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Sociologie des carrières professionnelles dans les entreprises privées au Burkina Faso. Cas de Telecel Faso à  Ouagadougou.

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par Antoine SANGUE
Université de Ouagadougou - Maà®trise 2014
  

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IV.2. Conflits interpersonnel et mode de gestion

La question des conflits en milieu de travail a toujours été au coeur des préoccupations de nombre d'universitaires, de professionnels en organisation du travail, aussi bien que des employeurs eux-mêmes. Comment se créent les foyers de tension pouvant aboutir à des conflits entre les agents. De quelles catégories professionnelles appartiennent les agents ? Comment se résolvent ces situations ?

I-1.10. Origine des conflits

Il y a en chaque individu de l'entreprise, un héritage culturel qui fait que le lieu de travail n'est pas un pur milieu de travail, mais le point de rencontre d'une multitude de conceptions et de comportements. Lorsqu'il y a divergences d'interprétation de certains faits pouvant aboutir à des conflits interpersonnels, la production de l'entreprise s'en trouve perturbée. Lorsque les travailleurs d'un même secteur ne s'entendent pas, ils ne peuvent plus collaborer correctement dans le processus de production, et même lorsqu'ils le font, c'est contre leur gré. Ainsi, la prépondérance des conflits influe négativement sur le rendement des travailleurs puisqu'à partir du moment où ils ressentent un certain malaise à collaborer entre collègues, l'engouement au travail diminue.

Les conflits entre collègues de travail sont des faits qui résultent des relations de cohabitation et de collaboration entre ceux-ci. Pour cet agent les conflits se retrouvent à Télécel « comme partout ailleurs.On dit les dents et la langue vivent ensemble mais, par moments peuvent se heurter.[...] Mais ça ne dure pas »(Entretien avec M.S, Agent ADV, effectué le 22/11/2014, Ouagadougou). Les conflits à Télécel sont le résultat de fait plus ou moins anodins. C'est l'interprétation des acteurs qui en donne une certaine dynamique. Selon le DRH,

« on ne prévient jamais un conflit. Il résulte de la nature humaine qui est incertaine. Les types de conflits qu'on rencontre ici sont des conflits de leadership, lorsque la légitimité du supérieur est remise en cause par exemple. Cela résulte du nivellement par le haut, ou lorsque le supérieur a le même niveau avec les agents qu'il coiffe. Il y a aussi le cas de l'insatisfaction liée à la communication interne, du fait qu'on soit dans un environnement où les gens comprennent, ont un niveau intellectuel assez élevé, cela rend les besoins assez complexes. Le manque de communication peut aussi subvenir du climat social qui règne entre les employés » (Entretien avec le DRH, effectué le 16/12/2014, Ouagadougou).

Lors de notre enquête, il ressort que la plupart des agents d'une ancienneté de moins d'un an de contrat en moyenne disent ne pas avoir de problèmes avec leurs collègues de travail vu l'ambiance qui y règne.Dans d'autres cas, les conflits sont des formes de tensions interpersonnelles entre les anciens  qui n'est que l'aboutissement d'une situation de malaise longtemps subsistée dans l'unité de production. Dans un contexte de compétitivité, à prédominance féminine (les femmes occupent 55% de notre échantillon), les conflits résultent de petits faits qui peuvent prendre une certaine ampleur et aboutir à des rixes. C'est le cas de cette téléconseillère :

« Pour lui avoir demandé juste un service qu'elle a refusé. Elle a continué à bouder, parler.... Je dis mais je m'excuse,pourquoi vous continuez ? Comme si elle avait une autre dent avant ca quoi ; je n'ai rien compris. On s'est chamaillé jusqu'à se porter des coups [...] On s'est donné les coups hors du service, les collègues ne se sont pas rendu compte. Parce que personne n'était au courant au tout début. (Entretien avec I.M, Agent call center, effectué le 23/11/2014, Ouagadougou).

Cette situation s'expliquerait par le fait qu'on arrive très difficilement à situer avec précision l'origine des conflits dans les « situations de travail », car étant vécu la plupart du temps sous forme latente. Le travail proprement dit ne sert généralement que de faux-fuyant pour réveiller ces tensions. Etant donné qu'il est scrupuleusement interdit de « manquer de respect à un collègue », certains agents comme ce fut le cas de celle-ci, se règlent les comptesen dehors du service. Lorsque des individus dérogent à ce code de comportement une sanction peut subvenir, allant jusqu'à la rupture du contrat comme le dit cet agent :

« En général ils [les chefs] ne savent même pas ce qui se passe sauf certaines personnes qui veulent se faire remarquer. Et là la hiérarchie quand c'est comme ça, c'est même pas évident qu'on te reconduise, surtoutau niveau des prestataires» (Entretien avec E.O, Agent front office, effectué le 29/11/2014, Ouagadougou).

Les conflits naissent alors de situations pour le moins négligeables ; ils peuvent provenir de petites incompréhensions pour aboutir à des situations regrettables. Mais comment sont-ils résolus ?

I-1.11. Gestion des conflits

A Télécel Faso, il y a des services ou le nombre d'employés est tellement élevé qu'il est difficile de pouvoir gérer toutes les situations ambiantes comme le dit le chef de service du service call center :

« Ce n'est pas aisé parce que c'est beaucoup de monde.Chacun à son comportement, chacun a son caractère, donc il faut essayer de manager, pour comprendre un peu par moment si y a des dérapages dans le comportement.[...] C'est pas facile, c'est clair ; 80 personnes c'est un département»(Entretien avec M.S, Chef de service Call center, effectué le 19/01/2015, Ouagadougou).

