2.7 Mécanismes de résistance:
L'amélioration de la résistance des plantes
cultivées aux parasites constitue un objectif majeur de la plupart des
programmes de sélection génétique. Une bonne connaissance
et une conservation adéquate des ressources génétiques,
associées à une gestion raisonnée des gènes de
résistance identifiés, apparaissent comme des
éléments clefs dans la poursuite de cet objectif.
Parmi les mécanismes de résistance des plantes
aux micro-organismes, la « résistance non hôte »
est la situation la plus commune. Elle met en jeu divers
mécanismes (i) constitutifs dont les barrières physico-chimiques
qui empêchent la pénétration du pathogène ou (ii)
inductibles de diverses natures qui impliquent des peptides, des
protéines, et autres métabolites dont les saponines qui
dégradent les stérols membranaires des micro-organismes (Osbourn,
1996).
La plante réagit très tôt à la
tentative d'invasion des agents pathogènes. Les mécanismes de
défense induits chez le végétal se caractérisent
par un bouleversement du métabolisme. On note ainsi la synthèse
ou l'augmentation de la synthèse de molécules constitutives ou
non de la plante, pouvant entrainer des modifications morphologiques visant
essentiellement à empêcher ou à stopper la colonisation du
pathogène. Plusieurs mécanismes de défense sont mis en
place au moment de l'infection ou de l'élicitation.
Mlle HADJ BRAHIM Mouna ANALYSE BIBLIOGRAPHIQUE
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Mlle HADJ BRAHIM Mouna ANALYSE BIBLIOGRAPHIQUE
On note ainsi:
1) Une réaction d'hypersensibilité qui se
traduit par l'apparition de nécrose des tissus végétaux
autour du site d'infection. Cette nécrose, due à la mort des
cellules entourant les cellules infectées, induit une résistance
locale ;
2) Un renforcement de la paroi qui constitue une des
premières étapes de lutte contre les agressions. Une modification
de cette paroi limite la progression de l'agresseur et favorise la
résistance d'une plante à un agent pathogène
3) L'accumulation de protéines PR
4) La synthèse de peptides antimicrobiens tels que les
thionines et les défensines
5) L'induction des voies de synthèse des
métabolites secondaires (les flavonoïdes, l'isoflavonoïdes,
les anthocyanines...).
Facteurs génétiques influençant la
résistance des plantes: s Coévolution des deux
adversaires:
Le modèle Zig-Zag, représente de manière
schématique l'évolution simultanée des protéines
végétales et des protéines bactériennes, au cours
du temps, ainsi que leurs conséquences pour la plante :
résistance ou maladie (Jones and Dangl, 2006) (figure 2). Les plantes
peuvent détecter des motifs conservés chez les agents
pathogènes (appelés PAMPs) via les récepteurs membranaires
(Zipfel and Felix, 2005), et mettre en place la résistance basale (PTI,
PAMP-Triggered Immunity). Un des exemples les plus étudiés
concerne la reconnaissance de la flagelline, constituant principal du flagelle
bactérien. Chez Arabidopsis, la perception se fait via FLS2
(Flagellin Sensing 2), un récepteur PRR (Pattern Recognition Receptor).
FLS2 présente les caractéristiques d'un récepteur-kinase:
domaine LRR extracellulaire potentiellement impliqué dans les
interactions protéine-protéine, domaine transmembranaire et
domaine Ser/Thr kinase cytoplasmique. L'activation de FLS2 induit alors la
production d'espèces réactives de l'oxygène, le
déclenchement de cascades d'activation de MAP kinases ou encore
l'activation de gènes de défense (Asai et al., 2002; Zipfel et
al., 2004) .
La reconnaissance des PAMPs par la plante aboutit donc
à une résistance appelée PTI (PAMP-Triggerd Immunity).
Celle-ci peut être contournée par les bactéries
21
phytopathogènes via l'injection d'effecteurs dans la
cellule de la plante hôte, résultant en une sensibilité de
la plante (ETS, Effector-Triggered Susceptibility). La plante développe
alors à son tour, une protéine de résistance (R) qui
reconnaît l'un de ces effecteurs et qui déclenche la
résistance spécifique, souvent accompagnée d'une HR (ETI,
Effector-Triggered Immunity). Enfin, au cours de l'évolution, les
pathogènes modifient l'effecteur reconnu par la plante et gagnent
éventuellement d'autres effecteurs afin de contourner la surveillance
mise en place par la plante. Chez la plante, la sélection favorise de
nouveaux allèles de gènes R, capables de reconnaître ces
nouveaux effecteurs, résultant en une résistance
spécifique.
