Avez-vous déjà changé de contexte
professionnel ou connaissez-vous des contextes professionnels multiples
?
Oui. J'ai changé de contexte professionnel. J'ai
changé trois fois de métier dans le privé, dans le
marketing. Ensuite dans le soin, j'ai travaillé à
l'hôpital, en pédopsychiatrie, en libéral, en addictologie,
en précarité et en psychiatrie.
Si non, êtes-vous prêt à changer
d'établissement ou à passer par un détachement hors de
votre établissement pour explorer de nouveaux contextes professionnels
et ainsi pérenniser votre employabilité ?
Oui, je suis très pour le changement. C'est même
quelque chose qu'on nous a appris à l'école. Le burn-out
professionnel existe dans le soin, comme partout, et au lieu d'attendre, il
faut changer. L'avantage de mon métier c'est qu'il y a de nombreuses
possibilités différentes. Infirmière, c'est très
résumé par rapport à tout ce qu'on fait, à tous les
métiers qu'il y a derrière. Le changement ne me fait pas peur.
J'ai changé plusieurs fois de structure entre l'hôpital,
l'associatif, le privé à but non lucratif, le libéral et
je le referai.
Quels sont selon vous les bénéfices des
changements de contexte professionnel ?
Les bénéfices des changements sont la remise en
question, étoffer son réseau, changer de pratique,
améliorer sa qualité de soin, éviter la routine.
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Selon-vous, votre métier est-il amené
à changer dans les prochaines années ?
Je suis infirmière en santé mentale, c'est
particulier. Oui le métier va changer et grâce aux soignants.
L'année prochaine, je vais peut-être devenir infirmière
zoothérapeute. Il existe une formation de 10 jours qui coûte
1900€ qui est uniquement ouverte aux soignants et aux praticiens du social
à l'institut français de zoothérapie. C'est un
métier à double compétences.
Quels sont les changements à envisager
spécifiquement liés aux nouvelles technologies ?
Je ne sais pas. J'utilise peu les nouvelles technologies dans
mon travail. On nous parle en formation d'applications pour les patients mais
je ne connais pas aujourd'hui ce qui existe.
Avec le dossier patient informatisé, le changement, ce
serait que cela fonctionne correctement. Le changement qu'il faudrait faire, ce
serait d'impliquer les soignants dans le projet de structuration de l'outil. Je
l'utilise depuis peu de temps pour des évaluations. Il y a un
questionnaire qui s'appelle risque/urgence/danger par rapport au risque
suicidaire et je me fais un point d'honneur à le faire car il est
possible que je devienne référente sur ce sujet. Ce questionnaire
n'est aujourd'hui pas du tout adapté. Il faut répondre oui ou non
comme si c'était aussi facile. C'est très manichéen. A
chaque question, les patients me répondent ça dépend. Les
changements à envisager seraient d'impliquer les gens dont c'est le
métier d'avoir des patients dans la construction de l'arborescence des
outils. Aujourd'hui, on utilise des logiciels qui sont faits par des
informaticiens pour qui les patients sont des numéros.
Un autre changement à envisager, c'est de former les
gens qui les utilisent parce que je n'ai jamais été formée
à l'outil. On m'a balancée en me disant : tu travailles sur
cariatides. Je l'utilise à 4% de ses capacités parce que je ne
fais que bidouiller avec. Je n'ai jamais eu de formation. Le changement
à envisager c'est former et dégager du temps pour pouvoir faire
ça. Ça prend beaucoup de temps d'utiliser les outils
informatiques en soin. Si aujourd'hui je reçois mon patient pendant une
heure, ensuite je dois retranscrire ce qu'il s'est passé sur
l'ordinateur donc j'ai au moins une demi-heure en plus pour utiliser
l'outil.
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Que savez-vous des implications de l'intelligence
artificielle dans le domaine de la santé ?
Rien.
Selon vous, quel(s) type(s) d'impact(s)
(positifs/négatifs) les nouvelles technologies et l'intelligence
artificielle ont-elles / auront-elles sur votre métier ?
L'intelligence artificielle je ne sais pas. Les nouvelles
technologies l'impact négatif aujourd'hui c'est le temps que ça
prend et le fait que ce ne soit pas adapté car ce sont des cases
à cocher et qu'on traite de l'humain. L'impact positif, si on prend les
applications d'éducation thérapeutique pour les patients, c'est
que ça permet au patient de s'autonomiser. En
psychiatrie, il y plein d'applications qui existe sur : c'est quoi ma maladie,
c'est quoi mon traitement, ce que je dois faire si tout à coup je me
mets à entendre, des voix avec des arborescences de prise de
décision. A priori ce sont de supers outils. Je n'ai encore jamais
rencontré de patient qui les utilisent. En tout cas cela permet au
patient de s'autonomiser dans ses soins. C'est ce qu'on se souhaite dans la
mesure où il n'y a plus d'argent dans la santé. On souhaite
qu'ils puissent se soigner eux-mêmes.
D'après vous, quelles sont les actions
à mettre en place pour anticiper l'évolution des changements dans
votre quotidien professionnel liés aux nouvelles technologies et plus
spécifiquement à l'intelligence artificielle ?
A court terme
A moyen terme
Sur le long terme
En plus d'investir les soignants dans la mise en place des
outils, ce serait d'impliquer aussi les patients. Pour anticiper les bonnes
mises en oeuvre, il faut prendre du temps, rencontrer des soignants et des
patients et construire les choses ensemble. Imposer de
manière verticale, ça ne fonctionne pas aujourd'hui. Ce serait de
mettre en place des comités de pilotage et des comités de projet
par outil en expliquant le but de l'outil avec un soignant, un patient,
informaticien et un rh par exemple et de travailler ensemble. Ensuite, on met
en place des formations de l'outil pour tous en expliquant ce à quoi
ça sert, d'où ça vient et on la fait tester avec une
évaluation à trois mois pour voir si cela fonctionne.
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Il pourrait y avoir des communications faites sur le projet en
amont mais la réalité du métier c'est qu'on n'a pas le
temps. On n'a pas d'espace de veille. Je vois quinze patients par jour et je
n'ai pas le temps. Aujourd'hui sur mon propre projet je me dégage un peu
de temps mais pas assez. Clairement un paramédical aujourd'hui n'a pas
le temps de se tenir informé donc si je reçois un email qui dit :
« on en est là du COPIL », clairement je ne le lirai pas. Pour
la communication, ça pourrait passer par le cadre en réunion ou
même de manière informelle. On est très dans l'informel en
psychiatrie. Il y a des mémoires qui sont écrits sur les temps
informels en psychiatrie, que ce soit avec les institutionnels, entre
professionnels et avec les patients. Il très important.
On parle d'intelligence artificielle en comparaison
de la vision/perception que nous avons de l'« intelligence » humaine.
Si toutes les qualités humaines pouvaient être inculquées
aux machines, quelles seraient selon vous les principales à transmettre
? Pourquoi et dans quelle mesurent cela vous parait-il possible ?
Jusqu'où doit aller la machine ? Doit-elle rester un outil d'aide
à la décision ?
L'intelligence émotionnelle ! Savoir identifier les
émotions chez quelqu'un, de quelle émotion il s'agit, ce que la
personne ressent dans son corps et ce à quoi je pense. Ça me
permettrait d'être plus pertinente dans mon activité, aujourd'hui
je ne gère que les émotions des gens. Après, une machine
peut-elle comprendre ce qui se passe dans un le corps d'un patient puisqu'elle
n'en a pas et comment peut-elle l'analyser ? C'est un débat
philosophique.