INTRODUCTION GENERALE
«Toupictionnaire», le dictionnaire politique
définit les droits de l'homme comme une notion selon
laquelle tout être humain possède des droits universels,
inaliénables, quel que soit le droit en vigueur dans l'Etat ou groupe
d'Etats où il se trouve, quelles que soient les coutumes au niveau
local, liées à l'ethnie, à la nationalité ou
à la religion.
Cette philosophie considère que l'être
humain, de par son appartenance à l'espèce humaine, dispose de
droits "inhérents à sa personne, inaliénables et
sacrés". Ces droits sont opposables en toutes circonstances à la
société et au pouvoir. Et selon le criminologue
Dostoïevski : «nous ne pouvons juger du degré de
civilisation d'une nation qu'en visitant ses prisons»
Tout individu reconnu alors en tant qu'être
humain est reconnu par les constitutions, les divers traités et
conventions internationales des différents pays afin qu'il soit
respecté par tous, y compris par l'Etat qui doit en être le
garant. Sur le plan international, il faudra attendre en 1948 à
l'initiative de René Cassin pour que soit adoptée la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme par
l'Organisation des Nations Unies. Il convient de noter que les droits
de l'homme s'appliquent aux gouvernements même si la tendance de nos
jours est que les acteurs non étatiques sont aussi concernés.
Les droits de l'homme occupent une place importante
dans la Charte des Nations Unies de 1945. L'Assemblée
générale de l'ONU adoptait la Déclaration universelle des
droits de l'homme qui stipule que la façon dont les Etats traitent leurs
citoyens est un sujet de préoccupation légitime qui doit
être soumise à des critères internationaux. C'est
dans ce même objectif que les Nations Unies ont élaboré
à Genève en 1955 l'Ensemble de règles minima pour le
traitement des détenus2 afin
d'établir les principes et les règles d'une
bonne organisation pénitentiaire et de la pratique du traitement des
détenus.
2 Adopté par le premier Congrès
des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des
délinquants, tenu à Genève en 1955 et approuvé par
le Conseil économique et social dans ses résolutions 663 C (XXIV)
du 31 juillet 1957 et 2076 (LXII) du
13 mai 1977
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Cette norme internationale, tout en reconnaissant
qu'elle ne peut pas s'appliquer systématique dans tous ses
aspects vu la diversité des conditions juridiques, sociales,
économiques et géographiques. Elle devrait néanmoins
servir de sorte de boussole tendant à son application si telle
qu'elle représente les conditions minima qui sont admises par
les Nations Unies.
Dans le cas spécifique du traitement des détenus
dans les pays en phase post conflit et particulièrement dans les prisons
de la République Démocratique du Congo on peut se poser la
question comment une société peut apprendre la norme sociale
à une partie de ses membres même en prison, alors que le droit ne
semble pas ou mal parfois s'appliquer à eux ?
Si la prison est un moyen pour la société de se
protéger, elle a aussi une mission éducative car elle est
le fait de l'aboutissement d'échecs de la famille, de
l'école, de la société elle-même. Au nom
donc de cette même nécessité de protection de la
société, il faut aussi se donner les moyens d'assurer
l'entretien et l'encadrement des détenus.
La prison doit punir, certes, mais aussi resocialiser.
C'est le sens qu'il faudra donner à la peine
exécutée dans un établissement pénitentiaire.
La vie carcérale a, pendant longtemps,
été dominée exclusivement par les
préoccupations de sécurité et par
l'idée que les conditions de détentions doivent
être nécessairement pénibles pour amener le condamné
au repentir qui ouvre la voie à l'amendement. Certes,
« le caractère pénible de la peine ne doit pas
disparaître, mais il ne doit pas prédominer jusqu'au point
de compromettre le but de réadaptation sociale qui est lui
aussi poursuivi ».3 . Platon4 avait
déjà depuis l'antiquité5 « mis en
garde contre la colère à l'égard des criminels
et demandait qu'on leur enseigne
3 G. Stefani et alii. , Criminologie et
science pénitentiaire, Paris, 5e édition DALLOZ, p.294
4 Philosophe grec (428- 348 av.
Jésus Christ), disciple de Socrate
5 Antiquité, période de
l'histoire occidentale qui commence avec la naissance du monde grec vers 2000
avant Jésus Christ., pendant l'âge du bronze, et s'achève
à la fin de l'Empire romain d'Occident en 476 après Jésus
Christ.
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surtout comment ne plus commettre d'infractions en
leur donnant l'instruction et la formation qui leur ont souvent fait
défaut »6.
A propos du sort du détenu, Alexandre de TOCQUEVILLE
disait « Peut-être ne sera-t-il pas, pendant sa
détention, devenu un honnête homme ; mais il aura contracté
des habitudes honnêtes ; peut-être, au fond de son âme, ne
sentira-t-il pas un grand respect pour les lois de la morale ; mais il se
montrera obéissant aux lois de la société ; et c'est tout
ce que la justice peut lui demander.»
Ainsi la peine doit aussi être « humainement
appliquée, car celui qui la subit est une personne humaine dont, quel
que soit la déchéance, il faut respecter la dignité
humaine. Le détenu qui est un homme doit mener, même en prison,
une vie physique et morale aussi normale que possible »7.
Les établissements pénitentiaires ne sont pas
certes, par leur nature des lieux où les libertés ordinaires
doivent s'épanouir, mais ils doivent nécessairement offrir
à leurs hôtes des conditions de vie décentes, le respect
total de leur droit lié à leur état et une alternative aux
comportements répréhensibles. Les établissements
pénitentiaires exercent une mission de service public en assurant
à la société une quiétude et une
tranquillité. Cela se traduit par une mise en quarantaine
d'individus ayant enfreint aux lois instaurées pour le
fonctionnement normal de ladite société. La mission de
l'institution pénitentiaire serait alors un échec si elle ne se
préoccupait pas du devenir de cette frange de la population.
Car les personnes détenues finiront par être
libérées et être soumises aux mêmes exigences de la
société, il convient alors que les mesures de leur privation de
liberté soient conformes aux instruments internationaux relatifs aux
droits de l'homme.
Le but de l'incarcération est avant tout la
protection du corps social contre les actes de délinquance.
Pour atteindre cette fin, il faudra agir de sorte que
l'incarcération n'affecte pas tous les droits, mais certains droits
particuliers qui sont entre autres : le droit à la
liberté, à la vie privée, la liberté de mouvement,
liberté d'association. C'est-
6 G. Stefani et alii. , Criminologie et
science pénitentiaire, Paris, 5e édition DALLOZ, p.300
7 G. Stefani et alii. , Criminologie et science
pénitentiaire, Paris, 5e édition DALLOZ, p.481
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à-dire donc, que les autres droits,
universellement reconnus à l'être humain, ne prennent pas
fin avec la détention. C'est le cas du droit à
la vie, au respect de son intégrité physique, à la
liberté d'opinion, le droit de religion, à l'application
équitable de la loi etc.
Il est donc de plus en plus admis que les détenus
conservent tous leurs droits à l'exception de ceux liés
à l'incarcération et à la bonne gestion des
établissements pénitentiaires.
Parler du respect des droits des détenus est un sujet
qui peut nourrir la polémique auprès de l'opinion
publique, très souvent, peu informée sur le milieu
pénitentiaire. Il faut nécessairement une exploration profonde
des réalités des conditions de détentions au Congo pour
être convaincu des conditions de détention précaires,
aggravées par la sous-alimentation, les problèmes de soins
médicaux, l'inadaptation des locaux de détention,
l'oisiveté des détenus, l'insuffisance et le
manque de professionnalisme du personnel pénitentiaire, le
pouvoir disciplinaire exercé par des détenus sur leurs
codétenus. Notre étude vise ainsi à jeter un
éclairage et proposer des pistes de solution aux maux qui minent les
Administrations Pénitentiaires dans les pays post-conflit,
singulièrement au Congo que nous avons porté le choix de notre
étude sur le thème « Du Respect des droits de
l'homme en prison dans les pays en reconstruction : Etude de cas de La
République Démocratique du Congo. »
Le choix de notre thème trouve sa justification dans
notre expérience professionnelle comme Inspecteur des
établissements pénitentiaires de notre pays et surtout en tant
que conseiller en matière pénitentiaire au sein du système
des Nations Unies successivement dans les pays post conflit que sont la
Côte d'Ivoire et la République Démocratique du
Congo qui est notre champ d'étude. L'intérêt qui
motive le choix de ce thème se fonde sur le fait que la prison
doit être utile aussi bien à la société
qu'aux détenus eux-mêmes. Si au contraire la
prison participe à un processus inéluctable de descente aux
abysses de la condition humaine, le criminel gardera une rancune envers ceux
qui l'ont privé d'un temps de vie. Et de fait, probablement, jamais il
n'effectuera le travail d'amendement que lui réclame pourtant la
société. Alors que « Le but et la justification des
peines et mesures privatives de liberté sont, en définitive, de
protéger la société contre le crime. Un tel but ne sera
atteint que si
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la période de privation de liberté est mise
à profit pour obtenir dans toute la mesure du possible que le
délinquant une fois libéré soit non seulement
désireux mais aussi capable de vivre en respectant la loi et de subvenir
à ses besoins. 8»
8 Premier Congrès des Nations
Unies pour la prévention du crime et le traitement des
délinquants réunit en 1955 à Genève
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I. Problème
La problématique du respect des droits de l'homme dans
les prisons de la République Démocratique du Congo.
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