En Europe, la traçabilité des produits de la mer permet-elle de contribuer à lutter contre les pêches illicites?par Bruno MORIN Université de Nantes - Master en droit des activités maritimes et océaniques 2015 |
82 : Règlement (CE) n° 1224/2009 -article 5 paragraphe 583 : Décret n° 2014-412 du 16 avril 2014 relatif aux attributions du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt 84 : Source : http://www.developpement-durable.gouv.fr/(Accueil du site> Mer et littoral > Les pêches maritimes et l'aquaculture > Espace professionnel > Traçabilité ) 85 : Note technique du 6 novembre 2014 relative à la mise en oeuvre de la traçabilité des produits de la pêche et de l'aquaculture au titre du règlement (CE) n°1224/2009 du Conseil du 20 novembre 2009 instituant un régime communautaire de contrôle afin d'assurer le respect des règles de la politique commune de la pêche (www.circulaire.gouv;fr) La traçabilité des produits de la mer permet-elle de lutter contre les pêches INN ? Master 2 DSAMO - 2015 Page : 44 ne pas porter la responsabilité du retard de la mise en oeuvre nationale de la traçabilité contrôle. En outre, la recherche de produits de la mer illicites étant une priorité, la note technique relative au plan national de contrôle des produits de la pêche maritime et de l'aquaculture marine bisannuel 2014-2015 imposée par la DPMA aux services de contrôle stipule dans ses objectifs que le respect des obligations déclaratives86 « ... sont le support de la lutte contre la pêche INN et du système de traçabilité, toutes les captures devant être documentées et tracées. » . Afin d'aller encore plus loin dans la lutte active contre ces pratiques illicites, certaines initiatives régionales ont été prises pour créer de nouveaux outils de lutte contre la commercialisation des pêches INN. Ainsi la Direction Interrégionale de la Mer de la zone Nord Atlantique Manche Ouest (DIRM NAMO) a mis en place un réseau d'agents interrégional entre la région Pays de la Loire et Bretagne, nommé réseau INN, afin d'optimiser l'efficience du dispositif existant en matière de contrôle des pêches et de permettre des investigations à grande échelle afin de lutter contre ces pratiques illicites. Ce réseau, associé aux autres services de contrôle comme les services de la répression des fraudes, de la gendarmerie ou de l'office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA), doit permettre de rechercher des produits de la mer d'origine INN écoulés sur l'ensemble du territoire et ce malgré un système commercial complexe et vaste en se basant 86 : Note technique du 31 octobre 2014 relative au plan national de contrôle des produits de la pêche maritime et de l'aquaculture marine bisannuel 2014-2015 (www.circulaire.gouv;fr) 87 : Circulaire du 8 septembre 2000 relative à l'organisation générale du contrôle des pêches maritimes et des produits de la pêche ( www.legifrance.gouv.fr) 88 : Instruction du Gouvernement du 17 février 2015 relative à la coordination opérationnelle du régime de contrôle applicable à la politique commune des pêches ( www.circulaire.gouv.fr) La traçabilité des produits de la mer permet-elle de lutter contre les pêches INN ? Master 2 DSAMO - 2015 sur des principes de comptabilité de la chose achetée et vendue. Ainsi, ce nouvel outil permettra de détecter si les quantités de produits écoulés correspondent bien aux quantités légales débarquées ou importées initialement. Dans le domaine de l'information des consommateurs, l'étiquetage des produits de la mer est un élément qui découle de facto des éléments de traçabilité. Afin de vérifier la véracité des éléments affichés, et donc de contribuer à rechercher d'éventuelles origines frauduleuses de produits de la mer commercialisés, la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF), direction placée au sein du Ministère des Finances, a élaboré en septembre 2014 une note d'information89 relative à l'information des consommateurs reprenant les obligations en matière d'étiquetage des règlements OCM et « contrôle ». Le but recherché par la France est non seulement de respecter les principes édictés par l'Union Européenne en matière de traçabilité mais surtout de préserver le marché et d'éviter toute forme de concurrence déloyale et néfaste à son économie. A cette fin, l'ensemble des acteurs de l'Etat, issus de plusieurs ministères différents, s'associe à la DPMA pour mettre en oeuvre les dispositions nécessaires à l'application des règles de traçabilité, sanitaire ou interne, de « contrôle » ou externe et d'information des consommateurs permettant, à terme, de sécuriser le marché national et ainsi de lutter activement contre la commercialisation de produits illicites. Ce dispositif de lutte contre l'écoulement de ces produits illicites impose de fait la participation des opérateurs de la filière et leur confère des responsabilités qui sont variables en fonction du type traçabilité appliquée ou recherchée. Page : 45 89 : Note d'information de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes n°2014-176 du 23 septembre 2014 relative à l'information des consommateurs sur les produits de la pêche et de l'aquaculture ( www.circulaire.gouv.fr) La traçabilité des produits de la mer permet-elle de lutter contre les pêches INN ? Master 2 DSAMO - 2015 B - Certifier l'origine d'un produit, les responsabilités de chacun Page : 46 1- Le portage de responsabilités des différents opérateurs du marchéLa filière de commercialisation des produits de la mer est forte de plusieurs types d'opérateurs, allant du producteur et de l'importateur au détaillant en passant par les halles à marée, les grossistes, les conserveries et les grandes et moyennes surfaces dotées de centrale d'achat. Ce vaste réseau commercial doit donc s'accorder avec les règles en matière de traçabilité sanitaire, de contrôle de la bonne origine et respecter l'étiquetage des produits. En matière sanitaire, la responsabilité de l'opérateur est pleine et entière. Comme cela a déjà a été mentionné précédemment, un opérateur mettant sur le marché des denrées alimentaires porte la responsabilité du bon état sanitaire de la chose vendue. En effet, le règlement européen n° 178/2002 édicte le fait que « Les exploitants du secteur alimentaire et du secteur de l'alimentation animale veillent, à toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution dans les entreprises placées sous leur contrôle, à ce que les denrées alimentaires ou les aliments pour animaux répondent aux prescriptions de la législation alimentaire applicables à leurs activités et vérifient le respect de ces prescriptions90 ». Cette obligation, reprise par le paquet hygiène de 2004 et reprise en droit national par le code rural et de la pêche maritime, est une obligation de résultat que seul l'opérateur porte. En cas de défectuosité qualitative de la denrée alimentaire, l'opérateur devra la retirer du marché, voire mettre en place un rappel de produit. Cependant, la trace sanitaire devra être remontée pour comprendre et faire cesser la cause de la corruption du lot incriminé. Dans ce cas, la responsabilité de l'opérateur portera sur le résultat et non sur l'origine. Ainsi, un exploitant vendant des denrées altérées, portera une responsabilité en cas de dommage causé à des tiers, aura l'obligation de rappeler les produits incriminés, mais ne sera pas forcement tenu pour responsable de la chose si lui-même a été victime de son fournisseur. En outre, un retrait de produits demandé par l'autorité sanitaire ne pourra permettre à l'opérateur de justifier une diminution de ses effectifs sociaux et il devra 90 : Règlement (CE) No 178/2002 du parlement européen et du conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l'Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires - article 17 ( www.eurlex.eu) La traçabilité des produits de la mer permet-elle de lutter contre les pêches INN ? Master 2 DSAMO - 2015 Page : 47 assumer cette perte financière91. Ce portage plein et entier de responsabilité civile incitera donc les opérateurs à contracter des assurances de perte d'exploitation pour prévenir ce risque. Ces exploitants ont donc un intérêt particulier à respecter les normes sanitaires et la traçabilité attachée à celle-ci afin de ne pas, en sus de la responsabilité qu'ils portent, perdre des parts de marché. De même, les informations en matière d'étiquetage, à destination des consommateurs, relèvent également de la responsabilité pleine et entière de l'opérateur. Ces informations, dont le cadre général est couvert par un règlement européen commun à toutes les denrées alimentaires92 et dont les spécificités en matière halieutique sont régies par le règlement européen portant organisation commune des marchés, doivent être portées à la connaissance de l'acheteur. L'incomplétude ou l'absence de ces mentions seront directement opposable à l'operateur qui s'exposerait à des poursuites pénales en vertu du code de la consommation93. Ces mentions ont pour objectif de permettre au consommateur de mieux choisir le produit acheté, dans un univers ou la médiatisation de l'appauvrissement des océans en ressources halieutiques est souvent un sujet d'actualité, voir l'objet de reportages ou de films cinématographiques. Cependant l'intégralité des