L'impact des revenus pétroliers sur l'économie d'un pays exportateur. Le cas du Gabon.( Télécharger le fichier original )par Sylvain ENGOANG Université Pierre Mendès France de Grenoble II - Master 2 Finalité Recherche en Economie internationale et stratégies d'acteurs 2006 |
DEUXIEME PARTIELE DEVELOPPEMENT DES COMPORTEMENTS RENTIERS QUE L'ON PEUT INFLECHIRAprès avoir engendré la manifestation du syndrome hollandais qui s'est traduite par de graves déséquilibres structurels dans l'économie gabonaise, l'abondance des revenus pétroliers tend à favoriser le développement des comportements rentiers. Selon J.-P. Koutassila (1998), cette notion « fait référence à l'idée d'une disparition des comportements axés sur la production au profit de comportements d'accès aux revenus liés à l'apparition d'une rente »1. En effet, lorsque le seuil d'absorption du capital est déjà atteint, l'afflux de revenus pétroliers supplémentaires entraîne l'amenuisement de l'effort de rigueur dans la gestion des recettes publiques et favorise le développement d'un laxisme budgétaire et l'établissement d'un système de redistribution de la rente, ce qui creuse encore plus les déséquilibres structurels de l'économie. Ces mécanismes vont ensuite s'entretenir d'eux-mêmes si des mesures profondes ne sont pas prises, avec une volonté politique, pour revenir d'une économie de répartition à une économie de production. En tenant compte des stratégies adoptées par les détenteurs du pouvoir étatique pour pérenniser cette « vie facile », la recherche d'une solution efficace pour infléchir les comportements rentiers et revenir à une économie de production devient très problématique. Le troisième chapitre présentera d'abord certaines caractéristiques qui permettent d'identifier l'économie du Gabon comme une économie de rente ; puis, le quatrième chapitre tentera de proposer des solutions pour améliorer la contribution des revenus pétroliers au développement économique et social du Gabon. 27 1 J.-P. Koutassila (1998), « Le syndrome Hollandais : théorie et vérification empirique au Congo et au Cameroun », Centre d'économie du développement (CED), Document de travail, n° 24, p. 5. 28 CHAPITRE IIILES CARACTERISTIQUES D'UNE ECONOMIE DE RENTEEn dépit des programmes d'ajustement structurel (PAS) engagés sous l'égide du Fonds Monétaire International (FMI) et de la Banque Mondiale, le Gabon n'a pas réussi à enrayer le syndrome hollandais. Bien au contraire, l'augmentation des recettes pétrolières a entraîné l'accroissement de la consommation publique et privée, renforçant de plus en plus les déséquilibres structurels de l'économie et la dépendance du pays à l'égard de l'extérieur. Cette situation s'explique par le fait que l'abondance des revenus pétroliers a imprimé sur le fonctionnement de l'économie des comportements rentiers que l'on peut appréhender à travers les caractéristiques suivantes : le laxisme budgétaire et la logique de redistribution. Section 1 : Le laxisme budgétaireLa gestion des ressources de l'Etat au Gabon fait preuve d'un manque de rigueur budgétaire qui entretient le sous-développement économique et social du pays. Ce laxisme budgétaire peut être démontré à travers, d'une part, la multiplication des investissements improductifs qui entraînent le surendettement de l'Etat et, d'autre part, la minimisation de la pression fiscale qui reste étroitement liée à la corruption. Paragraphe 1 : Investissements improductifs et surendettement de l'EtatL'abondance des revenus pétroliers au Gabon a conduit l'Etat à entreprendre d'énormes projets d'investissement, « des éléphants blancs », dont les coûts de réalisation étaient très élevés mais qui se sont avérés improductifs voire inutiles à cause de l'étroitesse du marché intérieur. C'est le cas, par exemple, de « la SOSUHO ; les Ciments du Gabon qui exigent de fortes subventions annuelles ; les hôtels de l'intérieur dont le taux d'occupation est 29 insuffisant »1. Le financement de ces projets a été couvert par la rente pétrolière et par les prêts extérieurs. En effet, grâce à la solvabilité que lui confère les revenus pétroliers, le Gabon a bénéficié de ses créanciers extérieurs des prêts importants qui lui ont permis de soutenir la réalisation de ces grands projets. A terme, le pays est devenu excessivement endetté et le service de la dette freine actuellement toute perspective de diversification de l'économie. Le tableau 8 ci-dessous montre que le ratio d'endettement extérieur du Gabon a atteint 73,22 % du PIB en 1999. Selon la loi des finances rectificative publiée par le Gouvernement gabonais en juillet 2006, le service de la dette afférent à cette année se chiffre à 629,6 milliards de francs CFA2. Ce surendettement du Gabon a conduit son Gouvernement à engager sous l'égide du Fonds Monétaire International (FMI) et de la Banque Mondiale des programmes d'ajustement structurel (PAS) à partir des années 80. Pourtant, une bonne partie des fonds destinés à la réalisation de ces projets a été détournée de son objet par les détenteurs du pouvoir étatique et placée dans des endroits sûrs à l'étranger. Ainsi, réagissant au soutien de la France pour obtenir l'annulation de la dette du Gabon lors du sommet du Groupe des huit pays les plus industrialisés (G8) à Gleneagles, Le Figaro (2005) souligne que « Paris, qui appuie l'effacement de la dette gabonaise, ne semble pas se rendre compte de l'incongruité de la demande »3. Il est à noter que le pays n'est pas éligible à l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE). Tableau 8 : Ratio d'endettement extérieur de l'Etat (en % du PIB)
Source : Estimations de l'auteur sur la base des données de la BEAC (2004) : « Etudes et statistiques », n°287, septembre 2004 ; ainsi que de la DGSEE : « Données statistiques », http://www.stat-gabon.ga/Donnees/index-data.htm, consulté le 10/07/2006. 1 H.A.B. Chambrier (1990) : L'économie du Gabon. Analyse, politiques d'ajustement et d'adaptation, Economica, p. 80. 2 XINHUA (2006) : « Plus de 600 milliards de FCFA pour payer la dette publique en 2006 », http://www.jeuneafrique.com/articleImp.asp?art_cle=XIN60026plusdneeuqi0, consulté le 28/07/2006. 3 P.S.-E (2005) : « La rivalité franco-anglaise en Afrique tourne au détriment de Paris », Le Figaro, 6 juillet 2005, p.3. 30 |
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