Thème : `'L'enseignement du fait
religieux dans l'enseignement secondaire au Cameroun :
1964-2013».
Résumé
L'objet de cette étude a porté sur
l'enseignement du fait religieux dans le secondaire au Cameroun de 1964
à 2013. Une étude dont l'intérêt n'est plus à
démontrer dans ce contexte très complexe
caractérisé par l'inculture religieuse chez les
élèves, les déviances morales, le foisonnement des
religions, le fanatisme et l'instrumentalisation religieux. Face à cette
situation, il était judicieux de porter une réflexion autour de
la place qu'occupe le fait religieux dans l'enseignement secondaire au
Cameroun.
Le fait religieux n'est pas en lui-même une discipline
qu'on trouve dans les programmes du secondaire, mais plutôt une partie de
l'histoire. Une étude portée sur ce fait religieux
s'intéresserait d'abord à la place de l'histoire dans les
programmes d'enseignement secondaire. L'histoire occupe une place importante
dans l'enseignement au Cameroun depuis l'indépendance. Mais, s'il y
à faire quelques remarques c'est à partir de l'évolution
perçue tant au niveau de ses programmes, ses enseignants, ses manuels
scolaires qu'au niveau de ses méthodes d'enseignement. Ainsi à
travers l'histoire, le fait religieux est enseigné depuis très
longtemps, mais dans un cadre laïc. Cadre dont les origines remontent
à la colonisation et à la diversité religieuse qui date de
depuis. Cette laïcité est encadrée par les textes
internationaux et nationaux.
En ce qui concerne la réflexion sur l'enseignement du
fait religieux, nous sommes arrivés au constat qu'il existe environ
quarante leçons dont les aspects religieux sont palpables. Mais en
dehors des trois religions du livre, d'autres sont inexistantes. C'est pourquoi
il faut une prise de conscience, qui peut venir des spécialistes de
l'histoire des religions et de l'enseignement au Cameroun. Surtout soutenu par
le contexte actuel défini ci-dessus et inspiré par le
débat en France. L'application didactique et les suggestions viennent
compléter le travail. Car la proposition de deux leçons sur
l'histoire des religions est propre à ce domaine d'étude, qui
finit toujours par les propositions pour son amélioration.
PLAN ET BIBLIOGRAPHIE
CHAPITRE I : LA PLACE DE L'HISTOIRE DANS
L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE AU CAMEROUN
I- HISTOIRE : DEFINITION, OBJET, FINALITE
A- DEFINITION
1- Etymologie
2- L'histoire au sens large
3- Dimension humaine de l'histoire
B- OBJET
C- FINALITE
II- L'ENSEIGNEMENT DE L'HISTOIRE DANS LE SECONDAIRE
A- LES PROGRAMMES DE L'HISTOIRE
B- LE PERSONNEL ENSEIGNANT
C- LE MANUEL SCOLAIRE ET LES METHODES
D'ENSEIGNEMENT
CHAPITRE II : UN CADRE D'ACCUEIL LAIC POUR
L'ENSEIGNEMENT DU FAIT RELIGIEUX
I- LA LAICITE AU CAMEROUN
A- UNE LAÏCITE CALQUEE SUR LE MODELE
FRANÇAIS
1- La France : une République laïque
2- La France pays mandataire : artisane de la
laïcité de l'Etat camerounais
B- LES SOURCES INTERNATIONALES DE LA SEPARATION
DE L'ETAT ET L'EGLISE
1- La déclaration universelle des droits de l'homme
2- La charte africaine des droits de l'homme et des peuples
C- LA SOURCE CAMEROUNAISE DE LAÏCITE
II- LA LAICITE A L'ECOLE
A- LA LOI D'ORIENTATION DE 1998, CADRE DU RESPECT DE
LA
LAÏCITE A L'ECOLE
B- UN PERSONNEL ENSEIGNANT NEUTRE
1- Différence entre un professeur d'histoire des
religions et le catéchiste
2- La déontologie de l'enseignement comme renfort de la
laïcité
3- Les statistiques des enseignants d'histoire formés
entre 1964 et 1994
CHAPITRE III : REFLEXION SUR L'ENSEIGNEMENT DU FAIT
RELIGIEUX
I- LES FAITS RELIGIEUX DANS LES PROGRAMMES
D'HISTOIRE
A- LA PLACE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS
1- Une quarantaine de leçons constituant des aspects
religieux
2- Une douzaine de leçons sur l'histoire des religions
B- INEXISTENCE DES AUTRES RELIGIONS DANS CES
PRORAMMES
1-L'Indouisme
2-Le Bouddhisme
3-Les religions africaines dites `'animistes»
II- UNE PRISE DE CONSCIENCE GRADUELLE
A- ENQUETE « LE FAIT RELIGIEUX » EN HISTOIRE
1- Une démarche personnelle : réflexion et mise en
place 2-Analyse-bilan de l'enquête
B--UN DEBAT INSPIRATEUR EN FRANCE 1- Le rapport
Joutard : 1989
2-Le rapport Debray : 2002
CHAPITRE IV : APPLICATION DIDACTIQUE ET PROPOSITIONS POUR
REVALORISER L'ENSEIGNEMENT DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS DANS LE
SECONDAIRE
I. APPLICATION DIDACTIQUE
A- -MODELE DE PREPARATION D'UNE SEANCE : LE
CHRISTIANISME ET LE JUDAISME
B- MODELE DE PREPARATION D'UNE SEANCE : LES
FONDEMENTS DE L'ISLAM
II. SUGGESTIONS
A-REFORME DES PROGRAMMES
B-RENFORCEMENT DES METHODES DISCUTABLES D'APPRENTISSAGE
DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS
CHAPITRE I : LA PLACE DE L'HISTOIRE DANS
L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE AU CAMEROUN
L'histoire est l'une des plus vielles disciplines
enseignées dans le monde. Elle est le livre qui expose la civilisation
universelle. Son importance est telle que les gouvernements définissent
les programmes et les méthodes et orientent souvent son
enseignement1. Au Cameroun, elle fait partie des sciences humaines
et au secondaires, elle est classée parmi les matières
littéraires. L'enseignement de l'histoire a une histoire au Cameroun.
C'est pourquoi pour mieux analyser et comprendre `'l'enseignement du fait
religieux au secondaire», il serait d'abord indispensable de mesurer le
parcourt de la discipline historique dans les programmes d'enseignement, son
importance par apport aux autre disciplines. Dès lors on comprend que
son enseignement n'a pas connu une évolution rectiligne. Mais, il a
suivi la vitesse des réformes des programmes et de la pédagogie.
Néanmoins, quelle est la valeur qu'on lui donne? Et quelle est la place
de celle-ci dans l'enseignement ?
I- HISTOIRE : DEFINITION, OBJET, FINALITE
L'étude de la définition, de l'objet et de la
finalité de l'histoire est indispensable dans la justification de
l'introduction de cette discipline dans l'enseignement au Cameroun.
A- DEFINITION
Plusieurs définitions s'offrent à cette discipline,
elles sont larges et restreintes. Mais revenons d'abord à
l'étymologie de ce terme.
1- Etymologie
L'histoire est à la fois l'étude des faits, des
événements du passé et, par synecdoque, leur ensemble.
L'histoire est un récit, elle est la construction d'une image du
passé par des hommes et des femmes qui tentent de décrire,
d'expliquer ou de faire revivre des temps révolus2. Ce
récit historique n'est pas construit par intuition intellectuelle, mais
à partir des sources. L'histoire s'attache avec ces sources à
reconstruire plusieurs pans du passé. Au cours des siècles, les
historiens ont fortement fait évoluer leurs champs d'intervention et ont
aussi réévalué leurs sources, ainsi que la manière
de les traiter.
1 J. B.Tchoufa, `'Problématique de la conduite,
p. 27.
2 http : /
fr.Wikipedia.org/Wiki/Historien
L'histoire, qui n'est pas seulement une réflexion sur
le passé, se construit aussi selon une méthode. Celle-ci a
évolué au cours du temps, évolution qu'on appelle
l'historiographie. La méthode historique s'appuie sur un ensemble de
sciences auxiliaires qui aident l'historien à construire son
récit. Par delà les époques et les méthodes, et
quel que soit le but sous-jacent du travail de l'historien, l'histoire est
toujours une construction humaine, inscrite dans l'époque où elle
est écrite. Elle joue un rôle social et elle est convoquée
pour soutenir, accompagner ou juger les actions des Hommes. Le mot histoire
vient du grec ancien historia, signifiant « enquête »,
« connaissance acquise par l'enquête »3. Le mot est
introduit en français au début du XIIe siècle
avec le sens de « relation des événements marquants d'une
vie, d'un règne » ou de « chronique d'un peuple
»4. Il prend aussi le sens général d'histoire (au
sens de récit), polysémie qu'il a conservée jusqu'à
ce jour en français comme en allemand. C'est à partir du
XIIIe siècle, comme peut en témoigner l'usage qu'en
fait Brunetto Latini dans son Le Trésor5, que le
terme commence à recouvrir le sens de récit historique. On peut
noter qu'au moyen âge, la forme ordinairement employée du mot
était Estoire. Ce n'est qu'à partir de la renaissance
que l'on reviendra à la graphie antique.
Le mot connaît de nombreuses dérivations. 1213
voit ainsi la première occurrence de historien et de historiographe
emprunt au latin historiographus. Le verbe Historier
apparaissant au XIVè siècle et l'adjectif historique
survenant en 1447 emprunt du latin Historicus, lui-même emprunt
du grec historikos. Le diminutif historiette remonte à 1657,
premier emploi par Tallemant des Réaux dans le titre d'un de ses
ouvrages. Le vocabulaire savant du XVIIIe et du XIXe
siècle permet ensuite l'apparition d'un vocabulaire plus
spécialisé comme préhistoire (en 1872) et
ahistorique6.
2- L'histoire au sens large
Nombreuses sont les définitions du mot histoire.
Pourtant la majorité de ces définitions sont restrictives. Le
terme histoire devrait d'abord être apprécié dans sa
dimension la plus large.
3 Ibid.
4 F. J. Carmody, Le Trésor
Genève, Slatkine Reprints, 1975, p. 17.
5 http : /
fr.Wikipedia.org/Wiki/Historien
6 O. Bloch et de W. V. Wartburg,
Histoire, Historier, Historiographe et Historique in Dictionnaire
étymologique de la langue française, PUF, 2004
L'histoire est une science qui balaie presque tous les
domaines du globe terrestre. On ne saurait se limiter seulement à l'une
de ses dimensions. Nous avons pour exemple l'élargissement de son champ
d'étude dans les domaines de plus en plus inconcevables du point de vue
de l'école méthodique. Ainsi, il existe l'histoire des faits
physiques, par exemple l'histoire de la planète Terre, comme il existe
une histoire des faits et événements des hommes7.
L'histoire n'est pas forcement synonyme d'histoire humaine, la nature a aussi
son histoire et ses historiens. C'est pourquoi aujourd'hui on parle de la
géohistoire ou l'histoire environnementale. Ainsi, on commettrait une
grosse erreur de penser qu'il n y a que l'histoire des hommes qui nous
intéresse pour la raison que nous sommes nous-mêmes les humains.
Ce risque est tellement probable que le Grand Larousse fait la même
confusion et explique le mot histoire de cette façon :
1- Connaissance du passé de l'humanité et des
sociétés humaines ; discipline qui étudie ce passé
et cherche à le reconstituer.
2- Par opposition à la préhistoire,
période connue principalement par des documents écrits.
3- Le passé de l'humanité, la suite des
événements qui le constituent considérés en
particulier dans leur enchainement et leur évolution : des faits qui
appartiennent à l'histoire.
4- Mémoire que la postérité conserve les
faits et personnages du passé, sorte de jugement qui semble
découler de cette sélection. Un personnage dont l'histoire a
retenu le nom8.
En nous attardant sur ces quatre définitions ci-dessus,
on constate que toutes se réfèrent seulement à l'homme.
Alors que l'histoire est une science multidisciplinaire, elle ne s'attarde pas
seulement sur le sort de l'humanité, mais de son environnement aussi.
L'erreur qu'on commet en confondant l'histoire humaine
proviendrait du fait que depuis Hérodote d'Halicarnasse jusqu'au
début du XIX è siècle, les historiens se sont seulement
intéressés à l'écriture de l'histoire des hommes.
On estime globalement qu'il n'est d'histoire que des hommes. C'est ce que
confirme Protagoras quand il affirme que : `'l'homme est la mesure de toutes
choses''9. Comme cela semble être accordé par beaucoup,
intéressons nous à sa dimension humaine.
7 .Ibid. p. 22.
8 Grand Larousse, Vol. 3, Paris,
Larousse, 1989, p. 1537.
9 Sophiste grec (485-410 BC).
3- Dimension humaine de l'histoire
Il s'agit dans cette partie de définir l'histoire dans
la dimension strictement humaine. Pour ce faire il faut examiner
l'évolution de la notion d'histoire humaine dans le temps.
C'est-à-dire des origines jusqu'à ces jours.
Si `'l'histoire étudie le passé de tous les
hommes qui ont vécu dans toutes les régions de la
terre''10, Cela pourrait dire que celle-ci s'intéresserait
aux premières traces que l'homme a laissées et qui sont les
documents permettant de reconstituer son genre de vie bien que la convention
parle de préhistoire et de l'histoire proprement dite basée sur
l'écriture. Ce que corrobore Tchoufa quand elle affirme que `'on
comprend dès lors certains auteurs lorsqu'ils déclarent
qu'à partir du moment où la main de l'homme a
extériorisé sa pensée est née l'histoire de
l'humanité''11. Ainsi, l'histoire de l'humanité a
commencé au paléolithique archaïque où l'homme a
fabriqué le premier outil, le biface qui un galet de rivière
auquel il a enlevé des éclats pour obtenir un tranchant sommaire.
Cette dimension de l'histoire peut être justifiée par la
définition que propose le Dictionnaire Universel. L'histoire s'appuie
sur les documents : fossiles, monuments, monnaies, oeuvres d'art, chroniques,
mémoires12. Mais, avec l'invention de l'écriture,
l'histoire connait une révolution. Vers 3500 ans avant J.-C, l'homme
invente l'écriture dont les premières formes seraient les
hiéroglyphes et l'écriture cunéiforme. A partir de ces
définitions, nous comprenons que cette discipline pourrait avoir
plusieurs objets d'étude, mais est principalement fixée sur
l'homme.
B- OBJET
Toute science se définit par rapport à un objet
et se caractérise par une méthode particulière d'approche
de cet objet. L'objet de la science historique a connu une dynamique
liée à chaque époque et se rapportant à chaque
école (école méthodique, école des annales,
nouvelle histoire, histoire culturelle, politique). Ainsi, en nous
intéressant à chaque école historique, nous parviendrons
à étudier l'évolution qu'a connue cet objet.
L'Ecole Méthodique est la première en France qui
jette les canons de l'histoire à la fin du XIX è siècle.