mentions exigées, comme le nom vernaculaire et commun de l'espèce ainsi que la zone et le type de production, ne peuvent exister que si une trace de l'origine du produit existe. Les manquements en la matière doivent inciter les services de contrôle à investiguer pour identifier l'origine de ce manquement, c'est-à-dire soit une défaillance de l'opérateur, qui sera donc pénalement responsable, soit, si celui-ci a acheté de bonne foi ce produit, une possible vente de produits d'origine illicites. Concernant l'origine du produit vendu, les opérateurs doivent être capables de fournir les données de traçabilité externe, ou « contrôle », de la chose vendue. Le règlement « contrôle » leur confère cette responsabilité mais en l'état actuel du système français, l'application de l'article 58 du règlement n° 1224/2009 est en attente de la mise en place du système SALTO. La note de la DPMA du 6 novembre 2014 permet aux opérateurs de fournir les données de traçabilité soit sous forme électronique, si l'opérateur en question est doté d'un tel système, soit sous forme documentaire. Un délai de 24 heures est octroyé aux 91 : Cours de cassation - Chambre sociale - audience publique du mercredi 20 octobre 1999 - N° de pourvoi: 97-42820 92 : Règlement (UE) n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires 93 : Code de la consommation - article R214-13 La traçabilité des produits de la mer permet-elle de lutter contre les pêches INN ? Master 2 DSAMO - 2015 Page : 48 opérateurs pour fournir les documents de traçabilité externe demandés lors d'une inspection avec la possibilité de consigner les produits en attente de ces informations. Ce délai, accordé par l'administration française peut être interprété comme non conforme au règlement « contrôle » qui impose dans son article 58 une transmission immédiate de ces informations. Une application stricto sensu de cet article engagerait ainsi la responsabilité de l'opérateur alors que le système national n'est toujours pas opérant. Le modus operandi accordé pour permettre aux opérateurs de réunir et communiquer les informations nécessaires aux fins de contrôle de la traçabilité externe édictée par la DPMA permet ainsi aux exploitants de ne pas porter la responsabilité de la carence d'informations immédiates sur ce sujet. Cet engagement de l'administration française parait logique car les opérateurs, même s'ils sont collaborateurs de la création du système SALTO, ne peuvent porter la responsabilité du retard de mise en place de ce système. Donc, les opérateurs sont responsables de fournir les données de traçabilité externe lors d'un contrôle, mais dispose d'un délai pour cela afin de collecter les documents demandés. Cette disposition particulière prendra normalement fin lors de la mise en place de la base de données SALTO, prévue dans les prochains mois. Lorsque ces produits sont issus de l'importation, le certificat de capture, sera de fait la forme documentaire de la traçabilité externe de ces produits. Le système de traçabilité externe ou de contrôle prend donc la forme du schéma suivant : Source : DPMA - Cahier des charges du volet Traçabilité du Règlement « Contrôle » Ainsi le lot « X », lors d'un contrôle, et dans l'attente du système informatique SALTO, devra être accompagné des documents de traçabilité permettant de remonter aux trois navires La traçabilité des produits de la mer permet-elle de lutter contre les pêches INN ? Master 2 DSAMO - 2015 FRA1, FRA2 et FRA3 soit une masse documentaire très importante et complexe à vérifier pour les services d'inspections. Si les services d'inspections veulent vérifier les documents de traçabilité externe des espèces figurant sur la photo ci-dessous, transmis sous forme de document accompagnant la marchandise, cela s'avérera extrêmement difficile et chronophage. En effet, si l'on prend l'exemple précédent d'un lot avec trois navires à l'origine du lot et donc trois historiques de traçabilité externe à vérifier et qu'on le multiplie par le nombre d'espèces de l'illustration suivante, soit une douzaine, les services d'inspection devraient vérifier 36 origines différentes pour un seul étal. Source : photo du site « mes courses à la loupe » avec leur autorisation L'informatisation et l'électronisation de cette traçabilité externe apparait donc être une condition sinequanon à la bonne réalisation de la surveillance du commerce des produits de la mer quant à la vérification de l'origine des lots. Page : 49 La traçabilité des produits de la mer permet-elle de lutter contre les pêches INN ? Master 2 DSAMO - 2015 Page : 50 |
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