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Gestion des risques en expertise. Approche comparée des outils de réparation du dommage corporel au Bénin et en France.

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par Lionel M. KEKE
Université de Lorraine - Capacité de pratiques médico-judiciaires  2015
  

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III - Discussion

L'application de la règle de base en qualité est l'une des raisons qui nous ont conduits à penser ce travail de recherche. En effet, il est de règle dans la gestion de la qualité d'être en quête du meilleur produit possible ; d'où le cigle : PDCA (Plan - Do - Check - Act). Détecter les risques d'une mauvaise indemnisation des préjudices liés au dommage corporel dans un pays en voie de développement comme le Bénin est un point d'entrée pertinent dans le cycle du « PDCA ». Etant donné que le Bénin est une ancienne colonie de la France et qu'il a hérité de ce fait d'une partie de son système législatif, nous avons pensé qu'il serait bien de comparer le système de réparation du dommage corporel de ces deux pays. Les résultats de cette comparaison permettent d'identifier quelques différences.

Il ressort de la comparaison des deux systèmes sur la base des caractéristiques fondamentales d'une bonne réparation du dommage corporel que les deux systèmes sont globalement bien organisés. Néanmoins le Code CIMA ne pose pas clairement les règles d'indemnisation sous forme de rente ou de capital [43]. Ce défaut dans la réglementation de l'indemnisation est d'une importance capital quand on sait qu'au Bénin, 85% de la population travaillent dans le secteur informel et que ceux-ci se rabattent prioritairement sur les mutuelles et assurances privées pour couvrir leurs risques sanitaires ''[16, 32]. Le niveau de vie de cette tranche de la population [50] n'autorise pas des défaillances dans les règles d'indemnisation des préjudices.

La comparaison des outils d'organisation de l'intervention des tiers payeurs dans les deux systèmes ayant donné un résultat globalement encourageant, il serait bénéfique que les autorités continuent d'oeuvre dans ce sens. Néanmoins, ces résultats encourageants sont impactés par d'autres défaillances dans les systèmes.

En effet, la comparaison de la nomenclature des postes de préjudices indemnisables permet de constater qu'il y a moins de postes de préjudices indemnisables dans le système béninois que dans le système Français. A ce titre, le Code CIMA semble ne pas prendre en compte les avancées technologiques de notre temps [51] quand il ne prévoie pas clairement d'indemniser les postes comme : les frais de logement adapté, les frais de véhicule adapté. Le Code CIMA doit aussi évoluer sur la limitation de l'intervention d'une tierce personne à un taux d'incapacité permanente supérieur ou égal à 80%. En effet, le poste de la tierce personne est un poste d'une importance capital dans la réparation du dommage corporel ''[52]. Si nous prenons l'exemple de quelqu'un qui subi l'amputation de sa main dominante, le taux prévu par le barème du Code CIMA est de 50% ; cette personne peut justifier la nécessité d'avoir une tierce personne pour l'aider dans certaines tâches quotidiennes - ce qui ne serait pas recevable dans les conditions actuelles du Code. Il y a aussi des reformes à entreprendre quant à l'indemnisation des pertes de revenus des proches de la victime survivante, surtout dans un pays comme le Bénin où l'hospitalisation d'un membre de la famille nécessite l'assistance des proches pendant toute la durée de l'hospitalisation.

Outre les postes de préjudices, la comparaison des barèmes suggère des différences de significativités différentes. En général, sur la base des seules différences significatives, l'on peut penser que le barème du Code CIMA est plus « généreux » ; mais il ne faut pas s'y méprendre car c'est tout le système d'évaluation et d'indemnisation qu'il faut prendre en compte. Aussi le barème du Code CIMA est-il fondé en général sur des documents des années 70 ; ce qui peut être à l'origine de certaines différences avec les autres barèmes - la médecine ayant significativement évoluée depuis. En plus des différences des taux d'incapacité, l'inexistence de correspondance d'évaluation de certaines atteintes à l'intégrité d'un barème à l'autre ne plaide pas en faveur des barèmes. En effet les barèmes ne recueillent pas l'adhésion de tous les acteurs de la réparation du dommage corporel. Ainsi il est écrit, dans le recueil méthodologique des Cours d'Appel, ce qui suit : « Le barème qui est forfaitaire et abstrait est contraire à nos principes juridiques et notamment à 'indemnisation in concreto. Il subordonne le juge à l'expert alors qu'en droit français, les conclusions de l'expert ne sont qu'une aide à la décision du juge qui conserve sa pleine et totale liberté d'appréciation personnelle et n'est jamais lié par les conclusions de l'expert. En outre, le barème est rigide et figé et peut devenir obsolète. » [25]. En réalité, le barème peut devenir contre productif lorsqu'il s'impose, malgré ses lacunes, au juge comme il est recommandé dans le quatorzième bulletin officiel de la CIMA [53].D'aucuns caressent le rêve de voir un jour naitre un barème unique d'évaluation des atteintes à l'intégrité physique et psychique [54]. Ce rêve n'est pas dépourvu de bon sens, si on part du postulat que les Hommes sont égaux [31, 55]. Toutefois, les médecins intervenant dans l'évaluation du dommage corporel doivent faire preuve de professionnalisme en conformité avec les codes de déontologie --'--'''[56, 57].

Il faut reconnaître que les barèmes ne sont pas les seuls outils qui ne font pas l'unanimité en matière de réparation du dommage corporel ; les référentiels d'indemnisations soulèvent d'avantage de débat '''[17, 18, 58, 59]. Ces débats concernent en général les limites qu'imposent les politiques de contrôles des coûts et des dépenses indemnitaires au principe de la réparation in concreto. Malheureusement, les résultats issus de la comparaison des référentiels d'indemnisation des systèmes français et béninois de réparation du dommage corporel n'argumentent pas en défaveur de ces référentiels. Prenons le cas du référentiel d'indemnisation du Code CIMA ; les indemnités sont fixées sur la base d'un plafond tenant compte du salaire minimum. Si une victime a besoin d'un véhicule adapté, ce n'est pas sûr qu'il parvienne à s'en procurer avec les plafonds d'indemnités qui sont allouées. La peur de l'incertain et les contraintes budgétaires des assureurs et des autres organismes payeurs semblent mettre à mal l'indemnisation [53].

Ces organismes et institutions qui interviennent dans l'évaluation des préjudices et l'indemnisation des victimes sont plus nombreux en France qu'au Bénin. Ceci peut s'expliquer par le passage de la demande de santé à la demande de sécurité [60].

Somme toute, il reste et il restera encore à faire pour une meilleure réparation des préjudices liés au dommage corporel '[61] ; la règle du « PDCA » restera toujours d'actualité en la matière.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld