Le régime juridique de la double nationalité en droit burundaispar Jean-Baptiste BARUMBANZE Université du Lac Tanganyika - Licence 2011 |
Section 3. L'acquisition de la double nationalité par la mère ou par le pèreUn enfant mineur peut, à défaut d'établissement de la filiation paternelle, acquérir la double nationalité de la mère. Par déduction, il se comprend bien que le père ayant la qualité de double national peut, lui aussi, la transmettre à ses enfants mineurs au cas où la filiation paternelle à leur égard serait dûment établie. Ces deux derniers cas sont prévus par le code burundais de la nationalité en son article 25. Selon le prescrit de cet article, « est binational de plein droit l'enfant mineur lorsque son père ou, si la filiation paternelle n'est pas établie, lorsque sa mère acquiert une double nationalité». Il va de soi que les deux cas produisent cet effet car « l'acquisition d'une nationalité nouvelle par une personne doit (...) entraîner le même effet à l'égard de ses enfants mineurs (...), afin de ne pas provoquer une disparité de statuts au sein de la famille ».183 Or, il est convenu que les enfants ont, au départ, la nationalité de leurs parents, du moins s'il s'agit d'une nationalité jure sanguinis à laquelle s'ajoute la nationalité nouvellement acquise, celle-ci entraînant des effets collectifs à l'égard de la famille. L'individu peut non seulement se voir transmettre la double nationalité de son père ou de sa mère, mais aussi il peut avoir la double nationalité de ses parents, chacun lui transmettant sa nationalité. Section 4. La transmission par filiation maternelle et paternelle (double droit du sang) Si nous admettons l'équivalence de la paternité et de la maternité, il est normal que l'enfant se voit transmettre et la nationalité de sa mère et la nationalité de son père. Il y aura ainsi transmission de la nationalité jure sanguinis par la mère aussi bien que par le père.184 183 B. AUDIT, op. cit., p. 752 184 Idem, p. 761 51 Sous peine d'en faire un apatride, on ne saurait décider autrement que d'attribuer à l'enfant la nationalité de chacun de ses parents. Ainsi, un enfant issu des oeuvres d'un Burundais et d'une Anglaise aura la double nationalité. En effet, en droit burundais, l'enfant né d'un père ayant la qualité de Burundais est Burundais de naissance ;185 la loi anglaise de 1981 décide que l'enfant d'un citoyen186 britannique devient britannique par filiation.187 L'enfant sera donc burundais si l'on considère la nationalité burundaise de son père et anglais si l'on considère la nationalité anglaise de sa mère. Outre la transmission par filiation maternelle et paternelle, l'application simultanée des modes d'attribution de la nationalité d'origine peut aussi donner lieu à la double nationalité. Section 5. L'application simultanée des critères du droit du sang et du droit du sol La double nationalité peut résulter du fait que le pays d'origine confère à une personne sa nationalité en application du jus sanguinis, tandis que le pays d'accueil applique le système du jus soli.188 Il s'agit d'une situation fréquente car les Etats sont libres, rappelons-le, dans la détermination des conditions d'attribution de la nationalité. Ainsi, un enfant né sur le territoire britannique d'un parent ayant la nationalité burundaise est bipatride. En application de la loi burundaise, l'enfant aura la nationalité burundaise, mais en même temps, de ce que « tout enfant né au Royaume-Uni de parents étrangers établis au Royaume-Uni au moment de la naissance de l'enfant est britannique »,189 cet enfant a des liens d'attache avec l'Etat britannique, du simple fait de sa naissance sur le territoire de ce dernier. De ce fait, l'enfant aura la double nationalité. 185 Voy. Supra, p. 25 186 La loi britannique ne distingue pas à cet égard selon qu'il s'agit du père ou de la mère ; chacun d'eux transmet la nationalité jure sanguinis. 187 Y. LOUSSOUARN et alii, op. cit., p. 789 188 D. GUTMANN, op. cit., p. 245 189 http : // fr.wikipedia.org/wiki/jus-soli visité le 27/05/2010 à 12h 16min. 52 Cependant, si l'application simultanée des deux critères permet à l'intéressé d'avoir la double nationalité, le droit français a institué la faculté de répudiation permettant à la personne née à l'étranger de renoncer à la nationalité française qui lui avait été attribuée par filiation « si un seul des parents est français » et cela, « dans les six mois précédent sa majorité et (...) dans les douze mois la suivant ».190 Dans ce dernier cas, l'enfant n'aura la double nationalité que s'il renonce à sa faculté de répudiation ou « si le parent étranger (...) acquiert la nationalité française durant la minorité de l'enfant ».191 Selon les options politiques du moment, chacun des Etats peut appliquer le système qu'il juge lui être utile. Certains Etats peuvent d'ailleurs combiner les deux critères. L'application de l'un et l'autre de ces systèmes est justifiée. §1. Application du droit du sang L'adoption du droit du sang est toujours justifiée pour un Etat car ce droit entraîne indéniablement des avantages quand bien même des inconvénients n'en manquent pas. A. Justification du systèmeSelon le système du jus sanguinis, le lien de filiation doit être considéré comme un critère pertinent d'attribution de la nationalité à la personne : l'enfant d'un ressortissant d'un Etat se verra ainsi reconnaître la même nationalité que son parent.192 On parle de nationalité transmise par filiation. Le critère de jus sanguinis comme mode d'attribution de