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Le régime juridique de la double nationalité en droit burundais


par Jean-Baptiste BARUMBANZE
Université du Lac Tanganyika - Licence 2011
  

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Section 1. Avantages de la double nationalité

La double nationalité permet à l'intéressé de cumuler les droits et les protections diplomatiques (§1), de bénéficier des effets des traités (§2) et d'avoir droit à un double passeport (§3).

224 J. COMBACAU et S. SUR, op. cit., p. 333

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§1. Le cumul des droits et des protections diplomatiques

La double nationalité entraîne indéniablement des avantages, en ce sens que le double national voit ses droits et protections diplomatiques cumulés.

A. Le cumul des droits

La double nationalité n'est généralement pas préjudiciable aux intérêts des individus concernés. Ceux-ci peuvent, en effet, exercer les droits reconnus par les deux Etats en cause à leurs nationaux.225 Le double national se trouve donc dans une situation privilégiée par rapport à un simple national. Ceci se comprend aisément. S'il est convenu que la nationalité permet à l'intéressé de jouir des droits à l'égard de l'Etat dont il est le national, il est a fortiori compréhensible que « ses droits sont accrus puisque dans chaque pays il a le statut d'un national ».226

Il s'en suit donc que le double national se trouve dans une situation réconfortante dans tous les cas. S'il arrive qu'un droit ne soit pas prévu par la législation de l'un des deux Etats dont il a la nationalité, il en bénéficiera dans l'autre ; de nombreuses facilités lui sont ainsi offertes comparativement à un simple national.

Ainsi, le double national a le libre accès aux emplois publics dans les deux pays dont il a la nationalité.

De même, la double nationalité offre des avantages en matière des protections diplomatiques en ce sens que celles-ci sont cumulées.

B. Le cumul des protections diplomatiques

Par définition, la protection diplomatique est l' « action par laquelle un Etat décide d'endosser, de prendre à son compte la réclamation d'un de ses nationaux contre un autre Etat et de porter par là le litige sur le plan international par voie diplomatique ou juridictionnelle ».227

225 F. MELIN, op. cit., p. 214

226 J. DERRUPPE, op. cit., p. 16

227 G. CORNU (dir.), op. cit., p. 688

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Tout individu soumis à l'allégeance de deux Etats est susceptible de pouvoir bénéficier de la protection diplomatique exercée par ces derniers. Cela est d'autant plus logique qu'« un individu possédant deux ou plusieurs nationalités pourra être considéré par chacun des Etats dont il a la nationalité comme son ressortissant ».228

Ainsi, le droit burundais de la nationalité, en prévoyant qu' « à l'étranger, le citoyen burundais bénéficiant d'une double nationalité a droit à la protection diplomatique et aux services consulaires »229 s'inscrit dans la perspective de la disposition de la convention de La Haye du 12 avril 1930 concernant certaines questions relatives aux conflits de lois sur la nationalité qui accorde à chacun des Etats dont l'intéressé a la nationalité la compétence de le défendre.

Le cumul de nationalités se traduit donc pour l'intéressé par un certain nombre de facilités en ce sens qu'il pourra théoriquement invoquer la protection diplomatique liée à chacune d'elles ; selon l'Etat tiers à l'encontre duquel il est appelé à faire jouer cette protection, l'une peut être plus efficace que l'autre.230

En matière de protection diplomatique, « la responsabilité internationale d'un Etat ne peut être engagée que si l'Etat national de l'individu lésé prend fait et cause pour lui ».231 En d'autres termes, l'Etat donneur de nationalité endosse, prend à sa charge la réclamation de l'individu lésé par un fait internationalement illicite commis à l'étranger.

La protection diplomatique, telle qu'elle a été définie, se distingue de la protection fonctionnelle. Tandis que la première est accordée par l'Etat à ses nationaux ou à certaines catégories d'autres individus, la seconde est exercée par une organisation internationale au profit de ses fonctionnaires.232

En outre, la notion ne doit pas être confondue avec la protection dont jouissent les agents diplomatiques grâce aux immunités diplomatiques.233

228 Art. 3 de la convention de La Haye du 12 avril 1930 sur certaines questions relatives aux conflits de lois sur la nationalité.