Les conflits peuvent naitre aussi par la mise en relation supérieur-subordonné. En général, on demande au supérieur d'être compréhensif, tolérant, cordial et généreux. On lui demande de parler à ses subordonnés de manière poli. Celui-ci peut avoir de l'autorité, de la fermeté et de la rigueur, mais tout en étant poli et « diplomate ». La mise en application de différentes règles de travail peut ainsi créer des conflits, si le supérieur ne s'y prend pas poliment.C'est le cas de cette ancienne téléactrice en désaccord avec son supérieur hiérarchique :

« C'était à propos de l'habillement. Il a dit que j'ai porté une tenue extravagante. [...] Je trouve que même si y a une remarque, on peut faire une remarque verbale, mais pas au point qu'il y ait des attouchements. Et à mon niveau y a eu attouchement. J'en ai référé à la supérieure hiérarchique.Ils ont essayé d'atténuer l'affaire.Sinon il devait être sanctionné» (Entretien avec O.S, Ancien agent call center, effectué le 24/11/2014, Ouagadougou).

Notons du reste que la plupart des conflits amont-aval s'inscrivent dans une logique de contestations des abus de pouvoir et du non-respect des employés subalternes, mais aussi de « l'insubordination ». Toute action subversive d'un subordonné à l'égard de son supérieur est toujours caractérisée d'indiscipline, donc répréhensible. Mais le supérieur, par contre est protégé par sa position hiérarchique qui lui donne un droit d'autorité sur ses subordonnés. Nous pouvons même paraphraser cette sagesse populaire « le pauvre a toujours tort »et dire que dans l'entreprise « le subordonné a toujours tort ». C'est en fait une attitude pour l'autorité de production de protéger ses dépositaires dans les différents services.C'est une façon de persuader les agents à la résignation et au respect de l'autorité des supérieurs, gage d'un bon déroulement du travail coopératif.

Les cas de conflits pour indiscipline ou manquement à certaines règles de l'entreprise conduisent à des sanctions, si la faute de l'auteur est vraiment avérée. Dans ce cas, plusieurs stratégies sont mises en place dans la gestion de ces conflits. Les agents peuvent le gérer en « interne », afin de ne pas « salir l'image » du service avec des questions qui ne rapportent pas de plus-value à la compagnie :

« Quand il y a un conflit, on essaie de gérer ca d'abord entre nous, de discuter. Maintenant, s'il y a pas d'amélioration, je rapporte à la hiérarchie, afin qu'une décision soit prise ;et cette décision, ça peut être l'arrêt du contrat tout simplement » (Entretien avec A.B, Responsable chargée du phoning, effectué le 24/12/2015, Ouagadougou).

Dans d'autres cas, une lettre d'explication est demandée. Cela peut aboutir à des mises à pieds  ou suspension temporaire du contrat de travail sans rétribution pour le temps d'arrêt. Mais il y a aussi d'autres stratégies dont usent les agents entre eux, comme le cas des chauffeurs de véhicule dont un ancien membre en parle :

« Ils ont des sanctions dans leurs conditions.Des mises à pieds de 2 jours, sans salaire. C'est ce qui est écrit dans les contrats.Mais ils n'utilisent pas ça. Qu'est-ce qu'ils font ? Ils savent que dans le mois, ils font sortir presque tous les chauffeurs en missions. [...] C'est les missions qui sauvaient les chauffeurs. Par exemple si c'est une mission d'une journée ou 2 ; pour les missions de 2 jours tu as 60 à 65 mille. Donc si tu as eu çaajouter au salaire, ça bloque quelques trous. Donc on ne te donne plus 2 jours de mise à pieds. Tu es toujours là tu travailles, mais c'est qu'on va bloquer tes missions ; tu vas plus sortir en mission, et si tu ne fais pas attention, tu vas faire 6 mois sans missions. Donc, ça devenait,c'était devenu maintenant une lutte. Chacun essaie de mettre les bâtons dans les roues de l'autre pour qu'on le bloque. Ça veut dire pour aller à une mission, il faut être une lèche botte» (Entretien avec S.J, Ancien chauffeur, effectué le 24/11/2014, Ouagadougou).

On voit d'après les dires de ce enquêté que les conflits peuvent naitre de questions de leadership, mais surtout d'intérêts économiques et professionnels. Pour avoir les avantages auprès de la hiérarchie il faut être à leurs services, collaborer avec ceux-ci ou se conformer impérativement à leur choix, saugrenus soient-ils. C'est en cesensque Elias (2007) disaitque :

« Practical considerations compelled people fromboth groups quiteoften to collaborate. Whilequarrellingtheybecame in fact more and more dependent on eachother, and theirgrowinginterdependence caused them to quarrel. It wasthissimultaneity of antagonism and co-operationwhich gave to this struggle, as to others of thiskind, itspecularcharacter » (Elias2007: 53).

Ainsi, pour résoudre les différents conflits, il ya la méthode formelle qui consiste à appliquer la loi dans toute sa rigueur. Mais étant donné que nous sommes dans un espace où la densité des relations sociales dicte une ligne de conduite, la gestion des conflits est aussi assujettie à des règles informelles.

Un recrutement fondé sur un réseau d'interconnaissance et une initiation professionnelle faite sur le tas, sont illustratifsdu processus d'intégration professionnelle à Télécel Faso. Ce processus est guidé par un corps de normes qui l'encadre. Bien qu'à certains moments, les règles connaissent une certaine flexibilité, il n'en demeure pas moins que concernant la gestion de la clientèle, elles sont appliquées dans toute leur rigueur. Les interactions entre collaborateurs sont de primes abords conciliants, même si parfois des situations conflictuelles font leur apparition. A présent voyons comment l'individu s'accommode aux conditions de travail en vue de la construction de sa carrière professionnelle.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard