4. Etat théorique de la question
« Le cadre théorique sert principalement à
présenter un cadre d'analyse et à généraliser des
relations théoriques déjà prouvées dans d'autres
contextes pour tenter de les appliquer au problème. »
(LARAMÉE ET VALLÉE, 1991)
La théorie de l'accessibilité et
l'accès à l'eau potable
La théorie de l'accessibilité a pour but de
présenter un projet en fonction du service, du temps et du prix.
L'accessibilité est une notion qui rend compte de la plus ou moins
grande facilité avec laquelle on peut accéder à un
service. Appliquée à l'eau potable, elle se décline en
termes de disponibilité de la ressource, de permanence, de distance qui
sépare le ménage de son point d'eau de qualité. En termes
de distance, on entend par accessibilité raisonnable, l'existence d'un
point d'eau potable permanent à une distance inférieure à
deux cents mètres de la concession (OMS, 2003). En termes de coût,
l'accessibilité à l'eau potable est plus difficilement mesurable
puisque le prix de l'eau varie en fonction des villes, des quartiers, des
saisons, du type d'infrastructure, des conditions d'accès et biens
d'autres paramètres sociaux. C'est le cas de notre milieu d'étude
où le prix de l'eau varie selon ces paramètres qui sont
déterminants.
La notion d'accès à l'eau potable est un
indicateur qui représente la quantité et la qualité de
l'eau dont dispose chaque personne par jour. La norme fréquemment
1 Encyclopédie Microsoft Encarta, (2004)
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citée pour la quantité est celle de l'OMS qui
s'établit à 20 litres par personne et par jour pour la
satisfaction de tous les besoins de base. La qualité de l'eau est
d'autant plus importante qu'elle a des implications sur la santé de la
population et particulièrement celle des enfants. D'une manière
générale, l'accès à l'eau potable est un indicateur
de santé très important puisqu'il est avéré que
« plus on dispose d'eau, plus on adopte facilement des mesures
d'hygiène adéquates » (SATTERHWAITTE D., 1995).
La question de l'approvisionnent en eau potable en milieu
rural préoccupe plusieurs auteurs, institutions et l'état
béninois à travers son Ministère de l'Energie et de l'Eau
(MEE). En effet, le MEE avec l'appui des partenaires au développement a
élaboré plusieurs documents. Compte tenu de l'importance du
sujet, des organismes internationaux, institutions caritatives, et autres
personnes morales ou physiques se sont également
intéressés à la question de l'approvisionnement en eau
potable. Il y a aussi d'autres documents qui ont parlé directement du
cas des zones lacustres et de la commune des Aguégués, cadre de
cette étude.
En effet, la (DGH, 2005) à travers son document de
stratégie nationale, a exposé des principes cardinaux : La
décentralisation du processus de décision à travers les
communes. En effet, la loi confère aux communes la production et la
distribution de l'eau1. Ainsi les communes sont maîtres
d'ouvrage donc suffisamment responsables pour prendre toutes les
décisions liées à leur développement. Puis qu'elles
sont plus en contact des populations que l'Etat central, les autorités
communales pourront mieux identifier les besoins de leurs administrés
à l'aide de l'approche participative et de la gestion concertée.
La réduction du prix de revient de l'eau. Ce principe est d'une
importance particulière, car il n'est pas rare de constater que
malgré l'existence d'un point d'eau potable, certaines populations
rurales continuent d'aller vers les eaux souillées. Après
enquête on se rend compte que c'est le prix de l'eau qui les
1 Recueil des lois sur la décentralisation.
15
repousse. Leur pouvoir d'achat ne suffit pas, même si
elles ont la volonté de consommer l'eau de bonne qualité. C'est
pour cela que la stratégie nationale tend vers une réduction
forte du prix de revient de l'eau. Le renforcement de la
déconcentration de l'administration centrale dans son rôle de
régulateur du secteur de l'eau et la promotion du secteur
privé. Cette disposition aidera les communes à mieux
s'outiller pour atteindre les objectifs de développement.
D'un point de vue administratif et territorial, c'est
l'échelon communal qui est le territoire d'exercice de la
compétence en eau potable dans un contexte de préoccupations de
santé publique et d'environnement fortement encadrées par l'Etat.
(TABI et VERDON, 2006). Les modes de gestion relèvent de règles
spécifiques sur le plan réglementaire allant de la régie
directe communale à la concession privée en passant par
l'affermage. Les modes de coopération intercommunale se superposent et
constituent une strate supplémentaire de la configuration
organisationnelle des services publics d'eau. La commune des
Aguégués, voisine de celle de Porto-Novo qui est relativement
plus avancée peut, au nom de l'intercommunalité, en tirer
quelques avantages et inversement.
