MINISTERE DE L'ENSEIGNEMENT REPUBLIQUE DE COTE
D'IVOIRE
SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE Union -
Discipline - Travail
UNIVERSITE DE COCODY ANNEE
ACADEMIQUE
2005-2006
UFR des Sciences Juridique Administrative et
Politique
MEMOIRE
EN VUE DE L'OBTENTION DU DIPLOME D'ETUDES
APPROFONDIES (DEA) EN DROIT PRIVE FONDAMENTAL.
THEME :
DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVEE
DES PERSONNES ET DROIT DE L'INFORMATION EN CÔTE
D'IVOIRE.
Présenté par :
Sous la Direction de :
M. KOFFI Aka Marcellin
M. COULIBALY Climanlo
Jérôme Maître de
Conférences, agrégé des facultés de
droit Avocat au barreau d'Abidjan
Jury
Président : Professeur COULIBALY
Climanlo Jérôme Maître de
Conférences, agrégé des facultés de droit
Avocat au barreau d'Abidjan
Suffragants
M. ASSI Assepo Eugène, Docteur d'Etat en droit
privé, Maître -assistant,
Vice-Doyen chargé de la recherche.
M. BROU Kouakou Mathurin, Docteur d'Etat en droit
privé Maître-assistant Magistrat.
KOFFI Aka Marcellin i
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
SOMMAIRE
DEDICACE III
REMERCIEMENTS IV
LISTE DES ABREVIATIONS V
INTRODUCTION GENERALE 1
PREMIERE PARTIE : DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVEE DES
PERSONNES ET DROIT DE L'INFORMATION : DEUX NOTIONS OPPOSEES MAIS CONCILIBALES.
. 11
Chapitre I- DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVEE ET DROIT DE
L'INFORMATION :
DEUX NOTIONS OPPOSEES. 14
Chapitre II- DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVEE ET DROIT DE
L'INFORMATION : DEUX DROITS CONCILIABLES OU COMPLEMENTAIRES.
25
DEUXIEME PARTIE : LES ATTEINTES AU DROIT A LA VIE PRIVEE
DES
PERSONNES PAR VOIE DE PRESSE ET LEURS SANCTIONS.
64
Chapitre I- LES MODES D'ATTEINTES A LA VIE PRIVEE DES
PERSONNES PAR
VOIE DE PRESSE ET LEUR INCIDENCE SUR LA VIE DES VICTIMES. 67
Chapitre II- LES SANCTIONS DES ATTEINTES AU DROIT A LA
VIE PRIVEE DES
PERSONNES PAR VOIE DE PRESSE 86
CONCLUSION GENERALE. 115
ANNEXES 120
BIBLIOGRAPHIE GENERALE. 126
TABLE DES MATIERES 133
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
« Verba volant, scripta manent
»1
KOFFI Aka Marcellin ii
1 Les paroles s'envolent (il ne reste aucune trace)
; les écrits restent et font preuve. Voir lexique des termes juridiques,
10ème édition, Dalloz, Paris, 1995, p. 560
KOFFI Aka Marcellin iii
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
DEDICACE
A
Toute ma famille
En particulier :
Ma mère AKA Andjoua Odette
Ma tante KOUADOU Ebah
Thérèse
Mon cousin ABBE Adjé
André
Mes grands parents KOUADOU oi Kouadou Albert et
AKA Amenan
Mes amis et bienfaiteurs, spécialement
:
FOTTO N'da Marius Silvestre. ETTIEN
Hervé Georges
, EHOUE Pierre Vergnet, BROU Ehu Emmanuel,
KOUAME Aka Laurent, EDJA
Jean-Baptiste...
Mes frères et soeurs en
christ.
Mes condisciples de DEA de l'année
académique 2004-2006
KOFFI Aka Marcellin iv
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
REMERCIEMENTS
Nos remerciements vont à tous ceux qui ont
contribué, par leur soutien juridico-intellectuel, moral,
matériel et financier, à l'élaboration du présent
mémoire.
Nous pensons notamment :
Aux professeurs :
COULIBALY Climanlo Jérôme, pour avoir
accepté de nous encadrer et guider nos premiers pas sur la voie de la
recherche. Travailler avec vous fut un réel plaisir. Veuillez trouver,
ici, l'expression de notre profonde gratitude. Puisse Dieu vous assister et
vous donner la force d'encadrer tous ceux qui seront dans l'aventure combien
malaisée mais merveilleuse de la recherche ;
MELEDJE Djedjro Francisco, Doyen de l'UFR des
Sciences Juridique, Administrative et Politique de L'Université de
Cocody,Abidjan.
ACKA Sohuily Félix, pour ses conseils en
méthodologie ;
Jacqueline Lohoues-OBLE ; à travers elle,
tous les enseignants qui ont participé à notre formation scolaire
et universitaire.
Aux professionnels de la presse, en particulier
:
Monsieur KONE Samba, alors président de
l'OLPED-CI
Monsieur Franck Anderson KOUASSI, secrétaire
général du CNCA.
Que Dieu vous bénisse tous sans exception
et vous rende au centuple tout ce que vous avez fait à un
rejeton.
Amen !
KOFFI Aka Marcellin v
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
LISTE DES ABREVIATIONS
al. Alinéa
art. Article
Bull. civ. Bulletin des
arrêts des chambres Civiles de la cour de cassation
Française
C.A. Cour d'Appel
C. cass. Cour de Cassation
Chron. Chronique
Civ. Chambre civile de la cour de
cassation
CNCA Conseil National de la
Communication Audiovisuelle
CNP Conseil National de la
Presse
D. recueil Dalloz
D.S. Recueil Dalloz-Sirey
Gaz-Pal Gazette du Palais
Ibid. au même endroit
In à l'intérieur de,
dans (tel ouvrage)
J.O. Journal Officiel
J.C.P. Juris-Classeur
Périodique
L.G.D.J. Librairie
Générale de Droit et de Jurisprudence
L.I.D.J. Librairie Ivoirienne de
Droit et de Jurisprudence
Obs. Observations
O.L.P.E.D. Observatoire de la
Liberté de la Presse de l'Ethique et de la
Déontologie
Op. Cit. dans l'ouvrage cité
ou déjà cité
R.I.D. Revue Ivoirienne de
Droit
T.G.I. Tribunal de Grande Instance
(France)
Trib.P.I. Tribunal de
Première Instance(Côte d'Ivoire)
U.N.J.C.I. Union Nationale des
Journalistes de Côte d'Ivoire
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
INTRODUCTION GENERALE1
KOFFI Aka Marcellin 1
A mesure que la civilisation se développe, les rapports
sociaux deviennent
de plus en plus complexes , le cercle de l'activité
juridique de chacun d'entre nous pénètre plus avant celui de ses
semblables.Nous sommes si voisins les uns des autres qu'il nous devient
impossible d'agir sans risquer de causer un dommage à autrui .Dans une
société moderne ,tant d'intérêts se croisent et
s'enchaînent , tant de relations s'établissent entre les hommes
,que le droit de chacun, sans cesse en contact avec les entreprises d'autrui ,
reçoit fréquemment des atteintes . Cette activité s'est
trouvée centuplée, et avec elle les dangers qu'elle fait courir,
le jour où le machinisme est venu seconder les efforts de l'homme.
En effet, les caractères de notre civilisation dont on
dit volontiers qu'elle est celle de la prééminence de la personne
humaine dans la hiérarchie des valeurs, l'expression véritable
des moyens de communication à travers le monde et l'accroissement
certain du nombre de décisions de justice , sanctionnant ou non
l'exploitation ou la diffusion des droits des personnes, attestent
l'importance, la nécessité de l'étude1 des
rapports entre la dignité des personnes et le droit de l'information,
aujourd'hui.
Pour expliquer l' importance toujours plus grande que prend
cette question , avec le nombre sans cesse croissant des procès en
responsabilité pour violation des droits des personnes physiques , il
faut tenir compte d'une tendance moderne des esprits à exiger la
sécurité. On veut être garanti contre toute atteinte.
En effet, l'homme ne se nourrit pas seulement d'information.
Il se nourrit aussi de paix, de tranquillité, d'honneur,
d'intimité et partant de dignité.
Ainsi le droit ne protège pas seulement les
intérêts pécuniaires, la liberté de l'information.
Il protège également les intérêts qui ne se
traduisent pas forcement en argent. C'est pourquoi, à côté
des droits patrimoniaux, du droit de l'information, la personne humaine est
titulaire de droits extrapécuniaires appelés
communément
1 J. Ravanas, La protection des personnes contre la
réalisation et la publication de leur image, Paris, LGDJ, 1978, p.9
.
KOFFI Aka Marcellin 2
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
droits de la personnalité stricto sensu.
« Ce sont des droits tout aussi fondamentaux que les premiers cités
mais leur particularité est qu'ils sont indissolument liés
à la personne humaine. Qui les viole donc porte atteinte à la
dignité de l'homme1 ».
C'est dans ce sens que Royer-Collard, parlant de l'un des
droits de la personnalité les plus précieux, en l'occurrence, le
droit au respect de la vie privée disait ceci : « la vie
privée doit être murée »2. C'est dire
que selon son propos, la vie privée revêt une importance capitale
de sorte qu'elle doit être préservée, respectée par
tous.
Aussi ce propos exprime-t-il le besoin depuis longtemps
ressenti par les hommes de mettre une partie de leur vie à l'abri des
regards aussi bien des autorités publiques que de leurs concitoyens. Il
en a été ainsi sans grande difficulté.
Mais avec l'avènement des progrès des sciences,
et surtout des techniques, de graves menaces pèsent sur le droit au
respect de la vie privée. La presse3 permet aujourd'hui de
rassembler des informations illimitées sur chacun des hommes et de les
communiquer à un nombre aussi illimité de personnes publiques et
privées à travers le monde, surtout à l'ère de
l'informatique et de l'Internet.
La diffusion de la vie privée des personnes par les
moyens de l'information suscite des appréhensions légitimes dans
le monde et particulièrement en Côte-d'Ivoire, notre
pays.Quotidiennement, des personnes physiques sont confrontées à
des problèmes inhérents à cette matière.
C'est en guise de réponse à ces
inquiétudes que nous avons choisi de réfléchir sur les
rapports entre le droit au respect de la vie privée et le droit de
l'information, de nombreux conflits ayant trait à leur coexistence.
Pourquoi concilier droit au respect de la vie privée et
droit de l'information ? Pourquoi défendre l'intimité, le secret,
de notre vie privée et familiale ?
1 H. Mazeaud, in préface « la protection
de la vie privée » de Pierre Kayser, Economica, Presses
universitaires d'Aix-Marseille, 2e édition, Paris, 1990
2 R. Collard cité par P. Kayser, la
protection de la vie privée, Paris 1990, édition Economica,
quatrième de couverture .
3 La Presse, ici, est saisie comme l'ensemble des
moyens d'information quelque soit le mode d'expression (Presse écrite,
parlée, audiovisuelle).
KOFFI Aka Marcellin 3
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
Qu'a donc à cacher l'homme qui vit selon la loi ?
Notre existence ne doit-elle pas être transparente ?
N'est-il pas souhaitable que nous habitions une « maison de
verre »1 ?
Ce sentiment profond de discrétion et de pudeur qui existe
au fond de chaque
être humain exige la protection du secret de la vie
privée : vie personnelle et familiale. Sans un minimum de secret ou
respect, il n'y aurait plus de liberté. Le respect de la vie
privée est l'un des aspects de la liberté de notre
existence2.
Le législateur ivoirien et son peuple, à
l'instar de ceux du monde entier, en ont pris conscience. La nouvelle
constitution, adoptée par référendum du 23 au 24 juillet
2000 et promulguée le 1er août 2000, ne manque pas de
reprendre puis de développer les libertés naguère
proclamées par celle qui l'a précédée. Dans son
préambule et dans son titre I, notamment, il précise : «
chacun a le droit d'exprimer et de diffuser librement ses idées pourvu
que l'exercice de ses droits ne porte pas atteinte ni à l'honneur et
à la considération d'autrui, bref à la dignité
humaine ou à l'ordre public ». En témoignent
également les deux nouvelles lois du 14 décembre 2004 sur la
presse écrite et la communication audiovisuelle3.
Aux termes de ces deux lois, l'exercice de la profession
journalistique doit se faire dans le respect des droits et libertés
d'autrui et partant dans le respect de la dignité de la personne
humaine.
En posant ce principe, le législateur n'a pas
innové. Il s'est contenté de consacrer une jurisprudence,
déjà abondante à l'époque, qui sanctionnait les
violations du droit au respect de la vie privée par le recours aux
principes des constitutions et par l'application des règles de la
responsabilité civile ; également des règles de la
responsabilité pénale dans les domaines où la loi
pénale érigeait en infraction de telles atteintes.
1 H. Mazeaud, op.cit.
2 Idem .
3 J.O. numéro spécial accords de Linas
Marcoussis du 30 décembre 2004, n°2.
KOFFI Aka Marcellin 4
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
Outre les textes du droit interne, les tribunaux peuvent
devoir appliquer les conventions internationales auxquelles la Côte
d'Ivoire a adhéré et qui ont été approuvées
et publiées.
La plus importante est la déclaration universelle des
droits de l'homme du 10 décembre 1948, ratifiée par la
Côte- d'Ivoire.
. Tous ces textes sont l'objet d'une étude approfondie.
Cependant, l'un des problèmes les plus délicats parmi ceux que
soulèvent les rapports entre le droit au respect de la vie privée
et le droit de l'information est celui de leur conciliation : jusqu'à
où le journaliste peut-il donner des informations sur la vie d'une
personne ?-
Où s'arrête la liberté du journaliste en
ce qui concerne l'information sur la vie d'une personne ?--
En droit ivoirien, la question présente un
intérêt, par exemple quand il s'agit de savoir dans quel cas la
vie privée doit être respectée face à la
liberté du journaliste dans le traitement de l'information ?-
En étudiant le contenu des rapports entre droit au
respect de la vie privée et droit de l'information, on aura souvent
l'occasion de faire appel au droit français et à d'autres droits
étrangers sur des points particuliers compte tenu de la rareté
des opinions doctrinales, des décisions jurisprudentielles et de
l'insuffisance de la législation en cette matière dans notre
droit -
Mais avant même de pénétrer au coeur des
rapports reflétant ceux-ci, il importe, si ce n'est de définir,
au moins de donner quelques explications sur le sens des deux notions.-
En clair, que faut-il entendre par « droit au respect de
la vie privée et droit de l'information ?-
Concernant le droit au respect de la vie privée, on
observera qu'aucun texte en droit interne et en droit international ne se
hasarde à le définir précisément. Le droit au
respect de la vie privée est une création jurisprudentielle
permanente dont il est fort malaisé d'en donner une définition
satisfaisante.
A la différence des catégories classiques telles
que celles des droits patrimoniaux à savoir les droits de créance
et les droits réels, éprouvés par une
KOFFI Aka Marcellin 5
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
longue pratique1, le droit à la vie
privée, est un concept qui n'a reçu une consécration que
tardivement dans la législation (début XXe
siècle-)
Avant la révolution française, l'idée de
personne et de sphère privée était difficilement
compréhensible .Seule la collectivité humaine dans son ensemble
revêtait un sens. Les valeurs individualistes de la révolution
bourgeoise ont constitué le terreau qui a permis de
révéler une autre facette de la personne. L'individu ne fait plus
corps avec la masse .On lui accorde sa place, à lui de la prendre .On
lui reconnaît une dimension intime qu'il peut faire respecter .On ne
parlait pas encore de droit de la personnalité .Il aura fallu
près de deux siècles pour que s'affirme le droit à la vie
privée .Ce sont les affaires Picasso, Brigitte Bardot qui ont quelque
peu forcé le législateur français de l'époque
à intervenir pour venir consacrer légalement ce qui était
désormais dans tous les esprits :les droits individuels .
Ainsi appréhendé, l'idée
générale que recouvre la notion de droit à la vie
privée est sans doute assez simple en dépit de sa
complexité.
Le droit à la vie privée peut donc être
défini comme « le droit qu'a l'individu vis-à-vis de toute
personne, au respect de sa dignité d'homme et de sa personnalité
propre. Autrement dit, c'est ce que la personne physique en elle-même (et
pour tout être humain) a de propre et d'essentiel2.
En ce sens ,le droit à la vie privée est
synonyme de droit qui appartient ou qui est réservé à un
individu , à un groupe d'individus et non à la
collectivité, de droit qui concerne la vie personnelle , familiale d'un
individu. Il se rapporte à tout ce qui fait la singularité, la
particularité de chaque être humain, de ce qui donne à
chaque individu ses caractéristiques propres.
Il s'oppose, de ce fait, à tout ce qui peut le
dégrader et l'humilier car ayant fait l'objet d'une reconnaissance et
d'une protection juridique3.
1 G. Goubeaux et P. Birh, les épreuves
écrites du droit civil, LGDJ, Paris, p.82.
2 G. Cornu, vocabulaire juridique, PUF, avril 2002
.
3 P. Mistretta, doctrine droit des personnes, JCP,
la semaine juridique, édition générale n°12-12
janvier 2005, p.15.
KOFFI Aka Marcellin 6
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
En revanche, le droit de l'information, produit de la
philosophie des lumières du monde occidental, a connu, depuis sa
proclamation aux XVIIIe et XIXe siècles, une
évolution quant à son contenu.
Le droit de l'information est apparu très tôt
comme un bienfait pour l'être humain. Les systèmes politiques qui
l'ont mis en valeur l'ont immédiatement consacré, à
côté de la liberté d'aller et venir, la liberté de
pensée mais aussi d'expression.
Encore que longtemps déjà les philosophes,
écrivains (on ne parlait pas en ce moment de journalistes) avaient
assimilé liberté de pensée et liberté d'expression.
Ils proclamaient la liberté de l'auteur de dire, d'écrire ce
qu'il pensait des puissants du jour, des vérités les plus
solidement affirmées, voire des simples préjugés.
Le XVIIIe siècle vit ainsi se
répandre un moyen de communication,
d'information, « la presse » synonyme de
liberté d'expression dont le fonctionnement et la parution se
révélaient comme un instrument de propagande formidable
contribuant ainsi à l'apparition d'une opinion publique dans l'Europe
des lumières qui précède de si peu celle des
révolutions. Dès lors prenant conscience du rôle de cet
instrument, les écrivains organisaient déjà la lutte pour
la liberté de la presse au nom de la liberté tout court. C'est
pourquoi Voltaire en écrivant à l'un de ses correspondants
pouvait dire : « y a-t-il rien de plus tyrannique, par exemple que,
d'ôter la liberté à la presse ? Et comment un peuple
peut-il se dire libre quand il ne lui est pas permis de penser par écrit
? »1.
A l'origine donc, le droit de l'information se ramenait
essentiellement aux différentes formes de l'imprimé (livres,
affiches, journaux) c'est-à-dire à la presse écrite. Il se
définissait par l'ensemble des publications imprimées et
publiées, périodiques ou non2.
Progressivement, cette conception du droit de l'information a
évolué pour atteindre aujourd'hui une définition lato
sensu.
1 J. Mazars, Conseiller à la Cour de
Cassation, la liberté d'expression, l'information, un droit fondamental
; la loi et le juge, site :
www.hirondelle.org.
2 G. Cornu, vocabulaire juridique, op.cit.,
KOFFI Aka Marcellin 7
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
Le droit de l'information, dans son acception actuelle englobe
la radio, la télévision, le cinéma, récemment
l'Internet c'est-à-dire l'ensemble des moyens classiques et modernes de
la communication quelqu'en soit le mode d'expression et s'attache au principe
de la liberté comme la vie privée des personnes.
Selon Me André Bertrand, « l'information comprend
non seulement l'ensemble des messages informationnels transmis par les
médias traditionnels (presse écrite ,radio,
télévision)mais également ceux exprimés par des
moyens plus primaires(tracts, affiches...)
Dans cette optique, le droit de l'information est "la
libre communication des pensées et des opinions. Tout individu a droit
à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit
de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de
rechercher, de recevoir et de répandre, sans considération de
frontières, les informations et les idées par quelque moyen
d'expression que ce soit."1
En d'autres termes, le droit de l'information est «
le droit pour chacun d'utiliser librement l'organe de presse de son choix pour
exprimer sa pensée en la communiquant aux autres ou pour accéder
à l'expression de la pensée d'autrui quelle que soit la forme et
la finalité »2.
En Côte d'Ivoire et partout ailleurs, il est l'un des
droits les plus précieux de l'homme3 par le rôle
primordial qu'il joue dans la société. Il est devenu au fil du
temps un principe fondamental, une valeur constitutionnelle et universelle dont
la protection ne souffre d'aucune contestation dans ses rapports avec les
autres phénomènes sociaux comme la vie privée des
personnes.
Le journaliste bénéficie d'un
intérêt légitime d'information .Lequel intérêt
prend sa source directement dans le droit de savoir et le droit de dire ce qui
est ou a été .L'oeuvre journalistique poursuit ainsi une
volonté, celle de renseigner, d'informer .L'information se
définissant comme tout fait ou évènement susceptible
d'accroître la connaissance du citoyen sur un sujet donné.
1 Déclaration universelle des Droits de l'Homme
du 10 décembre 1948, article 19.
2 Ve BOUA, extrait de la communication au
séminaire sur la presse de Yamoussoukro du 28 août 1992, in la
presse ivoirienne face aux défis des temps nouveaux, p.8.
3 Déclaration universelle des Droits de l'Homme
du 10 décembre 1948, article 12.
KOFFI Aka Marcellin 8
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
Par conséquent le droit de l'information permet au
journaliste d'écrire, de parler, de montrer, de commenter les
événements sociaux ou culturels à l'égard du
citoyen et pour le citoyen.
La liberté d'informer et le droit de chacun de savoir
autorisent le journaliste à rapporter, diffuser divers
éléments relatifs à la vie des personnes naguère
considérés comme une propriété privée
inaccessible, une voie interdite au public.
Ainsi, les journalistes pourront divulguer des informations
normalement protégées par le droit au respect de la vie
privée sur toutes les personnes mêlées à un
évènement public passé ou présent. Les hommes
politiques, les vedettes du show-business, les membres des familles royales,
les sportifs reconnus seront particulièrement concernées
même si à l'occasion d'un drame (catastrophe aérienne,
prises d'otages, maladie etc.)des anonymes sortent du rang pour être
placés, souvent malgré eux, sous la lumière de
l'actualité.
Reste que la liberté accrue du journaliste ne doit pas
aboutir à méconnaître les droits de la personnalité.
La jurisprudence en est ainsi venue très rapidement à poser un
certain nombre de limites de façon à éviter les
dérives .Le droit d'informer ne saurait justifier, en effet, toutes
sortes d'atteintes dans la vie privée.
C'est pourquoi, pour éviter que les professionnels des
médias n'utilisent la notion de liberté à leur guise en
abusant de cette dernière que les rédacteurs de la D.D.H.C de
1789 ont pris le soin de donner un contenu clair et précis à ce
concept.
En effet, son article 4 dispose : « la liberté
consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui
»1.
Cette limitation de la liberté du journaliste dans
l'exercice de son métier a pour fondement, à certains
égards, l'article 12 de la D.U.D.H2 qui dispose : «
nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa
famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes à son honneur
et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection
de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes. »
1 Déclaration universelle des Droits de l'Homme
et du citoyen du 26 décembre 1789, article 4.
2 Déclaration universelle des Droits de l'Homme
du 10 décembre 1948, article 12
KOFFI Aka Marcellin 9
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
Ainsi appréhendés, le droit à la vie
privée et le droit de l'information renvoient
irrémédiablement à des libertés ou droits relevant
d'horizons différents. C'est dans ce sens que dans une approche
concrète de la matière, l'examen des rapports entre le droit
à la vie privée et le droit de l'information est un excellent
révélateur de ces nuances, voire de ces oppositions.
Nécessaire au bon fonctionnement de la vie politique et
sociale1, la presse n'est pas pourtant sans menace, danger, et
notamment son exercice pose de délicats problèmes dans ses
rapports avec le particulier. Celui-ci apparaît bien faible en face d'une
presse qui peut à tout moment le grandir aux yeux de ses concitoyens ou
ternir sa réputation par ses publications ou diffusions2.
Cette dernière est la plus fréquente. Ce qui
rend, de nos jours, assurément difficile la coexistence, la cohabitation
entre droits des personnes et liberté de communication et
d'information.
Est-ce à dire que ce qui semblait être un acquis
de l'humanisme n'était qu'illusoire, que le journaliste dans le souci
d'information et de formation « corrompt-il tout
»3 et étend-il son empire sur la
personnalité d'autrui ?
L'exercice de la liberté de la presse se heurte
toutefois aux droits de la personnalité, en l'espèce le droit
à la vie privée, apparaissant apparemment comme deux droits
incompatibles.
Ainsi l'un des problèmes les plus délicats qui
existe entre le droit à la vie privée et le droit de
l'information à travers la planète et de façon
spécifique en Côte d'Ivoire est celui de leur conciliation.
Comment notre droit positif s'efforce-t-il de concilier cette
opposition ?
Comment notre droit s'efforce-t-il de protéger le droit
à la vie privée des personnes et en même temps tente-t-il
de donner une liberté à la presse ?
A partir de quel moment, tout citoyen ou particulier peut-il
revendiquer le droit légitime d'être laissé tranquille ou
seul ?
1 G. Biolley, le droit de réponse en
matière de presse, LGDJ, Paris 1963, p.15.
2 Idem, p.15.
3 G. Goubeaux et P. Birh, op.cit, p.82.
KOFFI Aka Marcellin 10
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
En d'autres termes, comment le journaliste peut-il exercer son
métier d'information sans porter atteinte à la vie privée
des individus ?
Telles sont les questions majeures qui vont être
abordées dans la présente étude.
Dans certains cas, en effet, il apparaît une opposition
entre droit à la vie privée et droit de l'information faisant
ainsi ressortir des problèmes délicats de partage entre la
sphère des droits extrapatrimoniaux et celle du droit de
l'information.
Dans d'autres hypothèses, en revanche, le droit de
l'information et le droit à la vie privée peuvent se recouvrer
pour former un couple interdépendant, conciliable au point de renforcer
la formation et la protection des individus.
Un examen des rapports entre le droit à la vie
privée et le droit du journaliste d'informer et d'éduquer passe
nécessairement par cette séparation essentielle.
C'est pourquoi, dans une première partie, il serait
intéressant pour nous de démontrer que le droit au respect de la
vie privée des personnes et le droit de l'information sont deux notions
opposées mais conciliables ou complémentaires (première
partie). Cependant cette conciliation peut donner souvent lieu à des
conflits dont le règlement peut faire appel à des sanctions (
(deuxième partie)
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVEE DES PERSONNES ET
DROIT DE L'INFORMATION : DEUX NOTIONS OPPOSEES MAIS
CONCILIBALES.
KOFFI Aka Marcellin 11
PREMIERE PARTIE :
KOFFI Aka Marcellin 12
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
L'importance accordée au droit à la vie
privée est sans doute un des traits les plus caractéristiques de
notre système juridique depuis un certain nombre d'années. C'est
peut être le développement d'une civilisation dominée par
les progrès des moyens de communication et d'information qui ont
suscité le besoin d'équilibrer la dictature du droit de
l'information par l'affirmation de la place éminente revenant à
la personne humaine.
Pourtant, sans beaucoup forcer le paradoxe, on peut dire que
la liberté de l'information est au centre de la plupart des questions
classiques relatives au droit à la vie privée et partant aux
droits de la personnalité.
Lorsque, par exemple, un journal publie la photographie d'un
citoyen célèbre ou non, c'est assurément en vue d'attirer
des lecteurs, donc traiter de l'information légitime du public. Et
souvent, si la personne représentée proteste contre l'utilisation
faite de son image, c'est parce qu'elle entend fixer les conditions de
l'exploitation de sa notoriété. De tels cas
d'interférences entre intérêts patrimoniaux ou
informationnels et protection de la vie privée sont extrêmement
nombreux.
La civilisation de masse permet, aujourd'hui, l'accès
de tous aux messages véhiculés par les multiples canaux
d'information, qu'il s'agisse d'événements essentiels ou
quelconques survenus ça et là. La place ainsi prise par
l'information dans nos sociétés a fait parfois oublier que sa
liberté renforcée, par la légalité
internationale1 et nationale2, a été voulue
essentiellement pour garantir l'Etat contre toute dérive totalitaire ou
tentative dissimulatrice du pouvoir politique.
Ainsi la médiatisation de la société
incite les journalistes à utiliser de plus en plus la
personnalité d'autrui3 à titre d'information du
public.
Mais le droit de l'information qui est le droit
d'écrire, de parler, de montrer, de commenter les
événements culturels à l'égard du citoyen est
parfois invoqué en dehors de ces finalités par les journalistes.
Ils réclament en fait « la faculté de
1 V. art. 19 de la Déclaration Universelle
des Droits de l'Homme de 1948, art. 19 du Pacte International relatif aux
droits civils et politiques de 1966 et art. 9 de la Charte Africaine des Droits
de l'Homme et des Peuples de 1981.
2 Art. 9 et 10 de la Constitution du 1er août
2000.
3 P. Auvret, doctrine - droit des personnes -
l'utilisation de la personnalité d'autrui, illustrations et exemples de
presse, JCP, la semaine juridique, éd. générale n°12,
23 mars 2005, p.551.
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
pouvoir décider librement de ce qu'ils rendront public,
de la façon dont ils le feront, et du moment auquel ils le feront
»1.
Il s'ensuit que le principe selon lequel toute personne est
seul maître de la divulgation d'un élément de sa vie
privée ou du souci légitime de tout citoyen d'être
laissé tranquille sera bafoué, écorché par les
journalistes.
Ce qui constituerait une violation ou une atteinte au principe
de l'inviolabilité de la vie privée des individus. En
conséquence, par rapport à la conception qui appréhende le
droit à la vie privée et le droit de l'information comme
étant deux droits antinomiques, nous pensons dans un raisonnement
à contrario qu'il y a une combinaison harmonieuse entre eux lorsqu'on
envisage la fonction informer, toujours informer de la presse.
En d'autres termes, ils sont juridiquement conciliables. C'est
pourquoi pour comprendre notre raisonnement sur le processus de l'utilisation
de la vie privée par la presse, il serait plus qu'indispensable de
proposer deux moments successifs qui bien que distincts, opposés
(Chapitre I) sont aussi complémentaires et interdépendants
(Chapitre II).
KOFFI Aka Marcellin 13
1 E. Dérieux, Droit de la communication, D.
1964, p.314.
KOFFI Aka Marcellin 14
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
Chapitre I :
DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVEE ET DROIT DE
L'INFORMATION : DEUX NOTIONS OPPOSEES.
« Le libéralisme, c'est d'abord la non
ingérence de l'Etat dans la vie privée, le respect d'une
sphère individuelle où chacun obéit à sa propre
conscience »1.
Cependant, l'Etat n'est pas le seul « ennemi » du
libre épanouissement de chacun : la société civile toute
entière exerce une pression diffuse, qui peut devenir explicite si
chacun n'est pas protégé dans sa vie privée des immixtions
de l'autre2. En l'espèce et dans le cadre de notre
étude, c'est le droit de l'information pour ne pas dire la presse qui
exerce une pression explicite dans ses rapports avec la vie privée des
individus. Toute situation qui semble entretenir un conflit entre ces deux
droits de l'homme à savoir droit au respect de la vie privée des
individus et droit de l'information. La transparence sociale est
revendiquée de toute part. Mais chaque citoyen souhaite en ce qui le
concerne personnellement rester opaque aux autres.
Il est vrai que la ligne de partage entre la vie privé
et la vie publique est incertaine, voire difficile à déterminer,
surtout que ce qui est privé chez l'un ne l'est pas forcément
chez l'autre. Toutefois tout acte (privé ou public) retentit sur la
société. L'histoire du droit positif, à chacune de ses
étapes, détermine un espace privé plus ou moins vaste,
reflet d'un régime politique et d'une société civile
travaillée en permanence par des forces contradictoires allant dans le
sens de l'élargissement ou d'un rétrécissement de cette
sphère d'intimité3.
1 R.G. Schwartzenberg, in les libertés
publiques, dossiers et documents du monde, févr. 1975, p.4.
2 Il est banal de considérer que le
progrès technique (dans le domaine de l'information, de
l'électronique, de la photographie, etc.) est une menace nouvelle pour
la vie privée de l'individu (V. par exemple, Th. Maulnier,
liberté et organisation : Le Figaro, 7 juillet 1970). Or il
apparaît, qu'en tout état de cause, il n'y a pas une sorte de
fatalité, ce n'est que l'homme qui toujours menace l'homme, et non ses
techniques.
3 Il n'est pas certain, contrairement à la
démarche universaliste à la mode, que l'élargissement de
cette sphère d'intimité face aux pouvoirs publics, à la
presse, soit valide et appréciée dans toutes les civilisations.
Le confucianisme, par exemple, qui a imprégné profondément
diverses sociétés d'Asie, conduit à ce que la formation
sociale, la société civile toute entière, soit
vécue comme une sorte de grande famille, basée sur la
piété filiale et la protection absolue de l'enfant, sans
distinction entre le privé et le public. Il y a là, à la
fois une autre conception de l'individu (élément indissociable de
la société, et des rapports entre les hommes. On s'étonne
de découvrir, en revanche, que jusqu'au milieu du XIXe
siècle, la caricature était interdite en France ... sauf
autorisation de l'intéressé (voir J.M.
KOFFI Aka Marcellin 15
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
En tout état de cause, le droit au respect de la vie
privée est le droit dont dispose le citoyen de vivre à l'abri des
regards d'autrui. En d'autres termes, toute personne est seul maître de
la divulgation des secrets de sa vie privée. Il est libre de mener sa
propre existence avec le minimum d'ingérences extérieures.
A côté du droit au respect de la vie
privée, coexiste un autre droit qui lui est concurrent : le droit de
l'information. En effet, le droit de l'information est le droit pour chacun
d'utiliser librement l'organe de presse de son choix pour exprimer sa
pensée en la communiquant aux autres ou pour accéder à
l'expression de la pensée ou de la vie d'autrui quelle que soit la forme
et la finalité1.
A première vue, donc, la distinction
définitionnelle (section I) et fonctionnelle (section II) entre le droit
au respect de la vie privée et le droit de l'information consacre a
priori, l'antinomie apparente entre ces deux notions de sens opposé.
Section I- Le droit au respect de la vie privée
et le droit de l'information, deux libertés opposées dans leur
nature.
Saisi stricto sensu, le droit au respect de la vie
privée est la règle en vertu de laquelle chacun a droit au
respect de sa vie privée. Toute immixtion ou intrusion non
autorisée d'autrui dans sa sphère d'intimité serait en
contradiction flagrante avec le principe du droit au respect de la vie
privée. Or les droits de la personnalité dans leur ensemble et de
façon particulière le droit à la vie privée se
situent au centre de l'activité journalistique qui n'est que le droit
d'exprimer et de diffuser librement son opinion par la parole, par
l'écrit, par l'image et de s'informer librement.
De ce point de vue, le droit au respect de la vie
privée et droit de l'information s'opposent en ce sens que le premier
semble s'enfermer sur lui-même, c'est-à-dire un droit introverti
(Paragraphe I) tandis que le second semble être porté sur
l'extérieur c'est-à-dire un droit extraverti (Paragraphe II). Il
s'agit là d'une opposition concernant le sens, la signification des deux
notions.
Cotteret et C. Emeri, vie privée des hommes politiques in
mélanges, J. Ellul, 1983, p.675).
1 Ve BOUA, extrait de la communication au
séminaire sur la presse de Yamoussoukro du 28 août 1992 in la
presse ivoirienne face aux défis des temps nouveaux, p.8.
KOFFI Aka Marcellin 16
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
Paragraphe I- Le droit à la vie privée, un
droit introverti.
Le droit au respect de la vie privée est d'apparition
relativement récente, à l'instar des autres droits de la
personnalité. La jurisprudence a commencé à le
protéger de façon effective et sur la base de textes
légaux mais de portée internationale que depuis 19481.
Cette légalité internationale susmentionnée trouve son
application en Côte d'Ivoire, dans le préambule de la constitution
lorsqu'elle affirme « ... proclame son adhésion aux droits et
libertés tels que définis dans la Déclaration Universelle
des Droits de l'homme de 1948 et dans la Charte Africaine des Droits de l'Homme
et des Peuples de 1981... »
En France, le droit au respect de la vie privée est
protégée par la jurisprudence sur la base d'un texte
législatif interne depuis la loi n°70-643 du 17 juillet 1970 qui a
donné naissance au nouvel article 9 du Code civil qui dispose comme suit
: « chacun a droit au respect de sa vie privée ».
Le Code civil, en Côte d'Ivoire, ne lui fait pas
explicitement référence comme c'est le cas en France. Cependant,
cet article est non applicable en Cote-d'Ivoire. Malgré cette absence de
texte précis , le droit au respect de la vie privée existe tout
de même et est protégé.
Mais au fond, que faut-il entendre par droit au respect de la
vie privée ?
Aucun texte ne donne une définition de ce droit . La
jurisprudence ne donne pas non plus de définition précise mais
s'attache en cerner les contours. De ses appréciations successives, le
droit au respect de la vie privée est, comme les autres droits
subjectifs, sanctionné par une violation. Ce droit étant le droit
de toute personne à ce que sa vie privée ne soit pas l'objet de
divulgations ni d'investigations. En d'autres termes, le droit au respect de la
vie privée est le droit pour toute personne d'être libre de mener
sa propre existence avec le minimum d'ingérences extérieures.
Malgré cette approche définitionnelle, il faut,
au regard de la presse, faire la distinction entre la vie privée et la
vie publique. La frontière entre ce qui ressort de
1 Voir art. 12 de la Déclaration Universelle
des Droits de l'Homme, 10 décembre 1948. Art. 5 de la Charte Africaine
des Droits de l'Homme et de Peuples de 1981.
KOFFI Aka Marcellin 17
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
ces deux notions est parfois difficile à cerner, voire
étroite. La seule attitude d'ostentation ou de discrétion
adoptée par l'individu peut bouleverser l'analyse1.
Tenons-nous à quelques développements.
En effet, ne ressortit pas évidemment de la vie
privée et par conséquent ressortit de la vie publique, ce qui
constitue l'exercice d'activités officielles ou professionnelles, de
manifestations publiques ou ce qui survient à cette
occasion2. C'est le cas par exemple du récit d'un
déplacement d'une personnalité étatique (ministre) ou
politique (le leader d'un parti politique), personnalités
rencontrées, lieu et menu d'un repas officiel, nom des convives, de
manifestations d'activités socioculturelles ou sportives3.
Ces éléments sus indiqués font partie de la vie publique.
En conséquence, ils peuvent être portés à la
connaissance générale ou du public sans préjudice de
poursuites judiciaires.
En revanche, appartiennent, par nature, à la vie
privée, et ne peuvent être divulgués, du moins
auprès de quiconque qui n'a aucun intérêt à en
connaître, et quelles que soit l'exactitude ou la tonalité de la
présentation, la plupart des éléments identificateurs ou
localisateurs de la personne4. Il s'agit, en l'espèce, de la
date et lieu de naissance, nom d'origine, adresses, numéros de
téléphone, références bancaires5.
En outre, les domaines inclus dans la vie privée
comprennent l'intimité corporelle comme un handicap, l'état
transsexuel, un traitement médical suivi, la santé (physique ou
psychique), l'attente d'un enfant au moins au début ; la vie
sentimentale et familiale (la liaison, la mésentente avec le conjoint,
la paternité (exacte ou erronée), les moeurs sexuelles ; les
appartenances philosophiques ou religieuses ; l'image, les conversations, les
correspondances et plus généralement, tout ce qui relève
du comportement ou de la vie intime. Telle est la liste
1 J.P. Gridel, chronique - doctrine - presse,
liberté de la presse et protection civile des droits modernes de la
personnalité en droit positif français. Recueil Dalloz 2005,
n°6, p.391.
2 Idem.
3 Ibid.
4 Ibidem, p.392.
5 J.P. Gridel, op.cit, p.392.
KOFFI Aka Marcellin 18
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
schématique de la vie privée et de ses
composantes que permet une lecture des recueils consultés.
Par contre, les événements relevant de la
sphère intime comme le mariage, la naissance, le décès
échappent à la notion de vie privée. Ce sont, en effet,
certes des faits privés mais ils tombent dans le domaine public du fait
de leur caractère social.
Le contenu de la vie privée est vaste et rencontre des
difficultés dans ses rapports avec le droit de l'information surtout
lorsqu'il s'agit des personnes publiques ou politiques .Ainsi, on admet
généralement que le domaine de la vie privée d'une
personnalité publique puisse, en certaines circonstances, être
plus restreint que celui d'un simple citoyen. Leur vie publique se mêle
pratiquement avec leur vie privée. Comment faire donc la part des choses
dans le souci de l'information ?
La vie privée, au-delà de ce que nous venons
d'analyser se compose également du droit à l'image et du droit
à la présomption d'innocence.
Il suit de ce qui précède que la vie de toute
personne comporte une part repliée sur la personne elle-même, sur
les membres de sa famille, sur ses amis. Elle ne se confond donc pas avec la
vie publique car elle est cette partie de la vie qui a pour siège
principal la demeure, lieu de sécurité et de bien-être
personnel.
Ainsi, elle ne doit pas être l'objet d'investigations ni
de divulgations parce que les unes et les autres blessent le sentiment de la
pudeur à l'égard de la vie personnelle et
familiale1.
En définitive, le droit à la vie privée
s'oppose au droit de l'information dans la mesure où la vie
privée est un sentiment personnel, individuel et paisible qui dispose
chaque citoyen à s'isoler de la masse de ses semblables et à se
retirer à l'écart avec sa famille et ses amis de telle sorte que,
après s'être ainsi créé une petite
société à son usage, il abandonne volontiers la grande
société à elle-même2.
1 V.M. Scheler, la pudeur, édition Aubier. La
permanence du sentiment de la pudeur n'est pas infirmée, mais au
contraire attestée, par les variations de son objet, in P. Kayser, la
protection de la vie privée, op.cit, p.6 .
2 Cité par M. Perrot, Histoire de la vie
privée, de la révolution à la Grande Guerre, Tome 4,
p.612.
KOFFI Aka Marcellin 19
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
La vie privée, en somme, est un vase clos, une vie
introvertie c'est-à-dire repliée sur elle-même à
l'abri des luttes d'intérêts sociaux. Une telle conception nous
semble, à coup sûr, opposée à la notion de droit de
l'information.
Au contraire du droit au respect de la vie privée qui
est un droit relevant de l'intimité du foyer, de la vie conjugale et
sentimentale, et donc un droit personnel, individuel, le droit de l'information
est un droit ouvert sur l'extérieur, voire un droit extraverti.
Paragraphe II - Le droit de l'information, un droit
extraverti.
La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme,
adoptée le 10 décembre 1948, dispose en son article 19 que :
« tout individu a droit à la liberté d'opinion et
d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être
inquiété pour ses opinions, et celui de chercher, de recevoir et
de répandre, sans considération de frontières, les
informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit
».
Le corollaire de cette liberté de communication est le
droit pour chacun d'utiliser librement les médias de son choix pour
exprimer sa pensée en la communiquant librement à autrui ou pour
accéder à l'expression de la pensée d'autrui. Ainsi chacun
a le droit d'exprimer et de diffuser librement son opinion par la parole, par
l'écrit et par l'image et de s'informer librement1.
Le principe susmentionné trouve son application en
Côte d'Ivoire, depuis la loi n°91-1033 du 31 décembre 1991
portant régime juridique de la presse écrite, modifiée par
la loi n°99-436 du 6 juillet 1999 et telle que modifiée par les
deux nouvelles lois portant régime juridique de la presse écrite
et de la communication audiovisuelle du 31 décembre 20042.
Au-delà de cette consécration légale, le
principe de la liberté de l'information trouve son fondement dans la
constitution du 1er août 2000, de façon expresse,
1 Les cahiers de l'Olped, projet de réforme
de la loi portent régime juridique de la communication audiovisuelle,
Abidjan, 16 juin 2004, p.53.
2 Voir J.O. de la République de Côte
d'Ivoire, 30 décembre 2004, 46e année N°2,
Numéro spécial Accords de Linas Marcoussis, p.67 à 91.
KOFFI Aka Marcellin 20
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
notamment en son article 10, lequel dispose que « chacun
a le droit d'exprimer et de diffuser librement ses idées ».
Il suit de ce qui précède et en
considération des définitions afférentes à la
liberté de l'information issues des différents textes nationaux
et internationaux que ce droit, est, d'une manière
générale, tourné vers l'extérieur, à
l'opposé du droit à la vie privée, son concurrent. Il
apparaît comme un projecteur braqué sur la vie d'autrui. Il est
les yeux, les oreilles et la bouche de la société. Ainsi le droit
de l'information est le droit dont l'objet est tourné vers les rapports
sociaux, vers les comportements des individus dans la société. Il
est un instrument permettant d'accéder à la pensée
d'autrui, voire d'accéder à la vie des citoyens par les moyens
aussi modernes que sophistiqués qu'il utilise pour son expression.
En résumé et après analyse de ces deux
notions, nous constatons effectivement qu'elles s'opposent dans leur essence en
ce que le droit à la vie privée mérite respect de la part
d'autrui. Ce qui fait de lui un droit introverti alors que le droit de
l'information est un droit à vocation investigative surtout que les
comportements sociaux, voire la vie des individus constitue la matière
première de l'activité journalistique. La vie des citoyens est
située au centre de l'information.
Mais si le droit à la vie privée et le droit de
l'information semblent s'opposer dans leur essence, qu'en est-il de leur
rapports dans leur fonctionnement ?
A première vue, aussi, le droit à la vie
privée et le droit de l'information s'opposent dans leurs fonctions .
Section II- Droit au respect de la vie privée et
droit de l'information : deux libertés opposées dans leurs
fonctions.
Toute personne est seul maître de la divulgation des
secrets de sa vie privée. Ce qui signifie que la diffusion d'un
élément de la vie privée d'une personne suppose
l'autorisation ou le consentement de cette dernière. Dans cet
état de fait, deux principes gouvernent l'utilisation des
éléments de la vie privée d'une personne dans le cadre de
la diffusion d'une information. Le principe de l'interdiction de divulguer la
vie privée des personnes sans leur consentement (Paragraphe I) et celui
de l'inviolabilité du domicile, siège privilégié
d'expression de la vie privée
KOFFI Aka Marcellin 21
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
(Paragraphe II) limitent l'exercice de la liberté
d'expression. Ces deux principes opposent donc le droit à la vie
privée au droit de l'information.
Paragraphe I- Le principe de l'interdiction de divulguer la
vie privée des personnes sans leur consentement, obstacle à
l'expression du droit de l'information.
Le consentement est, selon le dictionnaire1, un
assentiment donné à une proposition ou une réponse
favorable que l'on veut bien donner à une demande d'autorisation.
Dans la création d'un acte juridique, le consentement
est une adhésion d'une partie à la proposition ou à la
pollicitation faite par l'autre2.
En somme, le consentement est l'adhésion d'une personne
à une proposition à lui faite par autrui mais aussi et dans
certains cas, une manifestation de volonté en vue de l'accomplissement
d'un acte ou une autorisation donnée de façon expresse ou tacite
à un tiers d'accomplir tel ou tel acte sans qu'il y ait pourtant
naissance d'une quelconque obligation.
Ainsi les hommes des médias ne peuvent transmettre des
informations concernant la vie privée des individus, qu'il soit des
personnalités connues soit des anonymes, sans leur consentement.
Dans cette perspective, il est admis qu'une personne dont
certains détails de sa vie intime sont publiés par la presse,
puisse s'opposer à une telle diffusion. Cette solution est parfaitement
juste à notre avis en ce sens qu'il est normal que les droits de la
personnalité, consubstantiels à une existence paisible
prévalent sur la liberté de l'information lorsqu'il s'agit de
sauvegarder ou de protéger l'intimité des individus. La vie
intime d'un individu est sacrée, en Afrique et particulièrement
en Côte d'Ivoire. Par conséquent, le journaliste, dans le
traitement de l'information, doit respecter l'intimité de la vie
personnelle, familiale des citoyens.
Leur ingérence dans les aspects intimes de la vie
privée des individus, au nom du droit du citoyen à l'information
et à une information vraie ne peut être motivée
1 Dictionnaire de la langue française, volume
I, A-H, éd. Bordas, Paris, 1986, p.560.
2 Lexique des termes juridiques, 10e
éd., Dalloz, Paris, 1995, pp.146-147.
KOFFI Aka Marcellin 22
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
que pour des raisons extrêmement graves et
d'intérêt national ou général. La loi garantit le ((
droit à l'intimité du foyer » et le (( droit à la vie
conjugale et sentimentale » au nom de la sauvegarde d'une certaine morale
ou des droits d'autrui.
La jurisprudence ivoirienne et française vont dans le
même sens et sanctionnent les atteintes à la vie privée et
sentimentale qui mettent en cause la personnalité des individus
concernés et leur portent préjudice1.
Cette protection se manifeste davantage à
l'égard des journalistes qui relatent, diffusent avec
indiscrétion les relations sentimentales, intimes des tiers.
Face à cette situation des rapports entre le droit
à la vie privée et le droit de l'information, nous sommes en
droit de dire sans nous tromper qu'il y a une opposition entre ces deux
droits.
En effet, le droit au respect de la vie privée limite
l'exercice de la liberté de l'information.
Le journaliste ne peut donc utiliser des aspects de la vie
privée d'une personne sans que cette dernière n'ait donné
son accord. Le consentement de l'individu constitue la porte d'entrée du
journaliste dans la vie intime de celui-ci. Sans cette manifestation de
volonté, il serait en droit de s'opposer à toute publication ou
diffusion de sa vie privée. Deux droits apparemment incompatibles dans
leur exercice assurément.
A côté du principe de l'interdiction de divulguer
la vie privée des individus sans leur consentement limitant ainsi le
principe de la liberté de l'information ,se trouve également un
autre principe agissant dans le même sens que le premier cité. Il
s'agit du principe de l'inviolabilité du domicile, lieu de
prédilection et d'expression de la vie privée.
1 Trib. Première instance Abidjan,
3e ch. Civile, 29 janvier 1976 n°228, Dame Kamé N'Daw c/
Editions Jean-claude Nourault et Librairie de France, RID, Cirej Abidjan 1976,
1-2, pp.34-36.
Trib. P.I., Abidjan (Plateau), 7e ch. Civile
n°502 du 20/06/2001, affaire Bohouri Kobena Jose Marius c/ Gecos Formation
et M ? Koné Laman, Abidjan le 29 janvier 2003 (inédit).
Cass. Civ. 2e, 26 novembre 1975,
sociétés éditeurs parisiens associés c/ Gary : JCP
78, II, T. 8811.
KOFFI Aka Marcellin 23
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
Paragraphe II- Le principe de l'inviolabilité de la
vie privée.
Situé à l'opposé du droit de
l'information, le principe du respect de la vie privée constitue un
élément décisif à l'effectivité de la
tranquillité des individus dans un Etat de droit. Saisi dans un sens
strictement doctrinal, le droit à la vie privée est un droit de
propriété. Il est une référence substantielle en ce
qui concerne la confiance des citoyens dans leurs rapports interpersonnels
,sociaux.
En effet, le droit à la vie privée est le
principe selon lequel chaque personne dispose d'un droit exclusif et absolu sur
sa vie privée et peut s'opposer à sa violation. Le droit exclusif
reconnu à chaque personne constitue un obstacle à l'exercice de
la liberté de l'information et vise à protéger chaque
individu contre toute atteinte, toute violation à son
intégrité physique, intellectuelle, morale et partant à sa
vie privée.
La vie privée est donc inviolable. Elle est le
corollaire du principe découlant de l'inviolabilité du domicile,
sphère de manifestation de la vie intime.
L'inviolabilité du domicile (consacrée par la
constitution1 et par le code pénal2)
complète ce droit au respect de la vie privée, d'autant plus
qu'elle est le support d'expression et de protection de la vie
privée.
Par ailleurs, le droit à la vie privée, attribut
de la personnalité, confère à tout individu, quelque soit
sa notoriété, le pouvoir de disposer de sa vie privée et
de s'opposer à sa diffusion sauf si cette révélation
relève de la légitime information du public. Le droit de
l'information s'éteint donc a priori face au droit au respect de la vie
privée, l'individu, seul titulaire de ce droit.
C'est ainsi que le droit au respect de la vie privée et
le droit de l'information se recouvrent négativement ou que le premier
l'emporte sur le second et inversement .Lorsque la personne dont les paroles,
l'image, ont été révélées, captées,
se trouve dans un lieu privé, l'opposition entre droit au respect de la
vie privée et droit de l'information est nette. Peu importe, en
revanche, le lieu où se trouve le journaliste qui révèle
l'information. Il peut être indifféremment dans un lieu
privé ou dans un
1 Constitution du 1er août 2000, art.
4.
2 Code pénal art. 384 et suivants.
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
lieu public1. Dès lors que l'individu se
trouve dans un lieu privé comme le domicile, il existe de droit ou de
facto une antinomie, une incompatibilité entre droit au respect de la
vie privée et droit du journaliste à communiquer toute
information en sa possession
Conclusion
Toute personne peut s'opposer à la divulgation de faits
concernant sa vie privée. Chaque individu est maître des faits
présentant un caractère intime .Il est libre d'en autoriser ou
non la divulgation .Dans pratiquement toutes les hypothèses, les
informations qui ressortent de la vie privée ont trait aux relations
sexuelles, à l'état de santé, aux histoires de famille
,à la situation financière aux souvenirs personnels aux
convictions politiques ou religieuses.
Cependant, la divulgation d'information intéressant ces
domaines n'est pas toujours constitutive d'une atteinte, voire d'une
opposition.
En fonction des situations ou des circonstances, droit
à la vie privée et droit de l'information se dissocient ou
s'associent.
Ainsi en dehors de leur rapport d'opposition, droit au respect
de la vie privée et droit de l'information se complètent
positivement. Ils entretiennent, de ce fait, un rapport d'association, de
conciliation et partant de complémentarité (Chapitre II).
KOFFI Aka Marcellin 24
1 J. Ravanas, op.cit., n°449, p.519.
KOFFI Aka Marcellin 25
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVEE ET DROIT DE
L'INFORMATION : DEUX DROITS CONCILIABLES OU
COMPLEMENTAIRES.
Chapitre II :
L'activité journalistique est, comme toute autre, dans
une société organisée, soumise au respect de la
règle de droit. Loin de porter atteinte à la liberté, et
notamment à la liberté de l'information, le droit en est, dans un
système démocratique, comme le notre, soucieux du respect des
droits et libertés de chacun. En l'espèce, le droit est soucieux
du respect des droits de la personnalité en général et du
droit à la vie privée en particulier. Dans cette perspective, il
s'agit, pour la loi, de poser des principes et de définir les droits et
obligations réciproques entre l'exercice de l'activité
journalistique et le droit au respect de la vie privée des individus.
En effet, chaque personne dispose d'un droit exclusif sur sa
vie privée. Celle-ci ne peut être portée à la
connaissance d'autrui par voie de presse que si le détenteur ou le
titulaire de ce droit en a donné l'autorisation. Toute chose qui
paralyserait l'activité journalistique à bien des égards
car la vie privée de certaines personnes souvent se mêlent avec
l'actualité et mérite d'être traitée par la presse
puis portée à la connaissance du public au nom du droit du public
à l'information. Le droit positif vient d'intégrer ce
phénomène et tente de le réguler pour établir un
équilibre, une conciliation entre la liberté de l'information et
partant la presse et le droit des personnes1 . En ce sens, certains
détails de la vie privée peuvent être
révélés par la presse. Et cela s'ils sont conforme
à l'idéal journalistique qui n'est que la recherche de la
vérité, le respect des individus et le bien-être de la
communauté. Quelle attitude doit donc adopter celui qui prétend
parler de ses contemporains, qui choisit de juger leurs actes ?
La marge de manoeuvre est étroite entre la
liberté d'expression de la presse, telle que l'exige le droit du public
à l'information et le droit de chacun au respect de
1 P. Auvret, droit des personnes, JCP, n°12, 23
mars 2005, p.551.
KOFFI Aka Marcellin 26
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
sa vie privée. Il est vrai que la ligne de partage
entre la vie privée et la vie publique est incertaine. Tout acte
privé retentit sur la société alors que la presse est le
reflet de la société. Aujourd'hui, il faut dire que il y a une
médiatisation de la société. Cependant, la dignité
humaine et partant la vie privée doit être
préservée, respectée par le journaliste dans l'expression
de sa liberté de l'information.
D'où la nécessaire conciliation entre les droits
des individus concernés par l'actualité ou non et d'observer
certaines règles communes de bienséance.
Droits de la personnalité et droit de l'information
sont donc conciliables.
Le journaliste peut, par conséquent, s'immiscer dans la
sphère d'intimité d'une personne sans forcément lui porter
atteinte.
Ils s'enrichissent mutuellement ou sont
complémentaires. C'est ainsi que pour une meilleure compréhension
des manifestations de la conciliation entre droit au respect de la vie
privée et droit de l'information, il convient de dire que devenus
indissociables, dans leurs fonctions ambivalentes respectives, le droit
à la vie privée engendre et renforce l'activité
journalistique (Section I) tandis que le droit de l'information consolide et
protège la vie privée des individus (Section II).
Section I- Les faits justificatifs de l'immixtion du
journaliste dans la vie privée des personnes.
Selon la composition des différents textes
régissant respectivement le droit de l'information et le droit au
respect de la vie privée, ceux- ci peuvent se combiner, se concilier.
En effet, la liberté de l'information et le droit de
chacun de savoir autorisent les journalistes à rapporter divers
éléments inhérents à la vie des personnes surtout
que la presse puise son fondement, son existence dans les faits de
société. Et c'est l'ensemble des comportements des citoyens qui
forment les événements sociaux, matière à
spéculation de la presse.
Ainsi la vie des individus va de paire avec l'objet de la
presse à savoir rechercher des faits qui pourraient avoir une influence
sur la vie ou la marche de la communauté. Voilà pourquoi droit
à la vie privée et droit de l'information se
KOFFI Aka Marcellin 27
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
complètent. Dès lors, comment leur coexistence
ou conciliation se manifeste telle ?
Quels facteurs favorisent- ils la conciliation ?
En d'autres termes, la conciliation nécessite que
certaines conditions ou circonstances soient réunies (Paragraphe I) mais
que cela soit fait dans le respect des règles de l'éthique et de
la déontologie de la profession des médias (Paragraphe II).
Paragraphe I- Les conditions de la diffusion de la vie
privée d'une personne par le journaliste.
Les conditions de la diffusion d'un élément de
la vie privée d'un individu à titre d'information sont de deux
ordres. Certaines sont communes à toutes les personnes (A) tandis que
d'autres sont liées à une catégorie de personnes (B).
A- Les conditions générales de la
diffusion de la vie privée d'une personne par le journaliste.
Il s'agit de faits ou d'événements qui motivent
l'exploitation de la vie privée d'un individu, du moins d'un de ses
éléments.
Ils sont au nombre de quatre (4) que la doctrine et la
jurisprudence retiennent.
L'un est traditionnel et individualiste : le consentement de
la personne concernée (1) ; l'autre plus récent dans son ampleur
et plus collectif : l'information légitime du public ou le droit du
public à l'information (2).
A ces deux (2) critères précités, il faut
ajouter, depuis peu, le caractère anodin de l'élément
révélé (3) et la divulgation antérieure des
faits1 (4).
Reprenons ces critères de façon successive, en
les scrutant en confrontation avec le droit au respect de la vie privée
des individus pour en ressortir leur rapport de conciliation.
1 J.P. Gridel, liberté de la presse et
protection civile des droits modernes de la personnalité en droit
positif français in Recueil Dalloz, 2005, n°6, pp.292 et s.
KOFFI Aka Marcellin 28
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
1) Le consentement de la personne
concernée.
Ce n'est qu'après avoir analysé la notion qu'il
recouvre c'est-à-dire sa nature juridique (a) que nous pourrons
dégager son exacte portée sur la conciliation entre droit de
l'information et droit au respect de la vie privée d'un individus
(b).
a) La nature juridique du
consentement
Le consentement n'est pas seulement l'accord de deux ou
plusieurs volontés, nécessaire à la formation du contrat.
Il est aussi, dans certains cas, une autorisation donnée à un
tiers d'accomplir tel ou tel acte sans qu'il y ait pourtant naissance d'une
obligation quelconque.
L'individu a, en particulier, la faculté, sous
certaines réserves bien sûr, de permettre la diffusion de certains
détails de sa vie intime. Il a notamment la possibilité
d'autoriser de façon expresse ou tacite la révélation et
la divulgation d'une scène de sa vie sécrète. Un tel
comportement est généralement analysé comme une
permission. Il autorise, en l'espèce, la publication d'un détail
ou d'un élément de sa vie privée (par exemple sa vie
sentimentale, son état de santé, etc....).
Ce qui signifie, dans un raisonnement à contrario et
comme on le sait, qu'en son absence, ces opérations tombent sous le coup
de la sanction juridique. Mais comment expliquer que le consentement rende
conciliable ou licite la diffusion de la vie privée d'un citoyen ?
b) La portée du consentement dans la
conciliation entre droit au respect de la vie privée et droit de
l'information
Le consentement doit être effectif, c'est-à-dire
donné de façon expresse. Tel est le cas bien entendu lorsque la
personne autorise expressément la publication de ses attributs
essentiels et distinctifs comme son image, son nom ou une relation amoureuse
qu'elle entretient avec son amant(e) en dehors de sa vie conjugale.
En est-il de même lorsque le consentement est tacite ?
KOFFI Aka Marcellin 29
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
La réponse à cette interrogation trouve son
unique fondement, en ce cas, dans l'intérêt légitime de
l'information publique.
Retenons, à ce stade de notre réflexion, qu'il
n'y a pas de faute à révéler des faits relevant de la
personnalité d'autrui si l'individu concerné a permis de les
révéler1.
On se trouve, en effet, en présence d'un
intérêt personnel à la protection duquel chacun peut
renoncer. Le consentement prive la divulgation des droits intimes d'une
personne de tout caractère illicite par ricochet. Et cela en application
de la maxime romaine « volenti non fit injuria
»2.
En effet, cet adage signifie que la personne dont la vie
privée a été exploitée par les moyens de l'
information ne peut se plaindre ou saisir le juge d'une éventuelle
dénaturation, tout simplement d'une publication de sa vie privée
à laquelle elle a, elle-même, consenti.
Nous pouvons également adapter à cette maxime
romaine la règle du droit civil, en l'occurrence, « Nemo
auditur propriam turpitudinem allegans ». Ceci pour dire que nul ne
peut se plaindre ou être entendu (par un juge) lorsqu'elle allègue
sa propre turpitude.
Par contre, le consentement de certaines personnes, en
particulier les tops modèles, dans les contrats portant sur la
publication de leur image, connaît une interprétation stricte par
la jurisprudence qui est d'ailleurs constante par une application du principe
adage « exceptio est strictissimae interpretationis
»3. Il en résulte que le consentement du top
modèle et partant de tout autre personne ne doit pas être
interprété extensivement.
La convention qui a pour objet la reproduction et la
publication de son portrait, un détail de la vie privée est
d'interprétation stricte.
Cette application de cet adage tombe sous le coup du bon sens,
car on ne voit pas comment la personne, qui consent à l'exploitation de
sa vie privée,
1 J P Gridel---- ,op . cit* , p 292 et s .
2 J. Ravanas, La protection des personnes contre la
réalisation et la publication de leur image, LGDJ, Paris 1978, p.246.
3 J. Ravanas, p.95.
KOFFI Aka Marcellin 30
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
accepterait, un mode d'altération de sa vie
privée susceptible de compromettre le respect de sa personnalité.
C'est la position du juge français depuis 1974-
En Côte d'Ivoire, le problème ne s'est pas encore
posé. Mais s'il se posait au juge ivoirien, nous osons penser, au risque
de nous tromper, qu'il analysera la question par une interprétation
stricte du consentement donné par le top modèle ou tout autre
personne. Toutefois, il est autonome et décide selon son intime
conviction.
Nous sommes fascinés par la décision du juge
français en ce sens que nous estimons que lorsqu'un individu consent
à une simple publication d'un détail de sa vie privée
comme l'effigie, il n'accepte pas, pour autant, sa reproduction ou sa diffusion
dans des conditions particulières qui aboutiraient à
dénaturer sa personnalité et partant sa vie privée.
Les contrats, que passent les top modèles, ont le plus
souvent un objet particulier, telle la retransmission de leur image dans une
séquence cinématographique, telle encore son utilisation à
une fin commerciale. Il y a donc ici un intérêt
supplémentaire à appliquer le principe de l'interprétation
stricte du contrat ou du consentement.
Se posent seulement les questions relatives au contenu des
confidences livrées, du respect par le journaliste, de l'esprit et des
modalités de la publication ainsi permise. A ce niveau, la jurisprudence
est constante.
Il doit avoir une adéquation, un lien direct avec les
faits révélés et l'information diffusée. C'est dire
que le journaliste, en dépit du consentement reçu ou du contrat,
ne peut et ne doit publier ultra petita c'est-à-dire qu'il ne
doit aller au-delà de ce qui lui a été consenti par
l'intéressé.
Malheureusement, il est fréquent que le journaliste,
co-contractant, invoque la convention pour utiliser, par exemple l'image de la
personne représentée ou le détail de la vie privée
obtenue de la personne dans un but sensiblement différent de celui
auquel elle a consenti Nous retrouvons, de ce chef, les difficultés
soulevées à l'occasion de l'interview d'une personne.
La jurisprudence décide que celui qui accepte
d'être interviewé passe un contrat . ce contrat, comme elle le
précise d'ailleurs, doit être interprété
d'après les
KOFFI Aka Marcellin 31
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
clauses expresses qu'il contient. La personne
interviewée a donc la faculté de déterminer
l'étendue de l'obligation qui pèsera sur elle : par de là
la liberté qu'elle a de se soumettre ou non à une interview, elle
peut poser les conditions de sa diffusion, publication ou retransmission.