la nationalité d'origine est pertinent dans la mesure où « le mode de vie et les valeurs de l'enfant sont nécessairement influencés par ceux de son parent ».193 Aussi paraît-il judicieux de tenir compte de l'origine de la personne pour l'intégrer à la population juridiquement constitutive d'un Etat.194 190 E n ce sens, voy. M. REVILLARD, op. cit., p. 23 191 Ibid. 192 D. GUTMANN, op. cit., p. 242 193 Ibid. 194 Ibid. 53 Le caractère pertinent du système est affirmé par d'autres auteurs. Ainsi, selon B. AUDIT, « Le facteur premier de formation de la personnalité est le milieu familial. L'individu y acquiert la langue dite « maternelle », les coutumes, la religion, les premiers modes de pensée. La filiation constitue donc un critère incontestable d'attribution d'une nationalité ».195 Le système du jus sanguinis est appliqué par le droit burundais de la nationalité. Cependant, il convient de faire remarquer que ce dernier opère une distinction en matière de filiation. Contrairement au droit français qui attribue la nationalité française à l'enfant dont un seul des parents est français « sans qu'il y ait lieu de distinguer selon qu'il s'agit du père ou de la mère »,196 le droit burundais, lui, consacre la primauté du jus sanguinis paterni. La filiation paternelle permet de reconnaître la qualité de Burundais seulement à l'enfant légitime et l'enfant naturel reconnu ou ayant fait l'objet d'une légitimation par le père.197 Autrement dit, la transmission de la nationalité par le sang est en principe réservée au père. La filiation maternelle revêt, quant à elle, une importance subsidiaire. Elle vient ainsi au secours de l'enfant naturel non reconnu par le père et de l'enfant désavoué par son père ;198 en un mot, seuls les enfants illégitimes ont la nationalité burundaise de leur mère, mais à la seule condition que la filiation maternelle soit établie la première. Nous remarquons donc que l'enfant ne peut pas avoir la nationalité par filiation maternelle dans les autres cas que ces deux derniers. Par là, le législateur rompt le principe de l'égalité de l'homme et de la femme, quant à la transmission de la nationalité à leurs enfants, principe pourtant consacré par la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes à laquelle le Burundi est partie.199 195 B. AUDIT, op. cit., p. 750 196 Idem, p. 775 197 Voy. Supra, p. 25 198 Voy. Supra, p. 25 199 En ce sens, voy. Art. 19 de la loi n°1/610 du 18 mars 2005 portant promulgation de la constitution de la République du Burundi, in B.O.B. n°3TER/2005 54 Ce dernier point de vue nous permet d'affirmer que la législation burundaise sur la nationalité se situe à une époque où se trouvait la législation belge, c'est-à-dire à la veille de l'entrée en vigueur du nouveau code de la nationalité belge (loi du 28 juin 1984)200 car cette législation « se distinguait par l'inégalité qu'elle maintenait (...) entre l'homme et la femme ».201 Un pas reste donc à faire pour le Burundi dans la mise en oeuvre de la convention susmentionnée, ce qui, par ailleurs, lui permettra de se mettre en accord avec les principes internationaux et de se conformer à l'article 19 de la constitution de la République du Burundi.202 Cependant, malgré les critiques élevées à son égard, le droit burundais de la nationalité a le mérite d'attribuer la qualité de Burundais sans distinguer selon qu'il s'agit d'un enfant légitime ou naturel du moment que la filiation légitime ou naturelle est dûment établie à l'égard du père.203 Les Etats ont des raisons de choisir ce système, même si à ses avantages s'ajoutent des inconvénients. B. Avantages et inconvénients du droit du sang Le lien de filiation a non seulement des avantages mais aussi des inconvénients. 1. Les avantages Le jus sanguinis fait coïncider habituellement la nationalité avec la race ; l'individu se trouve par, conséquent, soumis à la loi de la race, c'est-à-dire à des lois adaptées, en principe, à son tempérament et au milieu auquel il est appelé à vivre.204 En outre, le jus sanguinis répond à « l'idée d'éducation familiale, créatrice de pensées et de sentiments communs ».205 200 J. HANSENNE, Introduction au droit privé, édition Kluwer, Bruxelles, 2000, p. 263 201 Idem, p. 264 202 Voy. Supra, p. 48 203 Voy. Supra, p. 25 204 J. DE BURLET, op. cit., p. 21 205 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p. 639 55 2. Les inconvénients Au titre des inconvénients, dans la mesure où une famille est amenée à vivre, à travailler et à se développer en dehors de son pays d'origine, l'octroi aux enfants de cette famille de la nationalité de leurs père et mère risque de constituer un sérieux handicap pour ces enfants.206 Il aura pour conséquence de faire de ces derniers des étrangers par rapport au milieu local dans lequel ils seront appelés à évoluer et de les soumettre à un statut personnel qui risque de s'avérer inadapté à leur mentalité.207 Un autre inconvénient s'ajoute à ce premier. Il s'agit de celui relatif à la preuve de la nationalité ainsi acquise : pour établir sa nationalité, l'individu doit prouver celle de son auteur et ainsi de suite.208 Enfin, l'attribution de la nationalité jure sanguinis se prête à une transmission indéfinie malgré l'émigration définitive de l'ascendant dont on tient cette nationalité.209 §2. Application du droit du sol L'importance du lien avec le territoire justifie son adoption. Ceci est d'autant plus vrai que le système comporte des avantages à côté de ses inconvénients. |
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