229 Art. 27 du Cod. Nat., in B.O.B. n°8bis/2000

230 En ce sens, voy. B. AUDIT, op. cit., p. 761

231 M. DEYRA, Droit international public, Gualino éditeur, Paris, 2007, p. 166

232 L. CAVARE, Droit international public positif, T. I, Notion de droit international public, structure de la société internationale, 3e éd., éditions A. PEDONE, Paris, 1973, p. 295

233 En ce sens, voy. D. RUZIE, Droit international public, 19e éd., Dalloz, Paris, 2008, p. 72

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L'endossement de la réclamation de l'individu fait dans le cadre de la protection diplomatique tire son fondement dans le lien qui existe entre l'Etat et l'individu (1) ; il entraîne en outre certaines conséquences (2) tandis que sa recevabilité est subordonnée à certaines conditions (3).

1. Fondement de la protection diplomatique

La protection diplomatique vient de l'idée que le ressortissant fait partie du portefeuille de l'Etat, lui appartient, et si on lui cause préjudice, c'est l'Etat lui-même qui est préjudicié.234 Les propos d'E. de Vattel, lorsqu'il note que « quiconque, traite mal un citoyen porte indirectement préjudice à l'Etat qui doit protéger ce citoyen »235 sont très expressifs. Cette idée se comprend aisément car les nationaux d'un Etat constituent son « patrimoine humain »236 et il est logique que celui-ci doit être protégé où qu'il se trouve. La doctrine affirme elle-même que « la population de l'Etat est un de ses éléments primordiaux ».237

Il résulte de ce qui précède que lorsque l'Etat prend fait et cause pour son national, celui-ci n'exerce pas un droit reconnu à la personne protégée.

Ce fondement de l'endossement fait que ce dernier emporte certaines conséquences sur le plan international.

2. Conséquences de la protection diplomatique

Une fois l'endossement de la réclamation accepté par l'Etat, il entraîne d'importantes conséquences.

Ainsi, dès que l'affaire est portée sur le plan international, la réclamation s'internationalise. En d'autres termes, ce qui est en cause maintenant, ce n'est plus une question relevant du droit interne de l'Etat contre lequel l'action est menée, mais une question de droit international, celle-là même que l'étranger n'a pas pu faire trancher avec succès par les autorités nationales de l'Etat.238 A partir du moment où l'Etat saisit, en protection de son national, une instance judiciaire internationale, l'affaire prend une ampleur internationale.

234 En ce sens, voy. E. KAGISYE, Cours de droit des affaires, inédit, 2e licence, Droit, Bujumbura, U.L.T., 2008-2009, p. 100

235 E. de Vattel cité par E. CANAL-FORGUES et P. RAMBAUD, Droit international public, éditons Flammarion, Paris, 2007, p. 450

236 M. DEYRA, op. cit., p. 87

237 Voy. Supra, p. 15

238 En ce sens, voy. J. COMBACAU et S. SUR, op. cit., p. 534

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En outre, le principe que la protection diplomatique suppose l'endossement de la réclamation de la personne lésée par l'Etat entraîne une conséquence importante : « changement du statut de la réclamation (...) en ce que, par la voie de l'endossement, elle devient interétatique, c'est-à-dire met face à face l'Etat auquel le dommage est imputé et l'Etat protecteur qui se substitue purement et simplement au particulier ».239 Le particulier s'éclipse donc complètement devant l'intervention de l'Etat qui se substitue à lui dans sa réclamation.

L'endossement de la réclamation fait par l'Etat n'est recevable que si plusieurs conditions sont remplies.

3. Conditions de recevabilité de la protection diplomatique

Pour que l'endossement de la réclamation puisse avoir lieu, le réclamant doit justifier d'un rattachement avec l'Etat protecteur (a), adopter une attitude correcte (b) et épuiser les voies de recours internes (c).

a. La nationalité de la victime

Un Etat ne peut exercer sa protection diplomatique qu'au profit de ses nationaux, c'est-à-dire des personnes physiques qui lui sont rattachées par un lien de nationalité.240 La conséquence de cette règle est importante. Il n'y a pas de protection diplomatique dont puissent bénéficier les personnes sans nationalités (apatrides),241 sauf disposition contraire. La jurisprudence internationale est constante sur ce point et s'exprime de façon catégorique : « En l'absence d'accords particuliers, seul le lien de nationalité donne à l'Etat le droit de protection diplomatique ».242

Signalons à toutes fins utiles que l'Etat n'est pas obligé d'intervenir, dans tous les cas, même pour ses nationaux. La doctrine nous renseigne que la décision d'exercer la protection diplomatique pour le compte d'un national est en général discrétionnaire et un gouvernement s'abstiendra normalement de le faire pour une personne qui possède sa nationalité alors que ce lien apparaît dans son cas formel.243

239 J. COMBACAU et S. SUR, op. cit., p. 535

240 NGUYEN QUOC DINH et alii, op. cit., p. 772

241 J. VERHOEVEN, Droit international public, Larcier, Bruxelles, 2000, p. 636

242 NGUYEN QUOC DINH et alii, op. cit., pp. 772-773

243 B. AUDIT, op. cit., p. 763

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Cependant, si l'Etat peut s'abstenir d'assurer la protection internationale de son national, la jurisprudence admet que « Le national ne saurait renoncer à l'exercice de cette protection ».244 Il s'agit de l'interdiction de la clause Calvo, du nom de son inventeur, homme d'Etat et jurisconsulte argentin, qui vécut de 1824 à 1906,245 selon laquelle « Les contrats conclus entre certains Etats du centre et du sud de l'Amérique et des étrangers ne peuvent être appréciés que par les juridictions internes ».246

b. La conduite du réclamant

Il s'agit de la théorie des « clean hands » qui implique que la victime ne puisse se voir reprocher une conduite incorrecte comme une action contraire au droit interne ou international, ou une imprudence.247

Par conséquent, l'individu qui affiche une attitude incorrecte dans un pays d'accueil perd tout droit à la protection diplomatique. L'étranger résidant dans un pays est tenu à une certaine attitude faite de discrétion, de loyauté envers l'Etat sur le territoire duquel il se trouve.248 S'il se méconduit, il mérite une sanction de la part de l'Etat de sa résidence, et il serait inconcevable, voire illogique qu'il puisse se prévaloir de la protection diplomatique du moment que le traitement par lui subi a été dicté par son comportement fautif.

c. L'épuisement préalable des voies de recours internes

La protection diplomatique ne peut intervenir qu'en l'absence de voies de recours internes ou si celles-ci ont été épuisées.249 Cette règle a pour but de ne pas privilégier d'emblée le ressortissant étranger par rapport aux citoyens d'un

Etat.250

244 L. CAVARE, T. I, op. cit., p. 292

245 L. DELBEZ, Les principes généraux du droit international public, Droit de la paix, droit préventif de la guerre, droit de la guerre, 3e éd., L.G.D.J., Paris, 1964, p. 373

246 L. CAVARE, Droit international public positif, T. II, Les modalités des relations juridiques internationales, Les compétences respectives des Etats, 3e éd., éditions A. PEDONE, Paris, 1973, p. 442

247 M. DEYRA, op. cit., p. 166

248 L. CAVARE, T. I, op. cit., p. 287

249 M. DEYRA, op. cit., p. 167

250 R. KOLB, op. cit., p. 463

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Il importe de faire remarquer que la règle de l'épuisement préalable des voies de recours internes ne joue pas si l'individu ne s'est pas soumis à l'ordre juridique étranger, par exemple s'il subit des dommages par l'action d'un Etat tiers sur le territoire de l'Etat dont il est ressortissant.251

Comme avantage de la double nationalité, outre les protections diplomatiques exercées par les Etats dont il a la nationalité, l'individu tire aussi profit des traités ratifiés par ceux-là.

§2. Le bénéfice des effets des traités

La double nationalité procure un avantage indéniable à l'intéressé en matière de traités. En effet, ce dernier « peut, toujours dans un Etat tiers, prétendre bénéficier des traités les plus favorables passés avec cet Etat par chacun de ceux dont il tient la nationalité ».252 Ainsi, par exemple, si une personne X a la nationalité des Etats A et B et que ces derniers ont conclu, chacun, des conventions avec l'Etat C, celui-ci ne peut pas invoquer le fait que l'intéressé bénéficie du traité conclu avec l'Etat A, pour lui refuser l'avantage qu'il pourrait tirer du traité passé avec l'Etat B.

L'avantage que le double national tire de sa qualité en matière de traités est certain en ce sens que, dans ce domaine même, l'application du principe d'effectivité de la nationalité, comme solution au conflit de nationalités, est écartée. En matière de traités, dans l'hypothèse où l'intérêt du conflit de nationalités est l'application d'un traité conclu par l'Etat du for avec l'un des deux Etats dont l'intéressé a la nationalité, le respect par l'Etat du for de la souveraineté de l'Etat contractant devrait l'obliger à appliquer le traité à tous les individus que cet Etat reconnaît comme ses nationaux même s'ils possèdent « plus effectivement » la nationalité d'un Etat tiers.253

Non seulement la double nationalité permet à l'intéressé de jouir des avantages sur le plan de l'application des traités à son égard, mais aussi la situation rend sa liberté d'aller et de venir de plus en plus accrue.

251 NGUYEN QUOC DINH et alii, op. cit., p. 740

252 En ce sens, voy. B. AUDIT, op. cit., p. 761

253 H. BATIFFOL et P. LAGARDE, op. cit., p. 84

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§3. Le droit à un double passeport

La double nationalité procure un autre avantage de taille sur le plan de la mobilité internationale. La circulation internationale de l'intéressé se trouve facilitée par la possibilité d'obtenir plusieurs passeports.254 Cette idée se comprend aisément car chacun des Etats à l'allégeance desquels l'individu est soumis lui délivre un passeport.

Si la constitution burundaise prévoit que « Tous les citoyens burundais ont le droit de circuler et de s'établir n'importe où sur le territoire national, ainsi que de le quitter et d'y revenir »,255 il va de soi que l'intéressé se voit reconnaître cette liberté à l'égard du Burundi, mais aussi à l'égard d'un autre Etat dont il est également citoyen et dont la législation fondamentale interne prévoit sans doute une disposition similaire. Le double national navigue ainsi sans problème entre son pays d'origine et son pays d'accueil et, pour reprendre les propos de Hichem, cette qualité lui « permet d'être un citoyen du monde ».256

Nous pouvons donc simplement dire que la double nationalité permet à l'intéressé de quitter chez lui pour aller chez lui : lorsqu'il quitte, par exemple, le Burundi pour aller au Royaume-Uni dont il est également le national, il va chez lui et lorsqu'il quitte ce dernier pays pour revenir au Burundi, il revient chez lui.

Ainsi, une personne ayant la double nationalité, par exemple burundaise et suisse a un avantage certain au point de vue de la libre circulation. Etant au Burundi, elle voyage facilement dans la région, notamment en Ouganda et au Rwanda tandis que, étant en Suisse, elle peut circuler facilement dans toute l'Europe.

Il est incontestablement admis que la double nationalité offre beaucoup de facilités au regard des avantages précédemment relevés. Cependant, des inconvénients sont là qui requièrent des remèdes et ce sont là les points faibles de la double nationalité.

254 J. DERRUPPE, op. cit., p. 16

255 Art.33 de la loi du 18 mars 2005 portant promulgation de la constitution de la République du Burundi, in B.O.B. n°3TER/2005

256 http : // www.actualite.el-annabi.com/archive-actualite/article.php3?id-article=3796 visité le 04/01/2011 à 10h 06min.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams