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L'enseignement du fait religieux dans l'enseignement secondaire au Cameroun: 1964-2013.

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par MARCEL KOVIEL SONGO
Ecole Normale Supérieure de Yaoundé - DIPES II 2013
  

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Thème : `'L'enseignement du fait religieux dans l'enseignement secondaire au
Cameroun : 1964-2013».

Résumé

L'objet de cette étude a porté sur l'enseignement du fait religieux dans le secondaire au Cameroun de 1964 à 2013. Une étude dont l'intérêt n'est plus à démontrer dans ce contexte très complexe caractérisé par l'inculture religieuse chez les élèves, les déviances morales, le foisonnement des religions, le fanatisme et l'instrumentalisation religieux. Face à cette situation, il était judicieux de porter une réflexion autour de la place qu'occupe le fait religieux dans l'enseignement secondaire au Cameroun.

Le fait religieux n'est pas en lui-même une discipline qu'on trouve dans les programmes du secondaire, mais plutôt une partie de l'histoire. Une étude portée sur ce fait religieux s'intéresserait d'abord à la place de l'histoire dans les programmes d'enseignement secondaire. L'histoire occupe une place importante dans l'enseignement au Cameroun depuis l'indépendance. Mais, s'il y à faire quelques remarques c'est à partir de l'évolution perçue tant au niveau de ses programmes, ses enseignants, ses manuels scolaires qu'au niveau de ses méthodes d'enseignement. Ainsi à travers l'histoire, le fait religieux est enseigné depuis très longtemps, mais dans un cadre laïc. Cadre dont les origines remontent à la colonisation et à la diversité religieuse qui date de depuis. Cette laïcité est encadrée par les textes internationaux et nationaux.

En ce qui concerne la réflexion sur l'enseignement du fait religieux, nous sommes arrivés au constat qu'il existe environ quarante leçons dont les aspects religieux sont palpables. Mais en dehors des trois religions du livre, d'autres sont inexistantes. C'est pourquoi il faut une prise de conscience, qui peut venir des spécialistes de l'histoire des religions et de l'enseignement au Cameroun. Surtout soutenu par le contexte actuel défini ci-dessus et inspiré par le débat en France. L'application didactique et les suggestions viennent compléter le travail. Car la proposition de deux leçons sur l'histoire des religions est propre à ce domaine d'étude, qui finit toujours par les propositions pour son amélioration.

PLAN ET BIBLIOGRAPHIE

CHAPITRE I : LA PLACE DE L'HISTOIRE DANS L'ENSEIGNEMENT
SECONDAIRE AU CAMEROUN

I- HISTOIRE : DEFINITION, OBJET, FINALITE

A- DEFINITION

1- Etymologie

2- L'histoire au sens large

3- Dimension humaine de l'histoire

B- OBJET

C- FINALITE

II- L'ENSEIGNEMENT DE L'HISTOIRE DANS LE SECONDAIRE

A- LES PROGRAMMES DE L'HISTOIRE

B- LE PERSONNEL ENSEIGNANT

C- LE MANUEL SCOLAIRE ET LES METHODES D'ENSEIGNEMENT

CHAPITRE II : UN CADRE D'ACCUEIL LAIC POUR L'ENSEIGNEMENT DU FAIT RELIGIEUX

I- LA LAICITE AU CAMEROUN

A- UNE LAÏCITE CALQUEE SUR LE MODELE FRANÇAIS

1- La France : une République laïque

2- La France pays mandataire : artisane de la laïcité de l'Etat camerounais

B- LES SOURCES INTERNATIONALES DE LA SEPARATION DE
L'ETAT ET L'EGLISE

1- La déclaration universelle des droits de l'homme

2- La charte africaine des droits de l'homme et des peuples

C- LA SOURCE CAMEROUNAISE DE LAÏCITE

II- LA LAICITE A L'ECOLE

A- LA LOI D'ORIENTATION DE 1998, CADRE DU RESPECT DE LA

LAÏCITE A L'ECOLE

B- UN PERSONNEL ENSEIGNANT NEUTRE

1- Différence entre un professeur d'histoire des religions et le catéchiste

2- La déontologie de l'enseignement comme renfort de la laïcité

3- Les statistiques des enseignants d'histoire formés entre 1964 et 1994

CHAPITRE III : REFLEXION SUR L'ENSEIGNEMENT DU FAIT RELIGIEUX

I- LES FAITS RELIGIEUX DANS LES PROGRAMMES

D'HISTOIRE

A- LA PLACE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS

1- Une quarantaine de leçons constituant des aspects religieux

2- Une douzaine de leçons sur l'histoire des religions

B- INEXISTENCE DES AUTRES RELIGIONS DANS CES PRORAMMES

1-L'Indouisme

2-Le Bouddhisme

3-Les religions africaines dites `'animistes»

II- UNE PRISE DE CONSCIENCE GRADUELLE

A- ENQUETE « LE FAIT RELIGIEUX » EN HISTOIRE

1- Une démarche personnelle : réflexion et mise en place 2-Analyse-bilan de l'enquête

B--UN DEBAT INSPIRATEUR EN FRANCE 1- Le rapport Joutard : 1989

2-Le rapport Debray : 2002

CHAPITRE IV : APPLICATION DIDACTIQUE ET PROPOSITIONS POUR REVALORISER L'ENSEIGNEMENT DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS DANS LE SECONDAIRE

I. APPLICATION DIDACTIQUE

A- -MODELE DE PREPARATION D'UNE SEANCE : LE CHRISTIANISME ET LE JUDAISME

B- MODELE DE PREPARATION D'UNE SEANCE : LES FONDEMENTS DE L'ISLAM

II. SUGGESTIONS

A-REFORME DES PROGRAMMES

B-RENFORCEMENT DES METHODES DISCUTABLES D'APPRENTISSAGE

DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS

CHAPITRE I : LA PLACE DE L'HISTOIRE DANS L'ENSEIGNEMENT
SECONDAIRE AU CAMEROUN

L'histoire est l'une des plus vielles disciplines enseignées dans le monde. Elle est le livre qui expose la civilisation universelle. Son importance est telle que les gouvernements définissent les programmes et les méthodes et orientent souvent son enseignement1. Au Cameroun, elle fait partie des sciences humaines et au secondaires, elle est classée parmi les matières littéraires. L'enseignement de l'histoire a une histoire au Cameroun. C'est pourquoi pour mieux analyser et comprendre `'l'enseignement du fait religieux au secondaire», il serait d'abord indispensable de mesurer le parcourt de la discipline historique dans les programmes d'enseignement, son importance par apport aux autre disciplines. Dès lors on comprend que son enseignement n'a pas connu une évolution rectiligne. Mais, il a suivi la vitesse des réformes des programmes et de la pédagogie. Néanmoins, quelle est la valeur qu'on lui donne? Et quelle est la place de celle-ci dans l'enseignement ?

I- HISTOIRE : DEFINITION, OBJET, FINALITE

L'étude de la définition, de l'objet et de la finalité de l'histoire est indispensable dans la justification de l'introduction de cette discipline dans l'enseignement au Cameroun.

A- DEFINITION

Plusieurs définitions s'offrent à cette discipline, elles sont larges et restreintes. Mais revenons d'abord à l'étymologie de ce terme.

1- Etymologie

L'histoire est à la fois l'étude des faits, des événements du passé et, par synecdoque, leur ensemble. L'histoire est un récit, elle est la construction d'une image du passé par des hommes et des femmes qui tentent de décrire, d'expliquer ou de faire revivre des temps révolus2. Ce récit historique n'est pas construit par intuition intellectuelle, mais à partir des sources. L'histoire s'attache avec ces sources à reconstruire plusieurs pans du passé. Au cours des siècles, les historiens ont fortement fait évoluer leurs champs d'intervention et ont aussi réévalué leurs sources, ainsi que la manière de les traiter.

1 J. B.Tchoufa, `'Problématique de la conduite, p. 27.

2 http : / fr.Wikipedia.org/Wiki/Historien

L'histoire, qui n'est pas seulement une réflexion sur le passé, se construit aussi selon une méthode. Celle-ci a évolué au cours du temps, évolution qu'on appelle l'historiographie. La méthode historique s'appuie sur un ensemble de sciences auxiliaires qui aident l'historien à construire son récit. Par delà les époques et les méthodes, et quel que soit le but sous-jacent du travail de l'historien, l'histoire est toujours une construction humaine, inscrite dans l'époque où elle est écrite. Elle joue un rôle social et elle est convoquée pour soutenir, accompagner ou juger les actions des Hommes. Le mot histoire vient du grec ancien historia, signifiant « enquête », « connaissance acquise par l'enquête »3. Le mot est introduit en français au début du XIIe siècle avec le sens de « relation des événements marquants d'une vie, d'un règne » ou de « chronique d'un peuple »4. Il prend aussi le sens général d'histoire (au sens de récit), polysémie qu'il a conservée jusqu'à ce jour en français comme en allemand. C'est à partir du XIIIe siècle, comme peut en témoigner l'usage qu'en fait Brunetto Latini dans son Le Trésor5, que le terme commence à recouvrir le sens de récit historique. On peut noter qu'au moyen âge, la forme ordinairement employée du mot était Estoire. Ce n'est qu'à partir de la renaissance que l'on reviendra à la graphie antique.

Le mot connaît de nombreuses dérivations. 1213 voit ainsi la première occurrence de historien et de historiographe emprunt au latin historiographus. Le verbe Historier apparaissant au XIVè siècle et l'adjectif historique survenant en 1447 emprunt du latin Historicus, lui-même emprunt du grec historikos. Le diminutif historiette remonte à 1657, premier emploi par Tallemant des Réaux dans le titre d'un de ses ouvrages. Le vocabulaire savant du XVIIIe et du XIXe siècle permet ensuite l'apparition d'un vocabulaire plus spécialisé comme préhistoire (en 1872) et ahistorique6.

2- L'histoire au sens large

Nombreuses sont les définitions du mot histoire. Pourtant la majorité de ces définitions sont restrictives. Le terme histoire devrait d'abord être apprécié dans sa dimension la plus large.

3 Ibid.

4 F. J. Carmody, Le Trésor Genève, Slatkine Reprints, 1975, p. 17.

5 http : / fr.Wikipedia.org/Wiki/Historien

6 O. Bloch et de W. V. Wartburg, Histoire, Historier, Historiographe et Historique in Dictionnaire étymologique de la langue française, PUF, 2004

L'histoire est une science qui balaie presque tous les domaines du globe terrestre. On ne saurait se limiter seulement à l'une de ses dimensions. Nous avons pour exemple l'élargissement de son champ d'étude dans les domaines de plus en plus inconcevables du point de vue de l'école méthodique. Ainsi, il existe l'histoire des faits physiques, par exemple l'histoire de la planète Terre, comme il existe une histoire des faits et événements des hommes7. L'histoire n'est pas forcement synonyme d'histoire humaine, la nature a aussi son histoire et ses historiens. C'est pourquoi aujourd'hui on parle de la géohistoire ou l'histoire environnementale. Ainsi, on commettrait une grosse erreur de penser qu'il n y a que l'histoire des hommes qui nous intéresse pour la raison que nous sommes nous-mêmes les humains. Ce risque est tellement probable que le Grand Larousse fait la même confusion et explique le mot histoire de cette façon :

1- Connaissance du passé de l'humanité et des sociétés humaines ; discipline qui étudie ce passé et cherche à le reconstituer.

2- Par opposition à la préhistoire, période connue principalement par des documents écrits.

3- Le passé de l'humanité, la suite des événements qui le constituent considérés en particulier dans leur enchainement et leur évolution : des faits qui appartiennent à l'histoire.

4- Mémoire que la postérité conserve les faits et personnages du passé, sorte de jugement qui semble découler de cette sélection. Un personnage dont l'histoire a retenu le nom8.

En nous attardant sur ces quatre définitions ci-dessus, on constate que toutes se réfèrent seulement à l'homme. Alors que l'histoire est une science multidisciplinaire, elle ne s'attarde pas seulement sur le sort de l'humanité, mais de son environnement aussi.

L'erreur qu'on commet en confondant l'histoire humaine proviendrait du fait que depuis Hérodote d'Halicarnasse jusqu'au début du XIX è siècle, les historiens se sont seulement intéressés à l'écriture de l'histoire des hommes. On estime globalement qu'il n'est d'histoire que des hommes. C'est ce que confirme Protagoras quand il affirme que : `'l'homme est la mesure de toutes choses''9. Comme cela semble être accordé par beaucoup, intéressons nous à sa dimension humaine.

7 .Ibid. p. 22.

8 Grand Larousse, Vol. 3, Paris, Larousse, 1989, p. 1537.

9 Sophiste grec (485-410 BC).

3- Dimension humaine de l'histoire

Il s'agit dans cette partie de définir l'histoire dans la dimension strictement humaine. Pour ce faire il faut examiner l'évolution de la notion d'histoire humaine dans le temps. C'est-à-dire des origines jusqu'à ces jours.

Si `'l'histoire étudie le passé de tous les hommes qui ont vécu dans toutes les régions de la terre''10, Cela pourrait dire que celle-ci s'intéresserait aux premières traces que l'homme a laissées et qui sont les documents permettant de reconstituer son genre de vie bien que la convention parle de préhistoire et de l'histoire proprement dite basée sur l'écriture. Ce que corrobore Tchoufa quand elle affirme que `'on comprend dès lors certains auteurs lorsqu'ils déclarent qu'à partir du moment où la main de l'homme a extériorisé sa pensée est née l'histoire de l'humanité''11. Ainsi, l'histoire de l'humanité a commencé au paléolithique archaïque où l'homme a fabriqué le premier outil, le biface qui un galet de rivière auquel il a enlevé des éclats pour obtenir un tranchant sommaire. Cette dimension de l'histoire peut être justifiée par la définition que propose le Dictionnaire Universel. L'histoire s'appuie sur les documents : fossiles, monuments, monnaies, oeuvres d'art, chroniques, mémoires12. Mais, avec l'invention de l'écriture, l'histoire connait une révolution. Vers 3500 ans avant J.-C, l'homme invente l'écriture dont les premières formes seraient les hiéroglyphes et l'écriture cunéiforme. A partir de ces définitions, nous comprenons que cette discipline pourrait avoir plusieurs objets d'étude, mais est principalement fixée sur l'homme.

B- OBJET

Toute science se définit par rapport à un objet et se caractérise par une méthode particulière d'approche de cet objet. L'objet de la science historique a connu une dynamique liée à chaque époque et se rapportant à chaque école (école méthodique, école des annales, nouvelle histoire, histoire culturelle, politique). Ainsi, en nous intéressant à chaque école historique, nous parviendrons à étudier l'évolution qu'a connue cet objet.

L'Ecole Méthodique est la première en France qui jette les canons de l'histoire à la fin du XIX è siècle. Parmi ces canons, on retrouve l'objet de l'histoire. Pour cette école l'étude de l'histoire doit porter sur la politique des Etats et des nations, la diplomatie et le domaine militaire, les grands hommes et les événements, et les églises. C'est dans ce sillage que

10 A. M. Mbow et al. Des origines au VIè siècle après J.-C., Paris, Hatier, 1968, p. 4.

11 J. B.Tchoufa, `'Problématique de la conduite, p. 23.

12 Dictionnaire Universel, Vanves Cedex, 4ème édition, HACHETTE Edicef, P.581.

Voltaire publie en 1731 l'histoire de Charles XII13. Cette étude historique porte sur un personnage important de la monarchie européenne. En effet, Charles XII fut le roi de Suède de 1697 à 171814. Vingt ans plus tard, il publie un ouvrage qui puise dans tous les champs historique de cette époque. Ainsi, on peut lire :

Le siècle de Louis IV est un ouvrage historique qui touche tous les faits. Pour suivre l'enchainement interne des événements, Voltaire juxtaposait les divers aspects du règne : diplomatie et guerre, vie de cour, administration, beaux-arts et religion15.

A travers ces deux ouvrages de voltaire, nous constatons l'étroitesse de l'objet d'histoire. Certains auteurs vont parler de l'histoire officielle. Mais les changements de temps vont apporter du nouveau.

A partir de 1920, certains historiens français, à savoir Lucien Fevbre, Fernand Braudel apportent une nouvelle révolution dans le champ de recherche historique. A partir de l' Ecole des Annales, ils élargissent l'objet de l'histoire à l'économie, le social, bref on parle de l'histoire totale. Désormais l'histoire sort de son champ traditionnel. Les nouvelles écoles dont Nouvelle histoire et l'Histoire culturelle viennent achever cette révolution. Avec ces nouvelles écoles, on assiste à l'éclatement du champ de l'histoire. On peut étudier l'histoire des mentalités, des humbles, du climat, de la vie privée, la culture. Dans la démocratisation du champ historique, Ibrahima Faye Diou aujourd'hui pense que : `' L'objet de la science historique c'est l'étude des lois et règles générales de l'évolution des sociétés. L'histoire ne se contente plus à la description de faits de guerre, d'exploits individuels, mais s'inscrit dans l'analyse des faits de civilisation qui nécessite de prendre en compte deux dimensions''16. Cette analyse de la dynamique de l'objet de l'histoire nous a permis d'appréhender le champ de l'histoire. On peut tirer la conclusion que l'histoire est une science aujourd'hui qui s'intéresse à tout. Car elle est utile à la société.

13 L-E. Halkin, initiation à la critique historique, Paris, Librairie Armand-colin, 1973, p.26.

14 Roi de Suède de 1697 à 1718. Son génie militaire s'exprima dès 1700 contre les Danois, les Russes (victoire de Narva) et les Polonais, qui briguaient les territoires perdus au XVII è siècle. Mais il s'en lisa dans la conquête de la Pologne (1700-1706), alors que Pierre le Grand fortifiait son armée. En 1709, les Russes le battirent à Poltava, et il se réfugia en Turquie. Il regagna la Suède en 1715. Attaquant la Norvège, il fut tué au cours d'un siège. (M. Guillou, M.Moingeon et al., Dictionnaire Universel, Paris, Hachette Edicef, 2002, P217).

15 Ibid.

16 http : //geohistoire 20. Wordpress. Com/

C- FINALITE

Le but de l'histoire est d'abord universel, mais peut aussi dans un moment varier d'un pays à un autre. Sur la finalité universelle de l'histoire, Etienne Gilson pense que `' Ce n'est pas pour nous débarrasser d'elle que nous étudions l'histoire, mais pour sauver du néant le passé qui s'y noierait sans elle ; c'est pour faire que ce qui, sans elle, ne serait même plus du passé, renaisse à l'existence dans cet unique présent hors duquel rien n'existe»17. Dans le même sens, Cheikh Anta Diop affirmait : `'le rôle de l'histoire dans l'existence d'un peuple est vital. L'histoire est l'un des éléments qui permettent la cohésion des différents éléments d'une collectivité. Sans la conscience historique, les peuples ne peuvent être appelés à de grandes destinées»18. La conscience historique est le ciment qui lie les individus d'un peuple. L'historicité est le privilège propre qu'a l'homme d'avoir conscience de vivre dans l'histoire. La connaissance du passé est la première condition de la réalisation de la conscience historique. L'individu qui veut s'assumer est donc invité à se pencher sur son histoire par une recherche patiente et résolue qui se déploie entièrement sur le terrain scientifique.

L'histoire permet de replacer les évènements actuels dans leur contexte historique. Elle permet de mieux comprendre les enjeux actuels. Ce type d'apprentissage sera d'autant plus efficient si l'élève a été amené à historiciser les événements, c'est-à-dire à les replacer dans une perspective de longue durée et à confronter les interprétations, favorisant ainsi le développement d'une posture rationnelle et d'un esprit critique. Une telle démarche forge les bases d'une formation citoyenne conduisant à l'exercice d'une «participation civique éclairée». Au Cameroun, l'enseignement de l'histoire relève deux enjeux. Développer l'esprit critique et la formation du citoyen. Ainsi à travers l'histoire, on attend que le jeune camerounais ait un esprit de critique. Car cette discipline hors d'être celle qui crée les opposants ou les contestataires est celle qui ouvre l'esprit. Elle sort l'homme de la caverne, de la mémoire collective, des stéréotypes, des préjugés bref d'un mensonge officiel ou non officiel qui a fait son temps. L'apprentissage de cette discipline arme l'individu une faculté de jugement objectif et rigoureux. L'homme n'est plus un « tabula rasa »19. Mais il peut

17 L-E. Halkin, initiation à la critique, p. 21.

18 http : //geohistoire 20. Wordpress. Com/

19 Terme employé dans les sciences de l'éducation dans le modèle transmissiviste. Il désigne l'élève comme un récepteur, un vase vide dans lequel l'enseignant déverse ses connaissances. A l'opposé au modèle constructiviste ou l'apprenant est l'acteur dans son apprentissage. (S. Belinga Bessala, Didactique et professionnalisation des enseignants, Yaoundé, Edition CLE, 2005.pp. 39-40).

construire les informations historiques à partir de ses critiques appuyées sur ses diverses lectures.

La fonction de la formation du citoyen camerounais par l'histoire est bien définie par la loi d'orientation de 1998. En effet, cette loi stipule que l'éducation a pour objectif :

- La formation de citoyen enracinés dans leur culture, mais ouverts au monde et respectueux de l'intérêt général et bien commun.

- La formation aux grandes valeurs éthiques universelles que sont la dignité et l'honneur, l'honnêteté et l'intégrité ainsi que le sens de la discipline20.

Au regard du contenu des enseignements de l'histoire, elle est la discipline la mieux placée à doter cette formation aux jeunes camerounais. Car la culture, élément civilisation d'un peuple est un objet de l'histoire. A travers l'enseignement de l'histoire, les jeunes élèves héritent de celle de leurs ancêtres. Sans se délier à cette histoire, nous tirons d'elle des valeurs morales africaines dont certaines sont universelles. Au terme de cette analyse sur la finalité de l'histoire, nous constatons que son utilité n'est plus à démontrer aujourd'hui. Mais plutôt à mettre en exergue, à mieux l'exploiter. Alors la définition, l'objet et la finalité de l'histoire étant déjà examinés, que disons nous de l'enseignement de l'histoire au secondaire ?

IV- L'ENSEIGNEMENT DE L'HISTOIRE DANS LE SECONDAIRE

L'enseignement de l'histoire au Cameroun a connu un chemin tortueux. En effet, de ses programmes à ses méthodes d'enseignement en passant par ses manuels et son personnel scolaire, toute évolution s'est faite dans la lenteur. Comme si l'histoire était une discipline inutile ou encombrante. D'où sa banalisation et parfois la méfiance qu'elle pouvait susciter chez les décideurs de ce pays. C'est ce parcourt de combattant de l'enseignement de l'histoire au Cameroun que nous nous proposons d'analyser.

A- LES PROGRAMMES DE L'HISTOIRE

Selon Ibrahim Baba Kaké, la discipline historique `'permet à l'enfant de se rattacher à ses ancêtres qui peuvent lui inspirer des modèles à imiter, lui montrer des erreurs à éviter»21. Si

20 A. AN, Loi n°98-4 du 14 avril 1998 d'orientation de l'éducation au Cameroun.

telle est la fonction de l'enseignement de l'histoire, nous comprenons pendant très longtemps les programmes d'histoire élaborés au Cameroun pendant une période de trente ans étaient inadaptés. Car cette période marque l'absence de l'histoire du Cameroun dans les programmes d'enseignement.

Jusqu'en 1964, l'histoire qu'on enseigne au Cameroun est celle héritée de la période coloniale. Ce que confirme Salvador Eyezo'o quand il dit : `' Au lendemain de l'accession à l'indépendance, l'enseignement de l'histoire au Cameroun se faisait encore sur la base de programmes hérité de la colonisation''22. Hors ceux-ci avaient été adaptés au contexte de colonisation. Pendant cette période le Cameroun comme le reste de l'Afrique noire ne possédait pas d'histoire écrite. On pallia à ce manque par l'histoire de la métropole à laquelle on ajoutait quelques pages sur la colonisation. L'enseignement devenait ainsi un moyen de répandre l'idéologie coloniale et de justifier la politique qui en découlait23. Pour les colons français, il fallait inculquer au colonisé dès son jeune âge, la certitude de son infériorité. A coté de son état intellectuel émotif, il fallait ajouter la barbarie de ses ancêtres. Pourtant Ki-Zerbo faisait remarquer que : `'quand un général romain faisait exécuter son fils pour des raisons de discipline, on met cela au compte de l'héroïsme patriotique. Quand Samori en fait autant, on crie à la barbarie''24. Après cet exercice qui consistait à montrer la négation du monde noir au jeune africain, on pouvait facilement lui montrer la magnanimité, la bonté, la générosité et la puissance de la nation colonisatrice. Car celle-ci l'avait délivré de la tyrannie de « barbares sanguinaires » comme Samori et lui apporter la paix et les bienfaits la civilisation25. Voila le constat fait par Ki-Zerbo : `'résultat écrit-il, ce sont les phrases comme celle-ci que j'ai rencontrées dans les deux tiers des devoirs d'élèves africains en 1964 : Samori était un homme sans foi ni loi, un sanguinaire. Heureusement il a été éliminé par les Français''26. Cette remarque est logique, si on s'en tient à la déclaration du gouverneur général Ernest Roume en 1924 :

21 L. Kaptué, `'Historiographie et enseignement de l'histoire au Cameroun : problèmes et perspectives'' in La recherche en histoire et l'enseignement de l'histoire en Afrique Centrale francophone, Colloque International, Publications de l'Université de Provence, 1997, p. 383.

22 S. Eyezo'o, `'L'enseignement de l'histoire dans le secondaire au Cameroun'' in La recherche en histoire et l'enseignement de l'histoire en Afrique Centrale francophone, Colloque International, Publications de l'Université de Provence, 1997, p. 383.

23 R. Goufo Fosso, `'L'enseignement des sciences, p. 44.

24 J. Ki-Zerbo, Histoire de l'Afrique Noire : d'hier à demain, Paris, Hatier, 1978, p. 28.

25 R. Goufo Fosso, `'L'enseignement des sciences, p. 44.

26 J. Ki-Zerbo, Histoire de l'Afrique, 1978, p. 28.

Tout l'enseignement de l'histoire doit tendre à montrer que la France est une nation riche, puissante, capable de se faire respecter, mais en même temps grande pour la noblesse des sentiments, généreuse et n'ayant jamais reculé devant les sacrifices d'homme et d'argent pour délivrer les peuples asservis ou pour apporter aux peuplades sauvages avec la paix, les bienfaits de la civilisation. Chantons les chefs si braves qui prirent Samori ! Plus de fers, plus d'esclaves, nos vainqueurs, merci27.

Dès lors, le jeune africain conscient de son état sauvage embrassait sans ambages la civilisation occidentale.

L'extrait des programmes ci-après est un exemple clair de ce que nous venons de démontrer. Il s'agit ici des programmes de classe de terminale pour l'année scolaire1963-196428.

? L'Europe de 1848 à 1914

1. La révolution en France et la seconde république.

2. Les révolutions de 1848 en Europe et leurs conséquences.

3. Le seconde Empire : l'histoire intérieure et extérieure.

4. La formation de l'l'unité italienne et de l'unité allemande.

5. La France de 1871 à 1914 (histoire intérieure).

6. Histoire intérieure des principaux Etats européens : Angleterre, Autriche-Hongrie, Russie de 1849 à 1914, Allemagne, Italie de 1871 à 1914.

? Le monde de 1848 à 1941

1. L'expansion européenne sous ses différentes formes de 1849 à 1914. Les Empire coloniaux.

2. Les Etats-Unis d'Amérique de 1865 à1914.

3. L'Extrême-Orient du milieu du XIXe siècle à 1914.

4. L'Eglise catholique du milieu du XIXe siècle à 191429.

A travers ce programme de terminale, nous constatons que l'histoire de la France et celle de l'Europe font la part belle dans les programmes. Pour une raison de convenance, on ajoute deux leçons sur l'histoire de l'Amérique et du l'Extrême orient. Comme ça jusqu'en 1964 le Cameroun continuait à se sentir comme une région de la France. Les vainqueurs de la conquête coloniale étaient toujours les maîtres de leurs anciens territoires

27 C. Marchand, L'enseignement au Cameroun sous le mandat français (121-1939), Québec, université de Laval, 1970, p. 91.

28 E. Mveng Evina, `'l'histoire du Cameroun dans les programmes de l'enseignement secondaire au Cameroun de 1960nà nos jours» in La recherche en histoire et l'enseignement de l'histoire en Afrique Centrale francophone, Colloque International, Publications de l'Université de Provence, 1997, p. 360.

29 R. Goufo Fosso, `'L'enseignement des sciences, p. 45.

quatre ans après leur départ. A coté de cette histoire des vainqueurs, les français ajoutaient un peu d'histoire africaine. Qui dans son fond, était plutôt celle de la conquête européenne de l'Afrique. Ce que confirment Sonolet et Pères :

En ce qui concerne l'Afrique, il faudra donc se borner à donner une idée sommaire de la pénétration française, (histoire de l'Afrique étant faite des traditions imprécises et dénuée de tout enchainement) ; quant à notre histoire nationale, elle devra surtout fournir à l'âme indigène d'exemples héroïques et inciter à elle l'admiration30.

