§2. Les conditions d'entretien des personnes
incarcérées
Dans les situations de post-conflit comme celle qu'a connue la
RDC, le système pénitentiaire se caractérise par le
délabrement des locaux, l'absence de sécurité,
l'inadéquation de la législation, des carences diverses qui
déteignent d'une part, sur les conditions de détention (A) et
d'autre part, les conditions de vie (B) de l'ensemble de la population
carcérale en République Démocratique du Congo.
A - Les conditions de détention
Les locaux de détentions à quelques exceptions
près présentent la même physionomie sur l'ensemble du
territoire de la RDC. Les infrastructures pénitentiaires ont
été en partie détruites par les multiples guerres et
rebellions qu'a connue la RDC si bien que la distinction des lieux de
détention telle que préconisée par l'Ordonnance 344 n'est
que théorique. Si l'effort est fait dans la capitale Kinshasa et
certains chefs-lieux de province pour respecter la séparation des
quartiers par
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Mémoire de Master 2,
spécialité droit international et europeen des droits
fondamentaux Présenté et soutenu par Dabissi David LANKOANDE,
juillet 2015
catégorie à savoir le quartier des adultes, des
mineurs, des femmes, il n'en est pas de même pour les prisons de
district.
La vétusté et le manque d'entretien des prisons
militaires ont entrainé leur fermeture et le transfert des
détenus militaires vers les prisons civiles sur l'ensemble du
territoire. Il en résulte que la population pénale civile subie
la pression et le diktat des détenus militaires, car ceux-ci restent
généralement avec leur uniforme dans les lieux de
détention. A Kinshasa où la prison militaire de Ndolo est
fonctionnelle n'empêche pas que qu'un nombre important de détenus
militaires se retrouvent dans la grande prison civile de Makala.
Outre les militaires de l'armée
régulière, on trouve aussi dans les mêmes lieux de
détention les combattants des divers groupes armées comme le
Raï Mutomboki, les Maï-maï de la plaine du Ruzizi, le groupe
armé Shikito, les Yakutumba, les FDL etc.
Le manque de sécurité est le dénominateur
commun des lieux de détention en témoignent les multiples cas
d'évasion soit par le fait de la vétusté des locaux, soit
par les intrusions c'est-à-dire les attaques extérieures, les
prisons étant assez fréquemment la cible de groupe rebelles qui
pour libérer des membres détenus, qui pour s'emparer des armes et
munitions.
Dans les prisons de districts les mineurs sont détenus
dans les mêmes locaux que les détenus adultes contrairement aux
normes internationales en vigueur en RDC28 et à l'Ordonnance
344 portant Régime Pénitentiaire qui dispose que «Les
mineurs âgés de moins de 18 ans ne seront incarcérés
dans les prisons que s'il n'existe pas dans le ressort du tribunal de
première instance, d'Etablissement de Garde et d'Education de
l'État. À défaut d'existence d'un pareil
établissement, ils seront détenus dans un quartier
spécial.»
Quant aux femmes, en lieu et place de quartiers
séparés, il n'y a de séparation que les dortoirs,
partageant souvent avec les hommes la même cour intérieure.
Certaines d'entre elles sont en grossesses ou souvent accompagnées
d'enfant à bas âge quand bien même cela devait être
une exception.29 La séparation des femmes des
28 CDE, Art.37.c, Charte Africaine sur
les droits et Bien n'être de l'Enfant, Art.17.10 du Pacte international
relative aux droits Civils et Politiques.
29 Art.20 de la Charte africaine sur les
Droits et le bien-être de l'Enfant.
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Mémoire de Master 2, spécialité droit
international et europeen des droits fondamentaux Présenté et
soutenu par Dabissi David LANKOANDE, juillet 2015
hommes en de quartiers séparés comme
l'exige la norme internationale30, n'est pas
exprimée formellement, dans l'ordonnance 344 portant
Régime Pénitentiaire, qui préconise simplement en
son Art. 39 que « Les détenus sont en règle
générale, enfermés dans les locaux, destinés
à l'emprisonnement en commun. Les femmes sont séparées des
hommes. »
Les prisons sont logées dans leur ensemble en pleine
ville, entourées par des maisons à usage d'habitation,
sans clôture, les domaines pénitentiaires ont
été l'objet de spoliation, si bien qu'il n'y a de domaine
pénitentiaire que la superficie sur laquelle est bâtie la
détention. Dans de telles conditions, il n'y a ni cour de
promenade, ni aire de jeux, ni espace pouvant servir
d'activités socioéconomiques pouvant favoriser
la réinsertion sociale des détenus.
La surpopulation et l'oisiveté sont une
chronique situation malheureuse qui caractérise
l'ensemble des établissements pénitentiaires en RDC. Cette
surpopulation est souvent la cause indirecte de
désordre, d'agitation et même de mutinerie dans les
établissements pénitentiaires, toutes choses qui peuvent
déstabiliser le système carcéral avec des
conséquences négatives sur la discipline, le traitement des
détenus et surtout de la protection des droits fondamentaux de
l'homme.
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