IV. REVUE DE LITTERATURE
1. LA GOUVERNANCE D'ENTREPRISE
A. Un peu d'histoire
La notion gouvernance d'entreprise (GE) est apparue dès
l'arrivée du commerce lointain, avec les transports de marchandises, par
caravanes ou par navires.
Lorsqu'une entreprise est dirigée par son fondateur et
que cette même entreprise finance sa croissance avec en fonds propres,
les problèmes de gouvernance ne se posent pas, ou de manière
très réduite et interne.
En revanche, la GE est devenue indispensable lorsque, dans une
organisation, il coexistait un commanditaire apporteur de capitaux, et un
commandité gestionnaire ou entrepreneur. La Compagnie des Indes en 1600,
en est une image, avec deux instances en présence « La Cour des
Propriétaires », dotée de pouvoirs d'orientation et de
régulation, et « La Cour des Directeurs » élue par la
Cour des Propriétaires et chargée de l'exécutif de la
Compagnie (Thiévaud, 1994, cité par Roland Pérez,
2009).
Le fort développement industriel de la fin des XVIIIe
et XIXe siècles a nécessité beaucoup de capitaux pour
faire face aux investissements industriels. Cette époque marque bien
cette dissociation entre les détenteurs de droits patrimoniaux et les
responsables managériaux. Les problématiques de la GE y trouvent
leurs fondements et les conflits entre commanditaires et commandités y
sont très marqués, malgré l'apport des
sociétés anonymes qui a tenté de les canaliser en
précisant les prérogatives de chacun, au travers le dispositif
institutionnel de la GE. Les comportements des deux parties ne peuvent par
contre pas leur être dictés par des règlements.
« La théorie de la gouvernance n'a pas pour
objet d'étudier la façon dont les dirigeants gouvernent,
c'est-à-dire le management. Elle a pour champ d'investigation la
régulation des dirigeants, l'hypothèse implicite étant que
ces derniers jouent un rôle substantiel dans les performances des
entreprises et, par suite, des économies nationales. » (G.
CHARREAUX, 2011)
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C'est aux USA que la GE est bien ancrée dans la vie
économique et sociale avec, suivant les périodes historiques, une
mise en avant des droits de l'une ou l'autre des parties. D'un
côté le droit fondamental de propriété visant
à mettre en place des dispositifs pour que le propriétaire ne
soit pas lésé. D'autre part, l'esprit d'entreprise cherchant
à faciliter la tâche des managers dans leurs initiatives pour
développer l'entreprise qui leur a été confiée.
C'est ainsi que sur le dernier siècle, l'ère des
managers, avec l'emprise des dirigeants salariés dans les grands
groupes, a laissé la place à la GE tournée vers les
actionnaires. Roland Pérez (2009), cite notamment les travaux de
Agliétta (1997) dont la thèse pose la première pierre de
la théorie de la régulation. La GE moderne se mettra donc en
place et avec celle-ci une augmentation de la vigilance des actionnaires
à travers notamment des groupes de défenses et la puissance des
fonds de pensions, très important dans ce pays avec un système de
retraite par capitalisation. L'activisme actionnarial mettra en demeure les
dirigeants des sociétés cotées pour plus de transparence
et infléchir leur gestion dans un sens plus favorable aux actionnaires.
Paradoxalement pourtant, les USA connaîtront plus tard les plus grandes
dérives d'excès, en ne citant que l'affaire Enrom en 2001 et les
subprimes en 2008.
Encore une fois, malgré des dispositifs
institutionnels, présumés garantir l'apparition de conflits, les
dérives comportementales l'emporteront sur la raison.
« Le problème dont traite la gouvernance
s'inscrit ainsi, à l'origine, dans une perspective disciplinaire visant
à définir les « règles du jeu managérial
» ». (G. CHARREAUX, 2011)
Les USA ne sont bien sûr pas le seul pays s'étant
posé des problématiques de GE et ayant subi des dérives
comportementales.
Roland Pérez dresse un rapide portrait de la GE dans le
reste du monde, avec en fonction des cultures et des systèmes
politiques, des particularités spécifiques. Ainsi l'Europe
Anglo-Saxonne, proche culturellement des USA, pratique les mêmes modes de
GE. Le modèle Rhénan favorise un modèle banque/industrie
et un investissement fort des landes, comme c'est l'exemple avec le groupe
Volkswagen en Basse-Saxe.
En France la GE est très influencée par
l'implication des services de l'état dans la régulation. De la
formation des élites (ENA), passant durant leur carrière du
public au privé ou du contrôle des entreprises par le biais de la
Direction Générale des Impôts, des CCI et CMA,
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l'état est très présent. La GE «
à la française » est aussi très influencée par
le système de retraite basé sur la répartition et non la
capitalisation comme dans le système Anglo-Saxon. Les vagues de
nationalisations suivies de privatisations sont aussi une
spécificité Française.
Pérez fait un point particulier sur la GE en
région Méditerranéenne qui, de par sa culture et sa
géographie, présentait des modes de GE très empreints de
relations interpersonnelles (famille élargie). Ce modèle, qui a
pu être jugé comme archaïque, trouve aujourd'hui son
écho lorsque l'on parle de la confiance et la réputation dans
certains modèles de GE.
Dans le reste du monde, des similitudes existent avec
l'Europe, dues à des systèmes économiques proches, comme
au Japon (proche du système Rhénan), en Afrique et au
Moyen-Orient avec des modes de GE basés sur la confiance et les
relations humaines. Ces modèles de GE (Afrique ou Moyen-Orient),
semblant simplistes sont parfois très sophistiqués.
Pour résumer, on trouve 4 grandes familles de GE
(Pérez, 2009) :
? Modèle boursier, régulé par les
marchés financiers
? Modèle partenarial, régulé par les
partenaires économiques
? Modèle administré, régulé par les
pouvoirs publics
? Modèle réticulaire, régulé par les
réseaux interpersonnels et les partenaires sociaux
A noter que ces formes de GE peuvent, suivant les pays,
s'alterner en fonction du contexte et des périodes de l'histoire.
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