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La protection du droit à la liberté à l'épreuve de la détention préventive en droit positif togolais


par P. Roger KPAKOU
Université de Parakou - Master en droit pénal et sciences criminelles 2020
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITÉ DE PARAKOU

-

FACULTÉ DE DROIT ET DES SCIENCES POLITIQUES (FDSP)
ÉCOLE DOCTORALE SCIENCES JURIDIQUES, POLITIQUES
ET ADMINISTRATIVES (SJPA)

-

Master Droit pénal et sciences criminelles

-

Mémoire de Master Recherche

THÈME :

LA PROTECTION DU DROIT A LA LIBERTÉ A L'ÉPREUVE DE LA DÉTENTION PRÉVENTIVE EN DROIT POSITIF

TOGOLAIS

Présenté par : Sous la direction de :

M. KPAKOU Panis Roger Pr. AYEWOUADAN Akodah

Agrégé des facultés de Droit

Année académique

2019-2020

 

AVERTISSEMENT

L'UNIVERSITÉ DE PARAKOU N'ENTEND DONNER NI
APPROBATION NI IMPROBATION AUX OPINIONS ÉMISES DANS
CE MÉMOIRE. CES OPINIONS DOIVENT ÊTRE CONSIDÉRÉES
COMME PROPRES À LEUR AUTEUR

 

II

DÉDICACE

À mon père KPAKOU Komi et à ma mère AKPAO Nana ;

Pour tout le soutien et les sacrifices que vous avez consenti avec foi pour mes études.

REMERCIEMENTS

Mes remerciements vont à mon Directeur de recherches, le professeur AYEWOUADAN Akodah, qui a accepté encadrer avec bienveillance les travaux de rédaction de ce document. Qu'il trouve ici, l'expression de toute ma gratitude et de l'admiration que je lui porte.

Je tiens également à remercier le magistrat LODONOU Kuami pour la patience et la disponibilité avec laquelle il m'a orienté dans les travaux de recherches au sein du ministère de la justice.

J'adresse mes sincères remerciements à toute l'équipe du CACIT, particulièrement le directeur exécutif NYAKU Ghislain ; à toutes les personnes qui m'ont porté leur aide au cours de ces travaux de recherches, notamment au Me TCHASSIM Pawoubadi, à Mr IDRISSOU Akibou, à Mme KODJOLO Eugénie, à Mr BAGNA Raouf, à Mr DAKLA Marcus, à Mr ALI Essoham et à Mlle LABEYRIE Orianne.

Enfin, je remercie tout le corps enseignant de l'École doctorale Sciences Juridiques, Politiques et Administratives de l'Université de Parakou.

III

Puissiez-vous trouver en ce labeur l'expression de ma modeste reconnaissance.

iv

SIGLES, ACRONYMES ET ABRÉVIATIONS

AJDA : Actualité Juridique Droit Administratif

BNCE-Togo : Bureau National Catholique de l'Enfance au Togo

CACIT : Collectif des Associations Contre l'Impunité au Togo

CADHP : Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples

CAT : Comité contre la Torture

CDFDH : Centre de Documentation et de Formation sur les Droits de

l'Homme

CEDEAO : Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest

CEDH : Cour Européenne des Droits de l'Homme

CNDH : Commission Nationale des Droits de l'Homme

CPPB : Code de Procédure Pénale Béninois

CPPF : Code de Procédure Pénale Français

CPPT : Code de Procédure Pénale Togolais

CVJR : Commission Vérité Justice et Réconciliation

D. : Dalloz

DAPR : Direction de l'Administration Pénitentiaire et de la Réinsertion

DDHP : Déclaration des Droits de l'Homme et des Peuples

DUDH : Déclaration Universelle des Droits de l'Homme

FIACAT : Fédération Internationale de l'Action des Chrétiens pour l'Abolition

de la Torture

G.A.J.A : Grands Arrêts de la jurisprudence Administrative

GF2D : Groupe de réflexion et d'action Femme, Démocratie et

Développement

HAAC : Haute Autorité de l'Audiovisuel et de la Communication

HCDH-TOGO : Haut-Commissariat des Nations unies aux Droits de l'homme au

Togo

J.O. : Journal Officiel

JLD : Juge des Libertés et de la Détention

V

L.G.D.J : Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence

La commission : La Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples

LBCJ : Les Bons Conseils Juridiques

MICS : Enquête par Grappe à Indicateurs Multiples

MNP : Mécanisme National de Prévention de la torture

NCPT : Nouveau Code Pénale Togolais

OHCR : Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme

OMCT : Organisation Mondiale Contre la Torture

ONG : Organisation Nationale non Gouvernementale

ONUDC : Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime

OPCAT : Protocole facultatif à la convention des Nations Unies contre la

torture

OSC : Organisation de la Société Civile

P.U.F : Presses Universitaires de France

PASJ : Programme d'Appui au Secteur de la Justice

PCL : Prison civile de Lomé

PIDCP : Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques

PND : Plan National de Développement

RINADH : Réseau des Institutions Nationales Africaines des Droits de

l'Homme

SMPDD : Solidarité Mondiale pour les Personnes Démunies et les Détenus

SPT : Sous-comité pour la Prévention de la Torture

TC : Tribunal des Conflits

UCJG : Union Chrétienne des Jeunes Gens

WANEP-Togo : Réseau Ouest-africain pour l'Instauration de la Paix au Togo

vi

SOMMAIRE

INTRODUCTION

1

PREMIÈRE PARTIE : UNE PROTECTION LIMITÉE

.9

CHAPITRE 1 : UN RÉGIME PEU PROTECTEUR

10

SECTION 1 : Un cadre normatif vétuste

10

SECTION 2 : Une pratique irrégulière

.19

CHAPITRE 2 : UNE FAIBLE PROTECTION EN PRATIQUE

30

SECTION 1 : Des durées de détention longues

.31

SECTION 2 : Des conditions de détention contraires à la dignité humaine

.40

SECONDE PARTIE : UN RENFORCEMENT NÉCESSAIRE

51

CHAPITRE 1 : LES AXES DE REFORMES ENVISAGEABLES

.52

SECTION 1 : Le renforcement du cadre légal et institutionnel

...52

SECTION 2 : La nécessité d'un régime de réparation de la détention préventive

injustifiée .61
CHAPITRE 2 : LE RENFORCEMENT DU CONTRÔLE DU RESPECT DES

GARANTIES DE PROTECTION DU DROIT À LA LIBERTÉ 71

SECTION 1 : Le renforcement des différents mécanismes de contrôle 71

SECTION 2 : La contribution de la société civile au respect des garanties de protection

du droit à la liberté 80

CONCLUSION 90

« Quel contraste plus cruel que celui de l'indolence du juge et des angoisses de l'accusé ? D'un côté les plaisirs et les aises d'un magistrat insensible, de l'autre les larmes et l'état misérable d'un prisonnier »

vii

Cesare Beccaria, « Des délits et des peines »

1

INTRODUCTION

« Si l'on recherche en quoi consiste précisément le plus grand bien de tous, qui doit être la fin de tout système de législation, on trouvera qu'il se réduit à deux objets principaux, la liberté et l'égalité »1. La protection de l'ordre public est le but ultime poursuivi par la loi dans un État de droit. L'ordre public s'entend comme un état de la société caractérisé par l'ordre, la sécurité, la salubrité, la tranquillité publique et la dignité de la personne humaine2. Tout bien considéré, l'État assume cette mission régalienne afin de garantir aux citoyens un cadre propice à l'exercice de leur liberté.

Droit naturel inhérent à la personne humaine, le droit à la liberté renferme des notions florilèges telles que la liberté d'aller et venir, le droit à la dignité de la personne, le droit à la propriété privée, le droit à la vie privée, etc. En droit positif togolais, le droit à la liberté est reconnu, protégé et garanti par la constitution en son article 133. Cet attachement aux valeurs démocratiques est notamment exprimé par la devise du peuple togolais : « Travail-Liberté-Patrie4 ». Au niveau international, le droit à la liberté est protégé et garanti par plusieurs instruments internationaux tels que la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 en son article 35, le pacte international relatif aux droits civiques et politiques de 1966 en son article 96 et la charte africaine des droits de l'homme et des peuples de 1981 en son article 67.

La liberté peut se définir comme un « état d'une personne qui n'est pas sous la dépendance absolue de quelqu'un 8». Pour Jean-Jacques ROUSSEAU, c'est la volonté

1 J-J ROUSSEAU, Du contrat social, Ed. GF Flammarion, 2001, p. 33

2 Depuis l'arrêt CE, 1995, Commune de Morsang-sur-Orge

3 Constitution du Togo du 14/10/1992 révisée le 15 mai 2019, art 13 b : « Nul ne peut être arbitrairement privé ni de sa liberté ni de sa vie. »

4 Constitution du Togo, art 2

5 DUDH, art 3 « Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne »

6 PIDCP, art 9 par. 1 « Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut faire l'objet d'une arrestation ou d'une détention arbitraire. Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n'est pour des motifs et conformément à la procédure prévue par la loi »

7 CADHP, art 6 « Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut être privé de sa liberté sauf pour des motifs et dans des conditions préalablement déterminées par la loi ; en particulier nul ne peut être arrêté ou détenu arbitrairement. »

8 J. REY-DEBOVE et A. REY, Le nouveau Petit Robert, Dicobert Inc, MONTREAL, 1993, p. 1278

2

collective de protéger les libertés individuelles qui fonde le contrat social. Le contrat social vient mettre un terme à la vie dans l'état de nature où l'homme est un loup pour l'homme9. Dans le contrat social, chaque homme perdant sa liberté naturelle, un droit illimité de faire tout ce qui le tente, acquiert la liberté civile, qui est limitée par la volonté générale. La loi étant l'expression de la volonté générale10 dans les États démocratiques, c'est à elle qu'il revient de définir les limites à chaque liberté individuelle. Elle en dispose notamment à travers la loi pénale. Le droit pénal peut être comparé à un règlement intérieur parce qu'il définit d'une part les comportements infractionnels et d'autre part les sanctions y afférentes11. Il reste un instrument privilégié pour lutter contre le crime12. Avec l'abolition de la peine de mort dans la plupart des pays13, les peines privatives de libertés sont devenues les sanctions les plus sévères de l'arsenal répressif. Le recours à la prison comme sanction type soulève également des controverses. Par exemple, pour une doctrine dominante14, les peines privatives de liberté à perpétuité, restent comparables à des peines de mort à petit feu. Elles devraient-elles aussi être abolies15 parce qu'elles interdisent toute possibilité d'amendement du criminel. Une autre thèse est celle selon laquelle la peine de prison n'est pas la panacée. Il conviendrait alors d'innover d'autres formes de sanctions propres à une bonne réinsertion sociale du condamné à terme et à la non récidive.

Toujours est-il qu'en droit positif togolais, les personnes reconnues coupable d'avoir commis des infractions encourent au maximum de la sanction : une peine privative de liberté. On pourrait être tenté de croire que seules les personnes qui ont été jugées et reconnues coupables d'infractions au code pénal sont incarcérées ! Hélas, non. La loi prévoit plusieurs mesures de privation de liberté avant jugement telles que : la rétention

9 T. HOBBES, Le Citoyen (De Cive), Edition électronique, 1967, p. 22

10 DDHC, art 6 « La Loi est l'expression de la volonté générale... »

11 J. PRADEL, Droit pénal général, Ed. CUJAS, 2000, p. 56 (733p.)

12 D. ALLIX, le droit pénal, L.G.D.J, 2000, p. 4

13 Elle est abolie au Togo depuis 2009 par la loi n°2009- 011 du 24 juin 2009, Bénin, Afrique du Sud, Côte d'Ivoire, etc.

14 J. BERARD, « l'autre peine de mort. La perpétuité incompressible et la lutte contre le terrorisme », in Mouvements, 2016, n°88, pp. 85 à 93

15 D. SALAS, « abolir la prison perpétuelle », in Revue MAUSS, n° 40, 2012, pp.173 à 184

3

administrative16, l'incarcération provisoire17, la garde à vue18, la détention préventive, etc. La plus dommageable de toutes, au regard de sa durée et de ses incidences sur l'individu ainsi que la procédure judiciaire, est sans nul doute la détention préventive. C'est ce qui nous motive à nous questionner sur l'état de « la protection du droit à la liberté à l'épreuve de la détention préventive en droit positif togolais ».

D'entrée, procédons à une clarification notionnelle. Remarquons que le législateur togolais ne donne aucune définition de la détention préventive dans le code de procédure pénale. Il faut donc se référer à la doctrine pour cerner la notion. La première approche est une définition donnée par le doyen Gérard CORNU selon laquelle, la détention préventive est l'« incarcération dans une maison d'arrêt d'une personne mise en examen pour crime ou délit, avant le prononcé du jugement ; elle est réalisée en vertu d'un mandat de dépôt ou d'arrêt, ou d'une ordonnance émanant d'une autorité judiciaire 19». Une seconde approche est celle avancée par la magistrate Suzanne SOUKOUDE FIAWONOU selon laquelle : « la détention préventive est une mesure de privation de liberté, consistant à incarcérer une personne inculpée ou prévenue avant son jugement.20 ». À la lumière des définitions susvisées, l'on peut relever trois caractéristiques essentielles de la détention préventive. D'abord la mesure de détention préventive intervient au cours de la phase judiciaire avant le jugement ; ensuite la détention préventive est une incarcération qui s'exécute dans une maison d'arrêt et non une prison pour peine ; enfin la détention est une décision relative à la détention préventive est une ordonnance émanant d'un magistrat.

Depuis la loi du 17 juillet 1970 en France, la détention préventive est devenue détention provisoire, le terme « provisoire » succédant à « préventive ». La nouvelle terminologie ne change en rien la nature de la détention. Néanmoins, elle a le mérite de rappeler à la

16 La rétention administrative consiste en le maintien d'une personne dans des lieux contre sa volonté par des autorités administratives

17 Mise en détention ordonnée par le juge des libertés et de la détention pour une courte durée (04 jours maximum) afin de permettre à l'inculpé de préparer sa défense avant de comparaitre pour le débat contradictoire suite auquel il décidera ou non de son placement en détention provisoire

18 Mesure de contrainte par laquelle un officier de police judiciaire (gendarme ou fonctionnaire de police) retient pendant une durée légalement déterminée une personne (un suspect) qui, pour les nécessités de l'enquête, doit rester à la disposition des services de police

19 G. CORNU, Vocabulaire juridique, PUF, 2000, V. Détention provisoire

20 S. SOUKOUDE FIAWONOU, Guide des droits du détenu, 2° édition, 2012, p.14

4

conscience des magistrats que désormais : la liberté est la règle et la détention l'exception. En droit positif togolais, c'est la dénomination « détention préventive » qui reste encore utilisée. Cette nuance terminologique n'a pas grand effet sur la procédure puisque le législateur togolais consacre d'ores et déjà le caractère exceptionnel du recours à la détention avant jugement à l'article 112 de l'actuel code de procédure pénale21. Cependant, des interrogations se posent : sur quel fondement la détention avant jugement repose-t-elle ? La détention préventive ne remet-elle pas en cause l'objet du contrat social qui est de protéger les libertés individuelles ? La personne poursuivie pouvant l'être à tort, la détention préventive est-elle une menace pour tout citoyen ?

On est bien tenté de voir en la notion, un déni pur et simple de la présomption d'innocence, « principe cardinal dans un État de droit, autour duquel tout gravite puisque les autres principes directeurs qui gouvernent la procédure pénale sont la conséquence du principe de la présomption d'innocence22 ». Cette pensée est inexacte, du moins substantiellement. À titre confirmatif, l'article 9 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen23 contenait déjà en son temps, l'énoncé du principe de la présomption d'innocence mais aussi l'affirmation du caractère très exceptionnel de la procédure de la détention préventive24. La détention préventive est une mesure de précaution dont l'utilité est d'ordre public. Dans l'intérêt de la justice, la détention préventive peut avoir pour objectif d'empêcher la fuite du suspect, de limiter le danger de disparition des indices, de limiter le risque de corruption des témoins ou de mettre le suspect à la disposition constante du juge pour les suites de l'enquête. La décision de placement en détention préventive peut aussi avoir pour objectif de protéger le suspect contre les risques de vindicte populaire. Il faut remarquer que l'opinion publique est peu favorable au maintien en liberté des personnes dangereuses.

21 CPPT, art 112 : « La détention préventive est une mesure exceptionnelle... »

22 J. PRADEL, « les personnes suspectes ou poursuivies après la loi du 15 juin 2000, une évolution ou une révolution ? », in Recueil Dalloz, 2001, n°13, p. 1039

23 DDHC, art 9 « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne, doit être sévèrement réprimée par la Loi. »

24 DDHC, art 9 « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi

5

L'hypothèse la plus dommageable est celle de la mise en détention préventive d'une personne qui se révèle par la suite être innocente : C'est un drame ! Comme le dit un adage, « il vaut mieux dix coupables en liberté, qu'un innocent en prison, car ce dernier peut être n'importe lequel d'entre nous ». La maxime semble ne pas avoir d'emprise en l'espèce car la détention préventive n'est pas une peine d'emprisonnement. Il n'empêche qu'en pratique, les conditions de détention des prévenus sont semblables à celles des condamnés. C'est la raison pour laquelle il est difficile de persuader que la détention préventive diffère de la peine d'emprisonnement. Aussi, le nouveau code pénal togolais prévoit l'imputation de la durée de la détention préventive sur la peine25. Bien que cette disposition ait toujours été la bienvenue, elle concourt à assimiler davantage la mesure de détention préventive à une peine avant jugement. La détention préventive est donc « un mal nécessaire » qu'il convient de réduire à un résidu. Pour l'heure, un regard transversal sur l'organisation de la détention préventive en droit positif togolais révèle des lacunes qu'il convient de relever sommairement.

Primo, les délais légaux sont demeurés excessivement long. Pour illustration, le premier alinéa de l'article 113 du code de procédure pénale26 se contente de fixer le délai maximal de détention préventive pour les délits punis d'une peine de deux ans au plus. Qu'en est-il des délits punis d'une peine maximale excédant deux ans de détention ? Qu'en est-il des infractions qualifiées de crimes ? Ces infractions relèvent assurément des dispositions du second alinéa qui est davantage insensible au temps. En effet, selon l'alinéa b de l'article 113 du code de procédure pénale : « La mise en liberté est également de droit lorsque la durée de la détention préventive atteint la moitié du maximum de la peine encourue et que l'inculpé est délinquant primaire ». Il convient de rappeler que le nouveau code pénal togolais a porté le maximum de la réclusion à temps à cinquante ans27. Conformément à l'article 113 b, le maximal légal de détention

25 NCPT, art 496 : « Quand il y aura eu détention préventive, la durée de celle-ci s'imputera sur la peine à subir à moins que le juge n'ait ordonné par une disposition spéciale que cette imputation n'aura pas lieu ou qu'elle n'aura lieu que pour partie. »

26 CPPT, art 113 « En matière correctionnelle, lorsque le maximum de la peine prévue par la loi est inférieur à deux ans d'emprisonnement, l'inculpé domicilié au Togo ne peut être détenu plus de dix jours après sa première comparution devant le juge d'instruction s'il n'a pas déjà été condamné soit pour un crime, soit à un emprisonnement de plus de trois mois sans sursis pour délit de droit commun. »

27 NCPT, art 67 « La réclusion à temps est une peine criminelle de cinq (05) à cinquante (50) ans. »

6

avant jugement pour une personne poursuivi pour un crime d'assassinat28 par exemple, serait de vingt-cinq ans, à condition qu'il soit un délinquant primaire. Quel est le sort réservé aux personnes en état de récidive lors d'une détention préventive ? Les pistes de réponses demeurent, elles aussi, inquiétantes. Toutes ces dispositions violent les engagements souscrits à l'international par le Togo concernant le droit à toute personne poursuivie d'être jugée dans un délai raisonnable29 et favorisent la surpopulation carcérale.

Secundo, les conditions de détention sont en général insatisfaisantes. En 2012, la CVJR rappelait à l'État togolais l'obligation d'améliorer « les conditions de détention au Togo »30. La surpopulation carcérale en est la principale cause. Malgré la libération par grâce présidentielle de 454 détenus condamnés le 8 janvier 2019 sur toute l'étendue du territoire, le taux d'occupation générale des 13 prisons et de la brigade pour mineurs reste largement supérieur à la capacité d'accueil des édifices. Il était de 185% en janvier 202031. Le comble est de constater que ce sont les simples prévenus32 qui forment le gros de l'effectif, soit 3 358 prévenus contre 1 910 condamnés33. Contrairement à l'esprit de l'article 112 du code de procédure pénale, la présomption d'innocence cède en pratique à une présomption de culpabilité, ce qui conduit à un recours quasi automatique à la détention préventive. C'est l'une des causes du taux de prévenus très élevé dans les prisons au Togo. Il est important de préciser la nuance entre les termes suivants : détenus, prévenus et condamnés. En général, le terme « détenu » désigne toute personne qui fait objet d'une mesure de privation de liberté que ce soit avant ou après jugement. Ainsi, selon la définition du doyen Gérard CORNU, un « détenu » désigne « tout individu détenu en raison d'une mesure judiciaire de prévention (détention préventive), ou d'une mesure de répression (condamnation)34 ». Le terme « détenu »

28 NCPT, art 168 « Toute personne qui se rend coupable d'assassinat est punie de vingt (20) à cinquante (50) ans de réclusion criminelle. »

29 CADHP, art 7,1d « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit comprend : Le droit d'être jugé dans un délai raisonnable par une juridiction impartiale. »

30 Rapport final de la CVJR, Vol. 1, (2012), Rec. 50, p. 281

31 Statistiques de la Direction de l'Administration Pénitentiaire et de la Réinsertion (DAPR), janvier 2020

32 Le terme « Prévenu » désigne ici, les simples prévenus sur mandat de dépôt du procureur de la république et les inculpés en plus des accusés ; toute personne incarcérée sur mandat judiciaire avant jugement.

33 Il n'a pas été pris en compte la catégorie des mineurs

34 G. CORNU, vocabulaire juridique, ibidem, p. 342

7

renvoie donc à la fois aux prévenus et aux personnes condamnées35. Quant au mot « prévenu », il désigne toute personne incarcérée au cours d'une procédure judiciaire avant jugement36 ; tandis que le mot « condamné » désigne toute personne incarcérée à titre de sanction pénale à la suite d'un procès.

Tertio, la lenteur de l'appareil judiciaire conduit à des violations graves des droits des prévenus, notamment en ce qui concerne le respect des délais légaux. L'article 19, alinéa premier de la Constitution de la IVème République37 impose que les prévenus soient entendus et jugés dans un délai raisonnable. Par exemple, l'alinéa 1 de l'article 273 du code de procédure pénale38 dispose que si le prévenu est placé sous mandat de dépôt par un Procureur de la République39, il doit être traduit à l'audience du tribunal dans les 48 heures. Si ce délai n'est pas respecté, il y a détention arbitraire. La détention arbitraire désigne l'arrestation et la privation de liberté d'une personne sans base légale ou dans le non-respect du délai raisonnable prescrit par la loi. Les détentions arbitraires sont proscrites par la constitution togolaise en son article 1540. En pratique, la plupart des délais légaux ne sont pas respectés du fait du nombre insuffisant des magistrats41 et de la lenteur dans le traitement des affaires.

Quartio, il y existe en droit positif togolais une structuration procédurale controversée, qui a conduit dans plusieurs États, à la création d'un nouveau magistrat chargé de défendre le droit à la liberté des personnes poursuivies. C'était et c'est toujours en droit positif togolais, l'octroi du pouvoir d'ordonner la mise en détention préventive au juge d'instruction. Alors qu'il est déjà inquiétant qu'il revienne à un même magistrat de mener les enquêtes à charge et à décharge pendant l'instruction ; c'est encore au juge

35 Manuel sur la gestion des dossiers des détenus, ONUDC, p. 5

36 Prévenus (dans le cadre d'une procédure sommaire), inculpés, accusés

37 Constitution togolaise, art 19 al 1 : « Toute personne a droit en toute matière à ce que sa cause soit entendue et tranchée équitablement dans un délai raisonnable par une juridiction indépendante et impartiale. »

38 CPPT, art 273 al 1 : « Le prévenu placé sous mandat de dépôt conformément à l'article 58 ou à l'article 272 doit être traduit le jour même et au plus tard dans les quarante-huit heures à l'audience du Tribunal. Ce délai est protégé de vingt-quatre heures s'il expire un dimanche ou jour férié. »

39 Dans le cadre d'une procédure sommaire

40 Constitution togolaise du 14 Octobre 1992, art 15 : « Nul ne peut être arbitrairement arrêté ou détenu. Quiconque est arrêté sans base légale ou détenu au-delà du délai de garde à vue peut, sur sa requête ou sur celle de tout intéressé, saisir l'autorité judiciaire désignée à cet effet par la loi. L'autorité judiciaire statue sans délai sur la légalité ou la régularité de sa détention »

41 En juillet 2019, le nombre total de magistrats au Togo était de 241 dont 33 femmes sur toute l'étendue du territoire nationale

8

d'instruction, tout parti pris, qu'il revient la charge de décider de la nécessité d'une mise en détention avant jugement. Cette procédure est fortement inquisitoire et laisse peu de place au débat contradictoire. Elle cause un tort innommable aux droits de la défense des prévenus. En effet, la procédure ne prévoit pas que l'inculpé, mis en détention préventive, puisse faire appel de l'ordonnance de mise en détention préventive. En effet, en droit positif togolais, il n'existe pas une procédure de référé-liberté telle que prévue en droit français. Pour s'opposer à l'ordonnance de mise en détention préventive, le prévenu ne peut introduire qu'une requête en habeas corpus.

Au regard de tous ces constats, il convient de s'interroger à savoir si le régime de la détention préventive en droit positif togolais est de nature à protéger efficacement le droit à la liberté des personnes lors de la détention préventive. L'intérêt cette analyse est d'actualité tant pour les personnes poursuivies en ce qui concerne la protection de leur droit à la liberté contre tout arbitraire au cours de la procédure avant jugement ; que pour le législateur en ce qui concerne la recherche de l'équilibre nécessaire qui doit exister entre la protection des droits fondamentaux et la préservation de l'ordre public dans la procédure pénale. Il s'agira à terme de contribuer à la réflexion pour l'amélioration des droits de la défense dans la procédure pénale avant jugement au Togo.

La méthodologie de travail à laquelle nous avons recouru dans le cadre de cette étude, allie la recherche documentaire (textes de lois, ouvrages, etc.), la collecte de données sur le terrain (entretiens avec les personnes ressources, administration d'un questionnaire, investigations, etc.) et le recours à la webographie. Elle a guidé l'analyse de l'état de la protection légale du droit à la liberté avant, pendant et après le placement en détention préventive en droit positif togolais.

Pour cerner la problématique de notre étude, nous nous sommes proposé d'aborder dans un premier temps, la protection limitée du droit à la liberté (Première partie) puis dans un second temps, la nécessité d'un renforcement de la protection du droit à la liberté (Deuxième partie).

9

PREMIÈRE PARTIE : Une protection limitée

Le droit à la liberté est un droit fondamental pour tout être humain quel que soit sa race, ses origines, sa religion, son genre, son âge. Aborder le sujet de la privation de la liberté avant jugement, c'est se questionner sur les garanties et les moyens légaux de protection du droit à la liberté. Nul n'est à l'abri d'une éventuelle accusation, soit d'avoir participé en tant qu'auteur, co-auteur ou complice, à la commission d'une infraction. Il est donc important que la loi dresse des remparts afin de protéger le droit à la liberté du « présumé innocent » au cours de la procédure pénale avant jugement. En ce sens, l'analyse du régime de la détention préventive en droit positif togolais révèle d'importants acquis. Le législateur a consacré en droit interne plusieurs principes de droit en faveur de la protection des personnes poursuivies tels que garantis par les instruments régionaux et internationaux de droits de l'Homme. La question de l'efficacité de cette protection annoncée par la loi reste posée. À l'observation, de nombreuses lacunes minent son effectivité tant au regard du cadre normatif que de la pratique. Les garanties érigées par la loi pour protéger le droit à la liberté au cours de la phase pré jugement de la procédure pénale ne sont pas pleinement mises en oeuvre. Cette limite de la protection du droit à la liberté des personnes poursuivies en droit positif togolais est aggravée par les multiples violations observées dans la pratique. Le régime de la détention préventive est peu protecteur face au risque du placement en détention préventive (Chapitre 1) et dans la pratique de la détention préventive (Chapitre 2).

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CHAPITRE 1 : Un régime peu protecteur

Le texte de loi qui encadre le régime de la détention préventive en droit positif togolais est le code de procédure pénale institué par la loi n° 83-1 du 2 mars 1983. Le code de procédure pénale a le mérite de consacrer des principes fondamentaux de protection du droit à la liberté au cours de la phase pré jugement. Il est depuis longtemps arrivé à essoufflement et il nécessite une refonte afin de le mettre en conformité avec les standards internationaux et les instruments de protection des droits de l'Homme. La réforme de l'actuel code de procédure pénale est davantage plus urgente après l'adoption d'un nouveau code pénal en 2015. La nouvelle loi pénale introduit entre autres originalités, des alternatives aux poursuites pénales dont la mise en oeuvre influerait positivement sur la protection du droit à la liberté dans la phase pré jugement en droit positif togolais.

Le régime de la détention préventive en l'état reste donc affecté par la vétusté du cadre normatif (section 1) et les irrégularités observées dans la pratique (section 2).

SECTION 1 : Un cadre normatif vétuste

Plus de deux décennies après son adoption, la loi n° 83-1 du 2 mars 1983 instituant le Code de procédure pénale au Togo est toujours celle appliquée en droit positif togolais. Étant le texte de référence en matière de procédure avant jugement, il appert à l'analyse qu'elle révèle aujourd'hui de nombreuses limites pour une protection efficiente du droit à la liberté lors de la détention préventive. Toutefois, le législateur de 1983 a des mérites ; ceux d'avoir consacré des principes fondamentaux en faveur de la protection du droit à la liberté en droit positif togolais. Le cadre normatif a en effet des mérites indéniables. Toutefois, l'évidence est qu'au-delà des mérites (paragraphe 1), le cadre normatif de protection du droit à la liberté en droit positif togolais connait des limites (Paragraphe 1).

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Paragraphe 1 : Les mérites du cadre normatif

L'illustre philosophe Cesare BECCARIA affirmait dans son célèbre ouvrage `'Des délits et des peines», « il est affreux de tourmenter celui que la loi regarde comme innocent42 ». Pour protéger le droit à la liberté de l' «innocent » dans la procédure pénale avant jugement, le législateur togolais a consacré en droit interne le caractère exceptionnel de la détention préventive (B) ainsi que des mesures alternatives à la détention préventive (B).

A. La consécration du caractère exceptionnel de la détention préventive en droit positif togolais

« La détention préventive est une mesure exceptionnelle43 ». Ce principe est consacré en droit positif togolais par l'article 112 du code de procédure pénale. C'est sans doute la garantie la plus importante en matière de protection du droit à la liberté dans la phase avant jugement. Le législateur togolais mérite d'être salué pour cette préscience puisse qu'il n'a pas attendu la réforme du code de procédure pénale44 avant de consacrer le caractère exceptionnel de la détention avant jugement. Pour comparer, rappelons qu'en France, lorsque la terminologie « détention préventive » était usitée ; la détention était la règle pour toute personne soupçonnée d'avoir commis un meurtre. La mise en liberté provisoire était une mesure exceptionnelle et seule la chambre du conseil du tribunal pouvait l'accorder, suivant des conditions très strictes prévues par le code d'instruction criminelle de 180845. Les personnes poursuivies pour des infractions criminelles ne pouvaient non plus être remises en liberté provisoire46. Il en était de même pour les repris de justice et les vagabonds47. Il a fallu attendre que le législateur français adopte la

42 C. BECCARIA, Des délits et des peines, Institut Coppet, Paris, 2011, p. 28

43 Art 112 CPPT

44 Pour que la terminologie « détention préventive » soit remplacée par « détention provisoire »

45 J.M CARBASSE, Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, Paris, PUF, 2014, p. 505

46 Art 113 CIC : « La liberté provisoire ne pourra jamais accordée au prévenu lorsque le titre de l'accusation emportera une peine afflictive ou infamante. »

47 Art 115 CIC : « Néanmoins, les vagabonds et les repris de justice ne pourront, en aucun cas, être mis en liberté provisoire. »

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nouvelle terminologie « détention provisoire » avec la loi du 17 juillet 197048 pour qu'il consacre le principe du caractère exceptionnel de la détention avant jugement.

Le principe d'exception de la détention préventive est intrinsèquement lié à celui de la présomption d'innocence. La présomption d'innocence est un principe de continuité qui veut que le suspect continue par jouir de son statut d'innocent jusqu'à ce que la preuve contraire soit apportée lors d'un procès. C'est un principe cardinal de la procédure pénale. Son usage est antique et ses origines remonteraient au droit romain. Un exemple célèbre en est donné dans la bible. En effet, dans le livre des « actes des apôtres », le gouverneur romain Porcius Festus expose au roi Agrippa de passage à Césarée, l'affaire de Paul contre lequel des accusateurs publics avaient porté plainte. Alors que ces derniers réclamaient la mise à mort de Paul, le gouverneur Porcius Festus leur répond : « ce n'est pas la coutume des Romains de livrer un homme avant que l'inculpé ait été mis en présence de ses accusateurs, et qu'il ait eu la faculté de se défendre sur les choses dont on l'accuse »49. Le suspect demeure donc innocent jusqu'à une décision contraire issue d'un procès équitable. Comme tel, il ne peut lui être infligé une sanction avant le jugement. En droit positif togolais, c'est l'article 18 de la constitution togolaise qui énonce le principe de la présomption d'innocence. C'est également la position de la cour suprême du Canada qui déclare : « la présomption d'innocence confirme notre foi en l'humanité, la présomption étant l'expression de notre croyance que, jusqu'à preuve du contraire, les gens sont honnêtes et respectueux des lois »50.

Le principe d'exception de la détention préventive se justifie également au regard de la gravité de son atteinte sur le droit à la liberté tel que consacré par l'article 9.1 PIDCP. En effet, la liberté d'aller et de venir est inhérente à la personne humaine. Le mouvement est « une habitude engendrée dès les origines par des déplacement répétés avec les nécessités complexe de la vie quotidienne chez des êtres dont la mobilité n'est pas encore entravée, renforcée au cours des générations au point de devenir indépendante

48 Loi n° 70-643 du 17 juillet 1970 tendant à renforcer la garantie des droits individuels des citoyens, France, J.O., p. 6751

49 Bible, version Louis second, Livre des Actes : Chapitre 25, verset 16

50 Arrêt R. c. Oakes, 1986, par. 29

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des causes initiales, telle serait l'impulsion migratoire chez l'homme51 ». La privation du droit à la liberté est le principal grief contre la détention préventive. Le principe d'exception loin d'interdire toute privation de liberté avant jugement, aspire à la limitation du placement en détention préventive aux seuls cas pertinents où son recours est impératif pour la bonne poursuite de la procédure.

B. L'institution des mesures alternatives à la détention préventive : le contrôle judiciaire

Tel que sus-annoncé, le droit positif togolais consacre le principe d'exception de la détention avant jugement52. Cependant, pour les besoins de l'instruction ou à titre de mesure de sûreté, il peut s'avérer utile de restreindre la jouissance du droit à la liberté de la personne poursuivie. Dans ce cas, de quelle alternative dispose les magistrats à défaut du placement en détention préventive ? Ils peuvent recourir au contrôle judiciaire. Le contrôle judiciaire est une mesure intermédiaire entre la jouissance d'une liberté intégrale et le placement en détention préventive. Il est un moyen de contrôle « moins draconien », comparé à la détention préventive.

Contrairement au code de procédure béninois qui prévoit expressément la possibilité de mettre l'inculpé sous contrôle judiciaire à l'entame de la procédure53, le code de procédure pénale togolais prévoit uniquement le recours aux obligations de contrôle judiciaire au moment de la remise en liberté provisoire. En effet, le premier alinéa de l'article 119 du code de procédure pénale togolais dispose « Dans tous les cas où elle n'est pas de droit, la mise en liberté peut être subordonnée à des obligations particulières fixées par le juge... ». Les obligations de contrôle judiciaire auxquelles le juge peut recourir sont énumérées par l'article 119 du CPPT. Cette liste est non exhaustive au visa de l'article 11954. L'usage de la locution « telle que » est bien la preuve que le législateur entends lasser au magistrat une marge de manoeuvre afin de

51 R. CLOZIER, « les migrations des peuples, l'information géographique », in L'information géographique, n°4, 1956, p. 128

52 Art 112 CPPT « La détention préventive est une mesure exceptionnelle... »

53 Art 145, al 3 CPPB « L'inculpé, présumé innocent, reste libre. Toutefois, en raison des nécessités de l'instruction, il peut être astreint à une ou plusieurs obligations de contrôle judiciaire.»

54 « ... la mise en liberté peut être subordonnée à des obligations particulières fixées par le juge telles que ... »

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compléter à son gré cette énumération dans l'intérêt de la remise en liberté du détenu préventif. En attendant, l'article 119 prévoit sept (07) obligations possibles :

1. Le versement d'un cautionnement destiné à garantir le paiement des réparations civiles et des frais de justice ou la représentation de l'inculpé

2. L'obligation de résider dans un lieu déterminé,

3. L'interdiction de fréquenter certains lieux ou certains établissements.

4. L'exercice d'un travail régulier,

5. L'obligation de suivre un traitement médical ou une cure de désintoxication,

6. La suspension provisoire du droit de conduire un véhicule à moteur,

7. La suspension provisoire d'un permis de chasse ou d'un permis de port d'arme.

D'autres obligations de contrôle judiciaire ont été innovées en pratique par les magistrats instructeurs. Il s'agit par exemple du retrait des documents de l'état civil (habituellement le passeport), pour éviter que l'inculpé ne se dérobe à la procédure d'instruction. Cette mesure est couramment employée par les cabinets d'instruction lorsque les personnes poursuivies sont de nationalités étrangères. Elle a pour objectif de s'assurer que l'inculpé ne prenne pas « la clé des champs » en cours de procédure. Il force de remarquer que le droit positif togolais ne prévoit pas le recours au placement sous surveillance électronique. À juste titre, le professeur SALAMI insistait sur la difficulté de la mise en oeuvre de cette mesure dans nos pays en l'état actuel55. On peut estimer qu'en lieu et place du placement sous surveillance électronique, le code de procédure pénale togolais prévoit l'obligation de résider dans un lieu déterminé. Comme moyens de contrôle du respect des mesures du contrôle judiciaire, l'article 120 du code de procédure pénale togolais donne au juge d'instruction le pouvoir de désigner un délégué ou une autorité de police afin qu'elle puisse effectuer le contrôle de l'exécution des mesures conditionnant la remise en liberté. En ce sens, le non-respect d'une obligation de contrôle judicaire peut entrainer une remise en détention préventive.

55 Commentaire préliminaire du code de procédure pénale du Bénin

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Par devers ces acquis, il n'en reste pas moins que le régime de la détention préventive pâtit du manque de certaines mesures efficaces de contrôle judiciaire. C'est l'exemple de l'obligation de se présenter périodiquement aux services ou autorités désignés par le juge56. Il est de même de celle de s'abstenir de recevoir ou de rencontrer certaines personnes nommément identifiées par le juge, ainsi que d'entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit57.

Paragraphe 2 : les limites du cadre normatif

La protection légale du droit à la liberté des personnes poursuivies dans le cadre d'une procédure pénale en droit positif togolais est incomplète. Même si « Tout prévoir, est un but qu'il est impossible d'atteindre58 », il n'en reste pas moins que le « mieux est ennemi du bien ». En effet, plus nécessaire encore, il est important de relever les limites de la protection du droit à la liberté en droit positif togolais afin d'y trouver des résolutions. Entre autres, il peut être rapporté l'absence du débat contradictoire avant le placement en détention préventive (A) et l'imprécision des motifs de placement en détention préventive (B).

A. L'absence du débat contradictoire avant le placement en détention préventive

La cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire ROWE ET DAVIS contre ROYAUME-UNI59, affirmait « Tout procès pénal, y compris ses aspects procéduraux, doit revêtir un caractère contradictoire et garantir l'égalité des armes entre l'accusation et la défense ; c'est là un des aspects fondamentaux du droit à un procès équitable ». Le principe du contradictoire est un principe fondamental de la procédure pénale. Tout au long de la procédure pénale, il est important « que soit entendue aussi l'autre partie ». Le principe du contradictoire tiré de la locution latine « Audiatur et altera pars ! » vise le respect des droits de la défense de chacune des parties. Ce principe

56 Art 144 CPPB, point 4

57 Art 138 CPPF, point 9

58 J-E-M PORTALIS, Discours préliminaire du premier projet de code civil, Éditions Confluences, 2004, p. 15

59 ROWE, DAVIS c/ ROYAUME-UNIS, 6 février 2000, par. 60

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doit être respecté à chaque fois qu'une décision doit être prise à l'encontre des intérêts de l'une des parties au litige.

En droit positif togolais, le placement en détention préventive peut être ordonné par trois (03) magistrats dans trois (03) situations différentes. D'abord, par le procureur de la république dans le cadre d'une procédure sommaire60 ; ensuite par le juge d'instruction au cours de l'instruction préparatoire et enfin par le président d'une juridiction de jugement selon les termes de l'article 117661 NCPT. Il faut remarquer que les articles 58 (procédure sommaire) et 1176 NCPT présentent des situations où les personnes poursuivies sont prises en flagrant délit. Ceci concourt à renforcer la présomption de culpabilité de l'auteur. La difficulté se pose au niveau de l'instruction préparatoire. Selon le premier alinéa de l'article 64 NCPT « Le juge d'instruction procède, conformément à la loi, à tous les actes d'information qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité ». À ce titre, il instruit à charge et à décharge afin de déterminer s'il existe des éléments suffisants ou non contre une personne pour la traduire devant une juridiction de jugement. Il peut donc décider de placer un suspect sous mandat de dépôt. Les statistiques prouvent qu'il y recourt justement à outrance. La procédure qui s'applique devant le juge d'instruction, est fortement inquisitoire et exclut le principe du contradictoire au moment de la décision du placement en détention préventive. Dans la célèbre affaire d'Outreau, l'avocat de l'un des prévenus « blanchis », le Me Delarue, avait affirmé « l'instruction a été conduite uniquement à charge62». En droit positif togolais, si le juge d'instruction veut placer le suspect en détention préventive, il n'y a aucun moyen de l'en empêcher. Le suspect se retrouve dépourvu de tout moyen légal lui permettant d'assurer la défense de son droit à la liberté devant une autorité impartiale. Cette défaillance est la principale cause du recours excessif à la détention préventive.

60 Art 58, al 1 CPPT « En cas de délit flagrant, lorsque le fait est puni d'une peine d'emprisonnement et si le Juge d'instruction n'est pas saisi, Le Procureur de la République peut mettre l'inculpé sous mandat de dépôt après l'avoir interrogé sur son identité et sur les faits qui lui sont reprochés. »

61 Art 1176 NCPT « Si, au cours de l'audience du tribunal correctionnel ou de la juridiction criminelle, le président de la juridiction prononce l'expulsion d'un assistant de la salle d'audience et qu'il résiste à cet ordre ou cause du tumulte, il peut-être, sur-le-champ, placé sous mandat de dépôt... »

62 https://www.leparisien.fr/faits-divers/l-affaire-d-outreau-va-couter-plusieurs-millions-d-euros-02-09-2004-
2005257702.php, consulté le 08 juin 2020 à 21h13

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En l'état actuel, il peut être affirmé que le juge d'instruction est « l'homme le plus puissant du Togo63 ».

Le juge d'instruction étant à la fois juge et enquêteur, il n'est pas entièrement tiers aux litiges qu'il juge. Il est de ce fait frappé d'une partialité objective. Pour renforcer la protection du droit à la liberté, il est important que ce pouvoir soit confié à un juge indépendant qui se chargera d'apprécier l'objectivité de la mise en détention préventive ou sous contrôle judiciaire. Dorénavant privé de ce monopole de décision, le juge d'instruction sera obligé de le saisir à chaque fois qu'il envisage une mesure ayant pour effet de restreindre la liberté d'un suspect. En droit positif béninois par exemple, la décision de détention préventive est nécessairement précédée par un débat contradictoire entre le juge d'instruction et le mis en cause assisté par son conseil. Cette confrontation prend la forme d'une audience au cours de laquelle l'accusation (le ministère public) et la personne mise en cause présente leurs arguments. L'une des plus-values de cette architecture est la tribune qui est offerte aux droits de la défense de l'inculpé.

L'institution du juge des libertés et de la détention en France, depuis la loi Guigou du 15 juin 2000, a permis un double regard sur le recours à la détention préventive. Il y a désormais un palier à nécessairement franchir avant le recours à la privation de la liberté. Néanmoins, dans la pratique, il est parfois décrié l'inefficacité des nouveaux « juge des libertés et de la détention » pour juguler le flux du recours à la détention préventive. Par exemple, lors du scandale de l'affaire d'Outreau en France, le « double regard » sur la détention préventive n'avait pas fonctionné. Suite à ce constat, la commission Viout64 a élaboré des recommandations pour modifier le statut du JLD et valoriser sa fonction au sein des juridictions.

63 En référence à la célèbre formule de Balzac dans « Splendeurs et misères des courtisanes »

64 Commission instaurée par le Ministère de la justice, chargée de tirer les enseignements du traitement judiciaire de l'affaire dite « d'Outreau », février 2005

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B. L'imprécision des motifs de placement en détention préventive

« Nul ne peut être arbitrairement privé de sa liberté65 ». Aux termes de la constitution togolaise66, l'autorité judiciaire est gardienne de cette. La liberté individuelle est appréhendée par le doyen Gérard CORNU comme « l'exercice des volontés légitimes de chacun dans les limites des nécessités de l'ordre social67 ». La liberté corporelle d'aller et de venir est un droit qu'il appartient à l'autorité judiciaire de protéger contre toute restriction arbitraire. En ce sens, la première garantie devrait être la définition des conditions nécessaires avant toutes décisions de placement en détention préventive. Quelles sont alors les motifs pour lesquels, une personne bien que présumée innocente, peut faire objet d'un placement en détention préventive ?

Le droit positif togolais reste muet sur la question. En effet, aucune disposition n'énumère les conditions qui peuvent, si elles sont remplies, justifier cette atteinte au droit à la liberté dans le code de procédure pénale togolais. Le législateur se contente uniquement de proclamer le caractère exceptionnel de la détention préventive. C'est là un tort innommable qui est causé au droit à la liberté des justiciables. Cette situation pourrait dans une certaine mesure, être assimilée à une violation du principe de la légalité criminelle. Cette règle qui est une garantie fondamentale des droits des justiciables dans la procédure pénale postule que : nul ne peut être condamné pour des faits qui ne constituaient pas une infraction au moment où ils ont été commis68. Cet argument qui revient à considérer la détention préventive comme l'application d'une peine anticipée a été rejeté par un arrêt de la cour de cassation en France69.

La détention préventive étant une incarcération qui place le présumé innocent dans une situation similaire à celle d'un condamné, il est important que la loi énonce sans ambages et avec précision les conditions légales qui peuvent justifier son recours. Dans le silence du code de procédure pénale, les magistrats ont recours à la doctrine et au droit comparé pour identifier ses motifs. En général, la doctrine est unanime, « La

65 Art 13, al 2 de la constitution togolaise

66 Art 18, al 2 de la constitution togolaise « Le pouvoir judiciaire, gardien de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi. »

67 G. CORNU, Vocabulaire juridique, ibidem, p. 613

68 Constitution togolaise du 14/10/1994 modifié en 2019, art 19, al b

69 Cass, 14 avril 1980, Pas., 1980, I, p. 1018

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justification de la détention préventive réside uniquement dans l'impérieuse nécessité d'empêcher un délinquant de poursuivre l'accomplissement de ses desseins, de se soustraire par la fuite à l'exécution de la peine qui sera prononcée contre lui ou enfin de faire disparaitre le corps du délit ou des preuves, de suborner ou de menacer les témoins. »70. Selon cet auteur, la détention préventive peut être ordonnée pour 3 motifs. D'abord pour faire cesser l'infraction, ensuite pour empêcher la fuite du suspect ou la disparition des preuves, enfin pour empêcher la menace ou la subornation des témoins. Très souvent, c'est la volonté d'empêcher la fuite du suspect qui est arguée par les magistrats pour justifier le recours à la détention préventive. D'autres motifs peuvent être identifiés dans les législations voisines. En droit positif béninois par exemple, l'article 149 du code de procédure pénale adjoint à la liste des motifs : la volonté d'empêcher une concertation frauduleuse entre les inculpés ou leurs complices et la volonté de protéger la personne poursuivie. Le code de procédure pénale français en dispose autant en son article 144.

Les termes dans lesquelles les deux législations béninoise et française, ont énoncés les motifs requis pour le placement en détention préventive71, méritent une analyse approfondie. En effet, il apparait que les deux législateurs ont assorti le recours à la détention préventive d'une condition. Il doit constituer « l'unique moyen » de parvenir à l'un ou à plusieurs des objectifs poursuivis par les motifs. Quels sont alors les autres moyens dont le juge dispose pour atteindre ces objectifs ? Le législateur français répond : le placement sous contrôle judiciaire » ou l'assignation à résidence avec surveillance électronique72. Il faut rappeler que la détention préventive est une mesure d'exception. Son recourt ne peut être envisagé qu'après avoir recouru ou tenté de recourir sans succès à l'une des obligations du contrôle judiciaire.

SECTION 2 : Une pratique irrégulière

Le respect des règles établies par la loi est le seul gage de la consolidation de l'état de droit. Le législateur togolais a édicté des règes et des principes afin de pourvoir à la

70 A. MARECHAL, Procédure pénale, Novelles, Tome 1, Larcier, 1946, p. 445

71 Art 149 du code de procédure pénale béninois, art 144 du code de procédure pénale français

72 Art 144 du code de procédure pénale français

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protection du droit à la liberté des personnes poursuivies et de prévenir les placements abusifs en détention préventive. Cependant, certaines imprécisions dans le cadre normatif fragilisent cette protection. Cette situation singulière qu'est celle des personnes poursuivies, est empirée n pratique par le non-respect des principes cardinaux sus-énoncés. En pratique, le placement en détention préventive est objet d'un recours excessif (Paragraphe 1) et les atteintes à la présomption d'innocence sont récurrentes (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Le recours excessif à la détention préventive

Dans la pratique les magistrats font un usage excessif du mandat de dépôt. L'ancien Inspecteur général des services juridictionnels et pénitentiaires73 affirmait dans une interview qu'il y a « parfois peu de pertinence dans la délivrance des mandats de dépôt par certains magistrats74 ». Des causes peuvent être identifiées pour tenter d'expliquer ce recours excessif (A) à la détention préventive, aux conséquences désastreuses (B).

A. Des causes identifiables

Plusieurs raisons sont avancées pour tenter de justifier le taux excessivement élevé de détenus préventifs au Togo. Elles peuvent se résumer en trois considérations. La première est celle selon laquelle le nombre élevé des détenus préventifs est dû à une « augmentation exponentielle de la criminalité75 ». En effet, une analyse révèle que le nombre de détenus a augmenté de 3 728 en 2012 à un effectif de 5 232 en juillet 201976. Cette hausse des effectifs peut effectivement traduire une hausse de la criminalité. L'activité régalienne de l'arsenal pénal serait la cause du nombre élevé de détenus qui est observé dans les prisons au Togo.

La seconde considération, voit en l'explosion du taux de prévenus au Togo, l'expression d'une politique criminelle trop répressive. C'est en substance la pensée de l'expert et

73 Kokouvi Pius AGBETOMEY

74 Reflets du Palais, N°3, 20 août 2013, p. 5

75Cette raison a été avancée par le directeur de l'administration pénitentiaire et de la réinsertion lors du passage du Togo devant le CAT en juillet 2019 (précisément le 29 juillet 2019)

76 Chiffres donnés par le directeur de l'administration pénitentiaire lors du passage du Togo devant le CAT en juillet 2019

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rapporteur du comité contre la torture Sébastien TOUZE selon qui « plus la politique pénale est répressive et plus les prisons se remplissent. De la même manière, plus les prisons se remplissent et plus les moyens de les désengorger disparaissent parce que très souvent les personnes se trouvent en attente de jugement77 ». Le législateur togolais pourrait répondre en procédant, par exemple, à la dépénalisation des infractions mineures. Rappelons que pour l'accélération de la réforme pénale et pénitentiaire en Afrique, la commission africaine des droits de l'Homme avait adopté en septembre 2002 la « déclaration et plan d'action de Ouagadougou ». Cette résolution appelait les États parties à la Charte africaine, dont le Togo, à requalifier et à dépénaliser les infractions mineures comme « l'oisiveté, le vagabondage, la prostitution, le non remboursement de dettes, la désobéissance aux parents78 ». Cette stratégie vise à réduire le surpeuplement des prisons. Il faut également relever que la lenteur judiciaire et le non-respect des délais de procédures observés en pratique concourt à l'incarcération des suspects pendant de longues périodes. Ce fait est en partie dû au nombre insuffisant de magistrats au Togo, surtout lorsque l'on se réfère au nombre insuffisant de juges instructeurs. Il peut arriver que des juges d'instruction aient « plus de 500 dossiers à sa charge »79. Un exemple de l'ampleur de la lenteur judiciaire nous est donné par le diagnostic effectué en 2013 sur la cour suprême qui a révélé l'existence de près de 1500 dossiers encore pendants, couvrant la période allant de 1985 à 201380. L'essentiel de ces dossiers concernaient des litiges fonciers et commerciaux.

La troisième considération est celle selon laquelle le recours excessif à la détention préventive est dû aux magistrats eux-mêmes. Ils ont pris l'habitude d'y recourir avec trop de facilité81. En pratique, dans le doute on incarcère. La présomption d'innocence cède à une présomption de culpabilité. Il est par ailleurs, reproché aux juges d'instruction de prendre des ordonnances de placement en détention préventive avec

77 Los du passage du Togo devant le CAT en juillet 2019 (précisément

78 Déclaration et plan d'action, commission africaine des droits de l'Homme, Septembre 2002, p. 4

79 Chiffres donnés par le directeur de l'administration pénitentiaire lors du passage du Togo devant le CAT en juillet 2019

80 Chiffres donnés par le président de la cour suprême dans son discours de lancement du projet d'apurement des dossiers en souffrances à la cour suprême du Togo le 23 janvier 2019

81 F. LAROCHE, Les mesures de détention avant jugement au Canada et en France, UNIVERSITÉ DE LAVAL, Canada, 2016, p. 29

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pour intention de forcer le suspect à faire des aveux ou à livrer des informations. En ce sens, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'Homme au Togo publiait dans un rapport « le mandat de dépôt devient parfois un moyen de pression sur les justiciables pour régler certains litiges pour lesquels d'autres procédures sans placement sous mandat de dépôt sont parfaitement adaptées »82. Plus loin, il relève également que dans les tribunaux de Sotouboua et de Bafilo par exemple, « certains magistrats placent à nouveau sous mandat de dépôt des auteurs d'accident de la circulation qui ne présentent aucun danger ou risque de fuite ou de non représentation »83.

Conscient de la problématique, des efforts sont fournis au niveau national afin de juguler la hausse du nombre des prévenus et de le diminuer progressivement. En ce sens, la CNDH organisait le 26 mai 2017, un atelier sur « la réduction de l'usage excessif de la détention provisoire dans les lieux de détention ». Cet atelier auquel ont pris part plusieurs acteurs de la chaine pénale ainsi que des organisations de la société civile, a servi de cadre pour le renforcement des capacités des différents acteurs afin de lutter contre le recours excessif à la détention préventive. Au niveau international également, la situation des prévenus est préoccupante. Le 25 avril 2018, l'Afrique a célébré pour la première fois « la journée africaine de la détention préventive ». Cette date a été choisie par le RINADH pour sensibiliser tous les acteurs sur la situation des personnes en situation de détention sur des périodes prolongées sans procès.

B. Des conséquences désastreuses

Le recours excessif à la détention préventive est la première cause de la surpopulation carcérale au Togo. Malgré la libération par grâce présidentielle de 454 détenus condamnés sur toute l'étendue du territoire le 8 janvier 2019, le taux d'occupation générale des 13 prisons et de la brigade pour mineurs était de 173% en mars 201984. Le

82 HCDH-TOGO, Rapport sur le respect et la mise en oeuvre des droits de l'Homme et des libertés fondamentales dans l'administration de la justice au Togo, Décembre 2013, p. 26

83 Ibidem, p. 27

84 Statistiques de DAPR de mars 2019

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comble est de constater que ce sont les prévenus85 qui forment le gros de l'effectif, soit 3179 prévenus contre 2076 condamnés86. En janvier 202087, sur 5341 détenus, 3431 étaient incarcérés à titre préventif soit plus de 64% de la population carcérale. Le taux d'occupation général des 13 prisons et de la brigade pour mineurs de Lomé était de 185% eu égard aux capacités d'accueil. À cette même période, la prison civile de Tsévié affichait le taux de surpopulation le plus élevé du Togo, soit 609% de la capacité d'accueil. Déjà en 2012, le rapport d'évaluation de la république togolaise dans le cadre du projet « Atlas de la torture » mentionnait que « le taux moyen des prisonniers en détention provisoire, comparé aux prisonniers condamnés, s'élève à 80%. Ce chiffre place le Togo au quatrième rang mondial parmi les pays ayant les taux de détentions préventives les plus élevés par rapport à l'ensemble de la population carcérale88 ». Lors de sa visite au Togo en 2014, le SPT a, pour sa part, considéré « qu'un tel taux de surpopulation équivaut à un traitement cruel, inhumain ou dégradant, voire à une forme de torture lorsqu'il se prolonge et qu'il se conjugue avec une absence de conditions matérielles minimums acceptables, au vu et au su des autorités étatiques89. »

Limiter le recours à la détention préventive permettrait de lutter contre la surpopulation carcérale. Il faut reconnaitre que c'est le recours excessif à la détention préventive qui sape les efforts de désengorgement. Plusieurs décrets de grâce présidentielle sont intervenus au fil des années pour lutter contre la surpopulation mais la situation peine à s'améliorer. L'une des raisons est que la grâce présidentielle ne profite qu'aux personnes jugées et condamnées à une peine d'incarcération. Elle « ...n'est applicable qu'aux condamnations devenues définitives90 ». En choisissant de recourir avec modération au placement sous mandat de dépôt, le système judiciaire contribuerait également à l'amélioration des conditions de détention. En effet, la détérioration des conditions de

85 Le terme « Prévenu » désigne ici, les simples prévenus sur mandat de dépôt du procureur de la république et les inculpés en plus des accusés ; toute personne incarcérée sur mandat judiciaire avant jugement.

86 Il n'a pas été pris en compte la catégorie des mineurs et des étrangers, les statistiques n'offrant pas plus de détails.

87 Selon les statistiques de la DAPR

88 Atlas de la torture, rapport d'évaluation-République Togolaise, août 2012, p. 28

89 Rapport du SPT, Visite au Togo menée du 1er au 10 décembre 2014 : observations et recommandations adressées à l'État partie, par. 30, p. 8

90 Article 517 CPPT

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détention est en partie due à la surpopulation des infrastructures carcérales. En son temps, la construction de la nouvelle prison civile de Kpalimé alimentait de grands espoirs quant à la décongestion des prisons. Elle a été ouverte le 21 septembre 2016 mais elle est déjà surpeuplée, soit 237% de sa capacité d'accueil91. Un projet de construction d'une nouvelle prison serait à l'étude dans les environs de Lomé selon une annonce faite par le ministre de la justice le 07 avril 202092.

Une autre conséquence du recours excessif à la détention préventive est la lenteur judiciaire. Selon le rapport final de la CVJR, la surpopulation carcérale est liée à « la lenteur de la justice, au non-respect des règles et délais de procédure, spécifiquement la procédure pénale où la liberté des individus est pourtant en jeu, les difficultés d'accès à la justice, le caractère onéreux des procédures et l'absence d'aide juridictionnelle au profit des plus démunis, la corruption, etc. »93. La lenteur judiciaire s'observe devant les juridictions de jugement et également dans les cabinets d'instruction. Il n'est pas rare qu'un juge d'instruction se retrouve avec une centaine de dossiers à sa charge. Le respect du délai raisonnable en prend forcément un coup. Cette situation fait que des personnes restent en incarcération pendant de longues périodes. Pendant qu'ils y sont, l'usage sans modération du placement en détention préventive continue de remplir les prisons. Inversement, on peut observer que le recours abusif au placement en détention a pour conséquence d'engluer complètement l'appareil judiciaire. Les dossiers pendants s'accumulent et le manque de ressources humaines suffisantes pour les apurer dans un délai raisonnable conduit à laisser perdurer des prévenus en incarcération.

Paragraphe 2 : Les atteintes à la présomption d'innocence

La présomption d'innocence est un principal cardinal de la procédure pénale. Elle a pour objectif de protéger l'innocent tout le long de la procédure pénale jusqu'au jugement. Les violations du droit à la présomption d'innocence sont pourtant multiples. Elles entachent la dignité de la personne poursuivie et fragilise sa condition avant le procès. Les atteintes au droit à la présomption d'innocence dans la phase préjugement sont

91 Selon les statistiques de la DAPR de Janvier 2020

92 https://www.republicoftogo.com/Toutes-les-rubriques/Justice/Construction-d-une-nouvelle-prison-a-Lome,
consulté le 22 février 2020 à 16h43

93 Rapport final de la CVJR, Vol. 1, (2012), p. 251

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multiples. Entre autres, il convient d'étudier les atteintes à la présomption d'innocence au nom de la liberté d'expression des médias (A) et les atteintes à la présomption d'innocence dues à l'absence de l'obligation d'une motivation du placement en détention préventive (B).

A. Les atteintes au nom de la liberté d'expression des médias

L'actualité a souvent mis en lumière les relations presque antinomiques entre liberté d'expression des médias et droit à la présomption d'innocence dans les procédures judiciaires. La protection de la réputation de la personne poursuivie est un impératif lié au respect de la dignité humaine. Un auteur appréhende la « dignité » comme « une qualité inséparablement liée à l'être même de l'homme, c'est la valeur que l'on reconnait à l'homme du seul fait d'exister ; une référence non pas à l'être de la personne, mais à son agir94 ». Au Togo, « La liberté de presse est reconnue et garantie par l'État95 ». L'entrave à la liberté de la presse et de la communication est prévue et punie aux articles 959 et 960 du nouveau code pénal togolais. Toutefois, « Cette liberté s'exerce dans le respect : de la dignité de la personne humaine...96 ». La presse est placée sous la tutelle de la HAAC qui a pour mission de garantir et d'assurer la liberté et la protection de la presse et des autres moyens de communication de masse.

Dans la pratique, les violations du droit à la présomption des personnes poursuivies par les médias privés ainsi que celle nationales sont courantes. Par exemple, les presses privées publient fréquemment des informations sur l'identité des personnes poursuivies dans le cadre d'enquête pénale. Ces informations sont très relayées et font souvent la une des journaux pendant de longues périodes97. Également, l'on peut observer que plusieurs personnes arrêtées ou poursuivies sont régulièrement exposées à visage découvert par la télévision nationale togolaise. Les personnes sont montrées soit « en menottes » ou soit elles sont présentées de manière très tendancieuse et dommageable

94 R. ANDORNO, La bioéthique et dignité de la personne, PUF, 1997, p. 77

95 Art 25 al 1 de la constitution togolaise

96 Art 3 de la loi organique n°2018-029 relative à la HAAC

97 Tandis que la fin de l'affaire (décision au terme du procès) est souvent traitée avec peu d'intérêt, ce qui entache les chances de réhabilitation de l'acquitté. Il serait important que les médias donnent autant d'attention à la tournure finale de l'évènement qu'ils en ont donné au début.

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pour leur droit à la présomption d'innocence. Toutes ces pratiques participent à une certaine partialité de l'opinion publique avant le jugement. C'est en réalité une menace pour l'administration de la justice qui risque la perte de sa crédibilité. En effet, quelle est l'image de la justice lorsqu'une personne innocentée par un tribunal demeure coupable aux yeux de la société à cause de la répercussion négative de la couverture médiatique ?

La présomption d'innocence de la personne poursuivie doit être respectée « jusqu'à ce que sa culpabilité ait été établie à la suite d'un procès qui lui offre les garanties indispensables à sa défense98 ». La question se pose s'agissant de l'impartialité de la juridiction de jugement face à la pression médiatique. Le juge étant un professionnel de la justice, l'on peut légitimement s'attendre à ce qu'il fasse aisément abstraction de la tension médiatique et qu'il se concentre uniquement sur le droit et les faits de l'espèce. Dans le cadre d'un procès avec jury, les risques d'influence sont réels. Les membres du jury peuvent inconsciemment être influencés par l'opinion médiatique. Pour s'assurer de l'absence de contamination de l'opinion du jury par la couverture médiatique oppressante d'une affaire, le droit canadien a instauré par exemple la procédure du « changement de venue99 ». Par cette procédure, le suspect peut demander que son affaire soit transférée dans un autre district au motif de la contamination de l'éventuel jury par la couverture médiatique. C'est une dérogation au principe de la compétence territoriale des juridictions. Cette procédure rend compte de la valeur que le droit canadien accorde à la protection de la présomption d'innocence. Le droit positif togolais ne prend pas suffisamment en compte la problématique sous cet angle. Néanmoins, il a interdit l'emploi de tout appareil d'enregistrement sonore, caméras, appareils photographiques pendant le cours des débats et à l'intérieur des salles d'audiences des

98 Art 18, al 1 constitution togolaise

99 Art 599.1 du code criminel canadien : « Un tribunal devant lequel un prévenu est ou peut être mis en accusation à l'une de ses sessions, ou un juge qui peut tenir ce tribunal ou y siéger, peut, à tout moment avant ou après la mise en accusation, à la demande du poursuivant ou du prévenu ordonner la tenue du procès dans une circonscription territoriale de la même province autre que celle où l'infraction serait autrement jugée, dans l'un ou l'autre des cas suivants :

a) la chose paraît utile aux fins de la justice ;

b) une autorité compétente a ordonné qu'un jury ne soit pas convoqué à l'époque fixée dans une circonscription territoriale où le procès aurait lieu autrement, en vertu de la loi. »

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cours et tribunaux sous réserve d'une autorisation donnée par le président de la juridiction100.

B. Les atteintes dues à l'absence de l'obligation d'une motivation du placement en détention préventive

Le législateur togolais reste muet sur la question de la motivation de l'ordonnance de placement en détention préventive. Il ne fait pas d'obligation spéciale au juge de « motiver » sa décision de placement en détention préventive. Ce mutisme est une violation au droit à la liberté, au droit à la sécurité et au droit à la présomption d'innocence des citoyens. En droit positif béninois, l'obligation d'une motivation spéciale de la décision du juge d'incarcérer avant jugement est prévue par l'article 146 alinéa 2 « Lorsque le juge des libertés et de la détention ordonne ou prolonge une détention provisoire ou qu'il rejette une demande de mise en liberté provisoire, son ordonnance doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui motivent sa décision. ». Le cadre légal pourvoit au besoin de cette exigence puisque l'article 149 CPPB101 énumère limitativement les considérations de droit qui peuvent justifier le recours à la détention préventive. Il revient au juge de démontrer au regard des faits de l'espèce et du « droit », la nécessité du placement en détention préventive.

En droit positif français, le législateur est allé plus loin s'agissant de l'obligation du juge de motiver l'ordonnance de placement en détention préventive. Il convient de rappeler que la motivation de la détention préventive en matière correctionnelle est introduite en droit français par la loi du 17 juillet 1970 et en matière criminelle par la loi du 06 juillet 1989. L'article 135-2 alinéa 4 de l'actuel code de procédure pénale français énonce que « Le juge des libertés et de la détention peut, sur les réquisitions du procureur de la République, soit placer la personne sous contrôle judiciaire, soit ordonner son

100 Art 33 de la nouvelle loi portant organisation judiciaire au Togo du 30 octobre 2019

101 « La détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que si elle constitue l'unique moyen de :

1- conserver les preuves ou les indices matériels ou d'empêcher, soit une pression ou une subornation de témoins ou de victimes, soit une concertation frauduleuse entre le ou les inculpés ou leurs complices ;

2- protéger l'inculpé, de garantir son maintien à la disposition de la justice, de mettre fin à l'infraction ou de prévenir son renouvellement ;

3- mettre fin à un trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public provoqué par la gravité de l'infraction, les circonstances de sa commission ou l'importance du préjudice qu'elle a causé. »

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placement en détention provisoire jusqu'à sa comparution devant la juridiction de jugement, par ordonnance motivée conformément aux dispositions de l'article 144, rendue à l'issue d'un débat contradictoire organisé conformément aux dispositions des quatrième à neuvième alinéas de l'article 145... ». La motivation de l'ordonnance de placement en détention préventive en droit positif français répond à deux exigences. D'une part, le législateur impose la motivation de l'insuffisance des mesures alternatives à la détention préventive et d'autre part la motivation de la nécessité absolue de recourir à la détention préventive comme « unique moyen » pour atteindre les objectifs énoncés par l'article 144 du Code de procédure pénale français. Le législateur impose une graduation dans la démarche.

La présomption d'innocence est également chagrinée en droit positif togolais par l'impossibilité de faire un recours direct contre l'ordonnance de placement en détention préventive du procureur de la république. « La seule option est le recours en habeas corpus auprès du juge d'instruction, qui généralement prolonge la détention provisoire. 102». Le code de procédure pénale limite le pouvoir du procureur de la république de décerner mandat de dépôt aux seuls cas relevant de la procédure sommaire103. En pratique, il est observé que le procureur a une compétence plus élargie. C'est presque toujours le procureur de la république qui décerne le mandat de dépôt quel que soit la nature de la procédure. Le juge d'instruction fera extraire un temps plus tard le prévenu pour l'inculpé formellement. Toutefois, la date de l'inculpation sera celle à laquelle le procureur de la république a décerné mandat de dépôt. C'est la pratique du « double mandat de dépôt » en droit positif togolais. Elle s'explique par le fait que les cabinets d'instruction sont presque toujours surchargés et indisponibles pour recevoir « in extremis » les personnes poursuivies lorsqu'elles sont déférés au parquet. Cette solidarité « pratique » entre le parquet et les cabinets d'instruction est préjudiciable aux droits de la défense de la personne poursuivie. Rappelons que le parquet est l'accusateur public et donc partie au procès. Il s'agit là d'une confusion regrettable entre les fonctions du ministère public et celles de l'instruction. C'est la position de la CEDH qui a indiqué

102 Atlas de la torture, rapport d'évaluation-République Togolaise, août 2012, p. 5

103 Art 58 al 1 CPPT « En cas de délit flagrant, lorsque le fait est puni d'une peine d'emprisonnement et si le Juge d'instruction n'est pas saisi, Le Procureur de la République peut mettre l'inculpé sous mandat de dépôt après l'avoir interrogé sur son identité et sur les faits qui lui sont reprochés ».

dans son arrêt MEDVEDYEV contre France que « le procureur de la République n'est pas une "autorité judiciaire" au sens que la jurisprudence de la Cour donne à cette notion : comme le soulignent les requérants, il lui manque en particulier l'indépendance à l'égard du pouvoir exécutif pour pouvoir être ainsi qualifié 104». Cette immixtion dans la procédure nuit aux droits de l'accusé et à l'impartialité du juge d'instruction dans l'appréciation de la pertinence d'un placement en détention préventive.

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104 CEDH, 10 juill. 2008, MEDVEDYEV c/ France, n° 3394/03, AJDA 2010, p. 648

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CHAPITRE 2 : Une faible protection en pratique

Le placement en détention préventive ne doit être ordonné par le magistrat qu'après le recours ou la tentative de recours sans succès au maintien en liberté ou à l'une des obligations du contrôle judiciaire. La protection du droit à la liberté s'étend également à la phase de la détention préventive. En effet, la protection légale doit garantir à la personne placée sous mandat de dépôt, la pleine jouissance de certains droits en respect de son statut de « présumé innocent ». La première est naturellement le droit à une détention brève. Ce droit lui est garanti par la charte africaine des droits de l'Homme et des peuples en son article 7.1.d « ... le droit d'être jugé dans un délai raisonnable par une juridiction impartiale... ». Il est en effet, inadmissible qu'une personne voit son droit à la liberté aliéné de façon prolongée, voir indéfinie avant le procès. Le législateur togolais est le premier à minorer la question puisqu'il a prévu des maximums légaux extrêmement longs pour la détention préventive. Cette insensibilité au temps est décuplée en pratique par les multiples cas de détentions arbitraires observables. La situation des prévenus est également inquiétante eu égards aux conditions dans lesquels ils sont détenus. Entre autres considérations liées au droit des détenus à la dignité humaine, le prévenu est confronté à une insuffisance de la prise en charge alimentaire et à l'inefficacité de la prise en charge sanitaire. Le prévenu s'en trouve considérablement affecté et son droit au procès équitable est lui aussi entamé. Il convient d'aborder dans le cadre de ce chapitre les durées de détention longues (section 1) et la contrariété des conditions de détention avec le droit à la dignité (section 2).

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SECTION 1 : Des durées de détention longues

Dans le volume 1 du rapport final rendu public en 2012, la CVJR a fait des recommandations à l'Etat togolais. La 50ème s'énonce comme suit « La commission rappelle l'obligation générale qui pèse sur l'Etat, d'améliorer les conditions de détention au Togo, de respecter les délais de détention préventive et de garantir les droits fondamentaux de toute personne détenue ». À côté de cette obligation faite aux autorités judiciaires de respecter les délais de la détention préventive, l'analyse du cadre normatif persuade que les délais légaux prescrits par le législateur pour la détention préventive sont extrêmement longs, surtout en matière criminelle. Il convient d'étudier à ce titre, la violation du droit à une détention brève (paragraphe 1) et les effets du placement en détention préventive (paragraphe 2) sur l'individu et la procédure.

Paragraphe 1 : La violation du droit à une détention brève

Le philosophe BECCARIA affirmait que « L'emprisonnement est donc uniquement le moyen de s'assurer du citoyen jusqu'à ce qu'il soit jugé coupable, et cette mesure étant essentiellement pénible doit durer le moins de temps possible et être le moins rigoureux qu'il se peut »105. Il est fondamental que la détention préventive soit utile et brève. En pratique, les délais ne sont pas respectés. La lenteur judiciaire en est une cause. Dans un premier temps, la notion de détention préventive sera abordée (A) et dans un second temps, il sera développé l'insensibilité au temps des délais de la détention préventive (B).

A. La notion de droit à une détention brève

En droit positif togolais, le droit de toute personne d'être jugée dans un délai raisonnable est un droit constitutionnel, prévu au premier alinéa de l'article 19 qui proclame : « Toute personne a droit en toute matière à ce que sa cause soit entendue et tranchée équitablement dans un délai raisonnable par une juridiction indépendante et impartiale ». L'intention du législateur est d'éviter de garder des personnes en incarcération préventive dans un état d'incertitude et de façon prolongée. Comme le

105 C. BECCARIA, Des délits et des peines, ibidem, p. 33

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clame une maxime célèbre dont l'origine remonte à la Magna Carta106 « Justice delayed is justice denied107 ».

Le droit d'être jugé dans un délai raisonnable est une composante du droit à un procès équitable. Elle ne vise pas seulement la protection du prévenu. L'on peut lui trouver trois bienfaits. La première est dans l'intérêt de la victime, afin de lui faire droit et de permettre une réparation de son préjudice (par la sanction de l'auteur et le paiement éventuels des dommages et intérêts). La seconde est dans l'intérêt de la justice, en faveur d'une bonne administration de la justice pour ce qui concerne la collecte des preuves par exemple108. La troisième est encore dans l'intérêt de la politique criminelle, en ce qui concerne la sanction du prévenu. Très souvent, lorsque la peine est infligée longtemps après la commission de l'acte, le condamné peut peiner à faire le lien entre la sanction et le comportement incriminé. La société peut elle aussi peiner à « comprendre, surtout s'il a été remis en liberté provisoire, comment il se fait qu'il peut jouir d'une longue période de liberté sans avoir eu à subir de procès »109. Sur ce dernier point, la conséquence peut être une suspicion de corruption ou de collaboration mafieuse entre les juges et le mis en cause. Ceci contribue à une perte de confiance des justiciable en la justice.

Certaines considérations pertinentes peuvent toutefois justifier un retard dans le traitement d'une affaire. Le comité des droits de l'Homme et la cour européenne des droits de l'Homme en dresse une liste non exhaustive. Le retard peut s'expliquer par la complexité des questions juridiques déterminées110, la nature des faits à établir111, le nombre de personnes accusées ou des parties dans les procédures civiles et de témoins apportant des preuves112, ou être le résultat de toute procédure d'appel113.

106 La grande charte en Angleterre en 1215

107 Justice différée est justice refusée

108 Par exemple, la qualité des témoignages peut être dégradée après un trop long temps écoulé depuis la commission de l'infraction

109 M. GIROUX et E. O'SULLIVAN, procédure pénale, Ed. Yvon Blais, 1999, p. 76

110 Deisl c. Autriche, Comité des droits de l'homme (HRC), Communication 1060/2002, UN Doc CCPR/ C/81/D/1060/2002 (2004), par. 11.2-11.6

111 Triggiani c. Italie [1991] CEDH 20, par. 17 (partie « En droit »)

112 Angelucci c. Italie [1991] CEDH 6, par. 15 (partie « En droit »)

113 Deisl c. Autriche, Comité des droits de l'homme (HRC), ibidem

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Le délai raisonnable est appréciable à compter du moment à partir duquel une personne est arrêtée jusqu'à ce que le jugement soit rendu et que tous les appels ou les révisions applicables soient effectués. Certains critères jurisprudentiels peuvent être cités pour évaluer le caractère raisonnable de la durée de la détention avant jugement. Le Comité des droits de l'homme a considéré dans l'affaire « Teesdale c. Trinité-et-Tobago » qu'il y avait une violation au droit d'être jugé dans un délai raisonnable114. Dans une autre affaire, « Boodoo c. Trinité-et-Tobago », le Comité a également conclu que la période de 33 mois entre l'arrestation et le procès sur une accusation de vol simple, constituait un délai injustifié et ne pouvait pas être considérée comme compatible avec les dispositions de l'article 9.3 PIDCP115. Le droit à un procès rapide est plus important dans le contexte où l'accusé est privé de sa liberté.

B. L'insensibilité au temps des délais de la détention préventive

Le code de procédure pénale prévoit des délais au-delà desquels la détention avant jugement perd sa légalité. Le premier alinéa de l'article 113 CPPT énonce que l'inculpé domicilié au Togo ne peut être détenu plus de dix jours après sa première comparution devant le juge d'instruction, lorsque le maximum de la peine prévue par la loi est inférieur à deux ans d'emprisonnement. Le second alinéa prévoit que le prévenu est mis en liberté d'office lorsque la durée de la détention préventive atteint la moitié du maximum de la peine encourue. Précisément, ces deux alinéas méritent une analyse approfondie. Il est évident que le premier alinéa prescrit une détention préventive brève en cas de commission d'infractions de faible gravité. Il doit en être ainsi pour toute personne domiciliée au Togo et qui est poursuivie par exemple pour abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse116 ; violences volontaires légères117, blessures involontaires118, acte de discrimination en matière d'emploi et de profession119, etc. Le

114 En effet, la retranscription du procès dans cette affaire a montré que toutes les preuves du dossier de l'accusation avaient été recueillies avant le 1er juin 1988 et qu'aucune autre enquête n'avait été menée après cette date. Toutefois, le procès n'avait commencé qu'à partir du 6 octobre 1989.

115 « Tout individu arrêté ou détenu du chef d'une infraction pénale sera traduit dans le plus court délai devant un juge ou une autre autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires, et devra être jugé dans un délai raisonnable ou libéré. La détention de personnes qui attendent de passer en jugement ne doit pas être de règle »

116 Punie d'une peine d'emprisonnement de six (06) mois à deux (02), art 194 et suivants NCPT

117 Punie d'une peine d'emprisonnement de six (06) mois à deux (02), art 226 NCPT

118 Punie d'une peine d'emprisonnement de six (06) mois à deux (02), art 243 NCPT

119 Punie d'une peine d'emprisonnement de six (06) mois à deux (02), art 308 NCPT

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second alinéa est le plus inquiétant. En effet, il dispose « La mise en liberté est également de droit lorsque la durée de la détention préventive atteint la moitié du maximum de la peine encourue et que l'inculpé est délinquant primaire ». Sur la première condition tenant à un délai de la détention préventive correspondant au maximum de la peine encourue, il faut distinguer selon que l'infraction reprochée au prévenu est qualifiée de crime ou délit. En droit positif togolais, un prévenu poursuivi pour une infraction délictuelle, encourt au maximum cinq ans d'emprisonnement. Conformément à l'article 113.b, la mise en liberté de droit lui est acquise au terme d'une détention préventive de deux ans et six mois (30 mois). Ce délai est long et ses conséquences sont énormes pour les libertés individuelles. Il faut remarquer que ce délai légal (30 mois) se rapproche largement de celui incriminé par le comité des droits de l'homme dans l'affaire « Boodoo c. Trinité-et-Tobago » (33mois) pour violation du droit à être jugé dans un délai raisonnable. L'atteinte à la liberté individuelle est exacerbée lorsque le prévenu est poursuivi pour une infraction criminelle. Après la révision du code pénal et son adoption en novembre 2015, le maximum de la réclusion criminelle est passé à cinquante ans. Le durcissement de la sanction se justifie par la gravité des infractions reprochées120. Un accusé encourt donc une peine maximale de cinquante ans s'il est poursuivi pour « complicité d'assassinat » par exemple. Conformément à l'alinéa b de l'article 113, il ne devrait être éligible à la mise en liberté de droit qu'après vingt-cinq ans de détention. C'est insensé. Heureusement, une atténuation est apportée en matière criminelle par l'article 7 du code de procédure pénale. Au terme dudit article, l'action publique se prescrit si l'infraction n'a pas été déférée à la juridiction de jugement par citation ou ordonnance de renvoi dans un délai de « dix ans en matière de crime ». Ce délai est prolongé d'un an si l'instruction ouverte avant expiration du délai n'est pas achevée. Cette disposition ramène le quantum requis pour la mise en liberté de droit en matière criminelle à onze ans, ce qui demeure n'en demeure pas moins insensible au temps.

Par devers les délais légaux longs, bien que proscrites par la constitution en son article 13121, les détentions arbitraires sont courantes en pratique. Le droit positif togolais ne répond pas clairement à la question de savoir quand est-ce qu'une détention devient

120 Entre autres, torture, génocide, etc.

121 Art 13, al 2 de la constitution togolaise : « Nul ne peut être arbitrairement privé de sa liberté »

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arbitraire ? Trois critères ont étés dégagés par le groupe de travail sur la détention arbitraire créé en 1991 par la commission des droits de l'Homme des nations Unies. D'abord, s'il est manifestement impossible d'invoquer un fondement juridique quelconque qui justifie la privation de liberté. Ensuite, si la privation de liberté résulte de l'exercice par l'intéressé des droits ou des libertés proclamés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et, pour autant que les États concernés soient partis au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Enfin, si l'inobservation, totale ou partielle, des normes internationales relatives au droit à un procès équitable, énoncées dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et dans les instruments internationaux pertinents acceptés par les États concernés, est d'une gravité telle que la privation de liberté prend un caractère arbitraire.

Les détentions arbitraires sont courantes. À la prison civile de Lomé, un prévenu accusé de complicité de vol aggravé a été incarcéré pendant 08 ans pour enfin être libéré pour défaut de dossier. Son dossier était introuvable122. Violenté lors de l'enquête préliminaire, ce dernier a été hospitalisé pendant presque toute la durée de sa détention. À la brigade pour mineurs de Lomé en général, les mineurs poursuivis pour délit de droit commun sont le plus souvent victime de détention arbitraire. En effet, l'article 323 alinéa 2 du code de l'enfant dispose que « la durée du placement provisoire ne peut excéder trois (03) mois pour les délits... ». Ce délai n'est pas très souvent respecté en pratique.

Paragraphe 2 : L'effet de la détention préventive

Décider de priver un individu de sa liberté dans le cadre d'une procédure judiciaire est une mesure grave. Au-delà des motifs que peut avancer la jurisprudence pour légitimer le recours au placement en détention préventive, il est indéniable que le prévenu se retrouve dans une condition singulière comparativement à l'accusé demeuré en liberté. La doctrine s'est abondamment intéressée à la question de savoir quelle est la répercussion du placement en détention préventive sur la suite de la procédure (A). De nombreuses études effectuées en ces sens, ont apporté la preuve d'une différence de traitement entre le prévenu et l'accusé en liberté, notamment lors du procès. A ces

122 Il a été arrêté le 12 octobre 2011 et a été relâché le 15 octobre 2019 après intervention du directeur de l'administration pénitentiaire qui a eu connaissance de son cas lors d'une visite au cabanon

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études, il faut ajouter celles qui ont fait état de l'effet destructeur de l'incarcération avant jugement sur le prévenu (B).

A. Les effets sur la suite de la procédure

Le placement en détention préventive peut avoir des incidences sur la suite de la procédure pénale jusqu'au procès. De nombreux chercheurs ont sonné l'alarme en révélant le lien étroit qui peut exister entre le placement en détention préventive et la décision finale à l'issu d'un procès. En recoupant différentes études réalisées sur la question, la sociologue canadienne Marie-Luce Garceau, a relevé le fait suivant : au Canada les personnes qui font l'objet d'une mise en liberté provisoire ont des issues plus favorables à leur procès que celles détenues préventivement au moment du procès123. Une étude similaire a été réalisée en France par le statisticien Guillaume Vaney. À partir des chiffres du ministère de la justice, le statisticien a recensé les peines prononcées dans leur ensemble, puis les a comparés en fonction du fait que la condamnation fait suite soit à une comparution immédiate courte, soit à une détention préventive courte ou longue, ou encore à une absence de détention préventive. Il a pu observer que les personnes ayant fait de la détention préventive sont le plus souvent condamnées à des peines d'emprisonnement fermes. Il a également relevé une relative sévérité de la peine lorsque la détention préventive a été longue124.

Selon une étude de Marie-Marthe COUSINEAU « le fait pour un prévenu de se présenter devant un juge risque fort de lui être préjudiciable »125. Selon les données de ses recherches, au Canada près de 62% des accusés libres seraient reconnus coupable à l'issu de leur procès ; tandis que le pourcentage se chiffrerait à près de 86,2% pour les accusés détenus au moment de leur jugement. Cela s'expliquerait par le fait que la détention avant jugement parait inconsciemment comme un premier jugement où le suspect aurait été reconnu coupable puisse qu'on ne doit normalement recourir au

123 M. L. GARCEAU, « La détention provisoire au Québec : une pratique judiciaire courante », in Criminologie, 1990, p. 19

124 G. VANEY, La détention provisoire des personnes jugées en 2014, Ministère de la justice, 2016, note 346, p. 4

125 M-M COUSINEAU, « Détention provisoire au Québec : éléments de connaissance et propositions de réflexions », in Criminologie, Tome 2, 1995 , pp.15 et suivants

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placement en détention préventive qu'en dernier recours. Les jurés partiraient alors sur la base erronée que l'accusé placé en détention préventive serait vraisemblablement « une mauvaise personne », sinon elle aurait bénéficié d'une remise en liberté provisoire avant le jugement. Le verdict de culpabilité serait donc plus facile à émettre. Il faut ajouter à ce qui précède ce que le doyen Carbonnier a appelé « le facies carceraria », autrement dit un changement d'apparence physique, conséquence des conditions de la détention. Cette apparence antipathique influerait négativement sur la perception que peuvent avoir les jurés sur l'innocence du prévenu.

Le placement en détention préventive porte également atteinte aux droits de la défense. Le prévenu a plus de difficultés pour préparer efficacement sa défense. C'est le constat que fait le doyen Carbonnier, pour qui « il est certain que l'inculpé détenu est placé, pour l'organisation de sa défense, dans des conditions matérielles et morales beaucoup plus défavorables que l'inculpé libre126 ». Il a pu être observé que dans la majorité des cas, les accusés détenus ont des difficultés pour trouver un avocat, entrer en contact avec lui et préparer efficacement leur défense. En droit positif togolais, les avocats commis d'office ont très souvent connaissance du dossier peu de temps avant le procès. Autant de facteurs qui préjudicieraient l'efficacité de la défense du prévenu comparativement à l'accusé demeuré libre. Autre fait marquant, le choc de l'incarcération est tel que certains prévenus sont incités à plaider coupable dans l'espoir que « le cauchemar s'arrête ». Au Canada où la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité est appliquée, certains auteurs ont relevé que « l'incitatif à plaider coupable est d'autant plus grand lorsque l'infraction pour laquelle la personne est détenue préventivement est une infraction mineure car la période de détention provisoire peut souvent être plus longue que celle qui aurait été imposée si elle avait été trouvée coupable de l'infraction : donc si elle plaide coupable, elle pourra être libérée sur-le-champ127 ». Cette observation indique que le placement en détention préventive a également un impact sur le psychisme du prévenu.

126 D. TERRE, « Jean Carbonnier et la procédure pénale », in L'année sociologique, 2007, Vol. 57, p. 463

127 M-E. SYLVESTRE, C. BELLOT et N. BLOMLEY, « Une peine avant jugement ? La mise en liberté provisoire et la réforme du droit pénal canadien », in Réformer le droit criminel au Canada : défis et possibilités, Ed. Yvons Blais, 2017, p. 219.

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B. Les effets sur le présumé innocent

La détention préventive peut avoir des conséquences désastreuses sur le présumé innocent. Il se retrouve au croisé des tensions : la première est externe et la seconde interne. En ce qui concerne les effets de la détention préventive au niveau externe, l'on peut relever en premier lieu le stigmate attaché à l'incarcération. L'incarcération est perçue dans nos sociétés africaines comme une humiliation publique. Du fait de son caractère humiliant et dégradant, il ne peut être infligé qu'aux pires des criminels. Ainsi, loin d'être présumé innocent par la société, l'incarcération d'une personne avant jugement peut être perçue comme une preuve de culpabilité. Le déshonneur et l'humiliation sociale qui en découle persiste même après la libération du suspect. Cette confusion dans la perception des populations est compréhensible lorsque l'on considère la similitude des conditions dans lesquelles sont incarcérées les prévenus et les condamnés. En effet, au Togo, il n'y a pas de maison d'arrêt pour accueillir uniquement les prévenus. Ils sont donc incarcérés dans des prisons pour peines, ensemble avec les personnes condamnées. Le lien familial est largement entamé par cette rupture brutale avec le prévenu. Ce dernier perd très souvent, l'appui inestimable de sa famille au fur et à mesure que la procédure perdure. Sa santé mentale en est affectée. En effet, « Le stress, l'angoisse, les frais d'avocats, les réactions de la famille, la perte d'amis, le sort réservé aux enfants dans la cour d'école, sont tous des facteurs qui font que, lorsqu'on est accusé d'un crime, notre vie n'est plus la même »128. Pour permettre au détenu de conserver le contact avec le monde extérieur, les règles Nelson Mandela garantissent à l'article 58.1.a : le droit de recevoir des visites. Force est de constater que dans les prisons civiles du Togo, les visites aux détenus sont payantes129 sauf s'il s'agit des avocats. Il faut alors que les proches du détenu payent le droit de pouvoir rencontrer le présumé innocent incarcéré. Cette pratique est attentatoire aux droits et libertés fondamentales des personnes incarcérées conformément à l'article 58.1.a des règles Nelson Mandela. Ce « passe payant » contribue à la dégradation du lien entre les détenus et la société, notamment avec leurs familles.

128 M. GIROUX et E. O'SULLIVAN, procédure pénale, ibidem, p. 77

129 Les frais de visites sont fixés à 200 FCFA par l'administration pénitentiaire

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« Si la privation de liberté impose au condamné une gêne parfois très sensible, elle présente pour sa réadaptation sociale des difficultés certaines 130». Cette condition est également celles des prévenus en droit positif togolais. L'incarcération plonge le prévenu dans un monde inimaginable131. Il y est exposé à des risques importants pour sa sécurité physique et psychique. La surpopulation est le premier facteur à la base des violences commises dans les prisons. Le risque sécuritaire est constant pour le prévenu. Il ne peut pas seulement compter sur la sécurité qu'offre l'administration pénitentiaire puisque derrière les portes de chaque prison, les détenus ont leur propre organisation sécuritaire. Cette organisation défavorise « les faibles 132». Les violations sont légions, pourtant rares sont les dénonciations133. En ce sens, les efforts entamés par l'administration pénitentiaire et les organisations de protection des droits de l'Homme doivent être renforcés afin d'éviter que la prison ne soit un milieu de non-droit.

Le choc de la détention préventive est surtout au niveau du psychique. Nul ne peut contester l'impact irréversible que l'incarcération a sur la vie d'un individu. Plus encore, la détention préventive peut engendrer une multitude de sentiments allant de la frustration à un sentiment de colère et d'injustice au fil du temps jusqu'à une volonté de suicide parfois. Après une longue détention, il a pu être observé un trouble du comportement chez certains ex détenus, allant de la paranoïa, à la schizophrénie et à la folie134. Les longues incarcérations coupent le prévenu de sa vie et finissent par lui faire perdre tout optimisme en l'avenir étant persuadé qu'il a échoué sa vie. À terme, le détenu qui « n'espèrent plus rien en dehors de la prison135 » est plus susceptible de sombrer à nouveau dans les voies de la délinquance. La perte de repères sociaux et affectifs peut se traduire par un renfermement sur soi et une dégradation physique du détenu. Plus la détention préventive va durer et plus le prévenu risque de perdre son emploi ou de son

130 B. BOULDOC, Pénologie, Ed. Dalloz, 1991, p. 27

131 Dans le sens péjoratif

132 Ceux qui n'ont pas de moyens financiers, ceux qui ne sont pas physiquement fort, etc.

133 Selon les informations reçues à l'issues des échanges avec les détenues, il règle une certaine loi du silence que tous les détenus respectent au risque de subir des représailles de la part de leurs codétenus

134 À titre illustratif, un jeune prévenu mis en liberté provisoire après plus de quatre ans de détention préventive passé à la prison civile de Lomé dans une affaire de meurtre, présente des troubles psychiques avancés. Il est physiquement en bonne santé mais il lui arrive de perdre sa lucidité par moment. La prison a des effets dévastateurs sur les individus. Le recours à la détention préventive doit être solennel.

135 C'est véritablement la pensée de certains détenus rencontrés au cours des actions d'assistance juridique du CACIT à la prison civile de Lomé. La plupart d'entre eux sont condamnés à de longues peines et ont un faible niveau d'éducation scolaire

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activité génératrice de revenus, d'être expulsé de son logement, de manquer de moyens financiers, de vendre des biens pour payer son avocat par exemple, etc. Au-delà du prévenu, c'est sa famille qui est également sanctionnée par l'incarcération. L'incarcération est vécue par plusieurs détenus comme un bannissement, un oubli de la société. Autant de souffrances qui sont vécus par un individu frappé dans son innocence par un mandat de dépôt avant jugement.

SECTION 2 : Des conditions de détention contraires à la dignité humaine

La surpopulation carcérale est la réalité la mieux partagé dans les prisons au Togo en l'état actuel. Elle induit des conditions de détention désastreuses. Les 13 prisons civiles du Togo sont presque toutes au bord de l'implosion avec des taux de surpopulation qui culminent à 609%136. L'article 16 de la constitution togolaise prescrit en son premier alinéa « Tout prévenu ou détenu doit bénéficier d'un traitement qui préserve sa dignité, sa santé physique et mentale et qui aide à sa réinsertion sociale. ». Le constat en pratique est que peu de moyens sont disponibles pour le bon traitement des prévenus et des détenus. Il faut déjà relever l'absence d'une loi portant organisation du régime pénitentiaire137. La gestion des lieux de détention en est également affectée. Dans cette section, il sera abordé le caractère attentatoire de la surpopulation carcérale sur les droits fondamentaux (paragraphe 1) et l'insuffisance de la prise en charge dans les prisons (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La surpopulation carcérale attentatoire aux droits fondamentaux

La situation des prévenus dans les prisons civiles au Togo est alarmante. Ils ne bénéficient pas d'un traitement préférentiel ou d'une séparation catégorielle. Ils sont détenus dans des prisons pour peine, ensemble avec les condamnés. La surpopulation carcérale engendre des risques importants. La promiscuité et l'absence d'une séparation catégorielle entre les détenus produit des effets contraires aux objectifs poursuivis par la politique criminelle. Pour cerner la condition des prévenus face à la surpopulation

136 Statistique de la prison civile de Tsévié en Janvier 2020, DAPR

137 L'arrêté du 1er Septembre 1933 organisant le fonctionnement des centres de détention au Togo a été abrogé en 1992 sans être remplacé. L'avant-projet de la loi déposé en 2010 n'a pas encore été adopté

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carcérale, il convient d'aborder dans un premier temps l'absence d'une séparation catégorielle entre prévenus et condamnés (A) et dans un second temps les conséquences inéluctables de la promiscuité (B).

A. L'absence d'une séparation catégorielle entre prévenus et condamnés

La règle 11 des règles minima Nelson Mandela distingue quatre niveaux de séparation obligatoires dans les lieux de privation de liberté. La première est la séparation entre les hommes et les femmes en détention. En effet, les femmes détenues doivent être gardées dans des aires différentes de celles des hommes et leur surveillance doit également être assurée par des gardes du genre féminin. Il en va de leur sécurité physique et du respect de leur intimité. Dans les prisons civiles du Togo, cette séparation est respectée en général, même si les gardiens ne sont pas toujours du genre féminin138. Également, les fouilles sur les femmes sont effectuées par des gardes du genre féminin.

Le second niveau de séparation est celui entre les prévenus et les condamnés. Pour peu que l'on s'en soucie, il relève du bon sens que les personnes non jugées soient incarcérées dans des aires différentes de celles réservées aux personnes reconnues coupable d'avoir commis une infraction. Ces deux catégories de détenus ne devraient pas être gardées ni dans les mêmes établissements pénitentiaires, ni subirent les mêmes restrictions139 au cours de l'incarcération. En droit positif togolais, cette séparation n'est pas respectée. Il faut déjà remarquer l'absence de « maisons d'arrêt » dans le parc des infrastructures pénitentiaires au Togo. Les maisons d'arrêts sont des établissements où sont uniquement incarcérés les prévenus. Elles sont différentes des « prisons pour peines » qui elles sont affectées à la purge d'une peine de condamnation. Le Togo dispose uniquement de prisons pour peine à ce jour. La séparation en l'état actuel revient à garder les prévenus et les condamnés dans des quartiers différents. À la question de savoir si la séparation les prévenus et les condamnés est respectée au sein des prisons

138 Exemple de la prison civile de Lomé où les geôliers sont des hommes

139 En droit positif togolais, le droit de vote des prévenus n'est pas mis en oeuvre par exemple

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civiles du Togo, la plupart des acteurs de la chaine pénale rencontrés140 ont tendance à répondre par l'affirmative. Toutefois, la finesse leur recommande de conditionner cette réponse par une subtile locution : « si les conditions le permettent ». Il y a là une volonté manifeste de mettre en oeuvre les principes et règles dictant la séparation catégorielle entre prévenus et condamnés dans les lieux de détention. Toutefois, l'application de cette séparation reste tributaire de la capacité d'accueil des structures pénitentiaires. Il faut rappeler que la grande surpopulation des 13 prisons civiles du Togo ne permet pas toujours la réalisation de cet impératif. Néanmoins, la nouvelle prison civile de Kpalimé inaugurée le 21 septembre 2016 respecte la séparation entre prévenus et condamnés. Quelle est donc la portée du statut de présumé innocent si en pratique la détention préventive est similaire à une peine d'emprisonnement ? Ce sont toutes ces considérations qui amènent les spécialistes en la matière à se demander si la détention préventive n'est pas une exécution anticipée de la peine. En effet, le temps passé en détention préventive est pris en compte dans l'exécution de la peine d'emprisonnement. Ceci pourrait laisser penser que la détention préventive est une peine anticipée. En ce sens, le député et ancien ministre français Patrick Devedjan relevait le 3 avril 1998, lors d'une séance à l'Assemblée nationale portant sur la proposition de loi n° 577/98 tendant à réformer la détention provisoire que « la meilleure preuve que la détention provisoire est une pré condamnation est qu'elle est décomptée au temps de la peine »141. En droit positif togolais c'est l'article 496142 du code de procédure pénale qui prévoit l'imputation de la durée de la détention préventive sur la peine à subir.

Le troisième niveau de séparation prescrit par la règle 11 des règles minima Nelson Mandela concerne « Les condamnés à la prison pour dettes ou à une autre peine civile » et les « détenus pour infraction pénale ». Ces aménagements interviennent au cours de l'exécution de la peine. Elles sont donc étrangères aux prévenus. Le quatrième niveau de séparation concerne les jeunes détenus et les adultes. Au Togo, il n'existe qu'une

140 Au cours de notre enquête réalisée au tribunal de première instance de Lomé, à la prison civile de Lomé, à la brigade pour mineurs de Lomé et à la direction de l'administration pénitentiaire

141 V. PINEL, La détention provisoire et son impact sur les droits des justiciables, UNIVERSITÉ DE LAVAL, Canada, 2019, p.62

142 Art 496 du code de procédure pénale togolais « Quand il y aura eu détention préventive, la durée de celle-ci s'imputera sur la peine à subir à moins que le juge n'ait ordonné par une disposition spéciale que cette imputation n'aura pas lieu ou qu'elle n'aura lieu que pour partie. »

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seule structure spécialement dédiée à l'accueil des mineurs en conflit avec la loi. Il s'agit de la brigade pour mineurs de Lomé. Elle est compétente pour recevoir les mineurs arrêtés, gardés à vue ou déférés par les juridictions de Lomé et de Tsévié143. Les 11 autres prisons civiles du Togo (hormis la prison civile de Lomé et celle de Tsévié) disposent d'un quartier pour mineurs où sont gardés distinctement les mineurs en conflit avec la loi. Il faut préciser qu'à la prison civile de Tsévié, les mineurs sont détenus dans les mêmes cellules que les adultes. La principale raison de cette violation des textes est la surpopulation carcérale.

B. Les conséquences inéluctables de la promiscuité

La surpopulation carcérale a pris des proportions alarmantes depuis des années au Togo. La prison civile de Lomé qui a une capacité d'accueil de 666 personnes comptait près de 1049 détenus à la date du 31 janvier 2020 et 1105 détenus à la date du 19 mars 2020 soit un taux de surpopulation de près de 293%. La surpopulation carcérale atteint son extrême à la prison civile de Tsévié qui est la prison la plus surpeuplée au Togo. Construite pour accueillir 56 personnes, l'effectif des détenus à la prison civile de Lomé était de 341 en janvier 2020, soit un taux de surpopulation de 609%144. Les cellules sont occupées en moyenne par plus de cinquante détenus alors qu'elles sont prévues pour une quinzaine de personnes. Du fait de l'encombrement des cellules, une forte chaleur est présente145. En 2014, le SPT a visité certaines prisons au Togo (prison civile de Lomé, Notsè, Tsévié). Il a observé que les détenus disposaient d'un espace de 0.30m2 d'espace maximum pour dormir146. Dans ces circonstances nombres d'entre eux sont obligés de rester debout ou assis pendant toute la nuit et ne peuvent donc dormir.

La contamination criminelle peut être définie comme un processus de transmission de l'identité criminelle et d'apologie de la délinquance observable lorsque des personnes condamnées pour des peines mineures sont incarcérées pendant un temps plus ou moins

143 Avec la pandémie de la COVID-19, des mineurs détenus y ont été transférés depuis mars 2020, en provenance des prisons civiles de Vogan, Notsè et Aného

144 Selon les statistiques de la DAPR en Janvier 2020

145 Atteignant plus de 40 °C dans certains cas (Voir Rapport du SPT, Visite au Togo menée du 1er au 10 décembre 2014 : observations et recommandations adressées à l'État partie, par. 22, p. 6)

146 Observation de l'expert et rapporteur du CAT Claude HELLER ROUASSANT lors du passage du Togo devant le CAT en juillet 2019

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long, avec des personnes condamnées pour des crimes graves. De nombreux criminologues s'entendent d'ailleurs pour affirmer que la prison est une « école du crime ». En 1975, le philosophe français Michel Foucault publie un essai qui aura de l'influence : « Surveiller et punir. Naissance de la prison ». Il y relève que les critiques formulées depuis longtemps contre le système carcéral sont toujours d'actualité. En effet, la prison ne diminue pas la criminalité, elle constitue plutôt l'école du crime et fabrique même indirectement des délinquants en appauvrissant la famille du détenu147. Lors d'une visite de monitoring à la prison civile de Lomé le 13 février 2020, un débat participatif a été animé avec les détenus membres du « club sentinelle148 » créé par le CACIT. Ces derniers ont été invités à se prononcer sur la question de savoir si la prison était une bonne ou une mauvaise école selon leur expérience. Les avis étaient partagés. Certains soutenaient que la prison était une bonne école. Selon ceux-là, la prison leur avait permis de prendre conscience de leur état d'ignorance face à la loi pénale et de la nécessité de la prudence dans les affaires quotidiennes. La majorité des autres personnes ont soutenu par contre que la prison était une mauvaise école. Selon ces derniers, le comportement de certains détenus s'empire après leur incarcération149. Ils ont affirmé qu'au sein des prisons, la violence est le langage privilégié. Il faut paraitre dangereux et être violent pour mériter le respect et avoir de la quiétude selon eux. En effet, l'incarcération peut renforcer le parcours criminel et socialiser le détenu avec des cercles criminogènes. Alexis de Tocqueville écrivait en ce sens « On sait qu'une des sources les plus fécondes de corruption parmi les détenus est la conversation qu'ils ont entre eux. Elle n'a jamais d'autre objet que le récit des crimes passés, ou le projet de nouveaux attentats. C'est dans ces entretiens que la théorie du crime est professée hautement, dans une sorte d'enseignement mutuel où, le crime étant le seul titre aux suffrages de tous, chacun fait valoir ses forfaits et se dispute les honneurs de l'infamie150 ». Il est à craindre que la promiscuité ait perverti la mission assignée à la prison, lui enlevant sa fonction dissuasive. La prison serait « criminogène » en raison de l'absence de séparation catégorielle entre détenus, du fort taux de surpopulation et des

147 M-C. LAVOIE, « Un aperçu des alternatives à l'incarcération », in Alter justice, p. 6

148 Club juridique des détenus à la prison civile de Lomé créé le CACIT pour sensibiliser les détenus sur leurs droits et les former à soumettre des requêtes

149 Rapport de visite à la prison civile de Lomé, 12 février 2020, CACIT, p. 2

150 A. Tocqueville, Écrits sur le système pénitentiaire en France et à l'étranger, Tome IV, Gallimard 1984, p. 58

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mauvaises conditions de détention. La situation des prévenus est doublement inquiétante. Plongés dans ce monde inimaginable malgré l'absence d'une preuve certaine de leur culpabilité, ils apprennent malgré eux à y survivre. Au minimum, cet état de fait est ressenti comme une « injustice » par tous ceux qui ont le fatal privilège d'être incarcéré dans le cadre d'une procédure pénale avant jugement. Ce qui contribue à cristalliser la crise de confiance entre le système judiciaire et les citoyens151.

Paragraphe 2 : L'insuffisance de la prise en charge dans les prisons

En 2012, à l'issue de l'examen des 3e, 4e et 5e rapports périodiques combinés de l'État togolais par la commission africaine des droits de l'Homme et des peuples, la commission avait recommandé au gouvernement de « prendre toutes les mesures nécessaires en vue d'améliorer les conditions de détention et la qualité des repas servis aux prisonniers » et de « respecter les normes minimales acceptables au niveau régional et international en matière de logement des détenus152 ». En effet, il se pose un problème de prise en charge efficiente des détenus dans les prisons. Entre autres, la prise en charge alimentaire est insuffisante (A) et la prise en charge sanitaire lacunaire (B).

A. Une prise en charge alimentaire insuffisante

Au Togo, c'est l'administration pénitentiaire et de la réinsertion qui est la structure chargée de la gestion des prisons. Elle est rattachée au ministère de la justice depuis le décret n°92-40/PMRT du 12 février 1992 portant rattachement de l'Administration pénitentiaire au ministère de la justice. C'est elle qui se charge de la prise en charge alimentaire de tous les détenus. Le droit à une bonne alimentation est reconnu à tout détenu par la règle 22.1 des règles Nelson Mandela : « Tout détenu doit recevoir de l'administration pénitentiaire aux heures habituelles une alimentation de bonne qualité, bien préparée et servie, ayant une valeur nutritive suffisant au maintien de sa santé et de ses forces. Chaque détenu doit pouvoir disposer d'eau potable lorsqu'il en a besoin ». Selon le diagnostic du milieu carcéral togolais en 2019, présenté par madame KODJOLO Koudjoukalo Eugénie, chargée du suivi de la population carcérale, de

151 Observation relevée dans la recommandation 9 du volume 1 du rapport final de la CVJR

152 CADHP, Observations finales et recommandations relatives aux 3e, 4e et 5e rapports périodiques cumulés de la République du Togo, 51e session ordinaire, 18 avril - 2 mai 2012, Banjul, Gambie, § 73(xv)

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l'action sociale et de la réinsertion au Togo ; il apparait que la prise en charge alimentaire des détenus au Togo a connu des fluctuations au fil du temps. Le tableau153 se présente comme suit :

 

Budget annuel alloué à l'alimentation

Effectif moyen des

détenus

Montant quotidien alloué à la restauration de chaque détenu

Avant 2011

300 millions F CFA

4000

208 F CFA

2011

330 millions F CFA

4163

220 F CFA

2012

330 millions F CFA

4053

226 F CFA

2013

380 millions F CFA

3994

260 F CFA

2014

400 millions F CFA

4134

265 F CFA

2015

300 millions F CFA

4300

191 F CFA

Depuis 2015

300 millions

4450 à 5000

166,66 F CFA

À l'analyse, le constat est que le montant quotidien alloué à la restauration de chaque détenu (166 F CFA en 2019) est insuffisant pour offrir deux repas aux détenus par jours. Un seul repas est donc assuré aux détenus154 par jour. En 2016, la CNDH dans son rapport dans le cadre de l'examen périodique universel, soulignait au paragraphe 10 que « Les détenus sont sous alimentés tant sur le plan quantitatif que qualitatif. La ration alimentaire n'est que d'un repas par jour ». Il est évident que l'autorité publique ne fournit pas à l'administration pénitentiaire les moyens suffisants pour une bonne prise en charge alimentaire. L'administration pénitentiaire consciente de cette défaillance autorise les détenus à faire leur propre cuisine à l'intérieur des prisons avec l'aide extérieur de leurs familles. Une épicerie est d'ailleurs gérée par l'administration au sein

153 Informations fournies dans le Diagnostic du milieu carcéral togolais, DAPR, 2019

154 Détenus du genre masculin puisque les détenus du genre féminin font individuellement leur cuisine

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de la prison de Lomé. Il y est vendu des articles tels que du riz, de l'huile, du poisson, des tomates, etc. Quelques personnes de bonne volonté ainsi que des OSC apportent également aux détenus leur aide en ce sens.

Du coté des femmes détenues à la PCL, la prise en charge alimentaire s'effectue autrement. Périodiquement, l'administration leurs partages des denrées alimentaires tels que du haricot, du riz, des petits poissons, de l'huile, du gari, du piment, etc. D'après les informations obtenues auprès d'une détenue155, la prise en charge alimentaire a régressée au fil des années. Au cours des années 2014 à 2016, la répartition de la ration alimentaire aux détenues se faisait chaque quinzaine. Les denrées étaient ensuite reparties par bâtiments quel que soit le nombre de détenues. À partir des années 2017 à 2020, l'administration a réduit la fréquence des répartitions de rations alimentaires et les détenues ne recevaient plus qu'une ration par mois. De façon générale, certains besoins primaires et fondamentales tels que l'accès à l'eau potable ne sont pas garanties dans toutes les prisons. Récemment, avec l'apparition de la pandémie mondiale du COVID-19, la crise sanitaire a démontré une capacité de réaction du gouvernement togolais quant à la prise en charge alimentaire des détenus. En effet, par un communiqué en date 09 avril 2020, le ministre de la justice a annoncé la suspension des visites dans l'ensemble des treize prisons civiles du Togo, au cabanon156 et à la brigade pour mineurs de Lomé à partir du lundi 13 avril 2020157. En guise de mesures d'accompagnement, il a été observé que l'administration pénitentiaire s'est réorganisée afin d'offrir un second repas à tous les détenus dans l'ensemble des lieux de détention touchés par la restriction. Même si ces mesures ont été prises dans un contexte particulier158, c'est bien une preuve que des efforts peuvent être effectués en faveur d'une meilleure prise en charge alimentaire des détenus au Togo.

155 Au cours des visites de monitoring avec le CACIT

156 Le Cabanon est une unité de soins dédiée à la prise en charge des détenus malades de la prison civile de Lomé. Ce centre est situé au sein du Centre hospitalier universitaire Sylvanus Olympio

157 Pour prévenir la propagation du COVID-19 dans les lieux de détention, il était important de limiter les contacts avec le milieu extérieur.

158 Avec l'appui des partenaires techniques et financiers

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B. Une prise en charge sanitaire lacunaire

Le droit à la santé est un droit fondamental pour tout être humain, quel que soit sa condition. L'État a la responsabilité d'assurer des soins de santé aux détenus dans les meilleures conditions. Le droit à la santé des détenus est proclamé par la constitution togolaise en son article 16159. Il en est de même à la règle 24 des règles Nelson Mandela160. L'administration pénitentiaire prend les mesures idoines pour mettre en oeuvre l'accès aux soins de santé. Pour ce faire, l'article 41 du code de la santé publique du Togo dispose que « Les établissements pénitentiaires et autres locaux de détention doivent être dans un bon état d'hygiène, bien aérés et éclairés. Ils sont soumis à un contrôle sanitaire permanent ». En général, s'agissant de l'accès des détenus aux soins de santé, trois observations peuvent être faites. Premièrement, chacune des 13 prisons civiles ne dispose pas d'infirmerie. C'est le cas de la prison civile de Tsévié et celle de Kanté. Lorsque les détenus sont malades, ceux-ci doivent le signaler à l'administration qui selon leur constat requiert les services d'un infirmier à l'externe. Ce dernier après consultation peut prescrire des médicaments dont la prise en charge est attribuée de facto au patient ou demander que le détenu malade soit transféré dans un hôpital à l'extérieur.

Deuxièmement, il y a les difficultés liées à la permanence du personnel soignant ainsi que l'accessibilité des soins en cas d'urgence sanitaire. Il faut relever que des crises de maladies se déclenchent souvent pendant la nuit lorsque les détenus sont « entassés » dans les cellules161. À la brigade pour mineurs de Lomé comme à la prison civile de Lomé par exemple, les infirmiers ne font pas de garde pendant la nuit. Lorsqu'un cas urgent de maladie se déclenche en pleine nuit, il est quasiment impossible de l'évacuer avant la reprise du service le lendemain. Ils arrivent ainsi que des détenus piquent des

159 « Tout prévenu ou détenu doit bénéficier d'un traitement qui préserve sa dignité, sa santé physique et mentale et qui aide à sa réinsertion sociale »

160 « L'État a la responsabilité d'assurer des soins de santé aux détenus, ceux-ci devant recevoir des soins de même qualité que ceux disponibles dans la société et avoir accès aux services nécessaires sans frais et sans discrimination fondée sur leur statut juridique »

161 Un détenu à la PCL rapporte qu'à cause de la surpopulation, une chaleur « insupportable » règne pendant les nuits.

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crises d'asthme ou qu'une maladie qui tardait à être prise en charge162 se déclenche violemment la nuit. Pour tenter de venir en aide au détenu et le faire évacuer à l'hôpital, les codétenus doivent faire assez de bruit163 en espérant alerter les gardes. Très souvent, le détenu souffrant est extrait de la cellule et placé dans un espace plus aéré. Il ne sera évacué que le lendemain matin. Des détenus rapportent que plusieurs détenus meurent dans ces conditions. Un exemple tragique est celui d'une détenue qui a perdu ses deux jumeaux à la prison civile de Lomé le 11 décembre 2015 faute d'assistance, en pleine journée. Le site internet164 qui a relayé l'information rapporte le témoignage d'une codétenue sur cette affaire165. L'indifférence des agents de l'administration pénitentiaire a eu raison de la vie de ses « deux jumeaux ». Selon le bilan établi par le greffe de la prison civile de Lomé, treize détenus serait mort courant l'année 2019. Les causes du décès ne sont pas spécifiées.

Le troisième constat, sans doute le plus tragique pour l'accès aux soins de santé des détenus en droit positif togolais est la prise en charge des frais médicaux par les détenus. Il faut préciser que la prise en charge est gratuite dans l'infirmerie du lieu de détention. La difficulté se pose lorsque le détenu malade doit être transféré dans un hôpital à l'extérieur. En effet, vu la faible capacité de prise en charge sanitaire des infirmeries mises en place à l'intérieur des prisons, la plupart des détenus malades sont évacués dans de plus grands hôpitaux à l'extérieur de la prison pour une ample prise en charge sanitaire. Les frais occasionnés sont à la charge du détenu. Par exemple, à la prison civile de Lomé, le détenu malade doit lui-même payer le bon de consultation de l'hôpital avant d'être évacué. S'il ne paye pas, il n'est pas évacué, quel que soit la gravité de son état de santé. Le bon de consultation varie entre 2000f et 3000f. Également, la prise en charge

162 Parfois, soit parce que le détenu n'a pas de quoi payer le bon de consultation nécessaire avant toute évacuation ou soit parce que les agents de l'administration minorent le mal en pensant que le détenu n'est pas véritablement malade.

163 En cognant les portes avec du métal et en criant « à l'aide ! »

164 https://www.27avril.com/blog/culture-societe/societe/togo-nouveau-drame-a-la-prison-civile-de-lome-
agouze-kafui-une-detenue-accouche-et-perd-ses-jumeaux-nouveau-nes-par-manque-de-soutiens, consulté le 20 février 2020 à 21h51

165 « C'est depuis le matin que nous avons alerté les Surveillants de l'administration pénitentiaire parce qu'une de nos camarades codétenues était sur le point d'accoucher. Mais ils ne sont pas venus voir ce qui se passe. Ils nous ont dit qu'il n'y a pas d'essence dans la voiture pour conduire la détenue à l'hôpital. On s'est débrouillé pour faire sortir les bébés ».

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des soins, c'est-à-dire le paiement des analyses et des produits pharmaceutiques est à la charge des détenus166. La plupart des détenus qui n'ont pas leur famille dans la circonscription de la prison où ils sont incarcérés sont pris dans cet étau, incapable de prendre en charge leurs soins. Il faut également préciser que « Aucune des prisons visitées ne dispose d'ambulance. Exceptée celle de Lomé, aucune ne dispose de réfrigérateur pour la conservation des produits pharmaceutiques.167 »

Il a également été observé que les détenus ne sont pas soumis à un bilan de santé à leur entrée et à leur sortie de la prison. Ainsi, les porteurs de maladies contagieuses contaminent d'autres détenus. Récemment, dans le contexte de l'épidémie du COVID-19, cette pratique a facilité la propagation du virus au sein de la population carcérale au Togo. Les détenus devraient se faire analyser par un médecin avant leur admission dans un établissement pénitentiaire. Ceci permettra de lutter contre la contamination et la propagation des maladies épidermiques (gale, poux, etc.) et pestilentielle. Également l'équipement des prisons devraient être revus afin que des sanitaires soient installés dans chacun des bâtiments. En l'état, les détenus de la prison civile de Lomé par exemple n'ont pas accès aux toilettes entre 17 heures et 6 heures du matin, lorsqu'ils sont enfermés dans les cellules.

En droit positif togolais, d'importantes garanties de protection du droit à la liberté à l'épreuve de la détention préventive sont prévues. Toutefois, comme nous avons pu le constater, des défis demeurent. Au regard de ces lacunes, il urge d'y apporter solutions.

166 Qui se font aider souvent par leur famille ou par des organisations de défense des droits de l'Homme, telles que le CACIT, la SMPDD

167 Rapport d'activités, Exercice 2019, CNDH, p. 124

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SECONDE PARTIE : Un renforcement

nécessaire

La première partie de l'analyse a permis de présenter le dispositif de protection du droit à la liberté à l'épreuve de la détention préventive en droit positif togolais. D'importants acquis ont pu être relevés. Il est apparu que le législateur togolais accorde une grande importance à la condition des personnes en conflit avec la loi, surtout, lorsque ces derniers risquent de perdre leur droit à la liberté dans le cadre d'une procédure avant jugement. La règle qui prévaut en la matière est le principe d'exception de la privation de liberté. Dans le cas où le recours à une mesure restrictive de liberté s'avère nécessaire, le législateur a consacré des mesures de contrôle judiciaire pour servir d'alter moyen au placement en détention préventive. La protection du droit à la liberté demeure toutefois limitée. En effet, des limites sont observables tant au plan normatif que dans la pratique.

Il appert qu'un renforcement du régime de la détention préventive permettrait une meilleure protection du droit à la liberté dans la procédure pénale avant jugement en droit positif togolais. Aussi, il sera abordé dans un premier temps les axes de réformes envisageables (Chapitre 1) puis dans un second temps, le renforcement du contrôle du respect des garanties de protection du droit à la liberté (Chapitre 2).

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CHAPITRE 1 : Les axes de réformes envisageables

Le régime de la détention préventive souffre de l'absence d'un dispositif de réparation de la détention préventive injustifiée. En effet, les détentions préventives injustifiées sont courantes. Il est urgent que le législateur mette en place un régime de réparation de la détention injustifiée. C'est en effet un droit auquel doivent pouvoir prétendre toutes les victimes de détention injustifiée, sous certaines conditions. Sur le champ des réformes, d'importants acquis sont à relever. Certaines pistes de solution nécessitent cependant une attention soutenue et particulière du législateur. Dans cet ordre des idées, il sera abordé dans un premier temps le renforcement du cadre légal et institutionnel (Section 1) puis dans un second temps, la nécessité d'un régime de réparation de la détention préventive injustifiée (Section 2).

Section 1 : Le renforcement du cadre légal et institutionnel

Le régime de la détention préventive mérite d'être réformé afin de renforcer la protection du droit à la liberté ainsi que son effectivité à l'épreuve de la détention préventive. Le législateur togolais est conscient de cette nécessité. Pour y pallier, des réformes sont d'ores et déjà engagées et d'autres sont annoncées. Toutefois, à lumière des bonnes pratiques dans les législations voisines, certaines pistes de solutions méritent une attention particulière. À cet effet, il sera abordé dans un premier temps, les réformes engagées pour la protection du droit à la liberté (Paragraphe 1) et dans un second temps les pistes de solutions envisageables (Paragraphe 2)

Paragraphe 1 : Les réformes engagées pour la protection du droit à la liberté

Le législateur est instruit des limites observables dans le dispositif de protection des droits fondamentaux des personnes poursuivies en général. Les autorités publiques en ont conscience également. Elles ont acté progressivement en faveur de l'amélioration du régime de la détention préventive. Comme il le sera analysé, ces réformes concourent en majorité à la mise en place progressive des conditions requises pour une meilleure protection du droit à la liberté de toute personne poursuivie en droit positif togolais.

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Toutefois, des avancées restent attendues. En faveur de la protection du droit à la liberté lors de la détention préventive, des avancées notoires (A) sont identifiables tandis que d'autres restent attendues (B).

A. Des avancées notoires

Pour renforcer la protection du droit à la liberté, le législateur a procédé à l'adoption de la loi n° 2015-010 du 24 novembre 2015 portant nouveau code pénale au Togo. En ce qui concerne l'amélioration du traitement des personnes poursuivies, le nouveau code pénal togolais a le mérite de criminaliser les actes de torture en ses articles 198168 et suivants. Il faut rappeler qu'en 2012, la commission africaine des droits de l'Homme avait recommandé au gouvernement togolais de « veiller à ce que tous les auteurs des actes de torture soient poursuivis169 ». Cette réforme est aujourd'hui effective en droit positif togolais. La torture de toutes personnes, notamment celles en détention, est un crime imprescriptible en droit positif togolais. Une autre réforme majeure est également l'adoption de la loi n° 2019-015 portant code de l'organisation judiciaire du 30 octobre 2019. La principale plus-value de l'adoption de cette loi est sa contribution à la lutte contre la lenteur judiciaire au Togo. En effet, le législateur crée des tribunaux criminels170 et des cours criminelles d'appel171 qui sont des juridictions compétentes pour juger en premier ressort et en appel toutes les infractions qualifiées de crime. Le droit positif togolais tourne ainsi la page des cours d'assises. Avec la création de ces nouvelles juridictions, les affaires criminelles seront traitées avec plus de célérité. Cette réforme permettra de lutter contre les détentions prolongées et de fixer les détenus sur leur sort dans un délai raisonnable. Il faut également relever les efforts en faveur de

168 Art 198 NCPT « Le terme «torture» désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d'un acte qu'elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d'avoir commis, de l'intimider ou de faire pression sur elle ou d'intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu'elle soit.

Ce terme ne s'étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant uniquement de sanctions légitimes, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles. »

169 CADHP, Observations finales et recommandations relatives aux 3e, 4e et 5e rapports périodiques cumulés de la République du Togo, 51e session ordinaire, 18 avril - 2 mai 2012, Banjul, Gambie, § 73(xv)

170 Art 67 et 68 de la nouvelle loi sur l'organisation judiciaire du 30/10/2019

171 Art 67 et 68 de la nouvelle loi sur l'organisation judiciaire du 30/10/2019

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l'amélioration des conditions de détention, notamment la construction de la nouvelle prison de Kpalimé172 ; la rénovation de certaines prisons civiles173, la rénovation et l'agrandissement du cabanon avec la création d'un quartier pour femmes, etc.

Les acteurs du monde judiciaire sont également impliqués dans l'effectivité de la protection du droit à la liberté. Ainsi, le tribunal de Lomé a adressé au directeur général de la police nationale et au directeur général de la gendarmerie nationale, un courrier en date du 02 février 2019 en vue de la fixation d'une heure limite pour les déferrements au parquet d'instance Lomé. Aux termes de cette missive, l'heure limite de déferrement au parquet de Lomé est fixée à 15h au plus tard, sauf en cas de nécessité de service. La raison de cette préoccupation est fondée sur la volonté de lutter contre les détentions arbitraires, le phénomène dit du « double mandat de dépôt » et celui du « vendredi soir174 ». Cette mesure vise à laisser suffisamment de temps au parquetier et ensuite au juge d'instruction pour connaitre de l'affaire dans les horaires de service et éviter qu'un individu ne soit incarcéré pour cause d'un déferrement tardif. L'administration pénitentiaire s'est également dotée d'un logiciel de gestion des prisons (application permettant l'enregistrement biométrique des détenus au niveau du greffe de chaque établissement pénitentiaire ainsi que les enregistrements de stock alimentaires, etc.175).

L'une des raisons du recours abusif à la détention préventive est le manque de garantie de représentation. Pour lutter contre le défaut de garantie de représentation, les travaux d'adressage effectués dans certaines villes du Togo constituent un grand atout. Également, la mise en oeuvre du projet d'identification nationale biométrique (e-ID Togo) annoncé par le PND sera une plus-value pour une meilleure garantie de représentation des personnes.

172 Le 21 septembre 2016

173 Par exemple, réhabilitation de la prison civile de Dapaong en février 2017

174 Hormis les cas de flagrants délits, seul le juge d'instruction a le pouvoir de placer le suspect en détention préventive. Mais en pratique, le procureur décerne mandat de dépôt même dans les affaires ne constituant pas des flagrants délits. Plus tard, lorsque le prévenu est appelé devant le juge d'instruction, ce dernier l'inculpe formellement en antidatant le mandat de dépôt à la date où le procureur avait ordonné le placement en détention préventive de ce dernier. C'est le phénomène du double mandat de dépôt.

175 https://togopresse.tg/les-acteurs-se-familiarisent-avec-le-logiciel-de-gestion-informatique-des-prisons-a-
kpalime/, consulté le 22 juin 2020 à 19h43

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B. Des réformes attendues

L'écrivain et philosophe français Voltaire écrivait « Le mieux est le mortel ennemi du bien176 ». Loin de se contenter des réformes réalisées, il est important que la dynamique soit renforcée. Le ministre chargé des droits de l'Homme dans son allocution devant le comité contre la torture en juillet 2019 a affirmé que « Le gouvernement de la république togolais n'est pas dans le déni, il n'est pas dans l'autosatisfaction et il n'est pas non plus dans l'autocongratulation... Il mesure les progrès qu'il accompli, s'efforce de maintenir un rythme constant et continuel de réforme pour renforcer la jouissance pratique des droits de l'Homme dans une démarche sûr qui consolide les acquis tout en faisant de nouveaux progrès. ». Plusieurs réformes ont été annoncées et restent très attendues. Ces réformes viendront renforcer la protection du droit à la liberté lors de la détention préventive. Il s'agit d'abord de l'adoption d'un nouveau code de procédure pénale. En effet, cette adoption permettra au législateur de revisiter les dispositions légales de protection du droit à la liberté lors de la détention préventive pour y adjoindre des garanties supplémentaires (motifs de la détention préventive, motivation spéciale de l'ordonnance de placement en détention préventive, etc.), et renforcer les garanties existences (réformer les délais de la détention préventive, etc.). L'adoption d'un nouveau code de procédure pénale favorisera également la mise en oeuvre des alternatives aux poursuites judiciaires, prévus par le nouveau code pénal : la médiation pénale177 et de la composition pénale178. Ces mesures de substitution à l'emprisonnement viennent s'ajouter au contrôle judiciaire et à la remise en liberté provisoire pour donner des moyens pluriels de protéger le droit à la liberté des personnes poursuivies.

Une autre réforme, très attendue est l'adoption d'une nouvelle loi portant organisation du régime pénitentiaire. Le régime pénitentiaire était encadré par l'arrêté du 1er septembre 1933 organisant le fonctionnement des centres de détention au Togo. Il a été abrogé en 1992 sans être remplacé. Un avant-projet de la nouvelle loi portant organisation du régime pénitentiaire a été déposé en 2010 devant les parlementaires.

176 Voltaire, « Contes en vers », in La Bégueule, Ed. Garnier, 1877, p. 50

177 Art 59 et 60, NCPT

178 Art 61 et 62, NCPT

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L'adoption de cette loi viendra réorganiser le régime pénitentiaire au Togo. Il aura sans doute l'avantage de consacrer en droit togolais l'ensemble des droits fondamentaux reconnus aux détenus par les instruments internationaux de droits de l'Homme. Outre l'adoption de la nouvelle loi sur le régime pénitentiaire, l'amélioration des conditions de détention au Togo reste un défi à relever. Lors du passage du Togo devant le CAT en juillet 2019, le ministre Christian TRIMUA avait affirmé que le gouvernement a mis en réflexion la conception et la mise en oeuvre d'un programme d'amélioration des infrastructures pénitentiaires, ce qui résoudrait de facto la question de la surpopulation carcérale par l'agrandissement des infrastructures et la précarité des conditions de détention. Dans ce sens, le ministre garde des sceaux a affirmé qu'un projet de construction d'une nouvelle prison était à l'étude dans les environs de Lomé179. Selon l'information relayée sur le site officiel de la république togolaise le 07 avril 2020, le site de la nouvelle prison aurait déjà été identifié. Le projet de construction d'une nouvelle prison à Lomé intervient après que le CAT ait recommandé au gouvernement, d'envisager la fermeture définitive de la prison civile de Lomé180. Sa « structure même n'est plus adaptée au temps, aux exigences des conditions modernes de détention et du respect des droits de l'Homme, tant des détenus que du personnel pénitentiaire ». C'est un signal fort pour démarrer une modernisation globale des infrastructures pénitentiaires au Togo, dont la plupart datent de l'époque coloniale et sont dans un état de délabrement avancé. Il faut aussi rappeler qu'en février 2019, un nouveau registre de garde à vue uniformisé et standardisé conforme aux lignes directrices Luanda a été adopté. Légitimement, la prochaine étape sera l'adoption d'un registre de détention préventive uniformisé, standardisé et conforme aux lignes directrices Luanda.

Paragraphe 2 : Les pistes de réformes envisageables

Le législateur togolais est avisé. Il a consacré plusieurs mesures pour renforcer la protection du droit à la liberté lors de la détention préventive. Il s'agit notamment des alternatives à l'emprisonnement instituées par le nouveau code pénal, et dont la mise en

179 https://www.republicoftogo.com/Toutes-les-rubriques/Justice/Construction-d-une-nouvelle-prison-a-Lome, consulté le 22 février 2020 à 16h43

180 Recommandation formulée par Claude HELLER ROUASSANT, expert et rapporteur du CAT lors du passage du Togo en juillet 2019

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oeuvre sera effective avec l'adoption du nouveau code de procédure pénale. Néanmoins, certaines pistes de solutions méritent une attention particulière du législateur. Il s'agit notamment de l'institution du juge des libertés et de la détention (A) et de la protection des groupes vulnérables en détention préventive (B).

A. L'institution du juge des libertés et de la détention

L'institution d'un juge des libertés et de la détention en droit positif togolais est une nécessité. Le rôle principal du juge d'instruction dans la procédure pénale avant jugement est de procéder en toute impartialité181, « conformément à la loi, à tous les actes d'information qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité182». C'est dans l'accomplissement de cette mission qu'il a le pouvoir de prendre des mesures contraignantes. Il est nécessaire de recentrer le juge d'instruction dans sa fonction originelle d'« enquêteur de la justice ». Il faut obligatoirement une séparation entre la fonction de d'investigation et celle chargée d'apprécier la nécessité d'un placement en détention préventive. Il a pu être observé que les cabinets d'instruction font parfois usage du placement en détention préventive dans l'intention d'obtenir des informations utiles à l'enquête qu'ils mènent. Dans le « Rapport sur le respect et la mise en oeuvre des droits de l'Homme et des libertés fondamentales dans l'administration de la justice au Togo », publié en 2013, le HCDH-Togo a fait remarquer que « le mandat de dépôt devient parfois un moyen de pression sur les justiciables pour régler certains litiges pour lesquels d'autres procédures sans placement sous mandat de dépôt sont parfaitement adaptées ». Il s'agit là d'une limite fonctionnelle. Le juge d'instruction est amené à assumer deux fonctions, non contradictoire en soi mais ; dont la conjonction est inéluctablement nocive à la protection du droit à la liberté. À cette limite pratique, l'analyse a relevé le caractère fortement inquisitoire de la procédure actuelle, laissant très peu de place aux droits de la défense. Il est urgent que le législateur togolais mette en place un débat contradictoire au moment de l'appréciation de la nécessité du placement en détention préventive. C'est l'une des multiples raisons pour lesquels le

181 Ce qui est une lourde charge lorsqu'on considère que le même magistrat a la charge de mener l'enquête à charge et à décharge sans prendre partie

182 Art 64 CPPT

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droit positif togolais doit évoluer vers la création d'un juge indépendant chargé de l'appréciation in concreto de la nécessité d'un placement ou d'un maintien en détention préventive.

Toutefois, il ne faut pas se voiler la face : la création du juge des libertés et de la détention n'est pas la panacée. L'expérience du JLD dans les législations qui l'ont mis en place a révélé des failles. L'un des exemples notables de cette décennie est le scandale de l'affaire dite d'Outreau en France. Cette affaire débute en l'an 2000 et se transforme vite en un fiasco judiciaire à cause d'un dysfonctionnement attribué dans une large mesure au JLD. C'est au total de 18 personnes qui sont placés en détention préventive, dont une majorité clame leur innocence. L'une de ces personnes183 se suicidera en prison, n'ayant pas supporté la pression médiatique avilissante. Les conséquences de cette affaire sont terribles : seulement 4 personnes sont condamnées et 13 personnes sont innocentées après près de trois ans de détention préventive. La plupart d'entre eux auront perdu leur emploi, la garde de leurs enfants, leur bonne réputation, etc. Le « double regard » impartial du JLD n'avait pas fonctionné. Le ministère de la justice de France a chargé une commission de faire des recommandations sur le traitement judiciaire de l'affaire d'Outreau. Il a conclu qu'il fallait modifier le statut du juge d'instruction pour valoriser sa fonction au sein des juridictions. Il s'agit entre autres de la consécration d'une fonction permanente au JLD au sein des juridictions. Un ou plusieurs magistrats seront affectés à cette fonction exclusive. Cela permettra au JLD de « se concentrer sur le contentieux de la détention provisoire et suivre de façon permanente l'instruction préparatoire184 ». Des pistes de solution existent pour parfaire le statut du JLD et lui permettre de remplir pleinement le rôle qui lui est assigné par la loi, au lieu de demeurer le « Béni oui-oui » du juge d'instruction comme la plupart le clament.

183 Il s'agit de François MOURMAND, surnommé « la victime oubliée d'Outreau ». Il était ferrailleur de métier, et s'est donné la mort par une surdose médicamenteuse en détention préventive, le 09 juin 2002 à 32 ans. Il a clamé son innocence jusqu'à la fin

184 T. T. L. PHI, La détention provisoire : Étude de droit comparé droit français et droit vietnamien, Thèse de doctorat en droit, Université MONTESQUIEU, France, 2010, p. 146

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B. La protection des groupes vulnérables en détention préventive

Selon la définition du doyen Gérard CORNU, la vulnérabilité est la « situation d'une personne en état de faiblesse, en raison de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique ou encore d'un état de grossesse185 ». Du fait de leur état, les personnes vulnérables sont particulièrement fragilisées lorsqu'elles sont incarcérées. En effet, les personnes vulnérables ont des besoins spécifiques dues à leur état. La prise en charge de ces besoins devient particulièrement difficile lorsqu'ils sont incarcérés. Ils ont également des capacités réduites pour résister à certaines difficultés liées à l'incarcération. Les « lignes directrices sur les conditions d'arrestation, de garde à vue et de détention provisoire en Afrique » encore appelées « Lignes directrices de Luanda » distinguent, à la Partie 7, quatre groupes de personnes vulnérables. Le premier groupe est composé des mineurs en détention ; le second groupe des femmes en détention ; le troisième des personnes handicapées et le quatrième groupe des non-ressortissants. La liste est non exhaustive186. Les personnes vulnérables en détention doivent bénéficier de mesures spéciales de protection. Ce traitement spécifique ne peut pas être considéré comme discriminatoire187.

Au Togo, certaines mesures ont été prises pour pourvoir aux besoins spécifiques des personnes vulnérables en détention. Il s'agit entre autres de la création de deux centres spécialisés : la brigade pour mineurs de Lomé qui accueille les mineurs en situation de conflit avec la loi et l'Hôpital psychiatrique de Zébé qui accueille entre autres, les détenus souffrants de troubles psychiatriques. Il faut également rappeler l'effort de séparation catégorielle entre hommes et femmes, adultes et mineurs dans les prisons civiles du Togo. Le droit à la séparation catégorielle de certains groupes de détenus vulnérables (femmes, enfants, etc.) est un acquis des droits fondamentaux des personnes détenues. Comme, il l'a été démontré, ce droit n'est pas effectif dans toutes les prisons au Togo. Par exemple, il n'existe qu'une seule institution spécialisée au Togo chargée

185 G. CORNU, vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, 11e édition mise à jour, p. 1086

186 L'on peut ajouter à la liste, les détenus âgés, les détenus malades, etc.

187 Ligne directrice 30 (a) Lignes directrices de Luanda « Les mesures élaborées pour protéger les droits des personnes ayant des besoins spécifiques, ... ne doivent pas être considérées comme discriminatoires ni appliquées de manière discriminatoire. »

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d'accueillir les mineurs en détention. Tandis que la plupart d'autres prisons peinent à mettre en oeuvre la séparation entre adultes et mineurs en détention, certaines prisons comme celle de Tsévié et Vogan188 n'ont pas de quartiers pour enfants en leur sein. La séparation reste largement dépendante des capacités d'accueil des établissements pénitentiaires qui sont pour la plupart surpeuplées. La plupart des installations pénitentiaires au Togo ne sont pas adaptés aux femmes et aux enfants. La situation des personnes vulnérables détenues est empirée par les conditions de détention qui restent inhumaines et cruelles au Togo. La modernisation des infrastructures pénitentiaires permettrait de prendre en compte certains besoins spécifiques des personnes vulnérables en détention. Il s'agit par exemple de la construction des rampes d'accès pour les détenus infirmes.

La problématique est bien plus inquiétante qu'elle en donne l'impression. Nonobstant, le droit au respect de la dignité humaine de tout détenu, prévu notamment à l'article 7 du PIDCP189, les personnes vulnérables en détention sont couramment victimes d'abus, surtout de la part de leurs codétenus. Ceci s'explique par leur état de vulnérabilité. Il peut s'agir de violences physiques, de harcèlements, de menaces, de marginalisations, d'obligation de faire certains travaux avilissants, etc. Les plus vulnérables d'entre les détenus sont les non-ressortissants. Cette catégorie de détenus comprend les étrangers, les réfugiés et les apatrides. Les lignes directrices de Luanda prescrivent que cette catégorie de détenus doit primordialement être informée de son droit de contacter les représentants consulaires dans le pays, etc.

La protection des personnes vulnérables en détention est une nécessité que le législateur togolais doit inscrire à l'ordre de ses priorités. En outre, les établissements de détention devraient être rénovés afin de prendre en compte certains besoins spécifiques des personnes vulnérables en détention.

188 Lors d'une visite de la CNDH à la prison civile de Vogan le 22 mai 2019, il est constaté la détention d'un mineur avec les adultes (Voir CNDH, Rapport d'activités, Exercice 2019, p. 132)

189 « Nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En particulier, il est interdit de soumettre une personne sans son libre consentement à une expérience médicale ou scientifique. »

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Section 2 : La nécessité d'un régime de réparation de la détention préventive injustifiée

La justice réparatrice exige que, dans les cas où une détention se révèle injustifiée, la victime obtienne réparation du préjudice causé, sous certaines conditions. Au-delà de la réparation, il est en outre important qu'une sanction soit infligée au magistrat défaillant, pour le rappeler au respect des libertés fondamentales des justiciables et satisfaire l'opinion public quant au sentiment d'omnipotence de ces derniers. Toutefois, l'analyse qui sera effectuée, s'attardera uniquement sur la question impérieuse de la réparation de la détention injustifiée en droit positif togolais. Pour ce faire, il sera abordé successivement, l'absence d'un régime de réparation pénale de la détention préventive injustifiée (Paragraphe 1) et la nécessité de la mise en place d'un cadre national de réparation de la détention préventive injustifiée (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L'absence d'un régime de réparation pénale de la détention préventive injustifiée

Le droit positif togolais souffre du manque d'un régime de la réparation pénale de la détention injustifiée. Le législateur ne prend pas encore en compte la réparation du préjudice causé par les détentions arbitraires ou injustifiées dans le cours d'une procédure pénale. La réparation demeure seulement accessible par la voie d'une action devant les juridictions civiles sur le fondement de l'article 1382 du code civil français. Il est indispensable que le législateur procède à cette réforme pour l'effectivité de la protection des droits fondamentaux des personnes poursuivies en droit positif togolais. De ce qui précède, il convient donc de préciser dans un premier temps la notion de la détention préventive injustifiée (A) puis dans un second temps la non-prise en compte de la réparation de la détention injustifiée (B).

A. La notion de détention préventive injustifiée

En entame, il est opportun de relever la nuance sémantique entre les adjectifs « arbitraire » et « injustifiée » qui peuvent qualifier la détention préventive. La détention préventive est dite « arbitraire » lorsque l'arrestation et la privation de liberté se sont effectuées dans le non-respect du droit national, notamment le non-respect des délais

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maximums de la détention préventive tels que prescrits par la loi. Par contre, la détention préventive est considérée comme « injustifiée » soit, lorsque l'instruction aboutit à une ordonnance de non-lieu du juge d'instruction ou soit, lorsqu'en phase de jugement, une décision de relaxe ou d'acquittement est rendue. En toute rigueur de terme, la justice commet une « errance judiciaire190» dans le cas d'espèce. Une détention préventive peut à terme s'avérer injustifiée, si le prévenu est innocenté par suite de la procédure et simultanément arbitraire, si le prévenu avait été détenu au-delà du délai maximum prescrit par la loi. La consécration du principe de la présomption d'innocence est le fondement du principe d'exception de la détention préventive prévue à l'article 112 CPPT. Le recours à la détention préventive doit être de dernier recours et se justifier par les strictes nécessités de l'enquête en cours. Le placement en détention préventive porte des atteintes graves aux libertés individuelles et a un impact irréversible sur la vie du prévenu. Toutefois, l'histoire de la justice a démontré que l'appareil judiciaire pouvait se tromper, « Errare humanum est191 ». La détention devient injuste et cruelle lorsque la victime se voit innocentée en cours de procédure ou par décision d'un jugement. Il est alors impératif de réparer le préjudice subi par les personnes injustement détenues, de réparer « l'irréparable ». Nul ne peut contester l'impact irréversible que l'incarcération a sur la vie d'un individu. Aussi, il est obligatoire de réparer le préjudice subi par les personnes injustement détenues au cours d'une procédure judiciaire terminée.

Il faut relever qu'il existe des hypothèses dans lesquelles la réparation du préjudice subi par la détention préventive injustifiée est exclue. La législation française retient exceptionnellement cinq192 cas d'exclusion de la réparation. Il s'agit d'abord de l'hypothèse où la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement fait suite à la reconnaissance de l'irresponsabilité du prévenu. Dans ce cas-ci, la preuve est apportée que la personne est auteur de l'infraction mais ce n'est qu'en raison de la défaillance de son état mental au moment de la commission de l'infraction que l'abandon des

190 Et non une erreur judiciaire, voir A. MOKTAR, Les erreurs judiciaires en matière criminelle : contribution à une réforme de la justice criminelle au Bénin et en France, UNIVERSITÉ DE BOURGOGNE, France, 2009, p. 15

191 L'erreur est humaine

192 Art 149 CPPF

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poursuites est prononcé. La détention préventive effectuée dans ces conditions ne peut donner droit à une réparation. La seconde hypothèse est celle où la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement se fonde sur une mesure d'amnistie. L'amnistie est définie comme « mesure qui ôte rétroactivement à certains faits commis à une période déterminée leur caractère délictueux 193». Il faut préciser que dans ce cas-ci, la réparation n'est exclue que si la mesure d'amnistie est postérieure à la mise en détention. En effet, il y a droit à la réparation si la personne a été mise en détention préventive malgré l'existence d'une mesure d'amnistie antérieure. La jurisprudence française a en outre retenu qu'il pouvait y avoir réparation si une amnistie intervient postérieurement à la mise en détention préventive mais que la remise en liberté de la personne n'est pas décidée dans un délai raisonnable194.

La troisième hypothèse concerne ceux qui ont bénéficié de la prescription de l'action publique intervenue après la libération de la personne. Dans ce cas-ci, les faits reprochés sont devenus trop anciens pour être finalement poursuivis. La quatrième hypothèse concerne ceux qui étaient déjà détenus pour une autre cause. Dans ce cas-ci, la personne est en détention préventive pour une cause A, elle est ensuite inculpée pour une cause B. Si elle est innocentée par la suite pour la cause B, elle n'est pas fondée à en demander la réparation de la détention préventive injustifiée. La dernière hypothèse est celle où la victime s'est librement et volontairement accusé ou laissé accuser à tort en vue de faire échapper l'auteur des faits aux poursuites. Dans ce cas-ci, une précision s'impose. Dans le cas où la personne s'est accusée à tort sous menaces du véritable auteur, il aura droit à réparation. Hormis ces exceptions prévues à l'article 149 du code de procédure pénale français, toute victime d'une détention préventive injustifiée doit être éligible à la réparation du préjudice qu'il a subi. La réparation doit être holistique et permettre de « soutenir l'esprit abattu » de la victime.

193 G. CORNU, vocabulaire juridique, ibidem, p. 63

194 Sur le fondement du l'alinéa 1 de l'article L. 781-1 du code de l'organisation judiciaire en France « L'État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice. Cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice. »

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B. La non-prise en compte de la réparation de la détention injustifiée

Le droit positif togolais ne prend pas en compte la réparation de la détention préventive injustifiée par une action pénale. L'actuel code de procédure pénale en vigueur depuis 1983, ignore toute hypothèse de réparation de la détention préventive soldée par une ordonnance de non-lieu, une décision de relaxe ou d'acquittement. Ce vide juridique constitue sans nul doute le défi majeur du régime de la détention préventive en droit positif togolais : réparer la détention injustifiée. En effet, la réparation intégrale est « le stade ultime de tout processus de responsabilité195. ». En l'état actuel du droit togolais, le seul recours en réparation du préjudice subi au cours d'une détention préventive injustifiée est fondé sur l'action civile en réparation de l'article 1382 du code civil français196 « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ». Cet article pose le principe de la responsabilité en matière civile délictuelle.

C'est ainsi que, dans une décision en date du 22 avril 2016197, le tribunal de première instance de première classe de Lomé a réaffirmé le principe de la réparation fondé sur la responsabilité de l'État du fait de ces agents. Dans le cas d'espèce, le sieur Y.M avait été arrêté le 26 octobre 2003 par la police nationale sur poursuite du ministère public pour complicité dans une affaire de tentative d'assassinat. Il a effectué 78 jours de garde à vue avant son déferrement à la prison civile de Lomé. Il sera reconnu non coupable quatre ans plus tard, acquitté par l'arrêt N°01 du 05 mars 2007 de la cour d'assise de Lomé. Il apparait à l'évidence que le sieur Y.M avait été simultanément victime de détention arbitraire et de détention injustifiée. « Brisé », « Désocialisé » et « dépressif », le sieur Y.M troublé dans son innocence par le zèle insidieux et l'omnipotence de son accusateur, a réclamé conformément à l'article 1382 et suivants du code civil la réparation des divers préjudices matériels, moraux, financiers, etc. subis devant le tribunal de Lomé.

195 Th. IVAINER, le pouvoir souverain du juge dans l'appréciation des indemnités réparatrices, D. 1972, Chr.7.

196 Nouveau 1240 du code civil français depuis le 1er Octobre 2016

197 Jugement N°1077

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Dans cette affaire, il s'est d'abord posé la question de la compétence des juridictions civiles pour connaitre de l'action en réparation de la détention préventive injustifiée. Le conseil représentant l'État à ce litige avait soulevé in limine litis, l'incompétence du tribunal de Lomé pour connaitre de cette action. Il soutenait, sur fond de la jurisprudence de l'arrêt Blanco198 que « ...la responsabilité, qui peut incomber à l'État, pour les dommages causés aux particuliers par le fait des personnes qu'il emploi dans le service public, ne peut être réglé par les principes qui sont établis dans le code civil, pour des rapports de particulier à particulier ... ». La chambre administrative de la cour d'appel était donc la seule compétente pour connaitre de ce litige. Cette thèse a été réfutée par les conclusions en réplique du conseil du sieur Y.M qui ont invoqué la jurisprudence du tribunal de Conflits depuis 1952. En effet, dès 1952, le tribunal de conflits français a posé deux critères essentiels pour l'attribution de compétence s'agissant des litiges relevant du service de la justice199. Il distingue selon que le litige ressort de l'organisation même du service public de la justice ou selon que le litige ressort de l'exercice de la fonction juridictionnelle. Dans le premier cas, le tribunal administratif était seul compétent tandis que dans le second cas les tribunaux judiciaires étaient compétents. Cette approche est réaffirmée par une autre décision du tribunal de conflits français200. Fort de ce principe, le tribunal de Lomé s'est déclaré compétent pour connaitre de l'action en réparation de la détention préventive injustifiée du sieur Y.M. La requête sollicitait la réparation des divers préjudices subis tels que la privation de liberté injustifiée et la détention arbitraire, la perte de l'emploi, les dommages et difficultés d'insertion sociale et le préjudice moral subis. Sur ces différents motifs, le tribunal de première instance de Lomé a condamné l'Etat togolais à payer un montant de 100.000.000 FCFA au sieur Y.M au titre de tous préjudices confondus. Le tribunal a ordonné l'exécution provisoire de cette décision, nonobstant toutes voies de recours201. L'action en réparation dans la procédure actuelle connait la même procédure qu'une

198 TC, 08 février 1873, 1er supplt-Rec. Lebon P.61

199 TC, 27 novembre 1952, Préfet de la Guyane, GAJA, D.1996, N°82)

200 TC, 02 juillet 1979, N°02134, p. 573 « les actes intervenus au cours d'une procédure judiciaire ou se rattachant directement à celle-ci ne peuvent être appréciés, soit en eux-mêmes, soit dans leurs conséquences, que par l'autorité judiciaire »

201 Le jugement a fait l'objet d'un appel. En outre, le conseil représentant l'État à ce litige a demandé le sursis de l'exécution provisoire de la décision. Selon les dernières informations en date du 09 juin 2020, l'affaire reste pendante devant la cour d'appel de Lomé

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action ordinaire en réparation délictuelle de droit commun. Cette situation ne témoigne pas d'une conscience de la gravité de la problématique.

Paragraphe 2 : La nécessité de la mise en place d'un cadre national de la réparation de la détention préventive injustifiée

Il est important que le régime de la détention préventive en droit positif togolais prévoie une réparation de la détention injustifiée. Cette réparation devrait être intégrale et obligatoire toutes les fois où elle est possible. C'est en cela que la protection du droit à la liberté sera renforcée. Il semble à l'analyse que le législateur togolais accorde peu d'intérêt au sort du prévenu après sa libération par suite d'une détention préventive injustifiée202. La mise en oeuvre d'un régime de réparation pénale de la détention injustifiée est indispensable. Il sera abordé successivement la nécessité d'une réparation intégrale du préjudice subi (A) et la mise en oeuvre d'un régime de réparation pénale de la détention préventive injustifiée (B).

A. La nécessité d'une réparation intégrale du préjudice subi

La réparation est « le stade ultime de tout processus de responsabilité203. ». En droit international humanitaire, la notion de réparation comprend une vaste gamme de moyens permettant d'indemniser matériellement et symboliquement les victimes de violation des droits de l'Homme. Aux termes du Guide d'utilisation des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme dans la recherche et le plaidoyer sur les entreprises, la réparation du préjudice subi par une victime des droits de l'Homme peut prendre la forme d'excuses, de restitution, de réhabilitation, de compensation financière ou de sanctions punitives204, etc. Devant la Cour pénale internationale, trois types de réparation sont considérées : la restitution, l'indemnisation et la réhabilitation. C'est l'article 75 du statut de Rome205 qui en

202 En témoigne l'absence d'une politique publique de réinsertion des ex-détenus en l'état actuel

203 Th. IVAINER, le pouvoir souverain du juge dans l'appréciation des indemnités réparatrices, op cit

204 V. RICCO, M. HUIJSTEE, L. CERESNA-CHATURVEDI, Guide d'utilisation des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme dans la recherche et le plaidoyer sur les entreprises, Nov 2012, p. 9

205 « La Cour établit des principes applicables aux formes de réparation, telles que la restitution, l'indemnisation ou la réhabilitation, à accorder aux victimes ou à leurs ayants droit... ».

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dispose. Certes, les formes de réparations prescrites par les textes de droit international humanitaire concernent spécifiquement les violations les plus graves des droits de l'Homme ; toutefois, ces principes devraient servir de fondement juridique pour une réparation intégrale du préjudice subi par toutes les victimes de violation de droit de l'Homme en général. Selon les principes et directives des Nations Unies206, la restitution devrait chaque fois que possible, rétablir la victime dans la situation originale qui existait avant que les violations ne soient produites. Selon les mêmes principes, l'indemnisation « devrait être accordée pour tout dommage ... qui se prête à une évaluation économique, selon qu'il convient et de manière proportionnée à la gravité de la violation et aux circonstances de chaque cas207 ». La réhabilitation désigne l'ensemble des moyens médico-sociaux permettant à une victime de retrouver une vie sociale et professionnelle le plus proche possible de la vie normale. Selon les principes et directives des Nations Unies208, la réhabilitation devrait comporter une prise en charge médicale et psychologique, ainsi que l'accès à des services juridiques et sociaux.

En droit français, c'est la loi du 17 Juillet 1970 qui a le mérite d'introduire le droit à la réparation intégrale de la détention provisoire injustifiée. Toutefois, la loi prévoyait uniquement la faculté pour le juge d'indemniser un « préjudice anormal et d'une particulière gravité ». Ces termes étaient restrictifs puisque l'indemnisation était soumise aux conditions que le détenu rapporte les preuves qu'il avait subi un « préjudice manifestement anormal et d'une particulière gravité » du fait de la détention injustifiée. Aussi, le législateur a t'il amélioré au fil du temps, le régime de l'indemnisation de la détention provisoire injustifiée. Les dispositions nouvelles modifiant les articles 149 et suivants du code de procédure pénale établissent un régime de « réparation obligatoire du préjudice tant matériel que moral » subi par une personne victime d'une détention préventive injustifiée. Il résulte de la jurisprudence française que le préjudice matériel peut être réparé dans de nombreux cas. Par exemple, lorsque le requérant a perdu son emploi en raison de l'incarcération, la réparation du préjudice matériel doit

206 Principe 19 des « Principes fondamentaux et directives des Nations Unies concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des droits de l'homme et de violations graves du droit international humanitaire »

207 Ibidem, Principe 20

208 Ibidem, Principe 21

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couvrir les pertes de salaire subies pendant la durée d'emprisonnement et, après la libération, pendant la période nécessaire à la recherche d'un emploi209. Est également susceptible d'être réparé, le préjudice résultant d'une détention préventive et consistant en la perte de chance de suivre une scolarité ou une formation ou de réussir un examen, entraînant l'obligation de recommencer une année scolaire210. Par ailleurs, le préjudice moral doit être réparé également. Pour l'appréciation du préjudice moral, plusieurs éléments peuvent être pris en compte. Il ressort de la jurisprudence française des éléments tels que l'impact psychologique consécutif à la détention préventive ; de l'éloignement de la famille ou la séparation du requérant de ses jeunes enfants ; les fonctions d'autorité publique entrainant des réactions d'hostilité des autres détenus (policier, politicien, etc.) ; la durée très longue de l'instruction ou de la détention, etc. Dès lors que le principe de la réparation intégrale de la détention préventive injustifiée est acquis, il se pose alors la question de la mise en oeuvre de cette réparation.

B. La mise en oeuvre d'un régime de réparation pénale de la détention préventive injustifiée

Il est important de rappeler que la volonté collective de protéger les libertés individuelles fonde le contrat social et légitime l'appareil étatique. Il est donc inconcevable que la loi ne prenne pas expressément en compte la réparation du préjudice subi injustement par les citoyens du fait d'une détention préventive. Cet état du droit, contribue à un sentiment généralisé d'injustice et de faiblesse des justiciables devant l'appareil judiciaire. C'est un « échec » lorsqu'on considère, au visa de l'article 113 de la constitution, que « le pouvoir judiciaire est garant des libertés individuelles et des droits fondamentaux des citoyens. ». Dans le volume 1 du rapport final de la CVJR, rendu public en 2012 ; cette crise de confiance entre le système judiciaire et les citoyens avaient expressément fait l'objet d'une recommandation211. La consécration du droit à

209 Cass. CNRD, 21 octobre 2005, n°05-CRD005

210 Cass. CNRD, 2 mai 2006, n° 05-CRD071

211 Recommandation 9, « le système judiciaire, pourtant garant des libertés individuelles et des droits fondamentaux au regard de la constitution, est en pleine crise de confiance avec le citoyen. Une réforme en profondeur du secteur s'avère indispensable et incontournable car le rétablissement de cette confiance entre la population et sa justice est fondamental à la garantie des principes démocratiques et à la non répétition des violences connues par le passé ». Rapport final, CVJR, 2012, p. 266

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la réparation de la détention préventive injustifiée en droit positif togolais marquera un tournant décisif dans la lutte pour la consolidation de la paix, le renforcement de l'état de droit, l'élimination des recours abusifs de la détention préventive et la progression de la protection légale des libertés individuelles au Togo. Cette réforme majeure s'effectuera par la mise en place d'un cadre légal qui organisera le régime de la réparation et la création d'une institution nationale chargée de la mise en oeuvre de ladite réparation. D'ores et déjà, une analyse empirique des bonnes pratiques dans les législations dotées d'un régime de réparation de la détention préventive injustifiée, permet de baliser la voie vers l'instauration d'un régime de réparation « adapté » en droit positif togolais.

La loi du 15 juin 2000 puis celle du 30 décembre 2000 ont modifié profondément le régime procédural de la réparation en droit positif français. Le trait le plus notable du nouveau régime procédural de réparation est l'instauration d'un double degré de juridiction212. Le contentieux de la réparation est confié en premier ressort aux premiers présidents des cours d'appel213 et en second degré le recours exercé devant la commission nationale de réparation des détentions. L'article 149-2 énonce que le premier président doit être saisi par voie de requête dans le délai de 6 mois depuis que la décision est devenue définitive. La décision du premier président est rendue en audience publique et elle bénéficie d'une exécution provisoire lorsqu'elle accorde une réparation214.

Les décisions rendues par les premiers présidents de la cour d'appel peuvent faire l'objet d'un recours devant la commission de réparation des détentions215. Les commissions nationales de réparation des détentions sont communes à plusieurs pays216. En France,

212 Commission de suivi de la détention provisoire, Rapport au Garde des Sceaux, Mai 2003, p. 77

213 Art 149-1 du code de procédure pénale français « La réparation prévue à l'article précédent est allouée par décision du premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle a été prononcée la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement. »

214 Art R.40 CPPF « Les décisions du premier président de la cour d'appel accordant une réparation sont assorties de plein droit de l'exécution provisoire. »

215 Art 149-3 CPPF « Les décisions prises par le premier président de la cour d'appel peuvent, dans les dix jours de leur notification, faire l'objet d'un recours devant une commission nationale de réparation des détentions. Cette commission, placée auprès de la Cour de cassation, statue souverainement et ses décisions ne sont susceptibles d'aucun recours, de quelque nature que ce soit. »

216 France, Algérie, Vietnam, etc.

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la commission nationale est composée de trois magistrats dont le premier président de la cour de cassation (ou son représentant) qui la préside, et deux magistrats du siège de la cour ayant le grade de président de chambre, de conseiller ou de conseiller référendaire217. Le recours devant la commission nationale de réparation des détentions est ouvert à trois types de personnes. Aux termes de l'article R.40-4, il s'agit du demandeur, de l'agent judiciaire de l'État et du procureur général près la cour d'appel. La commission rend en audience publique, une décision qui doit être motivée. Aux termes de l'article 149-4 du code de procédure pénale, le premier président et la commission nationale statuent en tant que juridictions civiles. En France, l'indemnisation la plus forte a été accordée en septembre 2012 à Loïc Sécher218, qui avait obtenu 797 352 euros pour sept ans et trois mois de détention préventive injustifiée. Pierre Martel, l'un des accusés d'Outreau, s'est vu attribuer 600 000 euros pour trente mois de détention préventive injustifiée219.

217 Art 143-3.3 code de procédure pénale français

218 https://www.la-croix.com/Actualite/France/Loic-Secher-obtient-800-000-pour-sept-ans-de-vie-derriere-les-barreaux-_EP_-2012-09-25-857218 consulté le 06 juin 2020 à 16h

219 https://www.la-croix.com/Actualite/France/Loic-Secher-obtient-800-000-pour-sept-ans-de-vie-derriere-les-barreaux-_EP_-2012-09-25-857218 consulté le 06 juin 2020 à 16h

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CHAPITRE 2 : Le renforcement du contrôle du respect
des garanties de protection du droit à la liberté

Le droit à la liberté a une valeur constitutionnelle au Togo. S'assurer du respect des mesures qui encadrent sa protection nécessite la mise en place de mécanismes de contrôle. Le contrôle est indispensable pour prévenir les violations des principes de droit érigés par la loi. Le renforcement des mesures de protection du droit à la liberté passe nécessairement par le renforcement des mécanismes de contrôle.

La société civile joue également un rôle considérable dans l'effectivité de la protection du droit à la liberté en droit positif togolais. C'est un acteur dont l'action est à considérer dans le dispositif de protection du droit à la liberté. Aussi convient-il d'aborder dans un premier temps le renforcement des différents mécanismes de contrôle (section 1) et dans un second temps la contribution de la société civile (section 2).

SECTION 1 : Le renforcement des différents mécanismes de contrôle

Il existe plusieurs mécanismes de contrôle du respect des garanties de protection du droit à la liberté lors de la détention préventive. Le plus important est sans doute le dispositif de contrôle mis en place au sein du pouvoir judiciaire lui-même. Il faut rappeler que le pouvoir judiciaire est le défenseur de la liberté individuelle, dont il assure le respect dans les conditions prévues par la loi220. En ce sens, le législateur a confié la première responsabilité d'effectuer des contrôles aux magistrats. Outre le contrôle interne des acteurs du pouvoir judiciaire, il existe plusieurs autres mécanismes de contrôle dont la mise en oeuvre participe à une meilleure protection du droit à la liberté des personnes poursuivies en droit positif togolais. Le renforcement de ces différents mécanismes de contrôle est nécessaire pour une protection effective du droit à la liberté contre les pratiques arbitraires dans la phase avant jugement. Aussi convient-il d'aborder dans un

220 Art 18, constitution togolaise

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premier temps le renforcement du contrôle interne (paragraphe 1) et dans un second temps le renforcement du contrôle externe (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Le renforcement du contrôle interne

Le législateur fait obligation aux magistrats d'effectuer des visites périodiques dans les lieux de détention pour vérifier les conditions matérielles de détention des détenus en général, des prévenus en particulier et leur situation judiciaire. En effet, les visites de contrôle sont le lieu de vérifier l'état d'avancement des dossiers des prévenus ainsi que la durée de la détention préventive effectuée. Les constations faites font l'objet de rapports qui servent à l'amélioration du régime de la détention préventive ainsi que des conditions de détention. Il est donc indispensable de rénover le contrôle des magistrats (A) et de renforcer l'efficacité du contrôle (B).

A. Rénover le contrôle des magistrats

La volonté de garantir la protection des droits fondamentaux des personnes poursuivies a amené le législateur a mettre en place plusieurs niveaux de contrôle au sein du pouvoir judiciaire. À l'analyse, le contrôle s'exerce notamment à deux niveaux. D'abord, le contrôle s'intéresse à la régularité des actes de l'instruction et ensuite le contrôle questionne la régularité de la situation des prévenus.

En ce qui concerne le contrôle de la régularité des actes de l'instruction, il relève essentiellement de la compétence de la chambre d'accusation ainsi que du procureur général. Aux termes de l'article 159 CPPT, l'inculpé a le droit de relever appel devant la chambre d'accusation, des demandes en habeas corpus refusées par le juge d'instruction ou accordée sous certaines conditions. La chambre d'accusation, si elle estime qu'il n'existe pas de charges suffisantes contre l'inculpé, ordonne la libération du prévenu221. Il en est de même lorsqu'elle estime que les faits ne constituent ni crime, ni délit, ni contravention. Le droit de saisir la chambre d'instruction appartient également au ministère public. Le parquetier peut saisir la chambre d'accusation en

221 Art 184 CPPT

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annulation d'un acte d'instruction222. « Si (la chambre d'accusation) découvre une cause de nullité, elle prononce la nullité de l'acte qui en est entaché...223 ». Après annulation d'un acte de l'instruction, la chambre d'accusation peut en outre, décider de renvoyer le dossier de la procédure devant un autre juge d'instruction. Ce contrôle permet également de sanctionner toute violation des droits de la défense de l'inculpé (par exemple en cas de refus impertinent d'une demande d'expertise et de contrexpertise).

Au terme de l'article 191, « Le Président de la Chambre d'accusation et le Procureur général s'assurent du bon fonctionnement des Cabinets d'instruction du ressort de la Cour d'Appel ». À cette fin, il leur est adressé chaque mois, une notice établie par chaque cabinet d'instruction. La notice porte mention de toutes les affaires en cours ainsi que des actes d'instruction effectués courant ce mois. Après analyse de ces notices, le Président de la chambre d'accusation et le procureur général peuvent « faire au juge d'instruction des observations relatives au retard apporté au règlement de ses affaires à l'insuffisance du dossier ou à l'inobservation des formalités légales 224». Ce contrôle périodique permet de s'assurer de la conformité de la procédure d'instruction à la loi.

En ce qui concerne le contrôle de la régularité de la situation des prévenus, il relève de la compétence du ministère public et du juge d'instruction lui-même. En effet, l'article 500 CPPT dispose que « Le Ministère Public visite périodiquement les établissements pénitentiaires de sa circonscription. Il vérifie la situation des détenus et fait élargir tous ceux qui seraient détenus arbitrairement... ». Également, l'article 501 dispose que « Le juge d'instruction visite au moins chaque trimestre le quartier des prévenus des établissements de son ressort et veille au respect des dispositions générales et particulières applicables aux prévenus... ». Il faut préciser que ces deux contrôles doivent faire l'objet d'un rapport respectivement adressé au ministère de la justice en ce qui concerne le ministère public et au procureur générale en ce qui concerne le juge d'instruction. Ce contrôle permet de prévenir les détentions arbitraires, de veiller au

222 Art 144, b « Le Ministère public, agissant conformément à l'article 65, peut déférer à la Chambre d'Accusation tout acte d'instruction qui lui paraît annulable. »

223 Art 178, b CPPT

224 Art 191.c, CPPT

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respect des dispositions applicables aux prévenus et de s'assurer de l'état des conditions de détention des détenus. Il en est de même du contrôle effectué par le juge des mineurs au terme de l'article 476 CPPT « Les mesures de placement ou de surveillance prises par le juge ou le Tribunal font l'objet de compte rendu adressé périodiquement au juge des mineurs par l'établissement, le service ou la personne chargée de leur exécution. Ces derniers peuvent proposer soit d'abréger, soit de prolonger la mesure, soit de substituer à la mesure ordonnée une autre mesure de placement ou de surveillance plus adaptée à l'évolution du mineur et de sa famille. ».

B. Renforcer l'efficacité du contrôle

Tout contrôle n'a d'efficacité que lorsque les écueils qu'il identifie sont suivis d'une réponse diligente. En effet, l'efficacité des contrôles se mesure à l'aune des améliorations observables sur le terrain. Le pouvoir judiciaire est doté de plusieurs mécanismes de contrôle du respect des mesures de protection du droit à la liberté lors de la détention préventive. Renforcer l'efficacité de ces contrôles contribuerait à l'effectivité de la protection du droit à la liberté. En droit positif togolais, il se pose la question de l'effectivité du contrôle dans les lieux de détention et son efficacité. Le constat général est que les contrôles sont rarement effectués. À tort ou à raison, il peut être avancé comme justificatif que les magistrats sont très souvent submergés du fait de leur nombre insuffisant. Selon les chiffres avancés par le directeur de l'administration pénitentiaires lors du passage du Togo devant le comité contre la torture en juillet 2019, le nombre total de magistrats au Togo était de 241 dont 33 femmes sur toute l'étendue du territoire nationale. En ce qui concerne les cabinets d'instruction, il arrive que « des juges aient plus de 500 dossiers, chacun à sa charge225 ». Quoiqu'il en soit, l'absence d'un contrôle régulier favorise l'enracinement des violations des droits de la défense et des droits fondamentaux des prévenus. Il est donc urgent que le nombre des magistrats soit véritablement renforcé226 pour que le contrôle qui leur incombe soit effectif.

225 Op cit

226 En mai 2019, un concours national avait été lancé pour recruter 20 auditeurs de justice sur toute l'étendue du territoire. C'est un acquis dans la marche vers la suffisance du nombre des magistrats au Togo.

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Il est important que les autorités judiciaires s'impliquent activement pour l'effectivité du contrôle imposé par la loi. Outre le ministère public et le juge d'instruction, plusieurs autorités judiciaires ont un devoir implicite de contrôle dans les lieux de privation de liberté. Il peut s'agir du président du tribunal, de l'inspecteur général des services juridictionnels et pénitentiaires, du ministre de la justice, etc. En renfort aux visites périodiques prévues par la loi dans les lieux de détention, les autorités judiciaires devraient initier des visites ponctuelles en réponse à des situations urgentes dans les lieux de détention. Le contrôle du magistrat instructeur et du parquetier prévu aux articles 500 et 501 CPPT doivent nécessairement être soldée par la rédaction de rapports périodiques qui serviront d'outils pour l'amélioration de l'existant. Ces visites devraient en outre permettre de prévenir les détentions arbitraires et les détentions prolongées par la vérification périodique de la situation de chaque prévenu en détention. Cette vérification se fait notamment par le procureur général et le président de la chambre d'accusation, censé recevoir chaque mois des notices faisant état des affaires en cours d'instruction227. La vérification se fait également lors des visites dans les lieux de détention. Un exemple positif peut en être donné. Il s'agit de la libération d'un détenu228 suite à une visite de contrôle effectué par le directeur de l'administration pénitentiaire au cabanon. En effet, ce détenu a effectué près de 8 ans de détention alors même son dossier était demeuré introuvable. Arrêté le 12 octobre 2011, ce dernier a été relâché le 15 octobre 2019 après intervention du directeur de l'administration pénitentiaire qui a eu connaissance de son cas lors d'une visite au cabanon. Il faut souligner que plusieurs solutions pratiques peuvent permettre aux magistrats d'effectuer le contrôle des lieux de détention. Les magistrats pourraient en effet recourir à une planification rotative des contrôles au sein de la juridiction, sous réserves de visites ponctuelles en cas d'urgence. La rotation peut concerner essentiellement les magistrats instructeurs et ceux du ministère public.

227 Art 191 CPPT

228 Les initiales de son nom : G.M

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Il faut relever qu'outre le contrôle des autorités judiciaires dans les lieux de détention, le législateur a prévu d'autres mécanismes. Il en est ainsi du contrôle sanitaire permanent des lieux de détention prévu à l'article 41229 du code de la santé publique au Togo.

Paragraphe 2 : Le renforcement du contrôle externe

Le Togo a ratifié le protocole facultatif à la convention des Nations Unies contre la torture (OPCAT) le 20 juillet 2010. Contrairement à la plupart des mécanismes de visites des lieux de détentions qui n'interviennent qu'après la survenue des mauvais traitements, l'OPCAT a le mérite d'établir un système de contrôle qui met l'accent sur la prévention. Le protocole établit deux types de mécanismes deux mécanismes qui contribuent efficacement au contrôle du respect des droits fondamentaux des prévenus, et des détenus en général, dans les lieux de détention au Togo. Aussi convient-il d'analyser dans un premier temps la mise en oeuvre du mécanisme national de prévention de la torture (A) et dans un second temps le contrôle du sous-comité pour la prévention de la torture (B).

A. La mise en oeuvre du mécanisme national de prévention de la

torture

L'OPCAT laisse le soin à chaque État partie, de mettre en place un mécanisme national de prévention de la torture (MNP). Cette obligation est prévue à l'article 3 de l'OPCAT. Après la ratification de l'OPCAT, le Togo avait donc l'obligation de mettre en place un MNP. Cette charge a été confiée à la CNDH conformément à l'article 3 de la loi organique n° 2018-006 du 20 juin 2018 de la CNDH. Aux termes de l'article 4 de la loi organique, la principale mission du MNP est de faire des visites régulières et inopinées afin de « prévenir la torture et d'autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants dans les lieux de privation de liberté ou tout autre lieu qu'elle aura identifié 230». Il faut préciser que le MNP est habileté à visiter une panoplie de lieux de détention tels que les postes de police et de gendarmerie ; les centres de détention préventive ; les prisons pour condamnés ; les centres de détention pour enfants ; les

229 Art 41, code de la santé publique au Togo « Les établissements pénitentiaires et autres locaux de détention doivent être dans un bon état d'hygiène, bien aérés et éclairés. Ils sont soumis à un contrôle sanitaire permanent. »

230 Art 4, loi organique n° 2018-006 du 20 juin 2018 de la CNDH

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postes de police aux frontières ; les centres psychiatriques ; etc. Le contrôle préventif qu'effectue le MNP intéresse la protection du droit à la liberté avant jugement à plusieurs égards. Le MNP est habileté à effectuer des visites inopinées, sans prévenir, dans tous les lieux de détention231. Ces contrôles permettent à la commission d'identifier toutes violations aux droits acquis aux personnes incarcérées. Les violations sont légions tels que les détentions arbitraires, les détentions prolongées, les actes de tortures ou de mauvais traitements infligés aux prévenus par les officiers de police judiciaire, etc. L'action du MNP permet de régulariser de telles situations au regard du droit positif togolais. Il faut surtout relever que l'action du MNP a pour ultime objectif de prévenir les violations à travers la récurrence des visites inopinées et des contrôles dans les lieux de détention.

Courant l'année 2019, le MNP a effectué des visites régulières de contrôle dans sept prisons civiles du Togo232. Lors de ces visites, l'équipe du MNP a examiné la situation des personnes privées de liberté se trouvant dans les lieux de détention en vue de renforcer leur protection. Ainsi, plusieurs prévenus en situation de détention arbitraire ont pu recouvrer leur liberté suite à l'action du MNP par suite de leur identification. L'un des cas identifiés est celui du prévenu L.P, poursuivi pour homicide involontaire et détenu pendant 7 ans sans jugement. L'homicide involontaire est un délit en droit positif togolais233. Le prévenu L.P avait purgé bien plus que l'intégralité de la peine maximale prévue pour les infractions délictuelles. Bien que son dossier ait été finalement retrouvé, le prévenu L.P ne fut pas libéré, « la procédure suit son cours234 ». Le MNP est également intervenu auprès du ministère de la justice à l'effet de doter la prison civile d'Atakpamé d'un personnel soignant235.

Au terme de son mandat de MNP courant l'exercice 2019, la CNDH a fait des recommandations à l'endroit de l'administration pénitentiaire et du gouvernement,

231 Art 6, loi organique n° 2018-006 du 20 juin 2018 de la CNDH

232 Rapport d'activités, Exercice 2019, CNDH, p. 118

233 Art 178 NCPT

234 Selon le courrier notifié à la CNDH, voir Rapport d'activités, op.cit., p. 134

235 Suite à une visite le 10 décembre 2019 à la prison civile d'Atakpamé, le MNP a réalisé que celle-ci ne disposait pas de personnel soignant. À cet effet, la CNDH a adressé un courrier au ministère de la justice (Voir rapport CNDH, ibidem)

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particulièrement du ministre de la justice, pour renforcer la protection des personnes privées de liberté en générale. Plusieurs recommandations intéressent la situation des prévenus. S'agissant du droit d'être jugé dans un délai raisonnable, la commission recommande « (d') instruire formellement les juges d'instruction des ressorts des prisons visitées d'accélérer l'instruction des détenus inculpés dans leurs cabinets 236». Également, elle recommande « (d') instruire formellement les juges d'instruction et les procureurs de la République d'effectuer des visites régulières dans les prisons afin de s'enquérir des cas de détention préventive de longue durée qui s'apparentent à des détentions arbitraires 237». S'agissant du droit à la santé, la commission recommande de « créer en concertation avec le ministère de la santé, une direction de la santé au sein de l'administration pénitentiaire238 ».

B. Le contrôle du sous-comité pour la prévention de la torture

Le sous-comité de prévention contre la torture est un mécanisme de contrôle supranational, mis en place par l'OPCAT. Il a un double mandat « visiter les lieux de détention dans les États qui ont ratifié le Protocole facultatif et ... fournir conseils et assistance concernant l'établissement des MNP dans ces pays 239». Pour ce faire, les États parties sont tenus de lui accorder un libre accès aux lieux de détention sur leur territoire et de faciliter sa mission. Le sous-comité effectue des visites inopinées de contrôle dans les lieux de détention de chacun des pays membres des Nations-Unies sans distinction. À la suite d'une visite, le sous-comité élabore un rapport et prépare des recommandations qui sont ensuite soumises au gouvernement. Le sous-comité effectue le suivi de ces recommandations par l'entremise du comité contre la torture (CAT).

Le Togo a déjà reçu deux visites du sous-comité. Lors de sa première visite régulière du 1er au 10 décembre 2014, le sous-comité s'est rendu dans 25 lieux de détention240 dans

236 Rapport d'activités, Exercice 2019, CNDH, p. 135

237 Ibidem

238 Ibidem, p. 136

239 Prévenir la torture : Guide pratique à l'intention des Institutions nationales des droits de l'homme, p. 78

240 Y compris les commissariats de police et de gendarmerie, les prisons, les camps militaires, l'hôpital psychiatrique de Zébé, la brigade pour mineurs de Lomé, l'unité du Cabano

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les 5 régions241. S'agissant des prisons, le sous-comité a relevé que « ces conditions correspondent à un traitement inhumain et dégradant, certaines pouvant même être assimilées à un acte de torture dans la mesure où les autorités compétentes en sont pleinement informées 242». Au terme de ses visites, le sous-comité a fait plusieurs recommandations à l'État togolais. L'une concernait l'adoption en urgence d'un règlement intérieur pour tous les centres de détention parce qu'en l'état, le régime de détention est géré par les détenus auxquels l'autorité pénitentiaire remet le contrôle de la vie interne des centres de détention243. Ceci est bien évidemment cause d'une gestion arbitraire qui implémente l'enracinement des « privilèges monnayés ». Une autre recommandation concerne l'équipement de « chaque établissement pénitentiaire des services réguliers d'un médecin qualifié pour examiner chaque détenu aussitôt que possible après son admission, et pour surveiller la santé physique et mentale des personnes détenues, notamment par la création d 'un dossier médical pour chacune d'elles.244». Il en est de même de celle « d'assurer un accès aux traitements à tous les détenus, y compris aux indigents245 ». L'ensemble des recommandations vise à l'amélioration de la protection des personnes incarcérées au Togo.

Une seconde visite a été effectuée par le sous-comité du 8 au 12 avril 2019 au Togo. Cette mission a été effectuée avec l'assistance des organisations internationales et nationales, notamment l'OMCT et le CACIT. La problématique persistante de la détention préventive, a emmené le sous-comité à faire plusieurs recommandations. Il a recommandé que « les magistrats (soient formés) sur les effets de la détention préventive anormalement longue qui est cause de la surpopulation carcérale246 ». Également, il a recommandé de « faciliter l'accès à tous les lieux de détentions à la CNDH et aux organisations de la société civile afin de permettre un contrôle externe par les MNP et le sous-comité 247».

241 Rapport du SPT, Visite au Togo menée du 1er au 10 décembre 2014 : observations et recommandations adressées à l'État partie, par.2, p. 2

242 Rapport du SPT, Visite au Togo menée du 1er au 10 décembre 2014 : observations et recommandations adressées à l'État partie, par.21, p.6

243 Rapport du SPT, ibidem, par.36, p. 9

244 Rapport du SPT, ibidem, par.49, p. 13

245 Ibidem, par.50, p. 13

246 Rapport de mission du sous-comité pour la prévention de la Torture au Togo, p.12 (version non finalisée)

247 Ibidem

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Les mécanismes de visites des lieux de détention créés par l'OPCAT contribuent à veiller au respect des droits fondamentaux des détenus, dont les prévenus, en ce qui concerne spécifiquement le droit au respect de sa dignité et l'interdiction de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

SECTION 2 : La contribution de la société civile au respect des garanties de protection du droit à la liberté

Selon la définition des Nations Unies, les acteurs de la société civile comprennent248 : les organisations de défense des droits de l'homme, Les fédérations (aussi bien syndicats qu'associations professionnelles telles que les associations de journalistes, les ordres des avocats, les associations de magistrats, les fédérations étudiantes), etc. Les OSC sont très actives dans la protection des droits de l'Homme au Togo. En ce sens, elles s'engagent aux côtés du gouvernement et font parallèlement un contrôle citoyen de ses actions publiques. Les OSC sont des acteurs clés du contrôle externe de la protection des droits fondamentaux des personnes poursuivies au plan national. Pour étudier le champ d'action de la société civile, il convient d'aborder dans un premier temps la contribution à l'effectivité de la protection du droit à la liberté (Paragraphe 1) et dans un second temps la contribution au renforcement de la connaissance des droits et libertés fondamentales (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : la contribution à l'effectivité de la protection du droit à la liberté

La société civile participe à l'amélioration de la situation des droits de l'Homme au Togo. Son action en faveur de l'effectivité de la protection du droit à la liberté avant jugement peut s'appréhender en deux temps. Aussi, il sera abordé dans un premier temps la contribution pour un recours effectif aux droits de la défense (A) et dans un second temps le plaidoyer pour un renforcement du cadre institutionnel (B).

248 Guide pratique pour la société civile, LE CHAMP D'ACTION DE LA SOCIÉTÉ CIVILE ET LE SYSTÈME DES DROITS DE L'HOMME DES NATIONS UNIES, OHCR, p. 3

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A. La contribution pour un recours effectif aux droits de la défense

Plusieurs OSC sont engagées dans la protection des droits fondamentaux des personnes en conflit avec la loi au Togo : le CACIT, l'UCJG, le CDFDH, le WANEP, la SMPDD, etc. Certaines OSC ont un mandat de spécifique en faveur des groupes vulnérables. C'est l'exemple du BNCE-Togo qui s'intéresse spécifiquement à la protection des droits de l'enfant et du GF2D qui s'intéressent aux questions à la protection spécifique des femmes. Les activités menées par les OSC et qui servent de cadre de contrôle du respect des droits fondamentaux des personnes en conflit avec la loi sont multiples. Les plus importantes sont les activités de monitoring des lieux de détention. Selon la définition du HCDH, « Le monitoring est un terme de sens large, décrivant la collecte active, la vérification et l'usage immédiat d'informations en vue de résoudre des problèmes de droits humains 249». L'objectif du monitoring des lieux de détention est de contribuer à une meilleure protection des droits fondamentaux des personnes incarcérées à travers l'identification et le report des violations observés. Le monitoring des lieux de détention joue également un rôle préventif puisse que les acteurs étatiques deviennent plus attentifs à leur conduite du fait de la permanence du contrôle. Au cours des actions de monitoring des lieux de détention, les OSC font des assistances juridiques.

L'assistance juridique qui est apporté aux détenus lors des actions de monitoring, permet d'orienter ces derniers vers tout moyen de droit pouvant leur permettre de défendre leurs intérêts250. Ainsi, les OSC aident les détenus à rédiger des demandes de libération provisoire, des lettres de demandes d'audience, etc. Dans son rapport d'activité de l'année 2019, le CACIT affirme que « Quarante-huit (48) lettres de demande d'audience, huit (08) demandes de libération provisoire et six (06) lettres de libération conditionnelle ont été déposées devant les juges d'instruction. Ces lettres d'audience

249 MANUEL DE FORMATION SUR LE MONITORING DES DROITS DE L'HOMME, SÉRIE SUR LA FORMATION PROFESSIONNELLE N° 7, HCDH, p. 16

250 Notamment le droit à la liberté en ce qui concerne les prévenus

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ont permis aux détenus de rencontrer leur juge d'instruction et de voir leurs dossiers avancer251 ». Suite aux dépôts des différentes requêtes, les OSC effectuent des actions de suivi auprès des cabinets d'instruction pour prévenir la lenteur judiciaire. Il faut à cet égard relever la collaboration positive avec les cabinets d'instruction. C'est surtout le cas avec les juges pour mineurs. Très souvent, c'est l'intervention des OSC est nécessaire pour la libération effective des enfants en conflits avec la loi. En effet, certains parents ne veulent plus accueillir leurs enfants après leur séjour carcéral. L'enfant demeure ainsi en détention bien que le juge pour enfant ait ordonnance de libération et de placement dans sa famille. Les OSC effectuent des actions afin de rechercher et rencontrer ces parents afin de les entretenir sur leur devoir à l'égard du mineur. Ces actions aboutissent le plus souvent au retour des enfants dans leur famille ou le cas échéant au placement des mineurs ainsi libérés dans des centres d'accueil. Un fait notable de l'action des OSC pour la protection du droit à la liberté est celle du CACIT qui a conduit à la libération de trois mineurs en situation de détention arbitraire à la brigade pour mineurs de Lomé. Alors que l'article 323 alinéa 2 du code de l'enfant prescrit un délai maximal de trois mois de détention pour les mineurs poursuivis pour avoir commis des délits, ces trois mineurs ont passé plus de huit mois de détention préventive. Cette situation était en grande partie due au fait que les trois mineurs avaient été transféré depuis la prison civile de Tsévié pour Lomé. Par suite de leur transfert, le juge en charge a été muté. Il se posait une difficulté pratique d'accessibilité. Après identification de ce cas, le CACIT a rencontré le juge pour mineurs en charge le 14 octobre 2019. Le juge a rendu une ordonnance de mainlevée de la garde provisoire trois jours plus tard, le 17 octobre 2019.

Certaine OSC s'engagent également dans la lutte contre la lenteur judiciaire et les détentions prolongées. C'est le cas de l'ONG Prisons délices qui a appuyé à l'organisation des audiences en exécution d'un projet dénommé « aide judiciaire aux détenus ». En trois ans, plus de cinq cent252 détenus ont retrouvé leur liberté. Le projet a couvert la période de 2012 à 2018.

251 Rapport d'activités Janvier-Décembre 2019, CACIT, inédit, pp. 9-10

252 6è, 7è et 8è Rapports périodiques de l'état togolais sur la mise en oeuvre de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples, p. 197

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B. Le plaidoyer pour un renforcement du cadre institutionnel

Suite aux diverses actions de monitoring effectuées dans les lieux de détention, les OSC élaborent des rapports alternatifs sur la situation des droits de l'Homme au Togo. Ces rapports servent notamment à faire des plaidoyers auprès des autorités compétentes pour une amélioration du cadre légal et institutionnel de la protection des droits de l'Homme. Un exemple récent a été observé au cours de la période d'état d'urgence sanitaire253 au Togo. Pour prévenir la propagation du COVID-19 dans les prisons, le chef de l'État avait procédé à la libération par grâce présidentielle de 1048 détenus le 03 avril 2020. Les mineurs en détention n'avaient pas été pris en compte dans la stratégie du gouvernement. Les OSC254 sont intervenus auprès des autorités compétentes pour rappeler l'urgence qu'il est de prendre des mesures de protection des enfants privés de liberté contre la pandémie devant aboutir à leur libération en toute sécurité255.

Les différents rapports élaborés suite aux monitorings des lieux de détention sont également exploités par les différents mécanismes de protection des droits de l'Homme auxquels le Togo est parti. C'est l'exemple du comité contre la torture qui est un organe mis en place pour veiller au respect de la convention des nations unies contre la torture. Lors du passage du Togo devant le CAT en juillet 2019, le gouvernement togolais a été amené à se prononcer sur des allégations de violations de droits de l'Homme recensés par les OSC. C'est également le cas devant la cour de justice de la CEDEAO, où l'État togolais a été condamné plusieurs fois à réparer des violations de droits de l'Homme perpétrés par des agents publics suite à des plaintes déposés par des OSC256.

Les OSC contribuent également au suivi de la mise en couvre des recommandations adressées par les mécanismes internationaux de protection des droits de l'Homme au

253 Décrétée par le chef de l'État dans son message à la nation en date du 1er avril 2020 pour renforcer la riposte nationale contre la propagation du COVID-19 qui touche le Togo depuis le 06 mars 2020

254 Notamment le CACIT

255 En effet, dans une déclaration en date du 13 avril 2020, le directeur exécutif de l'UNICEF exhortait les gouvernements et autorités pénitentiaires à libérer les enfants détenus car « la meilleure manière de protéger les droits des enfants détenus durant une dangereuse pandémie est d'assurer leur libération en toute sécurité»

256 Par exemple, l'État togolais a été condamné par la cour de justice de la CEDEAO en 2016, à verser la somme de 20 millions de F CFA au sieur Koffi AMETEPE suite à la plainte déposée par le CACIT

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gouvernement togolais. En effet, lors du passage du Togo devant le CAT, plusieurs recommandations ont été adressées à l'État togolais. C'est l'exemple de la recommandation faite à l'expert et rapporteur HELLER au gouvernement d'envisager « la fermeture de la prison civile de Lomé ». L'expert et rapporteur Sébastien TOUZE a pour sa part relevé le caractère « dérangeant » de la pratique des visites payantes aux détenus. Les OSC se chargent de faire le suivi de la mise en oeuvre des recommandations formulées ainsi que des engagements pris par le gouvernement. C'est aussi le cas après l'examen périodique universel. L'EPU est un processus d'évaluation de la situation des droits de l'Homme tous les cinq ans. Lors du premier cycle d'examen en octobre 2011, « 133 recommandations ont été formulées : 122 ont été acceptées, et 11 n'ont pas recueilli l'adhésion du Togo.257 ». Dans son rapport de suivi des recommandations de l'EPU au Togo en 2011, le FIACAT a établi un diagnostic des recommandations selon leur état de réalisation. Ce rapport a mis en exergue les réformes que le gouvernement doit mettre en oeuvre pour améliorer la situation des droits de l'Homme en général au Togo.

Paragraphe 2 : Le renforcement de la connaissance des droits et libertés
fondamentales

Après plusieurs visites de monitoring dans les lieux de détention258 et suite aux informations obtenues auprès des organisations de la société civile259, il ressort que plusieurs individus se retrouve en conflit avec la loi par pure ignorance de la loi. Face à l'arbitraire de la détention préventive, il est utile des se prémunir de la connaissance de ses droits. L'ignorance de la loi empêche le recours effectif aux droits de la défense. Comme il sera démontré, des individus tombent sous le coup de la loi pénale par ignorance de la loi. Face à la persistance de l'ignorance de la loi (A), il est nécessaire de multiplier et d'adapter les actions de sensibilisation sur le risque pénal (B).

