3.3. Méthode d'analyse des données
3.3.1. Méthode et outil d'analyse des
données
L'estimation des populations pauvres alimentaires
nécessite la détermination d'un seuil de consommation à
partir duquel on compare les disponibles alimentaires et les besoins. La norme
de consommation céréalière définie par la FAO pour
le Bénin est de 206 Kg / personne / an et les besoins calorifiques
annuels sont estimés à 839500 Kcal / personne.
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Thèse d'ingénieur agronome/FA/UP/2010
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Thèse d'ingénieur agronome/FA/UP/2010
Situation alimentaire et vulnérabilité des
ménages de la commune de Ouaké
L'existence du seuil de consommation au niveau national,
permet d'appliquer l'approche unidimensionnelle de la pauvreté à
la dimension alimentaire. On peut ainsi recourir à la formule
générale de l'indice de pauvreté développée
par Foster et al. (1984) et utilisé par Kabore et al. (2005), ODHD
(2007) et Issaka (2010) pour estimer les populations à risque
d'insécurité alimentaire.
La formule générale de l'indice de
pauvreté se présente comme suit :
Avec Z le seuil de pauvreté, Yi la dépense par
tête de l'individu i, q le nombre d'individus de
la population considéré comme pauvres, N
l'effectif total de la population et un paramètre
représentant le bien-être des plus pauvres parmi
les pauvres. Dans notre démarche, Z représente la norme nationale
de consommation céréalière ou les besoins
énergétiques annuels de l'individu définis par tranche
d'âge et Yi le disponible céréalier ou
énergétique de l'individu.
- Si = 0 on a l'indice Po ou incidence de la pauvreté
alimentaire. Il représente la
proportion des personnes à risque dans l'ensemble de
la population.
- Si = 1 on a l'indice P1 ou profondeur de la pauvreté
alimentaire qui est la distance moyenne qui sépare les personnes
à risque de la norme nationale de besoin énergétique.
Cette mesure prend aussi bien en compte l'importance des pauvres alimentaires
que la gravité de leur situation. Elle permet de déterminer la
quantité totale théorique de calories nécessaires pour
éviter le risque lié à l'insécurité
alimentaire si on pouvait cibler chaque personne pauvre et ramener son niveau
de déficit à la norme de consommation.
- Si = 2 on a l'indice P2 ou sévérité de
la pauvreté alimentaire qui est la moyenne
pondérée du carré des distances par
rapport à la norme de consommation et exprimée par rapport
à cette norme. Cette mesure tient compte des inégalités
entre personnes à risque et accorde plus de poids aux personnes dont le
risque est considérable.
On utilisera l'indice Po pour estimer les ménages
à risque.
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Thèse d'ingénieur agronome/FA/UP/2010
Situation alimentaire et vulnérabilité des
ménages de la commune de Ouaké
Hypothèse 1 : La proportion des
ménages qui n'arrivent pas à couvrir leurs besoins vivriers sur
la base de la production vivrière domestique est élevée
(plus de 25% des ménages de la commune).
Pour tester cette hypothèse, divers indicateurs de
pauvreté alimentaire sont utilisés pour estimer les pauvres
alimentaires.
V' Estimation des populations non autonomes
Le concept abordé ici est l'incidence de la
pauvreté céréalière autonome. Il est mesuré
en comparant la production céréalière domestique (mil,
sorgho, maïs, riz et fonio) du ménage au besoin de consommation
céréalière de ses membres. Ce concept permet de mettre en
évidence la dimension « disponibilité
» de la sécurité alimentaire.
Avec Z1 la norme nationale de consommation par individu
fixée à 206 Kg par an et Y1id la production
céréalière domestique de l'individu id (production du
ménage rapportée à l'effectif total du ménage). Si
Y1i < Z1 alors l'individu d sera dit individu à bilan
céréalier négatif, ou individu pauvre
céréalier autonome.
