La problématique de la candidature en droit électoral camerounais.par Valéry DJOBA KALVOKSOU Université de Maroua (Cameroun) - Master en droit public interne 2019 |
B. REVUE DE LA LITTÉRATURED'après SELMA JOSSO 14(*), le droit de vote et le droit de se porter candidat (ou droit à candidater) « sont cruciaux pour l'établissement et le maintien des fondements d'une véritable démocratie régie par la prééminence du droit15(*) ». Elle fait remarquer que, conditions sine qua non d'une démocratie pluraliste, les droits du citoyen sont énoncés en termes similaires par l'ensemble des instruments universels16(*) et régionaux17(*) protecteurs des Droits de l'homme. Elle a pu faire le constat selon lequel tous reconnaissent qu'ils constituent18(*) « le fondement de la légitimité et de la légalité du pouvoir politique19(*) ». Pourtant, force est de constater que la doctrine comme les juridictions font peu de cas du « droit à candidater » en tant que tel. Seule la Cour européenne des droits de l'homme mentionne explicitement « le droit de se porter candidat » tout en le tenant pour synonyme du « droit d'éligibilité ». Le droit à candidater fait ainsi figure de « grand oublié » au profit du droit d'éligibilité et du droit de vote. Ainsi, s'il est généralement admis que « les droits du citoyen [sont] composés du droit de vote et du droit d'éligibilité 20(*)», le droit à candidater est passé sous silence. Le droit à candidater est souvent négligé au profit du droit de vote. SELMA JOSSO découvre pareillement que la a valorisation du droit de vote au détriment du droit à candidater est également illustrée par l'une des justifications aux régimes d'inéligibilité : la préservation de la liberté de l'électeur. Elle remarque que les difficultés rencontrées par le candidat à la députation sont donc nombreuses et que celles-ci sont pour l'essentiel Issues d'incohérences textuelles qui constituant des malfaçons structurelles traduisant le peu d'attention accordé, par le législateur, au droit à candidater. Dans la jurisprudence européenne ; alors que la CEDH considère que les États bénéficient d'une large marge d'appréciation en matière électorale, elle reconnaît « se [montrer] encore plus prudente dans son appréciation des restrictions [au droit de se présenter à des élections ...] que lorsqu'elle est appelée à examiner des restrictions au droit de vote ». Cette appréciation différenciée du droit à candidater et du droit de vote est également présente dans la jurisprudence constitutionnelle. Il suffit pour s'en convaincre de constater, à la suite de D. ROUSSEAU, que le Conseil constitutionnel ne s'est pas prononcé sur la constitutionnalité de toutes les exclusions actuelles de l'éligibilité, alors que « certaines pourtant sont très discutables21(*) ». Au Cameroun on ne peut dire que le législateur accorde moins d'attention à la candidature dans la mesure où à chaque fois qu'il est intervenu pour modifier des dispositions de la loi électorale, il n'a jamais manqué de retoucher les conditions d'éligibilité. OLINGA A.D. fait justement remarquer que « les conditions d'éligibilité varient d'une élection à une autre, l'on note au plan formel avec le code électoral des similitudes dans l'architecture de ce que la doctrine qualifie de « filtre » eu égard au caractère sensible du droit à l'éligibilité c'est-à-dire de se porter candidat »22(*). Cet auteur souligne également les limites du régime de la candidature en termes de d'égalité et d'équité entre les candidats dans les conditions d'éligibilité. C'est à ce titre qu'il fustige et trouve à la limite injuste le fait « d'imposer à un personnage politique d'envergure nationale d'avoir à produire à l'appui de sa déclaration de candidature trois cent signatures au plan national, alors que le leader ou candidat d'un parti n'ayant qu'un seul conseiller dans une commune est soustrait à une telle exigence »23(*). C'est justement toutes ces considérations qui nous ont amenés à entreprendre un travail de recherche sur la problématique de la candidature électorale en droit camerounais, mais cette fois essentiellement consacrée à une identification analytique de la nomenclature des contraintes au droit de candidater au Cameroun qui apparait à l'évidence comme un droit malmené et dont la rigidité normative, les imprécisions et autres insuffisances entravent le plein exercice. * 14 SELMA JOSSO, « Le droit à candidater aux élections législatives : un droit malmené », PUF, in « Revue française de droit constitutionnel », 2013/2 n° 94, p 371 à 395 * 15 SELMA JOSSO, Docteure en droit public, membre du Centre d'études et de recherches comparatives constitutionnelles et politiques - CERCOP * 16 Articles 21 de la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH) et 25 du Pacte international des droits civils et politiques (PIDCP) * 17 Articles 23 de la Convention interaméricaine des droits de l'homme (CIADH) et 13 de la Charte africaine. Initialement, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (Conv. EDH) ne contient pas de clause politique en raison de désaccords étatiques. Les tensions sont cependant rapidement dépassées. Le premier Protocole additionnel, adopté dès 1952 (la Convention est signée en 1950 et n'est pas encore entrée en vigueur), contient une clause similaire à celle inscrite dans la DUDH * 18 Les instruments protecteurs des Droits de l'homme reconnaissent un ensemble de droits structurés en triptyque. À côté des droits de vote et de candidater sont inscrits le droit de prendre part à la direction des affaires publiques et le droit d'égal accès aux fonctions publiques de son pays. * 19 F. SUDRE, Droit européen et international des droits de l'homme, Paris, Puf, 1989, 11e éd., 2012, p. 648. * 20 A.-S. MICHON-TRAVERSAC, La Citoyenneté en droit public français, Paris, LGDJ, 2009, p. 162. * 21 D. ROUSSEAU, Droit du contentieux constitutionnel, Paris, Montchrestien, 2010, 10e éd., p. 399. Sur les restrictions au droit de vote, v. pp. 394-398. * 22 OLINGA A. D., La Constitution de la République du Cameroun, 2ème édition revue et corrigée, Presses Universitaires de Catholique d'Afrique Centrale (PUCAC), Yaoundé, 2013, p196 * 23 OLINGA A. D., ibid. p199 |
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