DEUXIEME PARTIE
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Mémoire de Master II soutenu par : NGASSEU NOUPIE Elie
INTRODUCTION DE LA
DEUXIEME PARTIE
L'accroissement de la productivité agricole dans les
pays d'Afrique sub-saharienne, mal en point depuis plus de deux
décennies, constitue l'une des solutions indispensables pour surmonter
les problèmes de famine et de pauvreté. L'agriculture reste la
principale source et d'ailleurs, le fondement de revenus dans la plupart des
pays africains (IFRI, 2003). C'est pourquoi l'accroissement de la
productivité agricole permettrait non seulement d'augmenter la
production nationale, les revenus des ménages, et la
sécurité alimentaire, mais également et surtout de
substituer l'offre agricole nationale aux importations excessives des
denrées alimentaires, qui s'élevaient déjà à
plus de 480 milliards de CFA au Cameroun en 2010. Ceci
accélérerait la croissance et réduirait la
pauvreté. Cette partie est intitulée impact de
l'efficacité de la production sur la pauvreté au Cameroun. A cet
effet, il sera question d'aborder dans le premier chapitre les contours
théoriques de la productivité globale des facteurs et de la
pauvreté, et dans le second chapitre, nous procèderons à
une évaluation de l'incidence de la productivité globale des
facteurs sur la pauvreté au Cameroun.
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CHAPITRE 3 : PRODUCTIVITE GLOBALE DES FACTEURS
AGRICOLES ET PAUVRETE
Introduction
Au 21ème siècle, l'agriculture continue à
être un instrument fondamental pour le développement soutenable et
la réduction de la pauvreté (WDR, 2008). Le rapport de
développement du monde (2008) récapitule que le taux de
pauvreté (moins de 1$ par jour) dans les pays en voie de
développement a diminué de 28% en 1993 et de 22% en 2002.
Cependant, il reste 2.1 milliards de personnes vivant avec moins de 2$ par jour
et 880 millions avec moins de 1$ par jour, et la plupart d'entre eux
dépendent de l'agriculture pour vivre. La promotion de l'agriculture est
importante pour atteindre l'objectif du millénaire pour le
développement, de réduire de moitié la pauvreté et
la faim d'ici 2015. La productivité agricole est essentielle pour
stimuler la croissance agricole des pays en voie de développement et
précisément celle du Cameroun. La productivité agricole
peut contribuer au développement de beaucoup de manières : en
augmentant la production agricole, le revenu, et en réduisant la
pauvreté. Beaucoup d'études empiriques ont prouvé que la
productivité agricole peut de manière significative
réduire la pauvreté. Cependant, dans la plupart des
études, la productivité de la terre ou la productivité du
travail a été employée. Il est important de savoir que la
production agricole change quand tous les facteurs de production changent
ensemble. Dans notre recherche, nous employons la productivité globale
des facteurs pour étudier son impact sur la pauvreté.
L'objectif de ce chapitre est de présenter la
littérature du lien entre la productivité globale des facteurs et
la pauvreté dans le domaine agricole.
Ce chapitre est organisé comme suit : La section 1
passe brièvement en revue la littérature sur la
productivité globale des facteurs(PGF). Dans la section 2 nous parlerons
de la notion de pauvreté et du lien entre productivité et
réduction de la pauvreté.
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Section1 : Notion de productivité globale des
facteurs
En premier lieu, un regard très rapide sera
porté sur les origines théoriques et les limitations pratiques
concernant le concept de productivité des facteurs; ensuite les
méthodes de calcul seront présentées. On terminera par un
survol de la littérature récente.
1.1. Origines et critiques
La productivité globale des facteurs se base, sous sa
forme la plus élémentaire, sur les fondements conceptuels
derrière l'identité comptable du produit intérieur brut
(PIB). Introduite d'après Griliches (1995), par Copeland en 1937 dans
son ouvrage ½Concepts of National Income½, puis estimée
à l'appui d'une fonction de production de type Cobb-Douglas (avec des
pondérations fixes) par Tinbergen en 1942. Il a fallu attendre Solow
(1957) pour qu'elle soit théoriquement formalisée.
En effet, en partant d'une fonction de production
générale à rendements d'échelle constants, telle
que :
Qt = F (At, Kt, Lt) (1)
Qt = quantité produite à la période t
At = technologie à la période t
Kt = stock de capital à la période t
Lt = quantité de travail à la période t
En supposant également que la technologie est
exogène (neutre au sens de Hicks), L'équation (1) devient :
Qt = At F (Kt, Lt) (2)
Puis en la différenciant par rapport au logarithme, on
trouve :
Q (3)
Qt
A KKt Kt K FLt Lt L
= + +
At
Kt
Qt Qt Lt
Le taux de croissance de la production n'est rien d'autre que
la somme des taux de croissance des facteurs, pondérés par leurs
élasticités de production, et du taux décroissance de la
technologie. Cependant ces élasticités ne sont observables que si
l'on suppose que les facteurs sont rémunérés à leur
productivité marginale:
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rt
Pt
Wt
Pt
FKt = productivité marginale du capital =
FLt = productivité marginale du travail = Dans ce cas
l'équation (3) devient :
Q (4)
= A + K
SKt + SLt L
Qt
At Kt Lt
SKt = part du capital dans le revenu total SLt = part du
travail dans le revenu total
Ainsi le résidu de Solow ou le taux de croissance de la
PGF est donné par :
Rt =
Q Qt
-
K
Kt -
L Lt
SLt
SKt
(5)
La croissance de la production n'est pas expliquée par
l'accroissement des facteurs de production, à savoir, le
déplacement de la fonction de production pour un niveau donné
d'intrants. Cependant, il ne s'agit là que d'une approche
théorique. En réalité, lors des applications empiriques,
plusieurs sont les difficultés rencontrées et nombreuses sont les
critiques portées sur la méthodologie de calcul, les
hypothèses de base et l'interprétation des résultats.
L'une des principales critiques portées sur le calcul de la
productivité globale des facteurs repose sur « l'impureté
» de la mesure obtenue du progrès technique, ainsi Abramovitz
(1956) en faisant allusion à la PGF parle de « mesure de notre
ignorance' ». Les erreurs de mesure dans les séries du travail et
surtout dans celles du stock de capital physique, l'omission
d'éléments susceptibles d'influencer la qualité et la
productivité des facteurs tels que l'éducation, la nutrition, la
recherche et développement ont soulevé tout un ensemble de mises
en garde à l'égard de l'utilisation du résidu de Solow
pour étudier le rôle du progrès technologique dans le
processus de croissance.
Un des problèmes soulevés par Jorgenson et
Griliches (1967) est celui de l'agrégation des facteurs de production,
l'impossibilité de distinguer entre différents types ou
qualités de capital et de travail entraîne une surestimation du
progrès technologique dans le cas où les facteurs employés
deviennent de plus en plus performants (de meilleure qualité). Barro
(1998) montre également que des changements quantitatifs dans les types
de facteurs, par exemple une augmentation du travail industriel par rapport au
travail agricole, entraînent des variations
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dans les prix relatifs de ces facteurs et par
conséquent des différences dans les taux de participation de ces
derniers dans la production totale. Ainsi, la PGF calculée à
partir de l'équation (5) serait supérieure à celle qui
tiendrait compte des changements factoriels antérieurement
mentionnés.
De même l'hypothèse de rendements
d'échelle constants, de par son aspect peu réaliste, a
provoqué la remise en cause de l'approche de Solow. Cependant Hulten
(1973) remarque que cette hypothèse n'est ni restrictive ni
indispensable dans le calcul de la PGF. En effet, les rendements
d'échelle constants ne sont nécessaires que si l'on ne dispose
pas d'information suffisante pour obtenir le taux de rendement du
capital16. Ainsi, si le taux de rendement du capital est
calculé par une autre méthode (par exemple en employant une
méthode économétrique), le résidu peut être
dérivé sans imposer de restrictions sur les participations des
facteurs.
Une autre critique portée sur le calcul de la PGF vise
le lien existant entre la rémunération des facteurs et leur
productivité marginale. Hulten (2000) signale qu'en cas de concurrence
imparfaite, et donc avec des prix supérieurs aux coûts marginaux,
le calcul du progrès technique, par l'approche comptable classique, est
biaisé. Cependant pour Barro (1998) ce problème peut être
résolu de deux façons : soit en estimant
économétriquement l'équation (4), les coefficients obtenus
pour chaque taux de croissance des facteurs correspondraient directement aux
SKt et SLt, sans avoir besoin de supposer l'égalité entre prix
des facteurs et coûts marginaux; soit en employant l'approche duale de la
comptabilité de la croissance.
A cet effet, l'approche duale, introduite par Jorgenson et
Griliches (1967) explique l'évolution du progrès technique par
des changements dans les prix des facteurs, sans supposer de relation
prix-coûts marginaux. Ainsi en introduisant le prix des facteurs,
l'équation (4) devient :
r
rt
En réarrangeant les termes :
= SKt
Lt
L
Q
= SKt
Qt
w L (4')
+ SLt +
wt Lt
r K rt Kt
+
K Kt
- SKt
-SKt
Q Qt
+SLt
w wt
R't =
(5')
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16 Dans ce cas le taux de rendement du capital est
calculé de façon résiduelle = 1- rendement du travail.
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La PGF est donnée par l'accroissement du prix des
facteurs pondéré par la part de ces derniers dans le revenu
total. En d'autres termes, une augmentation du prix des facteurs n'est
réalisable que si la production s'accroît en utilisant la
même quantité d'inputs. Malgré les critiques et les
limitations, le concept de productivité globale des facteurs garde une
place importante dans l'analyse de la croissance de long terme. Dans la suite
nous allons nous intéresser plus en détail aux façons de
la calculer et aux limitations pratiques rencontrées.
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