Le réalisateur d'une émission
télévisée ou radiodiffusée peut, de son
côté, formuler certaines clauses précisant la
manière dont l'interview sera utilisée. En cas de contentieux, il
suffira pour le juge d'interpréter le contenu du contrat.
Malheureusement, les choses ne sont pas si simples car, dans
la pratique, il n'intervient pas de contrat écrit entre la personne
interviewée et le journaliste, mais simplement un accord verbal
généralement peu explicite. La jurisprudence la plus
récente reconnaît, en ce cas, au professionnel des médias
« le droit d'utiliser librement les éléments sonores et
virtuels recueillis et d'opérer parmi eux un choix », tout en
précisant qu'une réserve s'impose cependant à lui :
« celle de respecter les droits de la personnalité de celui
dont le témoignage est utilisé, qui ne saurait, en aucun cas,
être présumé y avoir renoncé1.
Ce qui nous parait premier, c'est le respect de la
personnalité de celui qui est interviewé et non la liberté
du journaliste.
Les juges, à défaut de stipulations
précises, doivent d'abord être soucieux de protéger les
intérêts moraux de la personne dont la vie privée a
été publiée et non la liberté du professionnel des
médias, qui, si nous pouvons nous exprimer ainsi, n'est qu'une
liberté seconde, conditionnée par un accord de volontés.
En tout état de cause, le fardeau de la preuve pèse sur le
journaliste selon la jurisprudence2.
Il faut donc en conclure que le consentement permet de
réussir à concilier droit au respect de la vie privée et
droit de l'information .Tous les systèmes de droit, remarque M.
Stroïnholm, admettent que « le consentement prive les
ingérences dans la vie privée de leur caractère illicite
»3. Cependant, le seul fait de publier, par
1 J. Ravanas, op.cit., p.96.
2 Trib. Gr. Inst. Paris,
Référés, 22 mars 1973, Martineau c/ Arris et autres, JCP.
1973. II. 17416, Observations Raymond Lindon, et au principal Trib. Gr. Inst.
Paris, 1ère ch. 1ère session, 10 juillet
1974, précit. in J. Ravanas, op.cit, p.96.
3 Le droit à la vie privée et ses
limitations. Rapport général (section IV. C.I) pour le
IXe Congrès International de Droit comparé,
Téhéran, 31 août - 7 septembre 1974, p.54 in J. Ravanas,
op.cit, p.247.
KOFFI Aka Marcellin 32
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
exemple, la vie privée d'une personne, même
connue du grand public, sans son consentement, au moins tacite, peut être
considéré comme constitutif d'une faute1, donc
répréhensible, sanctionnable.
Que dire de l'information légitime du public ?
2) L'information légitime du public
.
Que pouvons-nous entendre concrètement par là
?
Le droit à la vie privée comprend trois (3)
composantes. Le droit au respect de la vie privée proprement dit, le
droit à l'image et le droit à la présomption d'innocence.
Par exemple, la vie cachée d'une personne sera diffusé par voie
de presse, malgré l'absence de consentement de la personne
concernée, et même contre son consentement si elle est en liaison
suffisamment étroite avec l'intérêt
général2.
L'information légitime du public ou le droit de
l'information est devenu un principe général de droit, voire un
droit supérieur, dans certaines mesures, à cause du droit du
public à l'information. En effet, avant l'on disait que la
réussite était au bout de l'effort.
Aujourd'hui, compte tenu de l'importance de l'information dans
notre société dite moderne, il serait plus intéressant de
dire et plus correcte selon nous que la réussite ou le succès est
au bout de l'information car comme le dit la Sainte Bible « le peuple
de Dieu périt faute de connaissance »3 de
même le citoyen se meurt faute d'information
Ce qui lui permet d'entrer dans l'univers des droits de la
personnalité de façon générale et du droit au
respect de la vie privée de façon particulière sans
pourtant leur porter atteinte nécessairement.
1 J. Ravanas, op.cit, p.95.
2 J.P. Gridel, op.cit, p.392.
3 La Sainte Bible, Le livre du prophète
Osée, Chapitre 4 versets 6.
KOFFI Aka Marcellin 33
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
En conséquence, l'information légitime du public
et le droit du public à l'information se concilient avec le droit a u
respect de la vie privée qui leur servent de support.
Vérifions-le à travers les trois (3) composantes
du droit au respect de la vie privée en dépit de l'autonomie
aujourd'hui affirmée du droit à l'image.
a) Droit au respect de la vie privée
proprement dit et droit de l'information.
L'intérêt public justifie la diffusion
d'informations, même de nature privée. Des tribunaux recherchent
toujours l'existence d'un lien logique entre le fait privé
rapporté et l'intérêt du public à une telle
information.
L'intérêt public, social ou général
est présumé chaque fois que l'information divulguée est
obtenue dans des lieux et documents publics.
Mais qu'est-ce qu'un lieu public ?
Un lieu public, en effet, est un lieu qui est ouvert à
la circulation publique, un endroit où tout citoyen a accès sans
autorisation préalable d'y pénétrer.
Les lieux dits publics sont, par exemple, la rue, les jardins
publics, les marchés, les gares routières, ferroviaires,
aéroportuaires, les établissements d'enseignement, et même,
lieux privés mais ouverts au public.
En outre, on conçoit que la notion de lieu public, en
dehors de son rattachement à la vie publique, comporte tous les moments
où une personne se trouve dans un lieu public c'est-à-dire
dès lors qu'elle serait placée hors de sa sphère
d'intimité qui est un lieu privé ou une propriété
privée.
Le lieu public, en somme et à l'inverse du lieu
privé, est celui qui est régulièrement accessible à
tous, sans autorisation de quiconque.
Toutefois, nous ne pouvons définir le lieu public sans
faire cas du lieu privé en ce sens que c'est par opposition au lieu
public qu'il faut définir le lieu privé.
Pour qu'un lieu ait un caractère privé, il
suffit qu'il ne soit pas ouvert à toute personne sauf sur autorisation
de celui qui l'occupe d'une manière permanente ou temporaire.
KOFFI Aka Marcellin 34
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
Est donc un lieu privé, au sens de l'article 384 du
code pénal, les domiciles et leurs dépendances.
A cela pourraient s'ajouter, par exemple, la partie d'une
pharmacie où le public n'est pas admis et la partie de cette pharmacie
où le public est admis, en dehors des heures d'ouverture. A ce
caractère, la cantine où le ouvriers d'une usine prennent leur
repas, un foyer de jeunes travailleurs, un magasin où un
commerçant a des conversations téléphoniques ayant pour
objet l'intimité de la vie privée.
Egalement, un lieu, public par nature, peut donc devenir un
lieu privé par l'utilisation qui en est faite. Est aussi un lieu
privé la cour d'une prison, son accès étant
subordonné à une autorisation, le bureau d'un
employeur1.
N'est pas, à l'inverse, un lieu privé une plage
accessible à tous les estivants.
Il ne serait donc inexact, voire erroné de
définir le lieu privé comme tout endroit clos, inaccessible aux
regards de l'extérieur, et où l'entrée dépend de
l'autorisation donnée par celui-là seul qui a la
propriété, l'utilisation ou la jouissance, à un cercle
déterminé.
Après avoir fait la distinction entre lieu public et
lieu privé, il convient de revenir pour dire que le lieu public ou
l'intérêt public enlève au fait concernant la vie
privée son caractère intime, sacré.
Dans cette optique, les juges et la doctrine estiment que la
divulgation d'une nouvelle, même si elle est préjudiciable
à la réputation d'autrui, est licite pour peu que les
informations soient vraies et que sa diffusion correspondre à une
utilité sociale.
En effet, conformément à la jurisprudence
allemande, l'intérêt public concilie la presse avec les droits de
la personnalité et partant le droit au respect de la vie privée.
Cela transparaît dans le code de déontologie du conseil allemand
de la presse qui énonce dans son principe n°8 que « la presse
respecte la vie privée et l'intimité de l'être humain.
Cependant si le comportement en privé d'une personne affecte les
intérêts publics, il peut être évoqué dans la
presse »2.
1 P. Kayser, La protection de la vie privée,
op.cit, pp.284 et s.
2 Anonyme, vie privée, droits de la
personnalité,
www.senat.fr.
KOFFI Aka Marcellin 35
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
Par ailleurs, l'information se trouvant dans des dossiers ou
documents publics permet de concilier les droits de la personnalité avec
le droit de l'information. Ainsi si une information provient d'un document
public (acte de naissance, rapport de police, mémoire, thèse...),
les journalistes ne peuvent être poursuivis pour l'avoir
rapportée. Peu importe que les personnes concernées aient
été embarrassées par la publication de telles
informations. Par exemple, en 1989, la Cour Suprême des Etats-Unis a
jugé qu'un journal ne pouvait être poursuivi, pour avoir
révélé le nom de la victime d'un viol obtenu dans un
rapport de police, même si, en l'espèce, ce nom apparaissait par
erreur dans le document1.
Il convient de dire, cependant, qu'en cas de conflit entre le
droit au respect de la vie privée et la liberté de la presse,
deux droits jouissant d'une protection constitutionnelle, la jurisprudence se
refuse à donner la priorité à l'un ou à l'autre.
Elle apprécie chaque situation de litige séparément selon
l'intérêt en jeu.
De façon générale, elle est
réticente à limiter la liberté d'expression propre au
journaliste et qui consiste non seulement à diffuser des informations
sur la société nationale et internationale, sur la vie publique
ou privée des individus mais aussi à les commenter. Dans tous les
cas, l'un ou l'autre primera selon que l'intérêt qu'il s'agira de
sauvegarder ou de protéger est supérieur à l'autre et vis
versa.
En revanche, la position des tribunaux est sans
ambiguïté eu égard à certains faits spéciaux.
En effet, ils condamnent sans hésitation la publication d'informations
relatives à des faits qui se sont produits dans l'enceinte d'un domicile
ou d'une maison, ainsi que la révélation d'informations
initialement transmises par pli cacheté.
Il en est de même de la publication ou la
révélation de contenu de lettres, mémoires ou autres
écrits personnels de caractère intime, d'informations portant sur
la sexualité ou la vie au foyer, les revenus, les
antécédents criminels, les traitements médicaux.
En définitive, le droit au respect de la vie
privée et le droit de l'information vont de paire lorsque l'information
donnée sur la vie privée d'une personne concerne
légitimement le public. A défaut, point de conciliation et alors
conflit ou opposition.
1 Idem.
KOFFI Aka Marcellin 36
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
Au regard des développements ci-dessus, le droit
à la vie privée et le droit de l'information peuvent coexister
harmonieusement .La révélation de faits intimes doit poursuivre
un but utile d'information. Vérifions ce travail avec une autre
composante du droit au respect de la vie privée à savoir le droit
à l'image qui a beaucoup d'interférences avec la vie
privée proprement dite et qui lui est même incorporé.
b) Droit à l'image et droit de
l'information.
L'image est un attribut essentiel de la personnalité.
Elle est aussi un élément ou une composante de la vie
privée. Le droit à l'image se définit comme étant
le droit exclusif que toute personne a sur son portrait, son physique. C'est
aussi le droit de toute personne sur la réalisation, la reproduction ou
la publication de son effigie sous forme de dessins, de photos, de films ou de
sculptures1. Il suit de là que toute personne est en droit
d'interdire la prise et la reproduction de ses traits physiques2.
C'est là le sens du principe en la matière.
Lequel principe stipule l'interdiction de photographier et a fortiori de
publier la photographie d'une personne sans son autorisation3. Le
corollaire de ce principe est que « chaque personne dispose d'un droit
exclusif sur son image et peut de manière discrétionnaire en
autoriser la reproduction ou la photographie »4. En
conséquence, sans le consentement, la photographie d'un individu
s'avère quasi impossible. Mais un constat s'impose, de nos jours, avec
l'utilisation abondante de l'image d'autrui dans la presse.
A la télévision, sur les quotidiens ou
écrits périodiques, magasines, sur Internet, l'image nous
envahit. Qu'est-ce qui motive cela ?
La réponse émane de la doctrine journalistique
qui elle-même s'interroge en ces termes : que serait l'information sans
image ?
1 A. M. Assi-Esso, précis de droit civil
ivoirien, Les personnes-la famille, LIDJ, 2e édition 2002,
p.53.
2 Paris 14 mai 1975, D. 1976, 291, note Lindon, et,
sur pourvoir, liv., 2e, 17 mars 1977. D. 1977, IR 316.
3 B. Hess-Fallon et A.M. Simon, aide-mémoire,
droit civil, 5e édition Sirey, 1999, p.61.
4 J. Mazars, La liberté d'expression, la loi et
le juge, source :
www.telerama.fr.
KOFFI Aka Marcellin 37
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
Cette interrogation montre combien de fois l'image est un
élément incontournable, indispensable dans la transmission de
l'information.
En effet, une émission à la radio
n'intéresse pas trop le public. Par contre, une autre à la
télévision attire beaucoup de monde devant leur petit
écran. La différence est donc nette.
De même, un journal ou un magazine sans image serait
difficile à intéresser ou attirer le lecteur ou le public.
D'où la nécessité de l'immixtion du
journaliste dans la sphère d'intimité des personnes,
singulièrement le cas de l'image.
Mais la question fondamentale surgissant est celle de savoir
si le journaliste avant la publication de l'image d'autrui obtient de celui-ci
nécessairement ou obligatoirement son consentement ?
Nous répondons par la négative dans la mesure
où le droit positif, par dérogation au principe de l'interdiction
de publier l'image d'autrui sans son autorisation, considère que
s'agissant de l'intérêt général c'est-à-dire
de l'information légitime du public ou du droit du public à
l'information et de groupes de personnes dans un lieu public ou de
scènes de rue, il n'est pas nécessaire d'obtenir le consentement
des personnes photographiées pour la publication de leur image.
Autrement dit, le principe de l'autorisation préalable
connaît des exceptions, lesquelles exceptions sont très
limitées conciliant ainsi droit à l'image et partant droit
à la vie privée et droit de l'information.
Deux exceptions retiennent notre attention.
Premièrement, l'intérêt public ou
général justifie la publication de photographies de personnes
concernées par l'actualité ou qui se trouvent impliquées
par elle. Il s'agit des images illustrant l'actualité.
En effet, lorsque des photographies sont prises lors
d'événements d'actualité ou de manifestations publiques,
elles peuvent être publiées sans autorisation des personnes
photographiées. Les personnes mêlées à des faits
d'actualité ne sauraient se plaindre de l'utilisation de tel ou tel
aspect de leur personnalité et, en particulier, de la diffusion de leur
image ou d'un aspect de leur vie privée. La
KOFFI Aka Marcellin 38
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
publication d'une photographie trouve, par exemple, sa
justification dans la nécessité d'informer les lecteurs, les
téléspectateurs sur l'existence d'un accident de la circulation
particulièrement tragique1 ou d'un braquage de portée
générale dont les auteurs seraient en fuite et donc
recherchés par la police. Mais l'absence de lien avec l'actualité
rend illicite, à défaut d'un motif valable, la reproduction des
traits d'une personne ou la diffusion d'une information la concernant. C'est
dire que cette liberté reconnue à la presse n'est pas absolue
puisqu'il doit s'agir de l'illustration de l'actualité immédiate,
et qu'il ne doit pas y avoir d'atteinte à l'intimité, à la
dignité des personnes. L'actualité immédiate est le moment
ou la période où se produit l'événement. La
jurisprudence exige que la publication soit en rapport avec
l'événement ou l'actualité et qu'en outre, qu'elle soit
opérée dans un délai proche de
l'événement.
Ainsi dans un jugement du tribunal de Grande Instance de
Nanterre, en France, il a été jugé que l'attaque d'un
fourgon blindé, relatée dès le lendemain, constitue
incontestablement un fait d'actualité. La photographie ultérieure
représentant un fonctionnaire dans l'exercice de sa mission de police
judiciaire sur les lieux de l'information, n'illustre pas de façon
spécifique les faits sur lesquels il enquête2.
La personnalité des individus mis en cause sert
évidemment à illustrer l'affaire pour mieux la comprendre.
D'une façon générale, la notion « de
faits d'actualité » induit le droit du public d'en connaître
les événements et même les détails. Les journalistes
peuvent évoquer la participation d'une personne à une
cérémonie publique, diffuser son image, si l'épisode
apparaît comme une illustration de l'événement.
La décoration d'un simple fonctionnaire ou d'un caporal
pour un acte d'héroïsme accompli lors d'un incident comme celui
auquel avait échappé le chef de l'Etat de Côte d'Ivoire
lors de la commémoration de la fête nationale du Liberia,
1 P. Auvret, doctrine, droit des personnes,
utilisation de la personnalité d'autrui, illustrations et exemples de
presse in JCP. La semaine juridique, Edition générale n°12,
2-3 mars 2005, p.552.
2 Trib. Gr. Inst. Nanterre, 1ère
ch., A., 28 octobre 2002 : Légipresse 2003, I, p.23. comp. à
propos de la révélation du nom d'un enquêteur de police ;
cass. 2e civ., 29 avril 2004 : juris.-Data n°2004-02 3439 ; JCP
G. 2004, IV, 2252 ; Légipresse 2004, I., p.106 in JCP n°12 de 23
mars 2005, p.552.
KOFFI Aka Marcellin 39
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
revêt indiscutablement le caractère de fait
d'actualité, dont un magazine est en droit de rendre compte, même
en l'accompagnant de la photographie d'autres quidams, en l'espèce un
mineur, qui ont participé à la cérémonie.
Le public a un intérêt légitime à
la connaissance non seulement de l'information abstraite mais des circonstances
détaillées des faits d'actualité. L'image est notamment un
moyen de diffusion des anecdotes. De surcroît, la divulgation de
renseignements ou de photographies concernant des personnes liées
à l'actualité est admise maintenant par la jurisprudence en vertu
du droit du public à l'information et de son corollaire droit de
l'information, dès lors que la dignité ou l'intimité n'est
pas en cause1.
En outre, l'utilisation de la personnalité d'autrui, en
marge de l'actualité, à titre d'exemples ou d'illustrations, ne
se heurte pas non plus à l'intérêt légitime du
public.
En effet, aujourd'hui, notre droit admet la publication
d'informations ou d'images relatives à tout ce qui entre dans le champ
de l'intérêt légitime du public, même en dehors de
l'actualité proprement dite.
En résumé, sur ce point, tout organe de presse
dispose du droit d'informer ses lecteurs, auditeurs,
téléspectateurs sur les événements
d'actualité ou d'intérêt public, même si la
protection de la personnalité d'autrui doit en souffrir ou prendre un
coup.
Habitué aux images proposées par la
télévision et les journaux, le public souhaite se faire,
lui-même, une idée des circonstances grâce aux
clichés qui lui sont fournis2. Ainsi l'on s'aperçoit
combien l'image, la vie privée et partant les droits de la
personnalité sont devenus une pièce de l'information moderne.Et
que le droit de chacun sur son image, sa vie privée doit se combiner
avec la liberté de la presse, principe essentiel d'expression des
journalistes.
Face à cette liberté donc, la protection de la
vie privée, de la victime s'efface, à condition que l'information
des lecteurs, des téléspectateurs justifie la diffusion de
1 Cass., 1ère civ., 23 avril 2003 in
JCP n°12, 23 mars 2005, p.552.
2 I. Corpart, presse, La dignité de la
victime photographiée face à la liberté de la presse, note
de jurisprudence, Cour de cassation, 2e civ., 4 nov. 2004, Recueil
Dalloz, 2005, n°10, pp.696 et s.
KOFFI Aka Marcellin 40
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
tels clichés1. Nombreuses sont les
espèces où a été dite licite la photo reproduite
sans le consentement de la personne, dès lors que celle-ci était,
volontairement ou fortuitement, impliquée dans l'information
d'actualité, pourvu que l'image soit en liaison directe et
étroite avec le fait et ait été fixée au moment
suffisamment proche de lui dans le temps2.
Deuxièmement, il s'agit de l'image captée dans
un bien public.
Mais que revêt la notion de lieu public dans le contexte
du droit à l'image ?
En matière de droit à l'image et suivant la
définition retenue par la jurisprudence, notamment celle de la Cour de
cassation française, un lieu public est "un lieu accessible à
tous sans autorisation spéciale de quiconque, que l'accès en soit
permanent ou subordonné à certaines conditions, heures ou causes
déterminées".
La voie publique et la rue sont, en effet, des lieux publics.
Toutefois, une plage
privée même payante peut être un lieu
public (le péage n'est qu'une condition de son accès, lequel
reste ouvert à tous), que les lieux de culte sont
considérés comme lieux publics. Ainsi des images captées
dans un lieu public ne nécessite pas le consentement des personnes
photographiées. Toute chose qui concourt à la conciliation des
rapports entre droit au respect de la vie privée et droit de
l'information. En conséquence, la conciliation est
présumée chaque fois que la photographie divulguée a
été obtenue dans les lieux publics. Par exemple, il a
été jugé, aux Etats-Unis, licite la publication dans un
guide consacré aux plages nudistes, d'une photographie d'un couple sur
une plage car ce livre était d'un intérêt public et que
l'image du couple présentait un lien avec le sujet3. Le droit
de `information entretient aussi des rapports de conciliation avec la
présomption d'innocence.
1 Trib. G. Inst. Toulouse, 8 mars 2002 et Trib. G.
Inst. Nanterre, 27 mars 2002, JCP 2002, n°27.
2 J.P. Gridel, op.cit, in Recueil Dalloz, 2005,
n°6, p.395.
3 Anonyme, vie privée, droits de la
personnalité,
www.senat.fr.
KOFFI Aka Marcellin 41
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
c) Droit à la présomption d'innocence
et droit de l'information.
Le droit à la présomption d'innocence se
définit comme le droit reconnu à toute personne accusée
d'un acte délictueux d'être présumée innocente
jusqu'à ce que sa culpabilité ait été
légalement établie au cours d'un procès public où
toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront
été assurées.
C'est ce qui ressort des deux déclarations des droits
de l'homme du 26 août 1789 et 10 décembre 1948 respectivement aux
articles 9 et 11 et de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des peuples
de 1981 en son article 71.b1.
En Côte d'Ivoire, en dehors de la Constitution du
1er août 2000 qui fait cas de façon expresse du droit
à la présomption d'innocence en son article 22, aucun texte
législatif n'y fait référence.
En France, ce n'est q'en 1991 que le législateur a
estimé nécessaire d'introduire dans le code civil un article lui
afférent.
En effet, c'est l'article 9-1 créé par la loi du
24 août 1991 et remaniée par celle du 15 juin 2000 qui a
affirmé, au plan interne et législatif, ce droit. Cet article 9-1
dispose dans son premier alinéa ceci : « chacun a droit
à la présomption d'innocence », en l'alinéa 2
d'ajouter : « qu'il y a faute civile ou atteinte à
présenter publiquement, et avant toute condamnation devenue
définitive, une personne comme coupable de faits qui sont l'objet d'une
enquête ou instruction judiciaire ».
Rappelons, toutefois, que ce droit de la présomption
d'innocence était énoncé traditionnellement à
l'intention de la police judiciaire et des juridictions, à l'encontre de
quiconque. C'est dire que les journalistes n'échappent pas au respect de
cette règle.
Mais comment le journaliste peut-il diffuser un fait sans que
l'information véhiculée présente un individu comme
coupable d'une infraction ?
La solution vient du fait que le droit à la
présomption d'innocence ne se heurte pas au droit de l'information. Et
inversement. Droit à la présomption d'innocence et droit de
l'information peuvent donc se combiner.
1 Voir annexe 2, Textes internationaux relatifs aux
droits de la personnalité.
KOFFI Aka Marcellin 42
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
En effet, il est permis parfaitement, dans un article de
journal, un livre, un reportage radiodiffusé ou
télévisé, de relater et commenter les
éléments connus d'une affaire pénale en cours de
traitement policier ou juridictionnel. Le journaliste peut, par
conséquent, énoncer les faits, donner les noms, prénoms,
âges, photos des personnes concernées (sauf protagonistes
mineurs), les soupçons pesant sur tel ou tel, les témoignages
intervenus, la description du subtil mécanisme de la fraude
reprochée, les divers points de vue possibles1.
Il est seulement exigé, en pratique, que la publication
intervenue soit empreinte d'une tonalité laissant honnêtement
place au doute possible dans l'esprit du lecteur, auditeur,
téléspectateur mais aussi qu'elle soit permanente,
c'est-à-dire ayant un rapport direct et utile avec l'actualité ou
l'intérêt légitime du public. Cela signifie que la
publication doit émaner de la légitimation puis de
l'adéquation avec l'événement ou le fait2.
Tel est le cas de l'image d'une personne dont le visage
apparaît distinctement sur une photographie reproduisant les traits d'une
personne impliquée dans une affaire judiciaire3.
De même, à propos du démantèlement
d'un trafic de stupéfiants, il n' y a pas d'atteinte illégitime
ou illicite au droit à la présomption d'innocence à donner
des éléments d'identification d'une personne
arrêtée, à préciser qu'elle est fichée au
grand banditisme et tenue par les enquêteurs pour l'un des responsables
du réseau. Rien de tout cela ne relevant un sentiment personnel ou un
préjudice du journaliste quant à sa
culpabilité4.
La même solution a été donnée
à propos d'émissions de télévision qui,
après avoir fait une large place aux plaignants et témoins
à charge, ont ensuite donné un suffisant temps de parole à
la personne soupçonnée et à son avocat. De telle
1 J.P. Gridel, op.cit, p.396.
2 M. Dupuis, le droit à l'image face au
droit d'informer : un effort de simplification, Revue Lamy, droit civil,
décembre 2004, p.31 ; Cf. dans le sens de l'auteur, cass., 2e
civ., 30 juin 2004, 2 arrêts, infra, note 31, in fine.
3 Cass. 1ère civ., 20 février
2001, Bull.civ., I., n°43 ; D. 2001, p.1199 et la note ; RTD, civ. 2001,
p.329.
4 Cass. 2e civ., 13 nov. 2003, Bull. civ.,
II., n°335.
KOFFI Aka Marcellin 43
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
façon, aucune conclusion tenant la culpabilité
pour acquise n'en est résultée de l'émission1.
Par ailleurs, concernant les personnes impliquées dans un procès,
est-il possible de publier leur image ou leur nom ?
Cette question, qui, en pratique, concerne surtout les
individus engagés dans un procès pénal, appelle, une
réponse affirmative. C'est ce qu'on appelle le principe de la
publicité de la justice, considéré, depuis sa
consécration par la révolution française, comme une
garantie de bonne justice.
Ce principe signifie que les débats de l'affaire qui
ont lieu en audience publique et que le jugement ait également lieu en
audience publique a pour conséquence d'autoriser les comptes rendus du
procès dans la presse quotidienne.
Dans cette même veine, un délinquant est
recherché par la police, un intérêt général
rend licite, par exemple, la publication de son image, son nom et
prénom, son activité professionnelle.
Cette divulgation, en effet, facilite les recherches. Toute
situation qui est rare ; voire inexistante dans nos pays africains et
particulièrement en Côte d'Ivoire. Néanmoins, certaines
publications de photos d'individus ayant détourné des fonds et
qui se sont volatilisés dans la nature ainsi que les photos de
délinquants, braqueurs, meurtriers, sont courantes. Au total,
l'information légitime du public conforte l'intrusion ou l'immixtion du
journaliste dans la sphère du droit au respect de la vie privée
.La reproduction d'une photographie n'est admissible, pour les
nécessités de l'information, que si celle-ci a été
prise dans des circonstances ayant un rapport direct et utile avec las
évènements en cause ou les faits qui en ont été la
suite.
Le droit a intégré ce phénomène et
tente de réguler pour établir un équilibre entre la
liberté de communication et le respect des droits des personnes. Un
exemple ne peut être utilisé par la presse que s'il est utile et
pertinent. La protection de la personnalité trouve des limites dans la
liberté de communication et des nécessités de
l'information.
La loi, la doctrine et la jurisprudence permettent que soit
porté à la connaissance du public tout sujet
d'intérêt général digne de la curiosité
légitime du
1 Cass. 2e civ., 20 juin 2002, Bull. civ.,
II., n°142.
KOFFI Aka Marcellin 44
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
public. Le droit du public à l'information autorise la
publication d'images ou de nouvelles sur les individus impliqués dans un
événement d'actualité et ne permet pas de faire «
arbitrairement obstacle à la liberté de recevoir ou de
communiquer des idées » ou des informations sous prétexte de
défendre les droits de la personnalité1.
En tout état de cause, la dignité humaine doit
être préservée. C'est le cas lorsque la diffusion d'un
détail de la vie privée ridiculise la personne concernée
ou la plaçait dans une situation dégradante. Hormis le
consentement et l'information légitime du public justifiant la
publication des droits privés des individus par la presse, une autre
circonstance permet l'intrusion du journaliste dans la vie privée d'une
personne. Il s'agit du caractère anodin de l'élément
révélé.
3) Le caractère anodin de
l'élément révélé
Le vocable « anodin » peut être
appréhendé comme ce qui est insignifiant, ce qui est sans
importance et par conséquent ne peut avoir d'effet ou d'influence sur la
vie d'une personne lorsqu'il est porté à la connaissance du
public.
On considéra par exemple la révélation
d'un élément de la vie privée comme de simples
illustrations d'activités, qui essentiellement n'ont pas d'incidence sur
la vie du concerné.
Ainsi, dans un arrêt de la première chambre de la
cour de cassation française, il a été décidé
que la diffusion d'informations anodines ou de détails sans importance
échappe même à la sanction du juge.2
Il faut dire que cette notion de caractère anodin est
apparue en jurisprudence en 2003 à propos de deux époux,
personnalités connues et en instance notoire de divorce,
déjeunant ensemble dans un restaurant très
fréquenté, information anodine, a dit la cour de cassation, ne
méritant pas d'être qualifiée d'attentatoire à la
vie privée. A ce niveau donc, la publication d'un fait de la vie
privée ou d'un droit
1 P. Auvret, op.cit, p.551.
2 Cass.1ère civ. 3 avril 2002, JCPG.
2002, IV, 1871
KOFFI Aka Marcellin 45
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
de la personnalité sans ou contre le consentement de la
personne, selon que l'élément était anodin, ne constitue
pas une atteinte aux droits de la personnalité. Cependant, il y a lieu
de souligner que ce caractère intéresse plus les personnes
connues du public ou les personnes publiques.
A côté du caractère anodin de
l'élément révélé, l'existence d'une
divulgation antérieure favorise la pénétration du droit de
l'information dans les droits de la personnalité en vue de leur
conciliation.
4- L'existence d'une divulgation
antérieure.
A ce niveau, plusieurs cas de figure se présentent,
selon que l'élément de la personnalité et partant de la
vie privée avait été révélé par la
personne concernée elle-même, ou bien s'était trouvé
porter à la connaissance générale au nom du droit-devoir
d'information du public.
L'élément de vie privée
déjà confié par l'intéressé à fins de
publication peut-il être librement repris dans un livre ou journal ? A
cette préoccupation, la jurisprudence répondait
traditionnellement par la négative, au nom de la
spécificité de consentement initial donné. Mais depuis
2002, elle énonce que des faits devenus publics, sans précision
apparente quant au mode (consentement initial, actualité ancienne),
peuvent être repris sans constituer une atteinte1 aux droits
de la personne.
Pour nous, une distinction s'impose. On considéra que
la divulgation était permise lorsque l'élément, par
exemple, de vie privée avait gagné le domaine public par le fait
de l'intéressé ou par une appartenance à l'information
légitime.
En revanche, elle était illicite lorsque la
première diffusion avait été elle-même illicite,
c'est-à-dire opérée sans l'autorisation de
l'intéressé et sans relever d'un cas d'information
légitime. Lorsqu'une information de vie privée intéressant
l'intérêt général a déjà
été publié par un organe de presse, elle peut être
reprise tranquillement par d'autres organes de presse.
1 Cass. 1ère civ. 3 Avril 2002,
précité, cass. 2ème civ, 3 juin 2004,
n°03-11.533
KOFFI Aka Marcellin 46
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
Toutefois ,cette analyse est fragilisée par
l'arrêt rendu par la cour de Strasbourg le 18 mai 2004, à propos
du livre "le grand secret" et qui semble proposer une autre distinction. La
divulgation certainement illicite puisque faite en violation du secret
médical, n'empêche pas sa reprise licite au bout de quelques mois.
Il en va ainsi, dit la cour européenne, parce que, dès lors que
le cancer du président Mitterrand s'est trouvé connu, par quelque
mode de révélation que ce soit, ce fait sert à illustrer
un débat d'intérêt général.
Ainsi, la divulgation de faits antérieurs est
licite.
Par exemple, en 1980 aux Etats-Unis, un article publié
dans le magazine "sports illustrated" et consacré à un champion
de surf s'étendait sur divers aspects de sa vie privée,
mentionnant notamment qu'il n'avait jamais appris à lire ou qu'il
trompait les autorités pour toucher des indemnités de
chômage. Le tribunal estima que les faits rapportés étaient
peut-être embarrassants pour le demandeur, mais ne constituaient pas du
sensationnalisme gratuit ; ils étaient qu'une tentative légitime
du journaliste pour expliquer le style et les talents du
sportif.1
Au total, droit au respect de la vie privée et droit de
l'information peuvent se concilier parfaitement. Cette conciliation est plus
accentuée lorsqu'il s'agit d'une certaine catégorie de
personnes.
B- Les conditions particulières liées
à une certaine catégorie de personnes.
Le contenu de la vie privée est variable selon les
personnes concernées. Cette catégorie de personnes est connue du
public. Elle regroupe, non seulement celles qui assument ou cherchent à
assumer des fonctions officielles ou politiques c'est-à-dire les
personnes publiques (1) mais également les personnes qui, sans exercer
de fonctions publiques, ont acquis ou tout au moins désirent
acquérir une certaine notoriété (2)
En effet, une analyse de la jurisprudence en
général, amène vite, lorsqu'il s'agit de résoudre
le conflit récurrent entre le droit au respect de la vie privée
et le
1 Anonyme, vie privée, droits de la
personnalité, protection jurisprudentielle à la vie
privée, Etats-Unis, http//
www. senat.fr.
KOFFI Aka Marcellin 47
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
droit de l'information, à la constatation suivante : La
vie privée ne serait pas la même pour tous. La jurisprudence a
ainsi forgé une catégorie de personnes bénéficiant,
en principe, d'une protection moindre : Celle des personnes dites «
publiques » de manière générale.
1- Les personnes publiques.
Les personnes dites publiques attirent l'attention du public.
Très souvent, elles le sollicitent volontiers en recourant à
toutes sortes d'artifices. Elles sont en permanence, placées dans le
champ de l'actualité ou de l'information légitime du public.
L'actualité se définissant comme l'événement auquel
assiste ou participe le sujet .Ceci dit , comment se concilient les droits
privés des personnes publiques avec ceux des journalistes ?
Avant toute chose, qui peut être dénommées
personnes publiques
a- Notion de personnes publiques.
Les personnes publiques sont celles qui décident, de
leur propre chef ou en raison de circonstances particulières, de
participer à des activités se déroulant en public ou pour
lesquelles elles recherchent la confiance ,l'attention du public .Les personnes
occupant une fonction publique ou exerçant un métier sollicitant
l'attention du public sont en général soumises à un plus
haut degré de transparence, en raison de l'importance des fonctions
qu'elles occupent et l'idéal qu' elles sont censées
véhiculer. IL s'agit, en l'espèce, des hommes
politiques1, des élus de la nation ou des
collectivités locales, ceux qui sont investis d'une charge officielle,
bref, tous ceux qui exercent une fonction publique. A ces personnes, nous
pouvons ajouter les candidats à une fonction publique ainsi que les
personnes qui, dans une moindre mesure animent la vie sociale,
économique ou politique d'un
1 Sur la définition de l'homme politique,
voir D Gaxie, les professionnels de la politique, PUF, coll. Dossiers
Thémis, Voir aussi A. Duhamel, les hommes dans la vie publique, «
le monde » des 27 - 28 janvier 1974 p. 15
KOFFI Aka Marcellin 48
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
pays1, et aussi les personnes qui orientent la
plupart de leurs activités ( travaux , déclarations ,
idées ) vers la collectivité , le public .
Les personnes impliquées de leur plein gré ou
involontairement dans un évènement public doivent aussi
s'attendre à une vie privée moins étendue, du moins tant
que dure cet évènement.
b- Droit à la vie privée des personnes
publiques et droit de l'information, quelle conciliation ?
Le principe, en matière de protection des droits de la
personnalité, est celui de l'autorisation préalable de
l'utilisation des droits d'une personne.
Mais que serait le droit de l'information si les personnes
publiques bénéficiaient d'une protection étendue comme les
quidams ?
Les personnes particulières, de par leur titre, ont
délimité volontairement ou involontairement la sphère de
protection de leurs droits subjectifs. Par leurs activités, elles sont
incorporées au droit de l'information car ce sont elles qui font
fonctionner le plus souvent la presse. Elles intéressent le public et
font l'actualité. Deux droits principaux de la personnalité
guideront cette analyse : le droit à la vie privée et le droit
à l'image.
Ceci dit, les personnes publiques
bénéficient-elles d'un droit à la vie privée, d'un
droit au respect de leur image ?
La réponse à cette question mérite une
étude approfondie avant de pouvoir donner une réponse.
Les opinions sont diverses à cet égard.
Au vu de la lecture des recueils consultés et en
considération de la distinction entre vie publique et vie privée
et dans l'état actuel de nos moeurs politiques, la vie publique,
remarque-t-on, couvre tant de choses, lorsqu'il s'agit d'un élu ou d'un
candidat aux élections dites politiques, que la vie privée est
réduite, pour l'intéressé, à peu de choses, par
rapport à celui qui demeure à l'écart des
1 R. Lindon, la presse et la vie privée,
n° 3 ; du même auteur, les droits de la personnalité, ouvrage
précité n° 97 et s. p.48
KOFFI Aka Marcellin 49
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
compétitions électorales. On pourrait se
demander si la personnalité d'un homme politique ou d'une personne
publique ne revêt-elle pas, elle-même un caractère public ?
Ont-ils encore un droit de la à la vie privée ? N'est-elle pas
tombée sans « le domaine public»?
Selon certains auteurs comme R. Savatier, l'homme politique ou
public n'a plus de vie privée. Tout ce qui le concerne semble tomber
dans le domaine public et partant dans la vie publique. L'élu ne
détient-il pas ses pouvoirs de la confiance que lui ont accordé
les électeurs ? Ces derniers ont, de ce fait un droit de regard
particulièrement étendu sur sa vie : le public est en droit de
connaître non seulement la vie publique de l'homme politique, de la
personne publique, mais aussi « tout ce qui dans sa vie privée,
peut apparaître comme la confirmation ou le démenti de ladite vie
publique»1.
Dans cette optique écrivait R .Savatier«
l'homme public..., affronte volontairement les regards, et se
présente à tous. Il autorise la diffusion de ses traits et
gestes, fût-elle pour lui fâcheuse... »2
En l'espèce, pour lui, « le roi ou la reine
d'Angleterre n'a presque plus aucun secret pour le citoyen britannique
».
C'est dans ce contexte que le 05 mai 1974, après les
résultats du premier tour pour l'élection du président de
la République, Monsieur Valery Giscard d'Estaing déclarait sur
les ondes de la radio et de la télévision française ceci :
« chacun a le droit de savoir ce que je suis, ce que je fais, ce que je
veux ».
Par delà ces considérations et sans aller
cependant jusqu'à dire avec Gladstone que « la vie
privée de l'homme public est publique »3, il
faut en vérité, dire qu'il serait juste de retenir que l'homme
public ne peut s'opposer, comme toute personne, à l'exploitation ou
à la publication de ses droits de la personnalité qui le
représentent dans sa vie publique, par opposition, dans certains cas
seulement, à celle qui le montre dans sa vie privée. Par
conséquent, dès lors que la personne
1 R. Lindon, note sous TGI, Paris, 25 avril 1974,
Mitterrand c/ « France Martin »D. 1974, p. 698,
2ème coll.
2 R. Savatier, les métamorphoses
économiques et sociales du droit privé d'aujourd'hui, seconde
série, universalisme renouvelé des disciplines juridiques, Paris,
D, 1959, n° 287, p. 284
3 Cité par P.O. Lapie, les aspects
contemporains des atteintes à la vie privée, Revue des travaux de
l'académie des sciences morales et politiques, premier semestre 1973, p.
40
KOFFI Aka Marcellin 50
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
« publique » se trouve dans un lieu public, la
publication de l'information obtenue dans ce cadre est présumée
d'un intérêt légitime pour le public.
En Allemagne, la protection de la vie privée des
personnes ayant une certaine notoriété ne peut être
assurée que si elles démontrent qu'elles se trouvent, certes dans
des lieux publics, mais néanmoins dans une certaine
confidentialité. En tant que personnage public absolu, président
de la république, autorités politiques et administratives, le
consentement à la publication de photos n'est pas nécessaire,
comme il n'est pas nécessaire de limiter la représentation de la
personne dans l'exercice de ses fonctions. Selon la cour constitutionnelle
allemande, l'essentiel est que les tribunaux mettent en balance la
sévérité de l'atteinte et l'intérêt du public
à l'information.
De même que les juridictions européennes, le
droit positif estime qu'au stade de la mise en balance des
intérêts en conflit, il convient de prendre en compte le
caractère d'intérêt public de l'information publiée.
Cette démarche est une fois encore proche de ce qui a cours en
Côte d'Ivoire, où est normalement exigé un lien de
pertinence entre l'évènement d'intérêt
général et la révélation de faits de nature
privée. Dès lors qu'il s'agit, en général, de
satisfaire la seule curiosité d'un certain public, la protection des
articles dont peut se prévaloir la presse est bien moindre.
Cependant le droit au respect de la vie privée des
personnes publiques va de fort belle manière avec le domaine de la
presse.
Ainsi, un mariage, une naissance dans une famille
régnante ou prétendante, et par ses incidences dynastiques,
concerne l'intérêt général et par conséquent
peut-être révélé au public.
C'est encore dans ce sens que s'inscrit l'arrêt de la
cour européenne des droits de l'homme du 18 mai 2004 statuant sur
l'état de santé d'une personne qui exerce de très hautes
fonctions.
Egalement a été jugé non fautif un
article faisant état de l'intervention médicale subie par un
monarque dont l'état de santé est susceptible d'avoir des
retentissements sur le fonctionnement des institutions de son pays et le cas
KOFFI Aka Marcellin 51
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
échéant sur l'avenir politique de celui-ci.
Cette révélation, d'après le tribunal, relève de la
légitime information du public.1
Les questions matrimoniales concernant une personne menant une
vie publique tel un dirigeant d'une grande entreprise ne relève pas du
domaine de la vie privée.2
Le droit au respect de la vie privée des personnes
publiques est très limité en comparaison à ceux du simple
quidam.
L'exercice d'une fonction officielle étant la cause de
cette limitation. C'est pourquoi l'homme politique qui assiste à une
manifestation publique, même s'il n'y prend aucune part active, en
restant mêlé à la foule, ne peut pas empêcher par
exemple, la publication et la réalisation de ses traits.
En d'autres termes, il est plus exactement licite de faire
ressortir l'effigie d'un homme politique sur l'image d'une assemblée
publique sans encourir de sanctions, alors que le simple particulier a le droit
de s'opposer à devenir le principal sujet de la photographie
représentant un groupe.
En de telles circonstances, les personnes publiques, eues
égard à leurs fonctions, et contrairement aux « personnes
privées », semble entrer presque automatiquement dans le champ de
l'actualité. Sa vie ne lui appartient presque plus. Tout un chacun
à un intérêt légitime à savoir si l'homme
politique ou public, dont il combat ou approuve les idées, est
présent ou absent à telle ou telle manifestation publique. D'une
manière générale, la confiance que le public a pour toute
personne publique a ses exigences. Le journaliste est en droit de faire
connaître au public tout ce qui chez l'homme public, est susceptible
d'exercer une influence légitime sur la confiance ou la méfiance
dont il fait l'objet. Cependant, cette confusion de la vie publique et de la
vie privée des personnes publiques ne laisse-t-elle pas une place
à la vie privée, à l'intimité des personnes
publiques ?
Peut - on écrire, dire, montrer, publier n' importe
quoi sur la vie des personnes publiques ?
1 TGI, Nanterre, 31 mai 1995
2 Cass. Civ. 1ère, 20 octobre 1993,
cour européenne des droits de l'homme, 21 janvier 1999, haut de page
www. netpme.fr
KOFFI Aka Marcellin 52
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
Un événement qui s'est produit dans une
propriété privée sinon dans la vie privée d'une
personne publique peut-il être porté à la connaissance du
public en considération de son titre de personnes publiques ?
Pour certains, la vie publique de l'homme public se mêle
avec sa vie privée. Tout en lui, est public et s'offre au public sans
préjudice de sanction.
En conséquence, les personnes publiques n'ont pas de
vie privée et sont, en permanence, exposées à la vindicte
des journalistes. Et c'est la conception en vigueur aujourd'hui dans les pays
occidentaux où il est affirmé expressément que la vie
privée de l'homme public est publique. Elle peut être
portée à la connaissance du public, de qui il tient ses fonctions
et dont il est le miroir de la société. Il se doit, donc, dans
l'exercice de ses fonctions ou dans sa vie privée, d'avoir un
comportement exemplaire sinon il devra souffrir pour ses attitudes et faits
malsains qui occuperont le champ de l'actualité.
Ainsi, des événements ou des faits qui se
passeraient dans leur domicile, lieu privé par excellence et des
endroits interprétés comme tels pourront être
publiés sans aucune inquiétude de la part du juge. Le
caractère public de l'homme prime sur ses intérêts
personnels en cas de conflit.
C'est pourquoi un journaliste ou un rédacteur en chef
pourrait être fondé à prétendre que les hommes
politiques devraient mener une existence irréprochable car leur fonction
doit leur permettre d'être les garants de la moralité.
En somme, ils doivent être les protecteurs des valeurs
sociales et familiales. Toujours est-il que la moralité de ces hommes
politiques devient l'affaire du public.
Le cas du président des Etats-Unis sir Bill Clinton et
miss Monica Gate est édifiant. En effet, une affaire sentimentale entre
ces deux personnes avait été médiatisée par la
presse américaine et devenue même une affaire d'Etat. Cet
événement ou ce fait a failli lui coûter son poste de
président avant la fin de son mandat.
Toute chose qui nous fait dire que les personnes publiques
dans les pays occidentaux n'ont pas de sphère d'intimité et
partant de vie privée. Ces situations tendent à se combiner avec
nos moeurs en ce sens que le pouvoir de l'information
KOFFI Aka Marcellin 53
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
tend à corrompre tout sur son passage puis à
avertir nos responsables politiques afin de ne pas faire n'importe quoi car
leur avenir politique en dépend.
Cependant d'autres, des défenseurs de la vie
privée et partant des droits de la personnalité affirment que le
droit au respect de la vie privée existe malgré tout . Ils
soutiennent également que les personnes publiques jouissent des
mêmes droits de protection de la personnalité que les particuliers
en la matière.
Pour eux, la vie privée des hommes politiques doit
être exclue de leur vie politique et par conséquent doit
être préservée.
C'est pourquoi le journaliste n'a pas le droit de publier des
faits relevant du domicile, du domaine privé de l'homme public.
Nous retiendrons, pour notre part que, nous sommes pour la
première assertion et nous souhaitons vivement qu elle prime sur la
seconde afin d'avoir une société /*de bonne moralité car
les personnes politiques sont le reflet de la société tout
entière. Dans ces conditions, les hommes politiques ou tous ceux qui
souhaiteraient avoir une carrière politique s'abstiendraient de
certaines choses jugées perverses pour la société.
En tout état de cause, la divulgation de faits les
concernant doit respecter la dignité de la personne humaine.
Nous mènerons une analyse analogue à
l'égard des personnes qui, sans exercer une fonction publique, ont
acquis ou recherchent la notoriété.
2- Les personnes célèbres ou
recherchant la notoriété.
Il est, à coté des politiques, d'autres
personnes qui occupent, de façon constante également, une grande
place dans l'actualité: ce sont les champions sportifs, les
écrivains, les artistes, les interprètes d'oeuvres dramatiques,
musicales ou cinématographiques et d'une manière très
générale, toutes les « vedettes l'écran et des revues
»1 .
Ces personnes ont un point commun : elles recherchent ou ont
obtenu la notoriété, en étant connues d'un très
large public. Elles ont même besoin de la
1 R. Jeanne et Ch-Ford, les vedettes de
l'écran, PUF, Coll. Que sais-je ? n° 1146, Paris 1964
KOFFI Aka Marcellin 54
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
faveur des foules pour continuer à exercer leurs
activités. Les « stars » et les « vedettes »
s'efforcent d'entretenir cette faveur et de la faire croître par tous les
moyens possibles dont le plus efficace est certainement la publication de leurs
droits moraux, en l'espèce, leur image, leur vie privée, leur
voix, leur nom par la presse .
En effet, par le truchement de la télévision, de
la radiodiffusion, des journaux, la « star » sollicite
l'intérêt des foules qui « n'adorent plus aujourd'hui des
idoles de bois ou de pierre, mais des idoles en chair et en os
»1 et aiguise chez beaucoup une curiosité sans limite
ainsi que chez les médias. Ce goût du journaliste pour les
vedettes et les artistes est un fait social important ou réel que la
réalité juridique ne peut pas ignorer2, tout en
restant fidèle aux principes supérieurs qui l'animent. Ce
faisant, la notoriété doit seulement être
considérée comme un facteur d'élargissement du domaine de
la vie publique des personnes qui en bénéficient ou qui la
recherchent.
Cependant, au contraire des personnes publiques
c'est-à-dire celles qui exercent une fonction officielle ou politique,
la notoriété des stars n'entraîne pas automatiquement la
publication de leurs droits exclusifs comme l'image, leur voix, certains
éléments de leur vie privée. Elle n'a qu'une incidence
indirecte sur la licéité de la publication dont le
véritable critère reste, à l'heure actuelle, le
caractère public de la scène représentée.
La jurisprudence rappelle ces principes en ces termes «
si les souvenirs de la vie privée d'une personne font partie de son
patrimoine, et ne peuvent être publiés qu'avec son autorisation,
il n'en est pas de même des faits de la vie publique d'un personnage
ayant atteint la notoriété »3 ; ceux-ci peuvent
être narrés, photographiés, voire divulgués, sans
autorisation de l'intéressé.4
1 B. shaw, « le sauvage adore des idoles de bois
et de pierre, l'homme civilisé des idoles de chair et de sang »
cité par J. Ravanas, op. cit. p. 162
2 H, Fougerol « l'humanité,
observe-t-on, a besoin de connaître et de conserver l'image des
personnages en vogue, que l'actualité désigne à sa
légitime curiosité », thèse, p. 49, cité par
J. Ravanas, op. cit. p. 162
3 Paris, 30 juin 1961, Drouillet c/ Almary et autres,
D. 1962, p. 208
4 Idem ; V. aussi paris, 1ère ch.,
16 mars 1955, JCP 1955, II, 8656
KOFFI Aka Marcellin 55
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
En d'autres termes, la notoriété du sujet
n'anéantit pas, malgré les apparences, la distinction de sa vie
privée et de sa vie publique. Toutefois, la ligne qui les sépare
est nettement déplacée au profit de cette dernière :
l'activité professionnelle des « vedettes » fait bien entendu
partie de leur vie publique puisqu'elle est orientée vers le
public.1
Les aspects de leur personnalité, qui présentent
un lien avec cette activité, ne font également pas partie de leur
vie privée ; il en va de même pour tous les moments de leur vie
qui apportent une information légitime sur ce qu'elles prétendent
être aux yeux du public.
Cette démarcation faite entre l'élément
révélable au nom de l'information légitime et les
détails ou commentaires, non publiables à raison du respect
dû à la personnalité, nous conduit à évoquer
la solution donnée au fameux conflit ayant opposé, en Grande
Bretagne, pendant plusieurs années, le mannequin Naomi Campbell et le
quotidien "The Miror". En mai 2004, la chambre des Lords, confirmant la
sentence de la "Hight Court", après avoir rappelé que les
personnes connues prétendaient valablement préserver une partie
de leur vie privée, a estimé que le journal pourrait informer le
public de ce que Miss Campbell se droguait, dès lors qu'elle avait menti
sur ce point dans le passé et suivait une cure de désintoxication
mais qu'il avait tort de révéler le lieu et les différents
aspects et détails du traitement.2
Il suit de là que divers aspects de la
personnalité des stars tombent dans le domaine public et sont
susceptibles de publication sans préjudice d'intimidation de la part du
juge. Les stars sont des modèles censés avoir de bons
comportements dans leur vie professionnelle comme dans leur vie
privée.
Cependant certains détails et commentaires sur leur vie
privée pourraient engager la responsabilité de l'auteur de la
divulgation. Tout n'est pas bon à dire concernant la vie de tous les
citoyens et en particulier des personnes publiques puis des vedettes.
1 TGI, Seine, 3ème ch., 24 novembre
1965, dame Bardot c/ société Beaverbrook, JCP- 1966, II, 14521
2 P. Kamina, CCE, juillet-août 2004 p. 6 ;
Recueil Dalloz 2005, n° 6 p. 393
KOFFI Aka Marcellin 56
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
Par ailleurs, le consentement des Top modèles dans des
contrats portant sur la publication de leur image, leur vie privée, leur
nom par exemple connaît une interprétation restrictive de la part
de la jurisprudence qui est d'ailleurs constante par une application du
principe-adage « exceptio est strictissimae
interpretationis»1
Au regard de ce qui précède et suivant l'analyse
à nous mener jusqu'ici, il convient de retenir que les individus par
leurs activités ou leurs volontés respectivement limitent leur
sphère d'intimité en facilitant l'intrusion de la presse dans
leur vie quotidienne par l'exploitation de leurs droits de la
personnalité, droits chers à chaque être humain.
A coté de cette conciliation entre droits de la
personnalité et droit de l'information autorisée par la loi et la
jurisprudence, le droit de l'information, lui même en son soin, a permis
une cohabitation indispensable car les deux sont le même revers d'une
même réalité.
Le droit de l'information, en d'autres termes, se concilie
avec le droit au respect de la vie privée lorsque la
révélation de faits de vie privée est mesurée,
prudente et objective puis conforme à ses propres règles.
Paragraphe II- L'objectivité de l'information et sa
conformité à la législation qui lui est propre.
La divulgation de faits privés doit
être mesurée, prudente et objective (A) puis elle doit être
conforme aux règles propre du journalisme. (B)
A- La révélation de faits intimes doit
être mesurée, prudente et objective.
Un souci d'objectivité s'impose aux
journalistes. C'est vrai qu'il serait difficile, voire irréaliste
d'exiger d'un journaliste qu'il fasse abstraction de ses opinions, de ses
sympathies et antipathies. Mais il doit s'efforcer simplement d'être
1 J Ravanas, la protection des personnes contre la
réalisation et la publication de leur image, LGDJ, paris 1978, p. 95
KOFFI Aka Marcellin 57
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
intellectuellement honnête et donc les sentiments qu'il
éprouve ne doivent pas altérer ni la pureté de ses
intentions, ni la sincérité de sa démarche.
Enfin, le récit ou la
révélation doit également avoir été
guidé par un souci constant d'exactitude .Le journaliste ne peut donc se
dispenser de l'obligation impérieuse de ne livrer aux consommateurs de
l'information que des faits exacts, vérifiés par lui-même
et d'apporter une attention, une prudence particulière ,des lors qu'il
porte à la connaissance du public des informations qui mettent en cause
la vie privée ou professionnelle des particuliers. Cette condition
s'impose aux journalistes et qui permet ainsi aux juges de sanctionner la
divulgation d'informations erronées
B- Le respect, par le journaliste de ses propres
règles dans ses rapports avec le droit au respect de la vie
privée.
Les règles du droit de l'information applicables aux
droits de la personnalité sont les règles de l'éthique et
de la déontologie professionnelles. Le droit de l'information se trouve
en harmonie avec le droit au respect de la vie privée lorsque le
journaliste marque son attachement au respect de ses propres règles
qu'il a lui-même volontairement consenties.
L'univers, en ses divers aspects, est commandé par des
lois « Chaque discipline a ses lois propres, à raison de la
spécificité de son objet et de ses méthodes... »1
Telle est la règle fondamentale à laquelle
l'exercice du droit de l'information ne saurait échapper et qui, par
conséquent, impose des exigences, voire des obligations aux journalistes
dans le traitement de l'information. Dans une telle mesure, l'exercice du droit
de l'information reste soumis au respect des règles propres et dont la
transgression ne s'accorde guère avec les droits et libertés
d'autrui. Car comme le disait Gandhi : « La véritable source du
droit est le devoir. Si nous nous acquittons tous de nos devoirs, le respect de
nos droits sera facile à obtenir. Si, négligeant nos devoirs,
nous revendiquons, ils nous échapperons.2 »
1 Pr. F. Wodié, la loi, leçon
inaugurale, université de Cocody, p. 1 § 1
2 Cité par Alpha Oumar Konaré,
Président de l'Union Africaine in la diffamation dans les médias
en Afrique p. 3
KOFFI Aka Marcellin 58
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
En vérité, cette exigence fondamentale
d'exactitude de l'information figure dans bon nombre de codes nationaux de
déontologie et permet de sanctionner les abus toujours possibles du
pouvoir de l'information. Ainsi, le pouvoir de l'information ne doit-il pas
porter atteinte à la dignité de l'individu, au respect de la vie
privée et d'une manière générale inciter à
la violation des droits de l'homme.
Il s'agit d'une règle d'éthique
professionnelle.
Conscients de cette nécessité, en Côte
d'Ivoire, les journalistes ont, eux-mêmes, tenu à garantir le
respect de celle-ci en adoptant le 03 mai 1993 un code de déontologie
dont le respect s'impose à tout membre de leur corporation.
Dès lors, la responsabilité des journalistes et
partant des médias apparaît dans le strict respect des
règles d'éthique et de déontologie. Ce qui permet aux
journalistes d'être responsables et d'avoir le souci scrupuleux d'une
nécessité de conciliation entre son activité et les droits
et libertés d'autrui.
C'est dans cette perspective que le code de déontologie
précité a pris soin de mentionner certaines obligations à
la charge du journaliste dans l'unique but de limiter ses droits et
libertés quant à l'exploitation de l'information.
Ainsi, à la lecture des dispositions essentielles
afférentes aux devoirs des journalistes dans la recherche, la
rédaction, le commentaire de l'information qu'ils mettent à la
disposition du public, ils doivent respecter les faits, qu'elles qu'en puissent
être les conséquences pour eux-mêmes, et ce, en raison du
droit que le public a de connaître la vérité. En outre, le
journaliste ne doit publier que des informations dont l'origine, la
véracité et l'exactitude sont établies.Il ne doit
altérer les propos, les textes et documents. Il ne doit user de
méthodes déloyales pour obtenir des informations, des
photographies ou des documents ni confondre son rôle avec celui du
policier. Le journaliste aussi ne doit jamais confondre son métier avec
celui de publicitaire ou de propagandiste. Il doit refuser d'exploiter sa
qualité de journaliste à des fins personnelles.
Par ailleurs, il doit respecter la vie privée des
personnes c'est-à-dire éviter de publier des informations qui
violent l'intimité de la personne et enfin s'interdire le plagiat, la
calomnie, la diffamation puis les accusations sans fondement.1
1 Code de déontologie des journalistes
ivoiriens, voir annexe n° 3
KOFFI Aka Marcellin 59
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
Dès lors, considérant ces exigences en faveur de
la protection des droits de la personnalité, disons que ceux-ci et le
droit de l'information sont associables ou peuvent se combiner si le
journaliste, en dehors de la réglementation légale, respecte ses
propres règlements dans l'exercice de sa profession.
S'il existe des journalistes qui, dans l'exercice de leur
profession sont soucieux de se conformer à ces règles en
recherchant l'excellence en permanence, il existe malheureusement un grand
nombre qui, s'ils ne les ignorent pas vraiment, ne leur accorde aucune place,
foulant au pied toutes les obligations mises à leur charge et jetant, en
conséquence, un discrédit sur la corporation des médias
hélas !
Au regard de ce qui suit, il y a un équilibre entre
droit au respect de la vie privée et droit de l'information à
condition que le professionnel soit en phase avec les règles de la
déontologie professionnelle.
En revanche, en cas de manquement à ces règles,
il s'expose à des sanctions.
En somme, la conciliation droit au respect de la vie
privée et droit de l'information ressortit de la délimitation des
droits de la personnalité vis-à-vis du droit de l'information et
inversement. En raison du droit du public à l'information, on permet que
les personnes souffrent devant l'utilisation de leur personnalité ou que
des éléments de leurs droits exclusifs soient portés
à la connaissance du public, en l'absence de leur consentement et
même contre leur gré. Toutefois, l'information légitime du
public, tiré de l'intérêt général, trouve
aussi ses limites lorsque recherchant l'agrément du public et non plus
son information, la prestation de presse se fait voyeuriste1 en
portant atteinte à la dignité d'autrui.
Par ailleurs, droit au respect de la vie privée et
droit de l'information se concilient par le fait que le second constitue un
complément indispensable aux droits de la personnalité et partant
au droit au respect de la vie privée.
1 J P. Gridel, liberté de la presse et
protection civile des droits modernes de la personnalité en droit
positif français, in Recueil Dalloz, op. cit. p. 393
KOFFI Aka Marcellin 60
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
Section II- Complémentarité du droit
à la vie privée et droit de l'information à l'ère
des nouveaux moyens de communication.
La presse joue un rôle d'importance capitale en
Côte d'Ivoire, en Afrique comme partout ailleurs, en ce qu'elle est
partie intégrante de l'évolution du genre humain. C'est vrai
qu'elle est considérée comme un produit qu'il faut
maîtriser en dépit de ces contraintes, de ces
contrariétés envers autrui, mais elle joue un rôle moteur
d'information universelle notamment dans la formation des citoyens aux
idées libérales, civiques et culturelles puis à la
connaissance de leurs droits et libertés individuelles. La presse est
donc un outil de développement des droits de la personnalité.
Défini par le Professeur Pierre Trudel comme
étant « un principe justifiant l'adoption des mesures
destinées à forcer la recherche et la transmission des nouvelles,
l'information sur les évènements du monde dans un sens favorable
au public »1 et partant aux citoyens, la liberté de
l'information influence positivement les droits de la personnalité
à deux niveaux principalement. Il joue un rôle de
développement de ceux-ci (paragraphe I) mais aussi un rôle de
protection de ces derniers (paragraphe II)
Paragraphe I- Le droit de l'information, instrument de
développement des droits privés.
Selon M. Virally, « l'information doit être
utilisée comme un moyen au service de l'édification de la
société et que, par conséquent, elle devrait avoir une
finalité positive »2 la connaissance des faits, mais
aussi la connaissance des autres et, bien entendu, la connaissance des
progrès de la découverte scientifique et technique sont un des
principaux vecteurs du développement de toutes les
sociétés. Si l'on admet ce rôle de l'information, il
apparaît que la nécessité pour l'information de passer,
d'être transmise, d'être communiquée, d'être
reçue devient vraiment une exigence de notre temps. L'information est
donc utilisée pour le bien
1 Cité par Mario Cardinal, in l'état de
la presse en Côte d'Ivoire, pp. 39-40
2 Colloque de Strasbourg, la circulation des
informations et le droit international, éd. A pedone, 1978, p. 105
KOFFI Aka Marcellin 61
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
de la société. Le droit de l'information dans
ses rapports avec les droits des personnes facilite la communication entre les
hommes, joue un rôle important dans la vie économique des
sociétés. Elle le fait en procurant à tous une information
commune, en améliorant les relations entre les individus et les groupes,
et même en offrant un instrument pratique des rencontres. En clair, il
existe une forte corrélation entre les droits de la personnalité
et le droit de l'information, en ce sens, qu'ils s'embrassent et forment un
ensemble cohérent. Et c'est ce qu'avait montré Bernard Berelson :
« le journal valorise le lecteur, le convainc de son importance. Par
la lecture de la presse, celui-ci sait ce qui se passe, a l'impression de
pénétrer dans les secrets du monde, en tire éventuellement
un surcroît de prestige intérieur. »1 Il en
va de même de tous les autres moyens d'expression et de communication
comme la radiodiffusion, la télévision et aujourd'hui
l'Internet.
Cette valorisation de l'homme par la presse se rencontre aussi
dans sa fonction de divertissement et de distraction. En effet, un organe de
presse constitue un élément de distraction dans la mesure
où il fait échapper l'individu du champ de sa solitude, de sa vie
quotidienne pour lui apporter une ouverture sur l'extérieur.
Enfin, la presse joue un rôle de valorisation au service
du droit au respect de la vie privée lorsqu'elle constitue un instrument
d'identification de celui-ci, de cohésion sociale.
Au total, la presse est un complément des droits de la
personnalité lorsqu'elle assure la formation des populations, favorise
le développement économique, social et culturel de la nation,
répond aux besoins et aux aspirations des populations en matière
d'éducation, de culture et de diversement, fait la promotion des langues
nationales.2
Autrement dit, c'est par exemple grâce au pouvoir de la
presse que peuvent être connus les disfonctionnements des services
administratifs ou judiciaires. C'est également grâce à elle
que pourra être assuré un approfondissement culturel (historique,
artistique, géographique) au profit du consommateur
intéressé, tout
1 R, Cayrol, la presse écrite et audiovisuelle,
paris, PUF, 1973, p. 15
2 J. O., op. cit., loi n° 2004-644 du 14
décembre 2004 portant régime juridique de la communication
audiovisuelle p. 76, art. 3
KOFFI Aka Marcellin 62
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
ceci grâce aux illustrations, commentaires et
développements lorsque nécessite un traitement approfondi de ces
questions.
En plus du rôle de valorisation ou de formation des
droits de la personnalité, la presse constitue un instrument protecteur
de ceux-ci.
