3.4. Défi des NMR et
réaction de l'Eglise catholique romaine
La menace se présente comme un défi lancé
à l'Eglise catholique romaine. Et sur le marché de la religion,
pour son repositionnement, elle prend des initiatives devant venir à
bout de l'exode pressenti.
3.4.1. Le défi des
NMR
Les nouvelles pratiques de religiosité qui s'observent
de nos jours à Cotonou visent à chasser les mauvais esprits,
à exorciser, à délivrer, et à guérir. Comme
la demande est de plus en plus grande, les prestataires se font inventifs et
saisissent l'opportunité. C'est ainsi que les NMR paraissent plus actifs
dans le marché religieux.
Le pasteur (P1) dit :
« A un nouveau venu, nous proposons l'Etude
biblique, nous lui offrons la communion fraternelle et l'invitons au
Baptême du Saint Esprit. Mais s'il est venu présenter un
problème - et c'est souvent le cas -, nous lui proposons un seul
message : Jésus. Car il est écrit dans Romains 10, 9-10 que
quiconque invoquera le nom de Jésus Christ sera sauvé. Parfois
les fidèles trouvent cela banal, mais c'est la vérité,
Jésus est la solution de tous les problèmes de l'humanité.
Maintenant pour opérer une délivrance, nous prions en fonction
des problèmes présentés en essayant de diagnostiquer le
mal, de rompre les liens contractés avec des esprits et la
libération se réalise grâce à la Parole de
Dieu. »
Ces propos montrent le soin avec lequel sont entourés
ceux qui frappent à la porte des NMR : Parole de Dieu
partagée, communion fraternelle, baptême, solution aux
problèmes trouvée. C'est-à-dire le salut éternel
est proposé et l'obtention de la solution aux problèmes
existentiels est garantie par des séances de délivrance. A ce
sujet Mbodo (2011, p. 232) dit que « L'offre des nouvelles formes de
religiosité paraît mieux adaptée aux situations
vécues par l'individu dans le besoin. » Cela éclaire
donc l'attitude de certains fidèles catholiques qui n'hésitent
pas à tourner dos à leur église pour se retrouver dans un
mouvement religieux.
En effet, les trois pasteurs que nous avons interviewés
au cours de notre recherche nous ont signalé que la plupart de leurs
fidèles viennent de l'Eglise catholique, des religions endogènes
et de l'Islam. Pour preuve, deux sur les trois pasteurs étaient
d'anciens fidèles catholiques partis à cause de
l'incapacité de l'Eglise de les délivrer des
problèmes dans lesquels ils étaient. Nous pouvons alors dire que
le succès des NMR peut être attribué à quelques
traits significatifs : une prédication tranchante avec des messages
attractifs comme « Avec Jésus tu connaîtras la
prospérité ! », « Venez à Jésus
et vous serez sauvés ! », l'importance
accordée à la conversion personnelle, le souci d'afficher une
singularité chrétienne, l'accent mis sur le témoignage, et
enfin des communautés à l'ambiance chaleureuse et fraternelle.
Autant de caractéristiques qui permettent de valoriser l'homme. C'est la
raison pour laquelle « dans l'anomie régnant dans les immenses
mégapoles du Sud, les citadins (...) retrouvent dans les groupes
évangéliques une communauté chaleureuse où leur est
proposée une expérience de foi, dans des
célébrations enthousiastes, animées par de
véritables orchestres » (Lecaros, 2011). Ces NMR mettent donc
à l'épreuve les instituions religieuses traditionnelles comme
l'Eglise catholique. Ils les défient littéralement par leur
programme et leur spécificité. De ce fait, 60% des
enquêtés perçoivent les NMR comme des menaces potentielles
pour l'Eglise catholique et les raisons sont multiples. Selon eux,
« (...), les NMR détournent les
fidèles catholiques, ils attirent les fidèles de l'Eglise qui
sont dans les difficultés ou qui souffrent, ils remettent en cause une
bonne partie de la doctrine de l'Eglise catholique, les pasteurs se rendent
plus disponibles que les prêtres catholiques, l'Eglise catholique
elle-même n'oeuvre pas pour l'affermissement des chrétiens dans la
foi, l'Eglise catholique n'assiste pas les gens, etc. »
Quant à ceux qui n'appréhendent aucune menace
(38,18%), ils tiennent des propos à la fois réalistes et
valorisants pour leur église :
« (...), le mouvement des adhésions est dans
les deux sens, l'Eglise catholique est la racine, Dieu veille sur son Eglise,
les fidèles catholiques croissent toujours, l'Eglise catholique est bien
assise sur les Apôtres, etc. »
Néanmoins le constat de la désaffection est
d'actualité et fait l'objet de réflexion au sein de l'Eglise
catholique. Cakpo E. (2013) écrit que « la
caractéristique principale des NMR en Afrique est de proposer un
christianisme réajusté et réinterprété, un
christianisme africain. Ils cherchent avant tout à mieux répondre
aux conditions de vie en développant une religion adaptée aux
besoins sociaux et religieux des populations. » Cette assertion se
vérifie dans la mesure où n'en pouvant plus dans leur quête
de solution aux problèmes existentiels dans leur église, certains
fidèles catholiques n'hésitent pas à recourir aux services
des NMR quel que soit le prix que cela coûte. En effet, les NMR
parviennent autant que faire se peut à offrir des solutions
adaptées aux problèmes présentés. La satisfaction
amène certains fidèles catholiques à devenir membres de
ces NMR, tandis que d'autres reviennent au bercail, au grand dam des
frères et soeurs ayant été au courant de
l'itinéraire thérapeutique emprunté. En
général, à leur encontre, fusent des critiques venant des
catholiques se disant fidèles à la doctrine de l'Eglise
qui trouvent que ces fluctuations dans la foi, selon le mot de Gerdien,
couramment qualifiées dans le milieu catholique de prostituions
spirituelles, ne sont pas dignes des enfants de Dieu. Ainsi les
départs des fidèles de l'Eglise catholique vers les NMR sont
différemment appréciés.
Les avis sont divers à propos de l'exode des
fidèles catholiques vers les NMR, allant d'un ton critique (65,45%)
à un ton objectif ou modéré (33,64%). En effet, 34,54% des
enquêtés qualifient l'acte comme l'expression d'un manque de foi,
12,72% pensent que ceux qui partent méconnaissent les richesses de
l'Eglise catholique et estiment qu'on peut trouver sur place tout ce qu'on va
chercher ailleurs, 11,82% estiment que les fidèles sont à la
recherche du merveilleux, des miracles et 6,36% arguent qu'ils sont
assoiffés de biens matériels, de la prospérité,
etc. Tandis que ceux qui ont adopté un ton plus objectif se
réservent le droit de juger: 18,18% affirment que ceux qui vont ailleurs
sont libres du choix de culte, car chacun sait ce qu'il endure, ce qu'il attend
de son église et qu'il n'obtient pas, et 15,45% soulignent que les
sectes proposent des solutions plus adéquates que l'Eglise catholique.
Que fait alors l'Eglise catholique face à une telle situation et qu'en
est-il de ce qu'elle propose ?
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