257 Rapport du gouvernement togolais conformément au paragraphe 5 de l'annexe à la résolution 16/21 du Conseil des droits de l'homme, EPU, 2016, p. 2

258 Brigade pour mineurs de Lomé, Prison civile de Lomé, lieux de garde à vue, etc.

259 CACIT, Équipe des rédacteurs de la plateforme numérique « LBCJ »

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A. La persistance de l'ignorance de la loi

Le préambule de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 énonce clairement que « ...l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des Gouvernements... ». L'Histoire du monde a révélé que tout malheur public260 est nécessairement précédé par l'ignorance, l'oubli ou le mépris des lois. Rappelons que la loi est censée régir les rapports sociaux et assurer le bien-être collectif. Pour y parvenir, elle devrait être connue, comprise, acceptée et respectée de tous. Nul n'est donc censé l'ignorer261. Cependant, la difficulté pratique reste que tous les individus ne connaissent pas forcément toute la loi. L'ignorance de la loi est un obstacle réel au respect des droits de l'Homme et de la loi en général. Certaines personnes se retrouvent en conflit avec la loi par pure ignorance du caractère délictuel des actes posés. Il en est ainsi de certaines pratiques coutumières persistantes dans le « Togo profond262 » et qui constituent des infractions au code pénal. C'est l'exemple de l'excision263, de l'infanticide264, du phénomène des enfants sorciers265 (pratique assimilable au délaissement d'une personne hors d'état de se protéger266), de l'inceste267, etc. L'ignorance de la loi n'est pas une preuve d'innocence. Néanmoins, cette réalité devrait renseigner l'opinion sur la nécessité de mener des actions adaptées afin de vulgariser, de faire comprendre et de rappeler constamment les textes de loi. Lors du passage du Togo devant le CAT en juillet 2019, l'expert et rapporteur Claude Heller ROUASSANT avait souligné la nécessité de

260 Insécurité, violation des droits de l'Homme, etc.

261 Traduction de la formule latine « nemo censetur ignorare legem »

262 Dans les milieux reculés

263L'excision constitue une infraction délictuelle en droit positif togolais. Il est puni « d'une peine de cinq (05) à dix (10) ans de réclusion criminelle et d'une amende de cinq millions (5.000.000) à vingt-cinq millions (25.000.000) de francs CFA ou de l'une de ces deux peines. » (Art 220 NCPT)

264 Souvent les enfants dits « sorciers » sont victimes d'infanticide dans le Nord-Togo

265 Dans le Nord-Togo, de nombreux enfants « dits sorciers » sont chassés de leurs localités sous prétexte qu'ils seraient porteurs de pouvoirs magiques pour faire du mal à autrui. Certains d'entre eux sont souvent récupérés par de prétendus maîtres exorcistes qui les exploitent dans l'agriculture. D'autres migrent vers Lomé où ils deviennent des enfants en situation de rue. Ces enfants sont victimes de violences inouïes et souffrent de l'exclusion.

266 Art186, al 1 « Toute personne qui délaisse, en un lieu quelconque, une autre personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique est punie d'une peine d'emprisonnement de six (06) mois à deux (02) ans et d'une amende de cinq cent mille (500.000) à deux millions (2.000.000) de francs CFA ou de l'une de ces deux peines.

267 Puni à l'art 223 du code pénal

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renforcer la connaissance des individus sur les textes de loi, spécifiquement pour renforcer la prévention de la torture. Ce besoin est d'ordre général.

L'ignorance de la loi par les individus est un obstacle à la réalisation de la protection légale de leur droit à la liberté mis à l'épreuve par la détention préventive. L'existence de cas de détention arbitraire est parfois la conséquence de l'ignorance des textes des droits de la défense. Certains prévenus ignorent complètement quels sont les délais légaux de la détention préventive. D'autres encore ignorent quelles sont les voies de recours que la loi leur offre pour protéger leur droit à la liberté avant le jugement. C'est l'exemple du droit de tout prévenu de demander à rencontrer le juge d'instruction en charge de son dossier lorsqu'un temps plus ou moins s'écoule sans que le prévenu n'ait été appelé par ce dernier. Cette demande est effectuée par la rédaction et le dépôt d'une lettre de demande d'audience au cabinet du juge d'instruction en charge du dossier. Dans ce cas d'espèce, la difficulté peut provenir de la mise en oeuvre des droits de la défense. C'est le cas pour tout prévenu qui ne sait ni lire, ni écrire. L'accès au droit en général est limité par le taux encore élevé d'analphabétisme au Togo. Selon le MICS 2011, l'analphabétisme touche environ 43,3 % de jeunes et d'adultes de 15 à 44 ans au Togo. Les textes de loi sont usuellement publiés au journal officiel en français, ce qui est peu en phase avec la réalité ethnique au Togo. Il se pose une question d'appropriation des textes de loi. Il est donc difficile pour la plupart des prévenus de mettre en oeuvre les voies de recours dont ils disposent pour recouvrir la liberté dans les délais. Pour éviter l'irrecevabilité des requêtes pour cause de forclusion, la doctrine propose en matière administrative, que le juge recourt à une « interprétation validante268 » ou à une certaine « mansuétude269 » des requêtes. Il est en réalité question de « réduire les fins de non-recevoir270 ».

268 R. ROUQUETTE, Petit traité du procès administratif, D., 4ème éd., 2010, n° 322-21

269 C. GABOLDE, Procédure des Tribunaux administratifs et des Cours administratives d'appel, Dalloz, 6ème éd., 1997, p. 135.

270 R. ODENT, « Le destin des fins de non-recevoir », in Mélanges offerts à Marcel Waline, LGDJ, 1974, p. 653

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B. La nécessité d'une vulgarisation des textes des droits et libertés

La mise en oeuvre des mesures de protection du droit à la liberté lors de la détention préventive relève de la responsabilité de l'autorité judiciaire mais aussi du justiciable. L'ignorance de la loi freine l'appropriation et le recours effectif aux droits de la défense prévus par la loi en protection du droit à la liberté jusqu'au procès en droit positif togolais. Pour surmonter cette limite, les justiciables doivent être familiarisés aux dispositions légales qui encadrent le régime de la détention préventive. Le droit à l'information est garanti en droit positif togolais depuis l'adoption de la loi n°2016-006 du 30 mars 2016 la loi portant liberté d'accès à l'information et à la documentation publique. Il faut préciser que la reconnaissance du droit à l'information en droit positif togolais a pour corollaire la consécration d'une obligation de s'informer qui pèse sur le justiciable. C'est un devoir pour tout justiciable de s'informer.

Les organisations de la société civile sont nombreuses à contribuer à la sensibilisation des justiciables sur les droits de l'Homme. Néanmoins, la primeur de cette action de sensibilisation des justiciables revient à l'État. Dans son rapport final rendu public en août 2012, la CVJR rappelait à l'État togolais sa responsabilité de « vulgariser les droits de l'Homme auprès de tout citoyen afin d'améliorer la connaissance par tous de leurs droits et l'accès à la justice 271». En ce sens, plusieurs actions de sensibilisation ont été effectuées par l'État, notamment dans le cadre du programme d'appui au secteur de la justice (PASJ). Ainsi, un guide juridique des droits et obligations du justiciable a été rendu public en 2014. Il vise à donner au citoyen les moyens de mieux connaitre le fonctionnement de la justice. Dans le même sens, le Conseil supérieur de la magistrature a élaboré et publié en 2017, une « Directive sur l'Éthique et la Déontologie du Magistrat ». Ces deux documents ont fait l'objet d'une campagne nationale de vulgarisation. Des « maisons de justice » ont été ensuite créées en 2018. Ces structures de relais entre les juridictions classiques et les organes traditionnels de règlement des conflits entre les concitoyens sont comparables aux « tribunaux de conciliation272 » installés en droit positif béninois. Elles ont pour but de désengorger les tribunaux

271 Recommandation 20, rapport final CVJR, vol 1, p. 269

272 Titre 2 de la loi n°2001-37 du 27 août 2002 portant organisation judiciaire en République du Bénin, modifiée par la loi n°2016-15 du 28 juillet 2016

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classiques en instaurant « une justice de proximité ». Elles y procèdent au moyen des conciliations, des médiations ainsi que de l'information et de l'orientation juridique apportées au justiciable.

Les organisations de la société civile contribuent au renforcement des capacités tant des acteurs de la chaîne pénale que des détenus et des justiciables en général. À l'endroit des acteurs de la chaîne pénale, des programmes de formation sur des thématiques spécifiques sont organisés périodiquement. Il s'agit de thématiques intéressant la protection des personnes vulnérables, la prévention de la torture, la lutte contre le recours abusif à la détention préventive, etc. À l'endroit des prévenus, des sensibilisations sont régulièrement organisées dans les lieux de détention avec une préférence pour des thématiques telles que les droits de la défense, les délais de procédure, la rédaction des différents actes etc. Cette dynamique a conduit à la mise en place de plusieurs clubs juridiques au sein des différentes prisons273. À titre d'appui à la sensibilisation des prévenus, il faut relever l'implication individuelle de plusieurs magistrats dans les programmes de sensibilisation. Un manuel fondamental a d'ailleurs été élaboré en 2012 par la magistrat Suzanne SOUKOUDE FIAWONOU, directrice du centre de formation des professionnels de la justice du Togo. Il est dénommé « Guide des droits du détenu ». « Ce guide permettra à tout détenu dans le cadre d'une procédure judiciaire pénale, à tout moment de la procédure, de connaître facilement et précisément ses droits, ce qu'il peut faire ou doit faire pour les exercer au mieux274 ». Ce manuel est l'objet d'une grande vulgarisation dans les lieux de détention au Togo. Il faut également saluer l'initiative d'une équipe de juristes béninois et togolais qui ont créé une start-up numérique pour contribuer à une meilleure connaissance des droits fondamentaux par le citoyen lambda. En effet, ces derniers ont mis en place une plateforme électronique « les bons conseils juridique275s » qui publie quotidiennement des contenus juridiques à l'endroit des internautes276.

273 Rapport final, Atlas de la torture, 2013, p. 20

274 Voir avant-propos, Suzanne SOUKOUDE FIAWONOU, Guide des droits du détenu, ibidem, p.VI

275 https://www.facebook.com/Jurisconseillers/, consulté le 23 juin 2020

276 Avec entre autres, une rubrique consacrée aux droits et libertés fondamentales chaque lundi et une rubrique consacrée à la procédure pénale chaque mercredi

89

Il est important aujourd'hui de faire une évaluation de toutes ces actions de sensibilisation pour poser le diagnostic des avancées observées et définir les nouvelles stratégies. Cette activité permettra sans nul doute d'adapter et de réorienter les actions face aux nouveaux défis rencontrés dans la lutte pour une protection efficace du droit à la liberté jusqu'à un procès en droit positif togolais.

90

CONCLUSION

En droit positif togolais, la protection du droit à la liberté est soumise à de rudes épreuves dans la phase avant jugement de la procédure pénale. Au carrefour des mystères de la vie, tout citoyen peut se retrouver impliqué, de près ou de loin, à titre de présumé auteur, présumé complice, présumé receleur dans une affaire judiciaire, délictuelle ou criminelle. L'attente légitime du justiciable dans cette situation serait que la loi parvienne véritablement à protéger « l'innocence de l'innocent » et qu'elle déploie les différents mécanismes de l'instruction aux fins de la manifestation de la vérité au terme d'un procès équitable tenu dans un délai raisonnable. C'est pour cela que la protection du droit fondamental à la liberté est importante dans la procédure pénale avant jugement. Il faut que le droit à la liberté soit préservé à toutes les étapes de la procédure pénale avant jugement, sauf en cas de nécessité absolue. Pour cause, tout citoyen togolais a le droit à la sécurité de sa personne277. Cette sécurité se réalise in concreto par la protection des droits et libertés fondamentales du citoyen.

À la question de savoir si le régime de la détention préventive en droit positif togolais est de nature à protéger efficacement le droit à la liberté des personnes à l'épreuve de la détention préventive, il a pu être analysé que la protection reste limitée. D'importants acquis sont à relever à l'actif du législateur. Il s'agit notamment de la consécration du principe d'exception de la détention préventive dans phase de la procédure pénale avant jugement en droit positif togolais. Ce principe est rappelé par l'article 112 du code de procédure pénale « La détention préventive est une mesure exceptionnelle ...». Dans le même sens, le droit positif togolais a le mérite de consacrer le contrôle judiciaire. L'institution du contrôle judiciaire devrait servir d'alter-moyen toutes les fois où le maintien en liberté sans conditions est impossible au regard des nécessités de la procédure en cours. Toutefois, les défis demeurent. Le recours abusif au placement en détention préventive reste très élevé. La surpopulation carcérale des détenus préventifs est la caractéristique majeure des infrastructures carcérales au Togo en l'état. Le zèle

277 Article 13 de la constitution togolais « L'État a l'obligation de garantir l'intégrité physique et mentale, la vie et la sécurité de toute personne vivant sur le territoire national »

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insidieux de certains magistrats n'en est pas la seule cause. En effet, l'efficacité des mesures de contrôle judiciaire est remise en cause en pratique. Pour éviter les risques de fuite et par défaut de garantie de représentation, les magistrats préfèrent encore le recours au placement en détention préventive. Au cours de la détention préventive, d'importantes lacunes sont observables. En effet, des détentions prolongées sont récurrentes. Les détentions arbitraires sont elles aussi légion, surtout au niveau de la brigade pour mineurs de Lomé278. Ces violations flagrantes du droit à la liberté sont commises alors même qu'à cette étape de la procédure, la personne poursuivie reste présumée innocente.

Il a également été observé qu'il n'existe pas de régime de réparation de la détention préventive injustifiée. C'est le défi majeur en la matière dans le droit positif togolais. Toute victime d'une détention injustifiée devrait avoir droit à une réparation obligatoire du préjudice qui lui a été causé, toutes les fois où cela est possible. Ceci n'est pas pris en compte par l'actuel code de procédure pénale. D'ores et déjà, des réformes stoïques ont été résolument amorcées. Elles ont permis, entre autres l'adoption d'un nouveau code pénal en novembre 2015 et celle d'une nouvelle loi sur l'organisation judiciaire en octobre 2019. D'autres réformes restent attendues, telles que l'adoption du nouveau code de procédure pénale qui permettra la mise en oeuvre de la comparution pénale et de la composition pénale. Certaines pistes de réflexion devraient à l'analyse recevoir une attention particulière du législateur au titre de réformes envisageables. Il s'agit, entre autres de l'institution d'un juge indépendant chargé de la protection du droit à la liberté dans la procédure pénale : le juge des libertés et de la détention. Ce nouveau magistrat du siège viendra marquer la séparation définitive entre les fonctions de juge d'instruction et de décision de placement en détention préventive. Les bonnes pratiques observées dans d'autres législations279 permettront de renforcer son statut, son indépendance et son efficacité en droit positif togolais.

La protection du droit à la liberté est aussi tributaire de l'efficacité des mécanismes de contrôle du respect des garanties de protection des droits fondamentaux. Le premier est

278 En ce qui concerne les infractions délictuelles le plus souvent

279 Notamment la France au regard de l'affaire d'Outreau

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sans doute le contrôle du système judiciaire lui-même. Il existe également plusieurs mécanismes de contrôle externe au système judicaire. Il en est ainsi du mécanisme national de prévention de la torture et du sous-comité pour la prévention de la torture. Ces mécanismes de contrôle sont a priori attachés uniquement à la prévention des actes de torture dans les lieux de détention. Toutefois, dans le cadre de leurs mandats, ils participent au contrôle du respect des droits fondamentaux dans les lieux de détention.

Le rôle de la société civile, comme partenaire engagé auprès des autorités publiques pour la protection des droits fondamentaux des justiciables au cours de la procédure pénale, est bien connu de tous. Les OSC veillent au respect des droits fondamentaux à toutes les étapes de la procédure pénale. En ce sens, ils produisent des rapports alternatifs sur la situation des droits de l'Homme, qui présente un aperçu général de l'état de la protection des droits et libertés individuelles. Ces données servent d'outils pour les plaidoyers au niveau central. Elles servent également aux différents mécanismes internationaux de protection des droits de l'Homme pour faire des recommandations pertinentes à l'État togolais. Les OSC s'engagent également dans la lutte contre l'ignorance du droit, qui est une cause du non recours aux droits de la défense garanti par la loi pour protéger le droit à la liberté. Elles contribuent ainsi à la lutte contre le sentiment d'injustice qui peut être celui d'une personne qui se retrouve en situation conflictuelle avec la loi après commission d'un acte dont il ne connaissait pas la valeur infractionnelle. Il est aujourd'hui opportun de faire une évaluation de toutes les actions menées par les OSC afin de contribuer à la protection du droit à la liberté du citoyen dans la procédure pénale avant jugement au Togo.

La protection du droit à la liberté dans la procédure pénale avant jugement s'estompe après la condamnation de l'accusé à une peine d'incarcération au terme du procès. Toutefois, les détenus restent des détenteurs de droits. Le texte de référence en matière de protection des droits des détenus au niveau international est celui des règles Nelson Mandela. Quelle est aujourd'hui, en droit positif togolais, l'état de la politique publique de la réinsertion sociale des détenus ? Quel est également le bilan de l'action des OSC qui s'engagent dans ce sens ? Cette réflexion s'impose dans l'intérêt de la lutte contre le taux élevé de récidive en droit positif togolais.

93

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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· Loi n° 2012-15 portant code de procédure pénale en République au Bénin
·
· Code criminel canadien, 1985


·
· Code d'instruction criminelle, 1808


·
· Code de procédure pénale français, 1959


·
· Loi n° 83-1 du 2 mars 1983 instituant le Code de procédure pénale au Togo
·
· Loi n° 2015-10 du 24 novembre 2015 portant nouveau code pénal au Togo


·
· Loi organique n° 2018-006 du 20 juin 2018 relative à la composition, à l'organisation et au fonctionnement de la CNDH


·
· Constitution du Togo du 14/10/1992 révisée le 15 mai 2019


·
· Loi n° 2019-015 du 30 octobre 2019 portant organisation judiciaire au Togo

B. Textes internationaux


·
· Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples, 1981
·
· Déclaration universelle des droits de l'Homme, 1948


·
· Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela), 2015


·
· Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 1961

VII. RAPPORTS


·
· 3e, 4e et 5e rapports périodiques cumulés de la République du Togo, 51e session ordinaire, 18 avril - 2 mai 2012, Banjul, Gambie

·

97

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· . Rapport final CVJR, Volume 1, 2012, 309 p.

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· . TC, 02 juillet 1979, N°02134

98

+ TC, 08 février 1873, 1er supplt-Rec.

+ TC, 27 novembre 1952, Préfet de la Guyane, GAJA, D.1996 + Triggiani c. Italie [1991] CEDH 20

IX. WEBOGRAPHIE

+ Fleury (Elisabeth), « L'affaire d'Outreau va coûter plusieurs millions d'euros », disponible à l'adresse https://www.leparisien.fr/faits-divers/l-affaire-d-outreau-va-couter-plusieurs-millions-d-euros-02-09-2004-2005257702.php, consulté le 08 juin 2020 à 21h13

+ Site officiel de la République Togolaise, « Construction d'une nouvelle prison à Lomé », disponible à l'adresse https://www.republicoftogo.com/Toutes-les-rubriques/Justice/Construction-d-une-nouvelle-prison-a-Lome, consulté le 22 février 2020 à 16h43

+ La Nouvelle, « Nouveau drame à la prison civile de Lomé : Agouze kafui, une détenue, accouche et perd ses jumeaux nouveau-nés, par manque d'assistance», disponible à l'adresse https://www.27avril.com/blog/culture-societe/societe/togo-nouveau-drame-a-la-prison-civile-de-lome-agouze-kafui-une-detenue-accouche-et-perd-ses-jumeaux-nouveau-nes-par-manque-de-soutiens, consulté le 20 février 2020 à 21h51

+ PANASSA (Clémentine), « Les acteurs se familiarisent avec le logiciel de Gestion Informatique des Prisons à Kpalimé », disponible à l'adresse https://togopresse.tg/les-acteurs-se-familiarisent-avec-le-logiciel-de-gestion-informatique-des-prisons-a-kpalime/, consulté le 22 juin 2020 à 19h43

+ SABADO (Elsa) et MONIN (Cathérine), « Loïc Sécher obtient 800 000 € pour sept ans de vie derrière les barreaux », disponible à l'adresse https://www.la-croix.com/Actualite/France/Loic-Secher-obtient-800-000-pour-sept-ans-de-vie-derriere-lesbarreaux- EP -2012-09-25-857218, consulté le 06 juin 2020 à 16h

99

TABLE DES MATIÈRES

AVERTISSEMENT I

DÉDICACE II

REMERCIEMENTS III

SIGLES, ACRONYMES ET ABRÉVIATIONS IV

SOMMAIRE VI

INTRODUCTION 1

PREMIÈRE PARTIE : UNE PROTECTION LIMITÉE 9

CHAPITRE 1 : UN RÉGIME PEU PROTECTEUR 10

SECTION 1 : UN CADRE NORMATIF VÉTUSTE 10

PARAGRAPHE 1 : LES MÉRITES DU CADRE NORMATIF 11

A. LA CONSÉCRATION DU CARACTÈRE EXCEPTIONNEL DE LA DÉTENTION PRÉVENTIVE EN DROIT

POSITIF TOGOLAIS 11

B. L'INSTITUTION DES MESURES ALTERNATIVES À LA DÉTENTION PRÉVENTIVE : LE CONTRÔLE

JUDICIAIRE 13

PARAGRAPHE 2 : LES LIMITES DU CADRE NORMATIF 15

A. L'ABSENCE DU DÉBAT CONTRADICTOIRE AVANT LE PLACEMENT EN DÉTENTION PRÉVENTIVE 15

B. L'IMPRÉCISION DES MOTIFS DE PLACEMENT EN DÉTENTION PRÉVENTIVE 18

SECTION 2 : UNE PRATIQUE IRRÉGULIÈRE 19

PARAGRAPHE 1 : LE RECOURS EXCESSIF À LA DÉTENTION PRÉVENTIVE 20

A. DES CAUSES IDENTIFIABLES 20

B. DES CONSÉQUENCES DÉSASTREUSES 22

PARAGRAPHE 2 : LES ATTEINTES À LA PRÉSOMPTION D'INNOCENCE 24

A. LES ATTEINTES AU NOM DE LA LIBERTÉ D'EXPRESSION DES MÉDIAS 25

B. LES ATTEINTES DUES À L'ABSENCE DE L'OBLIGATION D'UNE MOTIVATION DU PLACEMENT EN

DÉTENTION PRÉVENTIVE 27

CHAPITRE 2 : UNE FAIBLE PROTECTION EN PRATIQUE 30

100

SECTION 1 : DES DURÉES DE DÉTENTION LONGUES 31

PARAGRAPHE 1 : LA VIOLATION DU DROIT À UNE DÉTENTION BRÈVE 31

A. LA NOTION DE DROIT À UNE DÉTENTION BRÈVE 31

B. L'INSENSIBILITÉ AU TEMPS DES DÉLAIS DE LA DÉTENTION PRÉVENTIVE 33

PARAGRAPHE 2 : L'EFFET DE LA DÉTENTION PRÉVENTIVE 35

A. LES EFFETS SUR LA SUITE DE LA PROCÉDURE 36

B. LES EFFETS SUR LE PRÉSUMÉ INNOCENT 38

SECTION 2 : DES CONDITIONS DE DÉTENTION CONTRAIRES À LA DIGNITÉ

HUMAINE 40

PARAGRAPHE 1 : LA SURPOPULATION CARCÉRALE ATTENTATOIRE AUX

DROITS FONDAMENTAUX 40

A. L'ABSENCE D'UNE SÉPARATION CATÉGORIELLE ENTRE PRÉVENUS ET CONDAMNÉS 41

B. LES CONSÉQUENCES INÉLUCTABLES DE LA PROMISCUITÉ 43

PARAGRAPHE 2 : L'INSUFFISANCE DE LA PRISE EN CHARGE DANS LES

PRISONS 45

A. UNE PRISE EN CHARGE ALIMENTAIRE INSUFFISANTE 45

B. UNE PRISE EN CHARGE SANITAIRE LACUNAIRE 48

SECONDE PARTIE : UN RENFORCEMENT NÉCESSAIRE 51

CHAPITRE 1 : LES AXES DE RÉFORMES ENVISAGEABLES 52

SECTION 1 : LE RENFORCEMENT DU CADRE LÉGAL ET INSTITUTIONNEL 52

PARAGRAPHE 1 : LES RÉFORMES ENGAGÉES POUR LA PROTECTION DU

DROIT À LA LIBERTÉ 52

A. DES AVANCÉES NOTOIRES 53

B. DES RÉFORMES ATTENDUES 55

PARAGRAPHE 2 : LES PISTES DE RÉFORMES ENVISAGEABLES 56

A. L'INSTITUTION DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION 57

B. LA PROTECTION DES GROUPES VULNÉRABLES EN DÉTENTION PRÉVENTIVE 59

SECTION 2 : LA NÉCESSITÉ D'UN RÉGIME DE RÉPARATION DE LA

DÉTENTION PRÉVENTIVE INJUSTIFIÉE 61

PARAGRAPHE 1 : L'ABSENCE D'UN RÉGIME DE RÉPARATION PÉNALE DE LA

DÉTENTION PRÉVENTIVE INJUSTIFIÉE 61

A.

101

LA NOTION DE DÉTENTION PRÉVENTIVE INJUSTIFIÉE 61

B. LA NON-PRISE EN COMPTE DE LA RÉPARATION DE LA DÉTENTION INJUSTIFIÉE 64

PARAGRAPHE 2 : LA NÉCESSITÉ DE LA MISE EN PLACE D'UN CADRE NATIONAL DE LA RÉPARATION DE LA DÉTENTION PRÉVENTIVE

INJUSTIFIÉE 66

A. LA NÉCESSITÉ D'UNE RÉPARATION INTÉGRALE DU PRÉJUDICE SUBI 66

B. LA MISE EN OEUVRE D'UN RÉGIME DE RÉPARATION PÉNALE DE LA DÉTENTION PRÉVENTIVE

INJUSTIFIÉE 68

CHAPITRE 2 : LE RENFORCEMENT DU CONTRÔLE DU RESPECT DES

GARANTIES DE PROTECTION DU DROIT À LA LIBERTÉ 71

SECTION 1 : LE RENFORCEMENT DES DIFFÉRENTS MÉCANISMES DE

CONTRÔLE 71

PARAGRAPHE 1 : LE RENFORCEMENT DU CONTRÔLE INTERNE 72

A. RÉNOVER LE CONTRÔLE DES MAGISTRATS 72

B. RENFORCER L'EFFICACITÉ DU CONTRÔLE 74

PARAGRAPHE 2 : LE RENFORCEMENT DU CONTRÔLE EXTERNE 76

A. LA MISE EN OEUVRE DU MÉCANISME NATIONAL DE PRÉVENTION DE LA TORTURE 76

B. LE CONTRÔLE DU SOUS-COMITÉ POUR LA PRÉVENTION DE LA TORTURE 78

SECTION 2 : LA CONTRIBUTION DE LA SOCIÉTÉ CIVILE AU RESPECT DES

GARANTIES DE PROTECTION DU DROIT À LA LIBERTÉ 80

PARAGRAPHE 1 : LA CONTRIBUTION À L'EFFECTIVITÉ DE LA PROTECTION

DU DROIT À LA LIBERTÉ 80

A. LA CONTRIBUTION POUR UN RECOURS EFFECTIF AUX DROITS DE LA DÉFENSE 81

B. LE PLAIDOYER POUR UN RENFORCEMENT DU CADRE INSTITUTIONNEL 83

PARAGRAPHE 2 : LE RENFORCEMENT DE LA CONNAISSANCE DES DROITS

ET LIBERTÉS FONDAMENTALES 84

A. LA PERSISTANCE DE L'IGNORANCE DE LA LOI 85

B. LA NÉCESSITÉ D'UNE VULGARISATION DES TEXTES DES DROITS ET LIBERTÉS 87

CONCLUSION 90

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 93

TABLE DES MATIÈRES 99






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"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire