Conclusion générale
La cuvette de Doungou est caractérisée par un
sol à texture argilo-limoneuse hydromorphe communément
appelé « Tabo », très riche en matières
organiques et en ressource en eau souterraine. La nappe phréatique ne
dépasse guère 10 mètres, ce qui constitue un endroit par
excellence de la production de la canne à sucre. Mais, ces
dernières années le changement climatique et ses corollaires
tendent à compromettre cette activité qui fait la
spécificité de la commune.
Le but de cette étude est d'analyser la perception du
changement climatique sur la culture de la canne à sucre ainsi que les
stratégies d'adaptation développées par les paysans, afin
de proposer d'autres plus efficaces pour réduire les effets
négatifs du changement climatique sur cette activité.
En effet, dans la Commune Rurale de Doungou, la culture de la
canne à sucre est pratiquée par des chefs de ménage dont
l'âge varie entre 25 et 70 ans. La taille du ménage est
généralement de 5 à plus de 21 membres. L'acquisition de
terre se fait à 70% par héritage et la main d'oeuvre agricole est
essentiellement familiale à hauteur de 85%.
Dans le terroir de notre étude, l'ensemble des
personnes enquêtés affirment que ces dernières
décennies, la saison des pluies s'installe en retard et quand elle
s'installe elle ne dure qu'au maximum trois (3) mois (juillet, août,
septembre) avec des quantités des pluies variables d'une année
à une autre.
Par ailleurs, 91,5% des exploitants perçoivent une
augmentation globale des températures actuelles comparées aux
années antérieures. Quant au régime des vents, les
exploitants affirment que c'est surtout en début de la saison des pluies
(période de montaison de la canne à sucre) et pendant la saison
sèche froide (période de maturation) que l'activité des
vents est plus violente et intense ces dernières années.
L'analyse cartographique de la dynamique de l'occupation des
sols montre que globalement toutes les unités d'occupation du sol ont
subi un changement entre périodes 1986 et 2015, mais la zone de la
production de la canne à sucre (Korama et cuvettes oasiennes) ont subi
une dynamique contraire. La Korama qui occupait 1191 hectares soit 6% de la
superficie globale en 1986, a perdu 392 hectares pour ne compter que 799
hectares en 2015, soit environ 4% de la superficie globale tandis que les
cuvettes oasiennes qui ne comptaient que 86 hectares en 1986 soit environ 0,5%
de la superficie globale ont plus que doublé leur superficie en 2015
pour atteindre 218 hectares, soit environ 1% de la superficie globale.
En effet, cela confirme la première hypothèse
à savoir « le changement climatique est réel dans la zone et
qu'il est perçu par la population à travers certains indicateurs
».
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L'analyse de la production annuelle en tonne de la canne
à sucre de 2004 à 2014 pour l'ensemble du Département de
Kantché, montre une baisse récurrente de la production de la
canne à sucre qui est beaucoup plus marquée au cours des
années 2005, 2010 et 2012. En effet, cette baisse de la production de la
canne à sucre est aussi constatée par 80% des exploitants.
Cependant, 56% de ces derniers attribuent d'abord cette baisse de production au
dérèglement de la saison des pluies. En effet, à la
montaison (mai, juin), période à laquelle la canne à sucre
a plus besoin d'eau, les précipitations se font rares conduisant du coup
un déficit hydrique à la plante. De plus, quand la pluie tombe,
elle prend fin généralement au cours du mois de septembre,
période par excellence de la maturité de la canne à sucre.
Cette perturbation du cycle végétatif de la canne à sucre
liée au dérèglement de la saison des pluies conduit
à la production de canne avec de petits entre-noeuds et moins
sucrée appelée « gounji » ou canne courte.
Ensuite, 20% des exploitants affirment que dans certains sites
notamment les bas-fonds, c'est surtout les grandes averses du mois d'août
qui submergent et dévastent les champs de canne à sucre. Cette
situation oblige les paysans à une récolte précoce
où à l'abandon total de leurs champs. Par contre, 12% des
exploitants associent cette baisse de production à une baisse des
précipitations observées ces dernières années. En
fin, 10% des exploitants attribuent la baisse de la production à la
forte chaleur surtout du mois de Mai et Juin qui crée un déficit
hydrique aux jeunes plants de la canne à sucre se trouvant surtout
à la périphérie des jardins, où l'humidité
du sol est très faible. C'est seulement 2% des exploitants qui disent
que la baisse de la production est liée aux vents violents de la saison
froide qui viennent déshydrater ou écraser la canne à
sucre en pleine maturité.
Cette analyse de la production de la canne à sucre
confirmée par les constats des exploitants permet de dire que la baisse
récurrente de la production de la canne à sucre est liée
aux variations de certaines variables climatiques. Ce qui confirme la
deuxième hypothèse à savoir « la baisse de la
production de la canne à sucre est liée aux variations des
certaines variables climatiques ».
Afin d'optimiser et maintenir la production à un niveau
satisfaisant dans un contexte de changement climatique, les producteurs locaux
ont développé diverses stratégies d'adaptation :
l'association des cultures, l'irrigation de complément, le remblayage,
la diguette et le buttage. Ces résultats confirment la troisième
hypothèse à savoir « les producteurs locaux
développent des stratégies d'adaptation pour faire face aux
effets néfastes du changement climatique sur la culture de la canne
à sucre ». La variation de la pluviométrie et de la
température ces dernières décennies a aussi
entrainé la disparition de trois (3) variétés
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de la canne à sucre : « Farar Kara »
ou canne de couleur blanchâtre, « Kara » ou canne
de couleur verte et « Va Tambu » qui est une canne de
même couleur que la canne violette mais dont le diamètre est
inférieure à celui de cette dernière. Aujourd'hui,
« Kantoma » ou canne violette demeure la seule espèce
cultivée dans la commune comme en témoignent 93,3% des
exploitants.
De nos jours, avec le changement climatique en cours, 79,7%
des exploitants ont compris la nécessité de remplacer la canne
à sucre (très exigeante en eau et à cycle long), par des
espèces à cycle court et qui s'adaptent mieux au contexte
climatique actuel. Ainsi, 62% d'exploitants affirment qu'ils ont
abandonné l'activité de la canne à sucre au profit de la
culture du poivron et 20% pour la pomme de terre. Cependant, 18% des
exploitants sont nostalgiques à cette activité car selon eux,
aucune plante ne peut remplacer la canne à sucre. Ces résultats
confirment la quatrième hypothèse à savoir « avec le
changement climatique en cours, certaines variétés de la canne
à sucre sont menacées de disparition et l'activité de la
canne à sucre tend à être abandonnée »
Cette étude qui a porté sur la perception du
changement climatique sur la culture de la canne à sucre dans la cuvette
de Doungou, présente sans nul doute des limites. Cependant, une
échelle plus grande qui prendra en compte plusieurs sites de production
permettra de faire une appréciation beaucoup plus globale de ce
phénomène. C'est pourquoi, nous proposons pour les recherches
futures d'élargir ce travail à l'échelle régionale
autour de la thématique suivante : « la canne à sucre face
au changement climatique dans la vallée de la Korama, région de
Zinder ».
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