On peut trouver une fonction P telle que :
La formule de la détermination de la proportion des
individus non autonomes (P1) se présente comme suite :
P1 avec Ei l'effectif des ménages
V' Estimation des populations pauvres
céréalières
Cette estimation est faite à travers la mesure de
l'incidence de la pauvreté céréalière. Nous
procéderons de la même manière que
précédemment ; Z1 ne changera pas, cependant Y2id prendra en
compte la production céréalière domestique, les stocks de
céréales des années passées et le solde commercial
de céréales. Ce solde résulte des achats de
céréales grâce aux revenus des cultures de rente, des
ventes d'animaux, des autres activités génératrices de
revenu (AGR) et des transferts de migrations, mais aussi des ventes de
céréales. En effet, un ménage peut ne pas avoir
suffisamment produit mais parvenir à couvrir les besoins de ses membres
en ayant recours au marché. A l'opposé, il peut avoir
suffisamment produit mais être dans une situation
d'insécurité alimentaire à cause des ventes excessives de
céréales pour
Thèse d'ingénieur agronome/FA/UP/2010
Situation alimentaire et vulnérabilité des
ménages de la commune de Ouaké
faire face à d'autres besoins. Le solde commercial est
calculé en diminuant les achats des ventes. Ce concept permet ainsi de
mettre en évidence les dimensions «disponibilité
» et « accessibilité » de la
sécurité alimentaire. Ainsi, si Y2id < Z1, alors l'individu d
est considéré comme pauvre céréalier apparent. A
cette étape, nous allons introduire les mécanismes de
solidarité qui existent au sein des populations avant toute intervention
étrangère. Ces mécanismes entrent aussi dans la dimension
« accessibilité » et sont mesurés en diminuant les
cadeaux reçus en céréales des dons offerts. Avec Z1
toujours constant et Y2id prenant en compte la production
domestique, les stocks, le solde commercial et les mécanismes de
solidarité. On estime les populations pauvres
céréalières réelles, les populations qui n'arrivent
pas à couvrir leur besoin céréalier à partir de la
production domestique, des stocks, des soldes commerciaux et des
mécanismes de solidarité, c'est-à-dire celles pour qui
Y2id < Z1.
La formule de détermination de la proportion des
individus pauvres céréaliers (P2) se présente comme suite
:
Estimation des populations à bilan vivrier
négatif
Le concept mesuré ici est l'incidence de la
pauvreté vivrière. Il permet de mettre en évidence
à la fois la disponibilité, l'accessibilité et la
qualité des approvisionnements. Pour estimer cette population, on
compare Z2 et Y3id. Z2 représente les besoins
énergétiques de l'individu donnés par tranche d'âge
par la table (cf. tableau 3.4, annexe). Y3id est cette fois-ci
exprimé en kilocalorie (Kcal) et se compose du disponible
céréalier réel, des tubercules (igname et patate) et des
légumineuses et protéagineux autoconsommés (arachide,
sésame ou « goussi », niébé et voandzou).
27
Pour la conversion de ces différents produits en leurs
équivalents calorifiques, on utilise la table de composition (cf.
tableau 3.5, annexe) ci-après, mais en prenant soin d'appliquer au
préalable les taux d'extraction des farines ou des parties non
comestibles (coque ou membrane). Ces taux sont de 94 % pour le mil, le sorgho
et le maïs et de 70 % pour l'arachide et le voandzou (Asiedu, 1991), de 70
% pour le riz, de 80 % pour l'igname et de 90 % pour la patate (CIRAD, 2002).
Le niébé et le sésame sont directement convertis en leurs
équivalents calorifiques pour la simple raison que leur consommation ne
nécessite pas forcement de
Situation alimentaire et vulnérabilité des
ménages de la commune de Ouaké
transformation préalable. Quant au fonio, sa
conversion en calories est faite à partir du grain entier selon la
table.
Les produits vivriers ne contribuent pas à la
totalité des besoins énergétiques des populations rurales.
De ce fait, on compare les apports calorifiques de ces produits à 90 %
des besoins énergétiques des populations. Ainsi, si
Y3id< Z2, l'individu d sera dit individu à bilan vivrier
négatif ou individu pauvre vivrier.
Pour déterminer la proportion des personnes à
bilan vivrier négatif (P3), la formule suivante est utilisée :
Le tableau ci-dessous récapitule les informations
ci-dessus en présentant les différentes formules et les
données à utiliser.
Tableau 3.2 : Indicateurs d'estimation des populations
à risque
Indicateurs
|
Mode de calcul
|
Signification des variables
|
Donnée à collecter
|
|
|
P= fonction dichotomique avec : P (Y1i)=1 si Y1i <
Z1
|
Productions : maïs ; mil ;
sorgho ; riz ; fonio ; effectif par
|
Proportion des
|
|
= 0 si non
|
ménage ; Seuil de
|
Individus non autonomes (P1)
|
|
i désigne le ménage ; Y1i= production
céréalière du ménage ; Ei= effectif du
|
consommation céréalier
|
|
|
P1
|
ménage ; Z1= seuil national de
consommation céréalier : 206 Kg / personne
/ an
|
|
Proportion des
|
|
P (Y2i)= 1 si Y2i < Z1
|
Production céréalière ;
|
individus
|
|
= 0 si non avec
|
stocks de céréales ; ventes
|
pauvres
céréaliers (P2)
|
P2
|
Y2i= Y1i + stocks de céréales + flux de
céréales + solde entre dons et cadeaux reçus en
céréales
|
et achats de céréales
|
|
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Thèse d'ingénieur agronome/FA/UP/2010
Situation alimentaire et vulnérabilité des
ménages de la commune de Ouaké
Indicateurs
|
Mode de calcul
|
Signification des variables
|
Donnée à collecter
|
Proportion des
personnes à bilan
vivrier négatif (P3)
|
|
P (Y3i) = 1 si Y3i < Z2
= 0 si non avec
Y3i = Y2i + tubercules + légumineuses
autoconsommées. Z2 = norme nationale de
consommation calorifique : 839500 Kcal / personne / an
|
Production céréalière ;
Production autoconsommée en
tubercules et en légumineuses ; Seuil national de
consommation calorifique
|
|
|
Source : Adapté de la revue de
littérature
NB : Les pertes et semences sont estimées à 15%
pour le mil, le sorgho, le maïs, et le fonio. Pour le riz, ils sont
estimés à 10% et un taux d'usinage de 69% est appliqué au
reste de la production, (ces estimations sont définies par la FAO pour
les pays en voie de développement).
Hypothèse 2 : la plupart des
ménages enquêtés sont vulnérables à
l'insécurité alimentaire. Leur nombre est largement
supérieur au 19%, taux des ménages vulnérables à
l'insécurité alimentaire dans la Donga (AGVSAN, 2009).
Pour tester cette hypothèse, le besoin
énergétique minimum (BEM) est utilisé pour
déterminer les classes de vulnérabilité. Elles sont
définies à partir de l'incidence de la pauvreté
énergétique. Par le souci de commodité, on utilise les
seuils de classification déjà définis par le PAM et
utilisé par Kaboré et al. (2005), et Issaka (2010). Ces seuils
permettent de déterminer les proportions des individus qui n'arrivent
pas à satisfaire leurs besoins énergétiques minima (BEM).
Autrement dit, tout individu dont la disponible énergétique
totale (DET) est inférieure au BEM est dit vulnérable. Les
groupes suivants sont ainsi déterminés :
- les populations extrêmement vulnérables sont
celles dont la DET représente moins de 90% des BEM (DET < 0.90 x BEM)
;
- les populations à vulnérabilité
modérée sont celles dont la DET est comprise entre 90 % et 100 %
des BEM (0,90 x BEM< DET < BEM) ;
- les populations non vulnérables sont celles dont la
DET dépasse le BEM (DET > BEM.).
Hypothèse 3 : L'ethnie, la taille du
ménage, la superficie exploitée pour chaque catégorie de
céréales, l'accès au crédit, l'appartenance
à un groupe organisé bénéficiant d'un encadrement,
l'âge du chef de ménage... sont des facteurs qui affectent la
capacité des ménages à couvrir leurs besoins
céréaliers.
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Thèse d'ingénieur agronome/FA/UP/2010
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Thèse d'ingénieur agronome/FA/UP/2010
Situation alimentaire et vulnérabilité des
ménages de la commune de Ouaké
Pour tester cette troisième hypothèse,
l'étude a eu recours à une analyse de régression. La
détermination des facteurs qui militent en faveur ou en défaveur
de la capacité des ménages à couvrir leurs besoins
céréaliers est l'un des objectifs de l'étude. Dans cette
optique, les outils d'analyse les plus appropriés sont, entre autres,
ceux de la régression. Il se pose un problème de choix de
modèle de régression. En effet, n'importe quel modèle de
régression ne peut être utilisé pour n'importe quelle
régression (Maddala, 1983 ; Gourieroux, 1989 ; Pindyck et Rubinfeld,
1991 ; Doucouré, 2001 ; cité par Avocevou, 2003). C'est d'abord
la nature continue et/ou discontinue des variables qui déterminent le
choix du modèle de régression.
Selon Maddala (1983), Gourieroux (1989) et Doucouré
(2001), les modèles de régression usuels (régression
linéaire, doubles log etc.) sont indiqués lorsqu'il s'agit de
variables continues. Etant donné que le taux de couverture
céréalier du ménage est une variable continue et
linéaire, l'utilisation de la méthode des moindres carrés
ordinaires est la plus appropriée.
Soit l'équation de régression linéaire
multiple suivante :
TCC= f (Xi ; ei) = P0 + PiXi + ei
Où
TCC, est le taux de couverture
céréalière du ménage i,
Xi, le vecteur des variables explicatives
susceptibles d'affecter le niveau de couverture
céréalière,
P0, terme constant,
Pi, coefficients estimés des variables
explicatives,
ei, termes d'erreur.
La forme empirique complète du modèle se
présente comme suit :
TCC = P0 + P1 AGE + P2 STAT + P3 INSTR + P4 ALPHA + P5
GROUPE + P6 EFFEC + P7
SMAÏ + P8 SSOR + P9SMIL + P10 SRIZ + P11 FGBF + P12
FTFEO + P13 FAE P14
FTRSPAB + P15 FSBDDS + P16 FICP + P17 FTAER + P18 ACER +
ei.
Les codes des variables, leur nature, leurs modalités
et signes c'est-à-dire les sens dans lesquels nous pensons qu'elles
peuvent influencer la capacité des ménages à couvrir leur
besoin céréalier sont regroupés dans le tableau 3.3.
Situation alimentaire et vulnérabilité des
ménages de la commune de Ouaké
Tableau 3.3 : Codes, modalités et signes des
variables de la régression
Noms de variables
|
Type
|
Code
|
Modalités
|
Signes attendus
|
Âge du chef de ménage
|
continu
|
AGE
|
|
+/-
|
Origine du chef ménage (autochtone ou
étranger)
|
binaire
|
STAT
|
Autochtone=1 Etranger=0
|
+
|
Education (tout niveau confondu),
|
binaire
|
ECOLE
|
Oui=1 Non=0
|
+
|
Noms de variables
|
Type
|
Code
|
Modalités
|
Signes attendus
|
Alphabétisation
|
binaire
|
ALPHA
|
Oui=1 Non=0
|
+
|
Appartenance à un groupe organisé
bénéficiant d'un encadrement
|
binaire
|
GROUPE
|
Oui=1 Non=0
|
+
|
Effectif du ménage
|
continu
|
EFFEC
|
|
+/-
|
Superficie allouée au maïs
|
continu
|
SMAÏ
|
|
+
|
Superficie allouée au sorgho
|
continu
|
SSOR
|
|
+
|
Superficie allouée au mil
|
continu
|
SMIL
|
|
+
|
Superficie allouée au riz
|
continu
|
SRIZ
|
Oui=1 Non=0
|
+
|
Formation sur la gestion des bas-fonds
|
binaire
|
FGBF
|
Oui=1 Non=0
|
+
|
Formation sur la technique de fabrication des engrais
organiques
|
binaire
|
FTFEO
|
Oui=1 Non=0
|
+
|
Formation sur l'application d'engrais
minéraux/organiques,
|
binaire
|
FAE
|
Oui=1 Non=0
|
+
|
Formation sur la technique de recyclage des sous-
produits vivriers dans l'alimentation du bétail
|
binaire
|
FTRSPAB
|
Oui=1 Non=0
|
+
|
Formation sur le semis à bonne date et la
densité des semences
|
binaire
|
FSBDDS
|
Oui=1 Non=0
|
+
|
Formation sur l'installation et la conduite des
pépinières
|
binaire
|
FICP
|
Oui=1 Non=0
|
+
|
Formation sur les techniques améliorées
d'étuvage du riz,
|
binaire
|
FTAER
|
Oui=1 Non=0
|
+
|
Accès aux intrants
|
binaire
|
ACER
|
Oui=1 Non=0
|
+
|
|
Source : Adapté de la revue de
littérature
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Situation alimentaire et vulnérabilité des
ménages de la commune de Ouaké
Les facteurs ayant des signes positifs sont ceux qui
influencent positivement la capacité de couverture
céréalière des ménages ; par contre ceux ayant des
signes négatifs influenceraient négativement cette
capacité.
Un signe positif ou négatif est attendu de l'âge
du chef de ménage parce que nous pensons d'une part que c'est en prenant
de l'âge que l'individu accumule les ressources productives mais en
revanche cette évolution de l'âge peut obliger un individu
à se séparer de certaines de ses ressources productives au profit
de ses enfants devenus adultes. La situation est pareille au niveau de la
variable effectif. L'effectif d'un ménage peut influer positivement ou
négativement sur la capacité de couverture alimentaire. En effet,
un ménage de grande taille ayant une superficie de terre
considérable, dispose de ressources humaines importantes pour ses
activités agricoles (beaucoup d'actifs agricoles), par contre si ce
dernier dispose d'une petite superficie cultivable, ou d'un petit effectif
d'actifs agricoles, la couverture alimentaire des membres de son ménage
sera difficile.
Nous attendons de signes positifs des variables instruction,
alphabétisation, statut (autochtones vs. allochtone) et appartenance
à un groupement car nous pensons qu'être instruits,
alphabétisé ou milité permet d'une part, d'avoir et
d'échanger les informations avec l'extérieur, et d'autre part de
bénéficier des appuis de l'extérieur (Etat, ONG.....). Et
être originaire du milieu constitue un statut qui faciliterait
l'accès aux ressources productives (héritage, don, achat...). Le
même signe est attendu au niveau des superficies allouées aux
cultures (maïs, mil, sorgho, et riz) et au niveau des différentes
formations. Nous pensons avoir ce signe car la disponibilité et
l'accessibilité aux vivres dépendent des superficies
allouées aux cultures vivrières.
|