4.1.4. Rite de
réparation
Le rite de réparation chez les Baluba du Kasaï
consiste en un rituel organisé par les membres de la famille ou du clan
constitué en une cour populaire pour régler un conflit social de
suite de violations des préceptes de coutumes, ayant engendré ou
pas de conséquences. Ce rite a pour objet le retour à l'harmonie
familiale ou la prévention de dégâts futurs au sein de la
famille ou du clan.
Notre travail n'est pas de reproduire fidèlement
l'intégralité des audiences organisées dans cette culture,
mais plutôt d'illustrer un cas qui montre comment les Baluba arrivent
à résoudre certains conflits sociaux.
· Au cours du deuxième chapitre, nous avons
énuméré quelques conséquences de violations de
coutume chez les Baluba du Kasaï et leurs pratiques thérapeutiques.
Pour illustrer cela, nous avons dit ceci en ce qui concerne la désertion
du toit conjugal : « la désertion du toit conjugal par
une femme mariée, à l'issue d'une dispute, est une contravention
aux coutumes si celle-ci est allée se refugier en dehors de la famille
de son mari. Il est à noter que plusieurs considérations sont
mises en jeu. Peut être elle peut avoir eu des visites des ses
ex-fiancés ou prétendants, elle peut s'exposer à des
nouveaux prétendants etc. Alors si après conseils de ses parents,
elle décide de regagner son foyer, le conseil familial devrait se
réunir pour examiner le cas. Et dans l'entre-temps, le soir c'est tout
le quartier que va crier sur elle en disant « wakupanga
mbuji » ce qui veut dire elle a manqué la chèvre,
car pour réparer elle devrait payer des amendes auprès des ses
belles soeurs qui varient entre l'argent et la chèvre selon le cas et
lors de la cérémonie publique on chante « X wakaya
kuabo kabamulonda, x wakalua muele mabele mulu » ce qui
signifie « X était partie chez elle et on ne l'a jamais
suivie, X est revenue seule avec ses seins en l'air. »
4.1.4.6. Cas Ngala
Ngala est une jeune dame de 30 ans et d'une famille assez
aisée, elle est mariée, mais n'a pas encore eu d'enfants. Son
mari Kelly rentre souvent tard à la maison après avoir
été boire avec ses amis. Ngala en a marre du comportement de son
mari et un jour après une forte dispute, elle se décide de
déserter sa maison pour rentrer chez ses parents.
Une semaine plus tard, après avoir eu des conseils de
sa mère et d'autres membres de sa famille, Ngala décide de
retourner auprès de son mari. Elle y arrive vers les heures du soir et
soudainement, c'est tout le quartier qui entre en effervescence en criant de
partout : « kukululukuluuu, wakupanga mbujieee» qui peut se
traduire par elle a manqué la chèvre, ceci pour dire qu'elle a
échoué et n'a pas pu tenir ; et d'autres chantent
« Ngala Mulumba wakaya kuabu kabamolonda, wakalua wuele mabele mulu
...» qui signifie Ngala Mulumba est partie chez elle et sans être
récupérée par son mari, elle est rentrée toute
seule brandissant les seins.
Ngala va rester pendant près d'une semaine,
renfermée dans sa maison toute couverte de honte. Cette action est
perçue comme un châtiment aux femmes qui désertent leurs
toits conjugaux et une mise en garde contre toutes celles qui en auraient des
intentions.
Analyse du cas Ngala
Cette situation est semblable à celle d'une femme qui,
par sa faute, son mari a déserté le toit conjugal. A ce propos,
il y a une légende chez les Baluba qui explique comment une femme
à la recherche de son mari va rencontrer une vieille divinatrice (kakaji
kakulu) en lui disant : « kakaji kakulu wetuawu kumuenyiku
mbayani awu, nakudia kapasu tshimupela, tshinji tshia kapasu tshiamukuata, et
kakaji kakulu le dit nuakutanda anyi, elle dit non, elle ajoute
nuakuluangana ? La femme dit non, et elle poursuit tshinji ntshia
mpasu ? et la femme dit oui ». Dans cette légende kakaji
kakulu veut savoir si la femme à la recherche de son mari ont eu de
disputes ou se sont bagarrés, et kakaji kakulu n'arrive pas à
concevoir que le mari de cette femme n'ait pu déserter le toit conjugal
seulement à cause d'un grillon ou d'un insecte. Ceci sous-entend qu'il y
a plutôt d'autres causes ayant conduit à la désertion du
mari que la femme n'arrive à s'exprimer.
Ce cas illustre comment les Baluba veillent à
prévenir le danger de séparation de couples et renforcent
l'harmonie dans un foyer. La désertion d'un toit conjugal peut
créer des conflits psychiques dans la vie d'un couple. Ces conflits
peuvent avoir d'autres conséquences graves comme
l'infécondité chez la femme, l'infidélité chez
l'homme et beaucoup d'autres troubles psychiques.
La sanction populaire caractérisée par les
chahuts du quartier et d'autres tribus ou amendes (tshibau) que le
déserteur est appelé à payer constitue le rite de
réparation. Ce rituel ressemble un peu à celui d'une femme
adultère et dont le mari accepte à réintégrer le
toit conjugal et de poursuivre la vie conjugale ensemble, à la seule
différence que dans ce dernier cas la femme est obligée de se
dénuder.
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