IV.2. Mobilité
professionnelle et plan de carrière
La mobilité professionnelle peut être
considérée comme un changement dans les modalités
d'exercice de l'activité d'un individu. Ce changement dépend de
la situation professionnelle initiale (niveau de qualification,
spécialité professionnelle exercée, taille
d'entreprise...) et des attributs sociodémographiques des personnes
(genre, âge, niveau de diplôme, situation familiale...). A
Télécel Faso, un plan de carrière est
élaboré au niveau de la direction des ressources humaines pour
les employés.
« Il y a un plan de carrière à
Télécel, un ensemble de trajectoires possibles qu'un
employé peut avoir, mais c'est sa mise en exécution qui fait
défaut. Par exemple les conseillers et commerciaux, il n'y a pas un
système de redéploiement pour la mobilité dans le travail.
Un autre exemple, du call center, on reconnaît que sur 80 personnes il y
ait des compétences qui pourraient être exploitées. Mais
hélas, Télécel n'offre pas d'assez d'opportunités
comme les autres réseaux, c'est un manque de vision.» (Entretien
avec le DRH, effectué le 16/12/2014).
Dans la majorité des cas, les situations de
mobilité, de promotion et de changement de poste de travail sont
effectués selon les besoins de l'entreprise. Nombreux sont donc
les cadres qui ont changé maintes fois de poste de travail, mais pas de
façon linéaire et ascendante. C'est le cas de ce cadre, qui selon
elle « Télécel ne propose pas concrètement un
plan de carrière ».
« Je n'ai pas évolué de manière
linéaire, c'est en dents de scie. Ce qui fait que je ne peux pas dire
que j'ai un plan de carrière à Télécel. J'ai
commencé d'abord à occuper le poste de chef de service grand
compte. Au cours de l'année 2006-2007, je suis allée à la
direction commerciale. J'ai occupé le poste de directeur commercial par
intérim pendant au moins 7 mois. Ensuite je suis redescendue en
agence.C'est pour ça je parle de dents de scie »(Entretien
avec D.S, Responsable d'agence, effectué le 24/11/2014).
C'est effectivement le constat qui a été fait au
sein de la structure. La plupart des cadres sont utilisés pour la
relance des activités d'un service en manque de dynamisme ou d'atteinte
des objectifs alloués. Aussi, l'observation des comportements et la
dynamique organisationnelle ont révélé qu'à
Télécel, nombreux sont les agents qui occupent le même
poste depuis près de 8 à 10 ans, sans jamais changer d'autre
poste de travail. Cette situation de stagnationa des conséquences non
négligeables sur la rentabilité de l'agent. Un agent
témoigne :
« J'aime être polyvalente, j'ai toujours
aimé le système de rotation dans les banques tantôt tu es
caissière, tantôt tu es dans tel bureau ainsi de suite ;
parce que à un certain momentà force de faire la même chose
au fil du tempstu te lasses »(Entretien avec effectué M.S,
Agent commercial Grand compte, le 22/11/2014, Ouagadougou).
La dynamique de la mobilité interne d'une structure
peut susciter de l'espoir chez les travailleurs qui pour la plupart ont un
projet professionnel bien définie. Lorsque la structure d'appartenance
ne donne pas assez de moyen pour gérer cette situation, les agents se
lancent alors dans la quête d'un autre boulot pouvant leur procurer cet
espoir. C'est le cas de cet agent qui dit taper à
d'autres portes, car n'ayant plus d'espoir chez
Télécel :
« J'ai déposé des tas de dossiers. Les
concours je tente aussi dans l'espoir de trouver un travail qui peut plus
répondre à mon profil. Surtout me permettre d'avoir de plus
grandes aspirations. Parce qu'à ce niveau il n'y a pas à dire que
on peut évoluer comme dans les concours de l'Etat» (Entretien avec
K.Y, Agent prestataire Phoning, effectué le 20/11/2014, Ouagadougou).
Selon de nombreux agents, espérer un plan de
carrière à Télécel n'est pas évident.
S'appuyant sur l'architecture et le nivellement des différents emplois,
beaucoup d'enquêtés, particulièrement les prestataires,
n'ont plus d'espoir, et « ce que je souhaite c'est d'avoir mieux
ailleurs, et partir » (Entretien avec M.C, Agent prestataire
Call center, effectué le 22/11/2014, Ouagadougou). D'autres par contre
nourrissent l'espoir d'une titularisation au sein de la structure comme cet
agent :
«C'est une grande boite.C'est vrai que
présentement je suis prestataire, mais mon plus grand souhait c'est
d'être permanent! Si vraiment je trouve que, sacrifier mon temps, si
vraiment dans peu de temps ça pourrait me permettred'être
permanent à Télécel, vraiment je suis prêt à
me sacrifier. Mais le problème qui se pose c'est est-ce que, le
rêve que je suis en train de nourrir est réalisable ? C'est bien
là le problème» (Entretien avec O.E, Agent prestataire
Service technique effectué le 26/11/2014, Ouagadougou).
Pour d'autres encore, le processus de la mobilité
professionnelle n'est pas une donnée absolue pour l'agent, car celui-ci
doit faire preuve d'abnégation et de patience :
« Honnêtement, le plan de carrière au
niveau de la boite c'est pas évident. Parce que, tout est un peu
saturé. Mais y a de l'espoir, Parce que je suis entrée en tant
que stagiaire, après j'ai été recrutée en tant que
téléactrice, aujourd'hui je suis chargée du phoning, je
supervise 40 personnes ; ça peut être amené à
changer. Mais, il faut être patient, c'est lent ! » (Entretien
avec B.A, effectué le 24/12/2014, Ouagadougou).
Effectivement, ce n'est pas évident pour un agent de
pouvoir espérer à une quelconque évolution au sein de la
boite du fait d'une saturation de l'espace de mobilité.
C'est ce qui amène certains agents à se plaire dans
leurs conditions actuelles en attendant, car selon eux, la promotion
chez Télécel est faite à partir
de « bras longs ». Il faut en effet, comme le
disait le DRH, passer par une certaine politique. Ainsi, il est
difficile voire impossible de quitter une catégorie professionnelle pour
une autre sans avoir recours à un tiers qui pourrait contribuer au
changement de statut de l'agent. C'est ce que montre cet extrait :
«Ils étaient 40 prestataires, et parmi les 40 y a
une qui a été recrutée en tant qu'assistante phoning pour
m'appuyer. Actuellement ils sont 39 prestataires [...]. On n'a pas fait de
test. Non !Je ne peux rien vous dire (rires). La décision vient
d'en haut ! »(Entretien avec B.A, Responsable Phoning,
effectué le 24/12/2014, Ouagadougou).
Lorsque la décision vient d'en haut, on
ne peut que s'y conformer. Ainsi, cet agent a usé de stratégies
pour faire entrer son dossier au niveau du Conseil d'Administration, comme le
disait le DRH. Ceux qui ne peuvent pas en faire autant sont donc dans
l'obligation de « faire avec » en «
attendant » un acte providentiel, ou tout simplement à changer
d'employeur.
Au regard de ce qui a été
présenté ci-dessus, il revient alors qu'à
Télécel, la mobilité professionnelle dépend des
besoins de la boite, mais aussi, de stratégies et du capital social des
individus.C'est ce que nous dit cette employée de la comptabilité
ayant quitté d'un service à un autre tout en changeant de
statut :
« Je suis rentrée à
Télécel parce que j'étais d'abord dans les couloirs de
Télécel et c'est par suite d'un recrutement que je suis
allée au call.J'ai postulé pour la comptabilité. Ça
a marché ; mais je peux dire que c'est parce que j'ai eu quand
même des relations qui m'ont dit voilà on veut des comptables
à Télécel, que j'ai pu déposer ;sinon peut
être que je n'allais pas être au courant de
ça »(Entretien avec S.C effectué le 16/12/2014,
Ouagadougou).
Dans ce contexte d'effritement des marchés internes
dans cette entreprise, nous nous sommes rendu compte que la mobilité
professionnelle relève de plusieurs déterminants dont le plus
important est le capital social.Le capital social est effectivement au coeur
des stratégies des acteurs dans la construction de leur carrière
professionnelle comme nous l'avons démontré plus haut. Nous avons
aussi montré comment le traitement des agents est fait sous forme
dichotomique, dont la raison ne peut être que l'accumulation du profit
par l'employeur au détriment de certains employés qui sont
assujettis à l'autorité d'une autre partie de travailleurs
bénéficiant pleinement des retombées de l'entreprise.
Eu égardà ce qui a présenté dans
ce chapitre, on peut retenir qu'à Télécel Faso, nourrir
l'espoir d'y construire une carrière professionnelle dépend de la
catégorie professionnelle de l'individu. L'entreprise mettant au service
de son personnel permanent les rudiments nécessaires, dont une
rémunération acceptable, donnée à bon
délai avec une protection sociale nettement significative. Un suivi de
la performance de ces agents leur permet de penser un plan de carrière
dans la structure, bien que l'unité de production semble
saturée. Par contre les agents dit prestataires
travaillent dans la précarité, avec un traitement qui laisse
à désirer. Cela explique quelque peu les raisons qui poussent
à la défection de ces derniers, carseuls ceux possédant un
réseau relationnel influant peuvent espérer une
mobilité professionnelle au sein de l'organisation.
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