Parmi ces canons, on retrouve l'objet de l'histoire. Pour cette école
l'étude de l'histoire doit porter sur la politique des Etats et des
nations, la diplomatie et le domaine militaire, les grands hommes et les
événements, et les églises. C'est dans ce sillage que
10 A. M. Mbow et al. Des origines au VIè
siècle après J.-C., Paris, Hatier, 1968, p. 4.
11 J. B.Tchoufa, `'Problématique de la
conduite, p. 23.
12 Dictionnaire Universel, Vanves Cedex,
4ème édition, HACHETTE Edicef, P.581.
Voltaire publie en 1731 l'histoire de Charles
XII13. Cette étude historique porte sur un personnage
important de la monarchie européenne. En effet, Charles XII fut le roi
de Suède de 1697 à 171814. Vingt ans plus tard, il
publie un ouvrage qui puise dans tous les champs historique de cette
époque. Ainsi, on peut lire :
Le siècle de Louis IV est un ouvrage historique qui
touche tous les faits. Pour suivre l'enchainement interne des
événements, Voltaire juxtaposait les divers aspects du
règne : diplomatie et guerre, vie de cour, administration, beaux-arts et
religion15.
A travers ces deux ouvrages de voltaire, nous constatons
l'étroitesse de l'objet d'histoire. Certains auteurs vont parler de
l'histoire officielle. Mais les changements de temps vont apporter du
nouveau.
A partir de 1920, certains historiens français,
à savoir Lucien Fevbre, Fernand Braudel apportent une nouvelle
révolution dans le champ de recherche historique. A partir de l' Ecole
des Annales, ils élargissent l'objet de l'histoire à
l'économie, le social, bref on parle de l'histoire totale.
Désormais l'histoire sort de son champ traditionnel. Les nouvelles
écoles dont Nouvelle histoire et l'Histoire culturelle viennent achever
cette révolution. Avec ces nouvelles écoles, on assiste à
l'éclatement du champ de l'histoire. On peut étudier l'histoire
des mentalités, des humbles, du climat, de la vie privée, la
culture. Dans la démocratisation du champ historique, Ibrahima Faye Diou
aujourd'hui pense que : `' L'objet de la science historique c'est
l'étude des lois et règles générales de
l'évolution des sociétés. L'histoire ne se contente plus
à la description de faits de guerre, d'exploits individuels, mais
s'inscrit dans l'analyse des faits de civilisation qui nécessite de
prendre en compte deux dimensions''16. Cette analyse de la dynamique
de l'objet de l'histoire nous a permis d'appréhender le champ de
l'histoire. On peut tirer la conclusion que l'histoire est une science
aujourd'hui qui s'intéresse à tout. Car elle est utile à
la société.
13 L-E. Halkin, initiation à la critique
historique, Paris, Librairie Armand-colin, 1973, p.26.
14 Roi de Suède de 1697 à 1718. Son
génie militaire s'exprima dès 1700 contre les Danois, les Russes
(victoire de Narva) et les Polonais, qui briguaient les territoires perdus au
XVII è siècle. Mais il s'en lisa dans la conquête de la
Pologne (1700-1706), alors que Pierre le Grand fortifiait son armée. En
1709, les Russes le battirent à Poltava, et il se réfugia en
Turquie. Il regagna la Suède en 1715. Attaquant la Norvège, il
fut tué au cours d'un siège. (M. Guillou, M.Moingeon et al.,
Dictionnaire Universel, Paris, Hachette Edicef, 2002, P217).
15 Ibid.
16 http : //geohistoire 20. Wordpress. Com/
C- FINALITE
Le but de l'histoire est d'abord universel, mais peut aussi
dans un moment varier d'un pays à un autre. Sur la finalité
universelle de l'histoire, Etienne Gilson pense que `' Ce n'est pas pour nous
débarrasser d'elle que nous étudions l'histoire, mais pour sauver
du néant le passé qui s'y noierait sans elle ; c'est pour faire
que ce qui, sans elle, ne serait même plus du passé, renaisse
à l'existence dans cet unique présent hors duquel rien
n'existe»17. Dans le même sens, Cheikh Anta Diop
affirmait : `'le rôle de l'histoire dans l'existence d'un peuple est
vital. L'histoire est l'un des éléments qui permettent la
cohésion des différents éléments d'une
collectivité. Sans la conscience historique, les peuples ne peuvent
être appelés à de grandes
destinées»18. La conscience historique est le ciment qui
lie les individus d'un peuple. L'historicité est le privilège
propre qu'a l'homme d'avoir conscience de vivre dans l'histoire. La
connaissance du passé est la première condition de la
réalisation de la conscience historique. L'individu qui veut s'assumer
est donc invité à se pencher sur son histoire par une recherche
patiente et résolue qui se déploie entièrement sur le
terrain scientifique.
L'histoire permet de replacer les évènements
actuels dans leur contexte historique. Elle permet de mieux comprendre les
enjeux actuels. Ce type d'apprentissage sera d'autant plus efficient si
l'élève a été amené à historiciser
les événements, c'est-à-dire à les replacer dans
une perspective de longue durée et à confronter les
interprétations, favorisant ainsi le développement d'une posture
rationnelle et d'un esprit critique. Une telle démarche forge les bases
d'une formation citoyenne conduisant à l'exercice d'une
«participation civique éclairée». Au Cameroun,
l'enseignement de l'histoire relève deux enjeux. Développer
l'esprit critique et la formation du citoyen. Ainsi à travers
l'histoire, on attend que le jeune camerounais ait un esprit de critique. Car
cette discipline hors d'être celle qui crée les opposants ou les
contestataires est celle qui ouvre l'esprit. Elle sort l'homme de la caverne,
de la mémoire collective, des stéréotypes, des
préjugés bref d'un mensonge officiel ou non officiel qui a fait
son temps. L'apprentissage de cette discipline arme l'individu une
faculté de jugement objectif et rigoureux. L'homme n'est plus un «
tabula rasa »19. Mais il peut
17 L-E. Halkin, initiation à la critique,
p. 21.
18 http : //geohistoire 20. Wordpress. Com/
19 Terme employé dans les sciences de
l'éducation dans le modèle transmissiviste. Il désigne
l'élève comme un récepteur, un vase vide dans lequel
l'enseignant déverse ses connaissances. A l'opposé au
modèle constructiviste ou l'apprenant est l'acteur dans son
apprentissage. (S. Belinga Bessala, Didactique et professionnalisation des
enseignants, Yaoundé, Edition CLE, 2005.pp. 39-40).
construire les informations historiques à partir de ses
critiques appuyées sur ses diverses lectures.
La fonction de la formation du citoyen camerounais par
l'histoire est bien définie par la loi d'orientation de 1998. En effet,
cette loi stipule que l'éducation a pour objectif :
- La formation de citoyen enracinés dans leur culture,
mais ouverts au monde et respectueux de l'intérêt
général et bien commun.
- La formation aux grandes valeurs éthiques
universelles que sont la dignité et l'honneur, l'honnêteté
et l'intégrité ainsi que le sens de la
discipline20.
Au regard du contenu des enseignements de l'histoire, elle est
la discipline la mieux placée à doter cette formation aux jeunes
camerounais. Car la culture, élément civilisation d'un peuple est
un objet de l'histoire. A travers l'enseignement de l'histoire, les jeunes
élèves héritent de celle de leurs ancêtres. Sans se
délier à cette histoire, nous tirons d'elle des valeurs morales
africaines dont certaines sont universelles. Au terme de cette analyse sur la
finalité de l'histoire, nous constatons que son utilité n'est
plus à démontrer aujourd'hui. Mais plutôt à mettre
en exergue, à mieux l'exploiter. Alors la définition, l'objet et
la finalité de l'histoire étant déjà
examinés, que disons nous de l'enseignement de l'histoire au secondaire
?
IV- L'ENSEIGNEMENT DE L'HISTOIRE DANS LE SECONDAIRE
L'enseignement de l'histoire au Cameroun a connu un chemin
tortueux. En effet, de ses programmes à ses méthodes
d'enseignement en passant par ses manuels et son personnel scolaire, toute
évolution s'est faite dans la lenteur. Comme si l'histoire était
une discipline inutile ou encombrante. D'où sa banalisation et parfois
la méfiance qu'elle pouvait susciter chez les décideurs de ce
pays. C'est ce parcourt de combattant de l'enseignement de l'histoire au
Cameroun que nous nous proposons d'analyser.
A- LES PROGRAMMES DE L'HISTOIRE
Selon Ibrahim Baba Kaké, la discipline historique
`'permet à l'enfant de se rattacher à ses ancêtres qui
peuvent lui inspirer des modèles à imiter, lui montrer des
erreurs à éviter»21. Si
20 A. AN, Loi n°98-4 du 14 avril 1998
d'orientation de l'éducation au Cameroun.
telle est la fonction de l'enseignement de l'histoire, nous
comprenons pendant très longtemps les programmes d'histoire
élaborés au Cameroun pendant une période de trente ans
étaient inadaptés. Car cette période marque l'absence de
l'histoire du Cameroun dans les programmes d'enseignement.
Jusqu'en 1964, l'histoire qu'on enseigne au Cameroun est celle
héritée de la période coloniale. Ce que confirme Salvador
Eyezo'o quand il dit : `' Au lendemain de l'accession à
l'indépendance, l'enseignement de l'histoire au Cameroun se faisait
encore sur la base de programmes hérité de la
colonisation''22. Hors ceux-ci avaient été
adaptés au contexte de colonisation. Pendant cette période le
Cameroun comme le reste de l'Afrique noire ne possédait pas d'histoire
écrite. On pallia à ce manque par l'histoire de la
métropole à laquelle on ajoutait quelques pages sur la
colonisation. L'enseignement devenait ainsi un moyen de répandre
l'idéologie coloniale et de justifier la politique qui en
découlait23. Pour les colons français, il fallait
inculquer au colonisé dès son jeune âge, la certitude de
son infériorité. A coté de son état intellectuel
émotif, il fallait ajouter la barbarie de ses ancêtres. Pourtant
Ki-Zerbo faisait remarquer que : `'quand un général romain
faisait exécuter son fils pour des raisons de discipline, on met cela au
compte de l'héroïsme patriotique. Quand Samori en fait autant, on
crie à la barbarie''24. Après cet exercice qui
consistait à montrer la négation du monde noir au jeune africain,
on pouvait facilement lui montrer la magnanimité, la bonté, la
générosité et la puissance de la nation colonisatrice. Car
celle-ci l'avait délivré de la tyrannie de « barbares
sanguinaires » comme Samori et lui apporter la paix et les bienfaits la
civilisation25. Voila le constat fait par Ki-Zerbo :
`'résultat écrit-il, ce sont les phrases comme celle-ci que j'ai
rencontrées dans les deux tiers des devoirs d'élèves
africains en 1964 : Samori était un homme sans foi ni loi, un
sanguinaire. Heureusement il a été éliminé par les
Français''26. Cette remarque est logique, si on s'en tient
à la déclaration du gouverneur général Ernest Roume
en 1924 :
21 L. Kaptué, `'Historiographie et enseignement
de l'histoire au Cameroun : problèmes et perspectives'' in La
recherche en histoire et l'enseignement de l'histoire en Afrique Centrale
francophone, Colloque International, Publications de l'Université
de Provence, 1997, p. 383.
22 S. Eyezo'o, `'L'enseignement de l'histoire dans
le secondaire au Cameroun'' in La recherche en histoire et l'enseignement
de l'histoire en Afrique Centrale francophone, Colloque International,
Publications de l'Université de Provence, 1997, p. 383.
23 R. Goufo Fosso, `'L'enseignement des sciences, p.
44.
24 J. Ki-Zerbo, Histoire de l'Afrique Noire :
d'hier à demain, Paris, Hatier, 1978, p. 28.
25 R. Goufo Fosso, `'L'enseignement des sciences, p.
44.
26 J. Ki-Zerbo, Histoire de l'Afrique, 1978,
p. 28.
Tout l'enseignement de l'histoire doit tendre à montrer
que la France est une nation riche, puissante, capable de se faire respecter,
mais en même temps grande pour la noblesse des sentiments,
généreuse et n'ayant jamais reculé devant les sacrifices
d'homme et d'argent pour délivrer les peuples asservis ou pour apporter
aux peuplades sauvages avec la paix, les bienfaits de la civilisation. Chantons
les chefs si braves qui prirent Samori ! Plus de fers, plus d'esclaves, nos
vainqueurs, merci27.
Dès lors, le jeune africain conscient de son
état sauvage embrassait sans ambages la civilisation occidentale.
L'extrait des programmes ci-après est un exemple clair
de ce que nous venons de démontrer. Il s'agit ici des programmes de
classe de terminale pour l'année scolaire1963-196428.
? L'Europe de 1848 à 1914
1. La révolution en France et la seconde
république.
2. Les révolutions de 1848 en Europe et leurs
conséquences.
3. Le seconde Empire : l'histoire intérieure et
extérieure.
4. La formation de l'l'unité italienne et de
l'unité allemande.
5. La France de 1871 à 1914 (histoire
intérieure).
6. Histoire intérieure des principaux Etats
européens : Angleterre, Autriche-Hongrie, Russie de 1849 à 1914,
Allemagne, Italie de 1871 à 1914.
? Le monde de 1848 à 1941
1. L'expansion européenne sous ses différentes
formes de 1849 à 1914. Les Empire coloniaux.
2. Les Etats-Unis d'Amérique de 1865 à1914.
3. L'Extrême-Orient du milieu du XIXe siècle
à 1914.
4. L'Eglise catholique du milieu du XIXe siècle
à 191429.
A travers ce programme de terminale, nous constatons que
l'histoire de la France et celle de l'Europe font la part belle dans les
programmes. Pour une raison de convenance, on ajoute deux leçons sur
l'histoire de l'Amérique et du l'Extrême orient. Comme ça
jusqu'en 1964 le Cameroun continuait à se sentir comme une région
de la France. Les vainqueurs de la conquête coloniale étaient
toujours les maîtres de leurs anciens territoires
27 C. Marchand,
L'enseignement au Cameroun sous le mandat français (121-1939),
Québec, université de Laval, 1970, p. 91.
28 E. Mveng Evina, `'l'histoire du
Cameroun dans les programmes de l'enseignement secondaire au Cameroun de
1960nà nos jours» in La recherche en histoire et l'enseignement
de l'histoire en Afrique Centrale francophone, Colloque International,
Publications de l'Université de Provence, 1997, p. 360.
29 R. Goufo Fosso, `'L'enseignement
des sciences, p. 45.
quatre ans après leur départ. A coté de
cette histoire des vainqueurs, les français ajoutaient un peu d'histoire
africaine. Qui dans son fond, était plutôt celle de la
conquête européenne de l'Afrique. Ce que confirment Sonolet et
Pères :
En ce qui concerne l'Afrique, il faudra donc se borner
à donner une idée sommaire de la pénétration
française, (histoire de l'Afrique étant faite des traditions
imprécises et dénuée de tout enchainement) ; quant
à notre histoire nationale, elle devra surtout fournir à
l'âme indigène d'exemples héroïques et inciter
à elle l'admiration30.