A travers le tableau que nous propose Mveng31 sur l'évolution des programmes de l'histoire dans l'enseignement secondaire, nous retenons ceci. Entre 1967 et 1990, la dynamique des programmes se présentent comme ceci :

- 1960 à 1967, 283 cours d'histoire proposés dans toutes les classes du secondaire dont 110 concernent l'histoire de l'Afrique et 173 concernant celle de l'Europe ;

- 1967 à 1990, 296 cours d'histoire proposés dans toutes les classes du secondaire dont 108 pour l'Afrique et le reste pour le monde ;

- 1990, 163 cours d'histoire proposés dans toutes les classes du secondaire dont 50 pour l'Afrique, 35 pour le Cameroun et le reste pour le monde.

Ce tableau analytique montre ou mieux illustre le retard qu'à connu le pays dans l'adaptation des programmes d'histoire avec le nouveau contexte de pays indépendant ayant sa propre histoire. Le tableau nous présente un vide de l'histoire du Cameroun dans les programmes entre 1960 et 1990. Peut-être les inspecteurs chargés d'élaborer les programmes n'étaient pas des nationaux ou ils l'étaient mais n'ont pas trouvé d'intérêt à l'histoire locale. Dans une troisième hypothèse, nous pensons le contexte aurait favorisé cet oubli ou la mise en écart de la mémoire d'un peuple. Cette hypothèse est corroborée par Mveng Evina quand il évoque le manque de volonté politique ou la manifestation d'une politique d'exclusion délibérément voulue par les gouvernants32. Ainsi, il argumente en disant ceci :

L'absence de l'histoire du Cameroun dans les programmes officiels de l'enseignement de l'histoire au Cameroun peut aussi se justifier par un choix politique. On peut plus précisément admettre que c'est l'application d'une politique délibérée d'exclusion par les gouvernants très soucieux de sevrer les Camerounais de leur histoire. Cette deuxième approche est vraisemblable. Cette volonté gouvernementale de maintenir les Camerounais dans l'ignorance de leur passé glorieux était plus perceptible dans ses

30 C. Marchand, L'enseignement au Cameroun sous, p. 91.

31 E. Mveng Evina, `'l'histoire du Cameroun dans les programmes, p. 371.

32 Ibid. p. 377.

33 Ibid.

34 Ibid. p.175.

manifestations à travers le comportement inquisiteur de ceux qui tenaient les rênes du pouvoir ou une parcelle du pouvoir vis-à-vis des enseignants d'histoire. C'est ainsi que dans nos lycées et collèges, de nombreux professeurs furent inquiétés, séquestrés, emprisonnés, déportés à cause d'une allusion historique faite lors d'un cours d'instruction civique. Certains noms étaient proscrits du langage courant : U.P.C., Um Nyobé, Félix Moumié, Ossende Afane ; etc. De même certaines périodes de l'histoire de notre pays étaient interdites à évoquer, exemple : 1947-196033.

Nous pouvons conclure que le problème n'était pas seulement lié à la France, mais il était beaucoup plus la volonté de Yaoundé. Pourtant nous notons une place très importante qu'on accorde à l'histoire de l'Afrique, de l'Europe et du Monde.

Il faut attendre 1990 pour voir l'histoire du Cameroun s'insérer dans les programmes. Mais la encore on a raté le coche de rattraper le grand retard a accusé dans l'intégration de son histoire. Car sur un total de 163 leçons, on accorda seulement 35 à l'histoire du pays.

Alors, fort de ce que nous venons de constater comment un peuple a-t-il pu être sevré de son histoire pendant 30 ans ? Qu'est ce qui s'est passé pour que cette situation ne déplaise à personne ? Mais cette erreur monumentale ne s'est pas arrêter seulement au niveau des programmes, le personnel enseignant a toujours posé un sérieux problème.

B- LE PERSONNEL ENSEIGNANT

L'histoire est une discipline qui a toujours connu des problèmes de personnel enseignant au Cameroun. Nous sommes partis des citoyens français non compétents de ce domaine au lendemain de l'indépendance pour arriver aux enseignants non qualifiés aujourd'hui.

Au lendemain de l'indépendance le Cameroun était un jeune Etat, similaire à tous les Etats africains qui venaient d'acquérir leur indépendance. Il manquait des cadres administratifs, des médecins et des enseignants. Ainsi, pour palier au problème des enseignants dans les lycées et collèges, les nouvelles autorités se servaient parfois des expatriés français qui n'étaient pas toujours compétents dans le domaine de l'histoire. A ce propos, Mveng affirme que : `' Ces coopérants n'étaient pas tous des historiens, voire des enseignants tout court. C'est une fois rendus au Cameroun que certains militaires du contingent s'improvisaient professeurs d'histoire»34. Nous pouvons crier à l'imposture à travers le comportement de ces Français. Car depuis le XIXe siècle l'histoire est devenue une discipline scientifique, réservée aux professionnels du métier. Alors comment imaginer qu'une personne telqu'en soit son métier pouvait subitement devenir historien ? La profession d'historien ou d'enseignant d'histoire est

un métier à prendre au sérieux, car leurs missions sont très délicates. Parmi elles, il faut citer celle qui vise à donner une identité à un pays. Alors ces missions ne pouvaient pas être confiées aux étrangers. Mais on peut comprendre le contexte.

En effet, entre 1979 et 1987, l'Etat a opté au recrutement des diplômés de l'enseignement supérieur pour faire face à la pénurie des enseignants35. Pour Mveng, ceci entraine la banalisation de l'histoire, qu'il se traduit en ces mots : `'L'histoire est une discipline qui ne requiert aucune formation''36. Dans le même sens, Eyézo'o pense que : `'Le recrutement des diplômés de l'enseignement supérieur (...) a certes atténué à un moment donné la forte demande du Ministère de l'Education Nationale, mais il n'a pas résolu le problème de la qualité de l'enseignement de l'histoire dans le secondaire''37. Après cette lecture des spécialistes, nous pouvons dire que l'Etat serait à l'origine des problèmes que connait l'histoire au Cameroun sur le plan du personnel. Peut-être d'autres solutions auraient apporté une réponse efficace au problème de pénurie. Aujourd'hui peu à peu, l'Etat cesse de recruter. Car plusieurs écoles normales ont étaient ouvertes pour pallier à ce problème. L'Ecole normale Supérieure de Yaoundé, l'Ecole Normale de Bambili et l'Ecole Normale de Maroua forment depuis quatre ans deux centaines de professeurs d'histoire.

De nos jours le problème résiderait au niveau de l'usage des personnes non qualifiées par les collèges privés pour enseigner l'histoire. Et dans un second cas le recrutement de 25 000 diplômés par l'Etat dont certains deviennent des enseignants de l'histoire, semblerait poser un petit souci dans la compétence du professionnel.

C- LE MANUEL SCOLAIRE ET LES METHODES D'ENSEIGNEMENT

La place de l'histoire dans l'enseignement au Cameroun se matérialise aussi par la confection des manuels scolaires d'histoire et l'existence des méthodes précises de l'enseignement de cette discipline.

Selon le Dictionnaire de Pédagogie,

Le manuel est un livre d'un type un peu particulier. Il est destiné à être toujours en main comme son nom l'indique et il contient, sur une matière donnée, l'essentiel de tout ce qu'il faut savoir, présenté de façon aussi plus accessible que possible.

Le manuel n'est pas propre aux disciplines d'enseignement puisqu'on peut trouver des manuels pour la pêche ou pour la cuisine, mais l'acception la plus courante le désigne comme livre de classe, où une discipline, axée sur un

35 Ibid. p.179.

36 E. Mveng Evina, `'l'histoire du Cameroun dans les programmes, pp. 379-380.

37 S. Eyezo'o, `'L'Enseignement de l'histoire dans le secondaire au Cameroun'' in La recherche en histoire et l'enseignement de l'histoire en Afrique Centrale francophone, Colloque International, Publications de l'Université de Provence, 1997, pp. 389-390.

programme est présentée en leçons, avec illustration, croquis, carte accompagnées des règles, d'exemples, d'exercices...38

Pour mieux appréhender un concept ou une notion, une définition n'est pas suffisante. Ainsi, pour Richaudau,

S'il faut définir le manuel scolaire, ce doit être d'abord en évitant toute qualification formelle ou restrictive. On peut alors avancer qu'un manuel (scolaire) est un matériel imprimé, structuré, destiné à être utilisé dans un processus d'apprentissage et de formation concerté.39

Cela veut dire que tout ce qui est écrit peut être utilisé comme matériel d'enseignement-apprentissage scolaire quel que soit son étendu et son volume qu'il occupe à la seule condition qu'on l'intègre à un processus d'enseignement. De préférence cette définition :

S'applique donc aussi bien à un atlas qu'à un dictionnaire, une encyclopédie, une anthologie de morceaux choisis, un manuel scolaire proprement dit, ... un manuel pratique (technique), un texte, programmé, etc.40

Une réflexion sur les différences définitions ci-dessus établit sans ambages qu'elles ont un dénominateur commun : l'intégration à un processus d'enseignement ou d'apprentissage. Quand une discipline est axée sur un programme et présentée en leçons avec illustrations dans un document écrit cela revient à dire que ce document est intégré dans un processus d'enseignement-apprentissage.

Comenius serait le premier auteur d'un manuel scolaire destiné aux maîtres et aux élèves, La porte ouverte des langues en 1633 et que par la suite, il mit au point le livre illustré41.

Le problème de manuel scolaire d'histoire au Cameroun est très réel. L'usage préférentiel des manuels d'histoire écrits par des occidentaux, la pauvreté quantitative et qualitative des manuels d'histoire.

La politique du manuel d'histoire au Cameroun ne tient pas compte du nouveau contexte du Cameroun. En effet, cinquante ans après son indépendance le système éducatif camerounais ne devrait plus se tourner vers ceux qui ont souhaité qu'on n'ait pas d'histoire pour faire l'histoire de notre pays. Aujourd'hui le Cameroun continue d'utiliser des manuels

38 L. Arenilla, et al., Dictionnaire de pédagogie, Paris, Bordas, 1996, p. 187.

39 F. Richaudau, Conception et production des manuels scolaires, guide pratique, Paris, U.N.E.S.C.O, 1986, p. 51.

40 Ibid.

41 J. B.Tchoufa, `'Problématique de la conduite, p. 37.

d'histoire écrits par les occidentaux. Pourtant ceux-ci font un travail superficiel et leur intérêt est plus commercial que scientifique. C'est ce que dénonce Mveng Evina quand il dit :

La plupart des manuels d'histoire utilisés au Cameroun sont édités en France par les grands éditeurs français (Hachette, Hatier, Larousse ; etc.) Ces éditeurs sont plus portés à éditer les ouvrages scolaires qui intéressent le plus grand nombre des pays francophones. Ce sont en fait des commerçants plus intéressés par les bénéfices que les intérêts particuliers d'un pays isolé42.

Le manuel d'histoire de terminale Décolonisation et problèmes de l'Afrique indépendant de B. Delaveau est un exemple patent. Dans ce manuel, cet auteur et ses compères réduisent l'histoire de l'Afrique à 159 pages. L'histoire de la décolonisation du Cameroun fait à peine deux pages dans ce manuel.

Voila la preuve que la production de l'histoire africaine est une source d'argent pour les occidentaux et nom un souci de doter les pays africains de leur histoire. Hélas sur le plan local ce n'est pas mieux.

L'insuffisance production des livres d'histoire au Cameroun pose un sérieux problème. La production est faible par rapport à la demande. Les historiens publient peu d'ouvrages. Les mémoires, les thèses qui peuvent être publiées sont classées dans les bibliothèques académiques. Ceux qui essaient de produire font des gros livres difficiles à s'en servir dans l'enseignement secondaire. Pourtant ils pouvaient sortir des petits manuels à partir de ces publications. Les cent d'histoire du Cameroun, l'histoire du Cameroun sont des gros ouvrages qui peuvent produire plusieurs manuels utilisables au secondaire.

La qualité de la matière historique est confrontée à plusieurs problèmes. La tranche connue de cette histoire n'a fait qu'une entrée timide, en tout cas tardive dans les programmes d'enseignement, tous cycles et tous niveaux confondus. Le matériel didactique est sommaire, souvent incohérent et pas toujours crédible, convaincant. Trop de manuels ou de fascicules intitulés : `'histoire du Cameroun. Classe de ...» ont été conçus et confectionnés à la va-vite pour couvrir un marché sur un créneau juteux, plutôt que pour satisfaire des réels besoins de connaissances43. On note encore aujourd'hui beaucoup d'amateurisme dans la production des manuels d'histoire. Les éditeurs à mal de connaissances en histoire synthétisent mal les connaissances scientifiques pour mettre à la disponibilité des enseignants et les élèves du

42 E. Mveng Evina, `'l'histoire du Cameroun dans les programmes, pp. 379

43 L. Kaptué, `'Historiographie et enseignement de l'histoire au Cameroun» in La recherche en histoire et l'enseignement de l'histoire en Afrique Centrale francophone, Colloque International, Publications de l'Université de Provence, 1997 .p. 327.

secondaire. Alors nous avons pu constater que le manuel scolaire bien n'étant pas bon en quantité et en qualité fait son bonhomme de chemin au pays. Au vu de la multiplication des enseignants d'histoire, de l'émergence de plusieurs historiens dans nos universités conscients du problème de la production historique dont souffre notre pays, il est possible d'espérer la production s'améliore en quantité et en qualité. A l'intar de la méthode de l'enseignement qui évolue d'année en année.

La méthode est l'ensemble de procédés, de moyens pour arriver à un résultat selon le Dictionnaire Universel. Etymologiquement, méthode veut dire chemin qui conduit vers une destination, un but44. La méthode didactique se distingue de la méthode de la recherche, en ce sens qu'elle se réfère plus précisément à l'enseignement. Or tout enseignement exige l'explication ou la formulation des objectifs de l'enseignement. Pour atteindre ces objectifs, l'enseignant doit passer par une ou plusieurs méthodes qui conduisent vers ces objectifs45. Alors dans son livre, Belinga affirme que la méthode de l'enseignement est vielle comme l'histoire. Au Ve siècle avant Jésus-Christ, les Sophistes apparaissent comme les premiers spécialistes de l'enseignement. Ce sont eux en effet qui vont être à l'origine des premiers développements didactiques46. L'objet de leur enseignement était l'art oratoire. C'est la maîtrise de la communication et de la persuasion au moyen de la parole. A côté des Sophistes, Socrate développe la maïeutique et la méthode basée sur la conversation47. Ainsi nous constatons que depuis la Grèce antique, les hommes de science étaient déjà préoccupés par la méthode.

Depuis les temps modernes, on a connu les méthodes traditionnelles, les méthodes actives, les méthodes par objectif et l'approche par les compétences.

La méthode traditionnelle est celle qui applique la pédagogie du transmissivisme. Ici l'enseignant est le magistère et l'apprenant le Tabula rasa.

Ces méthodes, on le sait, font appel à la mémoire plutôt qu'à l'intelligence de l'élève. Elles ont pour corollaire le cours dicté qui renferme le professeur dans un monologue et l'amène par conséquent à s'adresser plus aux stylos à billes qu'aux élèves48.

44 S. Belinga Bessala, Didactique et professionnalisation des enseignants, Yaoundé, Edition CLE, 2005, p. 34.

45 Ibid.

46 Ibid. p.33.

47 Ibid.

48 S. Eyezo'o, `'L'Enseignement de l'histoire, p. 390.

Cet enseignement ennuyeux et peu efficace ne pouvait perdurer, `'il était apparu comme un mal généralisé qui minait l'enseignement dans les lycées et collèges du Cameroun''49. Il fallait la changer avec une nouvelle méthode.

Dans les années 1980, l'Inspection Nationale d'Histoire-Géographie préconisa les méthodes actives pour enseigner l'histoire dans le secondaire.

La méthode active implique la prise en compte des intérêts des apprenants, de la participation des élèves moyennant des stimuli spécifiques. Il s'agit de susciter, de provoquer l'action de l'apprenant à travers les activités bien structurées. L'apprenant est situé au centre de sa formation, l'enseignant devient son guide, orienteur tout en évitant de se substituer à lui dans son activité d'apprentissage50.

Cette méthode a permis à l'enseignement d'être efficace. Car l'élève participait activement à l'élaboration de son savoir. Dans la quête de perfection, on essaye toujours d'adapter la manière d'enseigner au rythme de l'évolution de la pédagogie et en fonction des difficultés rencontrées sur le terrain, en l'occurrence des méthodes actives à la longue on a rencontré de nombreux problèmes. Certaines de ces difficultés sont :

- Les effectifs pléthoriques de certaines classes ne permettent pas à chaque élève de s'exprimer ;

- Les contraintes des programmes à terminer absolument amènent certains enseignants à utiliser les méthodes ex-cathedra ;

- Les supports didactiques font défaut.

Face à ces problèmes les spécialistes on expérimenté une nouvelle méthode, c'est l'enseignement par objectif ou directive. Pour Roger Mager il est `'la description d'un ensemble de comportements (performances) dont l'étudiant doit se montrer capable pour être reconnu compétant''51. En histoire comme dans toute autre discipline, la méthode par objectif présente des avantages certains. D'abord, elle traduit une indication précise de la direction de l'apprentissage envisagé par l'enseignant formateur, une description du résultat attendu par lui52. Voici les rubriques qui entrent dans la préparation d'une leçon avec la méthode par objectif :

- les contenus spécifiques de la leçon ;

- L'objectif pédagogique opérationnel terminal subdivisé en objectifs pédagogiques opérationnel intermédiaires ;

49 Ibid.

50 S. Belinga Bessala, Didactique et professionnalisation, p. 38.

51 S. Eyezo'o, `'L'Enseignement de l'histoire, p. 391.

52 Ibid.

53 Mayi, `'Cours de didactique de l'histoire», Histoire V, Ecole Normale Supérieure de Yaoundé, 2013.

- Le matériel didactique

- Les activités d'apprentissage - L'évaluation

- Le temps.

Cette méthode est appréciée, mais le de perfectionner, de produire les apprenants compétents, depuis quelques années, l'Inspection Nationale d'Histoire-Géographie expérimente une méthode novatrice. C'est l'approche par les compétences. Elle nous vient du Canada.

Selon Domenico Maciotra `'la compétence est un savoir agir en situation. Elle dépasse le simple cadre du savoir c'est-à-dire ce qui s'apprend, pour devenir un savoir en action. On est compétent par rapport à un tâche à une situation»53.

La compétence ne se donne dont pas, mais elle se construit dans et par une activité. Elle présente quelques caractéristiques :

- La compétence ne se donne jamais à voir directement. Elle n'est pas donc observable directement comme les objectifs de Bloom cognitifs ;

- La compétence est indissociable e l'activité, de la singularité du sujet et du contexte dans lequel elle s'exerce.

- La compétence est structurée de manière combinatoire et dynamique ;

- Elle est construite et évolutive.

L'enseignement secondaire a choisi les clases de 6e et 5e au Cameroun pour expérimenter cette méthode. Elle est indiscutablement la meilleure, car elle permet à l'apprenant de résoudre ses problèmes quotidiens. L'histoire étant un nom de problèmes à résoudre, elle est appropriée. On attend voir les résultats de cette expérimentation d'ici les années à venir. Alors nous constatons que plusieurs efforts sont faits dans le système éducatif pour améliorer les méthodes d'enseignement. Dès lors suite à cette dynamique consacrée dans la méthode, il est indispensable que le problème du manuel d'histoire trouve des solutions efficaces.

Finalement l'histoire du Cameroun a pris une place importante aujourd'hui dans l'enseignement. Malgré que cette dynamique ait été progressive. L'élargissement de l'histoire du Cameroun dans les programmes de l'enseignement, la formation de plus en plus des enseignants d'histoire, l'amélioration des méthodes d'enseignement sont autant de signaux qui montrent que l'histoire a un bel avenir devant elle.

CHAPITRE II : UN CADRE D'ACCUEIL LAIC POUR L'ENSEIGNEMENT DU FAIT RELIGIEUX

Après plusieurs années de colonisation marquées par l'exploitation, les humiliations et la servitude, plusieurs pays africains accèdent à l'indépendance dans la période de 1960. A l'instar de ces Etats, le Cameroun devient un territoire souverain le 1ere janvier 1996054. Pourtant avant 1884 il n'existe pas en tant que tel. Il faut attendre la signature du traité germano-douala pour voir naitre un vaste territoire peuplé de plusieurs communautés ethniques55. Ce nouvel Etat est une république « laïque ». Ce qualificatif semble être une distinction liée à ses rapports avec les églises. Pourtant tout reste à croire que cette terminologie est nouvelle pour les Camerounais. Dès lors se poser la question de savoir comment ce territoire est devenu une république laïque ne surprendrait personne. Et comment cette laïcité s'applique à l'école ? A cet effet, des réponses à ces préoccupations sont évidentes. Pour se faire, nous allons tenter d'examiner les sources de la laïcité au Cameroun et montrer comment celle-ci s'applique dans le milieu scolaire.

I- LA LAICITE AU CAMEROUN

`'La république laïque du Cameroun»56n'est pas une invention des Camerounais, cette forme d'Etat aurait était inspirée par beaucoup de réalités historiques. A travers l'impact de la colonisation française, les lois internationales sur les droits de l'homme et la loi fondamentale du Cameroun, nous allons essayer d'établir les sources de la laïcité de l'Etat camerounais.

D- UNE LAÏCITE CALQUEE SUR LE MODELE FRANÇAIS

Plusieurs siècles avant le Cameroun, la France était déjà une République laïque. En nous appuyant sur la nature des relations coloniales entre le Cameroun et la France, il serait facile de conclure que la laïcité a était l'effet de diffusion au Cameroun à travers les acteurs coloniaux.

54 B. Delaveau, C. Mongnet et al., Décolonisation et problème de l'Afrique indépendante, Paris, édicef, 1989, p. 86.

55 Ibid. p.84.

56 In « préambule de la constitution du 4 mars 1960 ».

1- La France : une République laïque

La France devenue une République laïque après la révolution de 1789 transfert cette laïcité à l'école en 1905.

C'est sans conteste à partir de la révolution française, que le concept de laïcité prend racine. Elle marque le point de départ d'une laïcisation de la société. En effet à partir du 14 juillet 1789 la France monarchique va connaitre un bouleversement. Le peuple et le parlement demande un certain nombre de concessions au roi Louis VI57. Mais celui-ci de peur de perdre ses privilèges hésite et tente de faire intervenir les troupes pour disperser l'Assemblée et pense faire appel ses alliées européennes58. Mais cette réaction du roi n'est pas persuasive pour les députés qui dans la nuit du 4 août vote la déclaration des droits de l'homme et du citoyen59. C'est cette déclaration pose les bases de la laïcité60. Les philosophes du siècle des lumières critiquent vivement l'emprise que l'Eglise a pu avoir sur les esprits.

Incontestablement, les idées qui animeront la foi laïque prennent leur premier élan dans l'Encyclopédie de Diderot, dans le dictionnaire philosophique de Voltaire et son essai des moeurs, dans le contrat social de Rousseau (..). Le message novateur proclame la tolérance universelle, dissocie la morale et le dogme, conçoit et propose une honnêteté naturelle indépendante du catholicisme traditionnel et distincte de la religion61.

Cette citation que l'on doit à Louis Capéran, montre l'ampleur et les prémices de la naissance de la laïcité dans un contexte de Critique des abus de l'Eglise par les élites intellectuelles62.

En 1792, le marquis de condorcet émet l'idée, à travers son projet intitulé `'Rapport et projet de décret sur l'organisation générale de l'instruction publique», d'un système éducatif séparé de l'influence importante de l'Eglise depuis des siècles63. Il veut une école obligatoire, gratuite et sans religion mais également égalitaire des garçons et des filles. Bien que très mal accueilli, ce projet constituera la base de référence un siècle plus tard avec Jules Ferry. Il

57 En effet, le 5 mai 1789 à Versailles a lieu les Etats généraux. Cette rencontre réunissait les députés du tiers état, ceux de la noblesse, du clergé et le roi. Il était question que le roi annonce des grandes réformes sur les domaines sociales et juridiques. Mais le roi Louis VI n'a fait aucune annonce. Cette situation crée une déception chez les députés qui décident de doter le pays sans le consentement du souverain d'une constitution qui encadre les droits et les libertés des citoyens. (M. Ivernel, a. Carol et al, Histoire Géographie 4è, Paris, Hatier, 2002, pp. 66-67.

58 Ces alliées sont les royaumes d'Angleterre, de Hollande, d'Autriche Prusse, d'Espagne et de Sardes.

59 M. Ivernel, a. Carol et al, Histoire Géographie 4è, Paris, Hatier, 2002, p. 66.

60 Confère une copie de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen (Annexe I).

61 L. Capéran cité par C. Nabor, `'Enseigner le fait religieux», p. 14.

62 C. Nabor, `'Enseigner le fait religieux, p. 14

63 Ibid.

propose notamment de `'n'admettre dans l'instruction publique l'enseignement d'aucun culte''. Condorcet voue une farouche hostilité à l'influence de l'Eglise64.

La France connait une période de grande violence anticléricale, la déchristianisation, qui culmine dans les années 1793-1794. La décision de 1795 est la première séparation de l'Eglise et de l'Etat) censée apaiser les tensions, n'y parvient pas vraiment et la laïcisation de l'Etat prend fin en 1801 avec le Concordat65.

Ce Concordat signé le 15 juillet 1801 entre le premier consul Bonaparte et le Pape Pie VII met fin aux guerres civiles et religieuses qui avaient divisé les Français pendant la révolution française66. Cette situation de l'institution de la loi de laïcité et sa levée par Bonaparte est comparable à la danse Bafia. Il faut attendre 1905 pour assister à la vraie séparation de l'Eglise et de l'Etat67. Emile Combes avait lutté de manière radicale contre les congrégations en 1902 puisqu'elles sont presque toutes interdites, et en 1904, 2000 écoles avaient été fermées. Combes ayant été forcé de démissionner, c'est le président du conseil Maurice Rouvier qui fait voter la loi préparée par Aristide Briand, lui-même conseillé par Jean Jaurès. Le projet de Combes était très dur et celui qui aboutit à la loi est plus souple.

L'article 4 de la loi admet les différences d'organisation interne des l'Eglises et la structure hiérarchique de l'Eglise catholique68. Jaurès pensait qu'il fallait penser à long terme, en espérant une évolution interne de l'Eglise catholique qui s'acclimaterait progressivement à la laïcité. La loi prône la liberté de penser librement, le droit de penser à l'égard des dogmes et des préjugés et ne va nullement à l'encontre de la liberté de conscience ; c'est pourquoi, on ne saurait confondre la laïcité et l'athéisme.

Il s'agit à travers de cette loi, la laïcité de la République puisque celle-ci prône d'une part que `'L'Etat assure la liberté de culte, dans le respect de l'ordre public''69 puis d'autre part que `'l'Etat ne cautionne et ne subventionne aucun culte''70. La loi de 1905 est l'aboutissement d'un long conflit, de plus d'un siècle en France ; celui-ci aura opposé l'église catholique aux héritiers révolutionnaires. Cette laïcité sera réconfortée à travers les constitutions de 1946 et celle de 1958.

64 C. Nabor, `'Enseigner le fait religieux'', p. 14

65 Ibid.

66 Ibid.

67 Confère loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et l'Etat (Annexe II).

68 Article 4 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et l'Etat

69 Article 1 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et l'Etat

70 Article 2 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et l'Etat

La constitution de la quatrième République datant du 27 octobre 1946 reconnait le concept de la laïcité. En effet, il est instauré dans le préambule de celle-ci lorsqu'il est écrit que : `'L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir pour l'Etat''71. De plus, dans l'article premier de la constitution de 1946, il est affirmé que `'la France est une République indivisible, laïque, démocratie et sociale''72. En 1958, une nouvelle constitution est promulguée. Elle conforte le texte de la constitution de 1946 et donc la reconnaissance de la laïcité. Son préambule en reconnait l'attachement du peuple français aux droits définis dans la déclaration de 1989. Le premier article reprend d'autre part la formule figurant dans la constitution de 1946, à savoir que la `'République assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances''73. Alors fort de ce qui précède, nous constatons que le caractère laïque de la République Française a connu une évolution en dent de scie. Mais dès le début du XXe siècle cette laïcité est confortée. En se défaisant de la prééminence de la religion sur l'Etat, le domaine de l'enseignement n'a-t-il pas été affecté par cette réforme ?

Le système de l'enseignement d'un pays est tributaire de la nature de son Etat. C'est pourquoi nous pensons que la révolution qu'a connue depuis 1789 a aussi eu des effets sur le domaine scolaire. Trois étapes marquent la laïcité dans l'alphabétisation. En abolissant la loi de 1795, Bonaparte reliait à nouveau l'Etat à la religion. Ce contexte conforte l'Eglise et les cléricaux, qui se méfient de la République et des intellectuels. Ils donnent la priorité à l'éducation religieuse sur l'instruction74.

En effet, en 1816, une ordonnance royale accorde la priorité à l'éducation religieuse et rend obligatoire le catéchisme. Ceci est dû à la nature du régime qui est une monarchie constitutionnelle très cléricale, souhaitant restaurer par tout, l'influence de l'Eglise. Les écoles religieuses se développent considérablement sous la restauration (1815-1830)75. Pourtant ce recul de la laïcité soutenu par Bonaparte et l'Eglise n'empêche en rien du sentiment anticlérical. Celui-ci progresse notamment pour prôner le mépris envers le catéchisme.

C'est sous la monarchie de juillet (1830-1848) que Guizot, grand historien, impose de par cette loi, à chaque commune d'ouvrir une école publique, sans pour autant dégager l'enseignement primaire de la tutelle de l'Eglise : `'L'instruction primaire est privée ou

71 In « préambule de la constitution de 1946 ».

72 Extrait de l'article Ier de la constitution de 1946.

73 C. Nabor, `'Enseigner le fait religieux, p. 18.

74 Ibid. p. 15.

75 Ibid.

publique». Avec cette loi, l'instruction primaire élémentaire comprend `'l'instruction morale et religieuse, la lecture, l'écriture, les éléments de la langue française et du calcul, le système légal des poids et mesures». Cette loi marque un premier pas pour faire de l'école une `'affaire d'Etat»76.

La loi Falloux de 185077 veut redonner à l'Eglise le contrôle sur l'école. Elle rétablit notamment le contrôle du curé et établit la totale liberté de l'enseignement secondaire favorable aux écoles religieuses qui doivent concurrencer le secondaire laïque78.

Les lois laïques de 1879-188279 marquent la dernière étape de l'alphabétisation. L'instruction publique est un enjeu majeur de la troisième République dans un contexte de combat idéologique et conflictuel avec l'Eglise. En 1880, Camille Sée crée les collèges et lycées de filles et exclut l'enseignement religieux des heures de classe, mettant fin à la loi Falloux de 1850.

En 1881 et 1882, jules Ferry alors ministre de l'Instruction publique, remanie l'enseignement primaire. Il propose ce que l'on nomme les `'lois laïque» en se fondant sur l'utopie de Condorcet . La loi de 1881 instaure l'école gratuite et obligatoire pour les garçons et les filles de 6 à 13 ans. Un an plus tard en 1882, l'école publique devient laïque. Les programmes scolaires sont laïcisés, la religion étant affaire privée, le catéchisme n'est plus enseigné. De plus Jules Ferry affirme que ces deux lois ne sont pas des lois de combat dans une circulaire de 1883 adressée aux enseignants. Voici le contenu : `'L'instruction religieuse appartient aux familles et à l'Eglise. L'instruction morale à l'école. La loi a pour premier objet de séparer l'école de l'Eglise, d'assurer la liberté de conscience et des maitres et des élèves, distinguer entre deux domaines trop longtemps confondus, celui des croyances, qui sont personnelles, libres, variables, et celui des connaissances qui sont communes et indispensables à tous». C'est ainsi que dans les programmes l'instruction morale et religieuse est remplacée par l'instruction morale et civique qui est basée sur un fondement philosophique. L'article premier de la loi du 28 mars 1882 énonce les disciplines enseignées à l'école primaire et accomplit la réforme la plus déterminante en faisant disparaitre l'instruction religieuse des anciens programmes issus de la loi Falloux.

76 C. Nabor, `'Enseigner le fait religieux, pp. 16-17.

77 Ibid. 78Ibid. 79Ibid.

Jean Marie Mayeur insiste sur le fait que `'l'obligation, la gratuité et la laïcité formait aux yeux des républicains un atout inséparable. La gratuité permet l'obligation qui, dans un pays divisé de croyance, impose la laïcité''80.

La loi Goblet datant du 30 octobre 1886 interdit aux ecclésiastiques d'enseigner dans le public, il s'agit de par cette loi d'imposer la laïcisation du personnel dans les écoles publiques.

L'école de la République a été un franc succès avec d'une part la laïcité et d'autre part la centralisation notamment en ce qui concerne les programmes scolaires remaniés et la loi de 1886 qui impose de manière statutaire la laïcisation des personnels enseignants. Le principe de laïcisation de l'école ayant été consacré, restait à l'étendre à l'ensemble de l'Etat81. En somme, le domaine de l'enseignement a emboité le pas à la laïcisation de la République Française. Alors à travers ce qui précède, nous avons examiné la longue marche de la laïcisation de l'Etat français. Dès lors, voyons en quoi cette France a pu être l'une des sources de la République laïque au Cameroun.

2- La France pays mandataire : artisane de la laïcité de l'Etat camerounais

La France fut la dernière puissance colonisatrice à conduire le Cameroun jusqu'à l'indépendance, L'analyse de Maurice Kamto sur le lien entre la constitution de 1996 du Cameroun et celle de la révolution française de 1789 sont autant d'éléments qui peuvent établir le rôle de la France dans le choix de la laïcité par le Cameroun.

Après la première guerre mondiale82 et la conférence de paix, la Société des Nations (S.D.N.) place entre autre, les territoires allemands sous mandat.83 Le Cameroun faisait parti de ces territoires et les pays mandataires étaient la France et la Grande-Bretagne. Dès lors ces deux puissances sont mandataires de cette ancienne colonie germanique. Malgré la deuxième guerre mondiale, plus grande chose ne va changer. On sait seulement que le régime de mandat va simplement se transformer en tutelle de l'O.N.U84. Pour ce qui est de l'administration française qui nous concerne d'ailleurs, il faut dire que le pays hérité est considéré comme une nouvelle colonie. Dès lors, la politique appliquée ici est celle de l'assimilation. Il serait dont question de faire du territoire camerounais une copie pâle de la métropole. Le pays a connu

80 Ibid.

81 Ibid.

82 B. Delaveau, C. Mongnet et al ; Décolonisation et problèmes de l'Afrique indépendante, Paris, Edicef, 1983, p. 84.

83 A. Ahidjo, L'Encyclopédie de la République Unie du Cameroun, Yaoundé, Les Nouvelles Editions Africaines, 1981, p. 57.

84 Ibid. p.

son évolution dans le cadre des réformes que faisait la métropole pour ses colonies de l'AOF et de l'AEF. D'abord l'Union Française en 1946. Cette constitution qui fut rejetée d'abord le 5 mai 1946 par ce qu'elle ne répondait pas aux intérêts des colons85 se verra pour la deuxième tentative adoptée le 27 octobre 1946. Celle-ci créa l'Union Française. Elle était formée d'une part de la République Française qui comprend la France métropolitaine, les départements et les territoires d'Outre-mer, d'autre part, des territoires et Etats associés86. L'impact de cette constitution au Cameroun fut le droit accordé à son territoire d'élire des représentants à l'Assemblée Nationale Française, le territoire était également représenté au Conseil de la République Française et au Conseil Economique Français87.

La loi-cadre Gaston Defferre de 1956 apportait d'autres réformes pour l'évolution politique du Cameroun. Ainsi les élections au sein de toutes les assemblées du Cameroun Français allaient désormais être faites par un collège unique. Grâce à cette loi, le territoire obtint sa première constitution en 1957 et eut son premier chef du gouvernement le 15 mai 195788. Et le 1er janvier 1960, le Cameroun accédait à son indépendance sous la direction d'Ahidjo. Alors nous constatons que dans son processus vers l'autodétermination, le pays fut accompagné par la France. Dès lors penser que la nature laïque de l'Etat du Cameroun est une signature de la France serait justifié, car cette dernière était déjà laïque depuis plusieurs siècles et ne trouvait pas son intérêt à donner une autre nature à son ancienne colonie qui devenait un Etat. Surtout quand-t-on sait que pendant cette période tout était fait par les Français. Ce qui signifierait que les constitutionalistes de cette première heure seraient ceux-ci.

D'autres facteurs internes peuvent expliquer l'orientation du Cameroun vers une république laïque. Celui d'une multitude de religions sur son sol depuis la colonisation allemande. En effet, le Cameroun allemand était un territoire partagé entre plusieurs religions. Le Grand Sud chrétien (Missions Baptistes de Londres, Mission Protestante Américaine, la Mission Allemande de Bâle) et le Grand Nord musulman89. Ainsi quand les Français arrivent en 1916, ils trouvent cette réalité. Cette diversité des religions était déjà un facteur de laïcité. Car il

85 Les milieux coloniaux avaient parfaitement pris conscience du danger qui les menaçait, car l'extension du système démocratique et du suffrage universel les rendait minoritaires dans les territoires et donc incapables d'orienter la politique dans le sens de leurs intérêts.(B. Delaveau, C. Mongnet et al ; Décolonisation et problèmes de l'Afrique indépendante, Paris, édicef, 1989, P.70.).

86 B. Delaveau, C. Mongnet et al ; Décolonisation et problèmes de l'Afrique indépendante, Paris, édicef, 1989, P.71.

87 V. J. Ngoh, Cameroun 1884-1985 Cent ans d'histoire, Yaoundé, CEPER, 1990, p. 116.

88 Ibid. p. 140.

89 Ibid. pp. 7-27.

était difficile pour le pays de pencher pour une religion quelconque de peur de léser une partie de la population à cause de son attachement à une religion différente.

A propos de cette laïcité de l'Etat Cameroun, beaucoup de juristes camerounais pensent que le pays l'a hérité des droits classiques français de 1789. C'est le cas de Maurice Kamto qui citait dans `'Chroniques Juridiques» en 1996 quelques droits classiques hérités de la révolution de 1789. Ils sont :

- Le principe d'égalité ;

- La sûreté personnelle ;

- L'inviolabilité du domicile ;

- Le secret de la correspondance ;

- L'accès à la justice ;

- La liberté de conscience et de culte ;

- La liberté d'expression et de presse ;

- La laïcité de l'Etat90.

Parmi ces droits fondamentaux il se trouve que la laïcité de l'Etat y figure, preuve que le Cameroun aurait hérité des droits classiques français dans ses différentes constitutions. Alors à travers l'examen du rôle de la France dans le processus de décolonisation au Cameroun, les facteurs internes matérialisés par une multitude de religions et la position de Maurice Kamto, nous avons tenté de montrer que la nature laïque de l'Etat camerounais viendrait de la France. Mais alors, il est sans doute que d'autres sources de la séparation de l'Eglise et l'Etat au Cameroun existent.

E- LES SOURCES INTERNATIONALES DE LA SEPARATION DE

L'ETAT ET L'EGLISE

On entend par `'source», le point de départ de quelque chose, origine d'une information, l'oeuvre antérieure qui a fourni à un écrivain un thème. Dans le cadre de notre travail, la source internationale de la séparation de l'Etat et l'Eglise est l'ensemble de textes de base internationaux qui régissent la gouvernance internationale. Ces textes juridiques sont parfois la déclaration, les chartes et les statuts des organisations internationales. Ils sont au dessus des constitutions des Etats signataires.

90 M. Kamto, `'Chroniques juridiques», 1996.

Si la laïcité est définie par Jean Delumeau comme `' la séparation des Eglises et de l'Etat, il faut ajouter qu'elle est aussi la liberté d'un citoyen de choisir sa religion ou d'être non religieux''91, cela veut dire que la déclaration universelle des droits de l'homme et la charte africaine des droits de l'homme et des peuples prônent la laïcité des Etats. Et tout d'un coup sont les autres sources de la laïcité de l'Etat du Cameroun.

1- La déclaration universelle des droits de l'homme

Le 10 décembre 1948 à Paris92, une Assemblée générale proclame la `'Déclaration universelle des droits de l'homme'' Voici Un extrait du préambule :

L'Assemblée générale proclame la présente déclaration universelle des droits de l'homme comme idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations afin que tous les individus et tous les organes de la société, ayant cette déclaration constamment à l'esprit, s'efforcent, par l'enseignement et l'éducation, de développer le respect de ces droits et libertés et d'en assurer, par des mesures progressives d'ordre national et international, la reconnaissance et l'application universelle et effectives, tant parmi celles des territoires placés sous leur juridiction93.

Dans son article 18 elle stipule que `' Toute personne a le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction (...) et l'accomplissement des rites''94.

A travers cette déclaration vu son préambule et son article, nous constatons qu'elle garantit les libertés. Parmi ces libertés fondamentales, le droit à la religion, à la changer et à la manifester occupe une place importante. Ainsi, nous pensons avec Jean Delumeau que cette déclaration pose aussi la base de la laïcité. Le Cameroun s'est engagé à assurer, en coopération avec l'Organisation des Nations Unies, le respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales. C'est pourquoi dans sa constitution, il s'est assuré que ces droits y figurent et soient respectés. Mais cette déclaration n'est pas le seul international qui inspire le Cameroun.

91 C. Nabor, `'Enseigner le fait religieux, p. 11.

92 C'est dans un contexte de l'après deuxième guerre mondiale que cette déclaration est signée par la France et les autres membres de l'ONU. Elle est en effet la réaction des anciens belligérants aux atrocités, humiliations, privatisation de libertés connues par l'homme pendant les deux guerres mondiales. Ainsi, ce texte de loi vise à garantir les libertés et les droits des hommes où qu'ils se trouvent.

93 Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, Paris, 10, 1948.

94 Ibid.

2- La charte africaine des droits de l'homme et des peuples

La `'Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples»95 est un texte de loi qui a été adopté par la dix-huitième Conférence des chefs d'Etats et de Gouvernement en 1981. Cette charte affirme l'engagement des Etats africains à assurer les droits et les libertés de l'homme en s'appuyant sur les valeurs traditionnelles africaines et les lois internationales.

Dans on article 2 Elle stipule : `'Toute personne a droit à la jouissance des droits et libertés reconnus et garantis dans la présence charte sans distinction aucune, notamment de race, d'ethnie, de couleur, de sexe, de langue, de religion, (...) de naissance ou de toute autre situation»96. Dans l'article 8 nous pouvons lire : `' La liberté de conscience, la profession et la pratique libre de la religion, sont garanties. Sous réserve de l'ordre public, nul ne peut être l'objet de mesures de contraintes visant à restreindre la manifestation de ces libertés»97.

