III - Discussion
L'application de la règle de base en qualité est
l'une des raisons qui nous ont conduits à penser ce travail de
recherche. En effet, il est de règle dans la gestion de la
qualité d'être en quête du meilleur produit possible ;
d'où le cigle : PDCA (Plan - Do - Check - Act). Détecter les
risques d'une mauvaise indemnisation des préjudices liés au
dommage corporel dans un pays en voie de développement comme le
Bénin est un point d'entrée pertinent dans le cycle du
« PDCA ». Etant donné que le Bénin est une
ancienne colonie de la France et qu'il a hérité de ce fait d'une
partie de son système législatif, nous avons pensé qu'il
serait bien de comparer le système de réparation du dommage
corporel de ces deux pays. Les résultats de cette comparaison permettent
d'identifier quelques différences.
Il ressort de la comparaison des deux systèmes sur la
base des caractéristiques fondamentales d'une bonne réparation du
dommage corporel que les deux systèmes sont globalement bien
organisés. Néanmoins le Code CIMA ne pose pas clairement les
règles d'indemnisation sous forme de rente ou de capital
[43]. Ce défaut dans la réglementation de
l'indemnisation est d'une importance capital quand on sait qu'au Bénin,
85% de la population travaillent dans le secteur informel et
que ceux-ci se rabattent prioritairement sur les mutuelles et assurances
privées pour couvrir leurs risques sanitaires ''[16,
32]. Le niveau de vie de cette tranche de la population
[50] n'autorise pas des défaillances dans les
règles d'indemnisation des préjudices.
La comparaison des outils d'organisation de l'intervention des
tiers payeurs dans les deux systèmes ayant donné un
résultat globalement encourageant, il serait bénéfique que
les autorités continuent d'oeuvre dans ce sens. Néanmoins, ces
résultats encourageants sont impactés par d'autres
défaillances dans les systèmes.
En effet, la comparaison de la nomenclature des postes de
préjudices indemnisables permet de constater qu'il y a moins de postes
de préjudices indemnisables dans le système béninois que
dans le système Français. A ce titre, le Code CIMA semble ne pas
prendre en compte les avancées technologiques de notre temps
[51] quand il ne prévoie pas clairement d'indemniser
les postes comme : les frais de logement adapté, les frais de
véhicule adapté. Le Code CIMA doit aussi évoluer sur la
limitation de l'intervention d'une tierce personne à un taux
d'incapacité permanente supérieur ou égal à 80%. En
effet, le poste de la tierce personne est un poste d'une importance capital
dans la réparation du dommage corporel ''[52]. Si nous
prenons l'exemple de quelqu'un qui subi l'amputation de sa main dominante, le
taux prévu par le barème du Code CIMA est de 50% ; cette
personne peut justifier la nécessité d'avoir une tierce personne
pour l'aider dans certaines tâches quotidiennes - ce qui ne serait pas
recevable dans les conditions actuelles du Code. Il y a aussi des reformes
à entreprendre quant à l'indemnisation des pertes de revenus des
proches de la victime survivante, surtout dans un pays comme le Bénin
où l'hospitalisation d'un membre de la famille nécessite
l'assistance des proches pendant toute la durée de l'hospitalisation.
Outre les postes de préjudices, la comparaison des
barèmes suggère des différences de significativités
différentes. En général, sur la base des seules
différences significatives, l'on peut penser que le barème du
Code CIMA est plus « généreux » ; mais
il ne faut pas s'y méprendre car c'est tout le système
d'évaluation et d'indemnisation qu'il faut prendre en compte. Aussi le
barème du Code CIMA est-il fondé en général sur des
documents des années 70 ; ce qui peut être à l'origine
de certaines différences avec les autres barèmes - la
médecine ayant significativement évoluée depuis. En plus
des différences des taux d'incapacité, l'inexistence de
correspondance d'évaluation de certaines atteintes à
l'intégrité d'un barème à l'autre ne plaide pas en
faveur des barèmes. En effet les barèmes ne recueillent pas
l'adhésion de tous les acteurs de la réparation du dommage
corporel. Ainsi il est écrit, dans le recueil méthodologique des
Cours d'Appel, ce qui suit : « Le barème qui est
forfaitaire et abstrait est contraire à nos principes juridiques et
notamment à 'indemnisation in concreto. Il subordonne le juge à
l'expert alors qu'en droit français, les conclusions de l'expert ne sont
qu'une aide à la décision du juge qui conserve sa pleine et
totale liberté d'appréciation personnelle et n'est jamais
lié par les conclusions de l'expert. En outre, le barème est
rigide et figé et peut devenir obsolète. »
[25]. En réalité, le barème peut devenir
contre productif lorsqu'il s'impose, malgré ses lacunes, au juge comme
il est recommandé dans le quatorzième bulletin officiel de la
CIMA [53].D'aucuns caressent le rêve de voir un jour
naitre un barème unique d'évaluation des atteintes à
l'intégrité physique et psychique [54]. Ce
rêve n'est pas dépourvu de bon sens, si on part du postulat que
les Hommes sont égaux [31, 55]. Toutefois, les
médecins intervenant dans l'évaluation du dommage corporel
doivent faire preuve de professionnalisme en conformité avec les codes
de déontologie --'--'''[56, 57].
Il faut reconnaître que les barèmes ne sont pas
les seuls outils qui ne font pas l'unanimité en matière de
réparation du dommage corporel ; les référentiels
d'indemnisations soulèvent d'avantage de débat '''[17,
18, 58, 59]. Ces débats concernent en général les
limites qu'imposent les politiques de contrôles des coûts et des
dépenses indemnitaires au principe de la réparation in concreto.
Malheureusement, les résultats issus de la comparaison des
référentiels d'indemnisation des systèmes français
et béninois de réparation du dommage corporel n'argumentent pas
en défaveur de ces référentiels. Prenons le cas du
référentiel d'indemnisation du Code CIMA ; les
indemnités sont fixées sur la base d'un plafond tenant compte du
salaire minimum. Si une victime a besoin d'un véhicule adapté, ce
n'est pas sûr qu'il parvienne à s'en procurer avec les plafonds
d'indemnités qui sont allouées. La peur de l'incertain et les
contraintes budgétaires des assureurs et des autres organismes payeurs
semblent mettre à mal l'indemnisation [53].
Ces organismes et institutions qui interviennent dans
l'évaluation des préjudices et l'indemnisation des victimes sont
plus nombreux en France qu'au Bénin. Ceci peut s'expliquer par le
passage de la demande de santé à la demande de
sécurité [60].
Somme toute, il reste et il restera encore à faire pour
une meilleure réparation des préjudices liés au dommage
corporel '[61] ; la règle du
« PDCA » restera toujours d'actualité en la
matière.
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