Quant au (MMEH, 2005), dans son document de politique
nationale de l'eau, il pose la problématique nationale de gestion
intégrée des ressources en eau et ses implications. Il montre
dans ses encadrés que l'eau douce ne représente que 2,5% des
réserves mondiales et fait siens les quatre principes de Dublin qui
stipulent :
Ø L'eau douce est une ressource limitée et
vulnérable, indispensable au maintien de la vie, au développement
et à l'environnement.
Ø Le développement et la gestion de l'eau
doivent se fonder sur une approche participative, impliquant les usagers, les
planificateurs et les décideurs politiques à tous les niveaux.
Ø Les femmes jouent un rôle central dans
l'approvisionnement, la gestion et la préservation de l'eau.
Ø
16
L'eau a une valeur économique dans tous ses usages
concurrentiels et doit être reconnue comme un bien économique.
Cette question est si importante qu'elle a déjà fait l'objet
d'une proposition de loi par les pouvoirs publics.
En effet, la (Commission Nationale de Législation et
de Codification, 2005) a proposé un avant projet de loi qui servira de
balise aux dérives comme l'a souhaité PLATON dans le Livre VII de
son ouvrage Les lois, où il soutient que l'eau est si
nécessaire qu'il faut la protéger avec la loi pour éviter
qu'elle soit corrompue. L'auteur indexe ainsi la pollution et le gaspillage de
l'eau. L'homme doit éviter de souiller l'eau. Mieux, il doit
également l'utiliser rationnellement, car l'eau n'est pas une ressource
illimitée. En effet, l'avant-projet de loi sur le Code de l'eau, dont
l'adoption est actuellement est en cours, sera le bréviaire de tous les
acteurs intervenant dans le secteur de l'eau. A l'instar du document de
politique nationale, ce code rappelle les principes relatifs à la
gestion de l'eau, précise le statut juridique de l'eau et donne les
dispositions générales, institutionnelles, pénales,
prospectives, conservatoires, transitoires et finales sur l'eau. On peut parler
de la gouvernance relative à l'eau
Il est difficile de traiter la question de
l'approvisionnement en eau, sans évoquer les aspects liés
à l'assainissement. Pour éviter la contamination de l'eau
déjà potable, il faudrait maintenir dans le milieu, une certaine
propreté. Mais cela est difficile à observer dans cette zone
d'étude essentiellement lacustre. Selon les recherches (d'OGOUWALE,
2007), en plus de la pollution et du comblement du lac par la jacinthe d'eau
(Paspalum vaginatum), la mauvaise gestion des ordures contribue
à la dégradation environnementale de ce milieu. En effet, les
ordures ménagères sont déposées de façon
anarchique et les déjections humaines sont directement rejetées
dans les eaux par le biais des latrines sur pilotis installées sur le
lac. Cet état de chose est un terrain fertile pour les maladies
liées à l'eau et les épidémies. Par ailleurs, la
pollution et le comblement du lac contribuent à la diminution de la
profondeur de l'eau. Cette
17
situation favorise la pénétration trop intense
des rayons solaires avec absence de stratification thermique. Les
températures de l'eau y sont relativement élevées
(27°C -32°C) et ne correspondent plus à l'optimum
écologique de nombreuses espèces, en l'occurrence les Tilapia,
qui se reproduisent à une température voisine de 23°C
(OGOUWALE, 2007). Plus généralement, cette
élévation de la température a une action négative
sur la croissance de nombre des espèces du lac. Egalement, la faible
profondeur engendre une plus forte turbidité de l'eau, réduisant
ainsi l'activité photosynthétique avec une baisse de la
production primaire. Cette turbidité est aussi préjudiciable
à la vie des poissons car les sédiments en suspension peuvent
colmater les branchies des poissons. Ainsi à long terme, la pêche
qui est l'activité caractéristique de ces populations lacustres
pourrait être menacée (PANA, 2006)
La représentation de (l'UNICEF, 1994) au Bénin
n'est pas tout de même restée indifférente sur la question
puisqu'à travers les conclusions d'une étude qu'elle a
réalisée, l'approche participative semble être l'option la
mieux indiquée. En effet, lorsque les communautés ne sont pas
impliquées depuis le début du processus, elles ne s'approprient
pas les réalisations et par ricochet ne se sentent pas concernées
par l'entretien et le suivi des ouvrages. C'est le cas des premiers forages
réalisés dans la zone lacustre pour lesquels les populations ne
sont pas suffisamment associées au processus de réalisation. Ils
ont été mal entretenus et sont tombés souvent en panne ou
quelques fois négligés.
De même, sur la demande de la Direction de
l'Hydraulique, le (GROUPEMENT BURGEAP-BRGM, 1994), Bureau de Géologie
Appliquée - Bureau de Recherches Géologiques et Minières),
dans son rapport final a fait le point des réalisations d'ouvrages
d'hydraulique villageoise à Sô-Ava et aux Aguégués
suivies d'une organisation de la maintenance et des formations pratiques
données aux comités de gestion.
Quelques années plus tard, sur la demande du
Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement (CCFD)
et le Service de la Charité pour le
18
Développement Intégral de l'Homme (SCDIH),
(KORI-DEVELOPPEMENT, 2005) à travers une étude diagnostique a
relevé les faiblesses de la gestion actuelle et suggéré
des stratégies de gestion efficace et durable de l'eau dans la zone
lacustre.
Les populations sont-elles les seules responsables d'une
telle situation ? Quelle est la part des gouvernants dans la question ? (LE
PROGRAMME MONDIAL POUR L'EVALUATION DES RESSOURCES EN EAU, 2006) semble nous
libérer dans son rapport. En effet, ce rapport met le doigt sur ce qu'il
appelle une « crise de gouvernance » dans la gestion des ressources
mondiales en eau. Il critique le silence coupable des gouvernants parce que les
ressources en eau s'amenuisent pendant que la population mondiale augmente
à une vitesse exponentielle. Le cas de la présente étude
est bien édifiant. La population des Aguégués est
passée de 21 904 habitants en 1992 (INSAE) à 30 456 en 2008
(Projection INSAE). Cela interpelle vraiment l'attention de tous et surtout les
gouvernants, car cette population a augmentée de près du tiers en
une quinzaine d'années seulement. Alors, cette pression
démographique doit être accompagnée par la
réalisation des infrastructures adéquates pour un bon
épanouissement humain durable. La priorité serait ici les
équipements de survie comme les ouvrages hydrauliques.
En dehors de ce qui précède, (LE BARBE et al
1993) font l'inventaire des ressources en eau superficielle et évalue
les paramètres nécessaires à leur mise en valeur. C'est le
cas de la zone lacustre des Aguégués.
Enfin, l'aspect gestion pérenne des ouvrages
d'approvisionnement en eau potable préoccupe plusieurs auteurs.
Après la gestion communautaire qui a montré ses limites (DGEau,
2006), la tendance actuelle dans les communes, c'est la gestion
professionnalisée (affermage). Une gestion similaire s'observe à
Nantes en France, c'est le triptyque « élu-manager-usager »
(TABI et VERDON, 2006). En effet,
Ø L'opérateur (le manager) est strictement dans un
rôle de production et de
19
prestataire de service, il doit justifier de son action d'un
point de vue commercial et respecter l'ensemble des critères de service
définis vis à vis de l'usager, il doit rendre compte des
résultats en termes d'efficacité et d'efficience à
l'acteur politique, autorité-organisatrice. Il peut être
assimilé au fermier ;
Ø L'usager est considéré comme
partie-prenante de l'action, il n'est donc pas réduit à son
statut officiel de « client » hérité de la
démarche qualité, mais il est aussi évaluateur. Il est
destinataire réglementaire du bilan d'activité, des
résultats d'analyse d'eau. Il est celui qui paye et doit donc être
convaincu de payer le juste prix, il est par ailleurs citoyen et à ce
titre concerné par le contenu du service public et ses modalités
de fonctionnement. Il est assimilé à l'usager ou au consommateur
;
Ø L'élu est l'autorité publique
légitime, l'acteur stratège qui conçoit le contenu et le
niveau des missions de service public d'eau en concertation avec les autres
acteurs du système, et celui qui décide. Il s'inscrit aussi dans
le rôle de représentant du citoyen et de garant de
l'intérêt général. A ce titre, il doit rendre compte
de son action à l'usager qu'il dessert sur son territoire et être
capable d'en apprécier la pertinence sur la base d'informations
dédiées. Il est assimilé aux élus locaux (la
mairie).
Les recherches envisagées dans le cadre du
présent mémoire, permettront d'élucider les questions
relatives à l'approvisionnement en eau potable dans la commune des
Aguégués.
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