Paragraphe II- Le droit de l'information, instrument de
défense ou de Protection de la vie privée.
Les moyens d'expression et de communication constituent, de
prime abord, le miroir des évènements qui se déroulent
dans les sociétés, dans le monde. La presse a donc pour
principale mission de mettre à nu, de porter à la connaissance
des citoyens, en dehors des faits constructifs ou positifs participant de la
formation, de la construction des droits de la personnalité, d'autres
évènements qui lui sont défavorables.
C'est ainsi que la presse, en s'érigeant en
défenseur des droits de l'homme, a choisi la meilleure part en
dénonçant dans toutes les contrées du monde, toutes les
violations des droits humains. En ce sens, elle joue un rôle
d'intimidation pour tous ceux qui souhaiteraient porter atteinte aux droits des
gens en les humiliant par une dégradation de leur personnalité
physique ou morale.
La presse, dans cette optique, joue un rôle vraiment
incontournable permettant aux individus de pouvoir jouir de leurs droits et
libertés et de ne pas être inquiétés pour leurs
opinions et leurs appartenances religieuses ou ethniques.
C'est, par exemple, grâce au pouvoir de l'information
que certains régimes dictatoriaux, ségrégationnistes sont
tombés pour une vie plus libre, valeur naturelle et fondamentale. A la
vérité, le droit de l'information est plus qu'indispensable dans
l'épanouissement des droits de l'homme car permettant à celui-ci
de s'épanouir. L'apport de la presse se manifeste lorsqu'elle se soucie
de protéger les libertés individuelles face à autrui et
aux pouvoirs publics.
KOFFI Aka Marcellin 63
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
Conclusion
Contrairement à ce que le profane pourrait penser, le
droit au respect de la vie privée et le droit de l'information sont
conciliables. Tout organe de presse dispose du droit d'informer ses lecteurs,
auditeurs, téléspectateurs sur les faits sociaux. Cependant, s'il
en est ainsi, un équilibre mérite d'être trouvé
entre ce qui peut être montré, diffusé par le journaliste
et ce qu'il doit se garder d'exhiber ou de publier.
Si le juge est là pour contrôler, voire pour
sanctionner l'effet des médias sur les droits de la personnalité,
c'est qu'à certains égards, le journaliste abuse de son pouvoir
d'information. Et c'est pour éviter que le journaliste abuse de son
pouvoir d'information qu'il existe des organes chargés d'assurer le
respect par la presse du droit au respect de la vie privée.
Les droits de la personnalité sont donc
protégés face à la presse et leur transgression expose son
auteur à des sanctions.
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
LES ATTEINTES AU DROIT A LA VIE PRIVEE DES PERSONNES
PAR VOIE DE PRESSE
ET LEURS SANCTIONS.
KOFFI Aka Marcellin 64
DEUXIEME PARTIE :
KOFFI Aka Marcellin 65
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
Tout être humain a des droits fondamentaux dont les
Etats doivent assurer le maintien et le respect. Ces sont des droits que tout
individu possède en tant qu'être humain. Ils incluent le droit
à la vie, l'interdiction de la torture, l'interdiction des arrestations
arbitraires ou sans raison valable, le droit à un jugement
équitable, le droit de croire comme bon vous semble, le droit de parler
et d'écrire librement mais aussi le droit de s'épanouir dans
l'intimité de la vie privée.
Cette idée est enracinée dans la plupart des
religions et civilisations du monde, et figure dans de nombreuses
législations. Elle est fondée sur la conviction que tous les
êtres humains, où qu'ils soient ou habitent, ont les mêmes
besoins essentiels.
La vie privée constitue donc une chasse gardée
de tout individu. Chacun a droit au respect de sa vie privée. Nul ne
peut être arbitrairement privé de ce droit aux dires des
différentes chartes et conventions internationales sur les droits de
l'homme et libertés de la personne, notamment la Charte Africaine des
Droits de l'Homme et des Peuples du 27 juin 1981.
Consacrée donc par la légalité
internationale1 et nationale2, c'est la jurisprudence qui
détermine les frontières et les composantes de la vie
privée. Du fait de son importance, dans la mesure où elle a
besoin de paix et de tranquillité pour être épanouie,
heureuse, la vie privée bénéficie d'une protection
particulière contre toute intrusion de la part des pouvoirs publics,
surtout dans ses rapports avec le droit de l'information. Dans la Charte ainsi
que dans les deux nouvelles lois sur la presse écrite et la
communication audiovisuelle, il est dit que tout individu a droit au respect de
la dignité inhérente à la personne humaine. Elles
interdisent expressément toute forme d'information dégradante de
la personne, traitement cruel, inhumain ou dégradant.
En conséquence, aucune circonstance ne saurait
justifier que des individus et partant des journalistes ou professionnels des
médias blessent ou humilient des
1 V. art. 12 de la Déclaration Universelle
des Droits de l'Homme, art. 5 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et
des Peuples, art. 17 du Pacte International des Nations Unies, art. 7 et 8 de
la Charte Européenne des Droits Fondamentaux.
2 V. Constitution du 1er août 2000
art. 2, loi du 14 décembre 2004 portant régime juridique de la
presse, art. 26 al. 2, loi du 14 décembre portant régime
juridique de la conviction audiovisuelle art. 1er.
KOFFI Aka Marcellin 66
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
citoyens de quelque manière que ce soit, par exemple,
en publiant n'importe quoi sur la vie privée des gens, à moins de
danger immédiat pour leur vie ou la vie d'autres personnes, et seulement
si des moyens plus modérés ne suffisent pas à
écarter le danger. C'est pourquoi toute entrave à
l'intimité physique et familiale d'un individu pourrait constituer une
violation ou une atteinte au droit au respect de la vie privée des
individus à l'issue de laquelle pourrait également
découler des sanctions.
Dans cette partie, donc, il serait intéressant pour
nous de mettre à nu les modes d'atteintes à la vie privée
des personnes et leur incidence sur celles-ci d'une part (Chapitre I) et
d'autre part lorsque le rubicond est franchi c'est-à-dire que quand
l'atteinte est consommée, il est possible d'y mettre fin en sanctionnant
les publications, réalisations illégitimes ou
dénaturatoires de la dignité de la personne humaine (Chapitre
II).
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
Chapitre I :
LES MODES D'ATTEINTES A LA VIE PRIVEE DES
PERSONNES PAR VOIE DE PRESSE ET LEUR INCIDENCE SUR LA VIE DES
VICTIMES.
L'activité journalistique est, comme toute autre, dans
une société organisée, soumise au respect de la
règle de droit. Loin de porter atteinte à la liberté, et
notamment à la liberté d'expression ou de communication, le droit
en est, dans un système démocratique soucieux du respect des
droits et libertés de chacun, la condition et la garantie.
Dans cette perspective, il s'agit, par les règles
légales et éthiques, de poser des principes et de définir
des droits et obligations réciproques, et sous le contrôle du
juge, d'en assurer l'application et la conciliation.
Il suit de là que lorsque l'information
véhiculée ou l'élément révélé
concernant la vie privée d'un citoyen n'a pas une valeur journalistique,
c'est-à-dire n'a pas un intérêt pour le public et pour
l'Etat, une telle révélation constituerait une atteinte ou une
violation au droit à l'intimité des personnes, valeur
sacrée pour une vie personnelle et familiale épanouie.
Dans ces conditions , la personne dont un
élément de la vie intime, privée a été
publiée de façon abusive c'est- à - dire la victime peut
ou est en droit de s'opposer à une telle publication . Laquelle
publication certainement lui cause préjudice en utilisant les voies
légales de l'opposition.
Nous voyons donc que la liberté d'expression dont jouit
le journaliste n'est pas sans limites.
Un système a été monté pour
garantir ou assurer le respect de la vie privée et partant des droits de
la personnalité par les pouvoirs publics, qui sont aussi reconnus par
les lois nationales et par les chartes puis conventions internationales
relatives aux droits et libertés des personnes humaines.
Mais au-delà des considérations légales,
jurisprudentielles ou doctrinales, à partir de quel moment, peut-on dire
qu'il y a atteinte à la vie privée d'un individu,
personnalité publique? En d'autres termes, dans quelles circonstances,
les
KOFFI Aka Marcellin 67
KOFFI Aka Marcellin 68
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
journalistes en faisant usage de l'exploitation de la vie
privée des personnes peuvent-ils être considérés
comme étant en porte à faux avec les règles en vigueur ?
Mieux, comment se manifestent les atteintes par voie de presse contre les
droits d'autrui, et quelles sont leurs incidences sur les personnes, victimes
de ces atteintes ?
Deux points commandent donc cette partie .Ainsi nous
analyserons dans un premier temps les atteintes à la vie privée
par voie de presse (section I) et évidemment leurs conséquences
sur l'existence de ces personnes, victimes d'atteintes de la part des
journalistes (Section II).
Section I- Les atteintes à la vie privée
des personnes par voie de presse.
Quelques exemples pour commencer.
? Une famille endeuillée par la perte d'un enfant,
victime d'un assassinat sur la voie publique, est photographiée pendant
la cérémonie des funérailles privées. Les
clichés paraissent dans un quotidien ou dans des reportages
radiotélévisés le lendemain.
? Un journaliste participe à l'action de locataires
furieux qui mettent sur écoute leur propriétaire accusé
d'avoir violé ses engagements locatifs. Il diffuse un reportage
audiovisuel basé sur les informations obtenues dans ces
circonstances.
? Les fils d'un maire ou d'une autorité publique, deux
adolescents, sont accusés de consommer de la drogue et
arrêtés. Deux de leurs camarades sont également
incarcérés. Les journaux et les stations de radio et de
télévision livrent les noms des quatre jeunes
gens1.
Il n'y a pas de jour où il n'y a pas de plaintes sur la
diffusion de ce genre d'articles. Cela, montre, à quel point la marge de
manoeuvre est étroite entre la liberté d'expression de la presse,
telle que la définissent la constitution et les dispositions
législatives que règlementaires ou telle que l'exige le droit du
public à l'information, et le droit de chacun au respect de sa vie
privée.
1 H.H. Schulte, M.P. Dupresne, Pratique du
journalisme, Paris, septembre 1999, réimpression avril 2002, p.325 et
s.
KOFFI Aka Marcellin 69
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
A partir de quel moment le droit légitime d'être
laissé tranquille se trouve-t-il compromis par le droit tout aussi
légitime qu'a le public d'être tenu au courant des faits ou
événements sociaux ?
La collecte de données privées est un domaine
délicat pour les médias. Un faux pas involontaire ou
délibéré de la part d'un journaliste, d'un photographe
reporteur, peut entraîner le dépôt d'une plainte dont les
conséquences risquent d'être ruineuses pour l'organe de presse en
cause ou pour le journaliste en question. Les atteintes à la vie
privée, tout comme le renforcement de la protection accordée aux
individus qui s'estiment lésés, peuvent faire l'objet d'une
classification en quatre catégories fondamentales :
- l'intrusion dans la vie privée et le
détournement de l'identité ou de l'image ;
- la représentation mensongère d'une personne
;
- la révélation de faits privés exacts
mais embarrassants.
Certaines de ces catégories sont plus importantes que
d'autres pour la presse, mais toutes méritent de retenir notre attention
que nous regrouperons en deux grandes catégories.
Il s'agira, dans un premier temps des atteintes au secret de
la vie privée des personnes par voie de presse (Paragraphe I) et dans
une seconde perspective des atteintes portées directement à la
liberté de la vie privée par voie de presse (Paragraphe II).
Paragraphe I- Les atteintes au secret de la vie
privée des personnes par voie de presse.
Les atteintes au secret de la vie privée sont diverses,
mais elles peuvent être ramenées à deux
variétés. La première qui a attiré notre attention
est la révélation de faits privés exacts mais
embarrassants (A). Mais il n'importe pas moins de protéger les personnes
contre l'intrusion ou l'immixtion dans la vie privée (B).
KOFFI Aka Marcellin 70
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
A- La révélation de faits privés
exacts mais embarrassants.
La vie personnelle et familiale ne peut s'épanouir que
dans l'intimité de la maison et du foyer, siège principal de la
demeure et partant de la vie privée. Elle a besoin de paix et de
tranquillité pour être heureuse1. Elle est
repliée sur la personne elle-même, sur les membres de sa famille,
sur ses amis.
En principe, elle ne doit pas être l'objet de
révélations ou de divulgations parce que les uns et les autres
blessent le sentiment de la pudeur à l'égard de la vie
personnelle et familiale2.
L'atteinte consiste donc à la divulgation d'un fait
privé exact ou non mais embarrassant, c'est-à-dire le fait de
porter à la connaissance du public, ou, à tout le moins, d'un
nombre indéterminé de personnes, des événements
relevant de la vie intime, personnelle et familiale.
De façon générale, si une personne
publique ou non veut gagner un procès intenté pour atteinte
à sa vie privée, notamment pour révélation de faits
privés exacts mais embarrassants, elle doit prouver que les faits
publiés :
1. seraient fortement offensants ou diffamatoires pour toute
personne raisonnable, à savoir embarrassants pour cette personne ;
2. ne présentent pas d'intérêt
légitime pour le public, et, par conséquent, n'ont aucune valeur
journalistique ;
3. ont été publiés sans le consentement
de la personne concernée.
Citons le cas d'une personnalité bien connue, qui
confie à un journaliste certaines de ses habitudes favorites :
éteindre une cigarette en la mettant dans sa bouche, manger des
araignées ou sauter du haut en bas d'un escalier pour impressionner ses
conquêtes féminines.
Ultérieurement, il s'avisa qu'il ne désirait pas
laisser divulguer ces renseignements. Le journaliste s'entête et publie
un article sur la personnalité en question. Est-il fondé à
entamer des poursuites au titre du secret de la vie privée ?
1 P. Kayser, La protection de la vie privée,
op.cit, p.3.
2 V.M. Scheler, la pudeur, édition Aubier. La
permanence du sentiment de la pudeur n'est pas infirmée, mais au
contraire attestée, par les variations de son objet in la protection de
la vie privée de P. Kayser, op.cit, p.6.
KOFFI Aka Marcellin 71
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
En l'espèce, les faits sont exacts mais de
caractère privé et embarrassant. Dans une telle situation, le
juge serait amené à considérer qu'il s'agit d'une atteinte
illégitime à la vie privée dans la mesure où le
journaliste en cause s'entêta de révéler des faits bien
sûr exacts mais sans autorisation de la personne concernée.
Que dire quand il y a un doute sur la véracité
des faits révélés concernant la vie privée d'une
personne ?
L'affaire Ezan Akélé mérite de retenir
notre attention. Dans cette affaire, dénommée affaire
pédophilie qui avait opposé Monsieur Ezan Akélé,
ancien ministre et Mrs Diégou Bailly et Joachim Beugré alors
respectivement directeur de publication et journaliste du quotidien "Le Jour"
et auteur des articles incriminés, avait présenté M. Ezan
Akélé, personnalité publique de notre pays comme
étant un pédophile1. Il s'agit, là, de
révélation de faits de caractère privé mais aussi
embarrassants.Voici présentés les faits : dans parutions des 5et
6 octobre 1998, le quotidien « Le jour »publiait deux articles qui
vont créer ce qu'on a appelé « l'affaire pédophilie
».Ces articles qui vont faire couler beaucoup d'encre et de salive,
étaient ainsi libellés : « révélations sur la
pédophilie en cote - d'Ivoire :un adolescent de 14 ans sodomisé
à plusieurs reprises ; de hautes personnalités citées dont
M.Ezan Akélé, alors ministre des infrastructures
économiques.
Les journalistes n'ayant pas pu apporter la preuve de leurs
propos augure de ce qu'une telle révélation exacte ou non ayant
un caractère privé et sans que les preuves accompagnent
constitueraient sans aucun doute une atteinte à la vie privée.
Toutefois, la jurisprudence ou du moins beaucoup de tribunaux
précisent que les personnalités publiques devraient apporter
aussi la preuve d'une véritable intention de nuire.
Dans ces conditions, le problème qui se pose au
journaliste est de déterminer si l'information dont il dispose peut
être considérée comme légitimement
intéressante pour le public ou revêt un caractère
d'intérêt général.
1 Fraternité Matin, jeudi 29 juillet 1999,
faits divers, affaire pédophilie : le non lieu de la justice.
KOFFI Aka Marcellin 72
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
Ainsi le fait d'avoir dit la vérité ne constitue
pas une excuse en matière d'atteinte à la vie
privée1. C'est pourquoi, la jurisprudence et la doctrine
soutiennent, par exemple, que le public a le droit de connaître des faits
embarrassants concernant un employé ou un personnage du secteur public,
mais il en irait différemment si la personne en question appartient au
secteur privé.
A côté de la révélation des faits
exacts mais embarrassants constituant une atteinte au secret de la vie
privée, se trouve l'intrusion ou l'immixtion dans la vie privée
d'une personne.
B- L'intrusion dans la vie privée.
Une autre catégorie d'atteinte au respect de la vie
privée est l'intrusion, généralement définie comme
une invasion "physique", une investigation dans la sphère privée
d'un individu.
Pour qu'une immixtion soit considérée comme une
violation à la vie privée d'un individu, il faut un certain type
d'empiétement non autorisé, mais c'est là un domaine
délicat pour le journaliste. Si lui-même ou un photographe a pu
obtenir le consentement de quelqu'un, voire seulement s'il a l'impression
très nette d'avoir obtenu le consentement, il ne devrait pas être
inquiété. C'est l'intrusion en soi et non la publication qui
pourrait fonder la plainte, même si les tribunaux ne font pas toujours la
distinction.
Depuis quelques années, la technologie a élargi
ce genre de litige. Epier quelqu'un par sa fenêtre ou en se cachant
derrière une porte, prendre connaissance des lettres ou correspondances
confidentielles, s'immiscer dans le domicile d'autrui ne sont que l'exemple
traditionnel d'une intrusion. L'utilisation de téléobjectifs
perfectionnés sur des appareils photographiques ou de
magnétophones électroniques qui tiennent dans la poche suscite
d'autres types de plaintes pour intrusion. Tout comme l'usage non
autorisé de documents privés. D'une manière
générale, les tribunaux jugent que prendre une photo dans un lieu
public ne constitue pas une atteinte à la vie privée, mais il en
va tout autrement
1 A.A. Schulte, M.P. Dufresne, Pratique
journalistique, Paris 1999, p.332.
KOFFI Aka Marcellin 73
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
dans une propriété privée. C'est ainsi
que le fait de grimper à un poteau électrique ou
téléphonique ou tout simplement le fait de grimper à un
arbre pour regarder par la fenêtre d'un particulier attente à sa
vie privée.
Introduire des microphones ou autres appareils
d'enregistrement chez autrui sans autorisation préalable est aussi
considéré comme une intrusion.
En outre, les lois internationales, comme les lois nationales
des Etats, interdisent l'enregistrement clandestin.
Les tribunaux ont jugé que la presse est en droit de
publier une information obtenue par un tiers, coupable d'une atteinte à
la vie privée d'un individu. Mais le journaliste qui aide ou encourage
le tiers à envahir le domaine privé d'une personne sans le
consentement de celle-ci risque lui aussi d'être tenu pour
responsable.
Au total, il y a atteinte à la vie privée par
intrusion lorsque le journaliste s'immisce dans la vie d'un individu au moyen
d'une investigation illicite ou non autorisée.
La révélation de faits privés exacts mais
embarrassants et l'intrusion constituent les atteintes au secret de la vie
privée d'une personne.
Toutefois, elles ne sont pas les seules à attenter
à la vie privée. D'autres facteurs ou circonstances portent
directement atteinte à la liberté de la vie privée par le
comportement ou l'instrument de travail du journaliste.
Paragraphe II- Les atteintes portées directement
à la liberté de la vie privée par voie de presse.
La liberté de la vie privée s'oppose à
toute représentation mensongère (A) et à tout
détournement du nom ou de l'image (B). Il y a donc atteinte si le
degré de gravité de l'atteinte à la vie privée la
rend intolérable.
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Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
A- La représentation mensongère d'une
personne par voie de presse.
Donner à entendre que certains ne sont pas ce qu'ils
paraissent être, même sans intention de nuire, c'est estime-t-on,
« mettre la personne dans une situation fausse aux yeux du public
»1, ce qui a coûté cher à certaines
publications.
Présenter quelqu'un qui assiste à une
réunion politique comme un partisan de la personnalité
présente, alors que le badaud s'était arrêté sur les
lieux, poussé par la seule curiosité, donne de
l'intéressé une idée mensongère et pourrait
justifier des poursuites judiciaires.
En effet, pour qu'une plainte fondée sur une
représentation mensongère soit admise par un juge, elle doit
satisfaire aux critères suivants :
1. L'article incriminé doit être mensonger,
2. l'article doit avoir été publié sans le
consentement du plaignant,
3. dans les litiges concernant des personnalités
publiques, il doit exister
réellement une intention de nuire ou mépris
coupable de la vérité.
La représentation mensongère est souvent
confondue avec la diffamation, bien qu'il existe une distinction entre l'une et
l'autre. La diffamation suppose un tort causé à la
réputation d'une personne, ce qui n'est pas le cas pour la
représentation mensongère.
Ainsi, dans l'exemple de celui qui a assisté à
une manifestation politique, cette personne a été victime d'un
éclairage trompeur sans être diffamé pour autant.
Même un photographe reporter qui prend un cliché
instantané anodin d'une personne, notamment une femme en train de sauter
une flaque d'eau dans une rue de la ville risque une action en justice si le
cliché la montre dans une situation embarrassante ou impudique. Retenons
que l'atteinte à la vie privée par la représentation
mensongère consiste à représenter un individu autrement
que ce qu'il est en réalité ou à se tromper sur la
conviction ou l'attitude réelle de la personne.
1 A.A. Schulte, M.P. Dufresne, op.cit, p.333.
KOFFI Aka Marcellin 75
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
En conséquence, lui donner une nature, un
caractère ou une conviction autre que la sienne est constitutive de voie
de fait, donc d'infraction fragrante à la liberté de la vie
privée.
Que pouvons-nous retenir en ce qui concerne l'atteinte
à la liberté de la vie privée par le détournement
du nom ou de l'image d'une personne ?
B- Le détournement du nom ou de l'image par voie
de presse.
Nous étudierons d'abord l'atteinte à la vie
privée par le détournement du nom (1) avant de nous attarder sur
l'atteinte à la liberté de la vie privée par le
détournement de l'image d'une personne (2).
1) Le détournement du nom.
Le nom est, d'une manière générique, un
vocable qui sert à désigner une personne, un animal ou une chose.
Il est soit commun à tous les membres d'une espèce donnée
(exemple : l'homme, l'animal, le chien, le navire, etc.) soit propre à
un seul des membres d'une famille donnée (exemple : Coulibaly, Aka,
Koffi, Milou, Titanic...).
En droit civil des personnes, l'allusion au nom fait
référence au nom propre d'une personne, voire au nom patronymique
ou nom de famille.
A cet égard, le nom est défini comme «
l'appellation qui sert à désigner une personne dans la vie
sociale et juridique »1.
C'est le sens de l'article 1er de la loi ivoirienne
n°64-373 du 07 octobre 1964, modifiée par la loi n°83-799 du
02 août 1983 relative au nom qui dispose que : « toute personne doit
avoir un nom patronymique et un ou plusieurs prénoms
»2.
Ainsi défini, le nom est assurément en
Côte d'Ivoire comme partout dans le monde entier, l'élément
fondateur ou de base de la personnalité3.
1 A. Bogler, Cours de droit civil, les personnes, la
famille, première année licence 1997.
2 Code civil, loi relative au nom.
3 Anonyme,
http\`www.savoir.scdi.cndp-pr\rencontrelyon\gauvin\?1
KOFFI Aka Marcellin 76
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
Il n'y a donc pas de personne physique sans nom. Tout
être humain a obligatoirement un nom qu'il se doit de défendre ou
qu'il a le droit de protéger et de sauvegarder contre tout
détournement d'autrui. C'est d'ailleurs cela qui a fait dire à
certains auteurs que le droit de la personne sur son nom est un droit de
propriété, un patrimoine. On dit qu'il y a patrimonisation,
notamment de la vie privée et l'individu peut, en tant que
propriétaire des éléments constitutifs de sa vie
privée (paroles, images, voix, nom, etc.)1, les
protéger et les faire protéger par les pouvoirs publics à
chaque fois qu'un usage illicite ou illégitime en a été
fait par autrui, surtout par le journaliste. Cependant, précisons que
l'individu peut les aliéner et les introduire dans les rapports
marchands2 même si les droits de la personnalité ont
une valeur extrapatrimoniale. La tendance actuelle est à la
commercialisation des éléments constitutifs de la vie
privée. Il s'en déduit que le titulaire du nom
bénéficie d'une protection absolue toutes les fois qu'il n'a pas
donné expressément son assentiment pour l'utilisation qui doit
être faite.
Il peut, par conséquent s'opposer à toute
utilisation de son nom par autrui sans avoir besoin de justifier ni d'un
intérêt ni d'un préjudice. Ainsi, toute personne qui se
sert du nom d'autrui dans son propre intérêt peut faire l'objet de
poursuites judiciaires pour atteinte à la vie privée et partant
au nom car il y a détournement ou abus de la liberté d'expression
dont dispose le professionnel des médias.
Trois facteurs sont donc indispensables à une demande
de réparations. Il s'agit de la publication de l'identification, du
profit commercial et de l'absence d'autorisation. Si ces trois facteurs sont
réunis, l'atteinte au nom est incontestablement avérée et
les tribunaux ne feront que constater leur existence certaine pour rendre
l'auteur de la publication, responsable du détournement du nom d'autrui
par voie de presse.
Quid de l'atteinte à la vie privée par le
détournement de l'image ?
1 R. Charvin, J.P. Sueur, droits de l'homme et
libertés de la personne, édition Litec, Paris 1994, p.99.
2 B. Edelman, le droit saisi par la photographie,
dans les lois sur la presse, avec le consentement de l'individu (qui supprime
l'infraction) et avec le fait que la répression existe
indépendamment de tout dommage concret, la vie privée est, pour
une part, une marchandise dont la vente peut être rentable, et comme dans
un contrat de vente, celle-ci exige le consentement du vendeur in droits de
l'homme et libertés de la personne, op.cit, p.99. Voir aussi F. et A.
Demichel, M. Piquemal, pouvoirs et libertés, éd. Sociales 1978,
p.275, 276.
KOFFI Aka Marcellin 77
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
2) Le détournement de l'image d'autrui par
voie de presse.
Toute personne a sur son effigie, son image, un droit exclusif
et peut de façon discrétionnaire en autoriser la diffusion ou la
reproduction. C'est dire qu'il est interdit aux tiers, en l'espèce les
journalistes, d'une part de fixer ou de reproduire l'image d'un individu par
quelques procédés ou moyens que ce soit, spécialement par
photographie sans le consentement de l'intéressé et d'autre part
de publier, voire de commercialiser le cliché sans son autorisation.
Ce consentement requis, en règle
générale, doit être exprès, spécial,
c'est-à-dire qu'il doit viser une reproduction ou une diffusion
spécifique donnée.
Ainsi l'intention pour laquelle le consentement a
été donné doit être respectée et non servir
à d'autres fins, en dehors de la valeur journalistique de l'image
divulguée ou de la pertinence du critère de l'illustration.
La conséquence qui en découle est que toute
personne qui se sert de l'image d'autrui, qu'il soit une personne publique ou
un simple quidam, dans son propre intérêt et non dans
l'intérêt de la collectivité peut faire l'objet de
poursuites judiciaires pour atteinte à la vie privée au moyen du
détournement du portrait d'autrui sans son consentement.
Le consentement est exprès lorsqu'il figure sur un
écrit, acte sous-seing privé ou acte authentique1.
Mais à côté du consentement exprès, le consentement
peut être tacite. C'est le cas des hypothèses ou exceptions au
principe de l'interdiction de photographier et a fortiori de divulguer la photo
d'une personne sans son autorisation. Ces dérogations, rappelons-le,
concernent la photographie d'un lieu public, la photographie d'une personne
célèbre dans l'exercice de ses fonctions ou de sa profession et
enfin la photographie d'une personne se trouvant au coeur de
l'actualité.
En dehors de ces cas exceptionnels précités, il
y a faute sur l'image d'autrui chaque fois que la représentation
à titre informatif ou commercial de l'image d'un individu est faite par
les médias sans le consentement de l'intéressé.
1 A.M. Assi-Esso, précis du droit civil,
op.cit, p.54.
KOFFI Aka Marcellin 78
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
Tel fut le cas dans le jugement concernant la publication et
la commercialisation de la photo d'une danseuse de cabaret, en l'occurrence
dame Kamé N'Daw1.
Dans cette affaire dame Kamé N'Daw c/ Gilles Nourault
et la librairie de France, dame Kamé N'Daw danseuse de cabaret
travaillant à « la Boule Noire » se donnait tous les soirs en
spectacle. Revenant à Abidjan après un séjour au Mali,
elle eut la désagréable surprise de découvrir des cartes
postales la représentant au cours de son numéro, ainsi qu'une
brochure sur la Côte d'Ivoire reproduisant les mêmes photographies,
brochure qui était vendue et non pas distribuée gratuitement.
Elle assigne donc les auteurs desdites reproductions et la libraire de France
en justice pour atteinte à sa vie privée par détournement
de son image. La demanderesse eut gain de cause dans la mesure où les
facteurs constitutifs de l'atteinte à la vie privée
étaient réunis à savoir l'absence de consentement de dame
Kamé N'Daw mais aussi la commercialisation de sa photo sans son
autorisation.
Dès cette position jurisprudentielle, en l'absence de
lois fixant les conditions de l'utilisation des éléments de la
vie privée d'une personne, il est possible à tout individu de
faire sanctionner en justice la reproduction de son image lorsqu'il n'a pas
consenti. La liberté de la presse n'exonère donc pas les
journalistes de toute responsabilité lorsqu'ils présentent dans
les écrits périodiques ou sur les ondes la prestation d'un acteur
comme un reportage ou l'image d'un individu. De même, la publication de
photographie d'une comédienne, prise à son insu et
divulguée sans son autorisation, en donnant au surplus l'image d'un
être marqué par la souffrance et diminué physiquement,
porte atteinte au droit à l'image, nonobstant le caractère
bienveillant et optimiste du titre et du texte accompagnant ces
photographies2.
Egalement, il y a atteinte lorsque même dans
l'hypothèse où le consentement de l'intéressé a
été obtenu de façon expresse par une agence de presse
précise et que la photographie se retrouve publiée par un autre
organe de presse ou d'autres
1 Trib. P.I. Abidjan, 29 janvier 1976, n°228,
RID, 1976, n°1-2, p.35 .
2 Civ. 1ère, 10 juin 1978 : Bull. I,
n°191, p.41.
KOFFI Aka Marcellin 79
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
revues. C'est ce qui ressort des faits de l'arrêt de la
Cour d'Appel d'Abidjan1. En l'espèce, le sieur Yattien
Amigué avait donné son consentement pour que sa photo soit
publiée dans une revue générale africaine dans le cadre
d'une étude sur l'école des statistiques. A sa grande surprise,
il découvre que sa photo a été utilisée à
d'autres fins par des revues autres que la revue générale
africaine. Saisie de l'affaire en second degré, la C.A. a retenu
l'atteinte au droit à l'image en adoptant une interprétation
stricte du consentement donné.
Il en va de même pour la publication d'un cliché
représentant une artiste ou une personne dans une autre revue que celle
pour laquelle elle a donné son consentement2.
Aussi, a-t-il été sanctionné,
l'utilisation à des fins publicitaires, la photographie d'un
président de la République pilotant un bateau mû par un
moteur hors bord ; la publication de cette photographie, prise dans un lieu
public, pour illustrer les vacances du Chef de l'Etat n'aurait sans doute
encouru aucun reproche. Mais s'agissant de vanter un produit, l'atteinte au
droit à l'image et partant à la vie privée n'a pu
bénéficier d'aucun fait justificatif3.
En définitive, l'atteinte à la liberté de
la vie privée est consommée en cas de détournement du nom
ou de l'image d'une personne à d'autres finalités autres que
celles pour lesquelles la victime a donné ou non son consentement.
Le consentement, est donc, à notre sens, le facteur ou
l'élément déterminateur de l'atteinte ou non de la vie
privée des individus.
L'exploitation d'un élément de la vie
privée d'une personne est donc conditionnée par la volonté
de l'intéressé. Et c'est cette volonté, encore
appelée consentement (exprès ou tacite) qui permettra au juge de
guider son verdict quant à l'exploitation licite ou illicite de la vie
privée d'une personne publique ou non.
Le journaliste, a donc intérêt pour un meilleur
exercice de son métier à cerner les contours ou les conditions de
l'exploitation à but informatif des éléments,
1 C.A. Abidjan, 2 juillet 1982 (inédit). Voir
Annexe 3.
2 C.A. Paris, 14 mai 1975, D. 1976, p.291 .
3 G. Goubeaux, P. Birh, Les épreuves
écrites du droit civil (méthodes et modèles),
7e éd. LGDJ, Paris, 1993, pp.83-84.
KOFFI Aka Marcellin 80
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
composant la vie privée des gens même si notre
époque apparaît comme celle de décadence de la vie
privée. Le journaliste doit, à cet effet, se tenir constamment au
courant de l'évolution du domaine législatif et jurisprudentiel
pour une meilleure aise de l'exercice de son métier.
« Le journalisme est un métier très
noble. Par conséquent, son exercice doit se faire avec beaucoup
d'attention ». Ce qui nous ouvre le champ à analyser les
conséquences des atteintes par voie de presse sur la vie des personnes
victimes, surtout que les atteintes aux détails de la vie privée
des personnes se propagent à la vitesse de la lumière pour
atteindre les lieux les plus reculés de notre planète. Alors
question : quelle incidence des atteintes des médias sur la vie
personnelle et familiale des victimes ?
Section II- L'incidence des atteintes à la vie
privée par voie de presse sur la vie des personnes victimes.
Dans le but d'assurer le respect du droit à la vie
privée des personnes, les pouvoirs publics ont clairement
spécifié, par des lois, aux journalistes dotés d'armes de
formation mais aussi de destruction en cas de dérapage ou de mauvais
usage de l'exploitation de la vie privée d'une personne. Ainsi les
médias se montrent coupables d'abus lorsqu'ils publient, par exemple,
les détails de la vie privée des personnes, ou qu'ils font leurs
gros titres avec des fausses nouvelles, voire des mensonges qui se propagent
à la vitesse du vent. En ce sens, on connaît en Afrique les
exemples de journalistes qui utilisent leur plume ou leur micro, pour
dénigrer telle ou telle personnalité politique ou publique.
En Côte d'Ivoire, actuellement les médias
illustrent ce phénomène en prenant ouvertement partie pour l'une
ou l'autre personnalité, protagonistes de la crise que traverse, en ce
moment, notre pays. Surtout que nous savons combien le moindre mot, le plus
petit commentaire peut bouleverser négativement des situations, voire
des vies.
KOFFI Aka Marcellin 81
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
La responsabilité du journaliste est donc énorme
car l'information est comme le sang du grand corps social1. Si elle
est contaminée par des considérations ou des objectifs contraires
à sa mission première, la société tout
entière en pâtira.
Alors question : que peut être l'impact d'une atteinte
à l'intimité ou au secret de la vie privée sur
l'environnement personnel et familial, voire social d'un individu ?
Deux conséquences sont susceptibles de découler
de la mauvaise utilisation de l'instrument de presse à savoir qu'il peut
y avoir dévalorisation ou dénaturation de la personne, victime de
révélation d'un aspect consubstantiel à sa vie
privée par voie de presse (Paragraphe I) mais aussi la personne peut
souffrir ou subir une destruction de sa personne (Paragraphe II).
Paragraphe I- La dévalorisation de la personne,
victime d'une diffusion d'un secret de sa vie privée ou d'une
information mensongère.
Il advient que de gros titres mensongers et des illustrations
violentes ou indiscrètes visent directement certaines personnes,
notamment des personnages publics, alors qu'il est admis que chacun a droit au
respect de sa vie privée et que le public, de son côté,
doit être informé des affaires qui lui importent. Les questions
fondamentales qui se posent alors sont les suivantes : Que gagnerait le public
à savoir des faits concernant la vie privée des individus ?
Jusqu'où peut aller ce droit à l'information et
ce droit de l'information sans qu'il ne se transforme en ingérence
malsaine dans les affaires d'autrui ?
Prenons pour exemple le cas d'un ancien ministre
considéré comme une personnalité publique et dont les
journalistes s'immiscent dans sa vie privée en le traitant de
pédophile. Cette affaire dénoncée affaire
pédophilie Ezan Akélé c/ Diégou Bailly et Joachim
Beugré ,alors respectivement Directeur de publication du quotidien "Le
Jour" et journaliste auteur de l'article incriminé a fait coulé
beaucoup d'encre et de salive dans la société ivoirienne. Car
elle apparaissait comme un scandale aux yeux du public. Mais les
défendeurs n'ayant pas pu apporter la preuve, de ce que le demandeur, en
l'espèce, le sieur Ezan Akélé avait réellement
1 J.L. -Martin-Lagardette, le guide de
l'écriture journalistique, 5e éd. La
découverte, p.14.
KOFFI Aka Marcellin 82
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
commis cet acte de pédophilie sur le jeune,
présumé comme victime, quelles pourraient être les
conséquences d'une telle révélation mensongère ou
non surtout que la justice a prononcé un non lieu ?
Le doute planant, cette révélation qui a
défait la chronique est restée dans les esprits et a certainement
marqué la personne incriminée. Ce qui justifie assurément
son retrait de la scène politique ou dans la vie publique.
L'image de pédophilie est restée dans les
esprits, voire son image est dévalorisée. La considération
que les uns et les autres lui vouaient est tombée en
désuétude car considéré comme un homme pervers et
indigne.
Parfois, la violation de la vie privée atteint
l'individu dans ses idées. Ce ne sera plus sa personnalité
physique qui sera déterminée, mais sa personnalité
sociale, voire politique.
L'individu est caricaturé, étiqueté par
la société.
La jurisprudence nous donne le cas d'un chef d'Etat africain
photographié au moment d'une élection, un bulletin oui dans sa
main gauche, un bulletin non dans la droite. Sa photographie est, par la suite
publiée avec un seul bulletin à la main1. On
s'aperçoit ici qu'une simple retouche photographique peut attribuer
à un homme politique ou à tout citoyen des idées
éventuellement contraires aux siennes.
Dans cette espèce, l'altération ou la
dénaturation de la personnalité provient également de ce
que le trucage conduit à inférer , à ce chef d'Etat, un
comportement, une manière d'agir, autres que ceux qu'il a eus et
même entendait avoir au moment du vote. Plus que ses idées
politiques, c'est donc une façon d'être de sa personnalité,
précisément son comportement à l'occasion d'un vote, qui
est altéré, dévalorisé.
Par conséquent, les victimes ou leurs ayant droits
subissent un préjudice résultant de l'atteinte. La vie
personnelle et familiale de la victime se trouve dénaturée aux
yeux de la société à laquelle elle appartient et
même à travers tout le monde entier surtout avec les nouvelles
technologies de communication et de l'information qui véhiculent les
nouvelles à une allure vertigineuse.
1 Cass. Crim., 7 décembre 1961, Bull. Crim.,
n°512, p.982.
KOFFI Aka Marcellin 83
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
Ainsi, les révélations sur les rapports de
police concernant la vie des individus, l'exhumation de faits et incidents
anciens, les révélations sur la sphère intime (vie
sentimentale, lettres ou correspondances confidentielles), les questions de
santé, les affaires de divorce et de garde des enfants peuvent poser des
problèmes concernant la vie privée des gens. Elles peuvent causer
une nouvelle souffrance à une personne soucieuse de vivre seulement dans
l'intimité de sa vie personnelle et familiale lorsque des
révélations sur la vie privée d'une personne sont
effectuées, qu'elles soient vraies , fausses ou mensongères.
Hormis la dénaturation ou la dévalorisation comme première
conséquence sur la personne, il faut souligner que ces situations
créent une seconde conséquence, à savoir une souffrance
morale ou une destruction morale de l'intéressé.
Paragraphe II- La destruction d'une personne par la
révélation d'un détail ou secret de sa vie
privée.
L'atteinte à la vie privée peut donner lieu
à deux sortes de destruction. Il s'agit en premier lieu d'une souffrance
morale (A) et dans une certaine mesure d'une destruction physique (B).
A- La destruction psychologique ou morale
Chaque fois qu'il s'abrite derrière « le droit du
public », le journaliste doit se garder de confondre l'information qui
sert l'intérêt public avec des détails que le public est
curieux de connaître.
Lorsque cette démarcation n'est pas faite et que le
journaliste effectue une intrusion dans des compartiments de la vie
privée d'une personne, cela fait apparaître de nombreuses
conséquences sur le moral de la personne concernée par la
révélation exacte ou non. Surtout lorsque la
révélation est erronée, l'individu en cause est abattu. Il
est touché psychologiquement dans la mesure où quelque soit le
droit de réponse qu'il enverra à l'organe de presse
incriminé, il ne pourra pas rétablir la vérité dans
l'esprit de tous ceux qui ont lu cet article, entendu ou vu ce reportage
mensonger.
KOFFI Aka Marcellin 84
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
Le rétablissement de la vérité est
quasiment impossible et cette révélation poursuivra cette
personne tout au long du temps qui lui reste pour achever sa vie sur terre. Et
même après sa mort, certaines personnes transmettrons cette
révélation mensongère à leurs
progénitures.
Prenons l'exemple de l'exhumation de faits et incidents
anciens. Un condamné qui a purgé sa peine a droit à un
certain respect de sa vie privée. En exhumant un incident embarrassant,
vieux de plusieurs années, le journaliste peut causer une souffrance
nouvelle, en l'espèce morale, à une personne désireuse
seulement d'oublier. Aussi, les vieilles photos devraient être
utilisées avec prudence de la part des journalistes.
Il suit de ce qui précède que la
révélation d'un détail de la vie privée,
erronée ou exacte, peut causer de réelles difficultés aux
citoyens et affecter par voie de conséquence leur vie personnelle et
sociale. La liberté de la presse est une arme très tranchante
lorsqu'elle pénètre dans la vie des gens de façon
impudique ou malsaine. Et elle peut aller même jusqu'à la mort de
certains individus, pas forts moralement.
B- La destruction physique.
La presse jouait et joue un rôle d'importance majeure en
Côte d'Ivoire comme partout ailleurs en Afrique et dans le monde, en ceci
qu'elle est fait partie intégrante de l'évolution politique,
nationale, sociale et culturelle des sociétés.
Cependant, lorsqu'elle se détourne de cette mission
première, c'est-à-dire lorsqu' aucune circonstance ne saurait
justifier que des journalistes blessent ou humilient des citoyens de quelque
manière que ce soit, par exemple révéler des faits
privés qui n'ont rien à avoir avec l'intérêt public
ou général, elle détruit la personne dont les
éléments de la vie privée ont été
révélés de façon abusive et si elle n'est d'une
âme forte, cette révélation embarrassante ou
dégradante peut la conduire au suicide.
En conséquence, lorsque les journalistes exercent mal
leur profession, ils sont capables de détruire physiquement et partant
de tuer. Ainsi le journaliste pourrait être aussi dangereux que le voleur
qui pendant l'exécution de son forfait viole et tue
KOFFI Aka Marcellin 85
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
avant de s'approprier des biens d'autrui. Le journalisme est
un métier très noble, son exercice doit donc se faire avec
beaucoup de sagesse et d'attention disait M Ezan Akélé à
l'issue de son procès pour diffamation.(Soir Info n° 1498 du 10
août 1999)
Conclusion
C'est vrai qu'on ne peut pas faire des omelettes sans casser
des oeufs, mais en ce qui concerne les rapports entre le droit au respect de la
vie privée et le droit « de l'information », droit « du
journalisme », « de la presse », « de la communication
» ou « des médias », les limites juridiques et
éthiques doivent permettre aux journalistes ou professionnels de
médias de faire le moindre mal possible à autrui compte tenu de
la puissance de leurs instruments de travail. Car comme l'écrit Me
André Bertrand, « il n'y a pas d'information qui
intrinsèquement porterait atteinte à la vie privée.
»
En effet, les lois et règlements qui concernent les
notions de « bien », de « mal » et de « devoir moral
», sur la presse font peser une responsabilité particulière
sur le journaliste. La société joue un rôle important dans
l'établissement des règles du jeu en ce qui concerne la vie
privée.
Par ailleurs, il appartient à chaque consommateur de la
presse de se faire sa propre opinion et de construire son point de vue, en
sachant que tout ce qui est écrit dans un journal, entendu à la
radio ou vu à la télévision n'est et ne peut pas
être la vérité absolue. A chacun de nous de chercher les
moyens de passer au crible les divers sujets d'actualité que les
médias nous présentent car le pouvoir, à la
vérité, c'est nous aussi qui l'avons. Nous n'avons donc pas
à nous torturer pour un article de presse ou un reportage incluant
certains aspects de notre vie privée.
Enfin, les litiges entre droit au respect de la vie
privée et droit de l'information ou les atteintes illicites au droit au
respect de la vie privée par voie de presse trouvent leur
règlement ou résolution dans des sanctions à l'encontre
des auteurs desdites atteintes.
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
Chapitre II :
LES SANCTIONS DES ATTEINTES AU DROIT A LA VIE
PRIVEE DES PERSONNES PAR VOIE DE PRESSE
La règle de droit implique nécessairement
contrôle de son application et sanction de non respect, par la mise en
jeu, normalement devant un juge ou éventuellement quelque autre
institution (autorité de régulation et d'autorégulation,
instance disciplinaire, structure professionnelle...) de la
responsabilité des personnes reconnues coupables ou, tout au moins
tenues en tant que responsables d'assurer les conséquences de sa
violation. Sans contrôle véritable, la collectivité et les
particuliers seraient privés de la protection et des garanties que le
droit est pourtant censé leur apporter. Tout serait alors qu'illusion.
Le secteur des médias et le droit qui leur est applicable
n'échappent pas à cette exigence.
Le principe de la liberté d'expression et de
communication n'exclut pas, bien au contraire, que des limitations y soient
apportées et que puisse et doive même être engagée la
responsabilité de ceux qui passeraient outre1. Les textes
nationaux et internationaux fondamentaux le prévoient2.
Il s'agit pour chacun d'assumer les conséquences de ses
actes, et en l'espèce, de ses écrits et reportages s'ils sont
constitutifs d'une faute ou causerait un dommage. Un tel régime de
responsabilité représente le minimum de ce que comporte le droit
applicable aux activités d'information. C'est, en droit ivoirien comme
en droit universel, l'exacte mise en oeuvre du principe posé par
l'article 11 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de
1789, selon lequel : « La libre communication des pensées et
des opinions est un des droits le plus précieux de l'homme, tout citoyen
peut donc parler, écrire et imprimer librement, sauf à
répondre de l'abus de cette liberté dans les cas
déterminés par la loi. »
1 E. Derieux, communication audiovisuelle, la
responsabilité des médias, responsables, coupables, condamnables,
punissables ? JCP la semaine juridique, n° 28, 14 juillet 1999, p.
1335.
2 Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen de 1789, art. 11 ; convention européenne des droits de l'homme
de 1950 art. 10
KOFFI Aka Marcellin 86
KOFFI Aka Marcellin 87
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
Dans un tel système, les violations ou fautes sont
définies par la loi et leur sanction, répression et
réparation, est assurée par le juge dans le cadre d'un
contrôle de type judiciaire, normalement répressif a
posteriori.
Ainsi, dans le souci de la conciliation et du respect des
droits et libertés apparemment contradictoires, un mécanisme de
contrôle et de sanction du non respect des obligations et interdictions
est institué et effectivement mis en oeuvre. Il dépend notamment
de la nature et de la gravité de la faute commise et des
conséquences que celle-ci peut avoir pour la collectivité toute
entière ou certains intérêts privés plus
particulièrement.
De façon plus large et générale encore,
la référence faite au droit au respect de la vie privée en
rapport avec le droit de l'information permet de dégager la
responsabilité des médias. On cherche ici à identifier ou
à décrire les différents modes de sanctions existants,
conséquences ou aboutissements des contrôles exercés. Dans
cette relation de cause à effet entre la sanction et le droit, on ne
retiendra que les sanctions de nature juridique (prévues par des textes,
décidées par des autorités officiellement investies d'une
telle compétence, dont l'exécution s'impose)1. On
envisagera pour cela successivement celles des sanctions qui sont
prononcées par le juge et plus exactement et précisément
le juge judiciaire (section
I) et celles qui, déterminées par d'autres
instances ou autorités sont d'une autre nature (section II). Ainsi est
assurée la conciliation entre la liberté d'expression, dont seuls
les abus sont sanctionnés, et les droits et intérêts
individuels ou collectifs malmenés2.
Section I- Les sanctions judiciaires.
Les sanctions judiciaires visent selon les cas, à
assurer la protection du droit au respect de la vie privée face aux
médias soit par la réparation du dommage soit par la
répression de l'infraction. A cet égard, nous distinguons deux
types de sanctions. D'une part les sanctions civiles (paragraphe I) et d'autre
part les
1 E. Derieux, op. cit. p. 1338
2 J.L Martin-Lagardette, le guide l'écriture
journalistique, 5ième édition, la découverte, P
225
KOFFI Aka Marcellin 88
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
sanctions pénales (paragraphe II). Mais la demande
doit, à défaut de disposition contraire, être portée
devant les tribunaux de première instance ou leurs sections
détachées.
Paragraphe I- Les sanctions civiles.
Le non respect du droit à la vie privée comporte
des sanctions civiles ordinaires des droits subjectifs. Partie
intégrante du droit de la responsabilité civile, axée
principalement sur la recherche d'une faute (délictuelle ou quasi
délictuelle), la théorie de l'abus du droit, en l'espèce,
l'abus du droit de l'information porte à considérer que cet abus
peut entraîner à la charge de son auteur, soit une
réparation par l'attribution notamment de dommages et
intérêts, soit le juge peut ordonner alors des mesures propres
visant à supprimer le dommage, voire à l'empêcher de
naître1.
Autrement dit, le titulaire d'un droit peut obtenir la
réparation du dommage que lui cause la lésion (violation) de ce
droit. Quel est le fondement des sanctions civiles c'est-à-dire du droit
à la réparation (A) et comment peut-il être
réparé (B) ?
A- Le fondement de la sanction civile.
Parlant des fondements de la sanction civile, une
précision s'avère indispensable en ce sens que deux conceptions
s'affrontent.
Pour certains auteurs comme B. Edelman, les droits de la
personnalité sont des droits de propriété. Par
conséquent, la simple atteinte c'est-à-dire la diffusion d'un
droit de la personnalité sans l'accord de la victime et sans une
pertinence certaine devrait donner droit à réparation sans que
l'intéressé ait à prouver une faute et un préjudice
réel ou prévisible.
En revanche, pour d'autres auteurs, ils estiment que pour que
la responsabilité de l'auteur de la diffusion soit retenue, il faut que
la divulgation de l'élément de la vie privée ait
causé un préjudice à la victime et que ce préjudice
ait une connexité avec la faute, en l'espèce la diffusion
litigieuse.
1 F. Terré, P. Simler et Y. Lequette, droit
civil, les obligations, 8ème, Paris, Dalloz 2002 p. 716
KOFFI Aka Marcellin 89
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
Pour notre part, nous nous alignons sur cette dernière
conception pour la simple raison que si la publication illégitime d'un
détail de la privée devrait être obligatoirement
sanctionnée, cela paralyserait beaucoup les activités de la
presse. D'où la nécessité pour la personne, victime de
l'abus de la liberté de la presse de prouver l'existence d'une faute
(1), d'un dommage dont elle a souffert (2) et d'un lien de causalité
entre la faute et le dommage (3). Soulignons, outre mesure que, le droit au
respect de la vie privée est sanctionné par la
responsabilité civile de leur auteur fondée essentiellement en
Côte d'Ivoire sur les articles 1382 et 1383 du code civil. En France,
plusieurs textes interviennent dans ce domaine. En effet, la
responsabilité civile en matière d'usage abusif de la
liberté de l'information est sanctionnée principalement par la
loi du 29 juillet 1881 puis les art.9-1 du code civil, à
côté du vieil article 1382 du même code.
1- La nécessité d'une
faute.
Le système de responsabilité qu'a reconnu le
code civil repose essentiellement sur l'analyse du comportement de l'auteur du
dommage car seul le comportement constitutif de faute ouvre droit à
sanction ou à réparation. La responsabilité est dite
subjective dans un tel cas et c'est précisément le système
que consacre l'article 1382 du code civil lorsqu'il énonce que «
tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige
celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer
». La faute, selon certains auteurs, à l'instar de Planiol se
présente comme la violation d'une obligation préexistante dont la
loi ordonne la réparation quand elle a causé un dommage à
autrui.
Pour d'autres auteurs, la faute est tout simplement un acte
illicite, autrement dit un acte contraire soit aux lois, soit aux usages ou
coutumes, soit à la justice sociale. En somme, la faute est un fait se
présentant comme un écart de conduite que le juge va
apprécier cas par cas, par référence à un
modèle abstrait donné. A vrai dire, le caractère fautif
d'un comportement dommageable est apprécié in abstracto par les
juges. Ainsi, la violation de la vie privée, l'atteinte ou la faute
consistera par exemple en ce qui concerne le droit à l'image, dans la
reproduction
KOFFI Aka Marcellin 90
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
(photographie) et la publication de l'image d'autrui sans son
consentement, en dehors des faits justificatifs de diffusion .S'agissant de la
vie privée tout court, c'est la révélation d'un secret
inhérent à la personne sans raison valable.
2- La nécessité d'un dommage ou d'un
préjudice.
La violation de la vie privée par le journaliste,
qu'elle soit prouvée ou présumée n'entraîne la
responsabilité que si un dommage en ait résulté pour la
victime. Celle-ci doit donc prouver le préjudice que lui fait subir la
divulgation d'un élément de sa personnalité. Ce
préjudice doit être direct et certain, c'est-à-dire qu'il
soit actuel ou futur et doit porter atteinte à un intérêt
juridiquement protégé.
Aussi le dommage peut-il être matériel ou
moral.
A titre d'illustration, dans le droit au respect de la vie
privée, lorsqu'un article révèle l'homosexualité
d'une personne publique ou non, il y a un préjudice moral qui
résulterait de l'atteinte à sa vie privée et partant
à son honorabilité et à sa réputation s'il voulait
tenir cet aspect caché. Quant au préjudice matériel, il
s'agira de la divulgation d'un secret entraînant par exemple une perte
d'emploi pour la victime, l'exploitation d'une image en porte à faux
avec la réalité ou la diffusion d'une information
mensongère. Confère jugement n°
502/civ/7ième du 20 juin 2001(affaire Bohouri José
Marius contre Gecos Formation et Koné Laman).
Le préjudice matériel résulterait de la
perte de l'emploi.
Quelque soit la nature du dommage, il doit avoir un lien de
connexité, de causalité entre la faute et le dommage.
3- La nécessité d'un lien de
causalité entre la faute et le dommage.
La victime de l'atteinte aux droits de la personnalité
doit prouver que le préjudice dont elle a souffert résulte
directement de la faute commise par le journaliste ou l'éditeur,
l'auteur des faits.
Ainsi, le juge saisi ne conclura à la
responsabilité civile de l'auteur de l'atteinte à la vie
privée sous le fondement de l'article 1382 du code civil que si la
victime
KOFFI Aka Marcellin 91
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
démontre qu'il existe un lien de cause à effet
entre la divulgation par exemple des éléments de sa vie
privée (faute) et le préjudice subi.
Dans notre second exemple, la personne licenciée devra
démontrer que la publication de l'article relatif à sa vie
privée a été la cause exclusive de la rupture de son
contrat de travail ou de son congédiement. S'il était
démontré que la rupture du contrat de travail avait une autre
cause (abandon de poste, faute lourde par exemple) le lien de causalité
ferait défaut. La réunion cumulative des trois conditions (faute,
préjudice et lien de causalité) aura pour conséquence la
condamnation par le juge de l'auteur de l'atteinte par une réparation ou
tout autre action.
B- La détermination des sanctions.
De prime abord et comme leur nom l'indique, ces sanctions, en
effet, ne sont que civiles. Nous avons écarté de notre
étude, ici, l'atteinte à l'honneur et à la
considération, droits subjectifs certes capitaux et permanents, mais
leur reconnaissance est traditionnelle, leurs poursuites par la diffamation et
l'injure sont pénales d'origine et d'essence. Et même lorsque
celles-ci sont limitées au civil, elles n'en sont pas moins
enfermées dans une procédure spécifique et complexe
définie par les nouvelles lois sur la presse du 14 décembre 2004.
Par ailleurs, si l'atteinte à la vie privée de la personne peut
aussi donner lieu à des sanctions pénales, les poursuites sont,
en ce sens, très rares car elles supposent l'emploi de
procédés techniques de captation (enregistrement, transmission
à l'insu).
Pour traiter de la sanction civile des atteintes au droit au
respect de la vie privée, nous allons, successivement, recenser deux
types de sanctions. Les unes tendent à la réparation de
l'atteinte (1) tandis que les autres visent d'autres actions (2).
KOFFI Aka Marcellin 92
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
1- La réparation pécuniaire des
atteintes au droit au respect de la vie privée.
Au regard de la loi, l'existence de la responsabilité
civile a pour effet d'obliger celui par la faute de laquelle cette
responsabilité a été établie à
réparer le préjudice causé sous la forme de dommages et
intérêts1. Aux abus commis par écrits,
reportages et réalisations journalistiques, s'appliquent ou devraient
normalement s'appliquer les dispositions des articles 1382 et suivants du code
civil qui déterminent le régime général de la
responsabilité civile. Tout fait « qui cause à autrui un
dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le
réparer. » Il appartient au juge, dans le cadre d'un contrôle
a posteriori, en cela respectueux de la liberté d'expression,
d'établir la faute et la relation de cause à effet entre la faute
et le dommage, et de déterminer, par voie de conséquence, le mode
de réparation qui lui apparaîtra le mieux adapté. Par une
telle responsabilité civile, il s'agit d'assurer la réparation du
dommage subi par la victime des abus commis par les auteurs ou professionnels
des médias. Cela contribue bien davantage à rétablir dans
leur droit les personnes injustement mises en cause et doit normalement suffire
à dissuader les auteurs de commettre de tels excès ou de telles
violations. Cette forme de responsabilité paraît souvent mieux
adaptée aux excès commis du fait de la rédaction d'un
texte ou de la diffusion d'un reportage2. La victime d'une atteinte
à son droit à la vie privée peut donc obtenir du juge des
dommages et intérêts pour indemniser le préjudice subi. En
général, il s'agit de l'allocation ou de l'attribution à
la victime d'une somme d'argent compensatoire qui constitue la
réparation proprement dite (notamment du préjudice moral et
matériel). Les dommages et intérêts sont censés
réparer l'intégralité du préjudice direct et
prévisible subi par la victime. L'évaluation du dommage et
intérêt est du ressort du juge. A cet effet, lors de l'atteinte au
droit à l'image de dame Kamé N'daw, le juge statuant
publiquement, contradictoirement en matière civile et en premier ressort
avait condamné in solidum les éditions Jean Claude Nourault et la
librairie de
1 Code civil, art. 1382
2 J. L Martin - Lagardette, op cit, p.232
KOFFI Aka Marcellin 93
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
France, prises en la personne de leurs directeurs respectifs,
à la demanderesse la somme de 500 000 francs à titre de dommages
et intérêts.1
Par contre, le droit de réclamer des dommages et
intérêts pour non respect des droits de la personnalité est
un droit personnel. Il ne peut donc être exercé que par la
personne victime des intrusions des journalistes et non par sa famille,
même proche2. C'est ainsi que la veuve d'un homme filmé
lors d'une tentative infructueuse de réanimation par une équipe
de secours n'a pas eu le droit d'intenter un procès pour atteinte
à la vie privée, après la diffusion du reportage. Seul son
époux, s'il avait survécu, aurait pu intenter une telle
action.
De façon générale aux Etats-unis, les
journalistes sont rarement condamnés. Toutefois, le montant des dommages
et intérêts versés est souvent considérables
(plusieurs centaines de milliers de dollar) lorsque le défendeur est une
maison d'édition ou une chaîne de télévision
importante3
Toutefois une critique fondamentale est apportée
à cette réparation pécuniaire. Le dommage résultant
du droit de la personnalité étant par hypothèse extra
patrimonial, comment peut-il être réparé en argent ?
A ce propos, on admet que l'indemnité pécuniaire
qu'on accorde à la victime de l'atteinte du fait du journaliste ne
répare pas ce qui est par essence irréparable mais offre à
tout le moins une compensation satisfaisante A cet égard, après
verdict de la cour d'appel d'Abidjan en date du 28 juillet 1999 qui s'est
montée plus clémente en condamnant les journalistes
prévenus Diégou Bailly et Joachim Beugré au paiement de
cinq millions de francs CFA à titre de dommages et intérêts
au ministre Ezan Akélé, soit le centième de ses
prétentions .
Mais dans tous les cas, le juge peut accorder, une
réparation autre que pécuniaire lorsqu'elle apparaît plus
appropriée. C'est par exemple le cas de la publication forcée de
la décision de condamnation ou d'un extrait de cette décision,
1 Trib.P.I Abidjan, 29 juillet 1976, RID, n° 1-2
p. 36
2 Anonyme, vie privée, droit de la
personnalité aux Etats-unis http// :www.senat.fr/IC33/C33/htm/# fn8
3 Idem
KOFFI Aka Marcellin 94
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
rectifiant ainsi, auprès du public, une information
trompeuse ou erronée et en modifiant ou atténuant les
effets1.
En revanche, d'autres mesures peuvent accompagner ou
suppléer la réparation pécuniaire.
2- Les autres mesures ou sanctions.
Les autres actions tendant à la réparation de
l'atteinte issue de la diffusion illicite de la vie privée visent toutes
mesures propres à faire cesser l'atteinte et le droit de
réponse.
a- Toutes mesures visant la cessation de
l'atteinte.
Toute victime d'une atteinte aux droits modernes de la
personnalité peut, en effet, à sa demande, obtenir du juge
l'ordonnance de toute mesure visant à faire cesser immédiatement
l'atteinte ou pour prévenir les atteintes ultérieures.
Ces mesures sont expressément issues de l'art. 9 du
code civil français, applicables aussi en Côte d'Ivoire selon les
mesures prises dans ce sens par le juge ivoirien.
Cet article stipule : « chacun a droit au respect de sa
vie privée (loi du 17 juillet 1970 tendant à renforcer la
garantie des droits individuels des citoyens).
Les juges peuvent, prescrire toutes mesures telles que
séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire
cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée...
».
Dans cette perspective, le premier remède prévu
par les dispositions légales et réglementaires en matière
de presse pour violation des droits modernes de la personnalité, en
l'espèce, le droit à la vie privée est l'action en
cessation.
Dès que les conditions légales sont
réunies, c'est-à-dire lorsque la personne, victime de la
publication a subi un préjudice (moral ou matériel), le juge
doit, sur requête de l'intéressé, donner l'ordre de
cessation de l'acte illicite. La cessation peut prendre la forme d'une
interdiction absolue de la publication ou certains
1 E. Derieux, « justice pénale et droits
des médias », justices, D, n° 10, Avril-Juin 1998, p. 139-149
et « la responsabilité des médias, responsables, coupables,
condamnables, punissables ? » JCP, 1999, I, 153.
KOFFI Aka Marcellin 95
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
passages de la publication seulement s'il y a
possibilité de répétition de l'article illicite, le juge
peut agir préventivement.
De plus, le juge peut ordonner d'autres mesures telles que
séquestre, saisie ou retrait du commerce des publications
incriminées (photographies par exemple), la suppression de certains
passages assimilables à une vraie censure et ne se justifient que si les
descriptions ou divulgations incriminées revêtent un
caractère intolérable compte tenu de leur gravité. C'est
pourquoi dans l'affaire Kamé N'daw, le juge ordonna la saisie et la
destruction des clichés, des cartes postales et de l'ouvrage
intitulé « Côte d'Ivoire » au besoin sans astreinte
comminatoire de 5.000 francs par jour de retard.1 Et l'article 72 de
la loi n° 2004-643 du 14 décembre 2004, portant régime
juridique de la presse confirme ces dites mesures. Il dispose :« les
exemplaires d'un journal ou d'un écrit périodique peuvent faire
l'objet d'une saisie par voie judiciaire dans les cas de toutes formes de
violences exercées à l'encontre des personnes physiques et
morales ainsi que sur leurs biens »
Le juge peut aussi prescrire la publication de la
décision de condamnation. Autrement dit le juge peut ordonner
l'insertion de la décision de justice dans la presse.
Ces mesures sont propres à empêcher ou faire
cesser une atteinte à l'intimité des droits modernes de la
personnalité à savoir le droit à l'image, le droit
à la vie privée, le droit à la présomption
d'innocence, le droit au nom, le droit à la voix, le droit à la
propriété intellectuelle. Par ailleurs, le juge peut
reconnaître à la personne lésée un droit de
réponse.
b- Le droit de réponse ou réparation en
nature.
Le droit de réponse est, pour les cours et tribunaux
qui le rappellent ou l'ordonnent très souvent, « un droit
général et absolu »2. En consacrant ce droit en
son article 13, le législateur français de la loi du 29 juillet
1881 et aujourd'hui tous
1 Trib.P.I Abidjan, 29 janvier 1976, RID, op. cit. p.
36
2 J. Ravanas, op. cit, p. 333
KOFFI Aka Marcellin 96
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
les législateurs nationaux et internationaux, avec en
ce qui nous concerne les deux nouvelles lois du 14 décembre 2004 sur le
droit de l'information en général, a attendu rétablir un
certain équilibre entre les particuliers et la presse. Face à la
puissance considérable de la presse, qui s'exerce notamment par
l'influence qu'elle a sur le jugement de ses lecteurs, auditeurs et
téléspectateurs puis sur la formation de l'opinion publique, il
est nécessaire d'assurer à tout individu la défense de sa
personnalité. Le droit de réponse n'est point une réplique
à une mise en cause d'un individu ou d'un organe de presse comme
pourrait le penser certaines personnes. Il est la sanction d'une atteinte
illicite aux droits de la personnalité d'un individu. C'est pourquoi,
« on ne saurait trop insister sur l'importance de cette
institution..., elle est apparue comme le moyen le plus approprié de
lutter contre l'abus le plus criant, le plus dangereux de la liberté
d'expression : la diffusion de fausses nouvelles. »1
Ce qui a fait dire à Ruy Barbosa que « le
remède du mensonge est dans la vérité. »2
Le droit de réponse est donc une sanction qui permet de
mettre les deux droits et libertés c'est-à-dire les deux droits
de l'homme à savoir droit de l'information et droit au respect de la vie
privée sur le même pied d'égalité pour ne pas que le
premier abuse du second compte tenu des moyens qu'il utilise pour son
exercice.
Ce droit de réponse a été ainsi
instauré pour protéger les personnes mises en cause dans les
médias contre les abus des journalistes.
En Côte d'Ivoire, ce sont les articles 55 et 150
respectivement des lois n° 2004-643 portant régime juridique de la
presse et n° 2004-644 portant régime juridique de la communication
audiovisuelle du 14 décembre 2004 qui définissent le droit de
réponse.3
Selon la première disposition « toute personne
mise en cause dans un journal ou écrit périodique peut exiger
l'insertion d'une réponse, si elle estime que la
1 F. Terrou et Lucien Solal, le droit de
l'information, UNESCO, paris, 1951 in le droit de réponse de Freitas
Nobre, nouvelles éditions Latines, paris, 1973, p. 8
2 F. Nobre, le droit de réponse, Nouvelles
éditions latines, paris, 1973 p. 8
3 J.O. de République de Côte d'Ivoire,
n° spécial, Accords de Linas Marcoussis, quarante sixième
année, n° 2 du jeudi 30 décembre 2004, p. 71 et 88
KOFFI Aka Marcellin 97
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
citation qui la concerne est erronée, diffamatoire ou
qu'elle porte atteinte à son honneur, à sa réputation,
à sa dignité.» Pour ce faire, le directeur de publication
sera tenu d'insérer dans les trois jours de leur réception, les
réponses de toute personne mise en cause dans le journal ou écrit
périodique quotidien, et dans le plus prochain numéro pour les
autres. Cette insertion devra être faite à la même place et
dans les mêmes caractères que l'article qui l'aura
provoquée et sans aucune intercalation.1 Pour ce qui est des
journaux ou écrits périodiques non quotidiens, le Directeur de
publication sera tenu d'insérer la réponse dans le prochain
numéro.
Aux termes de la seconde disposition « toute personne
physique ou morale dispose d'un droit de réponse dans le cas où
des imputations susceptibles de porter atteinte à son honneur ou
à sa réputation auraient été diffusées dans
le cadre d'une activité de communication audiovisuelle ; le demandeur
doit préciser les imputations sur lesquelles il souhaite répondre
et la teneur de la réponse qu'il propose d'y apporter. La réponse
doit être diffusée dans des conditions techniques
équivalentes à celles dans lesquelles a été
diffusé le message contenant l'imputation invoquée. Elle doit
également être diffusée de manière que lui soit
assurée une audience équivalente à celle du message
précité. »
La demande d'exercice du droit de réponse doit
être présentée dans les huit (8) jours suivant la diffusion
du message contenant l'imputation qui la fonde. En cas de refus ou du silence
gardé sur la demande par son destinataire dans les quatre (4) jours
suivant sa réception, le président du tribunal sur saisine du
demandeur peut ordonner sous astreinte la diffusion de la réponse. Il
peut déclarer une ordonnance exécutoire sur minute nonobstant
toutes les voies de recours.2
La réponse doit être pertinente
c'est-à-dire non abusive. En outre, l'insertion de la réponse
doit être gratuite.
En définitive, dans les deux cas, qu'il s'agisse de la
réparation pécuniaire ou des autres actions ou sanctions, le juge
peut statuer en référé. C'est ce qui ressort
1 Loi n° 2004-643 du 14 décembre 2004
portant régime juridique de la presse, art. 56
2 Loi n° 2004-644 du 14 décembre 2004
portant régime juridique de la communication audiovisuelle, art. 151
KOFFI Aka Marcellin 98
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
de l'article 9 du code civil français in fine «ces
mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en
référé.» et qui sont aussi appliquées par la
jurisprudence ivoirienne.
A côté de ces sanctions civiles, si l'usage ou la
diffusion des droits de la personnalité et partant du droit au respect
de la vie privée fait apparaître une intention de nuire, l'affaire
sera alors traitée au pénal. En conséquence, des sanctions
pénales pourraient en résulter.
Paragraphe II- Les sanctions pénales.
La gravité des atteintes qui peuvent être
portées aux droits de la personnalité et leur multiplication a
conduit le législateur à le réprimer par des sanctions
pénales. Précisons toutefois qu'en droit pénal, le juge ne
punit que les faits qu'il définit et qualifie comme étant des
infractions. Cette considération résulte du principe de
légalité des infractions et des peines: « nullum crimen
nulla poena sine lege » le fondement textuel est l'art. 13 al. 1 du code
pénal. Selon cette disposition « le juge ne peut qualifier
d'infraction et punir un fait qui n'est pas légalement défini et
puni comme tel. Il ne peut prononcer d'autres peines et mesures de
sûreté que celles établies par la loi et prévues
pour l'infraction qu'il constate. »
En effet, les abus ou infractions des publications ou
diffusions journalistiques sont susceptibles d'entraîner la mise en jeu
de la responsabilité pénale des auteurs et de ceux- directeurs de
publication- sous l'autorité desquels ils agissent. L'état actuel
du droit fait que, en l'absence de codification , la définition des
infractions et des peines encourues, en matière de presse écrite
et de communication audiovisuelle, relève en partie, des deux nouvelles
lois du 14 décembre 2004 portant régime juridique de la presse
écrite et de la communication audiovisuelle.
Ces nouvelles règles, en raison de leur adaptation
à l'évolution universelle des médias sont plus ou moins
favorables aux journalistes.
Ce qui constitue une avancée notable dans
l'évolution des législations en matière de presse de
façon générale.
KOFFI Aka Marcellin 99
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
Ainsi pour qu'un abus au droit au respect de la vie
privée par voie de presse soit réprimé (B), il est
nécessaire, voire indispensable que l'abus ou l'atteinte en question
soit qualifiée d'infraction (A).
A- Les infractions pénales des journalistes
contre le droit au respect de la vie privée.
Ici, il y a une nécessité que l'atteinte au
droit au respect de la vie privée soit qualifiée infraction.
L'infraction est, aux termes de l'article 2 du code
pénal, « tout fait, action ou omission, qui trouble ou est
susceptible de troubler l'ordre ou la paix publique en portant atteinte aux
droits légitimes soit des particuliers, soit des collectivités
publiques ou privées et qui, comme tel, est légalement
sanctionné »1
L'infraction ainsi définie, il s'agira, en
l'espèce, de sanctionner des personnes (en l'occurrence des
journalistes, des directeurs de publication, voire des entreprises ou agences
de presse) qui ont commis des faits en diffusant des informations par voie
d'écrits ou d'autres médias dans des conditions prohibées
par la loi. Ces infractions, par conséquent, peuvent donner lieu
à des poursuites pénales.
L'action en justice ou la sanction pénale ayant pour
objet de mettre fin à la violation au droit au respect de la vie
privée.
Ces actions ou mesures dites limitatives de la liberté
d'expression ou du droit de l'information sont prescrites par le
législateur et par le juge des référés en cas
d'immixtion intolérable dans la vie privée, en cas d'atteinte
à l'intimité de la vie privée.
Le droit au respect de la vie privée étant le
droit de toute personne à ce que sa vie privée ne soit pas
l'objet de divulgation ni d'investigation, la personne dont la vie
privée est publiée, ou est l'objet d'immixtion, peut agir en
justice pour mettre fin à cette divulgation.1
1 Loi n° 81-640 du 31 Juillet 1981, instituant le
code pénal, modifiée par la loi n° 95-522 du 6 Juillet 1995
art.2
1 P. Kayser, la protection de la vie privée, op
cit, p. 238
KOFFI Aka Marcellin 100
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
A ce titre, certaines infractions sont qualifiées de
traditionnelles dans la mesure où elles existent de longue date et
concernent la diffamation et l'injure (1). D'autres, par contre, peuvent
apparaître comme modernes, soit qu'elles aient connu un essor particulier
à une époque récente soit qu'elles aient été
instituées par des textes adoptés ou modifiés il y a peu.
Il s'agit, par exemple, des investigations ou des intrusions dans la vie
privée des individus sans leur consentement ou sans une urgence
d'intérêt public ou de pertinence sociale (2)
1- Les infractions traditionnelles ou
anciennes.
A l'heure actuelle, les infractions pénales
traditionnelles contre la vie privée par voie de presse peuvent
revêtir la forme d'une diffamation ou d'une injure et ont
été invoquées les plus fréquemment dans le cadre de
la loi de 1881 sur la presse en France. Ces infractions portent, en effet,
atteinte à des droits qui touchent profondément les personnes et
leurs familles puis qui sont reconnues socialement puisqu'elles concernent leur
dignité profonde et interne, voire leur vie privée.
Les textes internationaux prévoient d'ailleurs la
nécessité de sanctionner de telles atteintes et le pacte
international des Nations Unies du 16 décembre 1966 les autorités
expressément dans de tels cas2
En côte d'ivoire, le législateur en
définissant ces deux concepts violateurs de l'honneur et de la
considération et par ricochet le droit au respect de la vie
privée s'est aligné sur la conception déjà retenue
par les textes internationaux et sur la loi française de 1881 sur la
presse (Art 29 al 1).
Les définitions qui en découlent sont fournies
naguère par la loi n° 91-1033 du 31 décembre 1991 portant
régime juridique de la presse, aujourd'hui remplacée par la loi
n° 2004-643 du 14 décembre 2004 portant également
régime juridique de la presse.1
2 Pacte International des Nations Unies du 16
décembre 1966, art 19 paragraphe 3a
1 Loi n° 91-1033 du 31 décembre 1991 art.
42 et remplacée par la loi n°2004-643 du 14 décembre 2004
art. 78 portant régime juridique de la presse
KOFFI Aka Marcellin 101
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
a- La diffamation
D'origine latine difame ou diffamare, diffamer est
l'action de divulguer ou de répandre un mauvais bruit ; dif est la
privation de fama (fameux, renommé) consistant en rumeurs ou en
création d'une opinion publique négative. Apparue au
14ème siècle, la diffamation est un acte de langage
énonçant par la parole ou par écrit un état de
chose, imputant un fait qui porte atteinte à la réputation d'une
personne2 ou qu'elle est le fait de chercher à nuire
publiquement à la réputation ou à l'honneur de quelqu'un
par des accusations vraies ou fausses3
La diffamation s'inscrit au croisement entre deux familles de
droit d'importance majeure : d'un côté la liberté
d'opinion, d'expression et de l'information comme fondement de la
liberté de la presse et de la société démocratique.
De l'autre côté, la protection de la vie privée de
l'individu et de sa réputation. Il s'agit là d'une tension
permanente entre l'expression et ses limitations.
La diffamation s'apparente, pour certains, à une
répression, une limitation et un contrôle de la liberté de
la presse.
Pour d'autres, elle est au contraire un moyen de canaliser
cette liberté d'expression, de la réglementer pour
l'empêcher de devenir synonyme de libertinage, d'excès, en donnant
aux uns et aux autres le sens de la responsabilité
sociale4
Au sens de la loi, la diffamation reste un délit de
presse. Un délit avec un statut hybride, civil et pénal à
la fois, susceptible d'une peine de prison ou d'une peine d'amende.
2 L'Organisation des Nations Unies pour l'Education,
la Science et la Culture (UNESCO), la diffamation dans les médias en
Afrique, publiée en 2004, Bureau Régional de Dakar secteur
Communication et Information, P.1
3 J. Girodet, Dictionnaire de la langue
Française, A -H éd. Bordas, Paris 1976, P. 808
4 UNESCO, op cit p.5
KOFFI Aka Marcellin 102
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
Mais aujourd'hui les peines de prison ont laissé place
aux peines d'amende concernant l'aspect pénal de la diffamation, objet
de notre attention ici, selon les nouvelles législations1
En effet, la diffamation est assurément celle des
infractions définies dans la loi de 2004 portant régime juridique
de la presse qui est la plus fréquemment commise, poursuivie et
sanctionnée. Il s'agit, aux termes de l'article 78 alinéa 1 de
ladite loi, de (( toute allégation ou imputation d'un fait qui porte
atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne
ou du corps social auquel le fait est imputé »2 La diffamation est
donc une infraction contre la vie privée en ce sens que les
allégations ou imputations d'un fait telles les accusations
mensongères, de malversations ou de détournement de fonds dans
l'unique intention de nuire constitueraient une immixtion intolérable
dans la vie privée de l'intéressé.
La dépréciation de l'honneur et de la
réputation touche à la vie intime de toute personne et partant
porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée. C'est
pourquoi l'affaire Dame Dadié Clarisse contre le `'groupe Olympe» a
droit de citer. En effet, dans cette affaire Dame Dadié Clarisse contre
le groupe olympe, le tribunal de première instance d'Abidjan Plateau
statuant en matière correctionnelle décida ce qui suit : ((
attendu que l'article incriminé, présentant Dame Dadié
Clarisse comme esclavagiste des temps nouveaux, porte manifestement atteinte
à l'honneur et à la considération, à la vie
privée de celle-ci, surtout même que les prévenus ont
reconnu n'avoir opéré aucune vérification quant aux faits
qu'ils reprenaient, que dés lors les faits de diffamation à eux
reprochés sont établis »3
Ainsi, la diffamation contre la vie privée peut
résider dans le caractère dégradant ou humiliant de la
diffusion mais aussi dans le mensonge avec intention de nuire. Le mensonge
consistant en une publication erronée dans la mesure où
l'information véhiculée est susceptible de causer un
préjudice à la personne concernée.
1 Nouvelles lois sur la presse écrite et la
Communication Audiovisuelle du 14 décembre 2004.
2 Loi n° 2004-643 du 14 décembre 2004
portant régime juridique de la presse, art. 78 al.1
3 Trib. P.I Abidjan Plateau Ministère public C/
Soum Junior- JMK AHOUSSOU et le Journal `'INTER», 20 Mai 2005
n°2111.
KOFFI Aka Marcellin 103
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
En somme, pour qu'il y ait délit de diffamation, il
faut que l'imputation traduise une intention coupable de l'auteur, qu'elle ait
été publique, qu'il s'agisse d'un fait déterminé
dont on puisse vérifier l'exactitude ou la fausseté, que ce fait
soit contraire à l'honneur ou à la morale établie (par
exemple un vol, une fraude, un adultère), et que la personne
diffamée soit, même si elle n'est pas nommée, facile
à reconnaître.
b- L'injure
Du latin « injuria », l'injure, au sens
commun, est une parole extrêmement blessante, d'une
grossièreté méprisante.1
En droit et selon les dispositions de la loi de 2004 portant
régime juridique de la presse, précisément en sont article
78 alinéas 3, l'injure est définie comme « toute
expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme
l'imputation d'aucun fait »2
La référence à aucun fait est normalement
ce qui permet de distinguer l'injure de la diffamation surtout que c'est un
même article qui les définit. L'injure ne renferme l'imputation
d'aucun fait au contraire de la diffamation qui renferme l'imputation d'un fait
pour être constituée. Cependant, la distinction n'est pas toujours
aisée. Cela oblige celui qui engage la procédure ou qui este en
justice, au risque pour lui d'échouer dans son action, à prendre
parti sur la nature exacte de l'infraction. Ce qui est pourtant bien loin
d'être toujours très simple ou évident. C'est la
référence ou l'absence de référence à un
fait qui doit, dans les conditions parfois bien délicates et
incertaines, permettre de faire la différence entre la diffamation et
l'injure. Traiter quelqu'un d' « incapable », de «
malhonnête », d' « ivrogne », de « débile
», d' « homosexuel », de « pédophile », ou d'
« adultérin » par exemple, en l'absence de mentions ou de
précisions même de référence à un fait, sera
considéré comme injurieux et d'attentatoire au droit au respect
de la vie privée.
1 J. Girodet, Dictionnaire de la langue
Française, op cit, I-Z page 1645
2 Loi n° 2004 -643 du 14 décembre 2004 op
cit art.78 al. 3
KOFFI Aka Marcellin 104
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
En résumé, le droit au respect de la vie
privée ayant pour but de protéger la paix et la liberté de
la vie personnelle et familiale, une atteinte peut ne pas être une
atteinte à l'honneur ou une diffamation ou une injure, et à
l'inverse une diffamation ou une injure peut ne pas être une atteinte au
droit au respect de la vie privée1. La victime ne peut alors
se prévaloir que des modes de protection de la vie privée ou de
ceux de l'honneur. Mais la plupart des atteintes au droit au respect de la vie
privée sont en même temps des atteintes à l'honneur ou
à la considération, parce qu'elles consistent en des divulgations
de la vie privée qui portent atteinte à l'honneur et à la
considération. La victime peut se prévaloir des modes de
protection de la vie privée et de ceux de l'honneur et de la
considération, puisque le même fait matériel constitue une
atteinte au droit au respect de la vie privée et une atteinte à
l'honneur ou à la considération. Il en est ainsi quand une
publication contient, à la fois, des allégations constitutives
d'une atteinte au droit au respect de la vie privée et des
allégations constitutives d'une atteinte à l'honneur et à
la considération.2
A côté des infractions dénommées
traditionnelles contre le droit au respect de la vie privée, figurent
aussi celles dites modernes ou nouvelles.
2- Les infractions modernes ou nouvelles contre le
droit au respect de la vie privée.
A l'opposé des infractions pénales
traditionnelles contre le droit au respect de la vie privée se trouvent
également les infractions appelées modernes ou nouvelles contre
ce droit. En effet, ces infractions sont qualifiées modernes ou
nouvelles parce qu'elles relèvent de textes relativement
récents.
Notre droit pénal comporte depuis longtemps des
infractions qui ont en partie pour fin de protéger les personnes contre
des atteintes d'une gravité particulière.
1 La déclaration Universelle des droits de
l'homme et le pacte international relatif aux droits civils et politiques
réunissant dans une même disposition ou article la protection de
la vie privée et celle de l'honneur :art.12 de la déclaration et
17 du pacte.
2 C'est le cas de l'allégation, dans un article
de journal, de l'homosexualité d'une personne constitutive d'une
atteinte à l'intimité de sa vie privée et de la
description de son déguisement et de son maquillage en un personnage
ridicule, constitutive d'une atteinte à l'honneur et à la
considération. Paris, 1ère ch. B, 20 Février
1986, D, 1986 IR, 236.
KOFFI Aka Marcellin 105
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
Notre code pénal, dans sa partie spéciale
consacrée aux crimes et délits contre les personnes, en
l'occurrence le titre II et notamment le chapitre 4 portant atteinte à
la liberté et la tranquillité des personnes ne fait pas cas de
façon expresse des infractions contre le droit au respect de la vie
privée par voie de presse. Ce qui pourrait nous faire penser qu'il n'y a
pas 'infraction contre le droit à la vie privée relevant du code
pénal de 1981 modifié par la loi n°95-522 du 6 juillet
1995.
Cependant, pour éviter tout libertinage de la part des
journalistes dans le traitement de l'information, les atteintes ont
été étendues par le législateur et elles sont
interprétées par la jurisprudence d'une manière extensive
afin d'assurer une protection plus complète du droit au respect de la
vie privée par voie de presse, surtout que le journaliste est un citoyen
comme les autres en dépit de la liberté dont il jouit dans
l'exercice de son métier ne peut être au dessus de la loi en usant
d'excès.
Ces infractions nouvelles concernent notamment les
investigations dans la vie privée des individus en vue de leurs
divulgations. C'est le cas, parmi les premières, des délits de
violation des correspondances qui protègent non seulement la
liberté d'expression de la pensée par la correspondance mais
aussi les secrets de la vie privée qu'elle contient
souvent.1
Egalement, des délits de violation de domicile. En
effet, l'inviolabilité du domicile, proclamée par la constitution
du 1er Août 2000 (art. 4), puis par l'article 384 et suivants
du code pénal mais le domicile, lieu par excellence d'expression de la
vie privée, sa violation est un délit contre le secret et la
violation de la vie privée.
Mais concernant ces investigations dans la vie privée
par la violation de la correspondance et du domicile, ce sont les divulgations
qui peuvent elles-mêmes constituer des infractions pénales. La
violation de la vie privée est également susceptible de
constituer le délit de violation du secret professionnel, quand
l'auteur, en l'espèce, le journaliste a une connaissance du fait
divulgué en raison de son état ou de sa profession (art. 380 et
suivants du code pénal).
1 J. Pelissier « la protection du secret de la
correspondance au regard du droit pénal » revue science criminelle
et droit pénal, 1965 p.106.
KOFFI Aka Marcellin 106
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
Parmi les secondes, il faut citer les délits
d'espionnage audiovisuel de l'intimité de la vie privée et le
délit de conversation, communication et utilisation du produit de cet
espionnage puis, le délit de captation au moyen d'un appareil, des
paroles ou de l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé,
sans son consentement (art. 380 et suivants du code pénal). Une
personne, un journaliste peut porter atteinte à l'intimité de la
vie privée d'une autre en opérant une investigation dans
celle-ci. A partir de cette première atteinte, une autre peut être
réalisée par la communication et l'utilisation du produit de
cette investigation. Ainsi la première n'est le plus souvent
effectuée qu'en vue de la seconde. Aussi, la personne dont les paroles
ou l'image ont été captées doit -elle être dans un
lieu privé. Peu importe, en revanche, le lieu où se trouve
l'appareil que sert à les capter. Il peut être
indifféremment dans un lieu privé ou dans un lieu
public.1
Au total, les infractions pénales dans leur ensemble
peuvent être qualifiées par le juge. Mais comment ces infractions
peuvent elles être sanctionnées, voire réprimées
?
B- La répression ou les sanctions pénales
proprement dites.
Quelque soit la nature de l'atteinte portée au droit au
respect de la vie privée, c'est-à-dire si cette infraction est
commise par voie de presse, le juge la réprimait pénalement par
des peines privatives de liberté temporaire ou emprisonnement (1) et des
peines d'amendes (2). Ces peines sont dites principales.
1- De la privation de liberté provisoire ou
emprisonnement.
A l'heure actuelle de l'évolution de la
législation sur la presse en Côte d'Ivoire, le législateur,
dans les deux nouvelles lois sur la presse écrite et audiovisuelle,
respectivement art. 68 al 1er et 192 al 1er, a
supprimé la peine privative de liberté ou la peine
d'emprisonnement pour les délits commis par les journalistes dans
l'exercice de leur profession.
1 J. Ravanas, op cit, n° 449, p. 519
KOFFI Aka Marcellin 107
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
En effet, les deux textes disposent comme suit « la peine
d'emprisonnement est exclue pour les délits de presse ». Ce qui
laisse présumer qu'il n'y a pas de crime ou de contravention en
matière d'infraction par voie de presse. Elles sont toutes
qualifiées délits.
Que pouvons-nous retenir des amendes ?
2- Les amendes.
Les infractions commises par le canal d'un organe de presse,
sont assorties, outre les sanctions civiles éventuelles, de sanctions
pénales en l'occurrence des amendes prévues par les articles
81,82, 83 et suivants de la loi 2004-643 du 14 décembre 2004 et
régissant les dispositions pénales ayant trait aux deux lois de
2004 sur la presse écrite et audiovisuelle.
D'après ces textes, l'auteur d'une infraction au droit
à la vie privée, risque d'être condamné au paiement
d'une amende.
Ainsi, par exemple la diffamation commise envers les
particuliers est punie d'une amende de 5.000.000 de francs à 10.000.000
de francs (art. 82).
La publication de fausses informations est punie d'une amende
de 5.000.000 de francs à 10.000.000 de francs (art. 82. L'injure commise
envers les particuliers est punie d'une amende de 5.000.000 de francs à
15.000.000 de francs (art. 83 al. 2)
A propos des personnes dites publiques, le délit
d'offense au président de la république qui est constitué
par toute allégation diffamatoire tant dans sa vie privée que
publique et qui sont de nature à l'atteindre dans son honneur ou dans sa
dignité (art. 74 al 1er), en matière d'outrage,
d'offense ou d'injure, l'amende est de 10.000.000 de francs à 20.000.000
de francs ; à 15.000.000 de fracs (l'art. 77 al 2 et 3).
En considération de tout ce qui entoure le nouvel
environnement juridique de la presse, on pourrait être prétentieux
de dire que le code pénal ne s'applique plus aux délits de presse
en ce sens que les montants des amendes sont supérieurs à ceux
contenus dans le code pénal et aussi les deux nouvelles lois sur la
presse
KOFFI Aka Marcellin 108
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
excluent la peine d'emprisonnement des sanctions,
infligées à l'auteur (journaliste) d'une violation à un
droit de la personnalité comme le droit au respect de la vie
privée.
Toute chose qui a fait dire à plus d'un de la
dépénalisation des délits de
presse.
Toutefois, nous ne sommes pas de cet avis. En effet, attendu
que les montants des amendes sont d'ailleurs très élevés
et qu'ainsi, les amendes sont qualifiées de peines principales, donc
pénales, on ne pourrait, dans ces conditions ou juridiquement, parler de
dépénalisation mais plutôt de suppression de la peine
d'emprisonnement.
A ces sanctions judiciaires, sous forme de répression
et de réparation qui peuvent apparaître souvent inefficaces ou
inadaptées, peuvent s'ajouter ou se substituer d'autres formes de
sanctions.
Section II- Les sanctions extra judiciaires.
Les sanctions non juridictionnelles contre les médias
ont sans doute vocation, dans certains domaines, à se substituer, plus
qu'à surajouter, aux sanctions juridictionnelles, même si
certaines des décisions ou mesures prises à ce titre sont
elles-mêmes susceptibles de recours juridictionnels.
Ces sanctions émanent de structures ou «
d'autorités administratives, indépendantes » qui ont
été mises en place dans des domaines où les
libertés étaient en cause.1
Elles sont aujourd'hui l'instrument d'une nouvelle forme de
« régulation » plus souple, nécessaire à un
domaine sensible et en perpétuelle évolution.
Quelles sont donc les institutions de contrôle ou de
protection des droits de la personnalité et partant de la vie
privée face à la liberté des médias ?( paragraphe
I) Quelles sanctions peuvent ou pourraient-elles prononcer face à un
usage abusif de la liberté d'expression des médias ? (paragraphe
II)
1 Médiateur de la république
française, commission nationale de l'informatique et des
libertés, commission d'accès aux documents administratifs, in
JCP, la semaine juridique, éd. Générale, n° 28 - 14
juillet 1999, p. 1338
KOFFI Aka Marcellin 109
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
Paragraphe I- Les organes de contrôle du droit de la
presse face au droit au respect de la vie privée.
En Côte d'Ivoire, le milieu de l'information dispose de
deux types d'organes qui exercent un contrôle a posteriori sur
l'activité des médias. Il s'agit dans un premier temps des
organes de régulation, autorités administratives
indépendantes (A) et dans un second temps d'un organe
d'autorégulation (B)
A- Les organes de régulation.
Ils sont de deux ordres : le CNP et le CNCA.
Le premier assure le contrôle de la presse écrite
(1) tandis que le second réglemente la communication audiovisuelle
(2)
1- Le conseil National de la Presse
(CNP).
Le Conseil National de la Presse a été
créé par la loi n° 91-1033 du 31 décembre 1991
portant régime juridique de la presse écrite en Côte
d'Ivoire, telle que modifiée par la loi n°99-436 du 6 juillet 1999
et aujourd'hui modifiée par la loi n° 2004-643 du 14
décembre 2004.
Aux termes de l'art. 38 de la nouvelle loi « il est
crée une instance de régulation dénommée Conseil
National de la Presse en abrégé CNP, autorité
administrative indépendante, qui est chargé de veiller au respect
par les entreprises de presse et les journalistes des obligations
prévues par la présente loi.
« Quelles sont donc les attributions du CNP ?
Le Conseil National de la Presse veille au respect des
règles relatives à la création, à la
propriété, aux ressources et à la déontologie de
l'entreprise de presse telles que déterminées aux art. 6 et 13 de
la présente loi ainsi qu'au pluralisme de la presse. Il exerce le
pouvoir disciplinaire au sein de la profession de journaliste et des
professionnels de la presse » art. 39.
KOFFI Aka Marcellin 110
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
A ce titre, il reçoit du procureur de la
République un exemplaire de toute déclaration de publication
ainsi que copie du récépissé.
En cas de non respect des dispositions légales, le CNP
peut se saisir d'office ou être saisi à tout moment par tout
intéressé sans préjudice de sanctions disciplinaires.
C'est dans ce sens le CNP prend le temps de sensibiliser sur la bonne tenue de
leurs plumes. En témoigne son communiqué condamnant les
photographies dégradantes ou irrévérencieuses en date du
26 septembre 2005.Le CNP observe que bon nombre de publications ont une
fâcheuse propension à publier des photographies
désobligeantes des personnes . Le CNP rappelle que la publication de
photographies dégradantes constitue une atteinte à l' honneur et
à la dignité .Il affirme de surcroît que le droit à
l' image , composante du droit à vie privée , fait l' objet d'
une protection rigoureuse par la jurisprudence , les textes ivoiriens et
internationaux .
2- Le Conseil National de la Communication
Audiovisuelle (CNCA).
Le CNCA et le pouvoir de tutelle et de contrôle qu'il
exerce sur la radio et la télévision, responsables devant lui
notamment mais exclusivement, méritent, de ce point de vue, une
attention particulière.
En effet, le CNCA a été institué par la
loi n°91-1001 du 27 décembre 1991 fixant le régime juridique
de la communication audiovisuelle, modifiée par la loi n° 2004-644
du 14 décembre 2004. Il garantit l'exercice de la liberté de
communication dans les conditions définies par les textes
subséquents (art 4,5 et 6) en jouant un rôle général
de contrôle et de régulation de l'espace audiovisuel ivoirien.
Ainsi le CNCA a pour mission de garantir et d'assurer la
liberté et la protection de la communication audiovisuelle dans le
respect de la loi, de veiller au respect de l'éthique et de la
déontologie en matière d'information.
En somme, le CNCA, dont la mission est de garantir la bonne
application des textes en vigueur, veille à la sauvegarde de principes
fondamentaux par la loi,
KOFFI Aka Marcellin 111
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
notamment le respect par les médias audiovisuels, de la
dignité de la personne humaine et de l'ordre public.
Il veille aussi à ce que le service public national de
la radiodiffusion et de la télévision réponde aux besoins
et aux aspirations des citoyens en matière d'éducation, de
formation, de culture et de diversement, etc.
Pour mener à bien sa mission, le CNCA dispose de pouvoir
de sanctions.
B- L'organe d'auto régulation : l'Observatoire
de le Liberté de la Presse, de l'Ethique et de la Déontologie
(OLPED).
L'OLPED est une institution professionnelle
indépendante. Il a été créé au cours du
séminaire international organisé par l' UNJCI en partenariat avec
le ministère de la communication à Yamoussoukro, du 28 au 29
Décembre 1995 autour du thème «la responsabilité du
journaliste en période électorale »1.
Les objectifs de l'OLPED sont les suivants : promouvoir et
défendre le liberté de la presse, protéger le droit du
public à une information libre. Complète , honnête et
exacte, faire observer le code de déontologie des journalistes de Cote
d'Ivoire , veiller au respect des normes de l'éthique sociale en
sanctionnant notamment toute atteinte à la dignité humaine
etc.2
L'OLPED est donc un tribunal moral voulu par les
professionnels3 des médias, eux-mêmes, dont l'unique
but est de mettre de l'ordre par l'auto régulation dans leur profession
marquée de temps à autre par des dérapages, des abus de la
liberté de l'information.
Ainsi l'OLPED s'impose comme l'un des moyens d'assainir une
presse très jeune, abondante avec la retour de la Cote d'Ivoire au
multipartisme en 1990, une presse sans formation qui doit s'éduquer
elle-même, s'auto discipliner, s'auto critiquer pour ne point laisser les
pouvoirs politiques et judiciaires mettre de l'ordre
1 Zio Moussa, l'OLPED : un tribunal moral voulu par
les professionnels, in les cahiers de l'OLPED, imprimé en Côte
d'Ivoire par SNPECI, Abidjan, 16 juin 2004 p. 19
2 OLPED : statuts, Titre I : nature et objectifs in
les cahiers de l'OLPED, op. cit. p. 37 et préambule du code de
déontologie ivoirien, p. 35
3 Zio Moussa, extrait de l'OLPED, pionnier de
l'autorégulation des médias en Afrique in les cahiers de l'OLPED,
p. 19
KOFFI Aka Marcellin 112
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
dans leur rang. Il n'y a pas de meilleurs juges d'un
journaliste que ses pairs, qui félicitent et encouragent les meilleures
productions mais aussi dénoncent les mauvais exemples.1 C'est
ainsi certains articles de journaux ont été jugés
attentatoires à la dignité humaine .Citons le quotidien qui a
disparu des kiosques à journaux « Le Reflet numéro 114 du 29
mars 1999 où une écolière de 14 ans poignardée
à mort dont l'exploitation des photos illustrant cet article à la
« une » du journal porte atteinte à la dignité humaine.
(Voir les cahiers de l' OLPED p .160)
Paragraphe II- Les sanctions.
Deux paragraphes conduiront l'étude des
sanctions non juridictionnelles.
En cas de manquement aux règles d'éthique et de
déontologie ou en cas d'atteintes illicites au droit au respect de la
vie privée, les organes de régulation peuvent prononcer les
sanctions suivantes. Il s'agira des sanctions disciplinaires (A) mais aussi de
sanctions pécuniaires ou économiques (B).
A- Les sanctions disciplinaires.
Le CNP dispose de deux niveaux de sanctions en cas de manquement
aux
règles de l'information (art 47).
D'abord sur l'entreprise de presse.
Le CNP peut prononcer l'avertissement, le blâme.
Sur le journaliste, le CNP dispose aussi de l'avertissement, du
blâme, de la
suspension, de la radiation.
La suspension entraîne de plein droit le retrait de la
carte professionnelle
pendant la durée de ladite mesure.
La radiation quant à elle entraîne le retrait
définitif de la carte professionnelle.
Le CNCA, lui, ne fait pas de distinction entre l'entreprise de
communication et le
journaliste.
1 A. Dan Moussa, Forces et faiblesses de l'OLPED, in
les cahiers de l'OLPED, p. 28.
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
En effet en cas de manquement aux obligations de la
communication audiovisuelle, les sanctions suivantes sont susceptibles
d'être prononcées par le CNCA. Il sera question par exemple d'un
avertissement, d'un blâme, d'une suspension ou d'une radiation (art 8).
La suspension et la radiation produisent les mêmes effets que celles
prononcées par le CNP. L'OLPED quant à lui et dans une certaine
mesure l'UNJCI ne fait qu'interpeller le journaliste à exercer sa
profession en bon père de famille par la culture d'une
responsabilité dans la diffusion de l'information. C'est ainsi que les
mauvais exemples de production, précisément les atteintes aux
droits et libertés d'autrui sont décriés,
sanctionnés outre mesure moralement sous forme de communiqués.
Les communiqués sont dans ce cas très nombreux. Nous citerons
celui concernant le journal « l'Agora n 54 du 12 avril 1999. Le bureau de
l'OLPED a estimé que le titre de l'article de intitulé «
Affaire Dramera» de fernand dedeh porte atteinte à la
dignité humaine en ce sens que la photo illustrant cet article aussi
bien à la une qu' en page intérieure est
humiliante.1
B- Les sanctions pécuniaires ou
économiques.
La loi régissant le CNCA ne fait mention d'aucune
condamnation pécuniaire. L'article 47 de la loi portant régime
juridique de la presse écrite fait état d'une probable sanction
pécuniaire. Par ailleurs, il y a lieu de souligner que les sanctions non
juridictionnelles ou administratives prononcées par les organes de
régulation sont susceptibles de recours devant les juridictions
compétentes (art 47 in fine C.N.P et art 10 CNCA).
KOFFI Aka Marcellin 113
1 Communiqué n°84, dénommé
appel à la société civile, in les cahiers de l'OLPED, p.
160
KOFFI Aka Marcellin 114
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
Conclusion
Que serait la liberté sans contrainte, sanction ?
Les sanctions des atteintes du droit de l'information au droit
au respect de la vie privée sont un contrepoids à la puissance de
la liberté d'expression et de la communication qui donne droit ou
pouvoir au journaliste de diffuser librement toute information en rapport
étroit avec l'actualité ou l'information légitime du
public. Ce journaliste peut donc écrire, parler, montrer un fait ou un
événement si les conditions de la diffusion des droits d'autrui
sont réunies. Par contre, à coté de ce pouvoir dont jouit
le journaliste, il peut être reprochable à plus d'un titre s'il
outrepasse les pouvoirs qui lui ont été conférés et
soumis à des sanctions s'il est reconnu coupable des faits qui lui sont
reprochés. Les sanctions ont donc une fonction d'intimidation pour
permettre aux médias d'être plus responsables afin de ne pas
utiliser la liberté d'expression à leur guise car leur
liberté s'arrête là où commence celle des autres.
KOFFI Aka Marcellin 115
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
CONCLUSION GENERALE.
La protection des droits et libertés individuelles,
notamment le droit au respect de la vie privée face au risque que
présente la presse est devenue une préoccupation importante des
pouvoirs publics, des citoyens et des journalistes eux-mêmes.
C'est pourquoi, au terme de notre étude relative aux
rapports « droit au respect de la vie privée et droit de
l'information », il convient de faire allusion à ce vieux proverbe
européen, qui, nous l'espérons, apportera certainement une
réponse à nos préoccupations. Il est intitulé :
« la langue est la meilleure et la pire des choses ». Cela remonte
à plus de 2500 ans, Esope racontait des fables. Il était un
esclave. Un jour, son maître lui dit : « prépare-moi un repas
avec ce qu'il y a de meilleur ». Esope composa un repas fait uniquement de
langues (de boeuf, de veau, ou de mouton). Il expliqua : « la langue est
ce qu'il y a de meilleur ; elle permet à l'homme de dire la
vérité et de s'entendre avec les autres hommes ». Le
lendemain, son maître lui demanda de lui donner ce qu'il y a de pire.
Esope lui fit le même repas : «la langue, expliqua-t-il, est ce
qu'il y a de pire ; elle permet à l'homme de dire des mensonges. Elle
peut pousser les hommes à se battre ».1 Ce que l'on dit
ainsi de la langue, on peut le dire de tous les moyens que les hommes se sont
donnés pour s'exprimer : les journaux, la radio, la
télévision,2 etc.
En considération de ce qui suit, droit au respect de la
vie privée et droit de l'information peuvent se concilier. Tout
dépend de la volonté du journaliste en faisant de son outil de
travail, ce qu'il y a de meilleur dans la marche et le développement de
la société, en donnant au mot « liberté » qu'il
ne cesse de revendiquer, un sens humain. En effet, partout à travers le
monde et depuis longtemps les journalistes revendiquent la liberté.
Depuis quelques années, des progrès importants ont, fort
heureusement, été accomplis. Mais cette liberté est-elle
la liberté d'écrire, de dire, de montrer n'importe quoi ? Il faut
bien se demander :
1 N. Copin, Président de rapporter sans
frontières, introduction, in presse et déontologie dans l'Afrique
des grands lacs "rapporter sans frontières», octobre 1995, p. 6
2 idem
KOFFI Aka Marcellin 116
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
qu'est ce que je fait, qu'est ce je dois faire de ma
liberté de journaliste ? Vais-je l'utiliser pour la « meilleure
» ou la « pire » des choses ?
Voilà autant de questionnements qui nous amènent
à faire des observations inhérentes à la situation des
rapports entre les droits des individus et le droit de l'information.
Une observation attentive de la scène médiatique
permet de réaliser combien le conflit entre les deux droits restitue la
traditionnelle dialectique de la théorie et de la pratique. Chaque pays
a ses propres lois, qui dépendent de son histoire, de sa culture, du
régime politique qui s'est instauré. Mais, on retrouve souvent
à travers le monde les mêmes prescriptions faites aux
journalistes. D'une façon quasi générale, les atteintes
aux droits de la personnalité à savoir toute accusation
mensongère ou toute atteinte à la vie privée sont
condamnées. Mais on constate aussi, soit que les lois sont mal
appliquées, soit, tout simplement, qu'elles n'ont pas tout prévu.
C'est pourquoi, depuis longtemps, les journalistes ont réfléchi
entre eux, et, par pays ou par région du monde (en Cote d'Ivoire depuis
1992, après l'institution d'un réel cadre d'exercice de la
liberté de la presse), ils se sont fixés des règles de
conduite rédigées sous forme de chartes ou de code de
déontologie. Le mot « déontologie » signifiant
l'ensemble des devoirs qu'une profession se fixe à elle-même.
Mais malgré cela et en l'état actuel de la
situation de la presse, il est bon de noter que la quasi totalité des
diverses raisons qui sont à la bases du conflit trouvent leur motivation
dans les carences imputables tant aux consommateurs de l'information qu'aux
professionnels des médias eux-mêmes. Bien entendu, la
responsabilité des médias sur l'empiètement des droits
d'autrui est souvent liée aux comportements des journalistes qui sont,
de façon récurrente, en contradiction totale avec les bonnes
intentions exprimées par les textes de concilier droits de la
personnalité et droits de l'information. D'ailleurs, l'essentiel des
griefs formulés à leur endroit témoigne de ce que les
journalistes, surtout ceux de la presse écrite constituent le principal
violateur des droits de la personnalité. Bien plus, dans le contexte
actuel, avec la guerre, nous sommes au regret de dire que la presse dans son
ensemble a un mal. Le manque de professionnalisme, le manque
d'objectivité
KOFFI Aka Marcellin 117
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
dans le traitement de l'actualité, le non respect des
règles de l'éthique et de la déontologie sont le leitmotiv
des graves dérives dont sont coupables les journalistes dans l'exercice
de ce métier si noble.
Pis encore, la presse est devenue tributaire des Chapelles
politiques. Les journalistes travaillent non pas pour une presse d'information,
c'est à dire celles qui s'affirme avant tout, soucieuse d'information
objective ; mais plutôt en tant que journaliste politique ou de combat.
Ils sont au service des hommes politiques ou des partis politiques pour
dénigrer ceux qui ne sont pas de leur bord au lieu d'être au
service de l'information.
Toutefois, l'on ne doit pas occulter la responsabilité
des consommateurs de l'information, car la passivité des lecteurs,
auditeurs et téléspectateurs reste une cause majeure de
l'enlisement des journalistes.
En effet, en tant que destinataire privilégié de
l'information et titulaire du droit du public à l'information, un
permanent devoir de contrôle, voire de censure1, propre
à mettre les droits de la personnalité à l'abri de tout
péril, de toute manifestation de l'arbitraire est
indispensable.2
Naturellement, l'absence, l'ignorance ou même
l'insuffisance d'une telle action fait le lit à l'exercice approximatif
de la liberté de l'information par les journalistes.
Heureusement l'action d'arbitrage du juge et celle des
régulateurs que posent les organisations professionnelles des
journalistes3 constituent un facteur déterminant dans la
quête de la consolidation d'un réel respect des droits de la
personnalité, surtout de la vie privée.
Les résultats obtenus dans cette optique montrent bien
à quel point ils constituent de réelles garanties des droits de
la personnalité contre tout exercice abusif de la profession par les
journalistes.
1 La censure est prise ici dans le sens d'un tri, d'un
filtrage : le consommateur doit acheter un journal ou suivre une
émission radio ou télé en tenant compte du respect des
lois régissant la discipline de l'information et non seulement par
affinité politique ou autre considération.
2 Notamment en faisant en sorte que le jugement
qu'ils rendent contraignent les producteurs de l'information à
s'améliorer et à tendre vers la perfection
KOFFI Aka Marcellin 118
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
Encore qu'à ce niveau des actions restent à
poser, qui consisteraient dans un premier temps pour le juge, à
concilier le respect des droits de la personnalité avec le principe de
la liberté d'expression. Il doit dans l'exercice de ses pouvoirs,
limiter son intervention aux mesures strictement nécessaires pour faire
cesser le trouble constaté.1
Pour les organes de régulation,
d'autorégulation, l'UNJCI et le particulier, il s'agira de fortifier
leur complicité afin que la saisine aussi bien du juge que du CNP, du
CNCA, de l'OLPED soit effective chaque fois que les droits de la
personnalité seront en péril ou chaque fois qu'ils seront
violés.
Fort de ce qui précède, l'on se rend compte que
l'opposition entre droit au respect de la vie privée et droit de
l'information nécessite une cure à la mesure du mal.
Une véritable et sincère prise de conscience
s'impose, devant induire chez tous les acteurs du domaine de l'information un
profond changement des mentalités relativement à l'acception
même de la liberté de la presse et à la
responsabilité qui est le corollaire.
La nécessité d'une telle action reste
d'actualité, surtout en ce moment où l'on parle de
dépénalisation des délits de presse. De ce fait donc, le
journaliste doit faire un bond qualitatif dans la formation pour jouer
désormais le rôle qui est le sien, à savoir «
informer, encore informer, toujours informer »2 et rien de plus
.Car il ne peut y avoir de liberté d'expression sans protection de la
vie privée. Ainsi la déontologie doit être enseignée
aux jeunes qui se préparent à faire du journalisme. Ils doivent
savoir que, bien souvent, ils doivent décider seuls de ce qu'ils auront
à faire et que leur décision soit meilleure s'ils ont des points
de repère. La déontologie nécessite à la fois la
réflexion personnelle et la réflexion collective, si nous voulons
que les médias soient la meilleure et non la pire des
choses.3
1 J. P. Gridel, chronique doctrine, presse, op. cit.,
Recueil , Dalloz 2005, n° 6 , p. 398
2 Diegou Bailly in "la presse à
l'épreuve de la liberté", film documentaire, Axel production and
azimuts, novembre 2002
3Il s'agit du CNCA, CNP et de l'OLPED qui ont en commun les
missions de lutte pour le respect de la liberté de la presse mais
également pour le respect des règles et lois sur l'exercice de la
profession des médias
3 N. Copin, introduction, in presse et
déontologie dans l'Afrique des grands lacs « rapporter sans
frontières », octobre 1995, p. 7
KOFFI Aka Marcellin 119
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
Enfin, une telle avancée constituerait un nouveau
contexte, un contexte idéal pour relancer la controverse sur la
nécessité d'une réelle et totale cohabitation, coexistence
pacifique entre droit de l'information et droit à la vie
privée.
Une réponse affirmative, semble-t-il, s'impose tant il
est vrai à l'observation, que si le journaliste exerce son métier
dans le strict respect des lois nationales et internationales que de ses
propres lois à savoir le respect de l'éthique et de la
déontologie de la profession des médias, la combinaison tiendra.
La conciliation sera de plus en plus une réalité partout dans le
monde, particulièrement dans les pays en voie de développement,
en l'espèce la Côte d'Ivoire.
Dans tous les cas, les droits de la personnalité ont de
beaux jours devant eux si le journaliste se forme sur le plan du droit et fait
sérieusement son autocritique pour que naisse un type de journalisme
qui, sans nier sa vocation et son attachement aux principes de liberté,
de formation et d'éducation ne peut que contribuer à la
promotion, sans trop de heurts de l'espèce humaine. C'est
précisément à ces conditions que nous parviendrons
à la nécessaire et délicate conciliation des garanties des
droits et libertés individuelles avec le droit de l'information et ainsi
de réussir « la tentative de combinaison d'un couple apparemment
antinomique, opposé ».
« Deux notions qui participent l'une et l'autre à
la consolidation de la vie sociale ».
En définitive, la presse doit être au service de
chaque citoyen. Son développement doit s'opérer dans le respect
de la dignité humaine .Le journaliste doit être certain qu'il y a
bien lien direct avec l'actualité et pas d'extrapolations .
Il ne doit pas porter atteinte ni à l'identité
humaine ni aux droits de l'homme ni à la vie privée ni aux
libertés individuelles ou publiques. De toute façon ,seules les
publications, diffusions jugées diffamatoires ,injurieuses ou
dénaturatoires tombent sous le coup de la sanction juridique et
administrative.
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
KOFFI Aka Marcellin 120
ANNEXES
KOFFI Aka Marcellin 121
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
ANNEXE I
TEXTES FONDAMENTAUX INTERNATIONAUX RELATIFS A LA
LIBERTE
D'EXPRESSION
Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen de 1789 Article 10
Nul ne doit être inquiété pour ses
opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne troublent
pas l'ordre public établi par la loi
Article 11
La libre communication des pensées et des opinions est
un des droits les plus précieux de l'homme; tout citoyen peut donc
parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de
l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la
loi.
Déclaration Universelle des droits de l'homme
de 1948
Article 19
Toute personne a droit à la liberté d'opinion et
d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être
inquiété pour ses opinions et celui de rechercher, de recevoir et
de répondre, sans considération de frontières, les
informations et les idées par quelque moyen que ce soit
Pacte international relatif aux droits civils et
politiques de 1966.
Article 19
1-Nul ne peut être inquiété pour ses
opinions.
2-Toute personne a droit à la liberté
d'expression ; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir
et de répandre des informations et des idées de toute
espèce, sans considération de frontières, sous une forme
orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de
son droit.
3-l'exercice des libertés prévues au paragraphe
2 du présent article comporte des devoirs spéciaux et des
responsabilités spéciales. Il peut en conséquence
être
KOFFI Aka Marcellin 122
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
soumis à certaines restrictions qui doivent toutefois
être expressément fixées par la loi et qui sont
nécessaires :
a-)au respect des droits ou de la réputation d`autrui ;
b-) à la sauvegarde de la sécurité
nationale, de l'ordre public, de la santé ou de la moralité
publique
Convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales de
1950.
Article 10
1-Toute personne a droit à la liberté
d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la
liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des
idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités
publiques et sans considération de frontières. Le présent
article n'empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de
radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un
régime d'autorisation.
2-L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et
des responsabilités peut être soumis à certaines
formalités, conditions, restrictions ou sanctions, prévues par la
loi qui constituent des mesures nécessaires dans une
société démocratique, à la sécurité
nationale, à l'intégrité territoriale ou à la
sûreté publique, à la défense de l'ordre et à
la prévention du crime, à la protection de la santé ou de
la morale, à la protection de la réputation ou des droits
d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou
pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir
judiciaire.
Charte africaine de droits de l'homme et des peuples
de 1981
Article 9
1-Toute personne a droit à l'information.
2-Toute personne a le droit d'exprimer et de diffuser ses
opinions dans le cadre des
lois et règlements
KOFFI Aka Marcellin 123
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
Charte européenne des droits fondamentaux de
2000
Article 11
Liberté d'expression et d'information
1-Toute personne a droit à la liberté d'expression.
Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir
ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y
avoir ingérence d'autorités publiques et sans
considération de frontières.
2-La liberté des médias et leur pluralisme sont
respectés
KOFFI Aka Marcellin 124
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
ANNEXE II
TEXTES FONDAMENTAUX INTERNATIONAUX RELATIFS AUX
DROITS
DE LA PERSONNALITE.
Déclaration des droits de l'Homme et du
citoyen (26 Août 1789).
Article 9 : présomption d'innocence
Tout homme étant présumé innocent
jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable,
s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne
serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne, doit être
sévèrement réprimé par la loi.
Déclaration Universelle des droits de l'Homme
(10 Décembre 1948).
Article 11 : présomption d'innocence
Toute personne accusée d'un acte délictueux est
présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité
ait été légalement établie au cours d'un
procès où toutes les garanties nécessaires à se
défendre lui auront été assurées.
Article 12 : honneur et réputation, vie
privée.
Nul ne sera l'objet d'immixtion arbitraires dans sa vie
privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes
à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit
à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles
atteintes.
Charte africaine des droits de l'homme et des peuples
(juin 1981)
Article 5
Tout individu a droit au respect de la dignité
inhérente à la personne humaine et à la reconnaissance de
sa personnalité juridique. Toutes formes d'exploitation et
d'avilissement de l'homme ou les traitements cruels inhérents ou
dégradants sont interdites.
KOFFI Aka Marcellin 125
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
Article 7-b
Le droit à la présomption d'innocence
jusqu'à ce que sa culpabilité soit établie par une
juridiction compétente.
Charte européenne des droits fondamentaux
(Nice (France) le 7 Décembre 2000).
Article 7 : respect de la vie privée et
familiale.
Toute personne a droit au respect de sa vie privée et
familiale, de son domicile et de ses communications.
Article 8 : protection des données à
caractère personnel.
1-Toute personne a droit à la protection des
données à caractère personnel la concernant.
2-Ces données doivent être traitées
loyalement, à des fins déterminés et sur la base de
consentement de la personne concernée ou en vertu d'un autre fondement
légitime prévu par la loi. Toute personne a le droit
d'accéder aux données collectées la concernant et d'en
obtenir la rectification.
3-Le respect de ces règles est soumis au contrôle
d'une autorité indépendante.
Article 48 : présomption d'innocence et droit de la
défense.
1-Tout accusé est présumé innocent
jusqu'à ce que sa culpabilité ait été
légalement établie.
2-Le respect des droits de la défense est garanti à
tout accusé.
KOFFI Aka Marcellin 126
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
BIBLIOGRAPHIE GENERALE.
I- Traités et ouvrages généraux.
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édition .2002
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2ème éd., 2ème Vol., Sirey, Paris Ve , 1967,
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Charvin(R), sueur (J.J), Droits de l'homme et libertés
de la personne, édition Litec, Paris 1994
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droit international, éd. A. Pédone, Paris, 1978
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l'atteinte à la vie privée ou à l'intégrité
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Freitas (N), Le droit de réponse, Nouvelles Editions
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Gnago (D), La presomption d'innocence en droit ivoirien,
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correspondance au regard du droit pénal », Revue science
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rapports entre personnes privées, mélanges cassin, 1971
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III! Thèses.
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IV! Mémoires.
Konangui (A F), La liberté de la presse en Côte
d'Ivoire, 2001-2003,Université de
cocody
Malan (I. N), La protection des droits civils et de la
personnalité par la charte africaine des droits de l'homme et des
peuples de 1981 Université de cocody
Siraga (H. M.), Les droits et libertés publiques en
Afrique noire devant l'assemblée nationale sous la IVè
République (1946-1958) Université de cocody
KOFFI Aka Marcellin 129
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V- Articles, doctrines, chroniques.
AUVRET (P), Doctrine, Droit des personnes, l'utilisation de la
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Droit au respect de la vie privée et droit de
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liberté de presse, séminaire de Yamoussoukro, 28 août 1992.
P 8
VI-TEXTES FONDAMENTAUX, CODES ET REGLEMENTS INTERIEURS.
A- DECLARATIONS ET PACTES INTERNATIONAUX .
- Charte Africaine des droits de l'Homme et des peuples (
Nairobi (Kenya), juin
1981).
- Charte européenne des doits fondamentaux (Nice, France
) 7 mars 2000
- Convention européenne de sauvegarde des droits de
l'Homme et des
libertés fondamentales (4 novembre 1950)
- Convention interaméricaine des droits de l'Homme de
1969.
- Déclaration universelle des droits de l'Homme (10
décembre 1948)
- Pacte international relatif aux droits civils et politiques de
1966.
B- TEXTES CONSTITUTIONELS.
- Constitution Française du 4 Novembre 1958. Vè
République. - Constitution ivoirienne du 1er août 2000
IIe république.
C- TEXTES LEGISLATIFS.
- Loi française du 29 juillet 1881 sur la presse
- Loi française n° 70-643 du 17 juillet 1970
- Loi française n° 72-553 du 3 juillet 1972
- Loi ivoirienne n° 2004-643 du 14 décembre 2004
portant nouveau régime
juridique de la presse écrite.
- Loi ivoirienne n° 2004-644 du 14 décembre 2004
portant régime juridique de
la communication audiovisuelle.
D- CODES ET REGLEMENTS INTERIEURS.
- code civil français
KOFFI Aka Marcellin 131
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
- code pénal (français et ivoirien)
- code de déontologie du journaliste ivoirien, 29
août 1992
- code de déontologie togolaise
- code d'éthique des journalistes du Burundi
- charte de déontologie et droits des journalistes du
Rwanda
- statut et règlement intérieur de l'UNJCI
- statut de l'OLPED-CI, 7 octobre 1995
- règlement intérieur de l'OLPED-CI, 7 octobre
1995
JURISPRUDENCE.
Jurisprudence
étrangère
- Civ. 1ère, 28 mai 1991 Dalloz 1992, 213, note
p. kayser, JCP, 1992, II, 21845,
note
- Civ. 2ème, 4 novembre 2004, recueil Dalloz
2005 n° 10 p. 698
- paris, 1er ch, 6 juillet Pablo Ruiz Picasso c/
édition calmann-lévy, gazette-pal,
1966, 1er semestre, p. 39, 3ème
espèce.
- Paris, 1er ch., 15 novembre 1966,
société anonyme presse office c/ Gunther
sachs, Dalloz-1967, JCP-182, 2ème
espèce, note p. mimin
- Paris, 14ème ch. 21 décembre 1970,
société France éditions et publication c/
muraccioli dit Antoine, JCP 1971, II, 16653.
- TGI, paris, référé, 27 février
1970, charrière dit papillon c/ ménager et autres,
JCP -1970, II, 16293, observations, Raymond Lindon
- TGI, Nanterre, ord. Réf, 9 mars 2005, n° 05/00760,
F. Heaulme c/ télévision
française 1 : juris-data n° 2005-266371
Jurisprudence ivoirienne.
- Trib.P.I. Abidjan, 29 janvier 1976, RID 1976 n° 1-2 p.
34
- Trib.P.I. Abidjan plateau 2ème ch. 20 mai
2005 n° 2111/04 (inedit). Dame
dadié née Toty oulehonon clarisse c/ le quotidien
« l'inter »
- Trib P.I Abidjan Plateau, n° 502, 7ième
ch civile du 20 juin 2001, Affaire
Bohouri Kobena José Marius c/ Gecos Formation et
Koné Laman
KOFFI Aka Marcellin 132
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
- C.A. Abidjan, 2 juillet 1982 n° 567 (inédit)
JOURNAUX ET PERIODIQUES.
- Fraternité Matin du samedi 14 - dimanche 15 janvier
2006, débats d'idées par
Ouraga Obou « Légalité et
légitimité » P 16 et 17
- Fraternité Matin n° 12263 du vendredi 23 septembre
2005
- Fraternité Matin n° 12267 du mercredi 28 septembre
2005
- Fraternité Matin du jeudi 03 mai 2001
- Le Monde des 27-28 janvier 1974
SITE INTERNET.
www. olped.org
www. gret.org
www. lexisnexis.fr
www. dalloz.fr
http://
www. telerama.fr/culturama/ftg/etc/images/introinage.asp ?fr=1
http://
www.droit.technologie.org
http:// www.netpme.fr
http:// www.
senat.fr/ic33/ic33.htm/
KOFFI Aka Marcellin 133
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
TABLE DES MATIERES
DEDICACE III
REMERCIEMENTS IV
LISTE DES ABREVIATIONS V
INTRODUCTION GENERALE 1
PREMIERE PARTIE : DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVEE DES
PERSONNES ET DROIT DE L'INFORMATION : DEUX NOTIONS OPPOSEES MAIS CONCILIBALES.
11
CHAPITRE I- DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVEE ET DROIT
DE L'INFORMATION : DEUX NOTIONS
OPPOSEES 14
Section I- Le droit au respect de la vie privée
et le droit de l'information, deux libertés
opposées dans leur nature.
15
Paragraphe I- Le droit à la vie privée, un
droit introverti. 16
Paragraphe II - Le droit de l'information, un droit
extraverti. 19
Section II- Droit au respect de la vie privée et
droit de l'information : deux libertés
opposées dans leurs
fonctions. 20 Paragraphe I- Le principe de l'interdiction
de divulguer la vie privée des personnes
sans leur consentement, obstacle à l'expression du
droit de l'information. 21
Paragraphe II- Le principe de l'inviolabilité de la
vie privée. 23
Conclusion 24
CHAPITRE II- DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVEE ET DROIT
DE L'INFORMATION : DEUX DROITS
CONCILIABLES OU COMPLEMENTAIRES. 25 Section I-
Les faits justificatifs de l'immixtion du journaliste dans la vie privée
des
personnes. 26 Paragraphe I- Les
conditions de la diffusion de la vie privée d'une personne par
le
journaliste. 27
A- Les conditions générales de la diffusion
de la vie privée d'une personne par le
journaliste. 27
1) Le consentement de la personne concernée.
28
a) La nature juridique du consentement 28
b) La portée du consentement dans la conciliation
entre droit au
respect de la vie privée et droit de l'information
28
2) L'information légitime du public . 32
a) Droit au respect de la vie privée proprement dit
et droit de l'information 33
b) Droit à l'image et droit de l'information.
36
c) Droit à la présomption d'innocence et droit
de l'information. 41
3) Le caractère anodin de l'élément
révélé 44
4- L'existence d'une divulgation antérieure.
45
B- Les conditions particulières liées à une
certaine catégorie de personnes. 46
1- Les personnes publiques. 47
a- Notion de personnes publiques. 47
KOFFI Aka Marcellin 134
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
b- Droit à la vie privée des personnes
publiques et droit de l'information,
quelle conciliation ? 48
2- Les personnes célèbres ou recherchant la
notoriété. 53
Paragraphe II- L'objectivité de l'information et sa
conformité à la législation
qui lui est propre. 56
A- La révélation de faits intimes doit être
mesurée, prudente et objective. 56
B- Le respect, par le journaliste de ses propres règles
dans ses rapports avec
le droit au respect de la vie privée 57
Section II- Complémentarité du droit
à la vie privée et droit de l'information à l'ère
des
nouveaux moyens de communication
60
Paragraphe I- Le droit de l'information, instrument de
développement des droits privés. 60
Paragraphe II- Le droit de l'information, instrument de
défense ou de Protection
de la vie privée. 62
Conclusion 63
DEUXIEME PARTIE : LES ATTEINTES AU DROIT A LA VIE PRIVEE
DES
PERSONNES PAR VOIE DE PRESSE ET LEURS SANCTIONS.
64
CHAPITRE I- LES MODES D'ATTEINTES A LA VIE PRIVEE DES
PERSONNES PAR VOIE DE PRESSE ET
LEUR INCIDENCE SUR LA VIE DES VICTIMES. 67
Section I- Les atteintes à la vie
privée des personnes par voie de presse. 68
Paragraphe I- Les atteintes au secret de la vie privée
des personnes par voie de presse. 69
A- La révélation de faits privés exacts
mais embarrassants. 70
B- L'intrusion dans la vie privée. 72 Paragraphe
II- Les atteintes portées directement à la liberté de la
vie privée par voie de
presse 73
A- La représentation mensongère d'une personne par
voie de presse. 74
B- Le détournement du nom ou de l'image par voie de
presse. 75
1) Le détournement du nom. 75
2) Le détournement de l'image d'autrui par voie de
presse. 77 Section II- L'incidence des atteintes à
la vie privée par voie de presse sur la vie des
personnes victimes. 80
Paragraphe I- La dévalorisation de la personne,
victime d'une diffusion d'un secret
de sa vie privée ou d'une information
mensongère. 81
Paragraphe II- La destruction d'une personne par la
révélation d'un détail ou secret
de sa vie privée. 83
A- La destruction psychologique ou morale 83
B- La destruction physique. 84
Conclusion 85
CHAPITRE II- LES SANCTIONS DES ATTEINTES AU DROIT A LA
VIE PRIVEE DES PERSONNES
PAR VOIE DE PRESSE 86
Section I- Les sanctions
judiciaires. 87
Paragraphe I- Les sanctions civiles. 88
A- Le fondement de la sanction civile. 88
1- La nécessité d'une faute. 89
2- La nécessité d'un dommage ou d'un
préjudice. 90
3- La nécessité d'un lien de causalité
entre la faute et le dommage. 90
B- La détermination des sanctions. 91
KOFFI Aka Marcellin 135
Droit au respect de la vie privée et droit de
l'information en côte - d'ivoire.
1- La réparation pécuniaire des atteintes au
droit au respect de
la vie privée. 92
2- Les autres mesures ou sanctions. 94
a- Toutes mesures visant la cessation de l'atteinte.
94
b- Le droit de réponse ou réparation en
nature. 95
Paragraphe II- Les sanctions pénales. 98
A- Les infractions pénales des journalistes contre le
droit au respect de la vie privée. .. 99
1- Les infractions traditionnelles ou anciennes. 100
a- La diffamation 101
b- L'injure 103
2- Les infractions modernes ou nouvelles contre le droit au
respect
de la vie privée. 104
B- La répression ou les sanctions pénales
proprement dites. 106
1- De la privation de liberté provisoire ou
emprisonnement. 106
2- Les amendes. 107
Section II- Les sanctions extra
judiciaires. 108
Paragraphe I- Les organes de contrôle du droit de
la presse face au droit au respect
de la vie privée. 109
A- Les organes de régulation. 109
1- Le conseil National de la Presse (CNP). 109
2- Le Conseil National de la Communication Audiovisuelle
(CNCA). 110
B- L'organe d'auto régulation : l'Observatoire de le
Liberté de la Presse,
de l'Ethique et de la Déontologie (OLPED). 111
Paragraphe II- Les sanctions. 112
A- Les sanctions disciplinaires. 112
B- Les sanctions pécuniaires ou économiques.
113
Conclusion 114
CONCLUSION GENERALE. 115
ANNEXES 120
BIBLIOGRAPHIE GENERALE. 126
TABLE DES MATIERES 133
|