CONCLUSION
Dans ce chapitre il a été question de
définir les différents concepts utilisés dans le cadre
notre recherche, nous avons aussi explicité le cadre théorique.
Le chapitre a eu deux section, dans la première section nous avons
définis les concepts tel que : journalisme, déontologie,
régulation et autorégulation. Dans la deuxième section
nous avons parlé de la théorie de la déontologie de
l'information, nous avons démontré dans quelle mesure cette
théorie est le socle de notre travail.
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CHAPITRE II. PAYSAGE MÉDIATIQUE
CONGOLAIS
INTRODUCTION
Dans ce chapitre nous allons parler de la situation des
médias congolais sous les
différents régimes politiques.
A savoir:
i' La presse coloniale de 1880-1960 ;
i' La presse pendant l'Ière République de 1960-1965
;
i' La presse pendant la deuxieme republique de 1965-1996 ;
i' La presse pendant Le temps des Kabila (Père et Fils) de
1997- 2019 ;
i' La situation de la presse congolaise sous FATSHI de 2019 a nos
jours.
SECTION I. LA PRESSE COLONIALE : UNE PRESSE DES
COMMUNAUTES
Les débuts de la presse au Congo belge se situent
autour des années 1900. En 1936 on répertoriait soixante-douze
périodiques, non compris les quotidiens. La colonie accordait une
importance capitale à son image et à celle de la Belgique
à l'étranger. L'Office de l'information et des relations
publiques pour le Congo et le Ruanda-Urundi organisait aux frais de la colonie,
des voyages et séjours pour des journalistes recommandés par les
Ambassades et Consulats belges à l'étranger. En échange,
des reportages favorables à l'oeuvre "civilisatrice" de la Belgique
étaient écrits dans de grands journaux et agences de presse
étrangers. Cette politique valait aussi pour les journalistes belges.
La presse coloniale est l'oeuvre d'hommes et de femmes qui
"laissant derrière eux une Europe éventrée par cinq ans de
guerre, avaient largué le passé pour se lancer à l'assaut
d'une autre vie : repartir à zéro, c'est tonique à trente
ans, quand on dispose d'autant de volonté que
d'enthousiasme"44. Ce n'était pas des fonctionnaires mais
des
44GILBERT MUBANGI BET'UKANY, Le parcours de la
presse congolaise et le rôle de l'oralité comme relais de
l'information en Afrique. Dans Les Enjeux de l'information et de la
communication, revue, 2007, p. 3
21
entrepreneurs. Cependant, cette presse est à l'image de
la politique coloniale. Dès le départ, elle est née de la
volonté de quelques uns de répondre aux nécessités
d'information ou de défense des groupes européens et non pour des
raisons de politique indigène45. Le public de cette presse
étant la communauté blanche, c'est au Katanga, où vivait
une population européenne internationale, qu'elle s'est beaucoup
développée. Dans cette riche province, certains journaux
paraissaient même en anglais. L'importance qu'a eue la presse au Congo
belge, est liée au fait que le Congo devenait au fil des années,
une sorte de colonie de peuplement. Les Belges établis au Congo ont fait
souche allant jusqu'à afficher une certaine autonomie vis-à-vis
de la métropole. C'est dans ce contexte de business et de politique que
la presse coloniale a construit sa santé économique et son
indépendance. Mais, malgré une politique éducative
coloniale exemplaire, la majorité de la population congolaise est
restée analphabète. La parution et la consommation des journaux
étaient une affaire des mindele (les Blancs). Seule la presse
"missionnaire", publiée en langues africaines, était
entièrement destinée à la population locale. Comme le note
Charles François (ancien collaborateur à "La Presse Africaine" un
hebdomadaire paraissant au Kivu (RDC) dans les années 50), pour les
colonisateurs belges, "les Congolais étaient l'objet de ce que feu le
Président Nixon appelait benevolent neglect. On les supposait
raisonnablement contents de leur sort qui, certainement, s'améliorait
peu à peu sur le plan matériel. Pour le reste, les coloniaux,
belges et étrangers, s'occupaient de leurs affaires administratives,
industrielles ou commerciales et, nouveaux Romains, s'imaginaient disposer de
cinq siècles pour transmettre les secrets et bénéfices de
la "vraie civilisation" aux nouveaux "Gaulois". (...) Pendant ce temps, se
formait rapidement une nouvelle classe congolaise. Comme n'importe quelle
génération de jeunes, livrés à l'inattention de
parents très occupés et distraits, ils en étaient
réduits à s'éduquer eux-
45GILBERT MUBANGI BET'UKANY, op.cit., 4
47 Ibid., pp.5-6
22
mêmes et entre eux. La presse, en particulier, les a
ignorés jusqu'aux premiers grondements de l'explosion
anti-coloniale46."
Après la deuxième guerre mondiale, les choses
vont changer. On assiste à la naissance de journaux tenus et
écrits par des Congolais. La guerre a engendré une prise de
conscience sur certaines idées telles que : identité, territoire,
lutte, souveraineté, liberté. Ce contexte d'après guerre
poussera les autorités politiques coloniales à
légiférer sur la presse. Le décret du 6 août 1922 du
Gouverneur général du Congo, pris en application de
l'ordonnance-loi du 5 mars 1922, relative à la presse, limite
très fort la liberté d'expression et fait du Congo un ghetto sur
le plan de l'information. Craignant que la presse étrangère
n'incite les populations congolaises à se rebeller contre le
système colonial, les autorités coloniales belges vont soumettre
son introduction dans le pays à une législation contraignante.
L'article 4 du décret de 1922 est explicite: seront punies des
mêmes peines l'introduction, la mise en vente, la distribution ou
l'exposition d'écrits, dessins, gravures, peintures, emblèmes ou
images susceptibles de porter atteinte au respect dû à
l'autorité belge Bulletin Officiel du Congo Belge
(1922),47Suite à ce décret, les rapports entre les
Africains et les autorités politiques coloniales vont se
détériorer. Les journaux tenus par les Congolais n'acceptent plus
les règles du jeu dictées par la législation coloniale. La
presse des Congolais va se radicaliser en soutenant les revendications des
populations indigènes, la prise de conscience du fait colonial et la
nécessité de lutter pour obtenir l'indépendance.
A l'approche de 1960, les événements politiques
se bousculent et se précipitent. Les journaux édités par
les Congolais deviennent de plus en plus militants, une véritable arme
politique qui tire à boulets rouges sur l'administration coloniale et la
Belgique. Dans ce contexte, les politiciens congolais vont jouer un rôle
important dans la presse. En effet, Lumumba l'a compris très tôt,
il devint correspondant de presse de La Croix du Congo et
4646GILBERT MUBANGI BET'UKANY, op.cit.
23
de La Voix du Congolais publiées à
Léopoldville, la capitale. IL entreprit d'écrire aussi pour le
compte de L'Afrique et Le Monde édité à Bruxelles ; en
1955 il devint l'éditeur responsable de L'Echo Postal, organe
trimestriel de l'Amicale des Postiers. En 1959-1960, il dota son parti
politique de trois organes de combat : Indépendance
(Léopoldville), Uhuru (Stanleyville), Tabalayi (Luluabourg). En 1947,
Justin Bomboko créa Mbandaka ; Joseph Ileo Fonda Conscience africaine en
1953. A son retour d'exil au Ghana, Patrice Lumumba lança
Indépendance en 1958. Quant à Mobutu, le colonel Marlière
de la Force publique lui confia la rédaction du journal de
l'armée. Plus tard, on le retrouvera "à L'Avenir colonial belge,
qui deviendra L'Avenir, où il écrit dans les pages
consacrées aux actualités
africaines"48. Pour toutes ces raisons, la presse
fera l'objet d'une surveillance toute particulière de la part de
l'autorité coloniale. Le climat devint de plus en plus tendu à
l'approche de l'indépendance. La majorité des Belges
détenteurs de journaux au Congo décidèrent de retourner en
Belgique après avoir vendu leurs titres. Ainsi, l'aventure belge au
Congo se solda par le sauve-qui-peut généraliser de 1960. Mais
certains d'entre eux, comme l'équipe de La Presse africaine, de Max et
Marie-Madeleine Arnold, et Georges Hensenne du Stanleyvillois
préférèrent rester quelque temps encore après
l'indépendance avant de se résoudre à partir eux aussi.
Marie-Madeleine Arnold résume bien le sentiment qui les animait : "nous
avions choisi notre place au cimetière fleuri qui surplombe le lac. Nous
n'y reposerons jamais, mais quelque chose de nous-mêmes est resté
là: un battement de coeur, un goût de miel, un goût de
sel49."
48G. MUBANGI, op.cit., p.8
4949GILBERT MUBANGI BET'UKANY,
op.cit.,
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