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Quelle politique de formation mettre en oeuvre dans les établissements de santé pour accompagner la transition numérique et les possibles usages de l'intelligence artificielle (IA) ?


par Elisabeth Berthelot
IGS - Master Ressources Humaines 2020
  

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D. Quelles conséquences y a-t-il / y aura-t-il sur les métiers des
établissements de santé / du secteur santé ?

La manière d'aborder la maladie change, nous nous dirigeons vers un système ou les traitements des patients sont et seront de plus en plus individualisés et avec des technologies de pointe. Les informaticiens et les gestionnaires de bases de données ont une place de plus en plus importante dans les établissements de santé et les entreprises du secteur santé. Les données traitées nécessitent de bien connaître les actes médicaux, leur terminologie voire la sémantique. Si les bases de données actuelles sont principalement utilisées aujourd'hui à des fins de gestion, il est possible de les transformer dans un cadre de recherche. Un travail par équipes interdisciplinaires est indispensable avec des médecins, des pharmaciens, des dentistes, des infirmières, des paramédicaux mais également avec des épidémiologistes, des économistes de la santé, des statisticiens, des personnels sociaux, etc. Il va falloir apprendre à travailler ensemble.

De nombreux métiers liés à l'intelligence artificielle apparaissent, quel que soit le secteur d'activité. La plupart de ces métiers partagent la particularité de la double compétence. Parmi ceux ayant une place dans le domaine de la santé, on peut citer 21 :

· Le Data Protection Officer (DPO) est chargé de la sécurité des données en conformité avec le RGPD, doit être au fait des spécificités des données médicales. Il cumule compétences juridiques et informatiques.

· Le Psy designer crée des « personnalités artificielles ». Il analyse les comportements entre humains et Intelligence Artificielle et travaille à les fluidifier. Il cumule études en psychologie et compétences informatiques.

20 https://www.louvainmedical.be/fr/article/de-la-medecine-10-la-medecine-30-le-patient-connecte

21 Paul Loubière, Métiers d'Avenir - Quand L'IA embauche, Challenges n°604, 2019

·

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L'Ethicien/ne est responsable de la dimension étique liée à l'IA et est garant des « biais » transmis à l'IA afin que celle-ci soit conforme aux valeurs qu'on souhaite lui inculquer et aux principes de droit humain. Des études en psychologie ou en philosophie sont nécessaires ainsi que des compétences en numérique.

· L'Architecte big data est chargé de la collecte des données. Il s'assure que celles-ci soient assimilables par le système d'information et par tous les logiciels métiers et en adéquation avec les dernières avancées technologiques. Il est ingénieur en informatique avec une formation complémentaire en big data.

· Le Data scientist est un ingénieur de données. Il trouve sa place dans tous les secteurs d'activités ayant besoin de statistiques et d'analyse des données. Le data scientist recoupe les données de diverses sources (contrairement au data analyst), s'assure de leur viabilité et les transmet à l'IA pour analyse. Il est ingénieur statisticien.

De nouvelles formations initiales ont été et vont continuer à être créées. Les directions des ressources humaines devront trouver la place pour ces nouveaux métiers et les accompagner dans leur légitimité auprès des différents professionnels. Tous les professionnels de santé et chercheurs devront être sensibilisés sur l'importance de la collecte des données de santé et accompagnés dans leur mise en place pour que les étapes nécessaires soient effectuées de manière optimale et que ces nouvelles données puissent être exploitées et servent à de nouvelles recherches. On peut aller encore plus loin sur les futurs métiers en évoquant les profils à double compétence qui pourront créer du lien et croiser les données de santé avec les paramètres météorologiques, les pics de pollution et les pics d'affluence aux urgences par exemple.

Outre les nouveaux métiers, B. Kalis, M. Collier et R. fu font ressortir dans un article de la HBR les métiers de la santé qui pourront être impactés : Chirurgie, assistants infirmiers virtuels, travaux administratifs, dosage, fraude Radiologie, etc.22

1. Les médecins

Les avancées et pistes de l'intelligence artificielle appliquée à la santé sont nombreuses : en réanimation, en imageries, en amélioration des processus de soin, en dépistage des cancers par les données d'imagerie et les analyses sanguines. De très nombreuses disciplines médicales vont voir leurs pratiques évoluer telles que la radiologie, la dermatologie,

22 https://hbr.org/2018/05/10-promising-ai-applications-in-health-care

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l'ophtalmologie, la neurologie, la psychiatrie, la cardiologie, la sénologie, l'hépatologie, l'endoscopie, l'endomicroscopie, l'anatomopathologie, la radiothérapie et la chirurgie guidée par l'image.

Actuellement, une salle d'opération regorge déjà d'équipements médicaux qui génèrent de la donnée (imagerie, instruments chirurgicaux, système d'information de l'hôpital pour la partie traitement du patient à proprement parler et caméras et microphones pour les communications et documentations destinés à la formation et à l'éducation). Les images des caméras, de même que l'enregistrement des gestes chirurgicaux, peuvent servir aux industries de développement d'outils de réalité augmentée, ou tout simplement de reconnaissance des gestes et d'enclenchement d'alarmes en cas de reconnaissance d'anomalie.

On évoque la mise en place de « tours de contrôle » des salles d'opération, comparable à celle d'un aéroport, comme au CHRU de Strasbourg23.

Simulation d'image d'une tour de contrôle en centre hospitalier

Comme on peut le voir en bas à droite de l'illustration ci-dessus, ce type d'équipement permettrait notamment de surveiller le placement des installations et les radiations émises par celles-ci et des différentes personnes présente dans le bloc opératoire et de détecter les risques de surexposition. Tout le personnel des blocs opératoires pourra ainsi être formé à la gestion de ces risques et développer de nouveaux réflexes sur le long terme.24

23 https://savoirs.unistra.fr/recherche/lintelligence-artificielle-une-intelligence-auxiliaire/un-super-assistant-pour-salles-doperation/

24 Nicolas Padoy, Vers une tour de contrôle des blocs opératoires, « Santé et intelligence artificielle », sous la direction de Bernard Nordlinger et Cédric Villani, CNRS Editions, 2018

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L'intelligence artificielle ne peut fonctionner seule. La pratique de la médecine est optimisée par l'analyse des intelligences humaines et artificielles combinées. Il s'agit d'outils d'aide à la décision. Cette notion est collégiale. « Comme l'ont montré les récents duels Homme/Machine en matière de jeux d'échecs, si la machine arrive à vaincre le champion du monde, ce dernier assisté d'un bon ordinateur écrase l'homme et la machine. »25 L'ensemble des professionnels de santé, qu'ils soient médecins, paramédicaux, administratifs et institutionnels sont d'accord sur ce point. Ils permettent une prise de décision plus objective basée sur une analyse des symptômes combinés avec les derniers rapports publiés, sélectionnés de manière pertinente par la machine et analyses des banques d'images permettant une analyse prédictive de l'évolution de la pathologie et ainsi pouvoir prescrire le traitement qui parait le plus approprié.

Certaines solutions d'aide à la décision par l'analyse de l'image telles que celles proposées par Therapixel26 pour les radiologues et oncologues sont déjà mises en place dans de très nombreux établissements dans le monde entier et aident ainsi les médecins dans les diagnostics des cancers du sein, du poumon, de la vessie, du foie, de la prostate ou de l'oesophage. IBM s'est également distingué dans la mise en place de ces outils sans toutefois réussir à s'implanter comme ils le souhaitaient.27 Les résultats obtenus sont meilleurs et le temps consacré aux recherches est considérablement diminué.

Certains outils d'analyse des IRM (Imagerie par résonance magnétique) sont développés pour donner des résultats chiffrés, adaptés à une lecture par une machine plutôt que par l'humain. « Tous les métiers ayant recours à l'imagerie seront impactés : radiologues, mais aussi cardiologues, ORL, dermatologues... » selon Jacques Lucas.28

a) Radiologue

D'aucuns pensent que le métier de radiologue est amené à disparaître compte tenu de la vitesse à laquelle le métier évolue ces dernières années avec les technologies de reconnaissance et d'analyse des images. Il est important de se poser les bonnes questions : quelles sont les conséquences sur le métier à court, moyen et long terme ? En répondant à cette question, la formation des radiologues pourra être adaptée au fur et à mesure, en communiquant clairement et en évitant ainsi de creuser la pénurie déjà existante de médecins spécialistes. Si le métier n'est pas amené à être supplanté par les machines, l'intelligence

25 Jean-Emmanuel Ray, Droit du travail - droit vivant, Wolters Kluwer, 2020

26 https://www.therapixel.com/

27 https://www.ibm.com/products/clinical-decision-support-oncology

28 Propos reportés par Delphine Déchaux, Une assistance pour les médecins, une concurrence pour les secrétaires, Challenges n°604, 2019

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artificielle n'est pas en mesure de raisonner de la manière dont un radiologue établit son diagnostic. Les praticiens devront inévitablement se former très régulièrement et être à l'aise avec toutes les nouvelles technologies d'imagerie et avec le changement. Les applications d'intelligence artificielle passent essentiellement par l'imagerie et sont amenées à se développer de plus en plus, on peut donc aisément supposer que le nombre de demande d'images augmentera ainsi que le besoin de radiologue. Le métier change et les informations disponibles seront plus importantes. Elles permettront au médecin radiologue de miser totalement sur son expertise, traitant des données de plus en plus sophistiquées, et de manière plus rapide avec des traitements de plus en plus personnalisés.

Les différents spécialistes se sont créés des communautés d'experts via les réseaux sociaux et peuvent ainsi soumettre des cas cliniques à leurs confrères du monde entier et recevoir une réponse en quelques secondes influençant ainsi l'enseignement et les diagnostics.

Le médecin aura un rôle de médiateur dans la compréhension des algorithmes et des technologies et la transmission de l'information adéquate pour le patient. Il s'agit d'une mise en pratique individualisée et optimisée du traitement en fonction des facteurs propres au patient (environnementaux, sociaux, culturels, familiaux, psychologiques). Il ne s'agit pas de sacrifier le bien-être du patient au service d'un soin qui pourrait alors devenir contre-productif.29

Dans la note IA et emploi en Santé : quoi de neuf docteur ? publiée par l'institut Montaigne en 2019, le Dr Jean-Philippe Masson résume ainsi les effets à attendre de l'IA en radiologie : - « L'aide au diagnostic : l'IA permet une analyse plus rapide des examens, ensuite validée par le radiologue,

- Les outils de formation initiale ou continue : l'IA permettra le développement de méthodologies de formation à distance et de modules d'entraînement directement connectés aux techniques utilisées par les radiologues,

- Le soutien au développement de la recherche : l'IA contribuera à la recherche dans les nouvelles techniques comme l'imagerie fonctionnelle et interventionnelle, les banques de données génomiques et la médecine prédictive. » 30

Il existe aujourd'hui une pénurie de radiologues. L'intelligence artificielle apporte une solution en dégageant du temps qualitatif aux radiologues. Il me parait extrêmement important de maintenir une bonne communication régulière sur les avancées de l'intelligence artificielle en

29 Mostafa El Hajjam, Vers un radiologue augmenté, « Santé et intelligence artificielle », sous la direction de Bernard Nordlinger et Cédric Villani, CNRS Editions, 2018

30 David Gruson, Adrien Deudon et Laure Millet, IA et emploi en Santé : quoi de neuf docteur, Institut Montaigne, 2019

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imagerie et sur l'évolution du métier à plusieurs échéances auprès des professionnels, des professeurs d'université et des étudiants en médecine. Il ne faudrait pas que les étudiants cessent de choisir la radiologie par peur de disparition du métier et qui engendrerait une nouvelle pénurie de radiologues.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand