de s'affirmer sur un plan politique.
Enfin, nous pouvons dire que la mise en mouvement est
influencée par les médias ou bien par les meneurs qui ont une
certaine connaissance empirique du fonctionnement des communautés et qui
utilisent la théâtralisation ainsi que la mise en scène de
leur corps afin d'inciter les individus à s'engager, aussi ils
deviennent des exemples pour les profanes. Pourtant, certaines
communautés ont développé des techniques qui servent
à objectiver au maximum ses influences afin de prendre des
décisions en connaissance de cause.
Nous tenons également à ouvrir une piste de
réflexion quant l'utilisation de l'observation participante. En effet,
nous adaptions régulièrement notre statut d'observateur au moment
de l'étude. En se basant sur les écrits de Raymond
Gold40, Peter et Patricia Adler41, nous avons
commencé comme observateur participant passif interne (OPPI),
c'est-à-dire que nous observions sans prendre part aux débats
tout en étant étudiant inscrit de droit donc appartenant à
la population observée. Puis nous étions observateur participant
actif interne (OPAI), c'est-à-dire que nous étions dans les
manifestations avec les étudiants. Ensuite, nous étions
observateur participant passif externe (OPPE), dans le sens ou nous
étions dans le mouvement lycéen et que nous observions sans
prendre part aux débats. De plus, n'étant plus lycéen nous
étions externes. Enfin, nous étions observateur participant actif
externe (OPAE) car nous participions aux manifestations lycéennes sans
être lycéen. Il s'agit d'un changement de statut qui s'est
opéré au fur et à mesure des observations et qui a permis
de rester conscient de la place qu'occupe le chercheur par rapport à la
population observée.
L'ensemble de ce travail nous montre qu'il n'est pas simple de
traiter la question de la fonction rituelle des mouvements sociaux. Bien plus
qu'un rite, ce mouvement social est un outil de construction identitaire qui
est un terrain de conflits et de pressions où évoluent des
communautés. C'est en ce sens qu'il serait intéressant de
réfléchir quant à l'élaboration d'une typologie des
différentes communautés militantes qui participent à la
construction identitaire lors de mouvements sociaux ?
40 Gold, R. (1958) Roles in sociological field
observations, Social Force, 36
41 Adler, P. & Adler, P. (1987) Menbership roles
in field Research, Sage publication, USA
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