Figure 2: Le modèle de
résistance Zig-zag d'après (Jones and Dangl, 2006)
s Les effecteurs des bactéries
phytopathogènes :
Le système de sécrétion de type III (Type
Three Secretion System, TTSS) est le plus fréquemment employé par
les bactéries phytopathogènes pour l'injection d'effecteurs
(Alfano and Collmer, 2004; Buttner and Bonas, 2002; He et al., 2004; Yip and
Strynadka, 2006). Il s'agit d'un complexe multiprotéique assemblé
sous la forme d'une «seringue» transmembranaire, qui permet
l'injection de protéines bactériennes, appelés effecteurs
de type III, directement à l'intérieur de la cellule de
l'hôte. Le TTSS et les protéines injectées sont donc
essentiels pour la multiplication de la bactérie dans les tissus
végétaux et le développement de la maladie (Bender et al.,
1999; Buttner and
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Bonas, 2002; Kjemtrup et al., 2000). Deux grands rôles
peuvent être attribués à ces effecteurs : participer
à la libération de nutriments favorisant le développement
de l'agent pathogène, ou interférer avec le métabolisme de
la plante pour inhiber ses mécanismes de défense (Abramovitch and
Martin, 2004; Truman et al., 2006). Afin d'assurer un bon développement
de l'agent pathogène dans la plante hôte, les effecteurs
bactériens ciblent fréquemment des protéines
végétales impliquées dans les voies de transduction du
signal menant à la résistance. La figure 3 montre un exemple de
différents évènements de signalisation se déroulant
dans la plante hôte et étant ciblés par certains effecteurs
de Pseudomonas syringae (Boller and He, 2009).
s Gènes d'avirulence chez les pathogènes
Avr
Ces gènes sont très variables. D'une
espèce à l'autre les protéines Avr ne présentent
pas entre elles de similitudes de séquence. Le gène Avr
lui-même peut être reconnu par R, par exemple pour le couple
AvrPto, et AvrPtoB de Pseudomonas syringae avec les protéines
Pto, Api2, Api3, et Api4 de la tomate (Bogdanove and Martin, 2000; Kim et al.,
2002; Tang et al., 1996). Il est aussi envisagé que le produit du
gène Avr s'associe à un ligand et que le complexe formé
soit reconnu par le produit du gène R correspondant tel le cas de
l'interaction entre AvrRpm1 de Pseudomonas syringae avec Rin4
d'Arabisospsis thaliana qui à son tour se lie avec Rpm1. La
pérennité des gènes Avr réside dans leur
ambivalence ; il a été démontré qu'ils avaient un
effet positif sur la virulence chez des plantes hôtes qui ne
possèdent pas le gène R correspondant (Kjemtrup et al., 2000).
Des approches de ciblage génétique et
bioinformatique suggèrent que les effecteurs de P. syringae
sont localisés au niveau des chloroplastes et des mitochondries des
cellules hôtes (Guttman et al., 2002), ceci est probablement le
résultat de l'origine commune, des mécanismes du système
de sécrétion de type III chez les chloroplastes, et les
mitochondries. Ces chloroplastes ont montré une ultrastructure
modifiée durant l'infection par P. syringae (Levine et al.,
1996), ce qui peut être important pour l'arrangement du
développement des symptômes. En outre, les chloroplastes sont le
site de synthèse de l'acide salicylique, le signal de défense,
donc il est vraisemblable que
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certains effecteurs ciblent les chlorophylles, et
altèrent la production d'acide salicylique et/ou autres aspects de ses
fonctions.
s Gènes de résistance des
végétaux R
Selon le modèle de Flor, les plantes possèdent
des protéines de résistance capables de reconnaître un
ligand, puis de transmettre un signal associé afin d'initier les
réponses de défense (Flor, 1971). Les premières
protéines R ont été identifiées sur la base de leur
fonction, elles sont nécessaires à la résistance d'un
génotype donné à une race d'agent pathogène
donnée, et leur absence rend la plante correspondante sensible.
Malgré le large spectre de résistance
assuré par les protéines R (résistance aux
bactéries, champignons, oomycètes, virus, insectes et
nématodes), celles-ci peuvent être classées en seulement
cinq grandes classes sur la base de critères structuraux (Dangl and
Jones, 2001) :
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Tableau 4: Les classes des gènes de
résistance chez les plantes
s Mode de reconnaissance des gènes
R/Avr
Le modèle génétique le plus simple
d'interaction entre les facteurs d'avirulence (Avr) et les produits des
gènes de résistance (R) est le modèle
«gène-pour-gène»(Flor, 1971).
Ce modèle prédit que la résistance
spécifique ou `race-cultivar' se caractérise par l'action
concertée de deux gènes dominants : le gène de
résistance (R) chez la plante et le gène d'avirulence (Avr)
spécifique correspondant chez l'agent pathogène. Lorsque
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les deux gènes sont présents et fonctionnels,
l'agent pathogène ne peut pas se développer, l'interaction est
dite incompatible, dans tous les autres cas, la maladie se développe. En
raison des similarités de structure entre les protéines R et les
récepteurs, la reconnaissance R/Avr a longtemps été
expliquée, au niveau biochimique, par un modèle de type
Récepteur-Ligand. Cependant, malgré une recherche active pour
valider ce modèle, une interaction physique directe entre un facteur
d'avirulence et une protéine de résistance n'a pu être
démontrée que dans un nombre très limité de cas.
Ainsi on peut citer deux exemples : la protéine de résistance
Pita interagit avec le facteur d'avirulence AvrPita dans le pathosystème
Riz/Magnaporthe grisea (Jia et al., 2000), et RRS1 interagit avec la
protéine d'avirulence PopP2 dans le pathosystème
Arabidopsis/Ralstonia solanacearum (Deslandes et al., 2003).
Un autre modèle, basé sur de nombreuses
données expérimentales, a donc été proposé
et appelé « modèle de garde » (van der Biezen and
Jones, 1998). Ce modèle place les protéines de résistance
comme des «antennes moléculaires» qui enregistrent les
interactions entre les facteurs d'avirulence et leurs cibles dans la cellule
hôte (Hammond-Kosack and Parker, 2003). La protéine de
résistance ne reconnaît pas directement le facteur d'avirulence
mais la modification d'une autre protéine ciblée par le facteur
d'avirulence. On dit que la protéine R «garde » une
protéine végétale donnée dont elle surveille les
modifications (Dangl and Jones, 2001).
Le modèle de garde peut être illustré au
cours de l'interaction entre des plantes d'Arabidopsis exprimant le
gène de résistance RPM1(Résistance à
Pseudomonas syringae pv. maculicola 1) et des souches de
Pseudomonas syringae exprimant les facteurs d'avirulence AvrRpm1 et
AvrB (Holt et al., 2003). Aucune interaction directe entre Rpm1 et AvrRpm1 ou
AvrB n'a pu être mise en évidence mais la protéine RIN4
(Rpm1 Interactor 4) interagirait avec ces trois protéines. Le complexe
RPM1-RIN4 est présent constitutivement chez Arabidopsis et
l'entrée d'AvrRpm1 dans le cytoplasme de la cellule hôte engendre
une hyper-phosphorylation de RIN4 qui est reconnue par RPM1, ce qui va
déclencher la résistance (Mackey et al., 2002). RIN4 interagit
également avec la protéine de résistance RPS2
(Résistance à Pseudomonas syringaepv. tomato2)
qui est complémentaire du facteur d'avirulence AvrRpt2 (Belkhadir et
al., 2004). Le complexe RPS2-RIN4 est présent constitutivement chez
Arabidopsis et
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l'entrée d'AvrRpt2 dans le cytoplasme de la cellule
hôte engendre la disparition de RIN4 par protéolyse
(Schulze-Lefert and Bieri, 2005), RPS2 est alors activé.
De même le gène Pto confère la
résistance à Pseudomonas syringae pv. Tomato
chez la tomate (Martin et al., 1993), c'est une sérine/thréonine
protéine kinase qui reconnait deux effecteurs de Pseudomonas
syringae, AvrPto et AvrPtoB (Abramovitch and Martin, 2005).
L'activité de Pto requiert la présence de Prf, une
protéine à domaine NB-LRR, l'association des deux
déclenchant les mécanismes de défense (Mucyn et al.,
2006).
? Translocation du signal initié par la
reconnaissance spécifique
Après l'étape de reconnaissance
spécifique de l'agent pathogène par la plante, des cascades de
transduction du signal vont permettre d'acheminer cette information jusqu'au
noyau, conduisant ainsi à la mise en place des mécanismes de
résistance. Ces voies de transduction utilisent de nombreux messagers
secondaires impliqués dans un réseau de voies
interconnectées. La régulation des mécanismes de
défense spécifique s'effectue à différents niveaux.
Le premier niveau de régulation se situe lors de la reconnaissance
spécifique entre la plante et le pathogène. Cette étape
implique un dialogue moléculaire qui aura des conséquences
multiples dans la cellule végétale. Ensuite, les réponses
de défense sont régulées par des évènements
précoces qui découlent de la reconnaissance spécifique :
modifications des flux ioniques, production de formes actives de
l'oxygène, accumulation de SA, activation de certains loci, (Lamb and
Dixon, 1997; Mur et al., 2008; Simon et al., 2010). Enfin, plusieurs hormones
jouent un rôle important dans le contrôle de la défense. Ces
différentes étapes sont illustrées dans la figure 3.
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Figure 3: Evènement précoces
suite à la reconnaissance spécifique.
La reconnaissance R/Avr déclenche des flux ioniques, et
en particulier une modification de la concentration en Ca2+ cytosolique qui
active la production des ROS. Les ROS vont induire des cascades de MAPK qui
permettent l'activation de facteurs de transcription. Ces derniers vont activer
des gènes de défense. La HR, qui accompagne fréquemment la
résistance spécifique, est induite par les flux ioniques ainsi
que par une balance entre ROS et NO. Tous les évènements
précoces mènent à la résistance de la plante.
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