V. DEFINITION DES CONCEPTS
v Carrière
Le Lexique de sociologie (2007) définit au sens courant
le concept de carrière comme le parcours professionnel d'un individu.
Pour Hughes (Lexique de Sociologie) la carrière est un processus qui
articule une dimension biographique (les trajectoires des travailleurs) et une
dimension organisationnelle des activités (les filières
d'emploi). Il définit ainsi la carrière comme « une
suite d'alternatives conditionnées par la division du travail,
elle-même évolutive ». Aussi, il indique que la
carrière ne se traduit pas forcément par une ascension sociale
programmée, mais par des séries d'évènements
personnels et professionnels qui influencent la succession des postes et des
emplois occupés par un individu. Dans sa dimension biographique, Hughes
(1996) associe l'âge de l'individu qui est un processus
irréversible de son vécu. En effet, à chaque étape
de l'âge, coïncide également des évènements
dans le cours de l'histoire, marqué par des appartenances à des
institutions et des systèmes sociaux. La dimension organisationnelle
fait référence à la mobilité de l'acteur dans une
matrice sociale donnée, marquée par un dynamisme de changements
technologiques, de changement d'échelles et de mouvements sociaux.
Tréanton (1960) résume le concept comme la vie
de travail qui apparaît comme une suite de seuils, d'étapes, de
bifurcations. Ou mieux, la carrière est cette séquence même
de statuts, de rôles, d'honneur, pour autant que la profession (et non
pas le talent personnel, ni la famille, ni le hasard, ni d'autres
circonstances) en déterminent la chronologie. Ainsi défini, on
s'aperçoit que le concept renvoie à une perspective en
évolution de l'acteur social. Pour ce faire, nous concevons la
carrière professionnelle de l'individu comme un cycle de modification
autant positive que négative de son parcours professionnel, qui a des
effets concrets sur ses conditions socio-économiques.
v Compétences
Le lexique de sociologie définit la compétence
à travers les notions de performances et d'efficacité. Tanguy
(Lexique de Sociologie 2007) dans le cadre des situations de travail, l'utilise
pour désigner les contenus particuliers de chaque qualification dans une
organisation donnée.
Guy le Boterf (2008) conçoit le concept dans une double
dimension. La dimension individuelle et la dimension collective. Les
compétences réelles étant singulières,
spécifique à chaque individu, par rapport à sa formation
initiale. L'analyse des procès de travail fait apparaître la
nécessité pour le professionnel de pouvoir se
référer à des normes et règles de son milieu
professionnel d'appartenance, pour construire avec sécurité et
pertinence, sa propre façon de s'y prendre, sa propre façon
d'agir. La compétence est alors considérée comme une
résultante individuelle, collective et institutionnelle. Si la
compétence résulte nécessairement d'une construction et
d'un engagement personnel, cela ne signifie pas que l'individu est seul
responsable de la production d'une action compétente. Résultant
d'un savoir agir, d'un vouloir agir et d'un pouvoir agir, la production d'une
action compétente relève d'une responsabilité
partagée entre la personne elle-même, le management, le contexte
du travail, (les conditions de travail, les moyens, le système de
classification et de rémunération) et le dispositif de
formation.
En résumé, l'auteur dit qu'une personne est
compétente, si elle:
- sait combiner et mobiliser un ensemble de ressources
pertinentes (connaissances, savoir-faire, qualités, réseaux de
ressources...) ;
- peut gérer un ensemble de situations
professionnelles, chacune d'entre elle définie par une activité
clé, à laquelle sont associées des exigences
professionnelles ou critères de réalisation de
l'activité ;
- peut produire des résultats (services, produits)
satisfaisant à certains critères de performances pour un
destinataire (client, usager).
Mercheirs et Pharo (1989) ont étudié le
problème de la reconnaissance de la compétence. Ils ont
identifié deux aspects essentiels de celle-ci. Un aspect normatif qui
prend en compte les conditions de succès, si l'on admet de
considérer la compétence comme le corrélat de
l'activité efficace menée avec succès. Un aspect cognitif
prenant en compte les connaissances nécessaires mises en oeuvre dans une
activité donnée. Ils proposent un modèle sociologique de
la compétence s'appuyant sur deux idées centrales.
- La compétence est une mise en oeuvre dans des
dispositifs sociaux et c'est le regard normatif sur cette mise en oeuvre qui
reconnaîtra la compétence de l'individu.
- Cette reconnaissance suppose la disposition par l'individu
de connaissancesintellectuelles qu'il possède de façon propre et
qui lui permettent d'obtenir des résultats.
Ils définissent alors trois types de
compétences.
La compétence technique ou juridique se manifestant
lorsque le but prescrit est connu à l'avance ; dans ce cas, il
s'agit de se conformer à une convention préalablement
souhaitée. La compétence tactique qui est celle dont le but est
décrite au cours de l'activité. La compétence
éthique ou esthétique, dont le but est post-écrit, et
requière le jugement d'observateurs.
Concernant notre étude, la compétence sera
perçue comme la mise en oeuvre combinée et
réfléchie de connaissances, de capacités et d'attitudes du
travailleur.
v Capital social
Selon Bourdieu (1980) le capital social est un ensemble de
ressources actuelles ou potentielles qui sont liées à la
possession d'un réseau durable de relations plus ou moins
institutionnalisées d'interconnaissance et d'inter reconnaissance. Le
concept désignerait ainsi l'appartenance à un groupe, comme
ensemble d'agents qui ne sont pas seulement dotés de
propriétés communes, mais sont aussi unis par des liaisons
permanentes et utiles. Le volume du capital social que possède un
individu selon l'auteur dépend d'une part de l'étendue d'un
réseau de liaisons qu'il peut effectivement mobiliser, mais aussi
d'autre part du volume du capital économique, culturel et symbolique
possédé par chacun des éléments de cette liaison,
fondement de leur solidarité.Les réseaux de relations sont le
produit de stratégies d'investissement social consciemment ou
inconsciemment orienté vers l'institution ou la reproduction de
relations sociales. Ce réseau de liaison est constitué de
relations de contingence comme les relations de voisinage, de travail, de
parenté.
v La socialisation
Selon le Dictionnaire de sociologie (Ferréol et al.
2004), le concept désigne en psychologie sociale le processus par lequel
les individus apprennent les modes d'agir et de penser de leur environnement.
Ils intériorisent ces modes en les intégrant à leur
personnalité et deviennent membres du groupe où ils
acquièrent un statut spécifique. La socialisation est donc
à la fois apprentissage et inculcation, mais aussi adaptation
culturelle, intériorisation et incorporation. En sociologie, la notion
renvoie chez Durkheim (Dictionnaire de sociologie, Ferréol et al. 2004)
à l'importance de la conscience collective (transmission d'une
génération à l'autre, des normes et traditions). En
revanche chez Parsons (Dictionnaire de sociologie, Ferréol et al. 2004)
elle renvoie à une adaptation de type fonctionnelle. Bourdieu
(Dictionnaire de sociologie, Ferréol et al. 2004), lui, met en
perspective le concept d'habitus qu'il désigne comme un système
de dispositions durables que l'individu acquière au cours de sa
socialisation.
Toutefois, le concept appréhendé sous l'aspect
professionnel, a été théorisé par Dubar (1991). Se
référant à un article de Hughes (1995) il montre comment
celui-ci considère la socialisation professionnelle du médecin
comme à la fois une initiation, au sens ethnologique, à la
« culture professionnelle » et une conversion, au sens
religieux, de l'individu à une nouvelle identité. Hughes met en
exergue trois mécanismes de la socialisation professionnelle. Le premier
est appelé le passage à travers le miroir qui est
une sorte d'immersion dans la culture professionnelle, inverse de la culture
profane. Le second mécanisme est l'installation dans la
dualité entre le
modèle idéal qui caractérise la
dignité de la profession, son image de marque, sa valorisation
symbolique, et le modèle pratique qui concerne la
réalité. Seule la constitution d'un « groupe de
référence » a la capacité de gestion de cette
dualité. Le dernier mécanisme constitue la solution habituelle de
la phase de conversion ultime et de dualité entre modèle
idéal et normes pratiques. Il concerne
l'ajustement de la conception de soi, impliquant la prise de conscience de ses
capacités physiques, mentales et personnelles avec les chances de
carrières que le professionnel peut raisonnablement escompter dans le
futur.
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