UNIVERSITÉ DE PARAKOU
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FACULTÉ DE DROIT ET DES SCIENCES POLITIQUES
(FDSP) ÉCOLE DOCTORALE SCIENCES JURIDIQUES, POLITIQUES ET
ADMINISTRATIVES (SJPA)
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Master Droit pénal et sciences
criminelles
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Mémoire de Master Recherche
THÈME :
LA PROTECTION DU DROIT A LA LIBERTÉ A
L'ÉPREUVE DE LA DÉTENTION PRÉVENTIVE EN DROIT
POSITIF
TOGOLAIS
Présenté par : Sous la direction de
:
M. KPAKOU Panis Roger Pr. AYEWOUADAN Akodah
Agrégé des facultés de
Droit
Année académique
2019-2020
|
AVERTISSEMENT
|
L'UNIVERSITÉ DE PARAKOU N'ENTEND DONNER
NI APPROBATION NI IMPROBATION AUX OPINIONS ÉMISES DANS CE
MÉMOIRE. CES OPINIONS DOIVENT ÊTRE
CONSIDÉRÉES COMME PROPRES À LEUR AUTEUR
|
|
II
DÉDICACE
À mon père KPAKOU Komi et à ma
mère AKPAO Nana ;
Pour tout le soutien et les sacrifices que vous avez
consenti avec foi pour mes études.
REMERCIEMENTS
Mes remerciements vont à mon Directeur de recherches,
le professeur AYEWOUADAN Akodah, qui a accepté encadrer avec
bienveillance les travaux de rédaction de ce document. Qu'il trouve ici,
l'expression de toute ma gratitude et de l'admiration que je lui porte.
Je tiens également à remercier le magistrat
LODONOU Kuami pour la patience et la disponibilité avec laquelle il m'a
orienté dans les travaux de recherches au sein du ministère de la
justice.
J'adresse mes sincères remerciements à toute
l'équipe du CACIT, particulièrement le directeur exécutif
NYAKU Ghislain ; à toutes les personnes qui m'ont porté leur aide
au cours de ces travaux de recherches, notamment au Me TCHASSIM Pawoubadi,
à Mr IDRISSOU Akibou, à Mme KODJOLO Eugénie, à Mr
BAGNA Raouf, à Mr DAKLA Marcus, à Mr ALI Essoham et à Mlle
LABEYRIE Orianne.
Enfin, je remercie tout le corps enseignant de l'École
doctorale Sciences Juridiques, Politiques et Administratives de
l'Université de Parakou.
III
Puissiez-vous trouver en ce labeur l'expression de ma modeste
reconnaissance.
iv
SIGLES, ACRONYMES ET ABRÉVIATIONS
AJDA : Actualité Juridique Droit
Administratif
BNCE-Togo : Bureau National Catholique de
l'Enfance au Togo
CACIT : Collectif des Associations Contre
l'Impunité au Togo
CADHP : Charte Africaine des Droits de l'Homme
et des Peuples
CAT : Comité contre la Torture
CDFDH : Centre de Documentation et de Formation
sur les Droits de
l'Homme
CEDEAO : Communauté économique des
États de l'Afrique de l'Ouest
CEDH : Cour Européenne des Droits de
l'Homme
CNDH : Commission Nationale des Droits de
l'Homme
CPPB : Code de Procédure Pénale
Béninois
CPPF : Code de Procédure Pénale
Français
CPPT : Code de Procédure Pénale
Togolais
CVJR : Commission Vérité Justice
et Réconciliation
D. : Dalloz
DAPR : Direction de l'Administration
Pénitentiaire et de la Réinsertion
DDHP : Déclaration des Droits de l'Homme
et des Peuples
DUDH : Déclaration Universelle des Droits
de l'Homme
FIACAT : Fédération Internationale
de l'Action des Chrétiens pour l'Abolition
de la Torture
G.A.J.A : Grands Arrêts de la
jurisprudence Administrative
GF2D : Groupe de réflexion et d'action
Femme, Démocratie et
Développement
HAAC : Haute Autorité de l'Audiovisuel et
de la Communication
HCDH-TOGO : Haut-Commissariat des Nations unies
aux Droits de l'homme au
Togo
J.O. : Journal Officiel
JLD : Juge des Libertés et de la
Détention
V
L.G.D.J : Librairie Générale de
Droit et de Jurisprudence
La commission : La Commission Africaine des
Droits de l'Homme et des Peuples
LBCJ : Les Bons Conseils Juridiques
MICS : Enquête par Grappe à
Indicateurs Multiples
MNP : Mécanisme National de
Prévention de la torture
NCPT : Nouveau Code Pénale Togolais
OHCR : Haut-Commissariat des Nations unies
aux droits de l'homme
OMCT : Organisation Mondiale Contre la
Torture
ONG : Organisation Nationale non
Gouvernementale
ONUDC : Office des Nations Unies contre la
Drogue et le Crime
OPCAT : Protocole facultatif à la
convention des Nations Unies contre la
torture
OSC : Organisation de la
Société Civile
P.U.F : Presses Universitaires de France
PASJ : Programme d'Appui au Secteur de la
Justice
PCL : Prison civile de Lomé
PIDCP : Pacte International relatif aux
Droits Civils et Politiques
PND : Plan National de
Développement
RINADH : Réseau des Institutions
Nationales Africaines des Droits de
l'Homme
SMPDD : Solidarité Mondiale pour les
Personnes Démunies et les Détenus
SPT : Sous-comité pour la
Prévention de la Torture
TC : Tribunal des Conflits
UCJG : Union Chrétienne des Jeunes
Gens
WANEP-Togo : Réseau Ouest-africain
pour l'Instauration de la Paix au Togo
vi
SOMMAIRE
INTRODUCTION
|
1
|
PREMIÈRE PARTIE : UNE PROTECTION
LIMITÉE
|
.9
|
CHAPITRE 1 : UN RÉGIME PEU PROTECTEUR
|
10
|
SECTION 1 : Un cadre normatif vétuste
|
10
|
SECTION 2 : Une pratique irrégulière
|
.19
|
CHAPITRE 2 : UNE FAIBLE PROTECTION EN
PRATIQUE
|
30
|
SECTION 1 : Des durées de détention longues
|
.31
|
SECTION 2 : Des conditions de détention contraires
à la dignité humaine
|
.40
|
SECONDE PARTIE : UN RENFORCEMENT
NÉCESSAIRE
|
51
|
CHAPITRE 1 : LES AXES DE REFORMES ENVISAGEABLES
|
.52
|
SECTION 1 : Le renforcement du cadre légal et
institutionnel
|
...52
|
SECTION 2 : La nécessité d'un régime de
réparation de la détention préventive
injustifiée .61 CHAPITRE 2 : LE RENFORCEMENT
DU CONTRÔLE DU RESPECT DES
GARANTIES DE PROTECTION DU DROIT À LA
LIBERTÉ 71
SECTION 1 : Le renforcement des différents
mécanismes de contrôle 71
SECTION 2 : La contribution de la société civile
au respect des garanties de protection
du droit à la liberté 80
CONCLUSION 90
« Quel contraste plus cruel que celui de
l'indolence du juge et des angoisses de l'accusé ? D'un
côté les plaisirs et les aises d'un magistrat insensible, de
l'autre les larmes et l'état misérable d'un prisonnier
»
vii
Cesare Beccaria, « Des délits et des
peines »
1
INTRODUCTION
« Si l'on recherche en quoi consiste
précisément le plus grand bien de tous, qui doit être la
fin de tout système de législation, on trouvera qu'il se
réduit à deux objets principaux, la liberté et
l'égalité »1. La protection de l'ordre
public est le but ultime poursuivi par la loi dans un État de droit.
L'ordre public s'entend comme un état de la société
caractérisé par l'ordre, la sécurité, la
salubrité, la tranquillité publique et la dignité de la
personne humaine2. Tout bien considéré, l'État
assume cette mission régalienne afin de garantir aux citoyens un cadre
propice à l'exercice de leur liberté.
Droit naturel inhérent à la personne humaine, le
droit à la liberté renferme des notions florilèges telles
que la liberté d'aller et venir, le droit à la dignité de
la personne, le droit à la propriété privée, le
droit à la vie privée, etc. En droit positif togolais, le droit
à la liberté est reconnu, protégé et garanti par la
constitution en son article 133. Cet attachement aux valeurs
démocratiques est notamment exprimé par la devise du peuple
togolais : « Travail-Liberté-Patrie4 ». Au
niveau international, le droit à la liberté est
protégé et garanti par plusieurs instruments internationaux tels
que la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 en son
article 35, le pacte international relatif aux droits civiques et
politiques de 1966 en son article 96 et la charte africaine des
droits de l'homme et des peuples de 1981 en son article 67.
La liberté peut se définir comme un «
état d'une personne qui n'est pas sous la dépendance absolue
de quelqu'un 8». Pour Jean-Jacques ROUSSEAU, c'est la
volonté
1 J-J ROUSSEAU, Du contrat social, Ed. GF
Flammarion, 2001, p. 33
2 Depuis l'arrêt CE, 1995, Commune de
Morsang-sur-Orge
3 Constitution du Togo du 14/10/1992
révisée le 15 mai 2019, art 13 b : « Nul ne peut
être arbitrairement privé ni de sa liberté ni de sa vie.
»
4 Constitution du Togo, art 2
5 DUDH, art 3 « Tout individu a droit
à la vie, à la liberté et à la sûreté
de sa personne »
6 PIDCP, art 9 par. 1 « Tout individu a
droit à la liberté et à la sécurité de sa
personne. Nul ne peut faire l'objet d'une arrestation ou d'une détention
arbitraire. Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce
n'est pour des motifs et conformément à la procédure
prévue par la loi »
7 CADHP, art 6 « Tout individu a droit
à la liberté et à la sécurité de sa
personne. Nul ne peut être privé de sa liberté sauf pour
des motifs et dans des conditions préalablement
déterminées par la loi ; en particulier nul ne peut être
arrêté ou détenu arbitrairement. »
8 J. REY-DEBOVE et A. REY, Le nouveau Petit
Robert, Dicobert Inc, MONTREAL, 1993, p. 1278
2
collective de protéger les libertés
individuelles qui fonde le contrat social. Le contrat social vient mettre un
terme à la vie dans l'état de nature où l'homme est un
loup pour l'homme9. Dans le contrat social, chaque homme perdant sa
liberté naturelle, un droit illimité de faire tout ce qui le
tente, acquiert la liberté civile, qui est limitée par la
volonté générale. La loi étant l'expression de la
volonté générale10 dans les États
démocratiques, c'est à elle qu'il revient de définir les
limites à chaque liberté individuelle. Elle en dispose notamment
à travers la loi pénale. Le droit pénal peut être
comparé à un règlement intérieur parce qu'il
définit d'une part les comportements infractionnels et d'autre part les
sanctions y afférentes11. Il reste un instrument
privilégié pour lutter contre le crime12. Avec
l'abolition de la peine de mort dans la plupart des pays13, les
peines privatives de libertés sont devenues les sanctions les plus
sévères de l'arsenal répressif. Le recours à la
prison comme sanction type soulève également des controverses.
Par exemple, pour une doctrine dominante14, les peines privatives de
liberté à perpétuité, restent comparables à
des peines de mort à petit feu. Elles devraient-elles aussi être
abolies15 parce qu'elles interdisent toute possibilité
d'amendement du criminel. Une autre thèse est celle selon laquelle la
peine de prison n'est pas la panacée. Il conviendrait alors d'innover
d'autres formes de sanctions propres à une bonne réinsertion
sociale du condamné à terme et à la non
récidive.
Toujours est-il qu'en droit positif togolais, les personnes
reconnues coupable d'avoir commis des infractions encourent au maximum de la
sanction : une peine privative de liberté. On pourrait être
tenté de croire que seules les personnes qui ont été
jugées et reconnues coupables d'infractions au code pénal sont
incarcérées ! Hélas, non. La loi prévoit plusieurs
mesures de privation de liberté avant jugement telles que : la
rétention
9 T. HOBBES, Le Citoyen (De Cive), Edition
électronique, 1967, p. 22
10 DDHC, art 6 « La Loi est l'expression de
la volonté générale... »
11 J. PRADEL, Droit pénal
général, Ed. CUJAS, 2000, p. 56 (733p.)
12 D. ALLIX, le droit pénal, L.G.D.J,
2000, p. 4
13 Elle est abolie au Togo depuis 2009 par la loi
n°2009- 011 du 24 juin 2009, Bénin, Afrique du Sud, Côte
d'Ivoire, etc.
14 J. BERARD, « l'autre peine de mort. La
perpétuité incompressible et la lutte contre le terrorisme
», in Mouvements, 2016, n°88, pp. 85 à 93
15 D. SALAS, « abolir la prison
perpétuelle », in Revue MAUSS, n° 40, 2012, pp.173
à 184
3
administrative16, l'incarcération
provisoire17, la garde à vue18, la
détention préventive, etc. La plus dommageable de toutes, au
regard de sa durée et de ses incidences sur l'individu ainsi que la
procédure judiciaire, est sans nul doute la détention
préventive. C'est ce qui nous motive à nous questionner sur
l'état de « la protection du droit à la liberté
à l'épreuve de la détention préventive en droit
positif togolais ».
D'entrée, procédons à une clarification
notionnelle. Remarquons que le législateur togolais ne donne aucune
définition de la détention préventive dans le code de
procédure pénale. Il faut donc se référer à
la doctrine pour cerner la notion. La première approche est une
définition donnée par le doyen Gérard CORNU selon
laquelle, la détention préventive est l'«
incarcération dans une maison d'arrêt d'une personne mise en
examen pour crime ou délit, avant le prononcé du jugement ; elle
est réalisée en vertu d'un mandat de dépôt ou
d'arrêt, ou d'une ordonnance émanant d'une autorité
judiciaire 19». Une seconde approche est celle
avancée par la magistrate Suzanne SOUKOUDE FIAWONOU selon laquelle :
« la détention préventive est une mesure de privation de
liberté, consistant à incarcérer une personne
inculpée ou prévenue avant son jugement.20
». À la lumière des définitions susvisées,
l'on peut relever trois caractéristiques essentielles de la
détention préventive. D'abord la mesure de détention
préventive intervient au cours de la phase judiciaire avant le jugement
; ensuite la détention préventive est une incarcération
qui s'exécute dans une maison d'arrêt et non une prison pour peine
; enfin la détention est une décision relative à la
détention préventive est une ordonnance émanant d'un
magistrat.
Depuis la loi du 17 juillet 1970 en France, la
détention préventive est devenue détention provisoire, le
terme « provisoire » succédant à «
préventive ». La nouvelle terminologie ne change en rien la nature
de la détention. Néanmoins, elle a le mérite de rappeler
à la
16 La rétention administrative consiste en
le maintien d'une personne dans des lieux contre sa volonté par des
autorités administratives
17 Mise en détention ordonnée par le
juge des libertés et de la détention pour une courte durée
(04 jours maximum) afin de permettre à l'inculpé de
préparer sa défense avant de comparaitre pour le débat
contradictoire suite auquel il décidera ou non de son placement en
détention provisoire
18 Mesure de contrainte par laquelle un officier de
police judiciaire (gendarme ou fonctionnaire de police) retient pendant une
durée légalement déterminée une personne (un
suspect) qui, pour les nécessités de l'enquête, doit rester
à la disposition des services de police
19 G. CORNU, Vocabulaire juridique, PUF,
2000, V. Détention provisoire
20 S. SOUKOUDE FIAWONOU, Guide des droits du
détenu, 2° édition, 2012, p.14
4
conscience des magistrats que désormais : la
liberté est la règle et la détention l'exception. En droit
positif togolais, c'est la dénomination « détention
préventive » qui reste encore utilisée. Cette nuance
terminologique n'a pas grand effet sur la procédure puisque le
législateur togolais consacre d'ores et déjà le
caractère exceptionnel du recours à la détention avant
jugement à l'article 112 de l'actuel code de procédure
pénale21. Cependant, des interrogations se posent : sur quel
fondement la détention avant jugement repose-t-elle ? La
détention préventive ne remet-elle pas en cause l'objet du
contrat social qui est de protéger les libertés individuelles ?
La personne poursuivie pouvant l'être à tort, la détention
préventive est-elle une menace pour tout citoyen ?
On est bien tenté de voir en la notion, un déni
pur et simple de la présomption d'innocence, « principe
cardinal dans un État de droit, autour duquel tout gravite puisque les
autres principes directeurs qui gouvernent la procédure pénale
sont la conséquence du principe de la présomption
d'innocence22 ». Cette pensée est inexacte, du
moins substantiellement. À titre confirmatif, l'article 9 de la
déclaration des droits de l'homme et du citoyen23 contenait
déjà en son temps, l'énoncé du principe de la
présomption d'innocence mais aussi l'affirmation du caractère
très exceptionnel de la procédure de la détention
préventive24. La détention préventive est une
mesure de précaution dont l'utilité est d'ordre public. Dans
l'intérêt de la justice, la détention préventive
peut avoir pour objectif d'empêcher la fuite du suspect, de limiter le
danger de disparition des indices, de limiter le risque de corruption des
témoins ou de mettre le suspect à la disposition constante du
juge pour les suites de l'enquête. La décision de placement en
détention préventive peut aussi avoir pour objectif de
protéger le suspect contre les risques de vindicte populaire. Il faut
remarquer que l'opinion publique est peu favorable au maintien en
liberté des personnes dangereuses.
21 CPPT, art 112 : « La détention
préventive est une mesure exceptionnelle... »
22 J. PRADEL, « les personnes suspectes ou
poursuivies après la loi du 15 juin 2000, une évolution ou une
révolution ? », in Recueil Dalloz, 2001, n°13, p.
1039
23 DDHC, art 9 « Tout homme étant
présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été
déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de
l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour
s'assurer de sa personne, doit être sévèrement
réprimée par la Loi. »
24 DDHC, art 9 « Tout homme étant
présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été
déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de
l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour
s'assurer de sa personne doit être sévèrement
réprimée par la loi.»
5
L'hypothèse la plus dommageable est celle de la mise en
détention préventive d'une personne qui se révèle
par la suite être innocente : C'est un drame ! Comme le dit un adage,
« il vaut mieux dix coupables en liberté, qu'un innocent en
prison, car ce dernier peut être n'importe lequel d'entre nous
». La maxime semble ne pas avoir d'emprise en l'espèce car la
détention préventive n'est pas une peine d'emprisonnement. Il
n'empêche qu'en pratique, les conditions de détention des
prévenus sont semblables à celles des condamnés. C'est la
raison pour laquelle il est difficile de persuader que la détention
préventive diffère de la peine d'emprisonnement. Aussi, le
nouveau code pénal togolais prévoit l'imputation de la
durée de la détention préventive sur la
peine25. Bien que cette disposition ait toujours été
la bienvenue, elle concourt à assimiler davantage la mesure de
détention préventive à une peine avant jugement. La
détention préventive est donc « un mal nécessaire
» qu'il convient de réduire à un résidu. Pour
l'heure, un regard transversal sur l'organisation de la détention
préventive en droit positif togolais révèle des lacunes
qu'il convient de relever sommairement.
Primo, les délais légaux sont
demeurés excessivement long. Pour illustration, le premier alinéa
de l'article 113 du code de procédure pénale26 se
contente de fixer le délai maximal de détention préventive
pour les délits punis d'une peine de deux ans au plus. Qu'en est-il des
délits punis d'une peine maximale excédant deux ans de
détention ? Qu'en est-il des infractions qualifiées de crimes ?
Ces infractions relèvent assurément des dispositions du second
alinéa qui est davantage insensible au temps. En effet, selon
l'alinéa b de l'article 113 du code de procédure pénale :
« La mise en liberté est également de droit lorsque la
durée de la détention préventive atteint la moitié
du maximum de la peine encourue et que l'inculpé est délinquant
primaire ». Il convient de rappeler que le nouveau code pénal
togolais a porté le maximum de la réclusion à temps
à cinquante ans27. Conformément à l'article 113
b, le maximal légal de détention
25 NCPT, art 496 : « Quand il y aura eu
détention préventive, la durée de celle-ci s'imputera sur
la peine à subir à moins que le juge n'ait ordonné par une
disposition spéciale que cette imputation n'aura pas lieu ou qu'elle
n'aura lieu que pour partie. »
26 CPPT, art 113 « En matière
correctionnelle, lorsque le maximum de la peine prévue par la loi est
inférieur à deux ans d'emprisonnement, l'inculpé
domicilié au Togo ne peut être détenu plus de dix jours
après sa première comparution devant le juge d'instruction s'il
n'a pas déjà été condamné soit pour un
crime, soit à un emprisonnement de plus de trois mois sans sursis pour
délit de droit commun. »
27 NCPT, art 67 « La réclusion
à temps est une peine criminelle de cinq (05) à cinquante (50)
ans. »
6
avant jugement pour une personne poursuivi pour un crime
d'assassinat28 par exemple, serait de vingt-cinq ans, à
condition qu'il soit un délinquant primaire. Quel est le sort
réservé aux personnes en état de récidive lors
d'une détention préventive ? Les pistes de réponses
demeurent, elles aussi, inquiétantes. Toutes ces dispositions violent
les engagements souscrits à l'international par le Togo concernant le
droit à toute personne poursuivie d'être jugée dans un
délai raisonnable29 et favorisent la surpopulation
carcérale.
Secundo, les conditions de détention sont en
général insatisfaisantes. En 2012, la CVJR rappelait à
l'État togolais l'obligation d'améliorer « les
conditions de détention au Togo »30. La
surpopulation carcérale en est la principale cause. Malgré la
libération par grâce présidentielle de 454 détenus
condamnés le 8 janvier 2019 sur toute l'étendue du territoire, le
taux d'occupation générale des 13 prisons et de la brigade pour
mineurs reste largement supérieur à la capacité d'accueil
des édifices. Il était de 185% en janvier 202031. Le
comble est de constater que ce sont les simples prévenus32
qui forment le gros de l'effectif, soit 3 358 prévenus contre 1 910
condamnés33. Contrairement à l'esprit de l'article 112
du code de procédure pénale, la présomption d'innocence
cède en pratique à une présomption de culpabilité,
ce qui conduit à un recours quasi automatique à la
détention préventive. C'est l'une des causes du taux de
prévenus très élevé dans les prisons au Togo. Il
est important de préciser la nuance entre les termes suivants :
détenus, prévenus et condamnés. En général,
le terme « détenu » désigne toute personne qui fait
objet d'une mesure de privation de liberté que ce soit avant ou
après jugement. Ainsi, selon la définition du doyen Gérard
CORNU, un « détenu » désigne « tout individu
détenu en raison d'une mesure judiciaire de prévention
(détention préventive), ou d'une mesure de répression
(condamnation)34 ». Le terme « détenu
»
28 NCPT, art 168 « Toute personne qui se
rend coupable d'assassinat est punie de vingt (20) à cinquante (50) ans
de réclusion criminelle. »
29 CADHP, art 7,1d « Toute personne a
droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit comprend : Le droit
d'être jugé dans un délai raisonnable par une juridiction
impartiale. »
30 Rapport final de la CVJR, Vol. 1, (2012),
Rec. 50, p. 281
31 Statistiques de la Direction de l'Administration
Pénitentiaire et de la Réinsertion (DAPR), janvier 2020
32 Le terme « Prévenu »
désigne ici, les simples prévenus sur mandat de
dépôt du procureur de la république et les inculpés
en plus des accusés ; toute personne incarcérée sur mandat
judiciaire avant jugement.
33 Il n'a pas été pris en compte la
catégorie des mineurs
34 G. CORNU, vocabulaire juridique, ibidem,
p. 342
7
renvoie donc à la fois aux prévenus et aux
personnes condamnées35. Quant au mot « prévenu
», il désigne toute personne incarcérée au cours
d'une procédure judiciaire avant jugement36 ; tandis que le
mot « condamné » désigne toute personne
incarcérée à titre de sanction pénale à la
suite d'un procès.
Tertio, la lenteur de l'appareil judiciaire conduit
à des violations graves des droits des prévenus, notamment en ce
qui concerne le respect des délais légaux. L'article 19,
alinéa premier de la Constitution de la IVème
République37 impose que les prévenus soient entendus
et jugés dans un délai raisonnable. Par exemple, l'alinéa
1 de l'article 273 du code de procédure pénale38
dispose que si le prévenu est placé sous mandat de
dépôt par un Procureur de la République39, il
doit être traduit à l'audience du tribunal dans les 48 heures. Si
ce délai n'est pas respecté, il y a détention arbitraire.
La détention arbitraire désigne l'arrestation et la privation de
liberté d'une personne sans base légale ou dans le non-respect du
délai raisonnable prescrit par la loi. Les détentions arbitraires
sont proscrites par la constitution togolaise en son article 1540.
En pratique, la plupart des délais légaux ne sont pas
respectés du fait du nombre insuffisant des magistrats41 et
de la lenteur dans le traitement des affaires.
Quartio, il y existe en droit positif togolais une
structuration procédurale controversée, qui a conduit dans
plusieurs États, à la création d'un nouveau magistrat
chargé de défendre le droit à la liberté des
personnes poursuivies. C'était et c'est toujours en droit positif
togolais, l'octroi du pouvoir d'ordonner la mise en détention
préventive au juge d'instruction. Alors qu'il est déjà
inquiétant qu'il revienne à un même magistrat de mener les
enquêtes à charge et à décharge pendant
l'instruction ; c'est encore au juge
35 Manuel sur la gestion des dossiers des
détenus, ONUDC, p. 5
36 Prévenus (dans le cadre d'une
procédure sommaire), inculpés, accusés
37 Constitution togolaise, art 19 al 1 : «
Toute personne a droit en toute matière à ce que sa cause
soit entendue et tranchée équitablement dans un délai
raisonnable par une juridiction indépendante et impartiale.
»
38 CPPT, art 273 al 1 : « Le
prévenu placé sous mandat de dépôt
conformément à l'article 58 ou à l'article 272 doit
être traduit le jour même et au plus tard dans les quarante-huit
heures à l'audience du Tribunal. Ce délai est
protégé de vingt-quatre heures s'il expire un dimanche ou jour
férié. »
39 Dans le cadre d'une procédure sommaire
40 Constitution togolaise du 14 Octobre 1992, art
15 : « Nul ne peut être arbitrairement arrêté ou
détenu. Quiconque est arrêté sans base légale ou
détenu au-delà du délai de garde à vue peut, sur sa
requête ou sur celle de tout intéressé, saisir
l'autorité judiciaire désignée à cet effet par la
loi. L'autorité judiciaire statue sans délai sur la
légalité ou la régularité de sa détention
»
41 En juillet 2019, le nombre total de magistrats
au Togo était de 241 dont 33 femmes sur toute l'étendue du
territoire nationale
8
d'instruction, tout parti pris, qu'il revient la charge de
décider de la nécessité d'une mise en détention
avant jugement. Cette procédure est fortement inquisitoire et laisse peu
de place au débat contradictoire. Elle cause un tort innommable aux
droits de la défense des prévenus. En effet, la procédure
ne prévoit pas que l'inculpé, mis en détention
préventive, puisse faire appel de l'ordonnance de mise en
détention préventive. En effet, en droit positif togolais, il
n'existe pas une procédure de référé-liberté
telle que prévue en droit français. Pour s'opposer à
l'ordonnance de mise en détention préventive, le prévenu
ne peut introduire qu'une requête en habeas corpus.
Au regard de tous ces constats, il convient de s'interroger
à savoir si le régime de la détention préventive en
droit positif togolais est de nature à protéger efficacement le
droit à la liberté des personnes lors de la détention
préventive. L'intérêt cette analyse est d'actualité
tant pour les personnes poursuivies en ce qui concerne la protection de leur
droit à la liberté contre tout arbitraire au cours de la
procédure avant jugement ; que pour le législateur en ce qui
concerne la recherche de l'équilibre nécessaire qui doit exister
entre la protection des droits fondamentaux et la préservation de
l'ordre public dans la procédure pénale. Il s'agira à
terme de contribuer à la réflexion pour l'amélioration des
droits de la défense dans la procédure pénale avant
jugement au Togo.
La méthodologie de travail à laquelle nous avons
recouru dans le cadre de cette étude, allie la recherche documentaire
(textes de lois, ouvrages, etc.), la collecte de données sur le terrain
(entretiens avec les personnes ressources, administration d'un questionnaire,
investigations, etc.) et le recours à la webographie. Elle a
guidé l'analyse de l'état de la protection légale du droit
à la liberté avant, pendant et après le placement en
détention préventive en droit positif togolais.
Pour cerner la problématique de notre étude,
nous nous sommes proposé d'aborder dans un premier temps, la protection
limitée du droit à la liberté (Première partie)
puis dans un second temps, la nécessité d'un renforcement de la
protection du droit à la liberté (Deuxième partie).
9
PREMIÈRE PARTIE : Une protection
limitée
Le droit à la liberté est un droit fondamental
pour tout être humain quel que soit sa race, ses origines, sa religion,
son genre, son âge. Aborder le sujet de la privation de la liberté
avant jugement, c'est se questionner sur les garanties et les moyens
légaux de protection du droit à la liberté. Nul n'est
à l'abri d'une éventuelle accusation, soit d'avoir
participé en tant qu'auteur, co-auteur ou complice, à la
commission d'une infraction. Il est donc important que la loi dresse des
remparts afin de protéger le droit à la liberté du «
présumé innocent » au cours de la procédure
pénale avant jugement. En ce sens, l'analyse du régime de la
détention préventive en droit positif togolais
révèle d'importants acquis. Le législateur a
consacré en droit interne plusieurs principes de droit en faveur de la
protection des personnes poursuivies tels que garantis par les instruments
régionaux et internationaux de droits de l'Homme. La question de
l'efficacité de cette protection annoncée par la loi reste
posée. À l'observation, de nombreuses lacunes minent son
effectivité tant au regard du cadre normatif que de la pratique. Les
garanties érigées par la loi pour protéger le droit
à la liberté au cours de la phase pré jugement de la
procédure pénale ne sont pas pleinement mises en oeuvre. Cette
limite de la protection du droit à la liberté des personnes
poursuivies en droit positif togolais est aggravée par les multiples
violations observées dans la pratique. Le régime de la
détention préventive est peu protecteur face au risque du
placement en détention préventive (Chapitre 1) et dans la
pratique de la détention préventive (Chapitre 2).
10
CHAPITRE 1 : Un régime peu protecteur
Le texte de loi qui encadre le régime de la
détention préventive en droit positif togolais est le code de
procédure pénale institué par la loi n° 83-1 du 2
mars 1983. Le code de procédure pénale a le mérite de
consacrer des principes fondamentaux de protection du droit à la
liberté au cours de la phase pré jugement. Il est depuis
longtemps arrivé à essoufflement et il nécessite une
refonte afin de le mettre en conformité avec les standards
internationaux et les instruments de protection des droits de l'Homme. La
réforme de l'actuel code de procédure pénale est davantage
plus urgente après l'adoption d'un nouveau code pénal en 2015. La
nouvelle loi pénale introduit entre autres originalités, des
alternatives aux poursuites pénales dont la mise en oeuvre influerait
positivement sur la protection du droit à la liberté dans la
phase pré jugement en droit positif togolais.
Le régime de la détention préventive en
l'état reste donc affecté par la vétusté du cadre
normatif (section 1) et les irrégularités observées dans
la pratique (section 2).
SECTION 1 : Un cadre normatif vétuste
Plus de deux décennies après son adoption, la
loi n° 83-1 du 2 mars 1983 instituant le Code de procédure
pénale au Togo est toujours celle appliquée en droit positif
togolais. Étant le texte de référence en matière de
procédure avant jugement, il appert à l'analyse qu'elle
révèle aujourd'hui de nombreuses limites pour une protection
efficiente du droit à la liberté lors de la détention
préventive. Toutefois, le législateur de 1983 a des
mérites ; ceux d'avoir consacré des principes fondamentaux en
faveur de la protection du droit à la liberté en droit positif
togolais. Le cadre normatif a en effet des mérites indéniables.
Toutefois, l'évidence est qu'au-delà des mérites
(paragraphe 1), le cadre normatif de protection du droit à la
liberté en droit positif togolais connait des limites (Paragraphe 1).
11
Paragraphe 1 : Les mérites du cadre normatif
L'illustre philosophe Cesare BECCARIA affirmait dans son
célèbre ouvrage `'Des délits et des peines»,
« il est affreux de tourmenter celui que la loi regarde comme
innocent42 ». Pour protéger le droit à la
liberté de l' «innocent » dans la procédure
pénale avant jugement, le législateur togolais a consacré
en droit interne le caractère exceptionnel de la détention
préventive (B) ainsi que des mesures alternatives à la
détention préventive (B).
A. La consécration du caractère
exceptionnel de la détention préventive en droit positif
togolais
« La détention préventive est une
mesure exceptionnelle43 ». Ce principe est consacré
en droit positif togolais par l'article 112 du code de procédure
pénale. C'est sans doute la garantie la plus importante en
matière de protection du droit à la liberté dans la phase
avant jugement. Le législateur togolais mérite d'être
salué pour cette préscience puisse qu'il n'a pas attendu la
réforme du code de procédure pénale44 avant de
consacrer le caractère exceptionnel de la détention avant
jugement. Pour comparer, rappelons qu'en France, lorsque la terminologie «
détention préventive » était usitée ; la
détention était la règle pour toute personne
soupçonnée d'avoir commis un meurtre. La mise en liberté
provisoire était une mesure exceptionnelle et seule la chambre du
conseil du tribunal pouvait l'accorder, suivant des conditions très
strictes prévues par le code d'instruction criminelle de
180845. Les personnes poursuivies pour des infractions criminelles
ne pouvaient non plus être remises en liberté
provisoire46. Il en était de même pour les repris de
justice et les vagabonds47. Il a fallu attendre que le
législateur français adopte la
42 C. BECCARIA, Des délits et des
peines, Institut Coppet, Paris, 2011, p. 28
43 Art 112 CPPT
44 Pour que la terminologie « détention
préventive » soit remplacée par « détention
provisoire »
45 J.M CARBASSE, Histoire du droit pénal et
de la justice criminelle, Paris, PUF, 2014, p. 505
46 Art 113 CIC : « La liberté
provisoire ne pourra jamais accordée au prévenu lorsque le titre
de l'accusation emportera une peine afflictive ou infamante. »
47 Art 115 CIC : « Néanmoins, les
vagabonds et les repris de justice ne pourront, en aucun cas, être mis en
liberté provisoire. »
12
nouvelle terminologie « détention provisoire
» avec la loi du 17 juillet 197048 pour qu'il consacre le
principe du caractère exceptionnel de la détention avant
jugement.
Le principe d'exception de la détention
préventive est intrinsèquement lié à celui de la
présomption d'innocence. La présomption d'innocence est un
principe de continuité qui veut que le suspect continue par jouir de son
statut d'innocent jusqu'à ce que la preuve contraire soit
apportée lors d'un procès. C'est un principe cardinal de la
procédure pénale. Son usage est antique et ses origines
remonteraient au droit romain. Un exemple célèbre en est
donné dans la bible. En effet, dans le livre des « actes des
apôtres », le gouverneur romain Porcius Festus expose au roi Agrippa
de passage à Césarée, l'affaire de Paul contre lequel des
accusateurs publics avaient porté plainte. Alors que ces derniers
réclamaient la mise à mort de Paul, le gouverneur Porcius Festus
leur répond : « ce n'est pas la coutume des Romains de livrer
un homme avant que l'inculpé ait été mis en
présence de ses accusateurs, et qu'il ait eu la faculté de se
défendre sur les choses dont on l'accuse »49. Le
suspect demeure donc innocent jusqu'à une décision contraire
issue d'un procès équitable. Comme tel, il ne peut lui être
infligé une sanction avant le jugement. En droit positif togolais, c'est
l'article 18 de la constitution togolaise qui énonce le principe de la
présomption d'innocence. C'est également la position de la cour
suprême du Canada qui déclare : « la présomption
d'innocence confirme notre foi en l'humanité, la présomption
étant l'expression de notre croyance que, jusqu'à preuve du
contraire, les gens sont honnêtes et respectueux des lois
»50.
Le principe d'exception de la détention
préventive se justifie également au regard de la gravité
de son atteinte sur le droit à la liberté tel que consacré
par l'article 9.1 PIDCP. En effet, la liberté d'aller et de venir est
inhérente à la personne humaine. Le mouvement est « une
habitude engendrée dès les origines par des déplacement
répétés avec les nécessités complexe de la
vie quotidienne chez des êtres dont la mobilité n'est pas encore
entravée, renforcée au cours des générations au
point de devenir indépendante
48 Loi n° 70-643 du 17 juillet 1970 tendant
à renforcer la garantie des droits individuels des citoyens, France,
J.O., p. 6751
49 Bible, version Louis second, Livre des Actes :
Chapitre 25, verset 16
50 Arrêt R. c. Oakes, 1986,
par. 29
13
des causes initiales, telle serait l'impulsion migratoire
chez l'homme51 ». La privation du droit à la
liberté est le principal grief contre la détention
préventive. Le principe d'exception loin d'interdire toute privation de
liberté avant jugement, aspire à la limitation du placement en
détention préventive aux seuls cas pertinents où son
recours est impératif pour la bonne poursuite de la procédure.
B. L'institution des mesures alternatives à la
détention préventive : le contrôle judiciaire
Tel que sus-annoncé, le droit positif togolais consacre
le principe d'exception de la détention avant jugement52.
Cependant, pour les besoins de l'instruction ou à titre de mesure de
sûreté, il peut s'avérer utile de restreindre la jouissance
du droit à la liberté de la personne poursuivie. Dans ce cas, de
quelle alternative dispose les magistrats à défaut du placement
en détention préventive ? Ils peuvent recourir au contrôle
judiciaire. Le contrôle judiciaire est une mesure intermédiaire
entre la jouissance d'une liberté intégrale et le placement en
détention préventive. Il est un moyen de contrôle «
moins draconien », comparé à la détention
préventive.
Contrairement au code de procédure béninois qui
prévoit expressément la possibilité de mettre
l'inculpé sous contrôle judiciaire à l'entame de la
procédure53, le code de procédure pénale
togolais prévoit uniquement le recours aux obligations de contrôle
judiciaire au moment de la remise en liberté provisoire. En effet, le
premier alinéa de l'article 119 du code de procédure
pénale togolais dispose « Dans tous les cas où elle
n'est pas de droit, la mise en liberté peut être
subordonnée à des obligations particulières fixées
par le juge... ». Les obligations de contrôle judiciaire
auxquelles le juge peut recourir sont énumérées par
l'article 119 du CPPT. Cette liste est non exhaustive au visa de l'article
11954. L'usage de la locution « telle que
» est bien la preuve que le législateur entends lasser au magistrat
une marge de manoeuvre afin de
51 R. CLOZIER, « les migrations des peuples,
l'information géographique », in L'information
géographique, n°4, 1956, p. 128
52 Art 112 CPPT « La détention
préventive est une mesure exceptionnelle... »
53 Art 145, al 3 CPPB « L'inculpé,
présumé innocent, reste libre. Toutefois, en raison des
nécessités de l'instruction, il peut être astreint à
une ou plusieurs obligations de contrôle judiciaire.»
54 « ... la mise en liberté peut être
subordonnée à des obligations particulières fixées
par le juge telles que ... »
14
compléter à son gré cette
énumération dans l'intérêt de la remise en
liberté du détenu préventif. En attendant, l'article 119
prévoit sept (07) obligations possibles :
1. Le versement d'un cautionnement destiné
à garantir le paiement des réparations civiles et des frais de
justice ou la représentation de l'inculpé
2. L'obligation de résider dans un lieu
déterminé,
3. L'interdiction de fréquenter certains lieux ou
certains établissements.
4. L'exercice d'un travail régulier,
5. L'obligation de suivre un traitement médical ou
une cure de désintoxication,
6. La suspension provisoire du droit de conduire un
véhicule à moteur,
7. La suspension provisoire d'un permis de chasse ou d'un
permis de port d'arme.
D'autres obligations de contrôle judiciaire ont
été innovées en pratique par les magistrats instructeurs.
Il s'agit par exemple du retrait des documents de l'état civil
(habituellement le passeport), pour éviter que l'inculpé ne se
dérobe à la procédure d'instruction. Cette mesure est
couramment employée par les cabinets d'instruction lorsque les personnes
poursuivies sont de nationalités étrangères. Elle a pour
objectif de s'assurer que l'inculpé ne prenne pas « la clé
des champs » en cours de procédure. Il force de remarquer que le
droit positif togolais ne prévoit pas le recours au placement sous
surveillance électronique. À juste titre, le professeur SALAMI
insistait sur la difficulté de la mise en oeuvre de cette mesure dans
nos pays en l'état actuel55. On peut estimer qu'en lieu et
place du placement sous surveillance électronique, le code de
procédure pénale togolais prévoit l'obligation de
résider dans un lieu déterminé. Comme moyens de
contrôle du respect des mesures du contrôle judiciaire, l'article
120 du code de procédure pénale togolais donne au juge
d'instruction le pouvoir de désigner un délégué ou
une autorité de police afin qu'elle puisse effectuer le contrôle
de l'exécution des mesures conditionnant la remise en liberté. En
ce sens, le non-respect d'une obligation de contrôle judicaire peut
entrainer une remise en détention préventive.
55 Commentaire préliminaire du code de
procédure pénale du Bénin
15
Par devers ces acquis, il n'en reste pas moins que le
régime de la détention préventive pâtit du manque de
certaines mesures efficaces de contrôle judiciaire. C'est l'exemple de
l'obligation de se présenter périodiquement aux services ou
autorités désignés par le juge56. Il
est de même de celle de s'abstenir de recevoir ou de rencontrer certaines
personnes nommément identifiées par le juge, ainsi que d'entrer
en relation avec elles, de quelque façon que ce
soit57.
Paragraphe 2 : les limites du cadre normatif
La protection légale du droit à la
liberté des personnes poursuivies dans le cadre d'une procédure
pénale en droit positif togolais est incomplète. Même si
« Tout prévoir, est un but qu'il est impossible
d'atteindre58 », il n'en reste pas moins que le «
mieux est ennemi du bien ». En effet, plus nécessaire
encore, il est important de relever les limites de la protection du droit
à la liberté en droit positif togolais afin d'y trouver des
résolutions. Entre autres, il peut être rapporté l'absence
du débat contradictoire avant le placement en détention
préventive (A) et l'imprécision des motifs de placement en
détention préventive (B).
A. L'absence du débat contradictoire avant le
placement en détention préventive
La cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire
ROWE ET DAVIS contre ROYAUME-UNI59, affirmait « Tout
procès pénal, y compris ses aspects procéduraux, doit
revêtir un caractère contradictoire et garantir
l'égalité des armes entre l'accusation et la défense ;
c'est là un des aspects fondamentaux du droit à un procès
équitable ». Le principe du contradictoire est un principe
fondamental de la procédure pénale. Tout au long de la
procédure pénale, il est important « que soit entendue
aussi l'autre partie ». Le principe du contradictoire tiré de
la locution latine « Audiatur et altera pars ! » vise le
respect des droits de la défense de chacune des parties. Ce principe
56 Art 144 CPPB, point 4
57 Art 138 CPPF, point 9
58 J-E-M PORTALIS, Discours préliminaire du
premier projet de code civil, Éditions Confluences, 2004, p. 15
59 ROWE, DAVIS c/ ROYAUME-UNIS, 6 février 2000,
par. 60
16
doit être respecté à chaque fois qu'une
décision doit être prise à l'encontre des
intérêts de l'une des parties au litige.
En droit positif togolais, le placement en détention
préventive peut être ordonné par trois (03) magistrats dans
trois (03) situations différentes. D'abord, par le procureur de la
république dans le cadre d'une procédure sommaire60 ;
ensuite par le juge d'instruction au cours de l'instruction préparatoire
et enfin par le président d'une juridiction de jugement selon les termes
de l'article 117661 NCPT. Il faut remarquer que les articles 58
(procédure sommaire) et 1176 NCPT présentent des situations
où les personnes poursuivies sont prises en flagrant délit. Ceci
concourt à renforcer la présomption de culpabilité de
l'auteur. La difficulté se pose au niveau de l'instruction
préparatoire. Selon le premier alinéa de l'article 64 NCPT «
Le juge d'instruction procède, conformément à la loi,
à tous les actes d'information qu'il juge utiles à la
manifestation de la vérité ». À ce titre, il
instruit à charge et à décharge afin de déterminer
s'il existe des éléments suffisants ou non contre une personne
pour la traduire devant une juridiction de jugement. Il peut donc
décider de placer un suspect sous mandat de dépôt. Les
statistiques prouvent qu'il y recourt justement à outrance. La
procédure qui s'applique devant le juge d'instruction, est fortement
inquisitoire et exclut le principe du contradictoire au moment de la
décision du placement en détention préventive. Dans la
célèbre affaire d'Outreau, l'avocat de l'un des prévenus
« blanchis », le Me Delarue, avait affirmé «
l'instruction a été conduite uniquement à
charge62». En droit positif togolais, si le juge
d'instruction veut placer le suspect en détention préventive, il
n'y a aucun moyen de l'en empêcher. Le suspect se retrouve
dépourvu de tout moyen légal lui permettant d'assurer la
défense de son droit à la liberté devant une
autorité impartiale. Cette défaillance est la principale cause du
recours excessif à la détention préventive.
60 Art 58, al 1 CPPT « En cas de
délit flagrant, lorsque le fait est puni d'une peine d'emprisonnement et
si le Juge d'instruction n'est pas saisi, Le Procureur de la République
peut mettre l'inculpé sous mandat de dépôt après
l'avoir interrogé sur son identité et sur les faits qui lui sont
reprochés. »
61 Art 1176 NCPT « Si, au cours de
l'audience du tribunal correctionnel ou de la juridiction criminelle, le
président de la juridiction prononce l'expulsion d'un assistant de la
salle d'audience et qu'il résiste à cet ordre ou cause du
tumulte, il peut-être, sur-le-champ, placé sous mandat de
dépôt... »
62
https://www.leparisien.fr/faits-divers/l-affaire-d-outreau-va-couter-plusieurs-millions-d-euros-02-09-2004- 2005257702.php,
consulté le 08 juin 2020 à 21h13
17
En l'état actuel, il peut être affirmé que
le juge d'instruction est « l'homme le plus puissant du Togo63
».
Le juge d'instruction étant à la fois juge et
enquêteur, il n'est pas entièrement tiers aux litiges qu'il juge.
Il est de ce fait frappé d'une partialité objective. Pour
renforcer la protection du droit à la liberté, il est important
que ce pouvoir soit confié à un juge indépendant qui se
chargera d'apprécier l'objectivité de la mise en détention
préventive ou sous contrôle judiciaire. Dorénavant
privé de ce monopole de décision, le juge d'instruction sera
obligé de le saisir à chaque fois qu'il envisage une mesure ayant
pour effet de restreindre la liberté d'un suspect. En droit positif
béninois par exemple, la décision de détention
préventive est nécessairement précédée par
un débat contradictoire entre le juge d'instruction et le mis en cause
assisté par son conseil. Cette confrontation prend la forme d'une
audience au cours de laquelle l'accusation (le ministère public) et la
personne mise en cause présente leurs arguments. L'une des plus-values
de cette architecture est la tribune qui est offerte aux droits de la
défense de l'inculpé.
L'institution du juge des libertés et de la
détention en France, depuis la loi Guigou du 15 juin 2000, a permis un
double regard sur le recours à la détention préventive. Il
y a désormais un palier à nécessairement franchir avant le
recours à la privation de la liberté. Néanmoins, dans la
pratique, il est parfois décrié l'inefficacité des
nouveaux « juge des libertés et de la détention
» pour juguler le flux du recours à la détention
préventive. Par exemple, lors du scandale de l'affaire d'Outreau en
France, le « double regard » sur la détention
préventive n'avait pas fonctionné. Suite à ce constat, la
commission Viout64 a élaboré des recommandations pour
modifier le statut du JLD et valoriser sa fonction au sein des juridictions.
63 En référence à la
célèbre formule de Balzac dans « Splendeurs et
misères des courtisanes »
64 Commission instaurée par le
Ministère de la justice, chargée de tirer les enseignements du
traitement judiciaire de l'affaire dite « d'Outreau », février
2005
18
B. L'imprécision des motifs de placement en
détention préventive
« Nul ne peut être arbitrairement privé
de sa liberté65 ». Aux termes de la constitution
togolaise66, l'autorité judiciaire est gardienne de cette. La
liberté individuelle est appréhendée par le doyen
Gérard CORNU comme « l'exercice des volontés
légitimes de chacun dans les limites des nécessités de
l'ordre social67 ». La liberté corporelle d'aller
et de venir est un droit qu'il appartient à l'autorité judiciaire
de protéger contre toute restriction arbitraire. En ce sens, la
première garantie devrait être la définition des conditions
nécessaires avant toutes décisions de placement en
détention préventive. Quelles sont alors les motifs pour
lesquels, une personne bien que présumée innocente, peut faire
objet d'un placement en détention préventive ?
Le droit positif togolais reste muet sur la question. En
effet, aucune disposition n'énumère les conditions qui peuvent,
si elles sont remplies, justifier cette atteinte au droit à la
liberté dans le code de procédure pénale togolais. Le
législateur se contente uniquement de proclamer le caractère
exceptionnel de la détention préventive. C'est là un tort
innommable qui est causé au droit à la liberté des
justiciables. Cette situation pourrait dans une certaine mesure, être
assimilée à une violation du principe de la
légalité criminelle. Cette règle qui est une garantie
fondamentale des droits des justiciables dans la procédure pénale
postule que : nul ne peut être condamné pour des faits qui ne
constituaient pas une infraction au moment où ils ont été
commis68. Cet argument qui revient à considérer
la détention préventive comme l'application d'une peine
anticipée a été rejeté par un arrêt de la
cour de cassation en France69.
La détention préventive étant une
incarcération qui place le présumé innocent dans une
situation similaire à celle d'un condamné, il est important que
la loi énonce sans ambages et avec précision les conditions
légales qui peuvent justifier son recours. Dans le silence du code de
procédure pénale, les magistrats ont recours à la doctrine
et au droit comparé pour identifier ses motifs. En
général, la doctrine est unanime, « La
65 Art 13, al 2 de la constitution togolaise
66 Art 18, al 2 de la constitution togolaise «
Le pouvoir judiciaire, gardien de la liberté individuelle, assure le
respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi.
»
67 G. CORNU, Vocabulaire juridique, ibidem,
p. 613
68 Constitution togolaise du 14/10/1994 modifié
en 2019, art 19, al b
69 Cass, 14 avril 1980, Pas., 1980, I, p. 1018
19
justification de la détention préventive
réside uniquement dans l'impérieuse nécessité
d'empêcher un délinquant de poursuivre l'accomplissement de ses
desseins, de se soustraire par la fuite à l'exécution de la peine
qui sera prononcée contre lui ou enfin de faire disparaitre le corps du
délit ou des preuves, de suborner ou de menacer les témoins.
»70. Selon cet auteur, la détention
préventive peut être ordonnée pour 3 motifs. D'abord pour
faire cesser l'infraction, ensuite pour empêcher la fuite du suspect ou
la disparition des preuves, enfin pour empêcher la menace ou la
subornation des témoins. Très souvent, c'est la volonté
d'empêcher la fuite du suspect qui est arguée par les magistrats
pour justifier le recours à la détention préventive.
D'autres motifs peuvent être identifiés dans les
législations voisines. En droit positif béninois par exemple,
l'article 149 du code de procédure pénale adjoint à la
liste des motifs : la volonté d'empêcher une concertation
frauduleuse entre les inculpés ou leurs complices et la volonté
de protéger la personne poursuivie. Le code de procédure
pénale français en dispose autant en son article 144.
Les termes dans lesquelles les deux législations
béninoise et française, ont énoncés les motifs
requis pour le placement en détention préventive71,
méritent une analyse approfondie. En effet, il apparait que les deux
législateurs ont assorti le recours à la détention
préventive d'une condition. Il doit constituer « l'unique moyen
» de parvenir à l'un ou à plusieurs des objectifs
poursuivis par les motifs. Quels sont alors les autres moyens dont le juge
dispose pour atteindre ces objectifs ? Le législateur français
répond : le placement sous contrôle judiciaire » ou
l'assignation à résidence avec surveillance
électronique72. Il faut rappeler que la détention
préventive est une mesure d'exception. Son recourt ne peut être
envisagé qu'après avoir recouru ou tenté de recourir sans
succès à l'une des obligations du contrôle judiciaire.
SECTION 2 : Une pratique irrégulière
Le respect des règles établies par la loi est le
seul gage de la consolidation de l'état de droit. Le législateur
togolais a édicté des règes et des principes afin de
pourvoir à la
70 A. MARECHAL, Procédure
pénale, Novelles, Tome 1, Larcier, 1946, p. 445
71 Art 149 du code de procédure pénale
béninois, art 144 du code de procédure pénale
français
72 Art 144 du code de procédure pénale
français
20
protection du droit à la liberté des personnes
poursuivies et de prévenir les placements abusifs en détention
préventive. Cependant, certaines imprécisions dans le cadre
normatif fragilisent cette protection. Cette situation singulière qu'est
celle des personnes poursuivies, est empirée n pratique par le
non-respect des principes cardinaux sus-énoncés. En pratique, le
placement en détention préventive est objet d'un recours excessif
(Paragraphe 1) et les atteintes à la présomption d'innocence sont
récurrentes (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Le recours excessif à la
détention préventive
Dans la pratique les magistrats font un usage excessif du
mandat de dépôt. L'ancien Inspecteur général des
services juridictionnels et pénitentiaires73 affirmait dans
une interview qu'il y a « parfois peu de pertinence dans la
délivrance des mandats de dépôt par certains
magistrats74 ». Des causes peuvent être
identifiées pour tenter d'expliquer ce recours excessif (A) à la
détention préventive, aux conséquences désastreuses
(B).
A. Des causes identifiables
Plusieurs raisons sont avancées pour tenter de
justifier le taux excessivement élevé de détenus
préventifs au Togo. Elles peuvent se résumer en trois
considérations. La première est celle selon laquelle le nombre
élevé des détenus préventifs est dû à
une « augmentation exponentielle de la
criminalité75 ». En effet, une analyse
révèle que le nombre de détenus a augmenté de 3 728
en 2012 à un effectif de 5 232 en juillet 201976. Cette
hausse des effectifs peut effectivement traduire une hausse de la
criminalité. L'activité régalienne de l'arsenal
pénal serait la cause du nombre élevé de détenus
qui est observé dans les prisons au Togo.
La seconde considération, voit en l'explosion du taux
de prévenus au Togo, l'expression d'une politique criminelle trop
répressive. C'est en substance la pensée de l'expert et
73 Kokouvi Pius AGBETOMEY
74 Reflets du Palais, N°3, 20 août 2013, p.
5
75Cette raison a été avancée par
le directeur de l'administration pénitentiaire et de la
réinsertion lors du passage du Togo devant le CAT en juillet 2019
(précisément le 29 juillet 2019)
76 Chiffres donnés par le directeur de
l'administration pénitentiaire lors du passage du Togo devant le CAT en
juillet 2019
21
rapporteur du comité contre la torture Sébastien
TOUZE selon qui « plus la politique pénale est
répressive et plus les prisons se remplissent. De la même
manière, plus les prisons se remplissent et plus les moyens de les
désengorger disparaissent parce que très souvent les personnes se
trouvent en attente de jugement77 ». Le législateur
togolais pourrait répondre en procédant, par exemple, à la
dépénalisation des infractions mineures. Rappelons que pour
l'accélération de la réforme pénale et
pénitentiaire en Afrique, la commission africaine des droits de l'Homme
avait adopté en septembre 2002 la « déclaration et plan
d'action de Ouagadougou ». Cette résolution appelait les
États parties à la Charte africaine, dont le Togo, à
requalifier et à dépénaliser les infractions mineures
comme « l'oisiveté, le vagabondage, la prostitution, le non
remboursement de dettes, la désobéissance aux
parents78 ». Cette stratégie vise à
réduire le surpeuplement des prisons. Il faut également relever
que la lenteur judiciaire et le non-respect des délais de
procédures observés en pratique concourt à
l'incarcération des suspects pendant de longues périodes. Ce fait
est en partie dû au nombre insuffisant de magistrats au Togo, surtout
lorsque l'on se réfère au nombre insuffisant de juges
instructeurs. Il peut arriver que des juges d'instruction aient « plus
de 500 dossiers à sa charge »79. Un exemple de
l'ampleur de la lenteur judiciaire nous est donné par le diagnostic
effectué en 2013 sur la cour suprême qui a
révélé l'existence de près de 1500 dossiers encore
pendants, couvrant la période allant de 1985 à 201380.
L'essentiel de ces dossiers concernaient des litiges fonciers et
commerciaux.
La troisième considération est celle selon
laquelle le recours excessif à la détention préventive est
dû aux magistrats eux-mêmes. Ils ont pris l'habitude d'y recourir
avec trop de facilité81. En pratique, dans le doute on
incarcère. La présomption d'innocence cède à une
présomption de culpabilité. Il est par ailleurs, reproché
aux juges d'instruction de prendre des ordonnances de placement en
détention préventive avec
77 Los du passage du Togo devant le CAT en juillet
2019 (précisément
78 Déclaration et plan d'action, commission
africaine des droits de l'Homme, Septembre 2002, p. 4
79 Chiffres donnés par le directeur de
l'administration pénitentiaire lors du passage du Togo devant le CAT en
juillet 2019
80 Chiffres donnés par le président
de la cour suprême dans son discours de lancement du projet d'apurement
des dossiers en souffrances à la cour suprême du Togo le 23
janvier 2019
81 F. LAROCHE, Les mesures de détention
avant jugement au Canada et en France, UNIVERSITÉ DE LAVAL, Canada,
2016, p. 29
22
pour intention de forcer le suspect à faire des aveux
ou à livrer des informations. En ce sens, le Haut-Commissariat des
Nations unies aux droits de l'Homme au Togo publiait dans un rapport «
le mandat de dépôt devient parfois un moyen de pression sur
les justiciables pour régler certains litiges pour lesquels d'autres
procédures sans placement sous mandat de dépôt sont
parfaitement adaptées »82. Plus loin, il
relève également que dans les tribunaux de Sotouboua et de Bafilo
par exemple, « certains magistrats placent à nouveau sous
mandat de dépôt des auteurs d'accident de la circulation qui ne
présentent aucun danger ou risque de fuite ou de non
représentation »83.
Conscient de la problématique, des efforts sont fournis
au niveau national afin de juguler la hausse du nombre des prévenus et
de le diminuer progressivement. En ce sens, la CNDH organisait le 26 mai 2017,
un atelier sur « la réduction de l'usage excessif de la
détention provisoire dans les lieux de détention ». Cet
atelier auquel ont pris part plusieurs acteurs de la chaine pénale ainsi
que des organisations de la société civile, a servi de cadre pour
le renforcement des capacités des différents acteurs afin de
lutter contre le recours excessif à la détention
préventive. Au niveau international également, la situation des
prévenus est préoccupante. Le 25 avril 2018, l'Afrique a
célébré pour la première fois « la
journée africaine de la détention préventive ».
Cette date a été choisie par le RINADH pour sensibiliser tous les
acteurs sur la situation des personnes en situation de détention sur des
périodes prolongées sans procès.
B. Des conséquences désastreuses
Le recours excessif à la détention
préventive est la première cause de la surpopulation
carcérale au Togo. Malgré la libération par grâce
présidentielle de 454 détenus condamnés sur toute
l'étendue du territoire le 8 janvier 2019, le taux d'occupation
générale des 13 prisons et de la brigade pour mineurs
était de 173% en mars 201984. Le
82 HCDH-TOGO, Rapport sur le respect et la mise
en oeuvre des droits de l'Homme et des libertés fondamentales dans
l'administration de la justice au Togo, Décembre 2013, p. 26
83 Ibidem, p. 27
84 Statistiques de DAPR de mars 2019
23
comble est de constater que ce sont les
prévenus85 qui forment le gros de l'effectif, soit 3179
prévenus contre 2076 condamnés86. En janvier
202087, sur 5341 détenus, 3431 étaient
incarcérés à titre préventif soit plus de 64% de la
population carcérale. Le taux d'occupation général des 13
prisons et de la brigade pour mineurs de Lomé était de 185% eu
égard aux capacités d'accueil. À cette même
période, la prison civile de Tsévié affichait le taux de
surpopulation le plus élevé du Togo, soit 609% de la
capacité d'accueil. Déjà en 2012, le rapport
d'évaluation de la république togolaise dans le cadre du projet
« Atlas de la torture » mentionnait que « le taux moyen des
prisonniers en détention provisoire, comparé aux prisonniers
condamnés, s'élève à 80%. Ce chiffre place le Togo
au quatrième rang mondial parmi les pays ayant les taux de
détentions préventives les plus élevés par rapport
à l'ensemble de la population carcérale88 ».
Lors de sa visite au Togo en 2014, le SPT a, pour sa part,
considéré « qu'un tel taux de surpopulation
équivaut à un traitement cruel, inhumain ou dégradant,
voire à une forme de torture lorsqu'il se prolonge et qu'il se conjugue
avec une absence de conditions matérielles minimums acceptables, au vu
et au su des autorités étatiques89. »
Limiter le recours à la détention
préventive permettrait de lutter contre la surpopulation
carcérale. Il faut reconnaitre que c'est le recours excessif à la
détention préventive qui sape les efforts de
désengorgement. Plusieurs décrets de grâce
présidentielle sont intervenus au fil des années pour lutter
contre la surpopulation mais la situation peine à s'améliorer.
L'une des raisons est que la grâce présidentielle ne profite
qu'aux personnes jugées et condamnées à une peine
d'incarcération. Elle « ...n'est applicable qu'aux
condamnations devenues définitives90 ». En
choisissant de recourir avec modération au placement sous mandat de
dépôt, le système judiciaire contribuerait également
à l'amélioration des conditions de détention. En effet, la
détérioration des conditions de
85 Le terme « Prévenu »
désigne ici, les simples prévenus sur mandat de
dépôt du procureur de la république et les inculpés
en plus des accusés ; toute personne incarcérée sur mandat
judiciaire avant jugement.
86 Il n'a pas été pris en compte la
catégorie des mineurs et des étrangers, les statistiques
n'offrant pas plus de détails.
87 Selon les statistiques de la DAPR
88 Atlas de la torture, rapport
d'évaluation-République Togolaise, août 2012, p. 28
89 Rapport du SPT, Visite au Togo menée
du 1er au 10 décembre 2014 : observations et recommandations
adressées à l'État partie, par. 30, p. 8
90 Article 517 CPPT
24
détention est en partie due à la surpopulation
des infrastructures carcérales. En son temps, la construction de la
nouvelle prison civile de Kpalimé alimentait de grands espoirs quant
à la décongestion des prisons. Elle a été ouverte
le 21 septembre 2016 mais elle est déjà surpeuplée, soit
237% de sa capacité d'accueil91. Un projet de construction
d'une nouvelle prison serait à l'étude dans les environs de
Lomé selon une annonce faite par le ministre de la justice le 07 avril
202092.
Une autre conséquence du recours excessif à la
détention préventive est la lenteur judiciaire. Selon le rapport
final de la CVJR, la surpopulation carcérale est liée à
« la lenteur de la justice, au non-respect des règles et
délais de procédure, spécifiquement la procédure
pénale où la liberté des individus est pourtant en jeu,
les difficultés d'accès à la justice, le caractère
onéreux des procédures et l'absence d'aide juridictionnelle au
profit des plus démunis, la corruption, etc. »93.
La lenteur judiciaire s'observe devant les juridictions de jugement et
également dans les cabinets d'instruction. Il n'est pas rare qu'un juge
d'instruction se retrouve avec une centaine de dossiers à sa charge. Le
respect du délai raisonnable en prend forcément un coup. Cette
situation fait que des personnes restent en incarcération pendant de
longues périodes. Pendant qu'ils y sont, l'usage sans modération
du placement en détention préventive continue de remplir les
prisons. Inversement, on peut observer que le recours abusif au placement en
détention a pour conséquence d'engluer complètement
l'appareil judiciaire. Les dossiers pendants s'accumulent et le manque de
ressources humaines suffisantes pour les apurer dans un délai
raisonnable conduit à laisser perdurer des prévenus en
incarcération.
Paragraphe 2 : Les atteintes à la
présomption d'innocence
La présomption d'innocence est un principal cardinal de
la procédure pénale. Elle a pour objectif de protéger
l'innocent tout le long de la procédure pénale jusqu'au jugement.
Les violations du droit à la présomption d'innocence sont
pourtant multiples. Elles entachent la dignité de la personne poursuivie
et fragilise sa condition avant le procès. Les atteintes au droit
à la présomption d'innocence dans la phase préjugement
sont
91 Selon les statistiques de la DAPR de Janvier
2020
92
https://www.republicoftogo.com/Toutes-les-rubriques/Justice/Construction-d-une-nouvelle-prison-a-Lome, consulté
le 22 février 2020 à 16h43
93 Rapport final de la CVJR, Vol. 1, (2012), p. 251
25
multiples. Entre autres, il convient d'étudier les
atteintes à la présomption d'innocence au nom de la
liberté d'expression des médias (A) et les atteintes à la
présomption d'innocence dues à l'absence de l'obligation d'une
motivation du placement en détention préventive (B).
A. Les atteintes au nom de la liberté d'expression
des médias
L'actualité a souvent mis en lumière les
relations presque antinomiques entre liberté d'expression des
médias et droit à la présomption d'innocence dans les
procédures judiciaires. La protection de la réputation de la
personne poursuivie est un impératif lié au respect de la
dignité humaine. Un auteur appréhende la « dignité
» comme « une qualité inséparablement liée
à l'être même de l'homme, c'est la valeur que l'on reconnait
à l'homme du seul fait d'exister ; une référence non pas
à l'être de la personne, mais à son agir94
». Au Togo, « La liberté de presse est reconnue et
garantie par l'État95 ». L'entrave à la
liberté de la presse et de la communication est prévue et punie
aux articles 959 et 960 du nouveau code pénal togolais. Toutefois,
« Cette liberté s'exerce dans le respect : de la dignité
de la personne humaine...96 ». La presse est placée
sous la tutelle de la HAAC qui a pour mission de garantir et d'assurer la
liberté et la protection de la presse et des autres moyens de
communication de masse.
Dans la pratique, les violations du droit à la
présomption des personnes poursuivies par les médias
privés ainsi que celle nationales sont courantes. Par exemple, les
presses privées publient fréquemment des informations sur
l'identité des personnes poursuivies dans le cadre d'enquête
pénale. Ces informations sont très relayées et font
souvent la une des journaux pendant de longues périodes97.
Également, l'on peut observer que plusieurs personnes
arrêtées ou poursuivies sont régulièrement
exposées à visage découvert par la
télévision nationale togolaise. Les personnes sont
montrées soit « en menottes » ou soit elles sont
présentées de manière très tendancieuse et
dommageable
94 R. ANDORNO, La bioéthique et
dignité de la personne, PUF, 1997, p. 77
95 Art 25 al 1 de la constitution togolaise
96 Art 3 de la loi organique n°2018-029 relative
à la HAAC
97 Tandis que la fin de l'affaire (décision
au terme du procès) est souvent traitée avec peu
d'intérêt, ce qui entache les chances de réhabilitation de
l'acquitté. Il serait important que les médias donnent autant
d'attention à la tournure finale de l'évènement qu'ils en
ont donné au début.
26
pour leur droit à la présomption d'innocence.
Toutes ces pratiques participent à une certaine partialité de
l'opinion publique avant le jugement. C'est en réalité une menace
pour l'administration de la justice qui risque la perte de sa
crédibilité. En effet, quelle est l'image de la justice
lorsqu'une personne innocentée par un tribunal demeure coupable aux yeux
de la société à cause de la répercussion
négative de la couverture médiatique ?
La présomption d'innocence de la personne poursuivie
doit être respectée « jusqu'à ce que sa
culpabilité ait été établie à la suite d'un
procès qui lui offre les garanties indispensables à sa
défense98 ». La question se pose s'agissant de
l'impartialité de la juridiction de jugement face à la pression
médiatique. Le juge étant un professionnel de la justice, l'on
peut légitimement s'attendre à ce qu'il fasse aisément
abstraction de la tension médiatique et qu'il se concentre uniquement
sur le droit et les faits de l'espèce. Dans le cadre d'un procès
avec jury, les risques d'influence sont réels. Les membres du jury
peuvent inconsciemment être influencés par l'opinion
médiatique. Pour s'assurer de l'absence de contamination de l'opinion du
jury par la couverture médiatique oppressante d'une affaire, le droit
canadien a instauré par exemple la procédure du «
changement de venue99 ». Par cette procédure,
le suspect peut demander que son affaire soit transférée dans un
autre district au motif de la contamination de l'éventuel jury par la
couverture médiatique. C'est une dérogation au principe de la
compétence territoriale des juridictions. Cette procédure rend
compte de la valeur que le droit canadien accorde à la protection de la
présomption d'innocence. Le droit positif togolais ne prend pas
suffisamment en compte la problématique sous cet angle.
Néanmoins, il a interdit l'emploi de tout appareil d'enregistrement
sonore, caméras, appareils photographiques pendant le cours des
débats et à l'intérieur des salles d'audiences des
98 Art 18, al 1 constitution togolaise
99 Art 599.1 du code criminel canadien : «
Un tribunal devant lequel un prévenu est ou peut être mis en
accusation à l'une de ses sessions, ou un juge qui peut tenir ce
tribunal ou y siéger, peut, à tout moment avant ou après
la mise en accusation, à la demande du poursuivant ou du prévenu
ordonner la tenue du procès dans une circonscription territoriale de la
même province autre que celle où l'infraction serait autrement
jugée, dans l'un ou l'autre des cas suivants :
a) la chose paraît utile aux fins de la justice
;
b) une autorité compétente a ordonné
qu'un jury ne soit pas convoqué à l'époque fixée
dans une circonscription territoriale où le procès aurait lieu
autrement, en vertu de la loi. »
27
cours et tribunaux sous réserve d'une autorisation
donnée par le président de la juridiction100.
B. Les atteintes dues à l'absence de l'obligation
d'une motivation du placement en détention préventive
Le législateur togolais reste muet sur la question de
la motivation de l'ordonnance de placement en détention
préventive. Il ne fait pas d'obligation spéciale au juge de
« motiver » sa décision de placement en détention
préventive. Ce mutisme est une violation au droit à la
liberté, au droit à la sécurité et au droit
à la présomption d'innocence des citoyens. En droit positif
béninois, l'obligation d'une motivation spéciale de la
décision du juge d'incarcérer avant jugement est prévue
par l'article 146 alinéa 2 « Lorsque le juge des
libertés et de la détention ordonne ou prolonge une
détention provisoire ou qu'il rejette une demande de mise en
liberté provisoire, son ordonnance doit comporter l'énoncé
des considérations de droit et de fait qui motivent sa décision.
». Le cadre légal pourvoit au besoin de cette exigence puisque
l'article 149 CPPB101 énumère limitativement les
considérations de droit qui peuvent justifier le recours à la
détention préventive. Il revient au juge de démontrer au
regard des faits de l'espèce et du « droit », la
nécessité du placement en détention préventive.
En droit positif français, le législateur est
allé plus loin s'agissant de l'obligation du juge de motiver
l'ordonnance de placement en détention préventive. Il convient de
rappeler que la motivation de la détention préventive en
matière correctionnelle est introduite en droit français par la
loi du 17 juillet 1970 et en matière criminelle par la loi du 06 juillet
1989. L'article 135-2 alinéa 4 de l'actuel code de procédure
pénale français énonce que « Le juge des
libertés et de la détention peut, sur les réquisitions du
procureur de la République, soit placer la personne sous contrôle
judiciaire, soit ordonner son
100 Art 33 de la nouvelle loi portant organisation judiciaire au
Togo du 30 octobre 2019
101 « La détention provisoire ne peut être
ordonnée ou prolongée que si elle constitue l'unique moyen de
:
1- conserver les preuves ou les indices matériels ou
d'empêcher, soit une pression ou une subornation de témoins ou de
victimes, soit une concertation frauduleuse entre le ou les inculpés ou
leurs complices ;
2- protéger l'inculpé, de garantir son
maintien à la disposition de la justice, de mettre fin à
l'infraction ou de prévenir son renouvellement ;
3- mettre fin à un trouble exceptionnel et persistant
à l'ordre public provoqué par la gravité de l'infraction,
les circonstances de sa commission ou l'importance du préjudice qu'elle
a causé. »
28
placement en détention provisoire jusqu'à sa
comparution devant la juridiction de jugement, par ordonnance motivée
conformément aux dispositions de l'article 144, rendue à l'issue
d'un débat contradictoire organisé conformément aux
dispositions des quatrième à neuvième alinéas de
l'article 145... ». La motivation de l'ordonnance de placement en
détention préventive en droit positif français
répond à deux exigences. D'une part, le législateur impose
la motivation de l'insuffisance des mesures alternatives à la
détention préventive et d'autre part la motivation de la
nécessité absolue de recourir à la détention
préventive comme « unique moyen » pour atteindre les objectifs
énoncés par l'article 144 du Code de procédure
pénale français. Le législateur impose une graduation dans
la démarche.
La présomption d'innocence est également
chagrinée en droit positif togolais par l'impossibilité de faire
un recours direct contre l'ordonnance de placement en détention
préventive du procureur de la république. « La seule
option est le recours en habeas corpus auprès du juge d'instruction, qui
généralement prolonge la détention provisoire.
102». Le code de procédure pénale limite le
pouvoir du procureur de la république de décerner mandat de
dépôt aux seuls cas relevant de la procédure
sommaire103. En pratique, il est observé que le procureur a
une compétence plus élargie. C'est presque toujours le procureur
de la république qui décerne le mandat de dépôt quel
que soit la nature de la procédure. Le juge d'instruction fera extraire
un temps plus tard le prévenu pour l'inculpé formellement.
Toutefois, la date de l'inculpation sera celle à laquelle le procureur
de la république a décerné mandat de dépôt.
C'est la pratique du « double mandat de dépôt » en droit
positif togolais. Elle s'explique par le fait que les cabinets d'instruction
sont presque toujours surchargés et indisponibles pour recevoir «
in extremis » les personnes poursuivies lorsqu'elles sont
déférés au parquet. Cette solidarité «
pratique » entre le parquet et les cabinets d'instruction est
préjudiciable aux droits de la défense de la personne poursuivie.
Rappelons que le parquet est l'accusateur public et donc partie au
procès. Il s'agit là d'une confusion regrettable entre les
fonctions du ministère public et celles de l'instruction. C'est la
position de la CEDH qui a indiqué
102 Atlas de la torture, rapport
d'évaluation-République Togolaise, août 2012, p. 5
103 Art 58 al 1 CPPT « En cas de délit
flagrant, lorsque le fait est puni d'une peine d'emprisonnement et si le Juge
d'instruction n'est pas saisi, Le Procureur de la République peut mettre
l'inculpé sous mandat de dépôt après l'avoir
interrogé sur son identité et sur les faits qui lui sont
reprochés ».
dans son arrêt MEDVEDYEV contre France que « le
procureur de la République n'est pas une "autorité judiciaire" au
sens que la jurisprudence de la Cour donne à cette notion : comme le
soulignent les requérants, il lui manque en particulier
l'indépendance à l'égard du pouvoir exécutif pour
pouvoir être ainsi qualifié 104». Cette
immixtion dans la procédure nuit aux droits de l'accusé et
à l'impartialité du juge d'instruction dans l'appréciation
de la pertinence d'un placement en détention préventive.
29
104 CEDH, 10 juill. 2008, MEDVEDYEV c/ France, n° 3394/03,
AJDA 2010, p. 648
30
CHAPITRE 2 : Une faible protection en pratique
Le placement en détention préventive ne doit
être ordonné par le magistrat qu'après le recours ou la
tentative de recours sans succès au maintien en liberté ou
à l'une des obligations du contrôle judiciaire. La protection du
droit à la liberté s'étend également à la
phase de la détention préventive. En effet, la protection
légale doit garantir à la personne placée sous mandat de
dépôt, la pleine jouissance de certains droits en respect de son
statut de « présumé innocent ». La première est
naturellement le droit à une détention brève. Ce droit lui
est garanti par la charte africaine des droits de l'Homme et des peuples en son
article 7.1.d « ... le droit d'être jugé dans un
délai raisonnable par une juridiction impartiale... ». Il est
en effet, inadmissible qu'une personne voit son droit à la
liberté aliéné de façon prolongée, voir
indéfinie avant le procès. Le législateur togolais est le
premier à minorer la question puisqu'il a prévu des maximums
légaux extrêmement longs pour la détention
préventive. Cette insensibilité au temps est
décuplée en pratique par les multiples cas de détentions
arbitraires observables. La situation des prévenus est également
inquiétante eu égards aux conditions dans lesquels ils sont
détenus. Entre autres considérations liées au droit des
détenus à la dignité humaine, le prévenu est
confronté à une insuffisance de la prise en charge alimentaire et
à l'inefficacité de la prise en charge sanitaire. Le
prévenu s'en trouve considérablement affecté et son droit
au procès équitable est lui aussi entamé. Il convient
d'aborder dans le cadre de ce chapitre les durées de détention
longues (section 1) et la contrariété des conditions de
détention avec le droit à la dignité (section 2).
31
SECTION 1 : Des durées de détention
longues
Dans le volume 1 du rapport final rendu public en 2012, la
CVJR a fait des recommandations à l'Etat togolais. La
50ème s'énonce comme suit « La commission
rappelle l'obligation générale qui pèse sur l'Etat,
d'améliorer les conditions de détention au Togo, de respecter les
délais de détention préventive et de garantir les droits
fondamentaux de toute personne détenue ». À
côté de cette obligation faite aux autorités judiciaires de
respecter les délais de la détention préventive, l'analyse
du cadre normatif persuade que les délais légaux prescrits par le
législateur pour la détention préventive sont
extrêmement longs, surtout en matière criminelle. Il convient
d'étudier à ce titre, la violation du droit à une
détention brève (paragraphe 1) et les effets du placement en
détention préventive (paragraphe 2) sur l'individu et la
procédure.
Paragraphe 1 : La violation du droit à une
détention brève
Le philosophe BECCARIA affirmait que «
L'emprisonnement est donc uniquement le moyen de s'assurer du citoyen
jusqu'à ce qu'il soit jugé coupable, et cette mesure étant
essentiellement pénible doit durer le moins de temps possible et
être le moins rigoureux qu'il se peut »105. Il est
fondamental que la détention préventive soit utile et
brève. En pratique, les délais ne sont pas respectés. La
lenteur judiciaire en est une cause. Dans un premier temps, la notion de
détention préventive sera abordée (A) et dans un second
temps, il sera développé l'insensibilité au temps des
délais de la détention préventive (B).
A. La notion de droit à une détention
brève
En droit positif togolais, le droit de toute personne
d'être jugée dans un délai raisonnable est un droit
constitutionnel, prévu au premier alinéa de l'article 19 qui
proclame : « Toute personne a droit en toute matière à
ce que sa cause soit entendue et tranchée équitablement dans un
délai raisonnable par une juridiction indépendante et impartiale
». L'intention du législateur est d'éviter de garder
des personnes en incarcération préventive dans un état
d'incertitude et de façon prolongée. Comme le
105 C. BECCARIA, Des délits et des peines,
ibidem, p. 33
32
clame une maxime célèbre dont l'origine remonte
à la Magna Carta106 « Justice delayed is justice
denied107 ».
Le droit d'être jugé dans un délai
raisonnable est une composante du droit à un procès
équitable. Elle ne vise pas seulement la protection du prévenu.
L'on peut lui trouver trois bienfaits. La première est dans
l'intérêt de la victime, afin de lui faire droit et de permettre
une réparation de son préjudice (par la sanction de l'auteur et
le paiement éventuels des dommages et intérêts). La seconde
est dans l'intérêt de la justice, en faveur d'une bonne
administration de la justice pour ce qui concerne la collecte des preuves par
exemple108. La troisième est encore dans
l'intérêt de la politique criminelle, en ce qui concerne la
sanction du prévenu. Très souvent, lorsque la peine est
infligée longtemps après la commission de l'acte, le
condamné peut peiner à faire le lien entre la sanction et le
comportement incriminé. La société peut elle aussi peiner
à « comprendre, surtout s'il a été remis en
liberté provisoire, comment il se fait qu'il peut jouir d'une longue
période de liberté sans avoir eu à subir de procès
»109. Sur ce dernier point, la conséquence peut
être une suspicion de corruption ou de collaboration mafieuse entre les
juges et le mis en cause. Ceci contribue à une perte de confiance des
justiciable en la justice.
Certaines considérations pertinentes peuvent toutefois
justifier un retard dans le traitement d'une affaire. Le comité des
droits de l'Homme et la cour européenne des droits de l'Homme en dresse
une liste non exhaustive. Le retard peut s'expliquer par la complexité
des questions juridiques déterminées110, la nature des
faits à établir111, le nombre de personnes
accusées ou des parties dans les procédures civiles et de
témoins apportant des preuves112, ou être le
résultat de toute procédure d'appel113.
106 La grande charte en Angleterre en 1215
107 Justice différée est justice refusée
108 Par exemple, la qualité des témoignages peut
être dégradée après un trop long temps
écoulé depuis la commission de l'infraction
109 M. GIROUX et E. O'SULLIVAN, procédure
pénale, Ed. Yvon Blais, 1999, p. 76
110 Deisl c. Autriche, Comité des droits de l'homme
(HRC), Communication 1060/2002, UN Doc CCPR/ C/81/D/1060/2002 (2004), par.
11.2-11.6
111 Triggiani c. Italie [1991] CEDH 20, par. 17 (partie
« En droit »)
112 Angelucci c. Italie [1991] CEDH 6, par. 15 (partie
« En droit »)
113 Deisl c. Autriche, Comité des droits de
l'homme (HRC), ibidem
33
Le délai raisonnable est appréciable à
compter du moment à partir duquel une personne est arrêtée
jusqu'à ce que le jugement soit rendu et que tous les appels ou les
révisions applicables soient effectués. Certains critères
jurisprudentiels peuvent être cités pour évaluer le
caractère raisonnable de la durée de la détention avant
jugement. Le Comité des droits de l'homme a considéré dans
l'affaire « Teesdale c. Trinité-et-Tobago » qu'il y
avait une violation au droit d'être jugé dans un délai
raisonnable114. Dans une autre affaire, « Boodoo c.
Trinité-et-Tobago », le Comité a également
conclu que la période de 33 mois entre l'arrestation et le procès
sur une accusation de vol simple, constituait un délai injustifié
et ne pouvait pas être considérée comme compatible avec les
dispositions de l'article 9.3 PIDCP115. Le droit à un
procès rapide est plus important dans le contexte où
l'accusé est privé de sa liberté.
B. L'insensibilité au temps des délais de la
détention préventive
Le code de procédure pénale prévoit des
délais au-delà desquels la détention avant jugement perd
sa légalité. Le premier alinéa de l'article 113 CPPT
énonce que l'inculpé domicilié au Togo ne peut être
détenu plus de dix jours après sa première comparution
devant le juge d'instruction, lorsque le maximum de la peine prévue par
la loi est inférieur à deux ans d'emprisonnement. Le second
alinéa prévoit que le prévenu est mis en liberté
d'office lorsque la durée de la détention préventive
atteint la moitié du maximum de la peine encourue.
Précisément, ces deux alinéas méritent une analyse
approfondie. Il est évident que le premier alinéa prescrit une
détention préventive brève en cas de commission
d'infractions de faible gravité. Il doit en être ainsi pour toute
personne domiciliée au Togo et qui est poursuivie par exemple pour abus
frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse116 ;
violences volontaires légères117, blessures
involontaires118, acte de discrimination en matière d'emploi
et de profession119, etc. Le
114 En effet, la retranscription du procès dans cette
affaire a montré que toutes les preuves du dossier de l'accusation
avaient été recueillies avant le 1er juin 1988 et qu'aucune autre
enquête n'avait été menée après cette date.
Toutefois, le procès n'avait commencé qu'à partir du 6
octobre 1989.
115 « Tout individu arrêté ou
détenu du chef d'une infraction pénale sera traduit dans le plus
court délai devant un juge ou une autre autorité habilitée
par la loi à exercer des fonctions judiciaires, et devra être
jugé dans un délai raisonnable ou libéré. La
détention de personnes qui attendent de passer en jugement ne doit pas
être de règle »
116 Punie d'une peine d'emprisonnement de six (06) mois à
deux (02), art 194 et suivants NCPT
117 Punie d'une peine d'emprisonnement de six (06) mois à
deux (02), art 226 NCPT
118 Punie d'une peine d'emprisonnement de six (06) mois à
deux (02), art 243 NCPT
119 Punie d'une peine d'emprisonnement de six (06) mois à
deux (02), art 308 NCPT
34
second alinéa est le plus inquiétant. En effet,
il dispose « La mise en liberté est également de droit
lorsque la durée de la détention préventive atteint la
moitié du maximum de la peine encourue et que l'inculpé est
délinquant primaire ». Sur la première condition tenant
à un délai de la détention préventive correspondant
au maximum de la peine encourue, il faut distinguer selon que l'infraction
reprochée au prévenu est qualifiée de crime ou
délit. En droit positif togolais, un prévenu poursuivi pour une
infraction délictuelle, encourt au maximum cinq ans d'emprisonnement.
Conformément à l'article 113.b, la mise en liberté de
droit lui est acquise au terme d'une détention préventive de deux
ans et six mois (30 mois). Ce délai est long et ses conséquences
sont énormes pour les libertés individuelles. Il faut remarquer
que ce délai légal (30 mois) se rapproche largement de celui
incriminé par le comité des droits de l'homme dans l'affaire
« Boodoo c. Trinité-et-Tobago » (33mois) pour
violation du droit à être jugé dans un délai
raisonnable. L'atteinte à la liberté individuelle est
exacerbée lorsque le prévenu est poursuivi pour une infraction
criminelle. Après la révision du code pénal et son
adoption en novembre 2015, le maximum de la réclusion criminelle est
passé à cinquante ans. Le durcissement de la sanction se justifie
par la gravité des infractions reprochées120. Un
accusé encourt donc une peine maximale de cinquante ans s'il est
poursuivi pour « complicité d'assassinat » par exemple.
Conformément à l'alinéa b de l'article 113, il ne devrait
être éligible à la mise en liberté de droit
qu'après vingt-cinq ans de détention. C'est insensé.
Heureusement, une atténuation est apportée en matière
criminelle par l'article 7 du code de procédure pénale. Au terme
dudit article, l'action publique se prescrit si l'infraction n'a pas
été déférée à la juridiction de
jugement par citation ou ordonnance de renvoi dans un délai de
« dix ans en matière de crime ». Ce délai est
prolongé d'un an si l'instruction ouverte avant expiration du
délai n'est pas achevée. Cette disposition ramène le
quantum requis pour la mise en liberté de droit en matière
criminelle à onze ans, ce qui demeure n'en demeure pas moins insensible
au temps.
Par devers les délais légaux longs, bien que
proscrites par la constitution en son article 13121, les
détentions arbitraires sont courantes en pratique. Le droit positif
togolais ne répond pas clairement à la question de savoir quand
est-ce qu'une détention devient
120 Entre autres, torture, génocide, etc.
121 Art 13, al 2 de la constitution togolaise : « Nul ne
peut être arbitrairement privé de sa liberté »
35
arbitraire ? Trois critères ont étés
dégagés par le groupe de travail sur la détention
arbitraire créé en 1991 par la commission des droits de l'Homme
des nations Unies. D'abord, s'il est manifestement impossible d'invoquer un
fondement juridique quelconque qui justifie la privation de liberté.
Ensuite, si la privation de liberté résulte de l'exercice par
l'intéressé des droits ou des libertés proclamés
dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et, pour autant
que les États concernés soient partis au Pacte international
relatif aux droits civils et politiques. Enfin, si l'inobservation, totale ou
partielle, des normes internationales relatives au droit à un
procès équitable, énoncées dans la
Déclaration universelle des droits de l'homme et dans les instruments
internationaux pertinents acceptés par les États
concernés, est d'une gravité telle que la privation de
liberté prend un caractère arbitraire.
Les détentions arbitraires sont courantes. À la
prison civile de Lomé, un prévenu accusé de
complicité de vol aggravé a été
incarcéré pendant 08 ans pour enfin être
libéré pour défaut de dossier. Son dossier était
introuvable122. Violenté lors de l'enquête
préliminaire, ce dernier a été hospitalisé pendant
presque toute la durée de sa détention. À la brigade pour
mineurs de Lomé en général, les mineurs poursuivis pour
délit de droit commun sont le plus souvent victime de détention
arbitraire. En effet, l'article 323 alinéa 2 du code de l'enfant dispose
que « la durée du placement provisoire ne peut excéder
trois (03) mois pour les délits... ». Ce délai n'est
pas très souvent respecté en pratique.
Paragraphe 2 : L'effet de la détention
préventive
Décider de priver un individu de sa liberté dans
le cadre d'une procédure judiciaire est une mesure grave. Au-delà
des motifs que peut avancer la jurisprudence pour légitimer le recours
au placement en détention préventive, il est indéniable
que le prévenu se retrouve dans une condition singulière
comparativement à l'accusé demeuré en liberté. La
doctrine s'est abondamment intéressée à la question de
savoir quelle est la répercussion du placement en détention
préventive sur la suite de la procédure (A). De nombreuses
études effectuées en ces sens, ont apporté la preuve d'une
différence de traitement entre le prévenu et l'accusé en
liberté, notamment lors du procès. A ces
122 Il a été arrêté le 12 octobre
2011 et a été relâché le 15 octobre 2019
après intervention du directeur de l'administration pénitentiaire
qui a eu connaissance de son cas lors d'une visite au cabanon
36
études, il faut ajouter celles qui ont fait état
de l'effet destructeur de l'incarcération avant jugement sur le
prévenu (B).
A. Les effets sur la suite de la procédure
Le placement en détention préventive peut avoir
des incidences sur la suite de la procédure pénale jusqu'au
procès. De nombreux chercheurs ont sonné l'alarme en
révélant le lien étroit qui peut exister entre le
placement en détention préventive et la décision finale
à l'issu d'un procès. En recoupant différentes
études réalisées sur la question, la sociologue canadienne
Marie-Luce Garceau, a relevé le fait suivant : au Canada les
personnes qui font l'objet d'une mise en liberté provisoire ont des
issues plus favorables à leur procès que celles détenues
préventivement au moment du procès123. Une
étude similaire a été réalisée en France par
le statisticien Guillaume Vaney. À partir des chiffres du
ministère de la justice, le statisticien a recensé les peines
prononcées dans leur ensemble, puis les a comparés en fonction du
fait que la condamnation fait suite soit à une comparution
immédiate courte, soit à une détention préventive
courte ou longue, ou encore à une absence de détention
préventive. Il a pu observer que les personnes ayant fait de la
détention préventive sont le plus souvent condamnées
à des peines d'emprisonnement fermes. Il a également
relevé une relative sévérité de la peine lorsque la
détention préventive a été longue124.
Selon une étude de Marie-Marthe COUSINEAU « le
fait pour un prévenu de se présenter devant un juge risque fort
de lui être préjudiciable »125. Selon les
données de ses recherches, au Canada près de 62% des
accusés libres seraient reconnus coupable à l'issu de leur
procès ; tandis que le pourcentage se chiffrerait à près
de 86,2% pour les accusés détenus au moment de leur jugement.
Cela s'expliquerait par le fait que la détention avant jugement parait
inconsciemment comme un premier jugement où le suspect aurait
été reconnu coupable puisse qu'on ne doit normalement recourir
au
123 M. L. GARCEAU, « La détention provisoire au
Québec : une pratique judiciaire courante », in Criminologie,
1990, p. 19
124 G. VANEY, La détention provisoire des personnes
jugées en 2014, Ministère de la justice, 2016, note 346, p.
4
125 M-M COUSINEAU, « Détention provisoire au
Québec : éléments de connaissance et propositions de
réflexions », in Criminologie, Tome 2, 1995 , pp.15 et
suivants
37
placement en détention préventive qu'en dernier
recours. Les jurés partiraient alors sur la base erronée que
l'accusé placé en détention préventive serait
vraisemblablement « une mauvaise personne », sinon elle
aurait bénéficié d'une remise en liberté provisoire
avant le jugement. Le verdict de culpabilité serait donc plus facile
à émettre. Il faut ajouter à ce qui précède
ce que le doyen Carbonnier a appelé « le facies carceraria
», autrement dit un changement d'apparence physique,
conséquence des conditions de la détention. Cette apparence
antipathique influerait négativement sur la perception que peuvent avoir
les jurés sur l'innocence du prévenu.
Le placement en détention préventive porte
également atteinte aux droits de la défense. Le prévenu a
plus de difficultés pour préparer efficacement sa défense.
C'est le constat que fait le doyen Carbonnier, pour qui « il est
certain que l'inculpé détenu est placé, pour
l'organisation de sa défense, dans des conditions matérielles et
morales beaucoup plus défavorables que l'inculpé
libre126 ». Il a pu être observé que dans la
majorité des cas, les accusés détenus ont des
difficultés pour trouver un avocat, entrer en contact avec lui et
préparer efficacement leur défense. En droit positif togolais,
les avocats commis d'office ont très souvent connaissance du dossier peu
de temps avant le procès. Autant de facteurs qui préjudicieraient
l'efficacité de la défense du prévenu comparativement
à l'accusé demeuré libre. Autre fait marquant, le choc de
l'incarcération est tel que certains prévenus sont incités
à plaider coupable dans l'espoir que « le cauchemar s'arrête
». Au Canada où la procédure de comparution sur
reconnaissance préalable de culpabilité est appliquée,
certains auteurs ont relevé que « l'incitatif à plaider
coupable est d'autant plus grand lorsque l'infraction pour laquelle la personne
est détenue préventivement est une infraction mineure car la
période de détention provisoire peut souvent être plus
longue que celle qui aurait été imposée si elle avait
été trouvée coupable de l'infraction : donc si elle plaide
coupable, elle pourra être libérée
sur-le-champ127 ». Cette observation indique que le
placement en détention préventive a également un impact
sur le psychisme du prévenu.
126 D. TERRE, « Jean Carbonnier et la procédure
pénale », in L'année sociologique, 2007, Vol. 57,
p. 463
127 M-E. SYLVESTRE, C. BELLOT et N. BLOMLEY, « Une peine
avant jugement ? La mise en liberté provisoire et la réforme du
droit pénal canadien », in Réformer le droit criminel au
Canada : défis et possibilités, Ed. Yvons Blais, 2017, p.
219.
38
B. Les effets sur le présumé innocent
La détention préventive peut avoir des
conséquences désastreuses sur le présumé innocent.
Il se retrouve au croisé des tensions : la première est externe
et la seconde interne. En ce qui concerne les effets de la détention
préventive au niveau externe, l'on peut relever en premier lieu le
stigmate attaché à l'incarcération. L'incarcération
est perçue dans nos sociétés africaines comme une
humiliation publique. Du fait de son caractère humiliant et
dégradant, il ne peut être infligé qu'aux pires des
criminels. Ainsi, loin d'être présumé innocent par la
société, l'incarcération d'une personne avant jugement
peut être perçue comme une preuve de culpabilité. Le
déshonneur et l'humiliation sociale qui en découle persiste
même après la libération du suspect. Cette confusion dans
la perception des populations est compréhensible lorsque l'on
considère la similitude des conditions dans lesquelles sont
incarcérées les prévenus et les condamnés. En
effet, au Togo, il n'y a pas de maison d'arrêt pour accueillir uniquement
les prévenus. Ils sont donc incarcérés dans des prisons
pour peines, ensemble avec les personnes condamnées. Le lien familial
est largement entamé par cette rupture brutale avec le prévenu.
Ce dernier perd très souvent, l'appui inestimable de sa famille au fur
et à mesure que la procédure perdure. Sa santé mentale en
est affectée. En effet, « Le stress, l'angoisse, les frais
d'avocats, les réactions de la famille, la perte d'amis, le sort
réservé aux enfants dans la cour d'école, sont tous des
facteurs qui font que, lorsqu'on est accusé d'un crime, notre vie n'est
plus la même »128. Pour permettre au détenu
de conserver le contact avec le monde extérieur, les règles
Nelson Mandela garantissent à l'article 58.1.a : le droit de recevoir
des visites. Force est de constater que dans les prisons civiles du Togo, les
visites aux détenus sont payantes129 sauf s'il s'agit des
avocats. Il faut alors que les proches du détenu payent le droit de
pouvoir rencontrer le présumé innocent incarcéré.
Cette pratique est attentatoire aux droits et libertés fondamentales des
personnes incarcérées conformément à l'article
58.1.a des règles Nelson Mandela. Ce « passe payant »
contribue à la dégradation du lien entre les détenus et la
société, notamment avec leurs familles.
128 M. GIROUX et E. O'SULLIVAN, procédure
pénale, ibidem, p. 77
129 Les frais de visites sont fixés à 200 FCFA par
l'administration pénitentiaire
39
« Si la privation de liberté impose au
condamné une gêne parfois très sensible, elle
présente pour sa réadaptation sociale des difficultés
certaines 130». Cette condition est également
celles des prévenus en droit positif togolais. L'incarcération
plonge le prévenu dans un monde inimaginable131. Il y est
exposé à des risques importants pour sa sécurité
physique et psychique. La surpopulation est le premier facteur à la base
des violences commises dans les prisons. Le risque sécuritaire est
constant pour le prévenu. Il ne peut pas seulement compter sur la
sécurité qu'offre l'administration pénitentiaire puisque
derrière les portes de chaque prison, les détenus ont leur propre
organisation sécuritaire. Cette organisation défavorise «
les faibles 132». Les violations sont légions, pourtant
rares sont les dénonciations133. En ce sens, les efforts
entamés par l'administration pénitentiaire et les organisations
de protection des droits de l'Homme doivent être renforcés afin
d'éviter que la prison ne soit un milieu de non-droit.
Le choc de la détention préventive est surtout
au niveau du psychique. Nul ne peut contester l'impact irréversible que
l'incarcération a sur la vie d'un individu. Plus encore, la
détention préventive peut engendrer une multitude de sentiments
allant de la frustration à un sentiment de colère et d'injustice
au fil du temps jusqu'à une volonté de suicide parfois.
Après une longue détention, il a pu être observé un
trouble du comportement chez certains ex détenus, allant de la
paranoïa, à la schizophrénie et à la
folie134. Les longues incarcérations coupent le
prévenu de sa vie et finissent par lui faire perdre tout optimisme en
l'avenir étant persuadé qu'il a échoué sa vie.
À terme, le détenu qui « n'espèrent plus rien en
dehors de la prison135 » est plus susceptible de sombrer
à nouveau dans les voies de la délinquance. La perte de
repères sociaux et affectifs peut se traduire par un renfermement sur
soi et une dégradation physique du détenu. Plus la
détention préventive va durer et plus le prévenu risque de
perdre son emploi ou de son
130 B. BOULDOC, Pénologie, Ed. Dalloz, 1991, p.
27
131 Dans le sens péjoratif
132 Ceux qui n'ont pas de moyens financiers, ceux qui ne sont pas
physiquement fort, etc.
133 Selon les informations reçues à l'issues des
échanges avec les détenues, il règle une certaine loi du
silence que tous les détenus respectent au risque de subir des
représailles de la part de leurs codétenus
134 À titre illustratif, un jeune prévenu mis en
liberté provisoire après plus de quatre ans de détention
préventive passé à la prison civile de Lomé dans
une affaire de meurtre, présente des troubles psychiques avancés.
Il est physiquement en bonne santé mais il lui arrive de perdre sa
lucidité par moment. La prison a des effets dévastateurs sur les
individus. Le recours à la détention préventive doit
être solennel.
135 C'est véritablement la pensée de certains
détenus rencontrés au cours des actions d'assistance juridique du
CACIT à la prison civile de Lomé. La plupart d'entre eux sont
condamnés à de longues peines et ont un faible niveau
d'éducation scolaire
40
activité génératrice de revenus,
d'être expulsé de son logement, de manquer de moyens financiers,
de vendre des biens pour payer son avocat par exemple, etc. Au-delà du
prévenu, c'est sa famille qui est également sanctionnée
par l'incarcération. L'incarcération est vécue par
plusieurs détenus comme un bannissement, un oubli de la
société. Autant de souffrances qui sont vécus par un
individu frappé dans son innocence par un mandat de dépôt
avant jugement.
SECTION 2 : Des conditions de détention
contraires à la dignité humaine
La surpopulation carcérale est la réalité
la mieux partagé dans les prisons au Togo en l'état actuel. Elle
induit des conditions de détention désastreuses. Les 13 prisons
civiles du Togo sont presque toutes au bord de l'implosion avec des taux de
surpopulation qui culminent à 609%136. L'article 16 de la
constitution togolaise prescrit en son premier alinéa « Tout
prévenu ou détenu doit bénéficier d'un traitement
qui préserve sa dignité, sa santé physique et mentale et
qui aide à sa réinsertion sociale. ». Le constat en
pratique est que peu de moyens sont disponibles pour le bon traitement des
prévenus et des détenus. Il faut déjà relever
l'absence d'une loi portant organisation du régime
pénitentiaire137. La gestion des lieux de détention en
est également affectée. Dans cette section, il sera abordé
le caractère attentatoire de la surpopulation carcérale sur les
droits fondamentaux (paragraphe 1) et l'insuffisance de la prise en charge dans
les prisons (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La surpopulation carcérale
attentatoire aux droits fondamentaux
La situation des prévenus dans les prisons civiles au
Togo est alarmante. Ils ne bénéficient pas d'un traitement
préférentiel ou d'une séparation catégorielle. Ils
sont détenus dans des prisons pour peine, ensemble avec les
condamnés. La surpopulation carcérale engendre des risques
importants. La promiscuité et l'absence d'une séparation
catégorielle entre les détenus produit des effets contraires aux
objectifs poursuivis par la politique criminelle. Pour cerner la condition des
prévenus face à la surpopulation
136 Statistique de la prison civile de Tsévié en
Janvier 2020, DAPR
137 L'arrêté du 1er Septembre 1933 organisant le
fonctionnement des centres de détention au Togo a été
abrogé en 1992 sans être remplacé. L'avant-projet de la loi
déposé en 2010 n'a pas encore été adopté
41
carcérale, il convient d'aborder dans un premier temps
l'absence d'une séparation catégorielle entre prévenus et
condamnés (A) et dans un second temps les conséquences
inéluctables de la promiscuité (B).
A. L'absence d'une séparation catégorielle
entre prévenus et condamnés
La règle 11 des règles minima Nelson Mandela
distingue quatre niveaux de séparation obligatoires dans les lieux de
privation de liberté. La première est la séparation entre
les hommes et les femmes en détention. En effet, les femmes
détenues doivent être gardées dans des aires
différentes de celles des hommes et leur surveillance doit
également être assurée par des gardes du genre
féminin. Il en va de leur sécurité physique et du respect
de leur intimité. Dans les prisons civiles du Togo, cette
séparation est respectée en général, même si
les gardiens ne sont pas toujours du genre féminin138.
Également, les fouilles sur les femmes sont effectuées par des
gardes du genre féminin.
Le second niveau de séparation est celui entre les
prévenus et les condamnés. Pour peu que l'on s'en soucie, il
relève du bon sens que les personnes non jugées soient
incarcérées dans des aires différentes de celles
réservées aux personnes reconnues coupable d'avoir commis une
infraction. Ces deux catégories de détenus ne devraient pas
être gardées ni dans les mêmes établissements
pénitentiaires, ni subirent les mêmes restrictions139
au cours de l'incarcération. En droit positif togolais, cette
séparation n'est pas respectée. Il faut déjà
remarquer l'absence de « maisons d'arrêt » dans le
parc des infrastructures pénitentiaires au Togo. Les maisons
d'arrêts sont des établissements où sont uniquement
incarcérés les prévenus. Elles sont différentes des
« prisons pour peines » qui elles sont affectées
à la purge d'une peine de condamnation. Le Togo dispose uniquement de
prisons pour peine à ce jour. La séparation en l'état
actuel revient à garder les prévenus et les condamnés dans
des quartiers différents. À la question de savoir si la
séparation les prévenus et les condamnés est
respectée au sein des prisons
138 Exemple de la prison civile de Lomé où les
geôliers sont des hommes
139 En droit positif togolais, le droit de vote des
prévenus n'est pas mis en oeuvre par exemple
42
civiles du Togo, la plupart des acteurs de la chaine
pénale rencontrés140 ont tendance à
répondre par l'affirmative. Toutefois, la finesse leur recommande de
conditionner cette réponse par une subtile locution : « si les
conditions le permettent ». Il y a là une volonté
manifeste de mettre en oeuvre les principes et règles dictant la
séparation catégorielle entre prévenus et condamnés
dans les lieux de détention. Toutefois, l'application de cette
séparation reste tributaire de la capacité d'accueil des
structures pénitentiaires. Il faut rappeler que la grande surpopulation
des 13 prisons civiles du Togo ne permet pas toujours la réalisation de
cet impératif. Néanmoins, la nouvelle prison civile de
Kpalimé inaugurée le 21 septembre 2016 respecte la
séparation entre prévenus et condamnés. Quelle est donc la
portée du statut de présumé innocent si en pratique la
détention préventive est similaire à une peine
d'emprisonnement ? Ce sont toutes ces considérations qui amènent
les spécialistes en la matière à se demander si la
détention préventive n'est pas une exécution
anticipée de la peine. En effet, le temps passé en
détention préventive est pris en compte dans l'exécution
de la peine d'emprisonnement. Ceci pourrait laisser penser que la
détention préventive est une peine anticipée. En ce sens,
le député et ancien ministre français Patrick Devedjan
relevait le 3 avril 1998, lors d'une séance à l'Assemblée
nationale portant sur la proposition de loi n° 577/98 tendant à
réformer la détention provisoire que « la meilleure
preuve que la détention provisoire est une pré condamnation est
qu'elle est décomptée au temps de la peine
»141. En droit positif togolais c'est l'article
496142 du code de procédure pénale qui prévoit
l'imputation de la durée de la détention préventive sur la
peine à subir.
Le troisième niveau de séparation prescrit par
la règle 11 des règles minima Nelson Mandela concerne «
Les condamnés à la prison pour dettes ou à une autre
peine civile » et les « détenus pour infraction
pénale ». Ces aménagements interviennent au cours de
l'exécution de la peine. Elles sont donc étrangères aux
prévenus. Le quatrième niveau de séparation concerne les
jeunes détenus et les adultes. Au Togo, il n'existe qu'une
140 Au cours de notre enquête réalisée au
tribunal de première instance de Lomé, à la prison civile
de Lomé, à la brigade pour mineurs de Lomé et à la
direction de l'administration pénitentiaire
141 V. PINEL, La détention provisoire et son impact sur
les droits des justiciables, UNIVERSITÉ DE LAVAL, Canada, 2019, p.62
142 Art 496 du code de procédure pénale togolais
« Quand il y aura eu détention préventive, la
durée de celle-ci s'imputera sur la peine à subir à moins
que le juge n'ait ordonné par une disposition spéciale que cette
imputation n'aura pas lieu ou qu'elle n'aura lieu que pour partie.
»
43
seule structure spécialement dédiée
à l'accueil des mineurs en conflit avec la loi. Il s'agit de la brigade
pour mineurs de Lomé. Elle est compétente pour recevoir les
mineurs arrêtés, gardés à vue ou
déférés par les juridictions de Lomé et de
Tsévié143. Les 11 autres prisons civiles du Togo
(hormis la prison civile de Lomé et celle de Tsévié)
disposent d'un quartier pour mineurs où sont gardés distinctement
les mineurs en conflit avec la loi. Il faut préciser qu'à la
prison civile de Tsévié, les mineurs sont détenus dans les
mêmes cellules que les adultes. La principale raison de cette violation
des textes est la surpopulation carcérale.
B. Les conséquences inéluctables de la
promiscuité
La surpopulation carcérale a pris des proportions
alarmantes depuis des années au Togo. La prison civile de Lomé
qui a une capacité d'accueil de 666 personnes comptait près de
1049 détenus à la date du 31 janvier 2020 et 1105 détenus
à la date du 19 mars 2020 soit un taux de surpopulation de près
de 293%. La surpopulation carcérale atteint son extrême à
la prison civile de Tsévié qui est la prison la plus
surpeuplée au Togo. Construite pour accueillir 56 personnes, l'effectif
des détenus à la prison civile de Lomé était de 341
en janvier 2020, soit un taux de surpopulation de 609%144. Les
cellules sont occupées en moyenne par plus de cinquante détenus
alors qu'elles sont prévues pour une quinzaine de personnes. Du fait de
l'encombrement des cellules, une forte chaleur est
présente145. En 2014, le SPT a visité certaines
prisons au Togo (prison civile de Lomé, Notsè,
Tsévié). Il a observé que les détenus disposaient
d'un espace de 0.30m2 d'espace maximum pour dormir146.
Dans ces circonstances nombres d'entre eux sont obligés de rester debout
ou assis pendant toute la nuit et ne peuvent donc dormir.
La contamination criminelle peut être définie
comme un processus de transmission de l'identité criminelle et
d'apologie de la délinquance observable lorsque des personnes
condamnées pour des peines mineures sont incarcérées
pendant un temps plus ou moins
143 Avec la pandémie de la COVID-19, des mineurs
détenus y ont été transférés depuis mars
2020, en provenance des prisons civiles de Vogan, Notsè et
Aného
144 Selon les statistiques de la DAPR en Janvier 2020
145 Atteignant plus de 40 °C dans certains cas (Voir
Rapport du SPT, Visite au Togo menée du 1er au 10 décembre
2014 : observations et recommandations adressées à l'État
partie, par. 22, p. 6)
146 Observation de l'expert et rapporteur du CAT Claude HELLER
ROUASSANT lors du passage du Togo devant le CAT en juillet 2019
44
long, avec des personnes condamnées pour des crimes
graves. De nombreux criminologues s'entendent d'ailleurs pour affirmer que la
prison est une « école du crime ». En 1975, le philosophe
français Michel Foucault publie un essai qui aura de l'influence :
« Surveiller et punir. Naissance de la prison ». Il y
relève que les critiques formulées depuis longtemps contre le
système carcéral sont toujours d'actualité. En effet, la
prison ne diminue pas la criminalité, elle constitue plutôt
l'école du crime et fabrique même indirectement des
délinquants en appauvrissant la famille du détenu147.
Lors d'une visite de monitoring à la prison civile de Lomé le 13
février 2020, un débat participatif a été
animé avec les détenus membres du « club
sentinelle148 » créé par le CACIT. Ces derniers
ont été invités à se prononcer sur la question de
savoir si la prison était une bonne ou une mauvaise école selon
leur expérience. Les avis étaient partagés. Certains
soutenaient que la prison était une bonne école. Selon
ceux-là, la prison leur avait permis de prendre conscience de leur
état d'ignorance face à la loi pénale et de la
nécessité de la prudence dans les affaires quotidiennes. La
majorité des autres personnes ont soutenu par contre que la prison
était une mauvaise école. Selon ces derniers, le comportement de
certains détenus s'empire après leur
incarcération149. Ils ont affirmé qu'au sein des
prisons, la violence est le langage privilégié. Il faut paraitre
dangereux et être violent pour mériter le respect et avoir de la
quiétude selon eux. En effet, l'incarcération peut renforcer le
parcours criminel et socialiser le détenu avec des cercles
criminogènes. Alexis de Tocqueville écrivait en ce sens «
On sait qu'une des sources les plus fécondes de corruption parmi les
détenus est la conversation qu'ils ont entre eux. Elle n'a jamais
d'autre objet que le récit des crimes passés, ou le projet de
nouveaux attentats. C'est dans ces entretiens que la théorie du crime
est professée hautement, dans une sorte d'enseignement mutuel où,
le crime étant le seul titre aux suffrages de tous, chacun fait valoir
ses forfaits et se dispute les honneurs de l'infamie150 ».
Il est à craindre que la promiscuité ait perverti la mission
assignée à la prison, lui enlevant sa fonction dissuasive. La
prison serait « criminogène » en raison de l'absence de
séparation catégorielle entre détenus, du fort taux de
surpopulation et des
147 M-C. LAVOIE, « Un aperçu des alternatives
à l'incarcération », in Alter justice, p. 6
148 Club juridique des détenus à la prison
civile de Lomé créé le CACIT pour sensibiliser les
détenus sur leurs droits et les former à soumettre des
requêtes
149 Rapport de visite à la prison civile de Lomé,
12 février 2020, CACIT, p. 2
150 A. Tocqueville, Écrits sur le système
pénitentiaire en France et à l'étranger, Tome IV,
Gallimard 1984, p. 58
45
mauvaises conditions de détention. La situation des
prévenus est doublement inquiétante. Plongés dans ce monde
inimaginable malgré l'absence d'une preuve certaine de leur
culpabilité, ils apprennent malgré eux à y survivre. Au
minimum, cet état de fait est ressenti comme une « injustice »
par tous ceux qui ont le fatal privilège d'être
incarcéré dans le cadre d'une procédure pénale
avant jugement. Ce qui contribue à cristalliser la crise de confiance
entre le système judiciaire et les citoyens151.
Paragraphe 2 : L'insuffisance de la prise en charge
dans les prisons
En 2012, à l'issue de l'examen des 3e, 4e et 5e
rapports périodiques combinés de l'État togolais par la
commission africaine des droits de l'Homme et des peuples, la commission avait
recommandé au gouvernement de « prendre toutes les mesures
nécessaires en vue d'améliorer les conditions de détention
et la qualité des repas servis aux prisonniers » et de «
respecter les normes minimales acceptables au niveau régional et
international en matière de logement des détenus152
». En effet, il se pose un problème de prise en charge
efficiente des détenus dans les prisons. Entre autres, la prise en
charge alimentaire est insuffisante (A) et la prise en charge sanitaire
lacunaire (B).
A. Une prise en charge alimentaire insuffisante
Au Togo, c'est l'administration pénitentiaire et de la
réinsertion qui est la structure chargée de la gestion des
prisons. Elle est rattachée au ministère de la justice depuis le
décret n°92-40/PMRT du 12 février 1992 portant rattachement
de l'Administration pénitentiaire au ministère de la justice.
C'est elle qui se charge de la prise en charge alimentaire de tous les
détenus. Le droit à une bonne alimentation est reconnu à
tout détenu par la règle 22.1 des règles Nelson Mandela :
« Tout détenu doit recevoir de l'administration
pénitentiaire aux heures habituelles une alimentation de bonne
qualité, bien préparée et servie, ayant une valeur
nutritive suffisant au maintien de sa santé et de ses forces. Chaque
détenu doit pouvoir disposer d'eau potable lorsqu'il en a besoin
». Selon le diagnostic du milieu carcéral togolais en 2019,
présenté par madame KODJOLO Koudjoukalo Eugénie,
chargée du suivi de la population carcérale, de
151 Observation relevée dans la recommandation 9 du volume
1 du rapport final de la CVJR
152 CADHP, Observations finales et recommandations relatives
aux 3e, 4e et 5e rapports périodiques cumulés de la
République du Togo, 51e session ordinaire, 18 avril - 2 mai 2012,
Banjul, Gambie, § 73(xv)
46
l'action sociale et de la réinsertion au Togo ; il
apparait que la prise en charge alimentaire des détenus au Togo a connu
des fluctuations au fil du temps. Le tableau153 se présente
comme suit :
|
Budget annuel alloué à l'alimentation
|
Effectif moyen des
détenus
|
Montant quotidien alloué à la restauration de
chaque détenu
|
Avant 2011
|
300 millions F CFA
|
4000
|
208 F CFA
|
2011
|
330 millions F CFA
|
4163
|
220 F CFA
|
2012
|
330 millions F CFA
|
4053
|
226 F CFA
|
2013
|
380 millions F CFA
|
3994
|
260 F CFA
|
2014
|
400 millions F CFA
|
4134
|
265 F CFA
|
2015
|
300 millions F CFA
|
4300
|
191 F CFA
|
Depuis 2015
|
300 millions
|
4450 à 5000
|
166,66 F CFA
|
À l'analyse, le constat est que le montant quotidien
alloué à la restauration de chaque détenu (166 F CFA en
2019) est insuffisant pour offrir deux repas aux détenus par jours. Un
seul repas est donc assuré aux détenus154 par jour. En
2016, la CNDH dans son rapport dans le cadre de l'examen périodique
universel, soulignait au paragraphe 10 que « Les détenus sont
sous alimentés tant sur le plan quantitatif que qualitatif. La ration
alimentaire n'est que d'un repas par jour ». Il est évident
que l'autorité publique ne fournit pas à l'administration
pénitentiaire les moyens suffisants pour une bonne prise en charge
alimentaire. L'administration pénitentiaire consciente de cette
défaillance autorise les détenus à faire leur propre
cuisine à l'intérieur des prisons avec l'aide extérieur de
leurs familles. Une épicerie est d'ailleurs gérée par
l'administration au sein
153 Informations fournies dans le Diagnostic du milieu
carcéral togolais, DAPR, 2019
154 Détenus du genre masculin puisque les détenus
du genre féminin font individuellement leur cuisine
47
de la prison de Lomé. Il y est vendu des articles tels
que du riz, de l'huile, du poisson, des tomates, etc. Quelques personnes de
bonne volonté ainsi que des OSC apportent également aux
détenus leur aide en ce sens.
Du coté des femmes détenues à la PCL, la
prise en charge alimentaire s'effectue autrement. Périodiquement,
l'administration leurs partages des denrées alimentaires tels que du
haricot, du riz, des petits poissons, de l'huile, du gari, du piment, etc.
D'après les informations obtenues auprès d'une
détenue155, la prise en charge alimentaire a
régressée au fil des années. Au cours des années
2014 à 2016, la répartition de la ration alimentaire aux
détenues se faisait chaque quinzaine. Les denrées étaient
ensuite reparties par bâtiments quel que soit le nombre de
détenues. À partir des années 2017 à 2020,
l'administration a réduit la fréquence des répartitions de
rations alimentaires et les détenues ne recevaient plus qu'une ration
par mois. De façon générale, certains besoins primaires et
fondamentales tels que l'accès à l'eau potable ne sont pas
garanties dans toutes les prisons. Récemment, avec l'apparition de la
pandémie mondiale du COVID-19, la crise sanitaire a
démontré une capacité de réaction du gouvernement
togolais quant à la prise en charge alimentaire des détenus. En
effet, par un communiqué en date 09 avril 2020, le ministre de la
justice a annoncé la suspension des visites dans l'ensemble des treize
prisons civiles du Togo, au cabanon156 et à la brigade pour
mineurs de Lomé à partir du lundi 13 avril 2020157. En
guise de mesures d'accompagnement, il a été observé que
l'administration pénitentiaire s'est réorganisée afin
d'offrir un second repas à tous les détenus dans l'ensemble des
lieux de détention touchés par la restriction. Même si ces
mesures ont été prises dans un contexte
particulier158, c'est bien une preuve que des efforts peuvent
être effectués en faveur d'une meilleure prise en charge
alimentaire des détenus au Togo.
155 Au cours des visites de monitoring avec le CACIT
156 Le Cabanon est une unité de soins
dédiée à la prise en charge des détenus malades de
la prison civile de Lomé. Ce centre est situé au sein du Centre
hospitalier universitaire Sylvanus Olympio
157 Pour prévenir la propagation du COVID-19 dans les
lieux de détention, il était important de limiter les contacts
avec le milieu extérieur.
158 Avec l'appui des partenaires techniques et financiers
48
B. Une prise en charge sanitaire lacunaire
Le droit à la santé est un droit fondamental
pour tout être humain, quel que soit sa condition. L'État a la
responsabilité d'assurer des soins de santé aux détenus
dans les meilleures conditions. Le droit à la santé des
détenus est proclamé par la constitution togolaise en son article
16159. Il en est de même à la règle 24 des
règles Nelson Mandela160. L'administration
pénitentiaire prend les mesures idoines pour mettre en oeuvre
l'accès aux soins de santé. Pour ce faire, l'article 41 du code
de la santé publique du Togo dispose que « Les
établissements pénitentiaires et autres locaux de
détention doivent être dans un bon état d'hygiène,
bien aérés et éclairés. Ils sont soumis à un
contrôle sanitaire permanent ». En général,
s'agissant de l'accès des détenus aux soins de santé,
trois observations peuvent être faites. Premièrement, chacune des
13 prisons civiles ne dispose pas d'infirmerie. C'est le cas de la prison
civile de Tsévié et celle de Kanté. Lorsque les
détenus sont malades, ceux-ci doivent le signaler à
l'administration qui selon leur constat requiert les services d'un infirmier
à l'externe. Ce dernier après consultation peut prescrire des
médicaments dont la prise en charge est attribuée de facto
au patient ou demander que le détenu malade soit
transféré dans un hôpital à l'extérieur.
Deuxièmement, il y a les difficultés
liées à la permanence du personnel soignant ainsi que
l'accessibilité des soins en cas d'urgence sanitaire. Il faut relever
que des crises de maladies se déclenchent souvent pendant la nuit
lorsque les détenus sont « entassés » dans les
cellules161. À la brigade pour mineurs de Lomé comme
à la prison civile de Lomé par exemple, les infirmiers ne font
pas de garde pendant la nuit. Lorsqu'un cas urgent de maladie se
déclenche en pleine nuit, il est quasiment impossible de
l'évacuer avant la reprise du service le lendemain. Ils arrivent ainsi
que des détenus piquent des
159 « Tout prévenu ou détenu doit
bénéficier d'un traitement qui préserve sa dignité,
sa santé physique et mentale et qui aide à sa réinsertion
sociale »
160 « L'État a la responsabilité
d'assurer des soins de santé aux détenus, ceux-ci devant recevoir
des soins de même qualité que ceux disponibles dans la
société et avoir accès aux services nécessaires
sans frais et sans discrimination fondée sur leur statut juridique
»
161 Un détenu à la PCL rapporte qu'à
cause de la surpopulation, une chaleur « insupportable »
règne pendant les nuits.
49
crises d'asthme ou qu'une maladie qui tardait à
être prise en charge162 se déclenche violemment la
nuit. Pour tenter de venir en aide au détenu et le faire évacuer
à l'hôpital, les codétenus doivent faire assez de
bruit163 en espérant alerter les gardes. Très souvent,
le détenu souffrant est extrait de la cellule et placé dans un
espace plus aéré. Il ne sera évacué que le
lendemain matin. Des détenus rapportent que plusieurs détenus
meurent dans ces conditions. Un exemple tragique est celui d'une détenue
qui a perdu ses deux jumeaux à la prison civile de Lomé le 11
décembre 2015 faute d'assistance, en pleine journée. Le site
internet164 qui a relayé l'information rapporte le
témoignage d'une codétenue sur cette affaire165.
L'indifférence des agents de l'administration pénitentiaire a eu
raison de la vie de ses « deux jumeaux ». Selon le bilan
établi par le greffe de la prison civile de Lomé, treize
détenus serait mort courant l'année 2019. Les causes du
décès ne sont pas spécifiées.
Le troisième constat, sans doute le plus tragique pour
l'accès aux soins de santé des détenus en droit positif
togolais est la prise en charge des frais médicaux par les
détenus. Il faut préciser que la prise en charge est gratuite
dans l'infirmerie du lieu de détention. La difficulté se pose
lorsque le détenu malade doit être transféré dans un
hôpital à l'extérieur. En effet, vu la faible
capacité de prise en charge sanitaire des infirmeries mises en place
à l'intérieur des prisons, la plupart des détenus malades
sont évacués dans de plus grands hôpitaux à
l'extérieur de la prison pour une ample prise en charge sanitaire. Les
frais occasionnés sont à la charge du détenu. Par exemple,
à la prison civile de Lomé, le détenu malade doit
lui-même payer le bon de consultation de l'hôpital avant
d'être évacué. S'il ne paye pas, il n'est pas
évacué, quel que soit la gravité de son état de
santé. Le bon de consultation varie entre 2000f et 3000f.
Également, la prise en charge
162 Parfois, soit parce que le détenu n'a pas de quoi
payer le bon de consultation nécessaire avant toute évacuation ou
soit parce que les agents de l'administration minorent le mal en pensant que le
détenu n'est pas véritablement malade.
163 En cognant les portes avec du métal et en criant
« à l'aide ! »
164
https://www.27avril.com/blog/culture-societe/societe/togo-nouveau-drame-a-la-prison-civile-de-lome- agouze-kafui-une-detenue-accouche-et-perd-ses-jumeaux-nouveau-nes-par-manque-de-soutiens,
consulté le 20 février 2020 à 21h51
165 « C'est depuis le matin que nous avons
alerté les Surveillants de l'administration pénitentiaire parce
qu'une de nos camarades codétenues était sur le point
d'accoucher. Mais ils ne sont pas venus voir ce qui se passe. Ils nous ont dit
qu'il n'y a pas d'essence dans la voiture pour conduire la détenue
à l'hôpital. On s'est débrouillé pour faire sortir
les bébés ».
50
des soins, c'est-à-dire le paiement des analyses et des
produits pharmaceutiques est à la charge des
détenus166. La plupart des détenus qui n'ont pas leur
famille dans la circonscription de la prison où ils sont
incarcérés sont pris dans cet étau, incapable de prendre
en charge leurs soins. Il faut également préciser que «
Aucune des prisons visitées ne dispose d'ambulance. Exceptée
celle de Lomé, aucune ne dispose de réfrigérateur pour la
conservation des produits pharmaceutiques.167 »
Il a également été observé que les
détenus ne sont pas soumis à un bilan de santé à
leur entrée et à leur sortie de la prison. Ainsi, les porteurs de
maladies contagieuses contaminent d'autres détenus. Récemment,
dans le contexte de l'épidémie du COVID-19, cette pratique a
facilité la propagation du virus au sein de la population
carcérale au Togo. Les détenus devraient se faire analyser par un
médecin avant leur admission dans un établissement
pénitentiaire. Ceci permettra de lutter contre la contamination et la
propagation des maladies épidermiques (gale, poux, etc.) et
pestilentielle. Également l'équipement des prisons devraient
être revus afin que des sanitaires soient installés dans chacun
des bâtiments. En l'état, les détenus de la prison civile
de Lomé par exemple n'ont pas accès aux toilettes entre 17 heures
et 6 heures du matin, lorsqu'ils sont enfermés dans les cellules.
En droit positif togolais, d'importantes garanties de
protection du droit à la liberté à l'épreuve de la
détention préventive sont prévues. Toutefois, comme nous
avons pu le constater, des défis demeurent. Au regard de ces lacunes, il
urge d'y apporter solutions.
166 Qui se font aider souvent par leur famille ou par des
organisations de défense des droits de l'Homme, telles que le CACIT, la
SMPDD
167 Rapport d'activités, Exercice 2019, CNDH, p. 124
51
SECONDE PARTIE : Un renforcement
nécessaire
La première partie de l'analyse a permis de
présenter le dispositif de protection du droit à la
liberté à l'épreuve de la détention
préventive en droit positif togolais. D'importants acquis ont pu
être relevés. Il est apparu que le législateur togolais
accorde une grande importance à la condition des personnes en conflit
avec la loi, surtout, lorsque ces derniers risquent de perdre leur droit
à la liberté dans le cadre d'une procédure avant jugement.
La règle qui prévaut en la matière est le principe
d'exception de la privation de liberté. Dans le cas où le recours
à une mesure restrictive de liberté s'avère
nécessaire, le législateur a consacré des mesures de
contrôle judiciaire pour servir d'alter moyen au placement en
détention préventive. La protection du droit à la
liberté demeure toutefois limitée. En effet, des limites sont
observables tant au plan normatif que dans la pratique.
Il appert qu'un renforcement du régime de la
détention préventive permettrait une meilleure protection du
droit à la liberté dans la procédure pénale avant
jugement en droit positif togolais. Aussi, il sera abordé dans un
premier temps les axes de réformes envisageables (Chapitre 1) puis dans
un second temps, le renforcement du contrôle du respect des garanties de
protection du droit à la liberté (Chapitre 2).
52
CHAPITRE 1 : Les axes de réformes
envisageables
Le régime de la détention préventive
souffre de l'absence d'un dispositif de réparation de la
détention préventive injustifiée. En effet, les
détentions préventives injustifiées sont courantes. Il est
urgent que le législateur mette en place un régime de
réparation de la détention injustifiée. C'est en effet un
droit auquel doivent pouvoir prétendre toutes les victimes de
détention injustifiée, sous certaines conditions. Sur le champ
des réformes, d'importants acquis sont à relever. Certaines
pistes de solution nécessitent cependant une attention soutenue et
particulière du législateur. Dans cet ordre des idées, il
sera abordé dans un premier temps le renforcement du cadre légal
et institutionnel (Section 1) puis dans un second temps, la
nécessité d'un régime de réparation de la
détention préventive injustifiée (Section 2).
Section 1 : Le renforcement du cadre légal et
institutionnel
Le régime de la détention préventive
mérite d'être réformé afin de renforcer la
protection du droit à la liberté ainsi que son effectivité
à l'épreuve de la détention préventive. Le
législateur togolais est conscient de cette nécessité.
Pour y pallier, des réformes sont d'ores et déjà
engagées et d'autres sont annoncées. Toutefois, à
lumière des bonnes pratiques dans les législations voisines,
certaines pistes de solutions méritent une attention
particulière. À cet effet, il sera abordé dans un premier
temps, les réformes engagées pour la protection du droit à
la liberté (Paragraphe 1) et dans un second temps les pistes de
solutions envisageables (Paragraphe 2)
Paragraphe 1 : Les réformes engagées pour
la protection du droit à la liberté
Le législateur est instruit des limites observables
dans le dispositif de protection des droits fondamentaux des personnes
poursuivies en général. Les autorités publiques en ont
conscience également. Elles ont acté progressivement en faveur de
l'amélioration du régime de la détention
préventive. Comme il le sera analysé, ces réformes
concourent en majorité à la mise en place progressive des
conditions requises pour une meilleure protection du droit à la
liberté de toute personne poursuivie en droit positif togolais.
53
Toutefois, des avancées restent attendues. En faveur de
la protection du droit à la liberté lors de la détention
préventive, des avancées notoires (A) sont identifiables tandis
que d'autres restent attendues (B).
A. Des avancées notoires
Pour renforcer la protection du droit à la
liberté, le législateur a procédé à
l'adoption de la loi n° 2015-010 du 24 novembre 2015 portant nouveau code
pénale au Togo. En ce qui concerne l'amélioration du traitement
des personnes poursuivies, le nouveau code pénal togolais a le
mérite de criminaliser les actes de torture en ses articles
198168 et suivants. Il faut rappeler qu'en 2012, la commission
africaine des droits de l'Homme avait recommandé au gouvernement
togolais de « veiller à ce que tous les auteurs des actes de
torture soient poursuivis169 ». Cette réforme est
aujourd'hui effective en droit positif togolais. La torture de toutes
personnes, notamment celles en détention, est un crime imprescriptible
en droit positif togolais. Une autre réforme majeure est
également l'adoption de la loi n° 2019-015 portant code de
l'organisation judiciaire du 30 octobre 2019. La principale plus-value de
l'adoption de cette loi est sa contribution à la lutte contre la lenteur
judiciaire au Togo. En effet, le législateur crée des tribunaux
criminels170 et des cours criminelles d'appel171 qui sont
des juridictions compétentes pour juger en premier ressort et en appel
toutes les infractions qualifiées de crime. Le droit positif togolais
tourne ainsi la page des cours d'assises. Avec la création de ces
nouvelles juridictions, les affaires criminelles seront traitées avec
plus de célérité. Cette réforme permettra de lutter
contre les détentions prolongées et de fixer les détenus
sur leur sort dans un délai raisonnable. Il faut également
relever les efforts en faveur de
168 Art 198 NCPT « Le terme «torture»
désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës,
physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une
personne aux fins notamment d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne des
renseignements ou des aveux, de la punir d'un acte qu'elle ou une tierce
personne a commis ou est soupçonnée d'avoir commis, de
l'intimider ou de faire pression sur elle ou d'intimider ou de faire pression
sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de
discrimination quelle qu'elle soit.
Ce terme ne s'étend pas à la douleur ou aux
souffrances résultant uniquement de sanctions légitimes,
inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles.
»
169 CADHP, Observations finales et recommandations relatives
aux 3e, 4e et 5e rapports périodiques cumulés de la
République du Togo, 51e session ordinaire, 18 avril - 2 mai 2012,
Banjul, Gambie, § 73(xv)
170 Art 67 et 68 de la nouvelle loi sur l'organisation judiciaire
du 30/10/2019
171 Art 67 et 68 de la nouvelle loi sur l'organisation judiciaire
du 30/10/2019
54
l'amélioration des conditions de détention,
notamment la construction de la nouvelle prison de Kpalimé172
; la rénovation de certaines prisons civiles173, la
rénovation et l'agrandissement du cabanon avec la création d'un
quartier pour femmes, etc.
Les acteurs du monde judiciaire sont également
impliqués dans l'effectivité de la protection du droit à
la liberté. Ainsi, le tribunal de Lomé a adressé au
directeur général de la police nationale et au directeur
général de la gendarmerie nationale, un courrier en date du 02
février 2019 en vue de la fixation d'une heure limite pour les
déferrements au parquet d'instance Lomé. Aux termes de cette
missive, l'heure limite de déferrement au parquet de Lomé est
fixée à 15h au plus tard, sauf en cas de nécessité
de service. La raison de cette préoccupation est fondée sur la
volonté de lutter contre les détentions arbitraires, le
phénomène dit du « double mandat de dépôt
» et celui du « vendredi soir174 ». Cette mesure vise
à laisser suffisamment de temps au parquetier et ensuite au juge
d'instruction pour connaitre de l'affaire dans les horaires de service et
éviter qu'un individu ne soit incarcéré pour cause d'un
déferrement tardif. L'administration pénitentiaire s'est
également dotée d'un logiciel de gestion des prisons (application
permettant l'enregistrement biométrique des détenus au niveau du
greffe de chaque établissement pénitentiaire ainsi que les
enregistrements de stock alimentaires, etc.175).
L'une des raisons du recours abusif à la
détention préventive est le manque de garantie de
représentation. Pour lutter contre le défaut de garantie de
représentation, les travaux d'adressage effectués dans certaines
villes du Togo constituent un grand atout. Également, la mise en oeuvre
du projet d'identification nationale biométrique (e-ID Togo)
annoncé par le PND sera une plus-value pour une meilleure garantie de
représentation des personnes.
172 Le 21 septembre 2016
173 Par exemple, réhabilitation de la prison civile de
Dapaong en février 2017
174 Hormis les cas de flagrants délits, seul le juge
d'instruction a le pouvoir de placer le suspect en détention
préventive. Mais en pratique, le procureur décerne mandat de
dépôt même dans les affaires ne constituant pas des
flagrants délits. Plus tard, lorsque le prévenu est appelé
devant le juge d'instruction, ce dernier l'inculpe formellement en antidatant
le mandat de dépôt à la date où le procureur avait
ordonné le placement en détention préventive de ce
dernier. C'est le phénomène du double mandat de
dépôt.
175
https://togopresse.tg/les-acteurs-se-familiarisent-avec-le-logiciel-de-gestion-informatique-des-prisons-a- kpalime/,
consulté le 22 juin 2020 à 19h43
55
B. Des réformes attendues
L'écrivain et philosophe français Voltaire
écrivait « Le mieux est le mortel ennemi du
bien176 ». Loin de se contenter des réformes
réalisées, il est important que la dynamique soit
renforcée. Le ministre chargé des droits de l'Homme dans son
allocution devant le comité contre la torture en juillet 2019 a
affirmé que « Le gouvernement de la république togolais
n'est pas dans le déni, il n'est pas dans l'autosatisfaction et il n'est
pas non plus dans l'autocongratulation... Il mesure les progrès qu'il
accompli, s'efforce de maintenir un rythme constant et continuel de
réforme pour renforcer la jouissance pratique des droits de l'Homme dans
une démarche sûr qui consolide les acquis tout en faisant de
nouveaux progrès. ». Plusieurs réformes ont
été annoncées et restent très attendues. Ces
réformes viendront renforcer la protection du droit à la
liberté lors de la détention préventive. Il s'agit d'abord
de l'adoption d'un nouveau code de procédure pénale. En effet,
cette adoption permettra au législateur de revisiter les dispositions
légales de protection du droit à la liberté lors de la
détention préventive pour y adjoindre des garanties
supplémentaires (motifs de la détention préventive,
motivation spéciale de l'ordonnance de placement en détention
préventive, etc.), et renforcer les garanties existences
(réformer les délais de la détention préventive,
etc.). L'adoption d'un nouveau code de procédure pénale
favorisera également la mise en oeuvre des alternatives aux poursuites
judiciaires, prévus par le nouveau code pénal : la
médiation pénale177 et de la composition
pénale178. Ces mesures de substitution à
l'emprisonnement viennent s'ajouter au contrôle judiciaire et à la
remise en liberté provisoire pour donner des moyens pluriels de
protéger le droit à la liberté des personnes
poursuivies.
Une autre réforme, très attendue est l'adoption
d'une nouvelle loi portant organisation du régime pénitentiaire.
Le régime pénitentiaire était encadré par
l'arrêté du 1er septembre 1933 organisant le fonctionnement des
centres de détention au Togo. Il a été abrogé en
1992 sans être remplacé. Un avant-projet de la nouvelle loi
portant organisation du régime pénitentiaire a été
déposé en 2010 devant les parlementaires.
176 Voltaire, « Contes en vers », in La
Bégueule, Ed. Garnier, 1877, p. 50
177 Art 59 et 60, NCPT
178 Art 61 et 62, NCPT
56
L'adoption de cette loi viendra réorganiser le
régime pénitentiaire au Togo. Il aura sans doute l'avantage de
consacrer en droit togolais l'ensemble des droits fondamentaux reconnus aux
détenus par les instruments internationaux de droits de l'Homme. Outre
l'adoption de la nouvelle loi sur le régime pénitentiaire,
l'amélioration des conditions de détention au Togo reste un
défi à relever. Lors du passage du Togo devant le CAT en juillet
2019, le ministre Christian TRIMUA avait affirmé que le gouvernement a
mis en réflexion la conception et la mise en oeuvre d'un programme
d'amélioration des infrastructures pénitentiaires, ce qui
résoudrait de facto la question de la surpopulation carcérale par
l'agrandissement des infrastructures et la précarité des
conditions de détention. Dans ce sens, le ministre garde des sceaux a
affirmé qu'un projet de construction d'une nouvelle prison était
à l'étude dans les environs de Lomé179. Selon
l'information relayée sur le site officiel de la république
togolaise le 07 avril 2020, le site de la nouvelle prison aurait
déjà été identifié. Le projet de
construction d'une nouvelle prison à Lomé intervient après
que le CAT ait recommandé au gouvernement, d'envisager la fermeture
définitive de la prison civile de Lomé180. Sa «
structure même n'est plus adaptée au temps, aux exigences des
conditions modernes de détention et du respect des droits de l'Homme,
tant des détenus que du personnel pénitentiaire ».
C'est un signal fort pour démarrer une modernisation globale des
infrastructures pénitentiaires au Togo, dont la plupart datent de
l'époque coloniale et sont dans un état de délabrement
avancé. Il faut aussi rappeler qu'en février 2019, un nouveau
registre de garde à vue uniformisé et standardisé conforme
aux lignes directrices Luanda a été adopté.
Légitimement, la prochaine étape sera l'adoption d'un registre de
détention préventive uniformisé, standardisé et
conforme aux lignes directrices Luanda.
Paragraphe 2 : Les pistes de réformes
envisageables
Le législateur togolais est avisé. Il a
consacré plusieurs mesures pour renforcer la protection du droit
à la liberté lors de la détention préventive. Il
s'agit notamment des alternatives à l'emprisonnement instituées
par le nouveau code pénal, et dont la mise en
179
https://www.republicoftogo.com/Toutes-les-rubriques/Justice/Construction-d-une-nouvelle-prison-a-Lome,
consulté le 22 février 2020 à 16h43
180 Recommandation formulée par Claude HELLER
ROUASSANT, expert et rapporteur du CAT lors du passage du Togo en juillet
2019
57
oeuvre sera effective avec l'adoption du nouveau code de
procédure pénale. Néanmoins, certaines pistes de solutions
méritent une attention particulière du législateur. Il
s'agit notamment de l'institution du juge des libertés et de la
détention (A) et de la protection des groupes vulnérables en
détention préventive (B).
A. L'institution du juge des libertés et de la
détention
L'institution d'un juge des libertés et de la
détention en droit positif togolais est une nécessité. Le
rôle principal du juge d'instruction dans la procédure
pénale avant jugement est de procéder en toute
impartialité181, « conformément à la
loi, à tous les actes d'information qu'il juge utiles à la
manifestation de la vérité182». C'est dans
l'accomplissement de cette mission qu'il a le pouvoir de prendre des mesures
contraignantes. Il est nécessaire de recentrer le juge d'instruction
dans sa fonction originelle d'« enquêteur de la justice ». Il
faut obligatoirement une séparation entre la fonction de d'investigation
et celle chargée d'apprécier la nécessité d'un
placement en détention préventive. Il a pu être
observé que les cabinets d'instruction font parfois usage du placement
en détention préventive dans l'intention d'obtenir des
informations utiles à l'enquête qu'ils mènent. Dans le
« Rapport sur le respect et la mise en oeuvre des droits de l'Homme et des
libertés fondamentales dans l'administration de la justice au Togo
», publié en 2013, le HCDH-Togo a fait remarquer que « le
mandat de dépôt devient parfois un moyen de pression sur les
justiciables pour régler certains litiges pour lesquels d'autres
procédures sans placement sous mandat de dépôt sont
parfaitement adaptées ». Il s'agit là d'une limite
fonctionnelle. Le juge d'instruction est amené à assumer deux
fonctions, non contradictoire en soi mais ; dont la conjonction est
inéluctablement nocive à la protection du droit à la
liberté. À cette limite pratique, l'analyse a relevé le
caractère fortement inquisitoire de la procédure actuelle,
laissant très peu de place aux droits de la défense. Il est
urgent que le législateur togolais mette en place un débat
contradictoire au moment de l'appréciation de la nécessité
du placement en détention préventive. C'est l'une des multiples
raisons pour lesquels le
181 Ce qui est une lourde charge lorsqu'on considère
que le même magistrat a la charge de mener l'enquête à
charge et à décharge sans prendre partie
182 Art 64 CPPT
58
droit positif togolais doit évoluer vers la
création d'un juge indépendant chargé de
l'appréciation in concreto de la nécessité d'un
placement ou d'un maintien en détention préventive.
Toutefois, il ne faut pas se voiler la face : la
création du juge des libertés et de la détention n'est pas
la panacée. L'expérience du JLD dans les législations qui
l'ont mis en place a révélé des failles. L'un des exemples
notables de cette décennie est le scandale de l'affaire dite d'Outreau
en France. Cette affaire débute en l'an 2000 et se transforme vite en un
fiasco judiciaire à cause d'un dysfonctionnement attribué dans
une large mesure au JLD. C'est au total de 18 personnes qui sont placés
en détention préventive, dont une majorité clame leur
innocence. L'une de ces personnes183 se suicidera en prison, n'ayant
pas supporté la pression médiatique avilissante. Les
conséquences de cette affaire sont terribles : seulement 4 personnes
sont condamnées et 13 personnes sont innocentées après
près de trois ans de détention préventive. La plupart
d'entre eux auront perdu leur emploi, la garde de leurs enfants, leur bonne
réputation, etc. Le « double regard » impartial du
JLD n'avait pas fonctionné. Le ministère de la justice de France
a chargé une commission de faire des recommandations sur le traitement
judiciaire de l'affaire d'Outreau. Il a conclu qu'il fallait modifier le statut
du juge d'instruction pour valoriser sa fonction au sein des juridictions. Il
s'agit entre autres de la consécration d'une fonction permanente au JLD
au sein des juridictions. Un ou plusieurs magistrats seront affectés
à cette fonction exclusive. Cela permettra au JLD de « se
concentrer sur le contentieux de la détention provisoire et suivre de
façon permanente l'instruction préparatoire184
». Des pistes de solution existent pour parfaire le statut du JLD et lui
permettre de remplir pleinement le rôle qui lui est assigné par la
loi, au lieu de demeurer le « Béni oui-oui » du juge
d'instruction comme la plupart le clament.
183 Il s'agit de François MOURMAND, surnommé
« la victime oubliée d'Outreau ». Il était ferrailleur
de métier, et s'est donné la mort par une surdose
médicamenteuse en détention préventive, le 09 juin 2002
à 32 ans. Il a clamé son innocence jusqu'à la fin
184 T. T. L. PHI, La détention provisoire :
Étude de droit comparé droit français et droit
vietnamien, Thèse de doctorat en droit, Université
MONTESQUIEU, France, 2010, p. 146
59
B. La protection des groupes vulnérables en
détention préventive
Selon la définition du doyen Gérard CORNU, la
vulnérabilité est la « situation d'une personne en
état de faiblesse, en raison de son âge, d'une maladie, d'une
infirmité, d'une déficience physique ou psychique ou encore d'un
état de grossesse185 ». Du fait de leur
état, les personnes vulnérables sont particulièrement
fragilisées lorsqu'elles sont incarcérées. En effet, les
personnes vulnérables ont des besoins spécifiques dues à
leur état. La prise en charge de ces besoins devient
particulièrement difficile lorsqu'ils sont incarcérés. Ils
ont également des capacités réduites pour résister
à certaines difficultés liées à
l'incarcération. Les « lignes directrices sur les conditions
d'arrestation, de garde à vue et de détention provisoire en
Afrique » encore appelées « Lignes directrices de
Luanda » distinguent, à la Partie 7, quatre groupes de
personnes vulnérables. Le premier groupe est composé des mineurs
en détention ; le second groupe des femmes en détention ; le
troisième des personnes handicapées et le quatrième groupe
des non-ressortissants. La liste est non exhaustive186. Les
personnes vulnérables en détention doivent
bénéficier de mesures spéciales de protection. Ce
traitement spécifique ne peut pas être considéré
comme discriminatoire187.
Au Togo, certaines mesures ont été prises pour
pourvoir aux besoins spécifiques des personnes vulnérables en
détention. Il s'agit entre autres de la création de deux centres
spécialisés : la brigade pour mineurs de Lomé qui
accueille les mineurs en situation de conflit avec la loi et l'Hôpital
psychiatrique de Zébé qui accueille entre autres, les
détenus souffrants de troubles psychiatriques. Il faut également
rappeler l'effort de séparation catégorielle entre hommes et
femmes, adultes et mineurs dans les prisons civiles du Togo. Le droit à
la séparation catégorielle de certains groupes de détenus
vulnérables (femmes, enfants, etc.) est un acquis des droits
fondamentaux des personnes détenues. Comme, il l'a été
démontré, ce droit n'est pas effectif dans toutes les prisons au
Togo. Par exemple, il n'existe qu'une seule institution
spécialisée au Togo chargée
185 G. CORNU, vocabulaire juridique, Association Henri Capitant,
11e édition mise à jour, p. 1086
186 L'on peut ajouter à la liste, les détenus
âgés, les détenus malades, etc.
187 Ligne directrice 30 (a) Lignes directrices de Luanda
« Les mesures élaborées pour protéger les droits
des personnes ayant des besoins spécifiques, ... ne doivent pas
être considérées comme discriminatoires ni
appliquées de manière discriminatoire. »
60
d'accueillir les mineurs en détention. Tandis que la
plupart d'autres prisons peinent à mettre en oeuvre la séparation
entre adultes et mineurs en détention, certaines prisons comme celle de
Tsévié et Vogan188 n'ont pas de quartiers pour enfants
en leur sein. La séparation reste largement dépendante des
capacités d'accueil des établissements pénitentiaires qui
sont pour la plupart surpeuplées. La plupart des installations
pénitentiaires au Togo ne sont pas adaptés aux femmes et aux
enfants. La situation des personnes vulnérables détenues est
empirée par les conditions de détention qui restent inhumaines et
cruelles au Togo. La modernisation des infrastructures pénitentiaires
permettrait de prendre en compte certains besoins spécifiques des
personnes vulnérables en détention. Il s'agit par exemple de la
construction des rampes d'accès pour les détenus infirmes.
La problématique est bien plus inquiétante
qu'elle en donne l'impression. Nonobstant, le droit au respect de la
dignité humaine de tout détenu, prévu notamment à
l'article 7 du PIDCP189, les personnes vulnérables en
détention sont couramment victimes d'abus, surtout de la part de leurs
codétenus. Ceci s'explique par leur état de
vulnérabilité. Il peut s'agir de violences physiques, de
harcèlements, de menaces, de marginalisations, d'obligation de faire
certains travaux avilissants, etc. Les plus vulnérables d'entre les
détenus sont les non-ressortissants. Cette catégorie de
détenus comprend les étrangers, les réfugiés et les
apatrides. Les lignes directrices de Luanda prescrivent que cette
catégorie de détenus doit primordialement être
informée de son droit de contacter les représentants consulaires
dans le pays, etc.
La protection des personnes vulnérables en
détention est une nécessité que le législateur
togolais doit inscrire à l'ordre de ses priorités. En outre, les
établissements de détention devraient être
rénovés afin de prendre en compte certains besoins
spécifiques des personnes vulnérables en détention.
188 Lors d'une visite de la CNDH à la prison civile de
Vogan le 22 mai 2019, il est constaté la détention d'un mineur
avec les adultes (Voir CNDH, Rapport d'activités, Exercice 2019, p.
132)
189 « Nul ne sera soumis à la torture ni à
des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En
particulier, il est interdit de soumettre une personne sans son libre
consentement à une expérience médicale ou scientifique.
»
61
Section 2 : La nécessité d'un régime
de réparation de la détention préventive
injustifiée
La justice réparatrice exige que, dans les cas
où une détention se révèle injustifiée, la
victime obtienne réparation du préjudice causé, sous
certaines conditions. Au-delà de la réparation, il est en outre
important qu'une sanction soit infligée au magistrat défaillant,
pour le rappeler au respect des libertés fondamentales des justiciables
et satisfaire l'opinion public quant au sentiment d'omnipotence de ces
derniers. Toutefois, l'analyse qui sera effectuée, s'attardera
uniquement sur la question impérieuse de la réparation de la
détention injustifiée en droit positif togolais. Pour ce faire,
il sera abordé successivement, l'absence d'un régime de
réparation pénale de la détention préventive
injustifiée (Paragraphe 1) et la nécessité de la mise en
place d'un cadre national de réparation de la détention
préventive injustifiée (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : L'absence d'un régime de
réparation pénale de la détention préventive
injustifiée
Le droit positif togolais souffre du manque d'un régime
de la réparation pénale de la détention
injustifiée. Le législateur ne prend pas encore en compte la
réparation du préjudice causé par les détentions
arbitraires ou injustifiées dans le cours d'une procédure
pénale. La réparation demeure seulement accessible par la voie
d'une action devant les juridictions civiles sur le fondement de l'article 1382
du code civil français. Il est indispensable que le législateur
procède à cette réforme pour l'effectivité de la
protection des droits fondamentaux des personnes poursuivies en droit positif
togolais. De ce qui précède, il convient donc de préciser
dans un premier temps la notion de la détention préventive
injustifiée (A) puis dans un second temps la non-prise en compte de la
réparation de la détention injustifiée (B).
A. La notion de détention préventive
injustifiée
En entame, il est opportun de relever la nuance
sémantique entre les adjectifs « arbitraire » et «
injustifiée » qui peuvent qualifier la détention
préventive. La détention préventive est dite «
arbitraire » lorsque l'arrestation et la privation de liberté se
sont effectuées dans le non-respect du droit national, notamment le
non-respect des délais
62
maximums de la détention préventive tels que
prescrits par la loi. Par contre, la détention préventive est
considérée comme « injustifiée » soit, lorsque
l'instruction aboutit à une ordonnance de non-lieu du juge d'instruction
ou soit, lorsqu'en phase de jugement, une décision de relaxe ou
d'acquittement est rendue. En toute rigueur de terme, la justice commet une
« errance judiciaire190» dans le cas d'espèce. Une
détention préventive peut à terme s'avérer
injustifiée, si le prévenu est innocenté par suite de la
procédure et simultanément arbitraire, si le prévenu avait
été détenu au-delà du délai maximum prescrit
par la loi. La consécration du principe de la présomption
d'innocence est le fondement du principe d'exception de la détention
préventive prévue à l'article 112 CPPT. Le recours
à la détention préventive doit être de dernier
recours et se justifier par les strictes nécessités de
l'enquête en cours. Le placement en détention préventive
porte des atteintes graves aux libertés individuelles et a un impact
irréversible sur la vie du prévenu. Toutefois, l'histoire de la
justice a démontré que l'appareil judiciaire pouvait se tromper,
« Errare humanum est191 ». La détention
devient injuste et cruelle lorsque la victime se voit innocentée en
cours de procédure ou par décision d'un jugement. Il est alors
impératif de réparer le préjudice subi par les personnes
injustement détenues, de réparer « l'irréparable
». Nul ne peut contester l'impact irréversible que
l'incarcération a sur la vie d'un individu. Aussi, il est obligatoire de
réparer le préjudice subi par les personnes injustement
détenues au cours d'une procédure judiciaire terminée.
Il faut relever qu'il existe des hypothèses dans
lesquelles la réparation du préjudice subi par la
détention préventive injustifiée est exclue. La
législation française retient exceptionnellement
cinq192 cas d'exclusion de la réparation. Il s'agit d'abord
de l'hypothèse où la décision de non-lieu, de relaxe ou
d'acquittement fait suite à la reconnaissance de
l'irresponsabilité du prévenu. Dans ce cas-ci, la preuve est
apportée que la personne est auteur de l'infraction mais ce n'est qu'en
raison de la défaillance de son état mental au moment de la
commission de l'infraction que l'abandon des
190 Et non une erreur judiciaire, voir A. MOKTAR, Les
erreurs judiciaires en matière criminelle : contribution à une
réforme de la justice criminelle au Bénin et en France,
UNIVERSITÉ DE BOURGOGNE, France, 2009, p. 15
191 L'erreur est humaine
192 Art 149 CPPF
63
poursuites est prononcé. La détention
préventive effectuée dans ces conditions ne peut donner droit
à une réparation. La seconde hypothèse est celle où
la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement se fonde sur une
mesure d'amnistie. L'amnistie est définie comme « mesure qui
ôte rétroactivement à certains faits commis à une
période déterminée leur caractère délictueux
193». Il faut préciser que dans ce cas-ci, la
réparation n'est exclue que si la mesure d'amnistie est
postérieure à la mise en détention. En effet, il y a droit
à la réparation si la personne a été mise en
détention préventive malgré l'existence d'une mesure
d'amnistie antérieure. La jurisprudence française a en outre
retenu qu'il pouvait y avoir réparation si une amnistie intervient
postérieurement à la mise en détention préventive
mais que la remise en liberté de la personne n'est pas
décidée dans un délai raisonnable194.
La troisième hypothèse concerne ceux qui ont
bénéficié de la prescription de l'action publique
intervenue après la libération de la personne. Dans ce cas-ci,
les faits reprochés sont devenus trop anciens pour être finalement
poursuivis. La quatrième hypothèse concerne ceux qui
étaient déjà détenus pour une autre cause. Dans ce
cas-ci, la personne est en détention préventive pour une cause A,
elle est ensuite inculpée pour une cause B. Si elle est
innocentée par la suite pour la cause B, elle n'est pas fondée
à en demander la réparation de la détention
préventive injustifiée. La dernière hypothèse est
celle où la victime s'est librement et volontairement accusé ou
laissé accuser à tort en vue de faire échapper l'auteur
des faits aux poursuites. Dans ce cas-ci, une précision s'impose. Dans
le cas où la personne s'est accusée à tort sous menaces du
véritable auteur, il aura droit à réparation. Hormis ces
exceptions prévues à l'article 149 du code de procédure
pénale français, toute victime d'une détention
préventive injustifiée doit être éligible à
la réparation du préjudice qu'il a subi. La réparation
doit être holistique et permettre de « soutenir l'esprit abattu
» de la victime.
193 G. CORNU, vocabulaire juridique, ibidem, p. 63
194 Sur le fondement du l'alinéa 1 de l'article L.
781-1 du code de l'organisation judiciaire en France « L'État
est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement
défectueux du service de la justice. Cette responsabilité n'est
engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice.
»
64
B. La non-prise en compte de la réparation de la
détention injustifiée
Le droit positif togolais ne prend pas en compte la
réparation de la détention préventive injustifiée
par une action pénale. L'actuel code de procédure pénale
en vigueur depuis 1983, ignore toute hypothèse de réparation de
la détention préventive soldée par une ordonnance de
non-lieu, une décision de relaxe ou d'acquittement. Ce vide juridique
constitue sans nul doute le défi majeur du régime de la
détention préventive en droit positif togolais : réparer
la détention injustifiée. En effet, la réparation
intégrale est « le stade ultime de tout processus de
responsabilité195. ». En l'état actuel du
droit togolais, le seul recours en réparation du préjudice subi
au cours d'une détention préventive injustifiée est
fondé sur l'action civile en réparation de l'article 1382 du code
civil français196 « Tout fait quelconque de l'homme,
qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est
arrivé, à le réparer ». Cet article pose le
principe de la responsabilité en matière civile
délictuelle.
C'est ainsi que, dans une décision en date du 22 avril
2016197, le tribunal de première instance de première
classe de Lomé a réaffirmé le principe de la
réparation fondé sur la responsabilité de l'État du
fait de ces agents. Dans le cas d'espèce, le sieur Y.M avait
été arrêté le 26 octobre 2003 par la police
nationale sur poursuite du ministère public pour complicité dans
une affaire de tentative d'assassinat. Il a effectué 78 jours de garde
à vue avant son déferrement à la prison civile de
Lomé. Il sera reconnu non coupable quatre ans plus tard, acquitté
par l'arrêt N°01 du 05 mars 2007 de la cour d'assise de Lomé.
Il apparait à l'évidence que le sieur Y.M avait été
simultanément victime de détention arbitraire et de
détention injustifiée. « Brisé »,
« Désocialisé » et « dépressif
», le sieur Y.M troublé dans son innocence par le zèle
insidieux et l'omnipotence de son accusateur, a réclamé
conformément à l'article 1382 et suivants du code civil la
réparation des divers préjudices matériels, moraux,
financiers, etc. subis devant le tribunal de Lomé.
195 Th. IVAINER, le pouvoir souverain du juge dans
l'appréciation des indemnités réparatrices, D. 1972,
Chr.7.
196 Nouveau 1240 du code civil français depuis le
1er Octobre 2016
197 Jugement N°1077
65
Dans cette affaire, il s'est d'abord posé la question
de la compétence des juridictions civiles pour connaitre de l'action en
réparation de la détention préventive injustifiée.
Le conseil représentant l'État à ce litige avait
soulevé in limine litis, l'incompétence du tribunal de
Lomé pour connaitre de cette action. Il soutenait, sur fond de la
jurisprudence de l'arrêt Blanco198 que « ...la
responsabilité, qui peut incomber à l'État, pour les
dommages causés aux particuliers par le fait des personnes qu'il emploi
dans le service public, ne peut être réglé par les
principes qui sont établis dans le code civil, pour des rapports de
particulier à particulier ... ». La chambre administrative de
la cour d'appel était donc la seule compétente pour connaitre de
ce litige. Cette thèse a été réfutée par les
conclusions en réplique du conseil du sieur Y.M qui ont invoqué
la jurisprudence du tribunal de Conflits depuis 1952. En effet, dès
1952, le tribunal de conflits français a posé deux
critères essentiels pour l'attribution de compétence s'agissant
des litiges relevant du service de la justice199. Il distingue selon
que le litige ressort de l'organisation même du service public de la
justice ou selon que le litige ressort de l'exercice de la fonction
juridictionnelle. Dans le premier cas, le tribunal administratif était
seul compétent tandis que dans le second cas les tribunaux judiciaires
étaient compétents. Cette approche est réaffirmée
par une autre décision du tribunal de conflits
français200. Fort de ce principe, le tribunal de
Lomé s'est déclaré compétent pour connaitre de
l'action en réparation de la détention préventive
injustifiée du sieur Y.M. La requête sollicitait la
réparation des divers préjudices subis tels que la privation de
liberté injustifiée et la détention arbitraire, la perte
de l'emploi, les dommages et difficultés d'insertion sociale et le
préjudice moral subis. Sur ces différents motifs, le tribunal de
première instance de Lomé a condamné l'Etat togolais
à payer un montant de 100.000.000 FCFA au sieur Y.M au titre de tous
préjudices confondus. Le tribunal a ordonné l'exécution
provisoire de cette décision, nonobstant toutes voies de
recours201. L'action en réparation dans la procédure
actuelle connait la même procédure qu'une
198 TC, 08 février 1873, 1er supplt-Rec. Lebon
P.61
199 TC, 27 novembre 1952, Préfet de la Guyane, GAJA,
D.1996, N°82)
200 TC, 02 juillet 1979, N°02134, p. 573 « les
actes intervenus au cours d'une procédure judiciaire ou se rattachant
directement à celle-ci ne peuvent être appréciés,
soit en eux-mêmes, soit dans leurs conséquences, que par
l'autorité judiciaire »
201 Le jugement a fait l'objet d'un appel. En outre, le
conseil représentant l'État à ce litige a demandé
le sursis de l'exécution provisoire de la décision. Selon les
dernières informations en date du 09 juin 2020, l'affaire reste pendante
devant la cour d'appel de Lomé
66
action ordinaire en réparation délictuelle de
droit commun. Cette situation ne témoigne pas d'une conscience de la
gravité de la problématique.
Paragraphe 2 : La nécessité de la mise en
place d'un cadre national de la réparation de la détention
préventive injustifiée
Il est important que le régime de la détention
préventive en droit positif togolais prévoie une
réparation de la détention injustifiée. Cette
réparation devrait être intégrale et obligatoire toutes les
fois où elle est possible. C'est en cela que la protection du droit
à la liberté sera renforcée. Il semble à l'analyse
que le législateur togolais accorde peu d'intérêt au sort
du prévenu après sa libération par suite d'une
détention préventive injustifiée202. La mise en
oeuvre d'un régime de réparation pénale de la
détention injustifiée est indispensable. Il sera abordé
successivement la nécessité d'une réparation
intégrale du préjudice subi (A) et la mise en oeuvre d'un
régime de réparation pénale de la détention
préventive injustifiée (B).
A. La nécessité d'une réparation
intégrale du préjudice subi
La réparation est « le stade ultime de tout
processus de responsabilité203. ». En droit
international humanitaire, la notion de réparation comprend une vaste
gamme de moyens permettant d'indemniser matériellement et symboliquement
les victimes de violation des droits de l'Homme. Aux termes du Guide
d'utilisation des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux
entreprises et aux droits de l'homme dans la recherche et le plaidoyer sur les
entreprises, la réparation du préjudice subi par une victime
des droits de l'Homme peut prendre la forme d'excuses, de restitution, de
réhabilitation, de compensation financière ou de sanctions
punitives204, etc. Devant la Cour pénale
internationale, trois types de réparation sont considérées
: la restitution, l'indemnisation et la réhabilitation. C'est l'article
75 du statut de Rome205 qui en
202 En témoigne l'absence d'une politique publique de
réinsertion des ex-détenus en l'état actuel
203 Th. IVAINER, le pouvoir souverain du juge dans
l'appréciation des indemnités réparatrices, op
cit
204 V. RICCO, M. HUIJSTEE, L. CERESNA-CHATURVEDI, Guide
d'utilisation des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux
entreprises et aux droits de l'homme dans la recherche et le plaidoyer sur les
entreprises, Nov 2012, p. 9
205 « La Cour établit des principes
applicables aux formes de réparation, telles que la restitution,
l'indemnisation ou la réhabilitation, à accorder aux victimes ou
à leurs ayants droit... ».
67
dispose. Certes, les formes de réparations prescrites
par les textes de droit international humanitaire concernent
spécifiquement les violations les plus graves des droits de l'Homme ;
toutefois, ces principes devraient servir de fondement juridique pour une
réparation intégrale du préjudice subi par toutes les
victimes de violation de droit de l'Homme en général. Selon les
principes et directives des Nations Unies206, la
restitution devrait chaque fois que possible, rétablir la victime dans
la situation originale qui existait avant que les violations ne soient
produites. Selon les mêmes principes, l'indemnisation « devrait
être accordée pour tout dommage ... qui se prête à
une évaluation économique, selon qu'il convient et de
manière proportionnée à la gravité de la violation
et aux circonstances de chaque cas207 ». La
réhabilitation désigne l'ensemble des moyens
médico-sociaux permettant à une victime de retrouver une vie
sociale et professionnelle le plus proche possible de la vie normale. Selon les
principes et directives des Nations Unies208, la
réhabilitation devrait comporter une prise en charge médicale et
psychologique, ainsi que l'accès à des services juridiques et
sociaux.
En droit français, c'est la loi du 17 Juillet 1970 qui
a le mérite d'introduire le droit à la réparation
intégrale de la détention provisoire injustifiée.
Toutefois, la loi prévoyait uniquement la faculté pour le juge
d'indemniser un « préjudice anormal et d'une
particulière gravité ». Ces termes étaient
restrictifs puisque l'indemnisation était soumise aux conditions que le
détenu rapporte les preuves qu'il avait subi un «
préjudice manifestement anormal et d'une particulière
gravité » du fait de la détention injustifiée.
Aussi, le législateur a t'il amélioré au fil du temps, le
régime de l'indemnisation de la détention provisoire
injustifiée. Les dispositions nouvelles modifiant les articles 149 et
suivants du code de procédure pénale établissent un
régime de « réparation obligatoire du préjudice
tant matériel que moral » subi par une personne victime d'une
détention préventive injustifiée. Il résulte de la
jurisprudence française que le préjudice matériel peut
être réparé dans de nombreux cas. Par exemple, lorsque le
requérant a perdu son emploi en raison de l'incarcération, la
réparation du préjudice matériel doit
206 Principe 19 des « Principes fondamentaux et
directives des Nations Unies concernant le droit à un recours et
à réparation des victimes de violations flagrantes du droit
international des droits de l'homme et de violations graves du droit
international humanitaire »
207 Ibidem, Principe 20
208 Ibidem, Principe 21
68
couvrir les pertes de salaire subies pendant la durée
d'emprisonnement et, après la libération, pendant la
période nécessaire à la recherche d'un
emploi209. Est également susceptible d'être
réparé, le préjudice résultant d'une
détention préventive et consistant en la perte de chance de
suivre une scolarité ou une formation ou de réussir un examen,
entraînant l'obligation de recommencer une année
scolaire210. Par ailleurs, le préjudice moral doit être
réparé également. Pour l'appréciation du
préjudice moral, plusieurs éléments peuvent être
pris en compte. Il ressort de la jurisprudence française des
éléments tels que l'impact psychologique consécutif
à la détention préventive ; de l'éloignement de la
famille ou la séparation du requérant de ses jeunes enfants ; les
fonctions d'autorité publique entrainant des réactions
d'hostilité des autres détenus (policier, politicien, etc.) ; la
durée très longue de l'instruction ou de la détention,
etc. Dès lors que le principe de la réparation intégrale
de la détention préventive injustifiée est acquis, il se
pose alors la question de la mise en oeuvre de cette réparation.
B. La mise en oeuvre d'un régime de
réparation pénale de la détention préventive
injustifiée
Il est important de rappeler que la volonté collective
de protéger les libertés individuelles fonde le contrat social et
légitime l'appareil étatique. Il est donc inconcevable que la loi
ne prenne pas expressément en compte la réparation du
préjudice subi injustement par les citoyens du fait d'une
détention préventive. Cet état du droit, contribue
à un sentiment généralisé d'injustice et de
faiblesse des justiciables devant l'appareil judiciaire. C'est un «
échec » lorsqu'on considère, au visa de l'article 113 de la
constitution, que « le pouvoir judiciaire est garant des
libertés individuelles et des droits fondamentaux des citoyens.
». Dans le volume 1 du rapport final de la CVJR, rendu public en 2012
; cette crise de confiance entre le système judiciaire et les citoyens
avaient expressément fait l'objet d'une
recommandation211. La consécration du droit
à
209 Cass. CNRD, 21 octobre 2005, n°05-CRD005
210 Cass. CNRD, 2 mai 2006, n° 05-CRD071
211 Recommandation 9, « le système judiciaire,
pourtant garant des libertés individuelles et des droits fondamentaux au
regard de la constitution, est en pleine crise de confiance avec le citoyen.
Une réforme en profondeur du secteur s'avère indispensable et
incontournable car le rétablissement de cette confiance entre la
population et sa justice est fondamental à la garantie des principes
démocratiques et à la non répétition des violences
connues par le passé ». Rapport final, CVJR, 2012, p. 266
69
la réparation de la détention préventive
injustifiée en droit positif togolais marquera un tournant
décisif dans la lutte pour la consolidation de la paix, le renforcement
de l'état de droit, l'élimination des recours abusifs de la
détention préventive et la progression de la protection
légale des libertés individuelles au Togo. Cette réforme
majeure s'effectuera par la mise en place d'un cadre légal qui
organisera le régime de la réparation et la création d'une
institution nationale chargée de la mise en oeuvre de ladite
réparation. D'ores et déjà, une analyse empirique des
bonnes pratiques dans les législations dotées d'un régime
de réparation de la détention préventive
injustifiée, permet de baliser la voie vers l'instauration d'un
régime de réparation « adapté » en droit positif
togolais.
La loi du 15 juin 2000 puis celle du 30 décembre 2000
ont modifié profondément le régime procédural de la
réparation en droit positif français. Le trait le plus notable du
nouveau régime procédural de réparation est l'instauration
d'un double degré de juridiction212. Le contentieux de la
réparation est confié en premier ressort aux premiers
présidents des cours d'appel213 et en second degré le
recours exercé devant la commission nationale de réparation des
détentions. L'article 149-2 énonce que le premier
président doit être saisi par voie de requête dans le
délai de 6 mois depuis que la décision est devenue
définitive. La décision du premier président est rendue en
audience publique et elle bénéficie d'une exécution
provisoire lorsqu'elle accorde une réparation214.
Les décisions rendues par les premiers
présidents de la cour d'appel peuvent faire l'objet d'un recours devant
la commission de réparation des détentions215. Les
commissions nationales de réparation des détentions sont communes
à plusieurs pays216. En France,
212 Commission de suivi de la détention provisoire,
Rapport au Garde des Sceaux, Mai 2003, p. 77
213 Art 149-1 du code de procédure pénale
français « La réparation prévue à
l'article précédent est allouée par décision du
premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle a
été prononcée la décision de non-lieu, de relaxe ou
d'acquittement. »
214 Art R.40 CPPF « Les décisions du premier
président de la cour d'appel accordant une réparation sont
assorties de plein droit de l'exécution provisoire. »
215 Art 149-3 CPPF « Les décisions prises par
le premier président de la cour d'appel peuvent, dans les dix jours de
leur notification, faire l'objet d'un recours devant une commission nationale
de réparation des détentions. Cette commission, placée
auprès de la Cour de cassation, statue souverainement et ses
décisions ne sont susceptibles d'aucun recours, de quelque nature que ce
soit. »
216 France, Algérie, Vietnam, etc.
70
la commission nationale est composée de trois
magistrats dont le premier président de la cour de cassation (ou son
représentant) qui la préside, et deux magistrats du siège
de la cour ayant le grade de président de chambre, de conseiller ou de
conseiller référendaire217. Le recours devant la
commission nationale de réparation des détentions est ouvert
à trois types de personnes. Aux termes de l'article R.40-4, il s'agit du
demandeur, de l'agent judiciaire de l'État et du procureur
général près la cour d'appel. La commission rend en
audience publique, une décision qui doit être motivée. Aux
termes de l'article 149-4 du code de procédure pénale, le premier
président et la commission nationale statuent en tant que juridictions
civiles. En France, l'indemnisation la plus forte a été
accordée en septembre 2012 à Loïc
Sécher218, qui avait obtenu 797 352 euros pour sept ans et
trois mois de détention préventive injustifiée. Pierre
Martel, l'un des accusés d'Outreau, s'est vu attribuer 600 000 euros
pour trente mois de détention préventive
injustifiée219.
217 Art 143-3.3 code de procédure pénale
français
218
https://www.la-croix.com/Actualite/France/Loic-Secher-obtient-800-000-pour-sept-ans-de-vie-derriere-les-barreaux-_EP_-2012-09-25-857218
consulté le 06 juin 2020 à 16h
219
https://www.la-croix.com/Actualite/France/Loic-Secher-obtient-800-000-pour-sept-ans-de-vie-derriere-les-barreaux-_EP_-2012-09-25-857218
consulté le 06 juin 2020 à 16h
71
CHAPITRE 2 : Le renforcement du contrôle du
respect des garanties de protection du droit à la
liberté
Le droit à la liberté a une valeur
constitutionnelle au Togo. S'assurer du respect des mesures qui encadrent sa
protection nécessite la mise en place de mécanismes de
contrôle. Le contrôle est indispensable pour prévenir les
violations des principes de droit érigés par la loi. Le
renforcement des mesures de protection du droit à la liberté
passe nécessairement par le renforcement des mécanismes de
contrôle.
La société civile joue également un
rôle considérable dans l'effectivité de la protection du
droit à la liberté en droit positif togolais. C'est un acteur
dont l'action est à considérer dans le dispositif de protection
du droit à la liberté. Aussi convient-il d'aborder dans un
premier temps le renforcement des différents mécanismes de
contrôle (section 1) et dans un second temps la contribution de la
société civile (section 2).
SECTION 1 : Le renforcement des différents
mécanismes de contrôle
Il existe plusieurs mécanismes de contrôle du
respect des garanties de protection du droit à la liberté lors de
la détention préventive. Le plus important est sans doute le
dispositif de contrôle mis en place au sein du pouvoir judiciaire
lui-même. Il faut rappeler que le pouvoir judiciaire est le
défenseur de la liberté individuelle, dont il assure le respect
dans les conditions prévues par la loi220. En ce sens, le
législateur a confié la première responsabilité
d'effectuer des contrôles aux magistrats. Outre le contrôle interne
des acteurs du pouvoir judiciaire, il existe plusieurs autres mécanismes
de contrôle dont la mise en oeuvre participe à une meilleure
protection du droit à la liberté des personnes poursuivies en
droit positif togolais. Le renforcement de ces différents
mécanismes de contrôle est nécessaire pour une protection
effective du droit à la liberté contre les pratiques arbitraires
dans la phase avant jugement. Aussi convient-il d'aborder dans un
220 Art 18, constitution togolaise
72
premier temps le renforcement du contrôle interne
(paragraphe 1) et dans un second temps le renforcement du contrôle
externe (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Le renforcement du contrôle
interne
Le législateur fait obligation aux magistrats
d'effectuer des visites périodiques dans les lieux de détention
pour vérifier les conditions matérielles de détention des
détenus en général, des prévenus en particulier et
leur situation judiciaire. En effet, les visites de contrôle sont le lieu
de vérifier l'état d'avancement des dossiers des prévenus
ainsi que la durée de la détention préventive
effectuée. Les constations faites font l'objet de rapports qui servent
à l'amélioration du régime de la détention
préventive ainsi que des conditions de détention. Il est donc
indispensable de rénover le contrôle des magistrats (A) et de
renforcer l'efficacité du contrôle (B).
A. Rénover le contrôle des magistrats
La volonté de garantir la protection des droits
fondamentaux des personnes poursuivies a amené le législateur a
mettre en place plusieurs niveaux de contrôle au sein du pouvoir
judiciaire. À l'analyse, le contrôle s'exerce notamment à
deux niveaux. D'abord, le contrôle s'intéresse à la
régularité des actes de l'instruction et ensuite le
contrôle questionne la régularité de la situation des
prévenus.
En ce qui concerne le contrôle de la
régularité des actes de l'instruction, il relève
essentiellement de la compétence de la chambre d'accusation ainsi que du
procureur général. Aux termes de l'article 159 CPPT,
l'inculpé a le droit de relever appel devant la chambre d'accusation,
des demandes en habeas corpus refusées par le juge
d'instruction ou accordée sous certaines conditions. La chambre
d'accusation, si elle estime qu'il n'existe pas de charges suffisantes contre
l'inculpé, ordonne la libération du prévenu221.
Il en est de même lorsqu'elle estime que les faits ne constituent ni
crime, ni délit, ni contravention. Le droit de saisir la chambre
d'instruction appartient également au ministère public. Le
parquetier peut saisir la chambre d'accusation en
221 Art 184 CPPT
73
annulation d'un acte d'instruction222. «
Si (la chambre d'accusation) découvre une cause de nullité,
elle prononce la nullité de l'acte qui en est
entaché...223 ». Après annulation d'un acte
de l'instruction, la chambre d'accusation peut en outre, décider de
renvoyer le dossier de la procédure devant un autre juge d'instruction.
Ce contrôle permet également de sanctionner toute violation des
droits de la défense de l'inculpé (par exemple en cas de refus
impertinent d'une demande d'expertise et de contrexpertise).
Au terme de l'article 191, « Le Président de
la Chambre d'accusation et le Procureur général s'assurent du bon
fonctionnement des Cabinets d'instruction du ressort de la Cour d'Appel
». À cette fin, il leur est adressé chaque mois, une
notice établie par chaque cabinet d'instruction. La notice porte mention
de toutes les affaires en cours ainsi que des actes d'instruction
effectués courant ce mois. Après analyse de ces notices, le
Président de la chambre d'accusation et le procureur
général peuvent « faire au juge d'instruction des
observations relatives au retard apporté au règlement de ses
affaires à l'insuffisance du dossier ou à l'inobservation des
formalités légales 224». Ce contrôle
périodique permet de s'assurer de la conformité de la
procédure d'instruction à la loi.
En ce qui concerne le contrôle de la
régularité de la situation des prévenus, il relève
de la compétence du ministère public et du juge d'instruction
lui-même. En effet, l'article 500 CPPT dispose que « Le
Ministère Public visite périodiquement les établissements
pénitentiaires de sa circonscription. Il vérifie la situation des
détenus et fait élargir tous ceux qui seraient détenus
arbitrairement... ». Également, l'article 501 dispose que
« Le juge d'instruction visite au moins chaque trimestre le quartier
des prévenus des établissements de son ressort et veille au
respect des dispositions générales et particulières
applicables aux prévenus... ». Il faut préciser que ces
deux contrôles doivent faire l'objet d'un rapport respectivement
adressé au ministère de la justice en ce qui concerne le
ministère public et au procureur générale en ce qui
concerne le juge d'instruction. Ce contrôle permet de prévenir les
détentions arbitraires, de veiller au
222 Art 144, b « Le Ministère public, agissant
conformément à l'article 65, peut déférer à
la Chambre d'Accusation tout acte d'instruction qui lui paraît annulable.
»
223 Art 178, b CPPT
224 Art 191.c, CPPT
74
respect des dispositions applicables aux prévenus et de
s'assurer de l'état des conditions de détention des
détenus. Il en est de même du contrôle effectué par
le juge des mineurs au terme de l'article 476 CPPT « Les mesures de
placement ou de surveillance prises par le juge ou le Tribunal font l'objet de
compte rendu adressé périodiquement au juge des mineurs par
l'établissement, le service ou la personne chargée de leur
exécution. Ces derniers peuvent proposer soit d'abréger, soit de
prolonger la mesure, soit de substituer à la mesure ordonnée une
autre mesure de placement ou de surveillance plus adaptée à
l'évolution du mineur et de sa famille. ».
B. Renforcer l'efficacité du contrôle
Tout contrôle n'a d'efficacité que lorsque les
écueils qu'il identifie sont suivis d'une réponse diligente. En
effet, l'efficacité des contrôles se mesure à l'aune des
améliorations observables sur le terrain. Le pouvoir judiciaire est
doté de plusieurs mécanismes de contrôle du respect des
mesures de protection du droit à la liberté lors de la
détention préventive. Renforcer l'efficacité de ces
contrôles contribuerait à l'effectivité de la protection du
droit à la liberté. En droit positif togolais, il se pose la
question de l'effectivité du contrôle dans les lieux de
détention et son efficacité. Le constat général est
que les contrôles sont rarement effectués. À tort ou
à raison, il peut être avancé comme justificatif que les
magistrats sont très souvent submergés du fait de leur nombre
insuffisant. Selon les chiffres avancés par le directeur de
l'administration pénitentiaires lors du passage du Togo devant le
comité contre la torture en juillet 2019, le nombre total de magistrats
au Togo était de 241 dont 33 femmes sur toute l'étendue du
territoire nationale. En ce qui concerne les cabinets d'instruction, il arrive
que « des juges aient plus de 500 dossiers, chacun à sa
charge225 ». Quoiqu'il en soit, l'absence d'un
contrôle régulier favorise l'enracinement des violations des
droits de la défense et des droits fondamentaux des prévenus. Il
est donc urgent que le nombre des magistrats soit véritablement
renforcé226 pour que le contrôle qui leur incombe soit
effectif.
225 Op cit
226 En mai 2019, un concours national avait été
lancé pour recruter 20 auditeurs de justice sur toute l'étendue
du territoire. C'est un acquis dans la marche vers la suffisance du nombre des
magistrats au Togo.
75
Il est important que les autorités judiciaires
s'impliquent activement pour l'effectivité du contrôle
imposé par la loi. Outre le ministère public et le juge
d'instruction, plusieurs autorités judiciaires ont un devoir implicite
de contrôle dans les lieux de privation de liberté. Il peut s'agir
du président du tribunal, de l'inspecteur général des
services juridictionnels et pénitentiaires, du ministre de la justice,
etc. En renfort aux visites périodiques prévues par la loi dans
les lieux de détention, les autorités judiciaires devraient
initier des visites ponctuelles en réponse à des situations
urgentes dans les lieux de détention. Le contrôle du magistrat
instructeur et du parquetier prévu aux articles 500 et 501 CPPT doivent
nécessairement être soldée par la rédaction de
rapports périodiques qui serviront d'outils pour l'amélioration
de l'existant. Ces visites devraient en outre permettre de prévenir les
détentions arbitraires et les détentions prolongées par la
vérification périodique de la situation de chaque prévenu
en détention. Cette vérification se fait notamment par le
procureur général et le président de la chambre
d'accusation, censé recevoir chaque mois des notices faisant état
des affaires en cours d'instruction227. La vérification se
fait également lors des visites dans les lieux de détention. Un
exemple positif peut en être donné. Il s'agit de la
libération d'un détenu228 suite à une visite de
contrôle effectué par le directeur de l'administration
pénitentiaire au cabanon. En effet, ce détenu a effectué
près de 8 ans de détention alors même son dossier
était demeuré introuvable. Arrêté le 12 octobre
2011, ce dernier a été relâché le 15 octobre 2019
après intervention du directeur de l'administration pénitentiaire
qui a eu connaissance de son cas lors d'une visite au cabanon. Il faut
souligner que plusieurs solutions pratiques peuvent permettre aux magistrats
d'effectuer le contrôle des lieux de détention. Les magistrats
pourraient en effet recourir à une planification rotative des
contrôles au sein de la juridiction, sous réserves de visites
ponctuelles en cas d'urgence. La rotation peut concerner essentiellement les
magistrats instructeurs et ceux du ministère public.
227 Art 191 CPPT
228 Les initiales de son nom : G.M
76
Il faut relever qu'outre le contrôle des
autorités judiciaires dans les lieux de détention, le
législateur a prévu d'autres mécanismes. Il en est ainsi
du contrôle sanitaire permanent des lieux de détention
prévu à l'article 41229 du code de la santé
publique au Togo.
Paragraphe 2 : Le renforcement du contrôle
externe
Le Togo a ratifié le protocole facultatif à la
convention des Nations Unies contre la torture (OPCAT) le 20 juillet 2010.
Contrairement à la plupart des mécanismes de visites des lieux de
détentions qui n'interviennent qu'après la survenue des mauvais
traitements, l'OPCAT a le mérite d'établir un système de
contrôle qui met l'accent sur la prévention. Le protocole
établit deux types de mécanismes deux mécanismes qui
contribuent efficacement au contrôle du respect des droits fondamentaux
des prévenus, et des détenus en général, dans les
lieux de détention au Togo. Aussi convient-il d'analyser dans un premier
temps la mise en oeuvre du mécanisme national de prévention de la
torture (A) et dans un second temps le contrôle du sous-comité
pour la prévention de la torture (B).
A. La mise en oeuvre du mécanisme national de
prévention de la
torture
L'OPCAT laisse le soin à chaque État partie, de
mettre en place un mécanisme national de prévention de la torture
(MNP). Cette obligation est prévue à l'article 3 de l'OPCAT.
Après la ratification de l'OPCAT, le Togo avait donc l'obligation de
mettre en place un MNP. Cette charge a été confiée
à la CNDH conformément à l'article 3 de la loi organique
n° 2018-006 du 20 juin 2018 de la CNDH. Aux termes de l'article 4 de la
loi organique, la principale mission du MNP est de faire des visites
régulières et inopinées afin de « prévenir
la torture et d'autres formes de traitements cruels, inhumains ou
dégradants dans les lieux de privation de liberté ou tout autre
lieu qu'elle aura identifié 230». Il faut
préciser que le MNP est habileté à visiter une panoplie de
lieux de détention tels que les postes de police et de gendarmerie ; les
centres de détention préventive ; les prisons pour
condamnés ; les centres de détention pour enfants ; les
229 Art 41, code de la santé publique au Togo «
Les établissements pénitentiaires et autres locaux de
détention doivent être dans un bon état d'hygiène,
bien aérés et éclairés. Ils sont soumis à un
contrôle sanitaire permanent. »
230 Art 4, loi organique n° 2018-006 du 20 juin 2018 de la
CNDH
77
postes de police aux frontières ; les centres
psychiatriques ; etc. Le contrôle préventif qu'effectue le MNP
intéresse la protection du droit à la liberté avant
jugement à plusieurs égards. Le MNP est habileté à
effectuer des visites inopinées, sans prévenir, dans tous les
lieux de détention231. Ces contrôles permettent
à la commission d'identifier toutes violations aux droits acquis aux
personnes incarcérées. Les violations sont légions tels
que les détentions arbitraires, les détentions prolongées,
les actes de tortures ou de mauvais traitements infligés aux
prévenus par les officiers de police judiciaire, etc. L'action du MNP
permet de régulariser de telles situations au regard du droit positif
togolais. Il faut surtout relever que l'action du MNP a pour ultime objectif de
prévenir les violations à travers la récurrence des
visites inopinées et des contrôles dans les lieux de
détention.
Courant l'année 2019, le MNP a effectué des
visites régulières de contrôle dans sept prisons civiles du
Togo232. Lors de ces visites, l'équipe du MNP a
examiné la situation des personnes privées de liberté se
trouvant dans les lieux de détention en vue de renforcer leur
protection. Ainsi, plusieurs prévenus en situation de détention
arbitraire ont pu recouvrer leur liberté suite à l'action du MNP
par suite de leur identification. L'un des cas identifiés est celui du
prévenu L.P, poursuivi pour homicide involontaire et détenu
pendant 7 ans sans jugement. L'homicide involontaire est un délit en
droit positif togolais233. Le prévenu L.P avait purgé
bien plus que l'intégralité de la peine maximale prévue
pour les infractions délictuelles. Bien que son dossier ait
été finalement retrouvé, le prévenu L.P ne fut pas
libéré, « la procédure suit son
cours234 ». Le MNP est également intervenu
auprès du ministère de la justice à l'effet de doter la
prison civile d'Atakpamé d'un personnel soignant235.
Au terme de son mandat de MNP courant l'exercice 2019, la CNDH
a fait des recommandations à l'endroit de l'administration
pénitentiaire et du gouvernement,
231 Art 6, loi organique n° 2018-006 du 20 juin 2018 de la
CNDH
232 Rapport d'activités, Exercice 2019, CNDH, p. 118
233 Art 178 NCPT
234 Selon le courrier notifié à la CNDH, voir
Rapport d'activités, op.cit., p. 134
235 Suite à une visite le 10 décembre 2019
à la prison civile d'Atakpamé, le MNP a réalisé que
celle-ci ne disposait pas de personnel soignant. À cet effet, la CNDH a
adressé un courrier au ministère de la justice (Voir rapport
CNDH, ibidem)
78
particulièrement du ministre de la justice, pour
renforcer la protection des personnes privées de liberté en
générale. Plusieurs recommandations intéressent la
situation des prévenus. S'agissant du droit d'être jugé
dans un délai raisonnable, la commission recommande « (d')
instruire formellement les juges d'instruction des ressorts des prisons
visitées d'accélérer l'instruction des détenus
inculpés dans leurs cabinets 236».
Également, elle recommande « (d') instruire formellement les
juges d'instruction et les procureurs de la République d'effectuer des
visites régulières dans les prisons afin de s'enquérir des
cas de détention préventive de longue durée qui
s'apparentent à des détentions arbitraires
237». S'agissant du droit à la santé, la
commission recommande de « créer en concertation avec le
ministère de la santé, une direction de la santé au sein
de l'administration pénitentiaire238 ».
B. Le contrôle du sous-comité pour la
prévention de la torture
Le sous-comité de prévention contre la torture
est un mécanisme de contrôle supranational, mis en place par
l'OPCAT. Il a un double mandat « visiter les lieux de détention
dans les États qui ont ratifié le Protocole facultatif et ...
fournir conseils et assistance concernant l'établissement des MNP dans
ces pays 239». Pour ce faire, les États parties
sont tenus de lui accorder un libre accès aux lieux de détention
sur leur territoire et de faciliter sa mission. Le sous-comité effectue
des visites inopinées de contrôle dans les lieux de
détention de chacun des pays membres des Nations-Unies sans distinction.
À la suite d'une visite, le sous-comité élabore un rapport
et prépare des recommandations qui sont ensuite soumises au
gouvernement. Le sous-comité effectue le suivi de ces recommandations
par l'entremise du comité contre la torture (CAT).
Le Togo a déjà reçu deux visites du
sous-comité. Lors de sa première visite régulière
du 1er au 10 décembre 2014, le sous-comité s'est rendu dans 25
lieux de détention240 dans
236 Rapport d'activités, Exercice 2019, CNDH, p. 135
237 Ibidem
238 Ibidem, p. 136
239 Prévenir la torture : Guide pratique à
l'intention des Institutions nationales des droits de l'homme, p. 78
240 Y compris les commissariats de police et de gendarmerie,
les prisons, les camps militaires, l'hôpital psychiatrique de
Zébé, la brigade pour mineurs de Lomé, l'unité du
Cabano
79
les 5 régions241. S'agissant des prisons, le
sous-comité a relevé que « ces conditions correspondent
à un traitement inhumain et dégradant, certaines pouvant
même être assimilées à un acte de torture dans la
mesure où les autorités compétentes en sont pleinement
informées 242». Au terme de ses visites, le
sous-comité a fait plusieurs recommandations à l'État
togolais. L'une concernait l'adoption en urgence d'un règlement
intérieur pour tous les centres de détention parce qu'en
l'état, le régime de détention est géré par
les détenus auxquels l'autorité pénitentiaire remet le
contrôle de la vie interne des centres de détention243.
Ceci est bien évidemment cause d'une gestion arbitraire qui
implémente l'enracinement des « privilèges monnayés
». Une autre recommandation concerne l'équipement de «
chaque établissement pénitentiaire des services
réguliers d'un médecin qualifié pour examiner chaque
détenu aussitôt que possible après son admission, et pour
surveiller la santé physique et mentale des personnes détenues,
notamment par la création d 'un dossier médical pour chacune
d'elles.244». Il en est de même de celle «
d'assurer un accès aux traitements à tous les détenus,
y compris aux indigents245 ». L'ensemble des
recommandations vise à l'amélioration de la protection des
personnes incarcérées au Togo.
Une seconde visite a été effectuée par le
sous-comité du 8 au 12 avril 2019 au Togo. Cette mission a
été effectuée avec l'assistance des organisations
internationales et nationales, notamment l'OMCT et le CACIT. La
problématique persistante de la détention préventive, a
emmené le sous-comité à faire plusieurs recommandations.
Il a recommandé que « les magistrats (soient formés) sur
les effets de la détention préventive anormalement longue qui est
cause de la surpopulation carcérale246 ».
Également, il a recommandé de « faciliter l'accès
à tous les lieux de détentions à la CNDH et aux
organisations de la société civile afin de permettre un
contrôle externe par les MNP et le sous-comité
247».
241 Rapport du SPT, Visite au Togo menée du 1er au
10 décembre 2014 : observations et recommandations adressées
à l'État partie, par.2, p. 2
242 Rapport du SPT, Visite au Togo menée du 1er au
10 décembre 2014 : observations et recommandations adressées
à l'État partie, par.21, p.6
243 Rapport du SPT, ibidem, par.36, p. 9
244 Rapport du SPT, ibidem, par.49, p. 13
245 Ibidem, par.50, p. 13
246 Rapport de mission du sous-comité pour la
prévention de la Torture au Togo, p.12 (version non finalisée)
247 Ibidem
80
Les mécanismes de visites des lieux de détention
créés par l'OPCAT contribuent à veiller au respect des
droits fondamentaux des détenus, dont les prévenus, en ce qui
concerne spécifiquement le droit au respect de sa dignité et
l'interdiction de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants.
SECTION 2 : La contribution de la
société civile au respect des garanties de protection du droit
à la liberté
Selon la définition des Nations Unies, les acteurs de
la société civile comprennent248 : les organisations
de défense des droits de l'homme, Les fédérations (aussi
bien syndicats qu'associations professionnelles telles que les associations de
journalistes, les ordres des avocats, les associations de magistrats, les
fédérations étudiantes), etc. Les OSC sont très
actives dans la protection des droits de l'Homme au Togo. En ce sens, elles
s'engagent aux côtés du gouvernement et font parallèlement
un contrôle citoyen de ses actions publiques. Les OSC sont des acteurs
clés du contrôle externe de la protection des droits fondamentaux
des personnes poursuivies au plan national. Pour étudier le champ
d'action de la société civile, il convient d'aborder dans un
premier temps la contribution à l'effectivité de la protection du
droit à la liberté (Paragraphe 1) et dans un second temps la
contribution au renforcement de la connaissance des droits et libertés
fondamentales (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : la contribution à
l'effectivité de la protection du droit à la
liberté
La société civile participe à
l'amélioration de la situation des droits de l'Homme au Togo. Son action
en faveur de l'effectivité de la protection du droit à la
liberté avant jugement peut s'appréhender en deux temps. Aussi,
il sera abordé dans un premier temps la contribution pour un recours
effectif aux droits de la défense (A) et dans un second temps le
plaidoyer pour un renforcement du cadre institutionnel (B).
248 Guide pratique pour la société civile,
LE CHAMP D'ACTION DE LA SOCIÉTÉ CIVILE ET LE SYSTÈME
DES DROITS DE L'HOMME DES NATIONS UNIES, OHCR, p. 3
81
A. La contribution pour un recours effectif aux droits de
la défense
Plusieurs OSC sont engagées dans la protection des
droits fondamentaux des personnes en conflit avec la loi au Togo : le CACIT,
l'UCJG, le CDFDH, le WANEP, la SMPDD, etc. Certaines OSC ont un mandat de
spécifique en faveur des groupes vulnérables. C'est l'exemple du
BNCE-Togo qui s'intéresse spécifiquement à la protection
des droits de l'enfant et du GF2D qui s'intéressent aux questions
à la protection spécifique des femmes. Les activités
menées par les OSC et qui servent de cadre de contrôle du respect
des droits fondamentaux des personnes en conflit avec la loi sont multiples.
Les plus importantes sont les activités de monitoring des lieux de
détention. Selon la définition du HCDH, « Le monitoring
est un terme de sens large, décrivant la collecte active, la
vérification et l'usage immédiat d'informations en vue de
résoudre des problèmes de droits humains
249». L'objectif du monitoring des lieux de
détention est de contribuer à une meilleure protection des droits
fondamentaux des personnes incarcérées à travers
l'identification et le report des violations observés. Le monitoring des
lieux de détention joue également un rôle préventif
puisse que les acteurs étatiques deviennent plus attentifs à leur
conduite du fait de la permanence du contrôle. Au cours des actions de
monitoring des lieux de détention, les OSC font des assistances
juridiques.
L'assistance juridique qui est apporté aux
détenus lors des actions de monitoring, permet d'orienter ces derniers
vers tout moyen de droit pouvant leur permettre de défendre leurs
intérêts250. Ainsi, les OSC aident les détenus
à rédiger des demandes de libération provisoire, des
lettres de demandes d'audience, etc. Dans son rapport d'activité de
l'année 2019, le CACIT affirme que « Quarante-huit (48) lettres
de demande d'audience, huit (08) demandes de libération provisoire et
six (06) lettres de libération conditionnelle ont été
déposées devant les juges d'instruction. Ces lettres
d'audience
249 MANUEL DE FORMATION SUR LE MONITORING DES DROITS DE
L'HOMME, SÉRIE SUR LA FORMATION PROFESSIONNELLE N° 7, HCDH, p.
16
250 Notamment le droit à la liberté en ce qui
concerne les prévenus
82
ont permis aux détenus de rencontrer leur juge
d'instruction et de voir leurs dossiers avancer251 ».
Suite aux dépôts des différentes requêtes, les OSC
effectuent des actions de suivi auprès des cabinets d'instruction pour
prévenir la lenteur judiciaire. Il faut à cet égard
relever la collaboration positive avec les cabinets d'instruction. C'est
surtout le cas avec les juges pour mineurs. Très souvent, c'est
l'intervention des OSC est nécessaire pour la libération
effective des enfants en conflits avec la loi. En effet, certains parents ne
veulent plus accueillir leurs enfants après leur séjour
carcéral. L'enfant demeure ainsi en détention bien que le juge
pour enfant ait ordonnance de libération et de placement dans sa
famille. Les OSC effectuent des actions afin de rechercher et rencontrer ces
parents afin de les entretenir sur leur devoir à l'égard du
mineur. Ces actions aboutissent le plus souvent au retour des enfants dans leur
famille ou le cas échéant au placement des mineurs ainsi
libérés dans des centres d'accueil. Un fait notable de l'action
des OSC pour la protection du droit à la liberté est celle du
CACIT qui a conduit à la libération de trois mineurs en situation
de détention arbitraire à la brigade pour mineurs de Lomé.
Alors que l'article 323 alinéa 2 du code de l'enfant prescrit un
délai maximal de trois mois de détention pour les mineurs
poursuivis pour avoir commis des délits, ces trois mineurs ont
passé plus de huit mois de détention préventive. Cette
situation était en grande partie due au fait que les trois mineurs
avaient été transféré depuis la prison civile de
Tsévié pour Lomé. Par suite de leur transfert, le juge en
charge a été muté. Il se posait une difficulté
pratique d'accessibilité. Après identification de ce cas, le
CACIT a rencontré le juge pour mineurs en charge le 14 octobre 2019. Le
juge a rendu une ordonnance de mainlevée de la garde provisoire trois
jours plus tard, le 17 octobre 2019.
Certaine OSC s'engagent également dans la lutte contre
la lenteur judiciaire et les détentions prolongées. C'est le cas
de l'ONG Prisons délices qui a appuyé à l'organisation des
audiences en exécution d'un projet dénommé « aide
judiciaire aux détenus ». En trois ans, plus de cinq
cent252 détenus ont retrouvé leur liberté. Le
projet a couvert la période de 2012 à 2018.
251 Rapport d'activités Janvier-Décembre 2019,
CACIT, inédit, pp. 9-10
252 6è, 7è et 8è Rapports
périodiques de l'état togolais sur la mise en oeuvre de la charte
africaine des droits de l'homme et des peuples, p. 197
83
B. Le plaidoyer pour un renforcement du cadre
institutionnel
Suite aux diverses actions de monitoring effectuées
dans les lieux de détention, les OSC élaborent des rapports
alternatifs sur la situation des droits de l'Homme au Togo. Ces rapports
servent notamment à faire des plaidoyers auprès des
autorités compétentes pour une amélioration du cadre
légal et institutionnel de la protection des droits de l'Homme. Un
exemple récent a été observé au cours de la
période d'état d'urgence sanitaire253 au Togo. Pour
prévenir la propagation du COVID-19 dans les prisons, le chef de
l'État avait procédé à la libération par
grâce présidentielle de 1048 détenus le 03 avril 2020. Les
mineurs en détention n'avaient pas été pris en compte dans
la stratégie du gouvernement. Les OSC254 sont intervenus
auprès des autorités compétentes pour rappeler l'urgence
qu'il est de prendre des mesures de protection des enfants privés de
liberté contre la pandémie devant aboutir à leur
libération en toute sécurité255.
Les différents rapports élaborés suite
aux monitorings des lieux de détention sont également
exploités par les différents mécanismes de protection des
droits de l'Homme auxquels le Togo est parti. C'est l'exemple du comité
contre la torture qui est un organe mis en place pour veiller au respect de la
convention des nations unies contre la torture. Lors du passage du Togo devant
le CAT en juillet 2019, le gouvernement togolais a été
amené à se prononcer sur des allégations de violations de
droits de l'Homme recensés par les OSC. C'est également le cas
devant la cour de justice de la CEDEAO, où l'État togolais a
été condamné plusieurs fois à réparer des
violations de droits de l'Homme perpétrés par des agents publics
suite à des plaintes déposés par des OSC256.
Les OSC contribuent également au suivi de la mise en
couvre des recommandations adressées par les mécanismes
internationaux de protection des droits de l'Homme au
253 Décrétée par le chef de l'État
dans son message à la nation en date du 1er avril 2020 pour
renforcer la riposte nationale contre la propagation du COVID-19 qui touche le
Togo depuis le 06 mars 2020
254 Notamment le CACIT
255 En effet, dans une déclaration en date du 13 avril
2020, le directeur exécutif de l'UNICEF exhortait les gouvernements et
autorités pénitentiaires à libérer les enfants
détenus car « la meilleure manière de protéger
les droits des enfants détenus durant une dangereuse pandémie est
d'assurer leur libération en toute sécurité»
256 Par exemple, l'État togolais a été
condamné par la cour de justice de la CEDEAO en 2016, à verser la
somme de 20 millions de F CFA au sieur Koffi AMETEPE suite à la plainte
déposée par le CACIT
84
gouvernement togolais. En effet, lors du passage du Togo
devant le CAT, plusieurs recommandations ont été adressées
à l'État togolais. C'est l'exemple de la recommandation faite
à l'expert et rapporteur HELLER au gouvernement d'envisager «
la fermeture de la prison civile de Lomé ». L'expert et
rapporteur Sébastien TOUZE a pour sa part relevé le
caractère « dérangeant » de la pratique des
visites payantes aux détenus. Les OSC se chargent de faire le suivi de
la mise en oeuvre des recommandations formulées ainsi que des
engagements pris par le gouvernement. C'est aussi le cas après l'examen
périodique universel. L'EPU est un processus d'évaluation de la
situation des droits de l'Homme tous les cinq ans. Lors du premier cycle
d'examen en octobre 2011, « 133 recommandations ont été
formulées : 122 ont été acceptées, et 11 n'ont pas
recueilli l'adhésion du Togo.257 ». Dans son
rapport de suivi des recommandations de l'EPU au Togo en 2011, le FIACAT a
établi un diagnostic des recommandations selon leur état de
réalisation. Ce rapport a mis en exergue les réformes que le
gouvernement doit mettre en oeuvre pour améliorer la situation des
droits de l'Homme en général au Togo.
Paragraphe 2 : Le renforcement de la connaissance des
droits et libertés fondamentales
Après plusieurs visites de monitoring dans les lieux de
détention258 et suite aux informations obtenues auprès
des organisations de la société civile259, il ressort
que plusieurs individus se retrouve en conflit avec la loi par pure ignorance
de la loi. Face à l'arbitraire de la détention préventive,
il est utile des se prémunir de la connaissance de ses droits.
L'ignorance de la loi empêche le recours effectif aux droits de la
défense. Comme il sera démontré, des individus tombent
sous le coup de la loi pénale par ignorance de la loi. Face à la
persistance de l'ignorance de la loi (A), il est nécessaire de
multiplier et d'adapter les actions de sensibilisation sur le risque
pénal (B).
257 Rapport du gouvernement togolais conformément au
paragraphe 5 de l'annexe à la résolution 16/21 du Conseil des
droits de l'homme, EPU, 2016, p. 2
258 Brigade pour mineurs de Lomé, Prison civile de
Lomé, lieux de garde à vue, etc.
259 CACIT, Équipe des rédacteurs de la plateforme
numérique « LBCJ »
85
A. La persistance de l'ignorance de la loi
Le préambule de la déclaration des droits de
l'Homme et du citoyen de 1789 énonce clairement que «
...l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'homme sont les
seules causes des malheurs publics et de la corruption des
Gouvernements... ». L'Histoire du monde a révélé
que tout malheur public260 est nécessairement
précédé par l'ignorance, l'oubli ou le mépris des
lois. Rappelons que la loi est censée régir les rapports sociaux
et assurer le bien-être collectif. Pour y parvenir, elle devrait
être connue, comprise, acceptée et respectée de tous. Nul
n'est donc censé l'ignorer261. Cependant, la
difficulté pratique reste que tous les individus ne connaissent pas
forcément toute la loi. L'ignorance de la loi est un obstacle
réel au respect des droits de l'Homme et de la loi en
général. Certaines personnes se retrouvent en conflit avec la loi
par pure ignorance du caractère délictuel des actes posés.
Il en est ainsi de certaines pratiques coutumières persistantes dans le
« Togo profond262 » et qui constituent des infractions au
code pénal. C'est l'exemple de l'excision263, de
l'infanticide264, du phénomène des enfants
sorciers265 (pratique assimilable au délaissement d'une
personne hors d'état de se protéger266), de
l'inceste267, etc. L'ignorance de la loi n'est pas une preuve
d'innocence. Néanmoins, cette réalité devrait renseigner
l'opinion sur la nécessité de mener des actions adaptées
afin de vulgariser, de faire comprendre et de rappeler constamment les textes
de loi. Lors du passage du Togo devant le CAT en juillet 2019, l'expert et
rapporteur Claude Heller ROUASSANT avait souligné la
nécessité de
260 Insécurité, violation des droits de l'Homme,
etc.
261 Traduction de la formule latine « nemo censetur
ignorare legem »
262 Dans les milieux reculés
263L'excision constitue une infraction
délictuelle en droit positif togolais. Il est puni « d'une
peine de cinq (05) à dix (10) ans de réclusion criminelle et
d'une amende de cinq millions (5.000.000) à vingt-cinq millions
(25.000.000) de francs CFA ou de l'une de ces deux peines. » (Art 220
NCPT)
264 Souvent les enfants dits « sorciers » sont victimes
d'infanticide dans le Nord-Togo
265 Dans le Nord-Togo, de nombreux enfants « dits
sorciers » sont chassés de leurs localités sous
prétexte qu'ils seraient porteurs de pouvoirs magiques pour faire du mal
à autrui. Certains d'entre eux sont souvent
récupérés par de prétendus maîtres exorcistes
qui les exploitent dans l'agriculture. D'autres migrent vers Lomé
où ils deviennent des enfants en situation de rue. Ces enfants sont
victimes de violences inouïes et souffrent de l'exclusion.
266 Art186, al 1 « Toute personne qui délaisse, en
un lieu quelconque, une autre personne qui n'est pas en mesure de se
protéger en raison de son âge ou de son état physique ou
psychique est punie d'une peine d'emprisonnement de six (06) mois à deux
(02) ans et d'une amende de cinq cent mille (500.000) à deux millions
(2.000.000) de francs CFA ou de l'une de ces deux peines.
267 Puni à l'art 223 du code pénal
86
renforcer la connaissance des individus sur les textes de loi,
spécifiquement pour renforcer la prévention de la torture. Ce
besoin est d'ordre général.
L'ignorance de la loi par les individus est un obstacle
à la réalisation de la protection légale de leur droit
à la liberté mis à l'épreuve par la
détention préventive. L'existence de cas de détention
arbitraire est parfois la conséquence de l'ignorance des textes des
droits de la défense. Certains prévenus ignorent
complètement quels sont les délais légaux de la
détention préventive. D'autres encore ignorent quelles sont les
voies de recours que la loi leur offre pour protéger leur droit à
la liberté avant le jugement. C'est l'exemple du droit de tout
prévenu de demander à rencontrer le juge d'instruction en charge
de son dossier lorsqu'un temps plus ou moins s'écoule sans que le
prévenu n'ait été appelé par ce dernier. Cette
demande est effectuée par la rédaction et le dépôt
d'une lettre de demande d'audience au cabinet du juge d'instruction en charge
du dossier. Dans ce cas d'espèce, la difficulté peut provenir de
la mise en oeuvre des droits de la défense. C'est le cas pour tout
prévenu qui ne sait ni lire, ni écrire. L'accès au droit
en général est limité par le taux encore
élevé d'analphabétisme au Togo. Selon le MICS 2011,
l'analphabétisme touche environ 43,3 % de jeunes et d'adultes de 15
à 44 ans au Togo. Les textes de loi sont usuellement publiés au
journal officiel en français, ce qui est peu en phase avec la
réalité ethnique au Togo. Il se pose une question d'appropriation
des textes de loi. Il est donc difficile pour la plupart des prévenus de
mettre en oeuvre les voies de recours dont ils disposent pour recouvrir la
liberté dans les délais. Pour éviter
l'irrecevabilité des requêtes pour cause de forclusion, la
doctrine propose en matière administrative, que le juge recourt à
une « interprétation validante268 » ou
à une certaine « mansuétude269 »
des requêtes. Il est en réalité question de «
réduire les fins de non-recevoir270 ».
268 R. ROUQUETTE, Petit traité du procès
administratif, D., 4ème éd., 2010, n° 322-21
269 C. GABOLDE, Procédure des Tribunaux
administratifs et des Cours administratives d'appel, Dalloz, 6ème
éd., 1997, p. 135.
270 R. ODENT, « Le destin des fins de non-recevoir »,
in Mélanges offerts à Marcel Waline, LGDJ, 1974, p.
653
87
B. La nécessité d'une vulgarisation des
textes des droits et libertés
La mise en oeuvre des mesures de protection du droit à
la liberté lors de la détention préventive relève
de la responsabilité de l'autorité judiciaire mais aussi du
justiciable. L'ignorance de la loi freine l'appropriation et le recours
effectif aux droits de la défense prévus par la loi en protection
du droit à la liberté jusqu'au procès en droit positif
togolais. Pour surmonter cette limite, les justiciables doivent être
familiarisés aux dispositions légales qui encadrent le
régime de la détention préventive. Le droit à
l'information est garanti en droit positif togolais depuis l'adoption de la loi
n°2016-006 du 30 mars 2016 la loi portant liberté d'accès
à l'information et à la documentation publique. Il faut
préciser que la reconnaissance du droit à l'information en droit
positif togolais a pour corollaire la consécration d'une obligation de
s'informer qui pèse sur le justiciable. C'est un devoir pour tout
justiciable de s'informer.
Les organisations de la société civile sont
nombreuses à contribuer à la sensibilisation des justiciables sur
les droits de l'Homme. Néanmoins, la primeur de cette action de
sensibilisation des justiciables revient à l'État. Dans son
rapport final rendu public en août 2012, la CVJR rappelait à
l'État togolais sa responsabilité de « vulgariser les
droits de l'Homme auprès de tout citoyen afin d'améliorer la
connaissance par tous de leurs droits et l'accès à la justice
271». En ce sens, plusieurs actions de sensibilisation ont
été effectuées par l'État, notamment dans le cadre
du programme d'appui au secteur de la justice (PASJ). Ainsi, un guide juridique
des droits et obligations du justiciable a été rendu public en
2014. Il vise à donner au citoyen les moyens de mieux connaitre le
fonctionnement de la justice. Dans le même sens, le Conseil
supérieur de la magistrature a élaboré et publié en
2017, une « Directive sur l'Éthique et la Déontologie du
Magistrat ». Ces deux documents ont fait l'objet d'une campagne nationale
de vulgarisation. Des « maisons de justice » ont été
ensuite créées en 2018. Ces structures de relais entre les
juridictions classiques et les organes traditionnels de règlement des
conflits entre les concitoyens sont comparables aux « tribunaux de
conciliation272 » installés en droit positif
béninois. Elles ont pour but de désengorger les tribunaux
271 Recommandation 20, rapport final CVJR, vol 1, p. 269
272 Titre 2 de la loi n°2001-37 du 27 août 2002
portant organisation judiciaire en République du Bénin,
modifiée par la loi n°2016-15 du 28 juillet 2016
88
classiques en instaurant « une justice de
proximité ». Elles y procèdent au moyen des conciliations,
des médiations ainsi que de l'information et de l'orientation juridique
apportées au justiciable.
Les organisations de la société civile
contribuent au renforcement des capacités tant des acteurs de la
chaîne pénale que des détenus et des justiciables en
général. À l'endroit des acteurs de la chaîne
pénale, des programmes de formation sur des thématiques
spécifiques sont organisés périodiquement. Il s'agit de
thématiques intéressant la protection des personnes
vulnérables, la prévention de la torture, la lutte contre le
recours abusif à la détention préventive, etc. À
l'endroit des prévenus, des sensibilisations sont
régulièrement organisées dans les lieux de
détention avec une préférence pour des thématiques
telles que les droits de la défense, les délais de
procédure, la rédaction des différents actes etc. Cette
dynamique a conduit à la mise en place de plusieurs clubs juridiques au
sein des différentes prisons273. À titre d'appui
à la sensibilisation des prévenus, il faut relever l'implication
individuelle de plusieurs magistrats dans les programmes de sensibilisation. Un
manuel fondamental a d'ailleurs été élaboré en 2012
par la magistrat Suzanne SOUKOUDE FIAWONOU, directrice du centre de formation
des professionnels de la justice du Togo. Il est dénommé «
Guide des droits du détenu ». « Ce guide permettra
à tout détenu dans le cadre d'une procédure judiciaire
pénale, à tout moment de la procédure, de connaître
facilement et précisément ses droits, ce qu'il peut faire ou doit
faire pour les exercer au mieux274 ». Ce manuel est
l'objet d'une grande vulgarisation dans les lieux de détention au Togo.
Il faut également saluer l'initiative d'une équipe de juristes
béninois et togolais qui ont créé une start-up
numérique pour contribuer à une meilleure connaissance des droits
fondamentaux par le citoyen lambda. En effet, ces derniers ont mis en place une
plateforme électronique « les bons conseils
juridique275s » qui publie quotidiennement des contenus
juridiques à l'endroit des internautes276.
273 Rapport final, Atlas de la torture, 2013, p. 20
274 Voir avant-propos, Suzanne SOUKOUDE FIAWONOU, Guide des
droits du détenu, ibidem, p.VI
275
https://www.facebook.com/Jurisconseillers/,
consulté le 23 juin 2020
276 Avec entre autres, une rubrique consacrée aux
droits et libertés fondamentales chaque lundi et une rubrique
consacrée à la procédure pénale chaque mercredi
89
Il est important aujourd'hui de faire une évaluation de
toutes ces actions de sensibilisation pour poser le diagnostic des
avancées observées et définir les nouvelles
stratégies. Cette activité permettra sans nul doute d'adapter et
de réorienter les actions face aux nouveaux défis
rencontrés dans la lutte pour une protection efficace du droit à
la liberté jusqu'à un procès en droit positif togolais.
90
CONCLUSION
En droit positif togolais, la protection du droit à la
liberté est soumise à de rudes épreuves dans la phase
avant jugement de la procédure pénale. Au carrefour des
mystères de la vie, tout citoyen peut se retrouver impliqué, de
près ou de loin, à titre de présumé auteur,
présumé complice, présumé receleur dans une affaire
judiciaire, délictuelle ou criminelle. L'attente légitime du
justiciable dans cette situation serait que la loi parvienne
véritablement à protéger « l'innocence de
l'innocent » et qu'elle déploie les différents
mécanismes de l'instruction aux fins de la manifestation de la
vérité au terme d'un procès équitable tenu dans un
délai raisonnable. C'est pour cela que la protection du droit
fondamental à la liberté est importante dans la procédure
pénale avant jugement. Il faut que le droit à la liberté
soit préservé à toutes les étapes de la
procédure pénale avant jugement, sauf en cas de
nécessité absolue. Pour cause, tout citoyen togolais a le droit
à la sécurité de sa personne277. Cette
sécurité se réalise in concreto par la protection
des droits et libertés fondamentales du citoyen.
À la question de savoir si le régime de la
détention préventive en droit positif togolais est de nature
à protéger efficacement le droit à la liberté des
personnes à l'épreuve de la détention préventive,
il a pu être analysé que la protection reste limitée.
D'importants acquis sont à relever à l'actif du
législateur. Il s'agit notamment de la consécration du principe
d'exception de la détention préventive dans phase de la
procédure pénale avant jugement en droit positif togolais. Ce
principe est rappelé par l'article 112 du code de procédure
pénale « La détention préventive est une mesure
exceptionnelle ...». Dans le même sens, le droit positif
togolais a le mérite de consacrer le contrôle judiciaire.
L'institution du contrôle judiciaire devrait servir d'alter-moyen toutes
les fois où le maintien en liberté sans conditions est impossible
au regard des nécessités de la procédure en cours.
Toutefois, les défis demeurent. Le recours abusif au placement en
détention préventive reste très élevé. La
surpopulation carcérale des détenus préventifs est la
caractéristique majeure des infrastructures carcérales au Togo en
l'état. Le zèle
277 Article 13 de la constitution togolais «
L'État a l'obligation de garantir l'intégrité physique
et mentale, la vie et la sécurité de toute personne vivant sur le
territoire national »
91
insidieux de certains magistrats n'en est pas la seule cause.
En effet, l'efficacité des mesures de contrôle judiciaire est
remise en cause en pratique. Pour éviter les risques de fuite et par
défaut de garantie de représentation, les magistrats
préfèrent encore le recours au placement en détention
préventive. Au cours de la détention préventive,
d'importantes lacunes sont observables. En effet, des détentions
prolongées sont récurrentes. Les détentions arbitraires
sont elles aussi légion, surtout au niveau de la brigade pour mineurs de
Lomé278. Ces violations flagrantes du droit à la
liberté sont commises alors même qu'à cette étape de
la procédure, la personne poursuivie reste présumée
innocente.
Il a également été observé qu'il
n'existe pas de régime de réparation de la détention
préventive injustifiée. C'est le défi majeur en la
matière dans le droit positif togolais. Toute victime d'une
détention injustifiée devrait avoir droit à une
réparation obligatoire du préjudice qui lui a été
causé, toutes les fois où cela est possible. Ceci n'est pas pris
en compte par l'actuel code de procédure pénale. D'ores et
déjà, des réformes stoïques ont été
résolument amorcées. Elles ont permis, entre autres l'adoption
d'un nouveau code pénal en novembre 2015 et celle d'une nouvelle loi sur
l'organisation judiciaire en octobre 2019. D'autres réformes restent
attendues, telles que l'adoption du nouveau code de procédure
pénale qui permettra la mise en oeuvre de la comparution pénale
et de la composition pénale. Certaines pistes de réflexion
devraient à l'analyse recevoir une attention particulière du
législateur au titre de réformes envisageables. Il s'agit, entre
autres de l'institution d'un juge indépendant chargé de la
protection du droit à la liberté dans la procédure
pénale : le juge des libertés et de la détention. Ce
nouveau magistrat du siège viendra marquer la séparation
définitive entre les fonctions de juge d'instruction et de
décision de placement en détention préventive. Les bonnes
pratiques observées dans d'autres législations279
permettront de renforcer son statut, son indépendance et son
efficacité en droit positif togolais.
La protection du droit à la liberté est aussi
tributaire de l'efficacité des mécanismes de contrôle du
respect des garanties de protection des droits fondamentaux. Le premier est
278 En ce qui concerne les infractions délictuelles le
plus souvent
279 Notamment la France au regard de l'affaire d'Outreau
92
sans doute le contrôle du système judiciaire
lui-même. Il existe également plusieurs mécanismes de
contrôle externe au système judicaire. Il en est ainsi du
mécanisme national de prévention de la torture et du
sous-comité pour la prévention de la torture. Ces
mécanismes de contrôle sont a priori attachés uniquement
à la prévention des actes de torture dans les lieux de
détention. Toutefois, dans le cadre de leurs mandats, ils participent au
contrôle du respect des droits fondamentaux dans les lieux de
détention.
Le rôle de la société civile, comme
partenaire engagé auprès des autorités publiques pour la
protection des droits fondamentaux des justiciables au cours de la
procédure pénale, est bien connu de tous. Les OSC veillent au
respect des droits fondamentaux à toutes les étapes de la
procédure pénale. En ce sens, ils produisent des rapports
alternatifs sur la situation des droits de l'Homme, qui présente un
aperçu général de l'état de la protection des
droits et libertés individuelles. Ces données servent d'outils
pour les plaidoyers au niveau central. Elles servent également aux
différents mécanismes internationaux de protection des droits de
l'Homme pour faire des recommandations pertinentes à l'État
togolais. Les OSC s'engagent également dans la lutte contre l'ignorance
du droit, qui est une cause du non recours aux droits de la défense
garanti par la loi pour protéger le droit à la liberté.
Elles contribuent ainsi à la lutte contre le sentiment d'injustice qui
peut être celui d'une personne qui se retrouve en situation conflictuelle
avec la loi après commission d'un acte dont il ne connaissait pas la
valeur infractionnelle. Il est aujourd'hui opportun de faire une
évaluation de toutes les actions menées par les OSC afin de
contribuer à la protection du droit à la liberté du
citoyen dans la procédure pénale avant jugement au Togo.
La protection du droit à la liberté dans la
procédure pénale avant jugement s'estompe après la
condamnation de l'accusé à une peine d'incarcération au
terme du procès. Toutefois, les détenus restent des
détenteurs de droits. Le texte de référence en
matière de protection des droits des détenus au niveau
international est celui des règles Nelson Mandela. Quelle est
aujourd'hui, en droit positif togolais, l'état de la politique publique
de la réinsertion sociale des détenus ? Quel est également
le bilan de l'action des OSC qui s'engagent dans ce sens ? Cette
réflexion s'impose dans l'intérêt de la lutte contre le
taux élevé de récidive en droit positif togolais.
93
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
I. OUVRAGES
A. Ouvrages généraux
·. ALLIX (Dominique), Le droit
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civile et le système des droits de l'homme des nations unies, OHCR,
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août 2013, Lomé, 12 p.
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· · Code criminel canadien, 1985
· · Code d'instruction criminelle, 1808
· · Code de procédure pénale
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· · Loi n° 83-1 du 2 mars 1983 instituant
le Code de procédure pénale au Togo · · Loi
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Togo
· · Loi organique n° 2018-006 du 20 juin
2018 relative à la composition, à l'organisation et au
fonctionnement de la CNDH
· · Constitution du Togo du 14/10/1992
révisée le 15 mai 2019
· · Loi n° 2019-015 du 30 octobre 2019
portant organisation judiciaire au Togo
B. Textes internationaux
· · Charte africaine des droits de l'Homme et
des peuples, 1981 · · Déclaration universelle des
droits de l'Homme, 1948
· · Ensemble de règles minima des Nations
Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela),
2015
· · Pacte international relatif aux droits
civils et politiques, 1961
VII. RAPPORTS
· · 3e, 4e et 5e rapports périodiques
cumulés de la République du Togo, 51e session ordinaire, 18 avril
- 2 mai 2012, Banjul, Gambie
·
97
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au Garde des Sceaux, Mai 2003, 135 p.
· . Diagnostic du milieu carcéral togolais, DAPR,
2019, 49 p.
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2019, CACIT, inédit, 31 p.
· . Rapport d'activités, Exercice 2019, CNDH, 151
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paragraphe 5 de l'annexe à la résolution 16/21 du Conseil des
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10 décembre 2014 : observations et recommandations adressées
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· . Cass. CNRD, 2 mai 2006, n° 05-CRD071
· . Cass. CNRD, 21 octobre 2005, n°05-CRD005 ;
· . CE, 1995, Commune de Morsang-sur-Orge
· . CEDH, 10 juill. 2008, MEDVEDYEV c/ France, n°
3394/03
· . Deisl c. Autriche, Comité des droits de
l'homme (HRC), Communication 1060/2002, UN Doc CCPR
· . TC, 02 juillet 1979, N°02134
98
+ TC, 08 février 1873, 1er supplt-Rec.
+ TC, 27 novembre 1952, Préfet de la Guyane, GAJA, D.1996
+ Triggiani c. Italie [1991] CEDH 20
IX. WEBOGRAPHIE
+ Fleury (Elisabeth), « L'affaire
d'Outreau va coûter plusieurs millions d'euros », disponible
à l'adresse
https://www.leparisien.fr/faits-divers/l-affaire-d-outreau-va-couter-plusieurs-millions-d-euros-02-09-2004-2005257702.php,
consulté le 08 juin 2020 à 21h13
+ Site officiel de la République
Togolaise, « Construction d'une nouvelle prison à
Lomé », disponible à l'adresse
https://www.republicoftogo.com/Toutes-les-rubriques/Justice/Construction-d-une-nouvelle-prison-a-Lome,
consulté le 22 février 2020 à 16h43
+ La Nouvelle, « Nouveau drame à la
prison civile de Lomé : Agouze kafui, une détenue, accouche et
perd ses jumeaux nouveau-nés, par manque d'assistance», disponible
à l'adresse
https://www.27avril.com/blog/culture-societe/societe/togo-nouveau-drame-a-la-prison-civile-de-lome-agouze-kafui-une-detenue-accouche-et-perd-ses-jumeaux-nouveau-nes-par-manque-de-soutiens,
consulté le 20 février 2020 à 21h51
+ PANASSA (Clémentine), « Les
acteurs se familiarisent avec le logiciel de Gestion Informatique des Prisons
à Kpalimé », disponible à l'adresse
https://togopresse.tg/les-acteurs-se-familiarisent-avec-le-logiciel-de-gestion-informatique-des-prisons-a-kpalime/,
consulté le 22 juin 2020 à 19h43
+ SABADO (Elsa) et MONIN (Cathérine),
« Loïc Sécher obtient 800 000 € pour sept ans de vie
derrière les barreaux », disponible à l'adresse
https://www.la-croix.com/Actualite/France/Loic-Secher-obtient-800-000-pour-sept-ans-de-vie-derriere-lesbarreaux-
EP -2012-09-25-857218, consulté le 06 juin 2020 à 16h
99
TABLE DES MATIÈRES
AVERTISSEMENT I
DÉDICACE II
REMERCIEMENTS III
SIGLES, ACRONYMES ET ABRÉVIATIONS IV
SOMMAIRE VI
INTRODUCTION 1
PREMIÈRE PARTIE : UNE PROTECTION LIMITÉE
9
CHAPITRE 1 : UN RÉGIME PEU PROTECTEUR
10
SECTION 1 : UN CADRE NORMATIF VÉTUSTE
10
PARAGRAPHE 1 : LES MÉRITES DU CADRE NORMATIF
11
A. LA CONSÉCRATION DU CARACTÈRE
EXCEPTIONNEL DE LA DÉTENTION PRÉVENTIVE EN DROIT
POSITIF TOGOLAIS 11
B. L'INSTITUTION DES MESURES ALTERNATIVES À LA
DÉTENTION PRÉVENTIVE : LE CONTRÔLE
JUDICIAIRE 13
PARAGRAPHE 2 : LES LIMITES DU CADRE NORMATIF
15
A. L'ABSENCE DU DÉBAT CONTRADICTOIRE AVANT LE
PLACEMENT EN DÉTENTION PRÉVENTIVE 15
B. L'IMPRÉCISION DES MOTIFS DE PLACEMENT EN
DÉTENTION PRÉVENTIVE 18
SECTION 2 : UNE PRATIQUE IRRÉGULIÈRE
19
PARAGRAPHE 1 : LE RECOURS EXCESSIF À LA
DÉTENTION PRÉVENTIVE 20
A. DES CAUSES IDENTIFIABLES 20
B. DES CONSÉQUENCES DÉSASTREUSES
22
PARAGRAPHE 2 : LES ATTEINTES À LA
PRÉSOMPTION D'INNOCENCE 24
A. LES ATTEINTES AU NOM DE LA LIBERTÉ
D'EXPRESSION DES MÉDIAS 25
B. LES ATTEINTES DUES À L'ABSENCE DE L'OBLIGATION
D'UNE MOTIVATION DU PLACEMENT EN
DÉTENTION PRÉVENTIVE 27
CHAPITRE 2 : UNE FAIBLE PROTECTION EN PRATIQUE
30
100
SECTION 1 : DES DURÉES DE DÉTENTION
LONGUES 31
PARAGRAPHE 1 : LA VIOLATION DU DROIT À UNE
DÉTENTION BRÈVE 31
A. LA NOTION DE DROIT À UNE DÉTENTION
BRÈVE 31
B. L'INSENSIBILITÉ AU TEMPS DES DÉLAIS
DE LA DÉTENTION PRÉVENTIVE 33
PARAGRAPHE 2 : L'EFFET DE LA DÉTENTION
PRÉVENTIVE 35
A. LES EFFETS SUR LA SUITE DE LA PROCÉDURE
36
B. LES EFFETS SUR LE PRÉSUMÉ INNOCENT
38
SECTION 2 : DES CONDITIONS DE DÉTENTION
CONTRAIRES À LA DIGNITÉ
HUMAINE 40
PARAGRAPHE 1 : LA SURPOPULATION CARCÉRALE
ATTENTATOIRE AUX
DROITS FONDAMENTAUX 40
A. L'ABSENCE D'UNE SÉPARATION
CATÉGORIELLE ENTRE PRÉVENUS ET CONDAMNÉS 41
B. LES CONSÉQUENCES INÉLUCTABLES DE LA
PROMISCUITÉ 43
PARAGRAPHE 2 : L'INSUFFISANCE DE LA PRISE EN CHARGE
DANS LES
PRISONS 45
A. UNE PRISE EN CHARGE ALIMENTAIRE INSUFFISANTE
45
B. UNE PRISE EN CHARGE SANITAIRE LACUNAIRE
48
SECONDE PARTIE : UN RENFORCEMENT NÉCESSAIRE
51
CHAPITRE 1 : LES AXES DE RÉFORMES ENVISAGEABLES
52
SECTION 1 : LE RENFORCEMENT DU CADRE LÉGAL ET
INSTITUTIONNEL 52
PARAGRAPHE 1 : LES RÉFORMES ENGAGÉES POUR
LA PROTECTION DU
DROIT À LA LIBERTÉ 52
A. DES AVANCÉES NOTOIRES 53
B. DES RÉFORMES ATTENDUES 55
PARAGRAPHE 2 : LES PISTES DE RÉFORMES
ENVISAGEABLES 56
A. L'INSTITUTION DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA
DÉTENTION 57
B. LA PROTECTION DES GROUPES VULNÉRABLES EN
DÉTENTION PRÉVENTIVE 59
SECTION 2 : LA NÉCESSITÉ D'UN
RÉGIME DE RÉPARATION DE LA
DÉTENTION PRÉVENTIVE INJUSTIFIÉE
61
PARAGRAPHE 1 : L'ABSENCE D'UN RÉGIME DE
RÉPARATION PÉNALE DE LA
DÉTENTION PRÉVENTIVE INJUSTIFIÉE
61
A.
101
LA NOTION DE DÉTENTION PRÉVENTIVE
INJUSTIFIÉE 61
B. LA NON-PRISE EN COMPTE DE LA RÉPARATION DE LA
DÉTENTION INJUSTIFIÉE 64
PARAGRAPHE 2 : LA NÉCESSITÉ DE LA MISE EN
PLACE D'UN CADRE NATIONAL DE LA RÉPARATION DE LA DÉTENTION
PRÉVENTIVE
INJUSTIFIÉE 66
A. LA NÉCESSITÉ D'UNE RÉPARATION
INTÉGRALE DU PRÉJUDICE SUBI 66
B. LA MISE EN OEUVRE D'UN RÉGIME DE
RÉPARATION PÉNALE DE LA DÉTENTION
PRÉVENTIVE
INJUSTIFIÉE 68
CHAPITRE 2 : LE RENFORCEMENT DU CONTRÔLE DU
RESPECT DES
GARANTIES DE PROTECTION DU DROIT À LA
LIBERTÉ 71
SECTION 1 : LE RENFORCEMENT DES DIFFÉRENTS
MÉCANISMES DE
CONTRÔLE 71
PARAGRAPHE 1 : LE RENFORCEMENT DU CONTRÔLE INTERNE
72
A. RÉNOVER LE CONTRÔLE DES MAGISTRATS
72
B. RENFORCER L'EFFICACITÉ DU CONTRÔLE
74
PARAGRAPHE 2 : LE RENFORCEMENT DU CONTRÔLE EXTERNE
76
A. LA MISE EN OEUVRE DU MÉCANISME NATIONAL DE
PRÉVENTION DE LA TORTURE 76
B. LE CONTRÔLE DU SOUS-COMITÉ POUR LA
PRÉVENTION DE LA TORTURE 78
SECTION 2 : LA CONTRIBUTION DE LA SOCIÉTÉ
CIVILE AU RESPECT DES
GARANTIES DE PROTECTION DU DROIT À LA
LIBERTÉ 80
PARAGRAPHE 1 : LA CONTRIBUTION À
L'EFFECTIVITÉ DE LA PROTECTION
DU DROIT À LA LIBERTÉ 80
A. LA CONTRIBUTION POUR UN RECOURS EFFECTIF AUX DROITS
DE LA DÉFENSE 81
B. LE PLAIDOYER POUR UN RENFORCEMENT DU CADRE
INSTITUTIONNEL 83
PARAGRAPHE 2 : LE RENFORCEMENT DE LA CONNAISSANCE DES
DROITS
ET LIBERTÉS FONDAMENTALES 84
A. LA PERSISTANCE DE L'IGNORANCE DE LA LOI
85
B. LA NÉCESSITÉ D'UNE VULGARISATION DES
TEXTES DES DROITS ET LIBERTÉS 87
CONCLUSION 90
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 93
TABLE DES MATIÈRES 99
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