A travers le tableau que nous propose Mveng31 sur
l'évolution des programmes de l'histoire dans l'enseignement secondaire,
nous retenons ceci. Entre 1967 et 1990, la dynamique des programmes se
présentent comme ceci :
- 1960 à 1967, 283 cours d'histoire proposés
dans toutes les classes du secondaire dont 110 concernent l'histoire de
l'Afrique et 173 concernant celle de l'Europe ;
- 1967 à 1990, 296 cours d'histoire proposés
dans toutes les classes du secondaire dont 108 pour l'Afrique et le reste pour
le monde ;
- 1990, 163 cours d'histoire proposés dans toutes les
classes du secondaire dont 50 pour l'Afrique, 35 pour le Cameroun et le reste
pour le monde.
Ce tableau analytique montre ou mieux illustre le retard
qu'à connu le pays dans l'adaptation des programmes d'histoire avec le
nouveau contexte de pays indépendant ayant sa propre histoire. Le
tableau nous présente un vide de l'histoire du Cameroun dans les
programmes entre 1960 et 1990. Peut-être les inspecteurs chargés
d'élaborer les programmes n'étaient pas des nationaux ou ils
l'étaient mais n'ont pas trouvé d'intérêt à
l'histoire locale. Dans une troisième hypothèse, nous pensons le
contexte aurait favorisé cet oubli ou la mise en écart de la
mémoire d'un peuple. Cette hypothèse est corroborée par
Mveng Evina quand il évoque le manque de volonté politique ou la
manifestation d'une politique d'exclusion délibérément
voulue par les gouvernants32. Ainsi, il argumente en disant ceci
:
L'absence de l'histoire du Cameroun dans les programmes
officiels de l'enseignement de l'histoire au Cameroun peut aussi se justifier
par un choix politique. On peut plus précisément admettre que
c'est l'application d'une politique délibérée d'exclusion
par les gouvernants très soucieux de sevrer les Camerounais de leur
histoire. Cette deuxième approche est vraisemblable. Cette
volonté gouvernementale de maintenir les Camerounais dans l'ignorance de
leur passé glorieux était plus perceptible dans ses
30 C. Marchand, L'enseignement au Cameroun sous,
p. 91.
31 E. Mveng Evina, `'l'histoire du Cameroun dans les
programmes, p. 371.
32 Ibid. p. 377.
33 Ibid.
34 Ibid. p.175.
manifestations à travers le comportement inquisiteur de
ceux qui tenaient les rênes du pouvoir ou une parcelle du pouvoir
vis-à-vis des enseignants d'histoire. C'est ainsi que dans nos
lycées et collèges, de nombreux professeurs furent
inquiétés, séquestrés, emprisonnés,
déportés à cause d'une allusion historique faite lors d'un
cours d'instruction civique. Certains noms étaient proscrits du langage
courant : U.P.C., Um Nyobé, Félix Moumié, Ossende Afane ;
etc. De même certaines périodes de l'histoire de notre pays
étaient interdites à évoquer, exemple :
1947-196033.
Nous pouvons conclure que le problème n'était
pas seulement lié à la France, mais il était beaucoup plus
la volonté de Yaoundé. Pourtant nous notons une place très
importante qu'on accorde à l'histoire de l'Afrique, de l'Europe et du
Monde.
Il faut attendre 1990 pour voir l'histoire du Cameroun
s'insérer dans les programmes. Mais la encore on a raté le coche
de rattraper le grand retard a accusé dans l'intégration de son
histoire. Car sur un total de 163 leçons, on accorda seulement 35
à l'histoire du pays.
Alors, fort de ce que nous venons de constater comment un
peuple a-t-il pu être sevré de son histoire pendant 30 ans ?
Qu'est ce qui s'est passé pour que cette situation ne déplaise
à personne ? Mais cette erreur monumentale ne s'est pas arrêter
seulement au niveau des programmes, le personnel enseignant a toujours
posé un sérieux problème.
B- LE PERSONNEL ENSEIGNANT
L'histoire est une discipline qui a toujours connu des
problèmes de personnel enseignant au Cameroun. Nous sommes partis des
citoyens français non compétents de ce domaine au lendemain de
l'indépendance pour arriver aux enseignants non qualifiés
aujourd'hui.
Au lendemain de l'indépendance le Cameroun était
un jeune Etat, similaire à tous les Etats africains qui venaient
d'acquérir leur indépendance. Il manquait des cadres
administratifs, des médecins et des enseignants. Ainsi, pour palier au
problème des enseignants dans les lycées et collèges, les
nouvelles autorités se servaient parfois des expatriés
français qui n'étaient pas toujours compétents dans le
domaine de l'histoire. A ce propos, Mveng affirme que : `' Ces
coopérants n'étaient pas tous des historiens, voire des
enseignants tout court. C'est une fois rendus au Cameroun que certains
militaires du contingent s'improvisaient professeurs
d'histoire»34. Nous pouvons crier à l'imposture à
travers le comportement de ces Français. Car depuis le XIXe
siècle l'histoire est devenue une discipline scientifique,
réservée aux professionnels du métier. Alors comment
imaginer qu'une personne telqu'en soit son métier pouvait subitement
devenir historien ? La profession d'historien ou d'enseignant d'histoire est
un métier à prendre au sérieux, car leurs
missions sont très délicates. Parmi elles, il faut citer celle
qui vise à donner une identité à un pays. Alors ces
missions ne pouvaient pas être confiées aux étrangers. Mais
on peut comprendre le contexte.
En effet, entre 1979 et 1987, l'Etat a opté au
recrutement des diplômés de l'enseignement supérieur pour
faire face à la pénurie des enseignants35. Pour Mveng,
ceci entraine la banalisation de l'histoire, qu'il se traduit en ces mots :
`'L'histoire est une discipline qui ne requiert aucune
formation''36. Dans le même sens, Eyézo'o pense que :
`'Le recrutement des diplômés de l'enseignement supérieur
(...) a certes atténué à un moment donné la forte
demande du Ministère de l'Education Nationale, mais il n'a pas
résolu le problème de la qualité de l'enseignement de
l'histoire dans le secondaire''37. Après cette lecture des
spécialistes, nous pouvons dire que l'Etat serait à l'origine des
problèmes que connait l'histoire au Cameroun sur le plan du personnel.
Peut-être d'autres solutions auraient apporté une réponse
efficace au problème de pénurie. Aujourd'hui peu à peu,
l'Etat cesse de recruter. Car plusieurs écoles normales ont
étaient ouvertes pour pallier à ce problème. L'Ecole
normale Supérieure de Yaoundé, l'Ecole Normale de Bambili et
l'Ecole Normale de Maroua forment depuis quatre ans deux centaines de
professeurs d'histoire.
De nos jours le problème résiderait au niveau de
l'usage des personnes non qualifiées par les collèges
privés pour enseigner l'histoire. Et dans un second cas le recrutement
de 25 000 diplômés par l'Etat dont certains deviennent des
enseignants de l'histoire, semblerait poser un petit souci dans la
compétence du professionnel.
C- LE MANUEL SCOLAIRE ET LES METHODES D'ENSEIGNEMENT
La place de l'histoire dans l'enseignement au Cameroun se
matérialise aussi par la confection des manuels scolaires d'histoire et
l'existence des méthodes précises de l'enseignement de cette
discipline.
Selon le Dictionnaire de Pédagogie,
Le manuel est un livre d'un type un peu particulier. Il est
destiné à être toujours en main comme son nom l'indique et
il contient, sur une matière donnée, l'essentiel de tout ce qu'il
faut savoir, présenté de façon aussi plus accessible que
possible.
Le manuel n'est pas propre aux disciplines d'enseignement
puisqu'on peut trouver des manuels pour la pêche ou pour la cuisine, mais
l'acception la plus courante le désigne comme livre de classe, où
une discipline, axée sur un
35 Ibid. p.179.
36 E. Mveng Evina, `'l'histoire du Cameroun dans les
programmes, pp. 379-380.
37 S. Eyezo'o, `'L'Enseignement de l'histoire dans le
secondaire au Cameroun'' in La recherche en histoire et l'enseignement de
l'histoire en Afrique Centrale francophone, Colloque International,
Publications de l'Université de Provence, 1997, pp. 389-390.
programme est présentée en leçons, avec
illustration, croquis, carte accompagnées des règles, d'exemples,
d'exercices...38
Pour mieux appréhender un concept ou une notion, une
définition n'est pas suffisante. Ainsi, pour Richaudau,
S'il faut définir le manuel scolaire, ce doit
être d'abord en évitant toute qualification formelle ou
restrictive. On peut alors avancer qu'un manuel (scolaire) est un
matériel imprimé, structuré, destiné à
être utilisé dans un processus d'apprentissage et de formation
concerté.39
Cela veut dire que tout ce qui est écrit peut
être utilisé comme matériel d'enseignement-apprentissage
scolaire quel que soit son étendu et son volume qu'il occupe à la
seule condition qu'on l'intègre à un processus d'enseignement. De
préférence cette définition :
S'applique donc aussi bien à un atlas qu'à un
dictionnaire, une encyclopédie, une anthologie de morceaux choisis, un
manuel scolaire proprement dit, ... un manuel pratique (technique), un texte,
programmé, etc.40
Une réflexion sur les différences
définitions ci-dessus établit sans ambages qu'elles ont un
dénominateur commun : l'intégration à un processus
d'enseignement ou d'apprentissage. Quand une discipline est axée sur un
programme et présentée en leçons avec illustrations dans
un document écrit cela revient à dire que ce document est
intégré dans un processus d'enseignement-apprentissage.
Comenius serait le premier auteur d'un manuel scolaire
destiné aux maîtres et aux élèves, La porte
ouverte des langues en 1633 et que par la suite, il mit au point le livre
illustré41.
Le problème de manuel scolaire d'histoire au Cameroun
est très réel. L'usage préférentiel des manuels
d'histoire écrits par des occidentaux, la pauvreté quantitative
et qualitative des manuels d'histoire.
La politique du manuel d'histoire au Cameroun ne tient pas
compte du nouveau contexte du Cameroun. En effet, cinquante ans après
son indépendance le système éducatif camerounais ne
devrait plus se tourner vers ceux qui ont souhaité qu'on n'ait pas
d'histoire pour faire l'histoire de notre pays. Aujourd'hui le Cameroun
continue d'utiliser des manuels
38 L. Arenilla, et al., Dictionnaire de
pédagogie, Paris, Bordas, 1996, p. 187.
39 F. Richaudau, Conception et production des
manuels scolaires, guide pratique, Paris, U.N.E.S.C.O, 1986, p. 51.
40 Ibid.
41 J. B.Tchoufa, `'Problématique de la
conduite, p. 37.
d'histoire écrits par les occidentaux. Pourtant ceux-ci
font un travail superficiel et leur intérêt est plus commercial
que scientifique. C'est ce que dénonce Mveng Evina quand il dit :
La plupart des manuels d'histoire utilisés au Cameroun
sont édités en France par les grands éditeurs
français (Hachette, Hatier, Larousse ; etc.) Ces éditeurs sont
plus portés à éditer les ouvrages scolaires qui
intéressent le plus grand nombre des pays francophones. Ce sont en fait
des commerçants plus intéressés par les
bénéfices que les intérêts particuliers d'un pays
isolé42.
Le manuel d'histoire de terminale Décolonisation et
problèmes de l'Afrique indépendant de B. Delaveau est un
exemple patent. Dans ce manuel, cet auteur et ses compères
réduisent l'histoire de l'Afrique à 159 pages. L'histoire de la
décolonisation du Cameroun fait à peine deux pages dans ce
manuel.
Voila la preuve que la production de l'histoire africaine est
une source d'argent pour les occidentaux et nom un souci de doter les pays
africains de leur histoire. Hélas sur le plan local ce n'est pas
mieux.
L'insuffisance production des livres d'histoire au Cameroun
pose un sérieux problème. La production est faible par rapport
à la demande. Les historiens publient peu d'ouvrages. Les
mémoires, les thèses qui peuvent être publiées sont
classées dans les bibliothèques académiques. Ceux qui
essaient de produire font des gros livres difficiles à s'en servir dans
l'enseignement secondaire. Pourtant ils pouvaient sortir des petits manuels
à partir de ces publications. Les cent d'histoire du Cameroun,
l'histoire du Cameroun sont des gros ouvrages qui peuvent produire
plusieurs manuels utilisables au secondaire.
La qualité de la matière historique est
confrontée à plusieurs problèmes. La tranche connue de
cette histoire n'a fait qu'une entrée timide, en tout cas tardive dans
les programmes d'enseignement, tous cycles et tous niveaux confondus. Le
matériel didactique est sommaire, souvent incohérent et pas
toujours crédible, convaincant. Trop de manuels ou de fascicules
intitulés : `'histoire du Cameroun. Classe de ...» ont
été conçus et confectionnés à la va-vite
pour couvrir un marché sur un créneau juteux, plutôt que
pour satisfaire des réels besoins de connaissances43. On note
encore aujourd'hui beaucoup d'amateurisme dans la production des manuels
d'histoire. Les éditeurs à mal de connaissances en histoire
synthétisent mal les connaissances scientifiques pour mettre à la
disponibilité des enseignants et les élèves du
42 E. Mveng Evina, `'l'histoire du Cameroun dans les
programmes, pp. 379
43 L. Kaptué, `'Historiographie et
enseignement de l'histoire au Cameroun» in La recherche en histoire et
l'enseignement de l'histoire en Afrique Centrale francophone, Colloque
International, Publications de l'Université de Provence, 1997 .p.
327.
secondaire. Alors nous avons pu constater que le manuel
scolaire bien n'étant pas bon en quantité et en qualité
fait son bonhomme de chemin au pays. Au vu de la multiplication des enseignants
d'histoire, de l'émergence de plusieurs historiens dans nos
universités conscients du problème de la production historique
dont souffre notre pays, il est possible d'espérer la production
s'améliore en quantité et en qualité. A l'intar de la
méthode de l'enseignement qui évolue d'année en
année.
La méthode est l'ensemble de procédés, de
moyens pour arriver à un résultat selon le Dictionnaire
Universel. Etymologiquement, méthode veut dire chemin qui conduit
vers une destination, un but44. La méthode didactique se
distingue de la méthode de la recherche, en ce sens qu'elle se
réfère plus précisément à l'enseignement. Or
tout enseignement exige l'explication ou la formulation des objectifs de
l'enseignement. Pour atteindre ces objectifs, l'enseignant doit passer par une
ou plusieurs méthodes qui conduisent vers ces objectifs45.
Alors dans son livre, Belinga affirme que la méthode de l'enseignement
est vielle comme l'histoire. Au Ve siècle avant Jésus-Christ, les
Sophistes apparaissent comme les premiers spécialistes de
l'enseignement. Ce sont eux en effet qui vont être à l'origine des
premiers développements didactiques46. L'objet de leur
enseignement était l'art oratoire. C'est la maîtrise de la
communication et de la persuasion au moyen de la parole. A côté
des Sophistes, Socrate développe la maïeutique et la méthode
basée sur la conversation47. Ainsi nous constatons que depuis
la Grèce antique, les hommes de science étaient
déjà préoccupés par la méthode.
Depuis les temps modernes, on a connu les méthodes
traditionnelles, les méthodes actives, les méthodes par objectif
et l'approche par les compétences.
La méthode traditionnelle est celle qui applique la
pédagogie du transmissivisme. Ici l'enseignant est le
magistère et l'apprenant le Tabula rasa.
Ces méthodes, on le sait, font appel à la
mémoire plutôt qu'à l'intelligence de
l'élève. Elles ont pour corollaire le cours dicté qui
renferme le professeur dans un monologue et l'amène par
conséquent à s'adresser plus aux stylos à billes qu'aux
élèves48.
44 S. Belinga Bessala, Didactique et
professionnalisation des enseignants, Yaoundé, Edition CLE, 2005,
p. 34.
45 Ibid.
46 Ibid. p.33.
47 Ibid.
48 S. Eyezo'o, `'L'Enseignement de l'histoire, p.
390.
Cet enseignement ennuyeux et peu efficace ne pouvait perdurer,
`'il était apparu comme un mal généralisé qui
minait l'enseignement dans les lycées et collèges du
Cameroun''49. Il fallait la changer avec une nouvelle
méthode.
Dans les années 1980, l'Inspection Nationale
d'Histoire-Géographie préconisa les méthodes actives pour
enseigner l'histoire dans le secondaire.
La méthode active implique la prise en compte des
intérêts des apprenants, de la participation des
élèves moyennant des stimuli spécifiques. Il s'agit de
susciter, de provoquer l'action de l'apprenant à travers les
activités bien structurées. L'apprenant est situé au
centre de sa formation, l'enseignant devient son guide, orienteur tout en
évitant de se substituer à lui dans son activité
d'apprentissage50.
Cette méthode a permis à l'enseignement
d'être efficace. Car l'élève participait activement
à l'élaboration de son savoir. Dans la quête de perfection,
on essaye toujours d'adapter la manière d'enseigner au rythme de
l'évolution de la pédagogie et en fonction des difficultés
rencontrées sur le terrain, en l'occurrence des méthodes actives
à la longue on a rencontré de nombreux problèmes.
Certaines de ces difficultés sont :
- Les effectifs pléthoriques de certaines classes ne
permettent pas à chaque élève de s'exprimer ;
- Les contraintes des programmes à terminer absolument
amènent certains enseignants à utiliser les méthodes
ex-cathedra ;
- Les supports didactiques font défaut.
Face à ces problèmes les spécialistes on
expérimenté une nouvelle méthode, c'est l'enseignement par
objectif ou directive. Pour Roger Mager il est `'la description d'un ensemble
de comportements (performances) dont l'étudiant doit se montrer capable
pour être reconnu compétant''51. En histoire comme dans
toute autre discipline, la méthode par objectif présente des
avantages certains. D'abord, elle traduit une indication précise de la
direction de l'apprentissage envisagé par l'enseignant formateur, une
description du résultat attendu par lui52. Voici les
rubriques qui entrent dans la préparation d'une leçon avec la
méthode par objectif :
- les contenus spécifiques de la leçon ;
- L'objectif pédagogique opérationnel terminal
subdivisé en objectifs pédagogiques opérationnel
intermédiaires ;
49 Ibid.
50 S. Belinga Bessala, Didactique et
professionnalisation, p. 38.
51 S. Eyezo'o, `'L'Enseignement de l'histoire, p.
391.
52 Ibid.
53 Mayi, `'Cours de didactique de l'histoire»,
Histoire V, Ecole Normale Supérieure de Yaoundé, 2013.
- Le matériel didactique
- Les activités d'apprentissage - L'évaluation
- Le temps.
Cette méthode est appréciée, mais le de
perfectionner, de produire les apprenants compétents, depuis quelques
années, l'Inspection Nationale d'Histoire-Géographie
expérimente une méthode novatrice. C'est l'approche par les
compétences. Elle nous vient du Canada.
Selon Domenico Maciotra `'la compétence est un savoir
agir en situation. Elle dépasse le simple cadre du savoir
c'est-à-dire ce qui s'apprend, pour devenir un savoir en action. On est
compétent par rapport à un tâche à une
situation»53.
La compétence ne se donne dont pas, mais elle se
construit dans et par une activité. Elle présente quelques
caractéristiques :
- La compétence ne se donne jamais à voir
directement. Elle n'est pas donc observable directement comme les objectifs de
Bloom cognitifs ;
- La compétence est indissociable e l'activité,
de la singularité du sujet et du contexte dans lequel elle s'exerce.
- La compétence est structurée de manière
combinatoire et dynamique ;
- Elle est construite et évolutive.
L'enseignement secondaire a choisi les clases de 6e
et 5e au Cameroun pour expérimenter cette méthode.
Elle est indiscutablement la meilleure, car elle permet à l'apprenant de
résoudre ses problèmes quotidiens. L'histoire étant un nom
de problèmes à résoudre, elle est appropriée. On
attend voir les résultats de cette expérimentation d'ici les
années à venir. Alors nous constatons que plusieurs efforts sont
faits dans le système éducatif pour améliorer les
méthodes d'enseignement. Dès lors suite à cette dynamique
consacrée dans la méthode, il est indispensable que le
problème du manuel d'histoire trouve des solutions efficaces.
Finalement l'histoire du Cameroun a pris une place importante
aujourd'hui dans l'enseignement. Malgré que cette dynamique ait
été progressive. L'élargissement de l'histoire du Cameroun
dans les programmes de l'enseignement, la formation de plus en plus des
enseignants d'histoire, l'amélioration des méthodes
d'enseignement sont autant de signaux qui montrent que l'histoire a un bel
avenir devant elle.
CHAPITRE II : UN CADRE D'ACCUEIL LAIC POUR
L'ENSEIGNEMENT DU FAIT RELIGIEUX
Après plusieurs années de colonisation
marquées par l'exploitation, les humiliations et la servitude, plusieurs
pays africains accèdent à l'indépendance dans la
période de 1960. A l'instar de ces Etats, le Cameroun devient un
territoire souverain le 1ere janvier 1996054. Pourtant avant 1884 il
n'existe pas en tant que tel. Il faut attendre la signature du traité
germano-douala pour voir naitre un vaste territoire peuplé de plusieurs
communautés ethniques55. Ce nouvel Etat est une
république « laïque ». Ce qualificatif semble être
une distinction liée à ses rapports avec les églises.
Pourtant tout reste à croire que cette terminologie est nouvelle pour
les Camerounais. Dès lors se poser la question de savoir comment ce
territoire est devenu une république laïque ne surprendrait
personne. Et comment cette laïcité s'applique à
l'école ? A cet effet, des réponses à ces
préoccupations sont évidentes. Pour se faire, nous allons tenter
d'examiner les sources de la laïcité au Cameroun et montrer comment
celle-ci s'applique dans le milieu scolaire.
I- LA LAICITE AU CAMEROUN
`'La république laïque du
Cameroun»56n'est pas une invention des Camerounais, cette forme
d'Etat aurait était inspirée par beaucoup de
réalités historiques. A travers l'impact de la colonisation
française, les lois internationales sur les droits de l'homme et la loi
fondamentale du Cameroun, nous allons essayer d'établir les sources de
la laïcité de l'Etat camerounais.
D- UNE LAÏCITE CALQUEE SUR LE MODELE
FRANÇAIS
Plusieurs siècles avant le Cameroun, la France
était déjà une République laïque. En nous
appuyant sur la nature des relations coloniales entre le Cameroun et la France,
il serait facile de conclure que la laïcité a était l'effet
de diffusion au Cameroun à travers les acteurs coloniaux.
54 B. Delaveau, C. Mongnet et al.,
Décolonisation et problème de l'Afrique
indépendante, Paris, édicef, 1989, p. 86.
55 Ibid. p.84.
56 In « préambule de la
constitution du 4 mars 1960 ».
1- La France : une République laïque
La France devenue une République laïque
après la révolution de 1789 transfert cette laïcité
à l'école en 1905.
C'est sans conteste à partir de la révolution
française, que le concept de laïcité prend racine. Elle
marque le point de départ d'une laïcisation de la
société. En effet à partir du 14 juillet 1789 la France
monarchique va connaitre un bouleversement. Le peuple et le parlement demande
un certain nombre de concessions au roi Louis VI57. Mais celui-ci de
peur de perdre ses privilèges hésite et tente de faire intervenir
les troupes pour disperser l'Assemblée et pense faire appel ses
alliées européennes58. Mais cette réaction du
roi n'est pas persuasive pour les députés qui dans la nuit du 4
août vote la déclaration des droits de l'homme et du
citoyen59. C'est cette déclaration pose les bases de la
laïcité60. Les philosophes du siècle des
lumières critiquent vivement l'emprise que l'Eglise a pu avoir sur les
esprits.
Incontestablement, les idées qui animeront la foi
laïque prennent leur premier élan dans l'Encyclopédie de
Diderot, dans le dictionnaire philosophique de Voltaire et son essai des
moeurs, dans le contrat social de Rousseau (..). Le message novateur proclame
la tolérance universelle, dissocie la morale et le dogme, conçoit
et propose une honnêteté naturelle indépendante du
catholicisme traditionnel et distincte de la religion61.
Cette citation que l'on doit à Louis Capéran,
montre l'ampleur et les prémices de la naissance de la
laïcité dans un contexte de Critique des abus de l'Eglise par les
élites intellectuelles62.
En 1792, le marquis de condorcet émet l'idée,
à travers son projet intitulé `'Rapport et projet de
décret sur l'organisation générale de l'instruction
publique», d'un système éducatif séparé de
l'influence importante de l'Eglise depuis des siècles63. Il
veut une école obligatoire, gratuite et sans religion mais
également égalitaire des garçons et des filles. Bien que
très mal accueilli, ce projet constituera la base de
référence un siècle plus tard avec Jules Ferry. Il
57 En effet, le 5 mai 1789 à Versailles a
lieu les Etats généraux. Cette rencontre réunissait les
députés du tiers état, ceux de la noblesse, du
clergé et le roi. Il était question que le roi annonce des
grandes réformes sur les domaines sociales et juridiques. Mais le roi
Louis VI n'a fait aucune annonce. Cette situation crée une
déception chez les députés qui décident de doter le
pays sans le consentement du souverain d'une constitution qui encadre les
droits et les libertés des citoyens. (M. Ivernel, a. Carol et al,
Histoire Géographie 4è, Paris, Hatier, 2002, pp.
66-67.
58 Ces alliées sont les royaumes d'Angleterre,
de Hollande, d'Autriche Prusse, d'Espagne et de Sardes.
59 M. Ivernel, a. Carol et al, Histoire
Géographie 4è, Paris, Hatier, 2002, p. 66.
60 Confère une copie de la déclaration
des droits de l'homme et du citoyen (Annexe I).
61 L. Capéran cité par C. Nabor,
`'Enseigner le fait religieux», p. 14.
62 C. Nabor, `'Enseigner le fait religieux, p. 14
63 Ibid.
propose notamment de `'n'admettre dans l'instruction publique
l'enseignement d'aucun culte''. Condorcet voue une farouche hostilité
à l'influence de l'Eglise64.
La France connait une période de grande violence
anticléricale, la déchristianisation, qui culmine dans les
années 1793-1794. La décision de 1795 est la première
séparation de l'Eglise et de l'Etat) censée apaiser les tensions,
n'y parvient pas vraiment et la laïcisation de l'Etat prend fin en 1801
avec le Concordat65.
Ce Concordat signé le 15 juillet 1801 entre le premier
consul Bonaparte et le Pape Pie VII met fin aux guerres civiles et religieuses
qui avaient divisé les Français pendant la révolution
française66. Cette situation de l'institution de la loi de
laïcité et sa levée par Bonaparte est comparable à la
danse Bafia. Il faut attendre 1905 pour assister à la vraie
séparation de l'Eglise et de l'Etat67. Emile Combes avait
lutté de manière radicale contre les congrégations en 1902
puisqu'elles sont presque toutes interdites, et en 1904, 2000 écoles
avaient été fermées. Combes ayant été
forcé de démissionner, c'est le président du conseil
Maurice Rouvier qui fait voter la loi préparée par Aristide
Briand, lui-même conseillé par Jean Jaurès. Le projet de
Combes était très dur et celui qui aboutit à la loi est
plus souple.
L'article 4 de la loi admet les différences
d'organisation interne des l'Eglises et la structure hiérarchique de
l'Eglise catholique68. Jaurès pensait qu'il fallait penser
à long terme, en espérant une évolution interne de
l'Eglise catholique qui s'acclimaterait progressivement à la
laïcité. La loi prône la liberté de penser librement,
le droit de penser à l'égard des dogmes et des
préjugés et ne va nullement à l'encontre de la
liberté de conscience ; c'est pourquoi, on ne saurait confondre la
laïcité et l'athéisme.
Il s'agit à travers de cette loi, la
laïcité de la République puisque celle-ci prône d'une
part que `'L'Etat assure la liberté de culte, dans le respect de l'ordre
public''69 puis d'autre part que `'l'Etat ne cautionne et ne
subventionne aucun culte''70. La loi de 1905 est l'aboutissement
d'un long conflit, de plus d'un siècle en France ; celui-ci aura
opposé l'église catholique aux héritiers
révolutionnaires. Cette laïcité sera
réconfortée à travers les constitutions de 1946 et celle
de 1958.
64 C. Nabor, `'Enseigner le fait religieux'', p. 14
65 Ibid.
66 Ibid.
67 Confère loi du 9 décembre 1905
concernant la séparation des Eglises et l'Etat (Annexe II).
68 Article 4 de la loi du 9 décembre 1905
concernant la séparation des Eglises et l'Etat
69 Article 1 de la loi du 9 décembre 1905
concernant la séparation des Eglises et l'Etat
70 Article 2 de la loi du 9 décembre 1905
concernant la séparation des Eglises et l'Etat
La constitution de la quatrième République
datant du 27 octobre 1946 reconnait le concept de la laïcité. En
effet, il est instauré dans le préambule de celle-ci lorsqu'il
est écrit que : `'L'organisation de l'enseignement public gratuit et
laïque à tous les degrés est un devoir pour
l'Etat''71. De plus, dans l'article premier de la constitution de
1946, il est affirmé que `'la France est une République
indivisible, laïque, démocratie et sociale''72. En 1958,
une nouvelle constitution est promulguée. Elle conforte le texte de la
constitution de 1946 et donc la reconnaissance de la laïcité. Son
préambule en reconnait l'attachement du peuple français aux
droits définis dans la déclaration de 1989. Le premier article
reprend d'autre part la formule figurant dans la constitution de 1946, à
savoir que la `'République assure l'égalité devant la loi
de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle
respecte toutes les croyances''73. Alors fort de ce qui
précède, nous constatons que le caractère laïque de
la République Française a connu une évolution en dent de
scie. Mais dès le début du XXe siècle cette
laïcité est confortée. En se défaisant de la
prééminence de la religion sur l'Etat, le domaine de
l'enseignement n'a-t-il pas été affecté par cette
réforme ?
Le système de l'enseignement d'un pays est tributaire
de la nature de son Etat. C'est pourquoi nous pensons que la révolution
qu'a connue depuis 1789 a aussi eu des effets sur le domaine scolaire. Trois
étapes marquent la laïcité dans l'alphabétisation. En
abolissant la loi de 1795, Bonaparte reliait à nouveau l'Etat à
la religion. Ce contexte conforte l'Eglise et les cléricaux, qui se
méfient de la République et des intellectuels. Ils donnent la
priorité à l'éducation religieuse sur
l'instruction74.
En effet, en 1816, une ordonnance royale accorde la
priorité à l'éducation religieuse et rend obligatoire le
catéchisme. Ceci est dû à la nature du régime qui
est une monarchie constitutionnelle très cléricale, souhaitant
restaurer par tout, l'influence de l'Eglise. Les écoles religieuses se
développent considérablement sous la restauration
(1815-1830)75. Pourtant ce recul de la laïcité soutenu
par Bonaparte et l'Eglise n'empêche en rien du sentiment
anticlérical. Celui-ci progresse notamment pour prôner le
mépris envers le catéchisme.
C'est sous la monarchie de juillet (1830-1848) que Guizot,
grand historien, impose de par cette loi, à chaque commune d'ouvrir une
école publique, sans pour autant dégager l'enseignement primaire
de la tutelle de l'Eglise : `'L'instruction primaire est privée ou
71 In « préambule de la constitution de
1946 ».
72 Extrait de l'article Ier de la constitution de
1946.
73 C. Nabor, `'Enseigner le fait religieux, p. 18.
74 Ibid. p. 15.
75 Ibid.
publique». Avec cette loi, l'instruction primaire
élémentaire comprend `'l'instruction morale et religieuse, la
lecture, l'écriture, les éléments de la langue
française et du calcul, le système légal des poids et
mesures». Cette loi marque un premier pas pour faire de l'école une
`'affaire d'Etat»76.
La loi Falloux de 185077 veut redonner à
l'Eglise le contrôle sur l'école. Elle rétablit notamment
le contrôle du curé et établit la totale liberté de
l'enseignement secondaire favorable aux écoles religieuses qui doivent
concurrencer le secondaire laïque78.
Les lois laïques de 1879-188279 marquent la
dernière étape de l'alphabétisation. L'instruction
publique est un enjeu majeur de la troisième République dans un
contexte de combat idéologique et conflictuel avec l'Eglise. En 1880,
Camille Sée crée les collèges et lycées de filles
et exclut l'enseignement religieux des heures de classe, mettant fin à
la loi Falloux de 1850.
En 1881 et 1882, jules Ferry alors ministre de l'Instruction
publique, remanie l'enseignement primaire. Il propose ce que l'on nomme les
`'lois laïque» en se fondant sur l'utopie de Condorcet . La loi de
1881 instaure l'école gratuite et obligatoire pour les garçons et
les filles de 6 à 13 ans. Un an plus tard en 1882, l'école
publique devient laïque. Les programmes scolaires sont
laïcisés, la religion étant affaire privée, le
catéchisme n'est plus enseigné. De plus Jules Ferry affirme que
ces deux lois ne sont pas des lois de combat dans une circulaire de 1883
adressée aux enseignants. Voici le contenu : `'L'instruction religieuse
appartient aux familles et à l'Eglise. L'instruction morale à
l'école. La loi a pour premier objet de séparer l'école de
l'Eglise, d'assurer la liberté de conscience et des maitres et des
élèves, distinguer entre deux domaines trop longtemps confondus,
celui des croyances, qui sont personnelles, libres, variables, et celui des
connaissances qui sont communes et indispensables à tous». C'est
ainsi que dans les programmes l'instruction morale et religieuse est
remplacée par l'instruction morale et civique qui est basée sur
un fondement philosophique. L'article premier de la loi du 28 mars 1882
énonce les disciplines enseignées à l'école
primaire et accomplit la réforme la plus déterminante en faisant
disparaitre l'instruction religieuse des anciens programmes issus de la loi
Falloux.
76 C. Nabor, `'Enseigner le fait religieux, pp.
16-17.
77 Ibid. 78Ibid. 79Ibid.
Jean Marie Mayeur insiste sur le fait que `'l'obligation, la
gratuité et la laïcité formait aux yeux des
républicains un atout inséparable. La gratuité permet
l'obligation qui, dans un pays divisé de croyance, impose la
laïcité''80.
La loi Goblet datant du 30 octobre 1886 interdit aux
ecclésiastiques d'enseigner dans le public, il s'agit de par cette loi
d'imposer la laïcisation du personnel dans les écoles publiques.
L'école de la République a été un
franc succès avec d'une part la laïcité et d'autre part la
centralisation notamment en ce qui concerne les programmes scolaires
remaniés et la loi de 1886 qui impose de manière statutaire la
laïcisation des personnels enseignants. Le principe de laïcisation de
l'école ayant été consacré, restait à
l'étendre à l'ensemble de l'Etat81. En somme, le
domaine de l'enseignement a emboité le pas à la laïcisation
de la République Française. Alors à travers ce qui
précède, nous avons examiné la longue marche de la
laïcisation de l'Etat français. Dès lors, voyons en quoi
cette France a pu être l'une des sources de la République
laïque au Cameroun.
2- La France pays mandataire : artisane de la
laïcité de l'Etat camerounais
La France fut la dernière puissance colonisatrice
à conduire le Cameroun jusqu'à l'indépendance, L'analyse
de Maurice Kamto sur le lien entre la constitution de 1996 du Cameroun et celle
de la révolution française de 1789 sont autant
d'éléments qui peuvent établir le rôle de la France
dans le choix de la laïcité par le Cameroun.
Après la première guerre mondiale82
et la conférence de paix, la Société des Nations (S.D.N.)
place entre autre, les territoires allemands sous mandat.83 Le
Cameroun faisait parti de ces territoires et les pays mandataires
étaient la France et la Grande-Bretagne. Dès lors ces deux
puissances sont mandataires de cette ancienne colonie germanique. Malgré
la deuxième guerre mondiale, plus grande chose ne va changer. On sait
seulement que le régime de mandat va simplement se transformer en
tutelle de l'O.N.U84. Pour ce qui est de l'administration
française qui nous concerne d'ailleurs, il faut dire que le pays
hérité est considéré comme une nouvelle colonie.
Dès lors, la politique appliquée ici est celle de l'assimilation.
Il serait dont question de faire du territoire camerounais une copie pâle
de la métropole. Le pays a connu
80 Ibid.
81 Ibid.
82 B. Delaveau, C. Mongnet et al ;
Décolonisation et problèmes de l'Afrique
indépendante, Paris, Edicef, 1983, p. 84.
83 A. Ahidjo, L'Encyclopédie de la
République Unie du Cameroun, Yaoundé, Les Nouvelles Editions
Africaines, 1981, p. 57.
84 Ibid. p.
son évolution dans le cadre des réformes que
faisait la métropole pour ses colonies de l'AOF et de l'AEF. D'abord
l'Union Française en 1946. Cette constitution qui fut rejetée
d'abord le 5 mai 1946 par ce qu'elle ne répondait pas aux
intérêts des colons85 se verra pour la deuxième
tentative adoptée le 27 octobre 1946. Celle-ci créa l'Union
Française. Elle était formée d'une part de la
République Française qui comprend la France
métropolitaine, les départements et les territoires d'Outre-mer,
d'autre part, des territoires et Etats associés86. L'impact
de cette constitution au Cameroun fut le droit accordé à son
territoire d'élire des représentants à l'Assemblée
Nationale Française, le territoire était également
représenté au Conseil de la République Française et
au Conseil Economique Français87.
La loi-cadre Gaston Defferre de 1956 apportait d'autres
réformes pour l'évolution politique du Cameroun. Ainsi les
élections au sein de toutes les assemblées du Cameroun
Français allaient désormais être faites par un
collège unique. Grâce à cette loi, le territoire obtint sa
première constitution en 1957 et eut son premier chef du gouvernement le
15 mai 195788. Et le 1er janvier 1960, le Cameroun
accédait à son indépendance sous la direction d'Ahidjo.
Alors nous constatons que dans son processus vers l'autodétermination,
le pays fut accompagné par la France. Dès lors penser que la
nature laïque de l'Etat du Cameroun est une signature de la France serait
justifié, car cette dernière était déjà
laïque depuis plusieurs siècles et ne trouvait pas son
intérêt à donner une autre nature à son ancienne
colonie qui devenait un Etat. Surtout quand-t-on sait que pendant cette
période tout était fait par les Français. Ce qui
signifierait que les constitutionalistes de cette première heure
seraient ceux-ci.
D'autres facteurs internes peuvent expliquer l'orientation du
Cameroun vers une république laïque. Celui d'une multitude de
religions sur son sol depuis la colonisation allemande. En effet, le Cameroun
allemand était un territoire partagé entre plusieurs religions.
Le Grand Sud chrétien (Missions Baptistes de Londres, Mission
Protestante Américaine, la Mission Allemande de Bâle) et le Grand
Nord musulman89. Ainsi quand les Français arrivent en 1916,
ils trouvent cette réalité. Cette diversité des religions
était déjà un facteur de laïcité. Car il
85 Les milieux coloniaux avaient
parfaitement pris conscience du danger qui les menaçait, car l'extension
du système démocratique et du suffrage universel les rendait
minoritaires dans les territoires et donc incapables d'orienter la politique
dans le sens de leurs intérêts.(B. Delaveau, C. Mongnet et al ;
Décolonisation et problèmes de l'Afrique
indépendante, Paris, édicef, 1989, P.70.).
86 B. Delaveau, C. Mongnet et al ;
Décolonisation et problèmes de l'Afrique
indépendante, Paris, édicef, 1989, P.71.
87 V. J. Ngoh, Cameroun 1884-1985 Cent ans
d'histoire, Yaoundé, CEPER, 1990, p. 116.
88 Ibid. p. 140.
89 Ibid. pp. 7-27.
était difficile pour le pays de pencher pour une
religion quelconque de peur de léser une partie de la population
à cause de son attachement à une religion différente.
A propos de cette laïcité de l'Etat Cameroun,
beaucoup de juristes camerounais pensent que le pays l'a hérité
des droits classiques français de 1789. C'est le cas de Maurice Kamto
qui citait dans `'Chroniques Juridiques» en 1996 quelques droits
classiques hérités de la révolution de 1789. Ils sont :
- Le principe d'égalité ;
- La sûreté personnelle ;
- L'inviolabilité du domicile ;
- Le secret de la correspondance ;
- L'accès à la justice ;
- La liberté de conscience et de culte ;
- La liberté d'expression et de presse ;
- La laïcité de l'Etat90.
Parmi ces droits fondamentaux il se trouve que la
laïcité de l'Etat y figure, preuve que le Cameroun aurait
hérité des droits classiques français dans ses
différentes constitutions. Alors à travers l'examen du rôle
de la France dans le processus de décolonisation au Cameroun, les
facteurs internes matérialisés par une multitude de religions et
la position de Maurice Kamto, nous avons tenté de montrer que la nature
laïque de l'Etat camerounais viendrait de la France. Mais alors, il est
sans doute que d'autres sources de la séparation de l'Eglise et l'Etat
au Cameroun existent.
E- LES SOURCES INTERNATIONALES DE LA SEPARATION DE
L'ETAT ET L'EGLISE
On entend par `'source», le point de départ de
quelque chose, origine d'une information, l'oeuvre antérieure qui a
fourni à un écrivain un thème. Dans le cadre de notre
travail, la source internationale de la séparation de l'Etat et l'Eglise
est l'ensemble de textes de base internationaux qui régissent la
gouvernance internationale. Ces textes juridiques sont parfois la
déclaration, les chartes et les statuts des organisations
internationales. Ils sont au dessus des constitutions des Etats signataires.
90 M. Kamto, `'Chroniques juridiques», 1996.
Si la laïcité est définie par Jean Delumeau
comme `' la séparation des Eglises et de l'Etat, il faut ajouter qu'elle
est aussi la liberté d'un citoyen de choisir sa religion ou d'être
non religieux''91, cela veut dire que la déclaration
universelle des droits de l'homme et la charte africaine des droits de l'homme
et des peuples prônent la laïcité des Etats. Et tout d'un
coup sont les autres sources de la laïcité de l'Etat du
Cameroun.
1- La déclaration universelle des droits de
l'homme
Le 10 décembre 1948 à Paris92, une
Assemblée générale proclame la `'Déclaration
universelle des droits de l'homme'' Voici Un extrait du préambule :
L'Assemblée générale proclame la
présente déclaration universelle des droits de l'homme comme
idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les
nations afin que tous les individus et tous les organes de la
société, ayant cette déclaration constamment à
l'esprit, s'efforcent, par l'enseignement et l'éducation, de
développer le respect de ces droits et libertés et d'en assurer,
par des mesures progressives d'ordre national et international, la
reconnaissance et l'application universelle et effectives, tant parmi celles
des territoires placés sous leur juridiction93.
Dans son article 18 elle stipule que `' Toute personne a le
droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion
; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de ou de
conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa
conviction (...) et l'accomplissement des rites''94.
A travers cette déclaration vu son préambule et
son article, nous constatons qu'elle garantit les libertés. Parmi ces
libertés fondamentales, le droit à la religion, à la
changer et à la manifester occupe une place importante. Ainsi, nous
pensons avec Jean Delumeau que cette déclaration pose aussi la base de
la laïcité. Le Cameroun s'est engagé à assurer, en
coopération avec l'Organisation des Nations Unies, le respect universel
et effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales. C'est
pourquoi dans sa constitution, il s'est assuré que ces droits y figurent
et soient respectés. Mais cette déclaration n'est pas le seul
international qui inspire le Cameroun.
91 C. Nabor, `'Enseigner le fait
religieux, p. 11.
92 C'est dans un contexte de
l'après deuxième guerre mondiale que cette déclaration est
signée par la France et les autres membres de l'ONU. Elle est en effet
la réaction des anciens belligérants aux atrocités,
humiliations, privatisation de libertés connues par l'homme pendant les
deux guerres mondiales. Ainsi, ce texte de loi vise à garantir les
libertés et les droits des hommes où qu'ils se trouvent.
93 Déclaration Universelle des
Droits de l'Homme, Paris, 10, 1948.
94 Ibid.
2- La charte africaine des droits de l'homme et des
peuples
La `'Charte Africaine des Droits de l'Homme et des
Peuples»95 est un texte de loi qui a été
adopté par la dix-huitième Conférence des chefs d'Etats et
de Gouvernement en 1981. Cette charte affirme l'engagement des Etats africains
à assurer les droits et les libertés de l'homme en s'appuyant sur
les valeurs traditionnelles africaines et les lois internationales.
Dans on article 2 Elle stipule : `'Toute personne a droit
à la jouissance des droits et libertés reconnus et garantis dans
la présence charte sans distinction aucune, notamment de race, d'ethnie,
de couleur, de sexe, de langue, de religion, (...) de naissance ou de toute
autre situation»96. Dans l'article 8 nous pouvons lire : `' La
liberté de conscience, la profession et la pratique libre de la
religion, sont garanties. Sous réserve de l'ordre public, nul ne peut
être l'objet de mesures de contraintes visant à restreindre la
manifestation de ces libertés»97.
Ces deux articles montrent le souci et la volonté
qu'ont eue les Etats africains dans la protection des droits et des
libertés fondamentaux. Le droit de religion fait toujours partie de ces
libertés. Son article 1 dit ceci : `'Les Etats membre de l'Organisation
de l'Unité Africaine, parties à la présente Charte,
reconnaissent les droits, devoirs et libertés énoncés dans
cette Charte et s'engagent à adopter des mesures législatives ou
autres pour les appliquer»98. Par conséquent le Cameroun
étant faisant partie de l'OUA s'engage par ricochet à
l'application de ces droits et devoirs de l'homme. Ce qui est
concrétisé dans sa constitution. Alors à partir de ces
textes internationaux, nous pouvons constater que le Cameroun s'est d'une part
appuyé sur eux pour construire son cadre laïque. Dès lors
nous pouvons voir comment ces textes se sont infiltrés dans la loi
fondamentale du pays.
F- LA SOURCE CAMEROUNAISE DE LAÏCITE
Une source est dite nationale quand elle concerne la
constitution, les textes juridiques d'un pays. Au Cameroun, la constitution est
la source de la séparation de l'Etat et de l'Eglise.
La constitution est la loi fondamentale d'un pays. Ainsi au
Cameroun, elle est l'ensemble des règles concernant les droits et des
libertés, les devoirs et les obligations des citoyens,
95`'Charte Africaine des Droits de l'Homme et des
Peuples», dix-huitième conférence des Chefs d'Etats et de
Gouvernement de l'OUA, juin 1981, Nairobi, Kenya.
96 `'Charte Africaine des Droits de l'Homme et des
Peuples».
97 Ibid.
98 Ibid.
l'organisation et le fonctionnement des pouvoirs publics en
tant qu'elles sont énoncées dans un texte particulier par
l'organe constituant, et qui ne peuvent être modifiées que par des
organes désignés à l'avance et selon une procédure
spéciale de révision distincte de la procédure
législative ordinaire.
Le Cameroun aurait eu sa première constitution mars
1960. En effet, le gouvernement de l'Etat du Cameroun conformément
à la loi n° 59-56 du 31 octobre 1959 a proposé et le peuple
a adopté. Le Premier Ministre, Chef de l'Etat promulgue la loi
constitutionnelle dont le préambule définit la nature de l'Etat
en ces termes :
- L'Etat proclame sa neutralité vis-à-vis de toutes
les croyances. La liberté du culte et le libre exercice de sa pratique
sont garantis.
- Le principe de la laïcité, sous l'égide
duquel le peuple camerounais place la République, s'entend par la
séparation des Eglises et de l'Etat. Il implique que la
République n'est ni ecclésiastique ni religieuse99.
La portée de ce texte est très profonde. Elle
signifie que l'Etat ne finance aucune religion, n'avantage aucune
obédience religieuse. Il dresse une barrière entre l'Etat et les
Eglises. Chacun deux n'interfère dans le domaine de l'autre. Les Eglises
sont libres d'exercer leur pratique mais dans le cadre de la loi. L'Etat laisse
librement les Eglises fonctionner mais reste l'organe régulateur.
Le contexte des crises religieuses que le monde connait
aujourd'hui, nous pouvons dire que cette disposition de la constitution
camerounaise était avant-gardiste. Car elle prévenait
déjà les conflits entre l'Etat et les Eglises d'une part et les
Eglises entre elles même d'autre part.
Cette constitution a connu plusieurs révisions et
modification, mais les plus importantes ont étaient la révision
de 1972, la modification de 1979, la modification de 1991 et la révision
de 1996.
Le 02 Juin 1972, le Cameroun obtient une nouvelle constitution
suite à la révision de celle de 1961. Le but de Cette
révision était pour la création des institutions de la
République Unie du Cameroun.
En 1979, Cette constitution de 1979 est modifiée par la
suspension de son article qui prévoyait le poste de premier ministre.
En 1991, elle se voit encore modifier pour instituer de
nouveau le poste de premier ministre.
99 A. AS, J.O.R. C, `'Constitution», mars
1960.
En 1996, la constitution de 1972 est révisée.
Elle vise à institutionnaliser la décentralisation à
travers les conseils régionaux et à compléter les
institutions politiques pour asseoir la démocratie. Le Senat, le Conseil
constitutionnel sont ces institutions100.
Pendant ces nombreuses modifications et révisions
constitutionnelles, la disposition qui assure la laïcité est
restée inchangée. Ceci montre la volonté des politiques de
ce pays à maintenir la séparation des Eglises et le pouvoir, la
diversité des confessions religieuses, la neutralité de l'Etat
face aux Eglises, le respect des libertés religieuse, de réunion
et d'association par l'Etat. La constitution étant la loi fondamentale
d'un pays, les lois et les règles d'un Etat sont soumises à leur
constitutionnalité. C'est pourquoi l'école tient compte de la
laïcité.
II- LA LAICITE A L'ECOLE
Le respect de la laïcité se matérialise
à l'école camerounaise à travers la loi d'orientation et
l'usage d'un personnel enseignant neutre dans les établissements
scolaires.
A- LA LOI D'ORIENTATION DE 1998, CADRE DU RESPECT DE LA
LAÏCITE A L'ECOLE
La loi d'orientation comme son nom l'indique est cette
disposition qui encadre l'enseignement. Elle pose les objectifs de
l'éducation et définit l'environnement dans lequel elle doit
être faite. Ainsi dans son article 10, nous pouvons lire :
`'L'école publique est laïque. Sa neutralité et son
indépendance vis-vis de toutes les religions son
garanties''101.
A la première interprétation de cette
disposition, on constate que cette loi assure la laïcité dans les
écoles publiques. Ainsi, l'école publique est un milieu où
la pratique de la religion n'a pas de place. Il ressort de ceci que les
élèves de plusieurs confessions religieuses ont leur place, mais
à condition de garder leur croyance dans un cadre privé.
Pourtant à la deuxième interprétation,
nous remarquons que la portée de cette disposition se limite seulement
aux établissements publics. Dès lors les établissements
privés ne seraient pas concernés. A titre d'exemple, il existe au
Cameroun les écoles islamique, catholique, protestante et adventiste.
Dans ces écoles la doctrine religieuse est enseignée. Et les
élèves qui s'orientent vers elles sont conscients de la forte
place qu'occupe la doctrine religieuse dans les enseignements. Pour mieux
assurer cette neutralité de l'école publique et son
indépendance vis-à-vis de toutes les religions, un personnel
enseignant neutre est convié.
100 Constitution camerounaise de 1996.
101 Loi n°98/004 du 14 avril 1998 d'orientation de
l'éducation au Cameroun
B- UN PERSONNEL ENSEIGNANT NEUTRE
Le personnel enseignant est l'ensemble des personnes qui
exercent le métier de l'enseignement. Ceux qui dispensent les
leçons d'histoire son inclus dans le département d'histoire.
Pour examiner la neutralité du personnel enseignant au
Cameroun, preuve de la pratique de la laïcité à
l'école, nous allons d'abord présenter la différence entre
l'enseignant et le catéchiste, ensuite une étude de la
déontologie de l'enseignement semble indispensable et pour finir avec un
examen statistique des enseignants d'histoire formés.
1- Différence entre un professeur d'histoire des
religions et le catéchiste
La différence peut être définie comme
l'absence de similitude ou le caractère qui distingue deux choses. Alors
dans le cadre de notre travail, ressortir la différence entre le
professeur et le catéchiste ou le religieux revient d'abord à
présenter chacun dans sa vie privée et dans un deuxième
temps à analyser leur profession.
Le professeur d'histoire des religions peut-être un
homme athée, un judaïque, un chrétien ou un musulman ou
encore un bouddhiste. Alors que catéchiste, l'Imam ou le religieux est
d'abord un évangéliste. Ce qu'ils ont de commun c'est qu'ils sont
tous les enseignants102.
Contrairement au religieux qui enseigne sa religion, le
professeur enseigne l'histoire des religions. Ainsi, il apprend à ses
élèves l'histoire du Judaïsme, de l'Islam, du Christianisme.
Pourtant pour des raisons de concurrence un prêtre, un imam ou un Rabbin
ne peut pas enseigner dans son milieu une autre religion
étrangère. Le but de l'enseignement distingue encore les deux.
L'enseignant dispense un savoir livresque, qui permet à ses
élèves d'être cultivés alors que le but de la
catéchèse est de préparer les élèves
à la vie religieuse. Alors l'objectif poursuivi par les deux approches
est une distinction claire qui enlève le flou entre un professeur et un
religieux dans le métier de l'enseignement. Ce qui vient renforcer la
position de l'enseignant formé est la déontologie.
2- La déontologie de l'enseignement comme
renfort de la laïcité
La déontologie est l'ensemble des règles et des
obligations professionnelles qui s'imposent à une profession. Elle est
l'étude, non seulement de l'ensemble des devoirs et des prescriptions
102 R. Debray, Rapport du séminaire, `'L'enseignement du
fait religieux», France, 2002.
admises à une époque donnée dans une
profession, mais l'effort pour se conformer à ces prescriptions ainsi
que les exhortations les suivre103.
Ainsi, la déontologie de la profession de
l'enseignement au Cameroun pose plusieurs éléments qui
favoriseraient le respect de la laïcité par l'enseignant dans la
salle de classe. Elle stipule par exemple que les professeurs sont par
conséquent obligés de créer et de préserver un
climat éthique à l'école. C'est-à-dire qu'ils
doivent :
- Respecter la dignité humaine, les droits de l'homme;
- Respecter la mentalité, les coutumes et les croyances
des élèves104.
Ces deux principes assurent la neutralité des
enseignants vis-à-vis des questions qui soulèvent la
sensibilité des élèves. Dès lors, ils assoient les
libertés de conscience et de croyance émises par la constitution
du Cameroun.
S'agissant de cette déontologie, Régis Debray pense
que :
La déontologie enseignante, et qui s'applique à
l'exposé des doctrines, en philosophie, comme à celui des
systèmes sociaux, en histoire, stipule la mise entre parenthèse
des convictions personnelles (...). Les professeurs sont instruits,
au-delà de la simple réserve, dans l'art de réduire sans
aplatir, expliquer sans dévaluer, donner à sentir sans se mettre
en avant105.
A travers cette affirmation, on peut relever que la
déontologie invite l'enseignant à réserver ses convictions
personnelles, si il arrive qu'il intervienne dans les questions religieuses ou
d'opinion qu'il soit objectif. Alors, nous remarquons que l'apprentissage de la
déontologie par les élèves enseignants vise à faire
d'eux les futurs enseignants neutres. Ce qui pose le problème de la
nécessité formation des enseignants dans les structures
étatiques.
3- Les statistiques des enseignants d'histoire
formés entre 1964 et 1994
Les statistiques révèlent que, de 1964 à
1994, l'Ecole Normale Supérieure a formé 1299 enseignants
d'histoire dont 615 professeurs de collèges (PCEG) et 684 professeurs de
lycées (PLEG). Le nombre de ces derniers, a rapidement augmenté
depuis ces dernières années, compte-tenu de la création de
l'Ecole
Normale de Mbambili et l'Ecole Normale de Maroua, qui à
leur tour ont formé plusieurs professeurs d'histoire106.
Alors si les structures de formation des enseignants existent, c'est
103 Madame Medoua, cours de l'administration et de la
législation scolaire, ENS de Yaoundé, 2013.
104 Ibid.
105 R. Debray, Rapport à Monsieur le Ministre de
l'Education nationale, `'L'enseignement du fait religieux dans l'école
laïque», Février 2002, p.14.
106 S. Eyezo'o, `'L'enseignement de l'histoire, 1997, p. 389.
pour répondre à plusieurs problèmes.
D'abord le souci de former les enseignants et ensuite celui d'affecter dans les
établissements les personnes qui jouissent d'une neutralité pour
aborder dans leur métier toutes les questions sans blesser la
sensibilité des apprenants. Alors notre analyse de la neutralité
du personnel enseignant s'est faite à travers la différence entre
le professeur et le catéchiste, la déontologie comme renfort de
la laïcité et l'évaluation des enseignants d'histoire
formés.
Sur l'analyse autour du cadre laïc sur l'enseignement du
fait religieux au Cameroun, nous avons fait d'abord un historique de la
laïcité au Cameroun, ses sources internationales et nationales.
Dès lors, nos retenons que la laïcité prônée
par la constitution du Cameroun aurait plusieurs origines. Elle serait
tirée de la constitution française de 1789. Mais au vu de la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et la Charte Africaine des
Droits de l'Homme, il semblerait que la constitution française ne soit
pas la seule source de la laïcité au Cameroun. Car ces deux
institutions internationales posent les bases du respect des libertés de
conscience et de croyance. Cette disposition de la constitution camerounaise
s'est étendue dans le cadre scolaire à travers la loi
d'orientation de 1998 et la déontologie de l'enseignement.
CHAPITRE III : REFLEXION SUR L'ENSEIGNEMENT DU FAIT
RELIGIEUX
Pour la didactique, la réflexion est le retour
opéré par la pensée sur elle-même en vue d'une
conscience plus nette et d'une maitrise plus grande de ses processus. Cette
dimension de la réflexion appartient à l'homme107.
Ainsi, réfléchir c'est pensé. Pourtant nous nous proposons
de faire une critique sur l'enseignement du fait religieux dans le secondaire
au Cameroun. Dès lors ce travail va s'articuler sur la place de
l'histoire des religions dans les programmes d'histoire au secondaire et la
prise de conscience.
III- LES FAITS RELIGIEUX DANS LES PROGRAMMES
D'HISTOIRE
Le programme est l'ensemble des thèmes d'une discipline
dont l'étude est prévue dans une classe ou sur lesquels doit
porter un examen. Pour enseigner l'histoire, les enseignants se servent des
programmes officiels. Ainsi il existe un programme d'histoire adapté
à l'approche par les compétences réservé aux
classes de 6ème et 5ème108 et l'ancien programme qui
reste en vigueur de la 4ème jusqu'en Terminale109. En nous
appuyant sur ces programmes, nous examinerons la place de l'histoire des
religions dans les programmes et dans le deuxième temps nous allons
souligner l'inexistence des autres religions dans ces programmes.
A- LA PLACE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS
En parcourant les programmes d'histoire du secondaire, on
observe une quarantaine de leçons où le fait religieux
intervient. A l'intérieur de ces quarante leçons, on compte douze
leçons de l'histoire de religions et le reste malgré qu'elle
n'aborde pas directement cette histoire relève quand-même des
aspects religieux.
1- Une quarantaine de leçons constituant des
aspects religieux
Les programmes d'histoire de l'enseignement secondaire
présentent 146 leçons de la 6ème en Terminale. Nous
dénombrons 15 leçons en 6ème, 16 en
5ème110, 22 en 4ème, 27 en
3ème, 22 en seconde, 22 en Première et 22 en
Terminale111. A l'intérieur de ce vaste programme on compte
42 leçons d'histoire présentant les aspects religieux. C'est dans
les classes de 6 ème et
107 M. Gillou, M. Moingeon et al., Dictionnaire
universel, Paris, Hachette, 2002, p. 1024.
108 Curriculum du sous cycle d'observation de
l'enseignement secondaire (6ème, 5ème).
109 Circulaire n°53/D/64/MINEDUC/IGP/ESG/IAM/AG du 15
novembre 1990 : actualisation et aménagement des programmes
d'histoire-géographie et instruction civique.
110 Curriculum du sous cycle d'observation
111 Circulaire
n°53/D/64/MINEDUC/IGP/ESG/
112 B. Delaveau, C. Mongnet et al.,
Décolonisation et problèmes de l'Afrique indépendante,
Paris, Edicef, 1983, p.60.
5ème qu'on trouve le plus grand nombre de ces
leçons, environ 12 en 6 ème et 11 en 5ème. Les
autres classes viennent avec moins de leçons, environ 04 en
4ème, 04 en 3ème, 06 en seconde, 01 en
Première et 04 en Terminale.
Nous pouvons constater que le fait religieux couvre 1/3 des
programmes d'histoire au secondaire. Mais cette estimation reste discutable,
car le domaine religieux est très vaste au point ou il est confondu avec
l'histoire des hommes et des régions. Le deuxième constat est que
le grand nombre de ces leçons se concentre au premier cycle quand on
regarde le pourcentage en leçons que représentent les classes de
sixième, cinquième et quatrième dans le nombre total de
leçons environ 60%.
Ceci est sur le plan de la forme c'est-à-dire la
présence du fait religieux dans chaque leçon d'histoire. Mais sur
le plan du fond, en faisant allusion à la pratique certains enseignants
peuvent étudier certaines des 42 leçons sans aborder le fait
religieux. Cela pour des raisons que seules eux savent. Si nous pouvons donner
une tentative de réponse c'est peut-être parce que le fait
religieux est confondu avec les autres faits historiques. Ainsi l'enseignant
choisit de développer ceux-là, à cause de leur importance.
Nous pouvons prendre par exemple la leçon de Terminale qui traite la
décolonisation du Maghreb: exemple de l»Algérie. Ici
certains enseignants déroulent les facteurs de décolonisation,
les leaders et les partis nationalistes, les moyens de revendication et
l'accession à l'indépendance sans souligner les aspects
religieux. Pourtant nous savons que dans cette crise qui a opposé
l'Algérie et la France, la religion y est pour beaucoup112.
Ce qui n'est pas le cas quand il s'agit des leçons qui traitent
directement l'histoire des religions.
2- Une douzaine de leçons sur l'histoire des
religions
Les leçons sur l'histoire des religions sont celles qui
traitent essentiellement les aspects religieux. On compte 12 leçons
parmi les 42 que nous avons soulignées. Nous avons :
-08 leçons en 6ème :
? La religion de l'Egypte ancienne,
? Le Judaïsme et le Christianisme,
? L'expansion du Christianisme en Afrique,
? Les apports du Judaïsme et du Christianisme dans le monde
actuel,
· Les fondements de l'Islam,
· L'expansion de l'Islam en Afrique,
· L'apport de l'Islam dans le monde actuel,
· Les pèlerinages dans les religions
chrétiennes, musulmane : origine, lieux saint, symboles,
déroulement.
- 01leçon en 5ème :
· Les religions de l'Amérique. - 01 leçon en
4ème :
· L'arrivée des missionnaires au Cameroun. - 01
leçon en 3ème :
· L'arrivée des premiers missionnaires au Cameroun.
- 01 leçon en Ière :
· Les positions européennes et les forces de
pénétration : missionnaires, voyageurs, marchands.
A travers cette présentation, nous pouvons faire
quelques remarques. D'abord il faut dire que cinq classes seulement sur sept
étudient les leçons sur l'histoire des religions. Nous ignorons
les raisons de ce choix, car seuls les inspecteurs chargés de la
conception des programmes d'enseignement savent pourquoi ils ont
planifié ça ainsi.
En dehors de la religion de l'Egypte ancienne, les programmes
s'intéressent seulement à trois grandes religions. A savoir : le
Judaïsme, le Christianisme et l'Islam. Les trois religions du livre comme
l'appelle si bien Nabor113. Ce choix porté sur ces trois
religions pourrait se justifier sur plusieurs faits. N'est ce pas le
Judaïsme et le Christianisme sont deux religions du monde occidental ?
Pourquoi ne bénéficieraient-elles pas d'une grande
crédibilité auprès de ces occidentaux ? Quels
étaient les objectifs de l'introduction du christianisme en Afrique ? A
qui le Cameroun doit-il son système scolaire ? C'est possible que la
réponse à ces questions nous conduise aux raisons du choix de ces
religions.
Quant à l'Islam, il est adopté comme religion
par plusieurs pays africains. L'histoire de l'Afrique est liée à
l'Islam, les occidentaux sont conscients de cette réalité. Car
toute l'Afrique du Nord est dominée par les arabes (peuple de religion
musulmane). Pour comprendre l'histoire du continent noir, beaucoup d'historiens
européens se sont d'abord
113 C. Nabor, `'Enseigner le fait religieux
à l'école élémentaire», master 2 SMEEF
spécialité « professorat des écoles »,
Université d'Artois, 2011/2012, p.7.
appuyés sur les textes arabes114. Notre pays
le Cameroun comprend deux grandes religions à savoir le christianisme et
l'Islam.
Le troisième constat est que l'Islam et le
Christianisme occupent une grande place par apport au Judaïsme.
Peut-être par ce que le Judaïsme est moins rependu comme religion
par apport aux deux autres. En somme, trois religions occupent l'histoire dans
les programmes du secondaire. Le fait religieux est indissociable avec
l'histoire des hommes. Ainsi, il couvrirait tous les programmes d'histoire. Il
reste que s'il doit être visible et exploité c'est aux enseignants
de le creuser. Mais on déplore l'indifférence que sont victimes
les autres religions.
C- INEXISTENCE DES AUTRES RELIGIONS DANS CES PRORAMMES
Quand on parle de l'inexistence on fait allusion à
l'absence de quelque chose qui devait exister. Le Dictionnaire Universel parle
de défaut d'existence. Il s'agit ici de l'absence de l'Indouisme, le
Bouddhisme et les religions traditionnelles africaines dans les programmes.
1-L'Hindouisme
L'Hindouisme est un ensemble de courants religieux surtout
répandu en Inde, reposant sur les Vedas et le système de
caste. Professé par 85% de la population, l'Hindouisme ne ressemble
à aucune autre religion115. Le panthéon hindouiste
réunit plusieurs divinités dont les plus connues sont
Vishou, qui représente l'aspect conservateur et bienveillant du
principe créateur du Brahma, Çiva qui en est l'aspect
destructeur et en même temps reproducteur, puisque toute mort est aussi
une naissance. La morale hindouiste recommande en général la
pureté, la maîtrise de soi, le détachement, la
vérité, la non violence, le respect des êtres
vivants116. Contrairement à sa religion soeur le Bouddhisme,
l'Hindouisme n'a pas connu une grande expansion, sinon à travers les
migrations des populations indiennes. Elle est restée comme une
tradition proprement indienne.
En effet, Cette religion est absente des programmes d'histoire
d'enseignement secondaire. Pourtant l'ouverture de notre pays au monde fait en
sorte que nous ayons chez nous les populations indiennes qui exercent dans le
commerce depuis très longtemps. Ils cohabitent avec les populations
camerounaises et pratiquent leur culte chaque fois qu'il est
114
115 G. de Bertier, Le Monde contemporain de 1914 à nos
jours, Paris, Editions de Gigord, 1974, p. 238.
116 Ibid.
possible. Par ignorance de cette religion, pire encore de ses
pratiques, les populations locales pourraient se méfier de ces Indiens.
Ou dans un autre cas développer une sorte d'intolérance et
mépris envers ces populations indiennes. D'où la
nécessité de l'enseignement de l'Hindouisme aux
élèves du secondaire. Dans le sens de cultiver le jeune
camerounais sur les pratiques religieuses des ressortissants de l'Inde,
évitant par conséquent la méfiance et la satanisation des
pratiques de ces derniers. Surtout en termes de relations, il faut connaitre
autrui dans son entièreté pour le comprendre et l'accepter.
2-Le Bouddhisme
Le Bouddhisme est une religion de l'Asie, qui est née
entre 560-480 avant Jésus-Christ dans le Nord-Est de l'Inde (la
région située au pied de l'Himalaya). Son fondateur est Gautama
Siddhartha de son vrai nom et devenu après son illumination Bouddha
(L'illuminé)117. Dans sa quête de la voie divine, le
Gautama découvra quatre nobles vérités :
l'universalité de la souffrance, l'origine de la souffrance, la
cessation de la souffrance et le chemin qui conduit à la cessation de la
souffrance. 118 Et fort de ces vérités, il propose le
noble chemin octuple (la compréhension juste, la pensée juste, la
parole juste, l'action juste, le moyen d'existence juste, l'effort juste,
l'attention juste et la concentration juste)119. La morale populaire
bouddhiste est généralement résumée dans les cinq
préceptes :
- ne pas tuer d'être vivant,
- ne pas voler,
- ne pas se donner à la luxure,
- ne pas mentir,
- ne pas s'enivrer120.
Ce sont ces valeurs qui ont fait du Bouddhisme une religion
populaire en Asie. Malgré son évincement par l'hindouisme et
l'Islam dans sa terre natale121, il s'est facilement répandu
dans toute l'Asie et ainsi devenu l'une des religions les plus populaires au
monde vu le nombre d'adhérents.
117 G. de Bertier, Le Monde contemporain de 1914, p.
224.
118 F. Boespflug et E. Martini, S'initier aux religions,
Paris, les éditions Cerf, 1999, p. 190.
119 Ibid.
120 G. de Bertier, Le Monde contemporain de 1914, p.
225.
121 Le Bouddhisme eut d'abord quelque peine à triompher
de l'hostilité des prêtres de l'Hindouisme qui le combattirent
comme hérésie. Après son apogée au Vè
siècle de notre ère, une contre réforme brahamanique
réussit peu à peu à résorber
«l'hérésie ». L'invasion musulmane acheva de la
détruire en submergeant les régions où le Bouddhisme
s'était plus fortement implanté. Aujourd'hui, chose
étrange, le bouddhisme a pratiquement disparu de son pays d'origine. (G.
de Bertier, Le Monde contemporain de 1914, p.226).
L'intérêt de l'enseignement du Bouddhisme dans
les écoles du Cameroun s'explique d'abord du souci de connaitre et de
comprendre les expatriés asiatiques vivant au Cameroun. Aujourd'hui
notre pays accueille les Chinois, les Japonais, les Coréens, les
Indonésiens ; etc. Ces asiatiques dont la plus part fait le commerce et
travaille dans les grands chantiers étatiques doivent être des
sources d'inspiration. Alors pour le faire, il faut mieux les connaitre
d'abord. Deuxièmement le Cameroun est un pays d'ouverture à la
mondialisation. Cet état de chose voudrait que le jeune Camerounais
s'ouvre aux cultures des autres peuples pour mieux assoir son nouveau statut de
citoyen du monde. Dans ce sens, Dennis Gira pense que :
En effet, c'est là-bas que j'ai fait
l'expérience du fait que, pour comprendre les Japonais, il ne suffit pas
simplement d'apprendre leur langue. Non, pour entrer vraiment dans la culture
du peuple, saisir ce qui fait vivre les Japonais-même ceux qui ne croient
plus aux religions japonaises (y compris le Bouddhisme), il fallait
paradoxalement étudier chacune de ces religions. Car ce sont elles qui,
à travers les siècles, ont contribué à la formation
de la pensée et de la culture japonaise. Quelque part, donc,
l'étude des religions du monde ouvre autant de fenêtre qui donnent
sur une connaissance plus approfondie des peuples qui y
habitent.122
L'enseignement des autres religions ne saurait être une
erreur, car toutes ces religion prônent les mêmes valeurs morales
(l'amour, le respect de l'autre et de la nature, le respect de l'être
suprême). `'Un tel enseignement n'a pas pour objet d'inviter à
faire un choix religieux, mais de montrer comment l'humanité
répond dans la diversité à une préoccupation
commune»123. Alors fort de cette analyse l'enseignement de
l'hindouisme et du Bouddhisme serait une bonne chose dans les écoles
secondaires du Cameroun. Par conséquent pour ne pas devenir
acculturé sur le plan religieux, il faut penser aussi aux religions
traditionnelles africaines.
3-Les religions africaines traditionnelles
Nous voyons les croyances africaines avec Zahan, comme une
confusion de `'l'homme noir, dans une certaine mesure, avec le monde, l'univers
et Dieu, pour voir dans la religion, plutôt une série de
préoccupations d'harmonie et d'ajustement de l'être humain dans
l'ensemble du monde visible et invisible»124.
Vincent Mulago définit les religions africaines comme un ensemble
culturel fondé sur la croyance en deux mondes distincts, l'un
122 F. Boespflug et E. Martini, S'initier aux religions,
P.166.
123 Ibid. P. 181.
124 D. Zahan, Spiritualité, religion et pensée
africaines, Paris, Payot, 1970, p87.
visible et l'autre invisible, en l'interaction entre ces
mondes, en un être suprême, et toute l'éthique qui en
découle125. En nous appuyant sur ces deux directives à
savoir le monde visible et le monde indivisible, nous pouvons
caractériser les religions africaines.
Le monde visible qui est la première dimension de la
religion africaine, c'est ce que Bokagne appelle la parie émergée
ou la facette de celle du monde invisible126. Pour ce, cette
dimension s'appuie sur les éléments de la nature. Il s'agit des
grottes, les montagnes, les fleuves, les arbres, les plantes
médicinales, les animaux donc certains sont sacrés et entrent
dans les croyances africaines. Pour les africains ces composants de la nature
ne sont pas les simples objets, ce sont être vivant qui incarnent la
présence de l'Être Suprême. D'où leur
caractère sacré. C'est pourquoi les occidentaux à mal de
trouver les similitudes entre ces croyances et les leurs ont parlé de
religions animistes.
Le monde invisible selon le même auteur est
stratifié selon l'échelle des valeurs humaines, il regroupe les
ancêtres, les génies, les esprits et l'Être
Suprême127. Ces éléments invisibles parfois
peuvent servir d'intermédiaires avec Dieu, c'est le cas des cranes chez
les peuples de Grassfield au Cameroun, quant aux génies et aux esprits,
ils ont invoqués pour la guérison ou exorciser un sort.
Alors pour les Africains les phénomènes visibles
et invisibles sont une émanation de l'Être Suprême et de sa
volonté. Tout participe à sa vie. C'est lui le soleil unique de
tous les univers dont le rayonnement assure la sustentation et l'être.
C'est à la pratique ces croyances que l'univers africains doit
l'harmonie et l'équilibre. C'est le Maât égyptien.
A la lumière de cette petite analyse, fort est de
constater que `'les religions» loin d'être la peinture que les
occidentaux ont fait d'elles sont des véritables religions. Elles
incarnent la conception africaine de l'existence, de l'univers et de dieu
créateur. Ainsi, ces religion mériteraient être
étudiées, aux mêmes rangs que les religions occidentales.
Sinon à quoi servirait la révolution culturelle de l'Afrique ?
L'enseignement des religions traditionnelles africaines aux
élèves permettrait que le petit Cameroun sache que les africains
n'étaient athées avant l'arrivée des blancs. Ils croyaient
en un Dieu suprême à leur manière propre. Dans une
deuxième dimension, cela pourrait aussi permettre que les croyances
africaines aux yeux des
125V. Mulago, `'Eléments fondamentaux de la
religion africaine» in Religion africaine et christianisme, Actes
de colloque international de Kinshasa (9-14 janvier 1978), Centre d'Etude des
Religions Africaines (CERA), 1979, p. 88.
126 E. Bokagne Betobo, `'Démystification du
christianisme à la lumière de l'histoire et des croyances
africaines», mémoire d'histoire, Université de
Yaoundé I, 2001, p. 91.
127 Ibid. p. 92.
128 Ibid. p. 96.
jeunes puissent être dédiabolisées. Car
beaucoup d'Africains depuis l'avènement du christianisme et l'islam ont
ramené les pratiques religieux africaines à la magie. Pourtant,
comme dans les religions étrangères, il existe des
débordements dans les religions africaines. Qui ignore que la rose
croix, la franc maçonnerie seraient entrées dans les Eglises
étrangères ? Qui ignore que l'exorcisme est souvent
pratiqué dans les religions chrétiennes ? Alors pourquoi voir le
mal seulement dans les religions africaines ? Dans la troisième
dimension, il s'agit de montrer à nos jeunes élèves que
les religions africaines ont des valeurs à exploiter pour
l'équilibre de l'univers. C'est dans ce sens que Bokagne pense que :
il nous parait impensable, que sous l'influence des croyances
africaines, le monde aurait connu les altérations de la couche d'ozone,
les violentes déforestations, les catastrophes écologiques que
sécrète un univers euro-chrétien dominé par la
vision d'un Dieu distinct de sa création128.
En somme, les croyances africaines à défaut de
ne pas être pratiquées, peuvent faire l'objet des leçons
dans les établissements scolaires. Elles prônent beaucoup de
valeurs morales, éthiques.
Alors à travers l'examen de l'absence de ces trois
religions, il est à constater que cet état des choses pourrait
s'avérer plus tard comme une insuffisance pédagogique dans les
programmes scolaires. Le monde actuel a maille à partir avec des
discriminations, même si dans le domaine de la science chaque Etat est
libre de faire le choix du système qui lui sied. Mais nous pouvons aussi
dire que chaque système d'éducation devrait prendre en compte le
contexte dans lequel il existe. Alors cette partie consacrée aux faits
religieux dans les programmes nous a conduit à l'examen de la place du
fait religieux dans les programmes et le constat de l'absence des autres
religions à l'intérieur de ces programmes. Dès lors il
faut s'interroger si cela n'est pas dû à un problème de
prise de conscience de l'importance de l'enseignement de l'histoire des
religions.
IV- LA PRISE DE CONSCIENCE GRADUELLE POUR
L'ENSEIGNEMENT DU FAIT RELIGIEUX
La conscience est un sentiment, perception que l'être
humain a de lui-même, de sa propre existence. En philosophie, elle est
l'intuition plus ou moins claire qu'a l'esprit de lui-même, des objets
qui s'offrent à lui, ou de ses propres opérations. C'est aussi la
perception, la connaissance d'une situation. Dans le cadre de notre travail, il
s'agit de la prise en compte de
l'intérêt de l'enseignement du fait religieux.
L'examen de cette prise de conscience pourrait se faire à travers une
enquête autour du fait religieux au Cameroun et l'évaluation du
débat en France.
B- ENQUETE « LE FAIT RELIGIEUX » EN HISTOIRE
1-Une démarche personnelle : réflexion et mise en
place
2-Analyse-bilan de l'enquête
C- UN DEBAT INSPIRATEUR EN FRANCE
1- rapport Joutard : 1989
Philippe Joutard, historien et ancien recteur de
l'académie de Besançon et de Toulouse, est chargé à
la fin des années 1980 de réaliser un rapport quant à
l'enseignement de l'histoire des religions sur demande du Ministre de
l'Education nationale de l'époque Lionel Jospin129. Ainsi,
voici un extrait de ce rapport de Joutard qui fait un constat sérieux
:
C'est un pan entier de notre mémoire collective qui est
menacé. L'ignorance du religieux risque d'empêcher les esprits
contemporains, spécialement ceux qui n'appartiennent à aucune
communauté religieuse, d'accéder aux oeuvres majeures de notre
patrimoine artistique, littéraire et philosophique, jusqu'au
XIXème siècle au moins...Cette ignorance ne permet pas non plus
d'appréhender nombre de réalités contemporaines dont on
mesure de plus en plus l'importance (le Moyen-Orient mais aussi les
Etats-Unis). Enfin, une communauté musulmane rend urgente encore une
large information130.
Il prône à travers ce rapport, une part plus
importante concernant l'histoire des religions en l'histoire-géographie
mais également en littérature pour désamorcer le manque de
culture religieuse chez les élèves. De plus, il insiste
également sur le fait qu'il ne s'agit en aucun cas d'un « retour de
Dieu » à l'école, ni de la fin de la laïcité,
mais plutôt de la fin du laïcisme131.
Pour le Cameroun, Ce rapport peut être inspirateur ;
d'abord parce que comme la France, notre pays est un Etat laïc. Mais
beaucoup de profanes ne verront pas immédiatement l'intérêt
de cette préoccupation. C'est pourquoi nous allons leur répondre
en exposant
129 C. Nabor, `'Enseigner le fait religieux, p. 20.
130 Extrait du rapport Philippe Joutard, 1989.
131 C. Nabor, `'Enseigner le fait religieux, p. 21.
quelques aspects de l'enjeu sur la connaissance du fait
religieux dans notre pays. D'abord la connaissance et la compréhension
de nos valeurs ancestrales passent par l'apprentissage de l'histoire des
religions traditionnelles africaines. C'est une partie de notre patrimoine
culturel. Car elles nous apprennent les lois de la nature, le respect d'autrui,
l'amour, la justice, le travail, le respect des ainés ; etc. Surtout en
cette période ou le Cameroun fait face à toutes les
déviances sociétales, il a dont besoin d'une prise de conscience
morale, d'un repère. N'est ce pas ce que beaucoup de penseurs
Camerounais souhaitent, le retour aux sources. Car, ces valeurs reconnues
à l'Afrique mettaient de l'harmonie. Ce qu'un témoin averti de
cette Afrique écrivait :
Les Africains d'âge supérieur à 45 ans
(..) ont sans doute conservé le souvenir de ce sens du partage,
d'hospitalité, et de justice qui caractérisait notre vie
communautaire. Les produits de la chasse, les fruits de la pêche ou de la
récolte, toute provision ramenée d'un voyage, tout cela
était scrupuleusement partagé entre les différents membres
de la grande famille villageoise. Toutes les cuisines de toutes les
mères étaient ouvertes à tous les enfants. Les menus,
services de ces derniers étaient à la disposition de tous les
adultes. C'est la logique de cette unité de vie et de participation qui
explique cette pratique difficilement admise en d'autres contextes, celle de la
communauté d'épouses à des conditions bien
définies. La solidarité était une nécessité
vitale, et non un simple voeu pieux132.
Cette éthique de participation et de communion
étaient dictées par la façon même de comprendre
l'univers. En dehors de cet aspect des choses, soulignons que notre histoire
coloniale est liée aux religions chrétiennes. Qui ignore que la
théorie de l'impérialisme s'appuie sur les missionnaires, les
marchands et militaires. Pour dire que les missionnaires chrétiens
européens ont joué un rôle décisif dans la
colonisation du continent noir. C'est par rapport à ce lien qu'Achile
Mbembe soulignait que : `'L'éclaircissement et la compréhension
de l'histoire de l'Afrique passent par la prise en compte des forces
religieuses''133.
2-Le rapport Debray : 2002
Président de l'Institut Européen en Sciences des
Religions(I.E.S.R) en 2002, dont il est le fondateur, il publie en
février 2002, un rapport sur « l'enseignement du fait religieux
dans l'école laïque » dans le respect et la continuité
du rapport de Philippe Joutard ; sur la demande
132 F. Kange Ewane, Semence et moisson coloniales,
Yaoundé, éditions Clé, 1985, p. 63.
133 A. Mbembe, Afriques indociles. Christianisme, pouvoir et
Etat en société postcoloniale, Paris,, Karthala, 1988. P.
52.
de Jack Lang, alors Ministre de l'Education nationale. Il
tente notamment de définir le fait religieux qu'il qualifie de `'neutre,
observable et pluraliste''134.
Le rapport présente l'état des lieux de
l'enseignement du fait religieux en France et tente de réexaminer la
place à attribuer à cet enseignement. Le rapport énonce
d'abord les attentes : il s'agit, au nom de la sauvegarde des humanités,
de rendre possible la transmission des cultures religieuses. Puis, il aborde la
question des résistances face à ce qui peut être
perçu comme une intrusion du religieux dans la sphère laïque
de l'éducation. L'auteur souligne ensuite les contraintes de
l'enseignement du fait religieux dont l'efficacité peut être
compromise par son irrégularité et par une approche
banalisée. Le rapport tente de définir par la suite la notion de
laïcité républicaine comme liberté de conscience et
de culte mais surtout comme liberté d'intelligence, et voit dans
l'enseignement du fait religieux une visée démocratique qui se
doit d'être d'avantage équilibrée et distanciée,
sans verser dans un scientisme naïf. Enfin, le rapport présente
douze propositions135.
Cet intérêt s'est accru notamment avec les
événements du 11 septembre 2001. Il en ressortait alors en ce
moment, l'inculture religieuse de la société française.
Les attentats du 11 septembre 2011 ont marqué un véritable
tournant puisqu'il ne s'agit plus de comprendre uniquement le passé mais
également de comprendre l'actualité et l'avenir. Régis
Debray met en avant le fait que l'enseignement du fait religieux dès
l'école élémentaire permettrait aux enfants de mieux
comprendre les événements récents, actuels qui touchent le
monde entier. L'objectif essentiel d'après son rapport serait de
`'donner aux élèves des clés de compréhension du
monde, les hommes, de développer leur esprit critique, pour qu'ils
puissent lutter face à la falsification des images, au halètement
informatif, au tournis publicitaires''136.
Ce rapport Debray peut inspirer le Cameroun dans sa recherche
des voies pour l'enseignement du fait religieux à l'école
secondaire. Comme la France, les élèves Camerounais ferraient
face à l'inculture religieuse. Certains dirons que les
problèmes que connait la France sur le plan religieux ne sont pas les
mêmes au Cameroun. Oui je leur donnerais à moitié raison,
pour une simple raison. La crise interreligieuse n'est pas beaucoup
perceptible au Cameroun comme en France, cependant les
événements qui touchent les pays voisins du Cameroun à
savoir le Nigeria et la Centrafrique devraient être comme un grand
signal au Cameroun. Le fanatisme musulman au Nigéria avec le Boko
Haram, qui se caractérise par les massacres des populations et
les rapts des populations tant du coté du Nigéria que du
coté du Cameroun devient une préoccupation tant
sécuritaire que intellectuelle. L'instrumentalisation de la religion
dans la crise centrafricaine pose un sérieux problème dans la
sous région de l'Afrique centrale. En effet une crise qui se voudrait
politique s'est transformer en affrontement entre les AntiBalaka
(chrétiens) contre les Seleka (musulman). Et les effets de
cette crise arrivent au
134 C. Nabor, `'Enseigner le fait religieux, p. 21.
135 Ibid. p. 22.
136 Ibid.
Cameroun avec les multiples agressions venant de l'un de ces
groupes centrafricains et le grand nombre de réfugiés
centrafricains que le Cameroun reçoit sur son sol.
Plusieurs solutions s'offrent à la prévention de ces crises au
Cameroun. Mais parmi ces solutions l'enseignement du fait religieux serait
plus efficace et à long terme.
En définitive l'enseignement du fait religieux
au secondaire renforcé aura un effet positif au Cameroun. Mais à
condition que celui-ci reste neutre, c'est-à-dire qu'il ne verse pas
dans
CONCLUSION GENERALE
La question de la réflexion autour de la place
qu'occupe le fait religieux dans l'enseignement secondaire au Cameroun nous a
donné l'occasion d'évaluer l'importance de celui-ci dans les
programmes d'enseignement secondaire.
Il ressort de notre étude que l'histoire est une
discipline qui fait partie des programmes depuis plusieurs décennies.
Mais Cette histoire enseignée était au départ celle des
occidentaux. Il faut attendre 1964 pour que l'histoire de l'Afrique soit
introduite dans les programmes et six années plus tard pour voir
l'histoire du Cameroun. Cette discipline s'ouvre à plusieurs
spécialités dont l'histoire des religions. A cet effet,
l'enseignement du fait religieux au secondaire se fait dans un cadre laïc.
Ce cadre trouverait certaines de ses origines dans la France colonisatrice. Il
tire sa source des lois internationales et s'appuie sur le plan national sur la
constitution et la loi d'orientation.
La réflexion sur l'enseignement du fait religieux
s'intéresse à la place qu'occupe l'histoire des religions dans
les programmes. Cette place serait minime par apport à l'importance que
revêt ce thème aujourd'hui. En plus certaines religions sont
absentes de ces programmes donc les religions traditionnelles africaines. C'est
pourquoi une prise de conscience semble se faire, surtout que le contexte
actuel le permet. Dans la position des enseignants camerounais sur ce point, il
faut souligner qu'il propose d'abord une qualification de la
laïcité au Cameroun qui la différentie de celle de la
France. Pour eux, on a une laïcité inclusive au Cameroun. Celle-ci
explique l'absence du débat religieux. Ils affirment qu'il faut
nécessairement que le fait religieux occupe une place importante dans
l'enseignement secondaire, pour plusieurs raisons et vu le contexte actuel. De
là, ils rejoignent leurs collègues français qui depuis
1989 s'inquiétaient déjà sur les conséquences que
pouvaient avoir la mise à l'écart du fait religieux des
programmes d'enseignement.
L'application didactique s'est faite à travers deux
leçons sur l'histoire des religions. Et quelques commentaires ont
accompagnés celles-ci. Pour que le travail soit complet, certaines
suggestions ont été faites sur plusieurs dimensions. Au niveau
des programmes, une réforme est souhaitable pour que le fait religieux
s'intègre efficacement. Les enseignants sont appelés à
observés certaines règles pour réussir dans leurs
missions.
l'apologétique. Ainsi, il viendra s'ajouter à la
laïcité inclusive que pratique le Cameroun. Celle où
forces publiques et forces religieuses cheminent ensemble quoiqu'ayant
parfois quelques divergences sur certaines questions. Ce qui peut expliquer
la cohabitation harmonieuse de différentes religions d'une part et la
cohabitation des religions et l'Etat d'autre part. Cette cohabitation est en
partie la source de paix qu'on observe au Cameroun dans une Afrique
déchirée par les guerres dont nombre sont dues au fanatisme
religieux ou à l'instrumentalisation de celle-ci.
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