Ces deux articles montrent le souci et la volonté qu'ont eue les Etats africains dans la protection des droits et des libertés fondamentaux. Le droit de religion fait toujours partie de ces libertés. Son article 1 dit ceci : `'Les Etats membre de l'Organisation de l'Unité Africaine, parties à la présente Charte, reconnaissent les droits, devoirs et libertés énoncés dans cette Charte et s'engagent à adopter des mesures législatives ou autres pour les appliquer»98. Par conséquent le Cameroun étant faisant partie de l'OUA s'engage par ricochet à l'application de ces droits et devoirs de l'homme. Ce qui est concrétisé dans sa constitution. Alors à partir de ces textes internationaux, nous pouvons constater que le Cameroun s'est d'une part appuyé sur eux pour construire son cadre laïque. Dès lors nous pouvons voir comment ces textes se sont infiltrés dans la loi fondamentale du pays.

F- LA SOURCE CAMEROUNAISE DE LAÏCITE

Une source est dite nationale quand elle concerne la constitution, les textes juridiques d'un pays. Au Cameroun, la constitution est la source de la séparation de l'Etat et de l'Eglise.

La constitution est la loi fondamentale d'un pays. Ainsi au Cameroun, elle est l'ensemble des règles concernant les droits et des libertés, les devoirs et les obligations des citoyens,

95`'Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples», dix-huitième conférence des Chefs d'Etats et de Gouvernement de l'OUA, juin 1981, Nairobi, Kenya.

96 `'Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples».

97 Ibid.

98 Ibid.

l'organisation et le fonctionnement des pouvoirs publics en tant qu'elles sont énoncées dans un texte particulier par l'organe constituant, et qui ne peuvent être modifiées que par des organes désignés à l'avance et selon une procédure spéciale de révision distincte de la procédure législative ordinaire.

Le Cameroun aurait eu sa première constitution mars 1960. En effet, le gouvernement de l'Etat du Cameroun conformément à la loi n° 59-56 du 31 octobre 1959 a proposé et le peuple a adopté. Le Premier Ministre, Chef de l'Etat promulgue la loi constitutionnelle dont le préambule définit la nature de l'Etat en ces termes :

- L'Etat proclame sa neutralité vis-à-vis de toutes les croyances. La liberté du culte et le libre exercice de sa pratique sont garantis.

- Le principe de la laïcité, sous l'égide duquel le peuple camerounais place la République, s'entend par la séparation des Eglises et de l'Etat. Il implique que la République n'est ni ecclésiastique ni religieuse99.

La portée de ce texte est très profonde. Elle signifie que l'Etat ne finance aucune religion, n'avantage aucune obédience religieuse. Il dresse une barrière entre l'Etat et les Eglises. Chacun deux n'interfère dans le domaine de l'autre. Les Eglises sont libres d'exercer leur pratique mais dans le cadre de la loi. L'Etat laisse librement les Eglises fonctionner mais reste l'organe régulateur.

Le contexte des crises religieuses que le monde connait aujourd'hui, nous pouvons dire que cette disposition de la constitution camerounaise était avant-gardiste. Car elle prévenait déjà les conflits entre l'Etat et les Eglises d'une part et les Eglises entre elles même d'autre part.

Cette constitution a connu plusieurs révisions et modification, mais les plus importantes ont étaient la révision de 1972, la modification de 1979, la modification de 1991 et la révision de 1996.

Le 02 Juin 1972, le Cameroun obtient une nouvelle constitution suite à la révision de celle de 1961. Le but de Cette révision était pour la création des institutions de la République Unie du Cameroun.

En 1979, Cette constitution de 1979 est modifiée par la suspension de son article qui prévoyait le poste de premier ministre.

En 1991, elle se voit encore modifier pour instituer de nouveau le poste de premier ministre.

99 A. AS, J.O.R. C, `'Constitution», mars 1960.

En 1996, la constitution de 1972 est révisée. Elle vise à institutionnaliser la décentralisation à travers les conseils régionaux et à compléter les institutions politiques pour asseoir la démocratie. Le Senat, le Conseil constitutionnel sont ces institutions100.

Pendant ces nombreuses modifications et révisions constitutionnelles, la disposition qui assure la laïcité est restée inchangée. Ceci montre la volonté des politiques de ce pays à maintenir la séparation des Eglises et le pouvoir, la diversité des confessions religieuses, la neutralité de l'Etat face aux Eglises, le respect des libertés religieuse, de réunion et d'association par l'Etat. La constitution étant la loi fondamentale d'un pays, les lois et les règles d'un Etat sont soumises à leur constitutionnalité. C'est pourquoi l'école tient compte de la laïcité.

II- LA LAICITE A L'ECOLE

Le respect de la laïcité se matérialise à l'école camerounaise à travers la loi d'orientation et l'usage d'un personnel enseignant neutre dans les établissements scolaires.

A- LA LOI D'ORIENTATION DE 1998, CADRE DU RESPECT DE LA LAÏCITE A L'ECOLE

La loi d'orientation comme son nom l'indique est cette disposition qui encadre l'enseignement. Elle pose les objectifs de l'éducation et définit l'environnement dans lequel elle doit être faite. Ainsi dans son article 10, nous pouvons lire : `'L'école publique est laïque. Sa neutralité et son indépendance vis-vis de toutes les religions son garanties''101.

A la première interprétation de cette disposition, on constate que cette loi assure la laïcité dans les écoles publiques. Ainsi, l'école publique est un milieu où la pratique de la religion n'a pas de place. Il ressort de ceci que les élèves de plusieurs confessions religieuses ont leur place, mais à condition de garder leur croyance dans un cadre privé.

Pourtant à la deuxième interprétation, nous remarquons que la portée de cette disposition se limite seulement aux établissements publics. Dès lors les établissements privés ne seraient pas concernés. A titre d'exemple, il existe au Cameroun les écoles islamique, catholique, protestante et adventiste. Dans ces écoles la doctrine religieuse est enseignée. Et les élèves qui s'orientent vers elles sont conscients de la forte place qu'occupe la doctrine religieuse dans les enseignements. Pour mieux assurer cette neutralité de l'école publique et son indépendance vis-à-vis de toutes les religions, un personnel enseignant neutre est convié.

100 Constitution camerounaise de 1996.

101 Loi n°98/004 du 14 avril 1998 d'orientation de l'éducation au Cameroun

B- UN PERSONNEL ENSEIGNANT NEUTRE

Le personnel enseignant est l'ensemble des personnes qui exercent le métier de l'enseignement. Ceux qui dispensent les leçons d'histoire son inclus dans le département d'histoire.

Pour examiner la neutralité du personnel enseignant au Cameroun, preuve de la pratique de la laïcité à l'école, nous allons d'abord présenter la différence entre l'enseignant et le catéchiste, ensuite une étude de la déontologie de l'enseignement semble indispensable et pour finir avec un examen statistique des enseignants d'histoire formés.

1- Différence entre un professeur d'histoire des religions et le catéchiste

La différence peut être définie comme l'absence de similitude ou le caractère qui distingue deux choses. Alors dans le cadre de notre travail, ressortir la différence entre le professeur et le catéchiste ou le religieux revient d'abord à présenter chacun dans sa vie privée et dans un deuxième temps à analyser leur profession.

Le professeur d'histoire des religions peut-être un homme athée, un judaïque, un chrétien ou un musulman ou encore un bouddhiste. Alors que catéchiste, l'Imam ou le religieux est d'abord un évangéliste. Ce qu'ils ont de commun c'est qu'ils sont tous les enseignants102.

Contrairement au religieux qui enseigne sa religion, le professeur enseigne l'histoire des religions. Ainsi, il apprend à ses élèves l'histoire du Judaïsme, de l'Islam, du Christianisme. Pourtant pour des raisons de concurrence un prêtre, un imam ou un Rabbin ne peut pas enseigner dans son milieu une autre religion étrangère. Le but de l'enseignement distingue encore les deux. L'enseignant dispense un savoir livresque, qui permet à ses élèves d'être cultivés alors que le but de la catéchèse est de préparer les élèves à la vie religieuse. Alors l'objectif poursuivi par les deux approches est une distinction claire qui enlève le flou entre un professeur et un religieux dans le métier de l'enseignement. Ce qui vient renforcer la position de l'enseignant formé est la déontologie.

2- La déontologie de l'enseignement comme renfort de la laïcité

La déontologie est l'ensemble des règles et des obligations professionnelles qui s'imposent à une profession. Elle est l'étude, non seulement de l'ensemble des devoirs et des prescriptions

102 R. Debray, Rapport du séminaire, `'L'enseignement du fait religieux», France, 2002.

admises à une époque donnée dans une profession, mais l'effort pour se conformer à ces prescriptions ainsi que les exhortations les suivre103.

Ainsi, la déontologie de la profession de l'enseignement au Cameroun pose plusieurs éléments qui favoriseraient le respect de la laïcité par l'enseignant dans la salle de classe. Elle stipule par exemple que les professeurs sont par conséquent obligés de créer et de préserver un climat éthique à l'école. C'est-à-dire qu'ils doivent :

- Respecter la dignité humaine, les droits de l'homme;

- Respecter la mentalité, les coutumes et les croyances des élèves104.

Ces deux principes assurent la neutralité des enseignants vis-à-vis des questions qui soulèvent la sensibilité des élèves. Dès lors, ils assoient les libertés de conscience et de croyance émises par la constitution du Cameroun.

S'agissant de cette déontologie, Régis Debray pense que :

La déontologie enseignante, et qui s'applique à l'exposé des doctrines, en philosophie, comme à celui des systèmes sociaux, en histoire, stipule la mise entre parenthèse des convictions personnelles (...). Les professeurs sont instruits, au-delà de la simple réserve, dans l'art de réduire sans aplatir, expliquer sans dévaluer, donner à sentir sans se mettre en avant105.

A travers cette affirmation, on peut relever que la déontologie invite l'enseignant à réserver ses convictions personnelles, si il arrive qu'il intervienne dans les questions religieuses ou d'opinion qu'il soit objectif. Alors, nous remarquons que l'apprentissage de la déontologie par les élèves enseignants vise à faire d'eux les futurs enseignants neutres. Ce qui pose le problème de la nécessité formation des enseignants dans les structures étatiques.

3- Les statistiques des enseignants d'histoire formés entre 1964 et 1994

Les statistiques révèlent que, de 1964 à 1994, l'Ecole Normale Supérieure a formé 1299 enseignants d'histoire dont 615 professeurs de collèges (PCEG) et 684 professeurs de lycées (PLEG). Le nombre de ces derniers, a rapidement augmenté depuis ces dernières années, compte-tenu de la création de l'Ecole

Normale de Mbambili et l'Ecole Normale de Maroua, qui à leur tour ont formé plusieurs professeurs d'histoire106. Alors si les structures de formation des enseignants existent, c'est

103 Madame Medoua, cours de l'administration et de la législation scolaire, ENS de Yaoundé, 2013.

104 Ibid.

105 R. Debray, Rapport à Monsieur le Ministre de l'Education nationale, `'L'enseignement du fait religieux dans l'école laïque», Février 2002, p.14.

106 S. Eyezo'o, `'L'enseignement de l'histoire, 1997, p. 389.

pour répondre à plusieurs problèmes. D'abord le souci de former les enseignants et ensuite celui d'affecter dans les établissements les personnes qui jouissent d'une neutralité pour aborder dans leur métier toutes les questions sans blesser la sensibilité des apprenants. Alors notre analyse de la neutralité du personnel enseignant s'est faite à travers la différence entre le professeur et le catéchiste, la déontologie comme renfort de la laïcité et l'évaluation des enseignants d'histoire formés.

Sur l'analyse autour du cadre laïc sur l'enseignement du fait religieux au Cameroun, nous avons fait d'abord un historique de la laïcité au Cameroun, ses sources internationales et nationales. Dès lors, nos retenons que la laïcité prônée par la constitution du Cameroun aurait plusieurs origines. Elle serait tirée de la constitution française de 1789. Mais au vu de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et la Charte Africaine des Droits de l'Homme, il semblerait que la constitution française ne soit pas la seule source de la laïcité au Cameroun. Car ces deux institutions internationales posent les bases du respect des libertés de conscience et de croyance. Cette disposition de la constitution camerounaise s'est étendue dans le cadre scolaire à travers la loi d'orientation de 1998 et la déontologie de l'enseignement.

CHAPITRE III : REFLEXION SUR L'ENSEIGNEMENT DU FAIT RELIGIEUX

Pour la didactique, la réflexion est le retour opéré par la pensée sur elle-même en vue d'une conscience plus nette et d'une maitrise plus grande de ses processus. Cette dimension de la réflexion appartient à l'homme107. Ainsi, réfléchir c'est pensé. Pourtant nous nous proposons de faire une critique sur l'enseignement du fait religieux dans le secondaire au Cameroun. Dès lors ce travail va s'articuler sur la place de l'histoire des religions dans les programmes d'histoire au secondaire et la prise de conscience.

III- LES FAITS RELIGIEUX DANS LES PROGRAMMES

D'HISTOIRE

Le programme est l'ensemble des thèmes d'une discipline dont l'étude est prévue dans une classe ou sur lesquels doit porter un examen. Pour enseigner l'histoire, les enseignants se servent des programmes officiels. Ainsi il existe un programme d'histoire adapté à l'approche par les compétences réservé aux classes de 6ème et 5ème108 et l'ancien programme qui reste en vigueur de la 4ème jusqu'en Terminale109. En nous appuyant sur ces programmes, nous examinerons la place de l'histoire des religions dans les programmes et dans le deuxième temps nous allons souligner l'inexistence des autres religions dans ces programmes.

A- LA PLACE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS

En parcourant les programmes d'histoire du secondaire, on observe une quarantaine de leçons où le fait religieux intervient. A l'intérieur de ces quarante leçons, on compte douze leçons de l'histoire de religions et le reste malgré qu'elle n'aborde pas directement cette histoire relève quand-même des aspects religieux.

1- Une quarantaine de leçons constituant des aspects religieux

Les programmes d'histoire de l'enseignement secondaire présentent 146 leçons de la 6ème en Terminale. Nous dénombrons 15 leçons en 6ème, 16 en 5ème110, 22 en 4ème, 27 en 3ème, 22 en seconde, 22 en Première et 22 en Terminale111. A l'intérieur de ce vaste programme on compte 42 leçons d'histoire présentant les aspects religieux. C'est dans les classes de 6 ème et

107 M. Gillou, M. Moingeon et al., Dictionnaire universel, Paris, Hachette, 2002, p. 1024.

108 Curriculum du sous cycle d'observation de l'enseignement secondaire (6ème, 5ème).

109 Circulaire n°53/D/64/MINEDUC/IGP/ESG/IAM/AG du 15 novembre 1990 : actualisation et aménagement des programmes d'histoire-géographie et instruction civique.

110 Curriculum du sous cycle d'observation

111 Circulaire n°53/D/64/MINEDUC/IGP/ESG/

112 B. Delaveau, C. Mongnet et al., Décolonisation et problèmes de l'Afrique indépendante, Paris, Edicef, 1983, p.60.

5ème qu'on trouve le plus grand nombre de ces leçons, environ 12 en 6 ème et 11 en 5ème. Les autres classes viennent avec moins de leçons, environ 04 en 4ème, 04 en 3ème, 06 en seconde, 01 en Première et 04 en Terminale.

Nous pouvons constater que le fait religieux couvre 1/3 des programmes d'histoire au secondaire. Mais cette estimation reste discutable, car le domaine religieux est très vaste au point ou il est confondu avec l'histoire des hommes et des régions. Le deuxième constat est que le grand nombre de ces leçons se concentre au premier cycle quand on regarde le pourcentage en leçons que représentent les classes de sixième, cinquième et quatrième dans le nombre total de leçons environ 60%.

Ceci est sur le plan de la forme c'est-à-dire la présence du fait religieux dans chaque leçon d'histoire. Mais sur le plan du fond, en faisant allusion à la pratique certains enseignants peuvent étudier certaines des 42 leçons sans aborder le fait religieux. Cela pour des raisons que seules eux savent. Si nous pouvons donner une tentative de réponse c'est peut-être parce que le fait religieux est confondu avec les autres faits historiques. Ainsi l'enseignant choisit de développer ceux-là, à cause de leur importance. Nous pouvons prendre par exemple la leçon de Terminale qui traite la décolonisation du Maghreb: exemple de l»Algérie. Ici certains enseignants déroulent les facteurs de décolonisation, les leaders et les partis nationalistes, les moyens de revendication et l'accession à l'indépendance sans souligner les aspects religieux. Pourtant nous savons que dans cette crise qui a opposé l'Algérie et la France, la religion y est pour beaucoup112. Ce qui n'est pas le cas quand il s'agit des leçons qui traitent directement l'histoire des religions.

2- Une douzaine de leçons sur l'histoire des religions

Les leçons sur l'histoire des religions sont celles qui traitent essentiellement les aspects religieux. On compte 12 leçons parmi les 42 que nous avons soulignées. Nous avons :

-08 leçons en 6ème :

? La religion de l'Egypte ancienne,

? Le Judaïsme et le Christianisme,

? L'expansion du Christianisme en Afrique,

? Les apports du Judaïsme et du Christianisme dans le monde actuel,

· Les fondements de l'Islam,

· L'expansion de l'Islam en Afrique,

· L'apport de l'Islam dans le monde actuel,

· Les pèlerinages dans les religions chrétiennes, musulmane : origine, lieux saint, symboles, déroulement.

- 01leçon en 5ème :

· Les religions de l'Amérique. - 01 leçon en 4ème :

· L'arrivée des missionnaires au Cameroun. - 01 leçon en 3ème :

· L'arrivée des premiers missionnaires au Cameroun. - 01 leçon en Ière :

· Les positions européennes et les forces de pénétration : missionnaires, voyageurs, marchands.

A travers cette présentation, nous pouvons faire quelques remarques. D'abord il faut dire que cinq classes seulement sur sept étudient les leçons sur l'histoire des religions. Nous ignorons les raisons de ce choix, car seuls les inspecteurs chargés de la conception des programmes d'enseignement savent pourquoi ils ont planifié ça ainsi.

En dehors de la religion de l'Egypte ancienne, les programmes s'intéressent seulement à trois grandes religions. A savoir : le Judaïsme, le Christianisme et l'Islam. Les trois religions du livre comme l'appelle si bien Nabor113. Ce choix porté sur ces trois religions pourrait se justifier sur plusieurs faits. N'est ce pas le Judaïsme et le Christianisme sont deux religions du monde occidental ? Pourquoi ne bénéficieraient-elles pas d'une grande crédibilité auprès de ces occidentaux ? Quels étaient les objectifs de l'introduction du christianisme en Afrique ? A qui le Cameroun doit-il son système scolaire ? C'est possible que la réponse à ces questions nous conduise aux raisons du choix de ces religions.

Quant à l'Islam, il est adopté comme religion par plusieurs pays africains. L'histoire de l'Afrique est liée à l'Islam, les occidentaux sont conscients de cette réalité. Car toute l'Afrique du Nord est dominée par les arabes (peuple de religion musulmane). Pour comprendre l'histoire du continent noir, beaucoup d'historiens européens se sont d'abord

113 C. Nabor, `'Enseigner le fait religieux à l'école élémentaire», master 2 SMEEF spécialité « professorat des écoles », Université d'Artois, 2011/2012, p.7.

appuyés sur les textes arabes114. Notre pays le Cameroun comprend deux grandes religions à savoir le christianisme et l'Islam.

Le troisième constat est que l'Islam et le Christianisme occupent une grande place par apport au Judaïsme. Peut-être par ce que le Judaïsme est moins rependu comme religion par apport aux deux autres. En somme, trois religions occupent l'histoire dans les programmes du secondaire. Le fait religieux est indissociable avec l'histoire des hommes. Ainsi, il couvrirait tous les programmes d'histoire. Il reste que s'il doit être visible et exploité c'est aux enseignants de le creuser. Mais on déplore l'indifférence que sont victimes les autres religions.

C- INEXISTENCE DES AUTRES RELIGIONS DANS CES PRORAMMES

Quand on parle de l'inexistence on fait allusion à l'absence de quelque chose qui devait exister. Le Dictionnaire Universel parle de défaut d'existence. Il s'agit ici de l'absence de l'Indouisme, le Bouddhisme et les religions traditionnelles africaines dans les programmes.

1-L'Hindouisme

L'Hindouisme est un ensemble de courants religieux surtout répandu en Inde, reposant sur les Vedas et le système de caste. Professé par 85% de la population, l'Hindouisme ne ressemble à aucune autre religion115. Le panthéon hindouiste réunit plusieurs divinités dont les plus connues sont Vishou, qui représente l'aspect conservateur et bienveillant du principe créateur du Brahma, Çiva qui en est l'aspect destructeur et en même temps reproducteur, puisque toute mort est aussi une naissance. La morale hindouiste recommande en général la pureté, la maîtrise de soi, le détachement, la vérité, la non violence, le respect des êtres vivants116. Contrairement à sa religion soeur le Bouddhisme, l'Hindouisme n'a pas connu une grande expansion, sinon à travers les migrations des populations indiennes. Elle est restée comme une tradition proprement indienne.

En effet, Cette religion est absente des programmes d'histoire d'enseignement secondaire. Pourtant l'ouverture de notre pays au monde fait en sorte que nous ayons chez nous les populations indiennes qui exercent dans le commerce depuis très longtemps. Ils cohabitent avec les populations camerounaises et pratiquent leur culte chaque fois qu'il est

114

115 G. de Bertier, Le Monde contemporain de 1914 à nos jours, Paris, Editions de Gigord, 1974, p. 238.

116 Ibid.

possible. Par ignorance de cette religion, pire encore de ses pratiques, les populations locales pourraient se méfier de ces Indiens. Ou dans un autre cas développer une sorte d'intolérance et mépris envers ces populations indiennes. D'où la nécessité de l'enseignement de l'Hindouisme aux élèves du secondaire. Dans le sens de cultiver le jeune camerounais sur les pratiques religieuses des ressortissants de l'Inde, évitant par conséquent la méfiance et la satanisation des pratiques de ces derniers. Surtout en termes de relations, il faut connaitre autrui dans son entièreté pour le comprendre et l'accepter.

2-Le Bouddhisme

Le Bouddhisme est une religion de l'Asie, qui est née entre 560-480 avant Jésus-Christ dans le Nord-Est de l'Inde (la région située au pied de l'Himalaya). Son fondateur est Gautama Siddhartha de son vrai nom et devenu après son illumination Bouddha (L'illuminé)117. Dans sa quête de la voie divine, le Gautama découvra quatre nobles vérités : l'universalité de la souffrance, l'origine de la souffrance, la cessation de la souffrance et le chemin qui conduit à la cessation de la souffrance. 118 Et fort de ces vérités, il propose le noble chemin octuple (la compréhension juste, la pensée juste, la parole juste, l'action juste, le moyen d'existence juste, l'effort juste, l'attention juste et la concentration juste)119. La morale populaire bouddhiste est généralement résumée dans les cinq préceptes :

- ne pas tuer d'être vivant,

- ne pas voler,

- ne pas se donner à la luxure,

- ne pas mentir,

- ne pas s'enivrer120.

Ce sont ces valeurs qui ont fait du Bouddhisme une religion populaire en Asie. Malgré son évincement par l'hindouisme et l'Islam dans sa terre natale121, il s'est facilement répandu dans toute l'Asie et ainsi devenu l'une des religions les plus populaires au monde vu le nombre d'adhérents.

117 G. de Bertier, Le Monde contemporain de 1914, p. 224.

118 F. Boespflug et E. Martini, S'initier aux religions, Paris, les éditions Cerf, 1999, p. 190.

119 Ibid.

120 G. de Bertier, Le Monde contemporain de 1914, p. 225.

121 Le Bouddhisme eut d'abord quelque peine à triompher de l'hostilité des prêtres de l'Hindouisme qui le combattirent comme hérésie. Après son apogée au Vè siècle de notre ère, une contre réforme brahamanique réussit peu à peu à résorber «l'hérésie ». L'invasion musulmane acheva de la détruire en submergeant les régions où le Bouddhisme s'était plus fortement implanté. Aujourd'hui, chose étrange, le bouddhisme a pratiquement disparu de son pays d'origine. (G. de Bertier, Le Monde contemporain de 1914, p.226).

L'intérêt de l'enseignement du Bouddhisme dans les écoles du Cameroun s'explique d'abord du souci de connaitre et de comprendre les expatriés asiatiques vivant au Cameroun. Aujourd'hui notre pays accueille les Chinois, les Japonais, les Coréens, les Indonésiens ; etc. Ces asiatiques dont la plus part fait le commerce et travaille dans les grands chantiers étatiques doivent être des sources d'inspiration. Alors pour le faire, il faut mieux les connaitre d'abord. Deuxièmement le Cameroun est un pays d'ouverture à la mondialisation. Cet état de chose voudrait que le jeune Camerounais s'ouvre aux cultures des autres peuples pour mieux assoir son nouveau statut de citoyen du monde. Dans ce sens, Dennis Gira pense que :

En effet, c'est là-bas que j'ai fait l'expérience du fait que, pour comprendre les Japonais, il ne suffit pas simplement d'apprendre leur langue. Non, pour entrer vraiment dans la culture du peuple, saisir ce qui fait vivre les Japonais-même ceux qui ne croient plus aux religions japonaises (y compris le Bouddhisme), il fallait paradoxalement étudier chacune de ces religions. Car ce sont elles qui, à travers les siècles, ont contribué à la formation de la pensée et de la culture japonaise. Quelque part, donc, l'étude des religions du monde ouvre autant de fenêtre qui donnent sur une connaissance plus approfondie des peuples qui y habitent.122

L'enseignement des autres religions ne saurait être une erreur, car toutes ces religion prônent les mêmes valeurs morales (l'amour, le respect de l'autre et de la nature, le respect de l'être suprême). `'Un tel enseignement n'a pas pour objet d'inviter à faire un choix religieux, mais de montrer comment l'humanité répond dans la diversité à une préoccupation commune»123. Alors fort de cette analyse l'enseignement de l'hindouisme et du Bouddhisme serait une bonne chose dans les écoles secondaires du Cameroun. Par conséquent pour ne pas devenir acculturé sur le plan religieux, il faut penser aussi aux religions traditionnelles africaines.

3-Les religions africaines traditionnelles

Nous voyons les croyances africaines avec Zahan, comme une confusion de `'l'homme noir, dans une certaine mesure, avec le monde, l'univers et Dieu, pour voir dans la religion, plutôt une série de préoccupations d'harmonie et d'ajustement de l'être humain dans

l'ensemble du monde visible et invisible»124. Vincent Mulago définit les religions
africaines comme un ensemble culturel fondé sur la croyance en deux mondes distincts, l'un

122 F. Boespflug et E. Martini, S'initier aux religions, P.166.

123 Ibid. P. 181.

124 D. Zahan, Spiritualité, religion et pensée africaines, Paris, Payot, 1970, p87.

visible et l'autre invisible, en l'interaction entre ces mondes, en un être suprême, et toute l'éthique qui en découle125. En nous appuyant sur ces deux directives à savoir le monde visible et le monde indivisible, nous pouvons caractériser les religions africaines.

Le monde visible qui est la première dimension de la religion africaine, c'est ce que Bokagne appelle la parie émergée ou la facette de celle du monde invisible126. Pour ce, cette dimension s'appuie sur les éléments de la nature. Il s'agit des grottes, les montagnes, les fleuves, les arbres, les plantes médicinales, les animaux donc certains sont sacrés et entrent dans les croyances africaines. Pour les africains ces composants de la nature ne sont pas les simples objets, ce sont être vivant qui incarnent la présence de l'Être Suprême. D'où leur caractère sacré. C'est pourquoi les occidentaux à mal de trouver les similitudes entre ces croyances et les leurs ont parlé de religions animistes.

Le monde invisible selon le même auteur est stratifié selon l'échelle des valeurs humaines, il regroupe les ancêtres, les génies, les esprits et l'Être Suprême127. Ces éléments invisibles parfois peuvent servir d'intermédiaires avec Dieu, c'est le cas des cranes chez les peuples de Grassfield au Cameroun, quant aux génies et aux esprits, ils ont invoqués pour la guérison ou exorciser un sort.

Alors pour les Africains les phénomènes visibles et invisibles sont une émanation de l'Être Suprême et de sa volonté. Tout participe à sa vie. C'est lui le soleil unique de tous les univers dont le rayonnement assure la sustentation et l'être. C'est à la pratique ces croyances que l'univers africains doit l'harmonie et l'équilibre. C'est le Maât égyptien.

A la lumière de cette petite analyse, fort est de constater que `'les religions» loin d'être la peinture que les occidentaux ont fait d'elles sont des véritables religions. Elles incarnent la conception africaine de l'existence, de l'univers et de dieu créateur. Ainsi, ces religion mériteraient être étudiées, aux mêmes rangs que les religions occidentales. Sinon à quoi servirait la révolution culturelle de l'Afrique ? L'enseignement des religions traditionnelles africaines aux élèves permettrait que le petit Cameroun sache que les africains n'étaient athées avant l'arrivée des blancs. Ils croyaient en un Dieu suprême à leur manière propre. Dans une deuxième dimension, cela pourrait aussi permettre que les croyances africaines aux yeux des

125V. Mulago, `'Eléments fondamentaux de la religion africaine» in Religion africaine et christianisme, Actes de colloque international de Kinshasa (9-14 janvier 1978), Centre d'Etude des Religions Africaines (CERA), 1979, p. 88.

126 E. Bokagne Betobo, `'Démystification du christianisme à la lumière de l'histoire et des croyances africaines», mémoire d'histoire, Université de Yaoundé I, 2001, p. 91.

127 Ibid. p. 92.

128 Ibid. p. 96.

jeunes puissent être dédiabolisées. Car beaucoup d'Africains depuis l'avènement du christianisme et l'islam ont ramené les pratiques religieux africaines à la magie. Pourtant, comme dans les religions étrangères, il existe des débordements dans les religions africaines. Qui ignore que la rose croix, la franc maçonnerie seraient entrées dans les Eglises étrangères ? Qui ignore que l'exorcisme est souvent pratiqué dans les religions chrétiennes ? Alors pourquoi voir le mal seulement dans les religions africaines ? Dans la troisième dimension, il s'agit de montrer à nos jeunes élèves que les religions africaines ont des valeurs à exploiter pour l'équilibre de l'univers. C'est dans ce sens que Bokagne pense que :

il nous parait impensable, que sous l'influence des croyances africaines, le monde aurait connu les altérations de la couche d'ozone, les violentes déforestations, les catastrophes écologiques que sécrète un univers euro-chrétien dominé par la vision d'un Dieu distinct de sa création128.

En somme, les croyances africaines à défaut de ne pas être pratiquées, peuvent faire l'objet des leçons dans les établissements scolaires. Elles prônent beaucoup de valeurs morales, éthiques.

Alors à travers l'examen de l'absence de ces trois religions, il est à constater que cet état des choses pourrait s'avérer plus tard comme une insuffisance pédagogique dans les programmes scolaires. Le monde actuel a maille à partir avec des discriminations, même si dans le domaine de la science chaque Etat est libre de faire le choix du système qui lui sied. Mais nous pouvons aussi dire que chaque système d'éducation devrait prendre en compte le contexte dans lequel il existe. Alors cette partie consacrée aux faits religieux dans les programmes nous a conduit à l'examen de la place du fait religieux dans les programmes et le constat de l'absence des autres religions à l'intérieur de ces programmes. Dès lors il faut s'interroger si cela n'est pas dû à un problème de prise de conscience de l'importance de l'enseignement de l'histoire des religions.

IV- LA PRISE DE CONSCIENCE GRADUELLE POUR

L'ENSEIGNEMENT DU FAIT RELIGIEUX

La conscience est un sentiment, perception que l'être humain a de lui-même, de sa propre existence. En philosophie, elle est l'intuition plus ou moins claire qu'a l'esprit de lui-même, des objets qui s'offrent à lui, ou de ses propres opérations. C'est aussi la perception, la connaissance d'une situation. Dans le cadre de notre travail, il s'agit de la prise en compte de

l'intérêt de l'enseignement du fait religieux. L'examen de cette prise de conscience pourrait se faire à travers une enquête autour du fait religieux au Cameroun et l'évaluation du débat en France.

B- ENQUETE « LE FAIT RELIGIEUX » EN HISTOIRE 1-Une démarche personnelle : réflexion et mise en place

2-Analyse-bilan de l'enquête

C- UN DEBAT INSPIRATEUR EN FRANCE

1- rapport Joutard : 1989

Philippe Joutard, historien et ancien recteur de l'académie de Besançon et de Toulouse, est chargé à la fin des années 1980 de réaliser un rapport quant à l'enseignement de l'histoire des religions sur demande du Ministre de l'Education nationale de l'époque Lionel Jospin129. Ainsi, voici un extrait de ce rapport de Joutard qui fait un constat sérieux :

C'est un pan entier de notre mémoire collective qui est menacé. L'ignorance du religieux risque d'empêcher les esprits contemporains, spécialement ceux qui n'appartiennent à aucune communauté religieuse, d'accéder aux oeuvres majeures de notre patrimoine artistique, littéraire et philosophique, jusqu'au XIXème siècle au moins...Cette ignorance ne permet pas non plus d'appréhender nombre de réalités contemporaines dont on mesure de plus en plus l'importance (le Moyen-Orient mais aussi les Etats-Unis). Enfin, une communauté musulmane rend urgente encore une large information130.

Il prône à travers ce rapport, une part plus importante concernant l'histoire des religions en l'histoire-géographie mais également en littérature pour désamorcer le manque de culture religieuse chez les élèves. De plus, il insiste également sur le fait qu'il ne s'agit en aucun cas d'un « retour de Dieu » à l'école, ni de la fin de la laïcité, mais plutôt de la fin du laïcisme131.

Pour le Cameroun, Ce rapport peut être inspirateur ; d'abord parce que comme la France, notre pays est un Etat laïc. Mais beaucoup de profanes ne verront pas immédiatement l'intérêt de cette préoccupation. C'est pourquoi nous allons leur répondre en exposant

129 C. Nabor, `'Enseigner le fait religieux, p. 20.

130 Extrait du rapport Philippe Joutard, 1989.

131 C. Nabor, `'Enseigner le fait religieux, p. 21.

quelques aspects de l'enjeu sur la connaissance du fait religieux dans notre pays. D'abord la connaissance et la compréhension de nos valeurs ancestrales passent par l'apprentissage de l'histoire des religions traditionnelles africaines. C'est une partie de notre patrimoine culturel. Car elles nous apprennent les lois de la nature, le respect d'autrui, l'amour, la justice, le travail, le respect des ainés ; etc. Surtout en cette période ou le Cameroun fait face à toutes les déviances sociétales, il a dont besoin d'une prise de conscience morale, d'un repère. N'est ce pas ce que beaucoup de penseurs Camerounais souhaitent, le retour aux sources. Car, ces valeurs reconnues à l'Afrique mettaient de l'harmonie. Ce qu'un témoin averti de cette Afrique écrivait :

Les Africains d'âge supérieur à 45 ans (..) ont sans doute conservé le souvenir de ce sens du partage, d'hospitalité, et de justice qui caractérisait notre vie communautaire. Les produits de la chasse, les fruits de la pêche ou de la récolte, toute provision ramenée d'un voyage, tout cela était scrupuleusement partagé entre les différents membres de la grande famille villageoise. Toutes les cuisines de toutes les mères étaient ouvertes à tous les enfants. Les menus, services de ces derniers étaient à la disposition de tous les adultes. C'est la logique de cette unité de vie et de participation qui explique cette pratique difficilement admise en d'autres contextes, celle de la communauté d'épouses à des conditions bien définies. La solidarité était une nécessité vitale, et non un simple voeu pieux132.

Cette éthique de participation et de communion étaient dictées par la façon même de comprendre l'univers. En dehors de cet aspect des choses, soulignons que notre histoire coloniale est liée aux religions chrétiennes. Qui ignore que la théorie de l'impérialisme s'appuie sur les missionnaires, les marchands et militaires. Pour dire que les missionnaires chrétiens européens ont joué un rôle décisif dans la colonisation du continent noir. C'est par rapport à ce lien qu'Achile Mbembe soulignait que : `'L'éclaircissement et la compréhension de l'histoire de l'Afrique passent par la prise en compte des forces religieuses''133.

2-Le rapport Debray : 2002

Président de l'Institut Européen en Sciences des Religions(I.E.S.R) en 2002, dont il est le fondateur, il publie en février 2002, un rapport sur « l'enseignement du fait religieux dans l'école laïque » dans le respect et la continuité du rapport de Philippe Joutard ; sur la demande

132 F. Kange Ewane, Semence et moisson coloniales, Yaoundé, éditions Clé, 1985, p. 63.

133 A. Mbembe, Afriques indociles. Christianisme, pouvoir et Etat en société postcoloniale, Paris,, Karthala, 1988. P. 52.

de Jack Lang, alors Ministre de l'Education nationale. Il tente notamment de définir le fait religieux qu'il qualifie de `'neutre, observable et pluraliste''134.

Le rapport présente l'état des lieux de l'enseignement du fait religieux en France et tente de réexaminer la place à attribuer à cet enseignement. Le rapport énonce d'abord les attentes : il s'agit, au nom de la sauvegarde des humanités, de rendre possible la transmission des cultures religieuses. Puis, il aborde la question des résistances face à ce qui peut être perçu comme une intrusion du religieux dans la sphère laïque de l'éducation. L'auteur souligne ensuite les contraintes de l'enseignement du fait religieux dont l'efficacité peut être compromise par son irrégularité et par une approche banalisée. Le rapport tente de définir par la suite la notion de laïcité républicaine comme liberté de conscience et de culte mais surtout comme liberté d'intelligence, et voit dans l'enseignement du fait religieux une visée démocratique qui se doit d'être d'avantage équilibrée et distanciée, sans verser dans un scientisme naïf. Enfin, le rapport présente douze propositions135.

Cet intérêt s'est accru notamment avec les événements du 11 septembre 2001. Il en ressortait alors en ce moment, l'inculture religieuse de la société française. Les attentats du 11 septembre 2011 ont marqué un véritable tournant puisqu'il ne s'agit plus de comprendre uniquement le passé mais également de comprendre l'actualité et l'avenir. Régis Debray met en avant le fait que l'enseignement du fait religieux dès l'école élémentaire permettrait aux enfants de mieux comprendre les événements récents, actuels qui touchent le monde entier. L'objectif essentiel d'après son rapport serait de `'donner aux élèves des clés de compréhension du monde, les hommes, de développer leur esprit critique, pour qu'ils puissent lutter face à la falsification des images, au halètement informatif, au tournis publicitaires''136.

Ce rapport Debray peut inspirer le Cameroun dans sa recherche des voies pour l'enseignement
du fait religieux à l'école secondaire. Comme la France, les élèves Camerounais ferraient face
à l'inculture religieuse. Certains dirons que les problèmes que connait la France sur le plan
religieux ne sont pas les mêmes au Cameroun. Oui je leur donnerais à moitié raison, pour une
simple raison. La crise interreligieuse n'est pas beaucoup perceptible au Cameroun comme en
France, cependant les événements qui touchent les pays voisins du Cameroun à savoir le
Nigeria et la Centrafrique devraient être comme un grand signal au Cameroun. Le fanatisme
musulman au Nigéria avec le Boko Haram, qui se caractérise par les massacres des
populations et les rapts des populations tant du coté du Nigéria que du coté du Cameroun
devient une préoccupation tant sécuritaire que intellectuelle. L'instrumentalisation de la
religion dans la crise centrafricaine pose un sérieux problème dans la sous région de l'Afrique
centrale. En effet une crise qui se voudrait politique s'est transformer en affrontement entre
les AntiBalaka (chrétiens) contre les Seleka (musulman). Et les effets de cette crise arrivent au

134 C. Nabor, `'Enseigner le fait religieux, p. 21.

135 Ibid. p. 22.

136 Ibid.

Cameroun avec les multiples agressions venant de l'un de ces groupes centrafricains et le
grand nombre de réfugiés centrafricains que le Cameroun reçoit sur son sol. Plusieurs
solutions s'offrent à la prévention de ces crises au Cameroun. Mais parmi ces solutions
l'enseignement du fait religieux serait plus efficace et à long terme.

En définitive l'enseignement du fait religieux au secondaire renforcé aura un effet positif au Cameroun. Mais à condition que celui-ci reste neutre, c'est-à-dire qu'il ne verse pas dans

CONCLUSION GENERALE

La question de la réflexion autour de la place qu'occupe le fait religieux dans l'enseignement secondaire au Cameroun nous a donné l'occasion d'évaluer l'importance de celui-ci dans les programmes d'enseignement secondaire.

Il ressort de notre étude que l'histoire est une discipline qui fait partie des programmes depuis plusieurs décennies. Mais Cette histoire enseignée était au départ celle des occidentaux. Il faut attendre 1964 pour que l'histoire de l'Afrique soit introduite dans les programmes et six années plus tard pour voir l'histoire du Cameroun. Cette discipline s'ouvre à plusieurs spécialités dont l'histoire des religions. A cet effet, l'enseignement du fait religieux au secondaire se fait dans un cadre laïc. Ce cadre trouverait certaines de ses origines dans la France colonisatrice. Il tire sa source des lois internationales et s'appuie sur le plan national sur la constitution et la loi d'orientation.

La réflexion sur l'enseignement du fait religieux s'intéresse à la place qu'occupe l'histoire des religions dans les programmes. Cette place serait minime par apport à l'importance que revêt ce thème aujourd'hui. En plus certaines religions sont absentes de ces programmes donc les religions traditionnelles africaines. C'est pourquoi une prise de conscience semble se faire, surtout que le contexte actuel le permet. Dans la position des enseignants camerounais sur ce point, il faut souligner qu'il propose d'abord une qualification de la laïcité au Cameroun qui la différentie de celle de la France. Pour eux, on a une laïcité inclusive au Cameroun. Celle-ci explique l'absence du débat religieux. Ils affirment qu'il faut nécessairement que le fait religieux occupe une place importante dans l'enseignement secondaire, pour plusieurs raisons et vu le contexte actuel. De là, ils rejoignent leurs collègues français qui depuis 1989 s'inquiétaient déjà sur les conséquences que pouvaient avoir la mise à l'écart du fait religieux des programmes d'enseignement.

L'application didactique s'est faite à travers deux leçons sur l'histoire des religions. Et quelques commentaires ont accompagnés celles-ci. Pour que le travail soit complet, certaines suggestions ont été faites sur plusieurs dimensions. Au niveau des programmes, une réforme est souhaitable pour que le fait religieux s'intègre efficacement. Les enseignants sont appelés à observés certaines règles pour réussir dans leurs missions.

l'apologétique. Ainsi, il viendra s'ajouter à la laïcité inclusive que pratique le Cameroun.
Celle où forces publiques et forces religieuses cheminent ensemble quoiqu'ayant parfois
quelques divergences sur certaines questions. Ce qui peut expliquer la cohabitation
harmonieuse de différentes religions d'une part et la cohabitation des religions et l'Etat
d'autre part. Cette cohabitation est en partie la source de paix qu'on observe au Cameroun
dans une Afrique déchirée par les guerres dont nombre sont dues au fanatisme religieux ou à
l'instrumentalisation de celle-ci.

SOURCES ET REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Ouvrages

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· Belinga Bessala S., Didactique et professionnalisation des enseignants, Yaoundé, Edition CLE, 2005.

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· Colloque sur La recherche en histoire et l'enseignement de l'histoire en Afrique centrale francophone, Université de Yaoundé I, 24-25 et 26 avril 1995, Aix-In Provence, Publication de L'Université de Provence, 1997, p. 380.

· Mbembe A., Afriques indociles. Christianisme, pouvoir et Etat en société postcoloniale, Paris, Karthala, 1988

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Articles

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Documents divers

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